mardi 20 décembre 2016

Bonnes fêtes !

Comme je l'avais dit en commentaire, avec les fêtes, c'est vraiment délicat de trouver le temps d'écrire, d'où une pause jusqu'au 4 janvier 2017 !

Pour l'anecdote, mon petit bonhomme de presque 1 an ne me facilite pas la tâche  : si je suis à l'ordinateur, il veut grimper sur mes genoux et taper sur mon clavier et si j'écris avec un crayon et du papier, il me vole mon crayon (voire mon papier). Ces dernières semaines, il me faut jusqu'à 5 crayons pour réussir à noircir quelques pages !

Je vous souhaite en avance un joyeux noël et je vous dis à l'année prochaine avec la suite de Orcéant et A travers les millénaires dont vous pouvez trouver l'épisode 17 ci-dessous !

J'espère par ailleurs en 2017 parvenir à publier en version papier Contes modernes et Cœur de fantôme.

A travers les millénaires - 17

— Tu crois vraiment que nous nous sommes connus dans une autre vie? demanda Hoshi.
— Oui, mon cœur, j'en suis sûr, répondit Waldo.
Il jugea plus simple de ne pas lui dire qu'il avait exceptionnellement déjà fait sa connaissance dans celle-là.
— Ce serait bien, soupira Hoshi.
— Tu ne penses pas que je sois fou ? Tu te souviens de quelque chose peut-être ?
Les espoirs de Waldo furent aussitôt réduits à néant.
— Non, pardon.
— Ce n'est pas grave. A part une unique fois, cela n'a jamais été le cas.
— Tu veux bien me raconter ?
— Il y en a pour des heures... commença Waldo, craignant que Hoshi ne cherche à gagner du temps et à ainsi repousser le moment d'en apprendre plus sur le sexe.
Puis, réalisant que qu'elles que soient les intentions de Hoshi, c'était une belle opportunité de partager avec lui tout ce qu'ils avaient vécu ensemble au cours des siècles, qu'il n'était pas obligé de rentrer dans les détails et que si jamais il éveillait chez lui des souvenirs, ce serait formidable, il se lança :
— Notre toute première rencontre remonte à la préhistoire, au début de l'humanité, j'étais un homme de néandertal et toi de cro-magnon.
— Je ne connais presque rien de l'histoire humaine, glissa Hoshi.
A l'enthousiasme dans sa voix, Waldo comprit que Hoshi était sincère dans son désir d'écouter leurs vies.
Il reprit son récit. Hoshi ne tarda pas à s'étonner que l'homosexualité soit si mal jugée. Pour les saturniens, avoir des rapports entre individus de même sexe n'avaient jamais posé le moindre problème. Ce n'était tout de même pas parce quelques membres d'une même espèce avaient des rapports sexuels ensemble que la société entière était vouée à disparaître !
— Très vrai. Cela ne fait de mal à personne, contrairement à la guerre...
Waldo poursuivit, Hoshi l'interrompant à plusieurs reprises, mais globalement peu. Ses remarques montraient son intérêt. Ce n'était pas comme quand il s'appelait Claude, juste pour se distraire de son ennui qu'il voulait connaître leur passé ensemble, mais à la différence de Vik, il n'y croyait pas vraiment.
Il voulut que Waldo lui répète le poème qu'il avait composé quand il s'appelait Jehan et à son tour le récita :
« Lié par le fil de la destinée,
De toute éternité,
Ils étaient voués à se croiser,
Seul l'oubli pouvait les séparer,
L'amour n'a qu'un visage,
Gravé dans le cœur,
A travers les âges... »
Waldo, à force de parler, se mit à avoir la gorge sèche, mais il continua.
Dans ce lit capsule, éclairé par une petite ampoule, ils semblaient comme hors du temps.

lundi 19 décembre 2016

Orcéant - 65

— Ne t'agite pas ainsi, lui intima Pierrick. Ton chapeau !
Byll se figea. Il avait un autre secret à protéger : la corne de Korel. Il ne comprenait pas pourquoi Rouge s'était ainsi exposé... Cela ne semblait guère sage pour le coup.
Jaro cependant ne paraissait nullement impressionné.
— Vous êtes un saltimbanque cracheur de feu ? s'enquit-il.
Rouge dut s'adresser à lui télépathiquement, car il eut un léger sursaut.
— Certaines personnes douées en magie sont capable de communiquer ainsi, cela ne prouve rien, déclara-t-il. Il vous en faudra passer par la procédure classique si vous souhaitez nous rejoindre.
— Pas de problème, assura le rouquin.
— Bien. Pour savoir si cela vaut la peine ou non d'apprendre vos secrets, j'ai une question pour vous et attention, car je saurais si vous mentez, inutile d'user de sorts pour me tromper, répondez avec sincérité et promptitude. Seriez vous prêts à tuer pour la liberté ?
Le front de Byll se mit à le brûler et il eut soudain de vomir alors qu'il avait trouvé délicieuse la soupe de légumes qui leur avait été servie. Il avait beau éprouver du ressentiment envers les humains qui avaient réduit en esclavage les siens, l'idée d'ôter la vie à l'un d'entre eux le rendait malade. N'était-ce pas dans un horrible bain de sang que s'était terminé l'ère de paix instaurée par les dragons ?
De la bouche d'Élissande jaillit un « oui » farouche, suivi par un « oui » déterminé de Pierrick qui précisa tout de même qu'il était en capable seulement s'il s'agissait de défendre la vie des personnes qui lui étaient chères.
— Je ne sais pas, répondit Rouge.
— Non, lâcha Byll en dernier.
— Aurons-nous des gens à supprimer si nous devenons membres du mouvement pour la Liberté ? demanda Élissande.
— C'était une question théorique, affirma Jaro. Mais cela pourrait se produire. De la résistance est à attendre de tous ses esclavagistes. Ils ne nous laisseront pas libérer leur main d'œuvre corvéables à merci sans réagir.
Byll se recroquevilla sur son siège, la corne de Korel pulsait comme si elle essayait de l'avertir de quelque chose. Il se sentait de plus en en plus mal et Rouge le remarqua.
— Viens, sortons un instant respirer un peu d'air frais, cela te fera du bien.
Le soulevant par le coude, il l'aida à se mettre debout et le soutint jusqu'à la porte.
Byll traversa la salle de l'auberge comme dans du brouillard : planches, poutres, tables et chaises en bois, murs noircis par la fumée de la cheminée, tout cela se fondait en une seule et même masse brunâtre. Les rires et les bavardages semblaient provenir d'ailleurs.

vendredi 16 décembre 2016

A travers les millénaires - 16

Hoshi était à priori parti pour réciter toutes les informations connues sur les saturniens par les humains depuis qu'ils avaient fait leur connaissance quelques siècles plus tôt. Il en savait plus long que lui sur les mœurs saturniennes et il aurait pu lui raconter n'importe quoi, mais il ne faisait aucun doute que Hoshi débitait une leçon apprise de façon méthodique.
Même si son exposé était quelques peu ennuyeux, c'était un plaisir de l'écouter.
Quand il se tut enfin, Waldo ne put s'empêcher lui signaler qu'il y avait un sujet qu'il n'avait pas abordé : les relations sexuelles.
Il était impossible de lire d'émotions sur les traits d'un saturnien, mais le son altéré de sa voix trahi sa gêne.
— Je n'aurais pas besoin d'en avoir.
— Il n'y a pas que les humains qui se marient.
— Mais c'est la guerre.
— Le monde continue à tourner et a besoin de bébés avec tous ses morts.
— Je connais la théorie.
— Oui, c'est le problème. Tout ton savoir repose là-dessus. Il te manque le vécu et l'expérience.
— Ce n'est pas comme s'il y avait une saturnienne ici pour que je pratique, murmura Hoshi.
— Pas indispensable, répliqua Waldo en faisant coulisser la paroi qui masquait le lit de Hoshi. Avec un peu de chance, il ne devait pas y avoir de caméras. Il s'allongea et constata avec soulagement qu'il n'y en avait pas. Ils avaient eu la décence de laisser un peu d'intimité à leur cobaye.
Hoshi se leva et s'approcha sans entrer. Waldo l'invita d'un signe de main à le rejoindre et l'encouragea d'un sourire. Il ne voulait pas l'obliger à quoi que ce soit. Lui montrer comment avoir un rapport sexuel n'était qu'un prétexte. Il n'était pas sûr de savoir lui-même comme s'y prendre avec ce saturnien plus vrai que nature.
Hoshi resta à le fixer à ce qui parut une éternité à Waldo, puis il se glissa à ses côtés et referma derrière lui.
— Que dois-je faire ?
Du temps où il s'appelait Titus, il aurait pu ordonner à Ewen qui était son esclave de coucher avec lui, mais il ne l'avait pas fait, parce que si c'était par obéissance, cela ne l'intéressait pas, mais rien alors ne pressait... Hoshi était conditionné pour obéir, mais il ne voulait pas non plus en profiter.
— Qu'as-tu envie de faire ? répliqua Waldo.
— Encore une étrange demande... chuchota Hoshi.
Ils se touchaient presque dans cet couche étroite, étendus chacun de côté, tourné l'un vers l'autre. Waldo aurait pu l'embrasser sans peine, comme il avait manqué de le faire après l'avoir sorti de sa cellule. Mais il désirait laisser l'initiative à Hoshi.

jeudi 15 décembre 2016

Orcéant - 64

CHAPITRE 15
Byll était soulagé que Pierrick sache désormais qu'il n'était pas Korel et content que leur quête puisse enfin reprendre. Qu'il puisse y participer activement en étant dans le corps du licornéen était une belle consolation à ne pas avoir encore récupéré le sien.
Ils étaient attablés depuis peu devant des boissons commandées par Pierick et discutaient entre eux pour savoir qui aborder en premier quand un homme noir entra et ne tarda pas à se diriger vers eux.
— Bonjour, je m'appelle Jaro. J'ai eu le plaisir d'échanger quelques mots avec votre ami orcéant.
Le rouquin se leva aussitôt, la main au pommeau de son épée.
— Vous n'avez pas intérêt à lui avoir fait quoi que ce soit.
— Bien sûr que non. Je suis en faveur de la liberté pour tous et vous aussi. Du moins, c'est c'est ce que votre ami a affirmé après que je l'ai
aidé à se débarrasser du garnement qui l'embêtait.
Pierrick se rassit.
— Pouvons-nous vous offrir quelque chose à boire ou à manger ?
— Ce ne serait pas de refus.
Byll se poussa pour faire une place à l'homme qui s'installa à leur table tandis que Pierrick faisait signe à une serveuse licornéenne de venir.
Jaro continua :
— J'appartiens au mouvement pour la liberté. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux membres, mais nous ne prenons pas non plus n'importe qui. Il y a un test à passer. Un de nos membres, un licornéen qui possède encore sa corne, a la capacité d'apprendre vos secrets et de s'assurer ainsi que vous ne trahirez pas le mouvement quoiqu'il arrive.
— Étrange procédé, grommela Élissande.
Byll partageait le même avis que la jeune fille. Toute le monde n'aurait-il pas dû être le bienvenu ?
— Oui, mais plus fiable et plus durable qu'un sort de vérité pour s'assurer de la sincérité de ceux qui souhaitent rejoindre le mouvement. Nous ne voulons pas de traîtres ou d'espions dans nos rangs.
— Et les gens qui n'ont pas de secrets ? demanda Byll.
Il n'en avait pas, pas vraiment, si ce n'est un qui ne lui appartenait pas, à savoir que Rouge était un dragon.
— Je ne connais personne qui n'a pas au moins un truc ou deux qu'il aimerait garder pour lui, répondit Jaro.
— Il n'est pas nécessaire de nous faire rencontrer ce licornéen, intervint Rouge avant de laisse une flammèche s'échapper de sa bouche.
Byll vérifia en hâte autour d'eux si quelqu'un d'autre l'avait vu faire, mais non, les gens parlaient, buvaient et mangeaient...

mercredi 7 décembre 2016

Prochain épisode : 15 décembre

Micro-pause ! Désolée. J'espérais réussir à me débrouiller pour mettre un épisode en ligne aujourd'hui, mais le temps file trop vite...

Mise à jour du 11 décembre : j'ai la gastro, toute la famille l'a attrapé... Résultat, obligée de décaler la mise en ligne des épisodes au moins au 15 décembre. Désolée.

mardi 6 décembre 2016

A travers les millénaires - 15

La réunion terminée, Waldo ne put retourner immédiatement auprès de Hoshi comme il l'aurait souhaité. Il était supposé attendre d'être introduit auprès de lui par le canal officiel, une absurdité dont il se serait bien passé. Il essaya de négocier qu'il en soit autrement, mais le général l'informa qu'il devait de toute façon d'abord prendre connaissance du fichier qui allait lui être transmis sur Hoshi, le sujet 017. Waldo ne prit pas le risque d'insister de peur qu'on lui retire la mission.
Sur le chemin de sa chambrette, il se mit à réfléchir au calme à comment utiliser au mieux le court délai qui lui était imparti pour conquérir Hoshi ou du moins, de profiter de sa présence jusqu'à la dernière goutte. Déjà, il échafaudait dans sa tête des justifications pour retarder l'échéance du largage des deux espions. Une fois devant son ordinateur, il consulta le fameux fichier qui lui avait été envoyé et ce qu'il lut l'horrifia plus qu'autre chose. Le pauvre Hoshi n'avait jamais rien connu d'autre que le laboratoire de la base militaire. 
Encore un peu et on allait autoriser le clonage afin d'avoir de la chair à canon à envoyer face aux extraterrestres. Peut-être même était-ce déjà le cas et Waldo n'avait pas été mis au parfum, comme pour le charcutage d'êtres humains afin de fabriquer des saturniens plus vrais que nature. 

Enfin, il fut appelé dans l'aile de l'infirmerie, dans le quartier des malades. Il pénétra dans une pièce semblable à son propre logement : une table avec casier à ordinateur et chaises intégrés, un placard à panneau coulissant pour ranger des combinaisons et un contenant un couchage, tiroirs à ration, une cabine de douche entièrement carrelée et une pour les toilettes. 
Les présentations furent rapidement faîtes. Hoshi devait suivre les instructions de l'officier Waldo pendant cette dernière phase de préparation avant l'infiltration. 
La porte se referma ensuite sur eux, les laissant seuls, du moins en apparence, car Waldo avait repéré des mini-caméras dans les coins, au plafond.
— Installons-nous, offrit Waldo.
Hoshi s'assit d'une démarche raide on ne peut plus saturnienne. 
Waldo opta pour la place juste en face. Il ne pouvait écarter la possibilité qu'il y ait des micros puisque Hoshi était sous étroite surveillance. Il était après tout le fruit précieux de longues années d'opérations et de bourrage de crâne. Waldo n'arrivait pas à savoir lequel de ces deux éléments était le plus triste.
La prudence exigeait qu'il évite de parler de réincarnation, excepté que leurs heures ensemble étaient comptées.
Il transigea. Tout à son choc de retrouver son âme-sœur qu'il n'avait jamais pensé revoir dans cette vie, il avait pris les choses dans le désordre.
— Commence par me dire tout ce que tu sais des saturniens, toi qui es sensé en être un.  
Cette demande lui permettrait d'en apprendre plus sur lui, tout en s'occupant de le préparer. 
Hoshi qui ne paraissait nullement troublé d'être en face de celui qui lui avait proféré son amour et caressé la joue un peu plus tôt se mit à débiter d'un ton monocorde tout ses ses connaissances sur les saturniens : leur biologie, leur alimentation, leur religion, leurs habitations, leur armement, leur histoire, leur us et coutumes... Il était intarissable.

lundi 5 décembre 2016

Orcéant - 63

Perdu dans ses pensées, Korel ne vit pas la pierre que lui lançait l'enfant. Il la reçut dans le ventre et évita de justesse la seconde.
— Stop ! cria-t-il, mais le gamin poursuivit ses lancers.
Comparé à lui, il n'était guère plus gros qu'un moustique, mais ses projectiles faisaient assurément plus mal que des piqûres d'insecte. Korel était plus fort que lui, il aurait pu sans peine l'attraper par le col de sa chemise, le soulever et le secouer comme un prunier, excepté qu'il était un orcéant supposément sous l'emprise de la magie et pas en mesure de faire du mal à un humain. S'il donnait une leçon au gosse, le prix à payer serait élevé, sa vie peut-être, des coups probablement et surtout des ennuis pour tout le groupe entier.
L'enfant continuait et ne ratait pas souvent sa cible quand un homme à la peau noire ramassa un caillou et le jeta dans le dos du gamin qui poussa un cri, se retourna et menaça son attaquant de représailles des gardes qui assuraient la sécurité de la ville.
— Manger de ta propre cuisine est bon pour toi et ce sera ta parole contre la mienne.
— J'ai bien le droit de m'amuser, ce n'est qu'un orcéant, s'offusqua le gamin.
— Ce n'est pas une raison pour l'embêter. Tu dois être du genre à arracher les ailes des papillons et piétiner les fourmis, toi.
— Non, je touche pas aux premiers, ils sont trop beaux, mais je vois pas pourquoi, je n'écraserai pas les cafards et autres trucs dégueulasses !
— Je débattrai avec toi de la beauté et valeur de toutes les créatures vivantes une autre fois, j'ai d'autres projets pour la soirée. A présent, file, dit l'homme en se penchant pour reprendre un caillou par terre.
L'enfant dut comprendre qu'il n'aurait pas le dessus.
— Sale face de rat ! l'insulta-t-il avant de tourner les talons.
— Les papillons ne sont jamais que des chenilles ayant mué, et si la blancheur était signe de propreté et de supériorité, cela se saurait, lança l'homme dans son dos.
Le gamin n'avait même pas eu le dernier mot.
— Merci de m'avoir défendu, déclara Korel.
L'homme qui était sur le point d'entrer dans l'auberge s'immobilisa :
— C'était un plaisir. Un jour, vous serez libres, c'est une promesse.
Korel jubila à ses mots. Il s'empressa de lui décrire ses amis dans l'auberge qui s'étaient jurés la même chose.
Le noir demanda à voir son poignet, constata qu'il était dépourvu de numéro et déclara :
— Je les inviterai donc à rejoindre le mouvement de la Liberté. Plus nombreux nous seront mieux cela vaudra.
Et, après une dernière salutation, il s'engouffra à l'intérieur du bâtiment.

vendredi 2 décembre 2016

A travers les millénaires - 14

Bien que l'intervention de l'officier lui ait permis de comprendre quelque chose de capital sur Hoshi, elle n'en était pas moins importune. Waldo faillit rétorquer qu'il testait une nouvelle méthode, mais de peur que Hoshi ne l'interprète mal et s'imagine qu'il avait inventé cette histoire de vies antérieures juste dans le but de le faire parler, il se contenta de proférer de plates excuses.
L'officier fit un pas vers Hoshi dans le but de lui faire réintégrer d'urgence sa cellule. A son air menaçant, il était évident qu'il ne devait pas connaître la vraie nature du saturnien. Comme il était hors de question qu'il le brusque, Waldo intervint :
— Je m'en charge.
L'autre bougonna et attendit que Waldo procède.
Hoshi se laissa docilement renfermer avec son camarade, Waldo lui soufflant dans un murmure presque inaudible « à plus tard, mon cœur. »
Au moins, il n'avait plus à craindre que Hoshi ne soit torturé, du moins, pas par les humains, car les saturniens, eux, n'hésiteraient pas s'ils découvraient qu'il n'était pas l'un des leurs en dépit des apparences trompeuses.
 

La réunion qui suivit confirma ce que Waldo avait découvert par lui-même. Basile fut quelque peu déçu que son ami se soit finalement aperçu de la supercherie. Waldo expliqua ce qui lui avait permis de comprendre. Le général qui présidait la réunion consigna cet élément afin de veiller à ce que les deux espions ne commettent plus cette erreur. Waldo se contint de justesse de crier qu'il fallait surtout abandonner cette mission trop dangereuse pour les deux malheureux qui avaient été transformés, mais c'était impossible. Dans le document mis à leur disposition, il était écrit noir sur blanc que pour parvenir à ce résultat, il avait fallu plus de douze ans d'expérimentation.
Depuis leur tendre enfance Hoshi et son camarade avaient subi des dizaines et dizaines d'opérations. Les séances de torture de Hoshi avaient en quelque sorte déjà eu lieu. Vu l'âge où les opérations avaient débuté, ils ne pouvaient s'être portés volontaires, ils avaient été purement et simplement réduits à l'état de cobayes et embrigadés. D'un point de vue de moral, c'était plus que tendancieux, mais il était trop tard pour s'indigner : le mal était fait. La guerre qui durait depuis près de vingt ans ne tournait pas à l'avantage des humains, d'où ses mesures désespérées.
Dans trois petits jours, Hoshi et son camarade seraient largués sur Saturne pour y récolter des informations. A eux de se débrouiller pour ensuite les transmettre sans mettre en danger leur couverture. C'était de la folie pure.
Waldo n'avait donc que trois jours avec Hoshi avant que ce dernier ne passe à l'ennemi et que leurs chances de se revoir soient quasi-nulles. Il se porta volontaire pour aider Hoshi à se préparer au rôle délicat qui l'attendait. Le général valida sa candidature, car il avait été l'un des rares à réaliser qu'il était en présence de faux saturniens.

jeudi 1 décembre 2016

Orcéant - 62

Le rouquin appela Rouge, Byll et  Élissande pour leur faire part de son idée pour dégoter des alliés sans l'aide de la magie licornéenne puisque ils ne pouvaient s'en servir jusqu'à la prochaine lune.
Pour une fois, tous approuvèrent et personne ne commenta le fait que quelques instants plus tôt, Pierrick avait parlé de tout laisser tomber.
— Tout va bien entre vous ? demanda la jeune fille.
— Je crois, oui, répondit Pierrick avec un sourire.
Pour Korel, il demeurait un problème : le rouquin n'avait pas encore cessé de le considérer comme son serviteur. Il ressentait par ailleurs une nervosité certaine à la perspective de s'unir avec lui. Il savait qu'il n'y perdrait plus sa corne, mais tout de même...
Ils reprirent la route, Pierrick maintenant sa monture à faible allure afin de rester à côté de lui qui marchait à grandes enjambées. La conversation n'était pas très animée, mais entre eux, c'était naturel et confortable. Élissande, Rouge et Byll suivaient derrière.
Ils eurent la chance de parvenir à une grande ville en fin d'après-midi.
Après avoir récolté des renseignements sur les auberges qu'elle renfermait, à sa méthode simple et directe, Pierrick en choisit une qui n'était pas des plus réputées. D'après lui, c'était là qu'il était plus probable de croiser des gens mécontents de l'ordre en place.
— Il doit y en avoir dans toutes les couches de la société, objecta Élissande qui n'aurait rien eu contre à priori profiter du confort d'un établissement mieux côté.
— C'est vrai, approuva Rouge. Mais de toute façon, il faut bien commençer quelque part, ajouta-t-il avec sa diplomatie coutumière.
Korel fut obligé de demeurer hors de l'auberge avec les chevaux. Il prit alors conscience que les orcéants étaient encore moins bien lotis que les licornéens. Ils n'étaient certes pas mutilés, mais être rabaissé au rang de vulgaire animal n'avait rien d'enviable.
Ses camarades avaient discuté du plan avec lui, mais c'était eux qui allaient se charger de tout pendant qu'il demeurait là à prendre racine. Certes, il protégeait les chevaux d'éventuels voleurs, mais vraiment il était pénible d'être ainsi tenu à l'écart.
Il était prompt à accuser Pierrick de faire peu de cas des orcéants, mais lui-même n'avait eu aucune considération pour Byll quand il avait donné son accord à la vieille licornéene pour le transfert d'âmes. Il ne pouvait d'ailleurs pas mettre tout le dos de cette dernière, se réfugiant derrière le fait qu'elle avait pu l'influencer. Il était trop facile de critiquer les autres et d'être aveugle à ses propres fautes, de croire avoir raison ou pire de justifier à soi-même ce qui ne pouvait l'être.
Il faudrait qu'il présente de nouvelles excuses à l'orcéant et qu'il se montre désormais moins sévère vis-à-vis de Pierrick. C'est à peine si le rouquin lui avait adressé un reproche malgré tous ses mensonges.

mercredi 30 novembre 2016

Orcéant - 61

— C'est une bonne nouvelle, dit Korel posément alors qu'au fond de lui, il bondissait de joie.
— Et toi, que ressens-tu pour moi ?
Pierrick, devant son approbation, avait repris de l'assurance. Le licornéen hésita. Une fois qu'il aurait avoué son amour, il n'y aurait plus de retour arrière possible.
Il biaisa :
— Vous pourriez trouver un ou une partenaire plus adaptée que moi. Élissande, par exemple.
— Je n'en veux pas d'autre. Réponds-moi plus tôt.
— Oui.
— Oui, quoi ?
— Je vous aime aussi, murmura Korel.
Pierrick lui adressa un sourire aussi éblouissant que le soleil au zénith en été, puis se rembrunit.
— Cela ne va pas être coton de faire l'amour avec toi sous cette forme. Enfin, je saurais faire preuve d'inventivité. A moins qu'il n'existe un sort d'agrandissement ou de rétrécissement ou que sais-je encore...
Avant qu'il n'ait de drôles d'idées ou essaie quoi que ce soit, Korel, afin de préserver le corps de Byll, choisit de lui révéler qu'il avait menti.
— Ce ne sera pas nécessaire... commença-t-il.
— Pourquoi, tu ne veux pas que nous consommions notre amour que je regrette d'ailleurs de ne pas t'avoir confessé plus tôt ou que ce ne soit pas toi qui l'aies fait...
La voix lointaine de Élissande les interrompit :
— Vous en avez encore pour longtemps ?
— Le temps qu'il faudra ! jeta Pierrick en retour.
— Je ne me suis rendu compte que récemment que j'étais plus qu'attaché à vous. En fait, je connaissais vos sentiments sans croire à leur profondeur.
Maintenant, il pouvait tout lui dire... ou presque.
Il continua :
— Je ne voulais pas perdre ma corne, mais grâce à la licornéenne qu'a épousé maître Frédérick, je sais désormais que je la garderai, même si nous nous unissons.
— Tu n'en as plus de toute façon, glissa Pierrick.
— Seulement, jusqu'à la prochaine lune. Le transfert d'âme ne durera que jusque là. Pardon d'avoir menti. C'est vrai que je ne déteste pas pas la force des orcéants, mais j'aime être un licornéen et Byll a hâte de retourner dans son corps.
— Eh bien, tu peux te vanter de m'avoir fait passer par tout un tas d'émotions. Je ne sais plus si je dois être content, furieux ou triste, répondit Pierrick avant de lui déposer un rapide baiser sur le genou.
Korel posa en douceur la main dessus. Lui aussi était dans tous ses états. Une relation nouvelle débutait avec Pierrick...

mardi 29 novembre 2016

Orcéant - 60

— Avant que nous annoncions aux autres la nouvelle, il y a autre chose dont nous devons parler.
Korel retint son souffle, cherchant en vain dans sa nervosité sa tresse sur son épaule pour la tirer.
Pierrick continua :
— Il ne t'a pas échappé que j'étais fâché avec toi ou plutôt avec Byll, n'est-ce pas ?
— Je l'ai remarqué, oui.
— Et tu te rappelles aussi sûrement quand j'ai exposé Rouge...
Pierrick toujours si franc et si direct était en train de tourner autour du pot. C'était nouveau. Si les rôles avaient été inversés, que c'était Korel qui avait été en train de parler, Pierrick se serait impatienté.
— En effet, oui.
— Et il y a aussi eu notre conversation  après que Élissande soit partie brusquement...
Korel confirma d'un hochement de tête. Il commençait à avoir l'impression que Pierrick s'était perdu quelque part en chemin. Ce n'était peut-être pas gentil de sa part de le laisser s'embourber ainsi.
— Deux êtres du même sexe qui s'aiment, qu'elle soit ou non de la même espèce, cela ne te gêne pas, hein ?
— Du moment que c'est profondément, non.
— Alors, dans mon cas... A ton égard...
Korel n'avait jamais vu Pierrick aussi embarrassé, pas même quand il s'était mis nu devant eux pour que Élissande puisse se servir de lui comme modèle pour donner une apparence humaine au dragon.
Il se décida à l'aider pour accélérer les choses :
— Oui, je sais que vous éprouvez de l'attirance pour moi. Enfin, du moins quand j'étais un licornéen.
— Tu étais certes un vrai régal pour les yeux, mais à t'entendre, je te désirais et c'est tout. Je t'aime, bon sang !
— Même en orcéant ?
— Évidemment, comment peux-tu ne serait-ce qu'en douter ?!
Le cœur de Korel se mit à battre à tout rompre. Il le croyait. Sa voix, son corps entier, vibrait d'une authentique indignation.
— Peut-être parce que vous ne cessez de dénigrer leur crâne lisse comme un œuf, leurs deux grosses dents dépassant de leur bouche, leur taille démesurée et jusqu'à la couleur bleue glacée de leur peau.
— Je pense toujours qu'ils sont laids comme des pous, mais puisqu'il s'agit de toi, je peux bien faire une exception !
Il était sincère et Korel en éprouvait un tel bonheur qu'il comprit combien il avait espéré que l'amour de Pierrick soit vrai.
Oh, bien sûr, le rouquin était pétri de défauts – impatient, indélicat, autoritaire – mais il avait du cœur, autrement, il n'aurait pas été là, au beau milieu de nulle part à la recherche de personnes voulant changer le monde pour qu'il soit meilleur et plus juste pour tous les êtres qu'il abritait.

lundi 28 novembre 2016

Orcéant - 59

— Tu es vraiment certain que c'est ce que tu veux, passer le restant de tes jours dans ce corps d'orcéant qui n'est pas le tien ? demanda Pierrick.
— Oui, assura Korek sans hésiter.
Il enchaînait mensonge sur mensonge. La vérité sur le transfert d'âmes ayant éclaté, il y avait vu une dernière chance de savoir si Pierrick ne l'aimait que pour son apparence ou pas et hélas, cela semblait bien être le cas.
Il finirait par comprendre que Korel avait menti, mais cela n'avait aucune importance, car le licornéen saurait à quoi s'en tenir sur son amour de pacotille.
— Donc si j'exige que nous nous débrouillions pour que les choses reviennent comme avant, tu refuseras ?
Korel se sentit piégé. D'une certaine façon, en changeant de corps, il avait quitté son état de serviteur, mais en tant qu'orcéant, Pierrick pouvait facilement le mettre en esclavage. Dans tous les cas, lui désobéir n'était normalement pas une option. Il ne l'avait jamais fait. Tout au plus, il essayait de montrer à Pierrick une autre voie quand celle choisit par ce dernier lui semblait mauvaise...
— Qui ne dit mot, consent, trancha Pierrick. Assieds-toi donc, qu'on soit à la même hauteur, ajouta-t-il.
Korel s'exécuta sans tarder : il avait mal au cou et au dos à force d'être penché sur lui.
— Bon, maintenant que ça, c'est réglé, venons en au problème qui en découle. Si nous tournons quasiment en rond depuis des jours et des jours, c'est parce que Byll ne parvient pas à utiliser les pouvoirs de ta corne, n'est-ce pas ?
La culpabilité submergea Korel. Avec son désir égoïste de tester les sentiments de Pierrick, il avait enrayé leur quête de libération des espèces. Il en était tout sauf fier. Que Pierrick abandonne si vite l'affaire de sa nouvelle apparence pour y revenir était d'autant plus admirable et surprenant.
— Je m'efforce de lui apprendre, mais sans trop de succès pour le moment. C'est d'instinct que je m'en suis toujours servi.
— Si au bout du compte, il s'en révèle incapable, nous devrons nous débrouiller pour dénicher des alliés d'une autre manière. En ville, dans les auberges, il doit y avoir des moyens de délier des langues et d'apprendre s'il existe des gens qui veulent, comme nous, que les espèces d'Erret soient libres. Nous ne devons pas être les seuls à nous insurger de la façon déplorable dont certaines espèces sont traitées.
Pierrick lui tapota le genou et Korel en éprouva un mystérieux réconfort.
— Oui, balbutia-t-il.
Pierrick n'abandonnait finalement pas alors même que le licornéen était dans la peau d'un autre, un être qu'il considérait laid. Peut-être que Korel l'avait jugé trop hâtivement. Après tout, lui-même n'aurait-il pas été contrarié si Pierrick s'était mué en orcéant ? N'aurait-il pas insisté pour qu'il redevienne lui-même, celui qu'il connaissait depuis toujours ? La réponse était oui.
— Je ne sais plus où nous sommes avec tous ses tours et détours, mais en suivant la route, nous ne manquerons pas de tomber sur une.
Korel acquiesça. Il brûlait de l'interroger de savoir si vraiment cela ne changeait rien pour Pierrick qu'il soit un orcéant, s'il l'aimait toujours, mais il n'osait pas. Son désir de poursuivre leur quête était une sorte de confirmation, mais insuffisante.

vendredi 25 novembre 2016

Orcéant - 58

— Puis-je savoir pourquoi je suis le dernier à l'apprendre ?! s'indigna Pierrick.
— Oh, ça va, hein, pas la peine de monter sur tes grands chevaux ! Moi aussi, Rouge et Byll ont mis le temps avant de me donner des explications, répliqua Élissande.
Pierrick se rappela sa joie à son retour au camp après son coup d'éclat, cinq jours plus tôt.
— J'aurais bien voulu en parler dès le début, mais quelque chose de plus fort que moi me retenait de le faire, déclara Byll par la bouche du licornéen.
Pierrick déduisit de lui-même qu'il avait dû être victime d'un blocage magique.
— Je me suis rendu compte tout seul du transfert qui avait eu lieu, précisa Rouge.
C'était comme si le dragon sous-entendait qu'il aurait dû être capable de la même chose, mais plutôt que de s'en agacer, Pierrick leva la tête vers Korel qui occupait le corps de l'orcéant, le seul qui ne s'était pas encore justifié.
C'était si étrange que son bien-aimé soit à l'intérieur de ce vilain échalas. Il comprenait enfin pourquoi il lui avait rappelé Korel et pourquoi à l'inverse, il avait cru être face à licornéen inconnu.
— Et toi, qu'as-tu à dire pour ta défense ? demanda-t-il comme Korel demeurait silencieux.
— J'avais peur de votre réaction.
Pierrick ne sut comme l'interpréter. Évidemment que cela ne le réjouissait pas que son bien-aimé soit devenu un orcéant...
— C'est temporaire, n'est-ce pas ?
— Non, c'est définitif ! Et ça me convient très bien, comme cela, j'aime mon nouveau corps, affirma Korel avec véhémence.
— Nous allons vous laisser discuter calmement en tête-à-tête, annonça Rouge en faisant signe à  Élissande et Byll de le suivre.
Le second obtempéra sur le champ, la jeune fille s'attarda un instant :
— Si vous étiez honnêtes l'un envers l'autre, nous n'en serions pas là.
— C'est ça, maintenant, ouste, grommela Pierrick.
Puis, se tournant vers Korel qui le dominait de toute sa taille d'orcéant, il s'exclama :
— Tu ne peux décemment pas vouloir rester comme ça toute ta vie ! Nous allons trouver une solution pour que tout rentre dans l'ordre.
— Cela me plaît d'être musclé et d'admirer les cimes des arbres, s'entêta Korel.
Il ne pouvait être sérieux.
— Et qu'en pense Byll ?
— Il apprécie d'être enfin beau.
Ça Pierrick voulait bien le croire... Il avait cependant peine à accepter que son bien-aimé puisse demeurer sous cette forme disgracieuse. Cela ne changeait toutefois rien à l'amour qu'il lui portait. Troll, gobelin, orcéant, humain ou licornéen, il l'aimait.

jeudi 24 novembre 2016

Orcéant - 57

A l'aube du treizième jour de voyage sans interruption, Pierrick décida que trop, c'était trop.
A quoi bon continuer à sillonner Erret de la sorte sans faire le moindre progrès, juste pour voir celui qu'il aimait sourire à une copie agrandie de lui-même ?
Venant se planter devant Korel qui était tout juste réveillé, il l'interpella:
— Combien de temps encore tu vas nous balader ?!
— Je suis désolé, répondit le licornéen.
— Tu ne me feras pas croire que nous n'avons pas croisé au moins un ou deux alliés potentiels en chemin !
Korel s'excusa une fois de plus. Rouge se précipita prêt à le défendre tel un preux chevalier, ce qui ne fit qu'exciter davantage la colère de Pierrick.
— Toi, tu restes en dehors de cela !
— Cela ne sert à rien de le houspiller, intervint  Élissande à la place du dragon.
— Oui, tu as raison, ce n'est pas la peine, car je renonce à cette folle quête de libération des espèces ! Qu'un autre s'en charge ! s'écria Pierrick.
— Fort bien, nous nous passerons de toi, rétorqua la jeune fille.
— Et de Korel. C'est mon serviteur. Il ne vous ait de toute façon d'aucune aide, à moins que vous aimiez jouer les touristes !
— S'il rentre avec toi, ils lui couperont la corne,  fit remarquer l'orcéant d'un ton anxieux, comme si cela le concernait directement.
— Pour ce qu'elle lui sert ! grinça Pierrick.
— Ne souhaitais-tu pas la liberté pour tous, lui le premier ? demanda Rouge avec calme.
— Ce serait formidable, mais soyons réalistes. A la mort de mon père, quand j'hériterai du domaine, je ferai comme maître Frédérick, ce sera toujours mieux que rien et certes plus intelligent que de vagabonder sur des routes poussiéreuses. Korel, nous rentrons.
— Non, jeta le licornéen tandis que Rouge se plaçait devant lui, faisant barrage à Pierrick qui avait esquissé un geste pour l'attraper.
— En l'état, tu n'emmènerais jamais que la moitié de lui-même, lança Élissande.
Mais qu'est-ce qu'elle lui chantait encore ? Pierrick faillit l'ignorer, mais finalement releva :
— C'est-à-dire ?
— L'âme de Korel est dans le corps de Byll et vice et versa, répondit Rouge.
Pierrick répéta la phrase, tellement ce qu'elle impliquait était énorme.
— Depuis quand ? murmura-t-il, toute sa fureur envolée.
— L'échange a eu lieu chez maître Frédérick dans la nuit, peu avant notre départ, déclara Élissande.
Ainsi, c'était Byll qui l'avait rejeté, pas Korel. Pierrick en éprouva un soulagement intense. Il avait encore une chance avec le licornéen... Mais pourquoi donc avaient-ils gardé pour eux cette information capitale ? Son énervement revint aussi vite qu'il avait disparu.

mercredi 23 novembre 2016

Orcéant - 56

— Vous êtes une belle brochette d'imbéciles tous les quatre ! Pas un pour rattraper l'autre ! décréta-t-elle. Mais je vous souhaite d'être heureux, ajouta-t-elle.
Pierrick fronça les sourcils. L'insulte qui englobait tous les spécimens masculins du groupe ne méritait pas de s'énerver – ce n'était pas la première fois qu'Élissande faisait part de tout le mal qu'elle pensait de la gente masculine qu'elle jugeait vieux-jeu et dominatrice – mais ses brusques vœux de bonheur pour eux étaient incompréhensibles.
Pierrick ne pouvait être comblé, pas tant que Korel persistait à l'éviter comme s'il était un monstre et non celui aux côtés duquel il avait grandi...
Il se rappelait qu'au début devant ce compagnon malingre et un brin efféminé que lui avait fourni son père, il n'avait pas été enchanté, craignant qu'il ne le ralentisse dans ses jeux, mais cela n'avait pas été le cas du tout... bien au contraire ! Comme ils s'étaient amusés ensemble...
Pierrick secoua la tête. Être nostalgique ne lui apporterait rien de bon. Quant aux propos d'Élissande, il n'était pas nécessaire de les relever. Il n'allait pas se montrer rabat-joie alors qu'elle était à nouveau toute contente.

    Encore cinq jours passèrent, cinq de plus sur les routes à avaler de la poussière, à traverser des terres où s'échinaient des orcéants, des trolls et des gobelins, à dépasser des villages, sans que Korel n'annonce qu'ils étaient parvenus au bon endroit.
L'ambiance du groupe étaient moins maussade depuis que la jeune fille avait recouvré sa bonne humeur, mais Pierrick commençait à en être plus contrarié qu'autre chose. Il broyait du noir et au fond, cela ne lui avait pas déplu que tout le monde soit chagrin.
Il n'y avait plus qu'à son approche désormais que les conversations mourraient sur les lèvres, comme s'ils partageaient un secret.
Le pire, c'est qu'il avait surpris Korel à rire à une quelconque plaisanterie de Rouge. En fait, il avait fini par remarquer que le seul à paraître aussi malheureux que lui était l'orcéant. Le pourquoi lui échappait, mais cela le turlupinait. Il avait cette étrange impression que s'il arrivait à comprendre l'orcéant, cela l'aiderait à aller mieux. C'était un sentiment diffus et mystérieux. Mais par moments, de façon fugitive, l'affreux orcéant lui rappelait Korel. La seule explication à cela, c'est que le chagrin d'avoir été rejeté par le licornéen le rendait fou.

mardi 22 novembre 2016

Orcéant - 55

Le soir, alors qu'ils étaient tous assis autour du feu de camp dans une atmosphère pesante,  Élissande se leva soudainement.
— Je n'en peux vraiment plus qu'aucun de vous ne veuille m'expliquer ce qui se passe au juste et que vous fassiez tous de drôles de têtes ! s'écria-t-elle.
Sur ces paroles, elle s'éloigna au pas de charge dans la nuit, sans souci des dangers qu'elle risquait.
Rouge et Korel se précipitèrent à sa suite. Byll se redressa, comme prêt à les imiter, mais finalement resta.
— Tu ne vas pas avec eux ? s'étonna Pierrick.
Lui-même n'avait aucune envie de courir après la jeune fille à qui il se refusait de confier ses peines de cœur. Cela ne la regardait pas. Cela ne concernait que lui et Korel qui l'avait repoussé.
Depuis cet instant, il vivait avec un poids terrible sur la poitrine doublé d'un étau qui l'enserrait.
— C'est inutile. Je ne saurais quoi lui dire.
— Pareil pour moi. Je n'aurais jamais cru avoir un jour un point commun avec un orcéant !
Byll ne réagit pas. Pierrick poussa un profond soupir. Les trois autres ne revenaient pas et ils étaient là se regarder en chiens de faïence, c'était ridicule !
— Cela ne te fait rien que Rouge et Korel soient désormais toujours fourrés l'un avec l'autre ?
Sa curiosité était déplacée, mais il n'en avait cure.
Un long moment s'écoula avant que l'orcéant ne   lâche un simple « non. »
— Parce que le dragon te désire et que cela te répugne ?
— Non, ce n'est pas cela, murmura Byll montant sa main sur son épaule, puis l'abaissant.
— Ah... C'est quoi alors ?
— Je ne suis pas certain qu'il m'aime vraiment.
— Vu le peu de cas qu'il fait de toi ces derniers temps, il y a en effet de quoi se poser des questions. En tout les cas, ça ne peut pas être à cause de ton physique qu'il s'intéresse à toi, car sans vouloir t'offenser, les orcéants ne sont pas des modèles de beauté.
Byll ne répondit rien. Pierrick soupira à nouveau.  Il était tombé bien bas pour en venir à converser avec un orcéant, mais en même temps, ces derniers étaient loin d'être aussi stupides qu'il l'avait longtemps cru.
Élissande, Rouge et Korel réapparurent enfin. La jeune fille avait une mine réjouie. Apparemment Rouge et Korel avait su trouvé les mots justes, à moins que le licornéen ne l'ait influencé grâce à sa corne, car un tel changement d'humeur semblait magique.

lundi 21 novembre 2016

Orcéant - 54

CHAPITRE 13
Sept jours s'étaient écoulés depuis leur départ de chez maître Frédérick, sept longues journées depuis que Korel l'avait repoussé. Pierrick en était toujours fou de tristesse et de colère. Au fond, il avait toujours espéré que le licornéen lui retournerait ses sentiments, ou au pire, continuerait à le traiter de la même façon s'il en venait à les connaître. Dans sa tête se rejouait sans cesse le moment où Korel s'était dérobé à son contact et son cœur battait douloureusement dans sa poitrine.
Il en voulait à Erret tout entier et à Korel en particulier. Il se demandait ce qui le retenait d'abandonner cette quête absurde de libération des espèces qu'il n'avait entamé que par amour pour lui.
Sept jours qu'ils marchaient sans arriver nulle part. S'il ne lui avait pas encore dit le fond de sa pensée sur ses indications plus que vagues, c'est qu'il y voyait le signe d'une certaine confusion chez Korel qui lui donnait l'espoir que tout finirait par s'arranger.
En attendant, c'était horripilant de voir le licornéen s'accrocher à Rouge qui se laissait faire, délaissant son ami orcéant. Pierrick ne s'expliquait pas ce rapprochement, mais il ne lui plaisait pas du tout. S'il n'y avait rien de vraiment surprenant à ce que le dragon qui avait le mauvais goût d'avoir ses traits, préfère la compagnie du sublime licornéen à celle de l'affreux orcéant, il ne comprenait pas pourquoi Korel passait désormais autant de temps avec Rouge, surtout après qu'il lui eût révélé comment ce dernier se masturbait chaque nuit.
L'orcéant, pour sa part, avait été apparemment rebuté par ce fait, car il ne paraissait pas le moins du monde ennuyé que le licornéen accapare désormais l'attention de Rouge. L'amour entre mâles, il devait trouver cela répugnant, comme Korel. C'est avec lui que le licornéen aurait dû passer tout son temps. Ils auraient pu se plaindre de concert...  Peut-être le faisaient-ils d'ailleurs, car ils discutaient ensemble plus souvent qu'auparavant.
Pierrick, lui, parlait le moins possible, car quand il le faisait, il ne pouvait se retenir d'être désagréable, même avec la pauvre Élissande qui n'était aucunement responsable de ses malheurs. Cette dernière, un peu comme lui, se tenait désormais à l'écart. Il faut dire que dès que la jeune fille ou lui approchaient Byll, Korel et Rouge arrêtaient leurs conversations.
La situation était insupportable et ne pouvait plus durer, mais Pierrick était trop peiné pour s'en soucier. Ce n'était pas comme s'il pouvait donner l'ordre à Korel de l'aimer ! D'ailleurs, ces derniers jours, c'est à peine s'il le reconnaissait. C'était comme si Korel était un nouveau licornéen. Il se mouvait sans grâce et les rares où Pierrick s'était adressé à lui, il avait été désarçonné par son ton soit presque apeuré soit limite rebelle.

vendredi 18 novembre 2016

Orcéant - 53

Byll en se réveillant le lendemain eut un choc en voyant son corps couché à un mètre de lui, puis tout lui revint : le transfert d'âmes, la déclaration de Rouge, la dispute avec Pierrick...
Ses espoirs de pouvoir discuter avec Rouge avant qu'ils ne se remettent en route furent réduits à néant par l'humain roux qui voulait en savoir davantage sur la localisation de leur allié.
Byll, à défaut de mieux, le baratina.
Ensuite, Korel se colla à lui et Rouge, sans doute pour maintenir sa couverture en tant qu'ami proche du dragon.
Quand ce dernier eut réussi à lui faire comprendre que ce n'était pas nécessaire qu'il soit en permanence avec eux, qu'il pouvait prétexter être fâché à cause de ses « escapades nocturnes », Korel finit par les laisser, mais ce fut alors Élissande qui vint à leur niveau, rendant toute conversation intime impossible.
Quand elle eut compris qu'elle ne tirerait aucune information d'eux au sujet du remue-ménage de la nuit, elle abandonna l'affaire, mais au moment de la pause de midi.
Nul dans le groupe ne se montra bavard pendant la rapide collation, Élissande ayant apparemment renoncé à dérider ses compagnons de voyage.
Enfin, ils repartirent, mais Rouge, bien qu'ils soient en tête-à-tête ne dit mot.
Byll attendit, puis voyant qu'il ne se lançait pas, le fit :
— Je ne t'en veux pas, tu sais...
— Non ?
Le ton de Rouge était plein d'espoir. Ainsi quand il avait suggéré à Korel que l'orcéant pouvait être en froid à son égard, c'est parce qu'il avait craint que Byll ne le soit pour de vrai.
— Pas du tout même. Je n'avais pas idée... Je ne connais rien au sexe ou presque.
— C'est quelque chose de naturel.
Le dragon avait raison, bien sûr, mais pour Byll, c'était surtout une activité obligatoire que les humains n'autorisaient que certains soirs. Quand il se souvenait du moment où il avait failli devoir s'accoupler avec Lyly dans le dortoir, devant tout le monde, il se sentait mal. Il avait cependant conscience qu'avec Rouge, ce serait fort différent.
— J'aime quand tu me touches.
— Même sous mes traits humains qui ne sont que la copie de ceux d'un autre ?
— Tu restes toi.
— Oui et au moins sous cette forme, nous pouvons nous unir.
A cause de l'indiscrétion de Pierrick, Byll avait réalisé qu'il y avait plus que le peau à peau de possible, qu'ils pouvaient caresser chacun le membre de l'autre, mais il lui manquait encore un élément.
— Comment cela ? souffla-t-il, trouvant qu'il faisait terriblement chaud tout à coup.
— Je te montrai dans un peu moins d'une lune, répondit Rouge d'une voix rauque.
Byll songea que décidément, le temps allait lui sembler long jusqu'à ce qu'il récupère son corps.

jeudi 17 novembre 2016

A travers les millénaires - 13

— Déshabille-toi.
Les mots avaient franchi ses lèvres avant qu'il ait pu les retenir. Il savait que leur temps ensemble était compté et il ne voulait pas en perdre une miette, mais c'était absurde. Hoshi ne pouvait pas comprendre. S'il l'étreignait, ce serait contrait et forcé. Comme la toute première fois, des millénaires plus tôt. Il ne devait pas refaire cette monumentale erreur.
— Ce n'est pas protocolaire, déclara Hoshi sans esquisser un geste pour retirer la tunique saturnienne noire brodée de volutes qu'il portait.
Waldo tiqua à la formule. Évidemment, cela ne l'était pas, mais ce n'était pas non plus comme s'il y avait un réel code dans le traitement des prisonniers. A la guerre, comme à la guerre...
— Personne n'interdit d'expérimenter de nouvelles méthodes, répliqua-t-il avec aplomb.
— Je ne parlerai pas pour autant, affirma Hoshi en relevant le menton.
— Nu et muet, une combinaison idéale, rétorqua Waldo.
Il ne savait comment se dépêtrer de la situation dans laquelle il s'était lui-même fourrée.
— Non, dit Hoshi, croisant les bras contre son torse comme s'il craignait qu'il ne lui arrache son habit.
Waldo en fut étonné : les saturniens n'étaient pas réputés pour leur pudeur. Il y avait là quelque chose à creuser... ou alors il se laissait aveugler par son désir de l'admirer dans le plus simple appareil.
S'il persistait dans cette voie, Hoshi qui le considérait déjà en tant qu'humain comme un ennemi, allait se mettre à le détester personnellement. Il changea de tactique.
— Quelle est l'opinion des saturniens sur la réincarnation ?
— Quelle importance ?
— Cela en a beaucoup pour moi. J'y crois, car je me souviens de toutes mes vies antérieures et je te reconnais, toi mon âme-sœur, sans faille.
Hoshi ne laissa rien paraître à cette affirmation et garda le silence. Waldo se rappelait de toutes les réactions de son âme-sœur : la confusion d'Ewen, la curiosité amusée de Claude, l'acceptation inespérée de Vik, l'indignation de Dake... Un tel manque de réaction était inédit.
— Je t'aime, mon cœur, déclara Waldo en tendant la main vers sa joue.
Hoshi ne se déroba pas cette fois et Waldo caressa le satiné de sa peau étoilée qui se mit à étinceler.
Alors qu'il allait se risquer à passer son pouce sur les lèvres du saturnien, un officier entra :
— Pourquoi le prisonnier est-il sorti de sa cellule ? Ce n'est pas protocolaire !
Les mêmes mots exactement que Hoshi un peu plus tôt. En repensant à ce qu'avait dit Basile sur le fait qu'il n'en tirerait rien d'intéressant, la vérité se fit jour dans l'esprit de Waldo : même s'il en avait les traits, Hoshi n'était pas un authentique saturnien.
Lui et son camarade avaient dû être transformés pour paraître en être afin de pouvoir se mélanger aux vrais et servir d'espions.

mercredi 16 novembre 2016

Orcéant - 52

Rouge revint, mais Pierrick ne lui accorda qu'un bref regard.
Byll était habitué en tant qu'orcéant à recevoir un traitement différent des autres et il sentait bien la fragilité de son corps d'emprunt qui pouvait justifier les inquiétudes de l'humain, mais il était vraiment fatigué. La journée avait été longue et riche en émotions depuis son réveil dans le corps du licornéen, alors il se rebella :
— Et lui, pourquoi ne l'interroges-tu pas pour savoir où il était passé ?!
Pierrick fronça les sourcils. Le véritable Korel ne lui aurait sans doute jamais répondu ainsi, sur pareil ton. Byll s'en moquait. Il voulait bien garder le secret, mais si la vérité éclatait, tant pis !
— Parce qu'il est coutumier du fait, il part en douce chaque nuit. Et puis, grand comme il est, il est capable de se défendre !
Byll aurait pu s'amuser de cette remarque, lui qui en temps normal les dépassait tous en taille, s'il n'était pas resté interloqué en apprenant que Rouge, chaque soir, se relevait.
— Mais pourquoi ? Que fait-il ?
Rouge qui n'était qu'à quelques pas d'eux, les rejoignit.
— Simple besoin naturel, intervint-il.
Pierrick eut un rire narquois.
— Si on veut oui ! Je ne suis pas le seul dégoûtant du groupe mon cher Korel, notre ami le dragon profite de ses attributs humains et se brique l'engin parce qu'il craque complètement pour l'orcéant tout affreux qu'il soit !
Byll n'aurait peut-être pas compris sans le geste  obscène de l'humain. Il croisa les yeux de Rouge qui baissa la tête. Il était embarrassé, honteux peut-être.
Byll ne pouvait pas lui dire que c'était Pierrick qui aurait dû l'être. Si le rouquin savait cela, c'est qu'il avait espionné Rouge dans son intimité. Le révéler, c'était comme s'en vanter. Or, il n'y avait rien de glorieux à cela.
Avec gêne, Byll réalisa qu'il aurait aimé voir Rouge se caresser. Il ne valait guère mieux.
S'il avait été dans son corps, il aurait entraîné le dragon au loin pour qu'ils puissent se parler à cœur ouvert...
Élissande passa la tête hors de sa tente :
— Mais ce n'est pas fini ce raffut ? Vous m'avez réveillé ! Quand je pense que j'ai passé la soirée à essayer de vous arracher trois mots !
— Pardon, dit Korel.
Il sembla à Byll qu'il s'excusait moins pour le bruit dont il n'était pas responsable que pour toute la situation. Indirectement, c'était bien son choix du transfert d'âme la cause de tout ce bazar.
— Couchons-nous ! s'écria Pierrick. Pour de bon, ajouta-t-il en le regardant d'un œil sévère.
Korel s'exécuta, Byll aussi et enfin Rouge, avec un temps de décalage, se plaçant entre l'orcéant et le licornéen.

mardi 15 novembre 2016

Orcéant - 51

CHAPITRE 12
A chaque chose malheur est bon. Rouge lui avait dit cela, il n'y a pas longtemps et c'était vrai. Byll avait été catastrophé quand il s'était réveillé dans un autre corps que le sien et qu'il avait enchaîné les maladresses, incapable de se confier à qui que ce soit. Cependant, Rouge l'avait reconnu, même sous ses traits qui ne lui appartenait pas et il lui avait révélé son amour.
Byll était ébloui, il n'en revenait pas de sa chance. Ce transfert d'âme était inconfortable, mais puisqu'il avait conduit Rouge à se déclarer, il n'était pas si terrible que cela.
Il gardait tout de même une dent contre Korel de l'avoir autorisé, mais il le plaignait aussi d'en avoir été réduit à de pareilles extrémités pour connaître la profondeur des sentiments de l'humain roux à son égard.
Puisqu'il était embarqué, il n'avait plus qu'à patienter jusqu'à ce que tout rentre dans l'ordre. Leur quête pourrait alors reprendre de façon sérieuse et Rouge et lui pourraient se coller l'un à l'autre sans déranger personne. Il aimait s'endormir en sentant sa chaleur. Cela l'apaisait, mais pas uniquement. Il ressentait aussi comme une étrange envie de davantage, de proximité encore plus grande. Mais que pouvaient-ils faire de plus que d'être peau contre peau ? Hélas, il lui faudrait attendre d'être retourné dans son corps pour retrouver ces doux moments avec Rouge.
— Cela va me manquer que nous ne puissions plus dormir l'un contre l'autre, déclara-t-il.
— Nous pourrions le faire malgré tout.
— Ce serait mal vis-à-vis de Korel.
— C'est vrai, maugréa Rouge.
Après s'être entendus sur le fait qu'ils ne parleraient pas du transfert à Élissande et Pierrick, sauf cas de force majeure et qu'en journée, n'en déplaise à Korel, ils passeraient malgré tout du temps ensemble, ils regagnèrent sans se presser le campement, les mains jointes.
Alors qu'ils étaient presque arrivés, Rouge s'immobilisa. Byll tendit l'oreille. L'ouïe des licornéens ne semblait pas aussi fine que celles des orcéants ou même des humains.
Rouge lui murmura qu'il entendait les voix de « Byll » et Pierrick. Le rouquin voulait savoir où ils étaient passés, s'ils s'étaient éclipsés ensemble et si oui, pour quelle raison. Korel sous l'identité de l'orcéant jouait l'innocent, prétendant ne rien savoir.
— Que fait-on ? murmura Byll.
— Vas-y en premier, seul. Je te suis.
Byll obtempéra, prêt à ce que Pierrick lui fasse une scène pour s'être absenté sans prévenir.
Il ne se trompait pas, le rouquin se précipita vers lui et lui lança une série de reproches : il était son serviteur, Pierrick aurait pu avoir besoin de lui, c'était dangereux de s'éloigner comme ça,  il y avait des animaux sauvages, des bandits de grands chemins, le licornéen n'était pas de taille à se défendre...
Byll se garda de répliquer quoi que ce soit.

lundi 14 novembre 2016

Orcéant - 50

La corne sur son front brilla brièvement.
— Moi aussi j'éprouve davantage que de l'amitié pour toi, je t'aime, qu'elle que soit la forme tu as.
Rouge le savait déjà et pourtant son cœur se gonfla de joie à ses mots. Il lui sembla que ses ailes allaient jaillir de son dos et se déployer d'un instant à l'autre.
Il ne pouvait l'embrasser. Byll était hélas dans le corps du licornéen, mais il l'étreignit tout de même avec force contre lui.
Byll laissa échapper un étrange couinement.
— Je t'ai fait mal. Pardon, dit Rouge en le relâchant aussitôt.
— Non, ça va, mais j'ai hâte de récupérer mon corps, surtout que je suis incapable d'utiliser la corne de Korel pour nous guider dans notre quête. J'ai donné les directions qui me passaient par la tête. Nous n'allons nulle part, termina Byll dans un souffle en lui effleurant le bras du bout des doigts.
Si cela avait été la véritable main de l'orcéant, Rouge l'aurait retenu avec la sienne pour prolonger le contact.
— Peut-être que Korel pourra t'aider ou bien que le hasard nous sera favorable. Dans tous les cas, tu n'as pas à te sentir coupable.
— Mais tout de même...
Rouge l'enlaça à nouveau, avec précaution toutefois.
— Nous ne sommes qu'au début de notre route, refaire le monde ne se fait pas en un jour, ce n'est jamais qu'un contretemps.
C'était pareil pour leur couple.
Quand l'orcéant serait à nouveau lui-même, il le lècherait partout... Enfin, si Byll le souhaitait.
Il n'y avait cependant pas de raison qu'il ne veuille pas puisqu'il avait également affirmé que son apparence n'avait pas d'importance.
Dragon ou humain, orcéant ou pas, ils s'aimaient.
Il aurait dû exprimer à voix haute ses sentiments plus tôt.
— Tu crois que nous arriverons à ce que tout le monde soit libre et heureux comme durant l'ère des dragons ? demanda Byll.
— A mon avis, ce n'était pas une période si magique cela. Une partie des humains étaient mécontents et c'est pour cela qu'ils se sont rebellés. Même si nous parvenons à mettre fin à l'esclavage et à la servitude, le bonheur appartient à chacun. Il est plus facile à atteindre quand les circonstances sont favorables, mais ce n'est jamais qu'un état passager, pas une finalité gravée dans la pierre.
— Les dragons sont vraiment sages.
Rouge, bien que le compliment lui fasse plaisir, le réfuta.
— Pas tant que cela... Autrement, je ne serais pas en train de regretter d'avoir tant attendu pour te dire à quel point tu m'étais précieux.
Un sourire délicieusement embarrassé accueillit sa déclaration. Rouge dut se contenter d'imaginer à quoi l'orcéant aurait ressemblé s'il avait fleuri sur ses lèvres plutôt que sur celles de son corps d'emprunt.

vendredi 11 novembre 2016

Orcéant - 49

— Eh bien ! Vous n'êtes vraiment pas bavards, ce soir ! finit par lancer la jeune fille, excédée.
— Tu parles pour cinq, rétorqua Pierrick avec humeur.
— Tu n'as pas à passer tes nerfs sur moi ! répliqua  Élissande, poings sur les hanches.
Prenant sa part du dîner tout juste cuite, elle disparut dans la tente.
Ils mangèrent sans mot dire, seul Rouge faisant honneur au repas, ses trois compagnons manquant d'appétit.
A plus d'une reprise, Rouge faillit entraîner Byll loin du camp, sans explications, mais comme c'était le licornéen aux yeux de Pierrick, il se retint.
Une fois qu'ils furent couchés, chacun à distance respectable, le dragon se refusant à se coller à celui qui prétendait être l'orcéant, il attendit que les respirations s'apaisent en contemplant le ciel étoilé, mais le sommeil les fuyait évidemment tous, alors il finit par se relever sans bruit et prit la main de Byll, inhabituellement blanche et petite. Ce dernier sursauta, mais dès qu'il le reconnut, il se leva et le suivit.
Ils s'éloignèrent des autres, se déplaçant sans trop de peine grâce à la clarté lunaire.
Rouge s'arrêta près d'un gros rocher plat et suggéra à Byll qu'ils s'y installent pour discuter.
— Je voulais tout te raconter, mais je ne pouvais pas. Quelque chose de plus fort moi m'en empêchait. Sans doute de la magie licornéenne, comme pour le transfert, expliqua Byll en montrant son corps.
— Veux-tu que nous révélions tout à   Élissande et Pierrick ?
— Cela ne changera rien au fait que je doive rester une lune complète ainsi. Je ne sais pas comment tu fais pour supporter ne pas avoir ta forme d'origine ! Je ne réalisais pas à quel point cela devait être dur pour toi...
Rouge fut touché que Byll pense à son bien-être alors qu'il aurait pu se contenter de se plaindre de sa situation.
— C'est bizarre, c'est sûr, mais c'est différent de ton cas. Cela reste mon corps, même s'il est pour ainsi dire déformé. Et il n'y a pas que des inconvénients à être humain.
Ainsi, ils étaient physiquement compatibles pour s'unir...
— Je suppose qu'être licornéen a aussi ses avantages, mais je me sens si faible et maladroit, murmura Byll avec désespoir.
— Je ne pensais pas qu'il était nécessaire de le dire tellement c'était évident, mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Peu m'importe ton apparence, je t'aime.
Un hibou dans un arbre hulula.
— Comme un ami ? demanda Byll timidement.
— D'amour.
Expliciter les choses était peut-être parfois l'unique façon de procéder.

jeudi 10 novembre 2016

A travers les millénaires - 12

Waldo décida sur le champ de retourner auprès de Hoshi afin de découvrir ce qui lui avait échappé la première fois. Il avait juste le temps avant le réunion. Cela lui servirait peut-être pour sauver celui qu'il aimait à travers les âges.
Tout en retournant à la cellule, il reconnut que ce n'était qu'une excuse et qu'au fond, tout ce qu'il aspirait, c'était d'être avec lui. Il l'avait perdu une fois dans cette vie et les risques que cela se produise une seconde fois étaient bien trop élevés à son goût.
Il arrivait qu'il y ait des échanges de prisonniers, mais c'était rare et cela signifiait de toute façon ne plus revoir Hoshi, à part sur le champ de bataille. Avant même de pouvoir commencer, leur histoire s'annonçait tragique. La solution consistait peut-être à s'enfuir avec lui, mais pour aller où ? La guerre faisait rage partout...
Il le retrouva debout à côté de son camarade, le regard dans le vague.
Sans mot dire, il les regarda de la tête aux pieds, cherchant ce qu'ils avaient de particulier par rapport aux autres saturniens qu'il avait rencontrés.
Il n'avait jamais considéré les saturniens particulièrement attirants, mais à présent, il voyait la beauté de leur peau étoilée ou plus exactement, celle de Hoshi.
Ses yeux, comme aimantés, revenaient toujours à lui.
Rien ne semblait le distinguer des autres saturniens, si ce n'était qu'il était magnifique, qu'il était celui qu'il avait cru ne jamais devoir revoir avant de mourir et de renaître sous une autre identité.
Désespéré de savoir, désireux de respirer le même air que lui, il dégaina son pistolet laser et pianotant sur la console de commande, il ouvrit la cellule.
Les deux prisonniers ne firent aucun mouvement pour l'attaquer, sans doute parce qu'ils devaient se douter que même s'ils parvenaient à le mettre hors d'état de nuire, ils seraient récupérés bien avant d'avoir réussi à s'échapper.
— Toi, Hoshi, tu sors.
Le saturnien regarda son camarade avant d'obtempérer, détail qui agaça Waldo. Vu tous les obstacles qu'il y avait déjà entre eux, il y avait intérêt à ce que Hoshi n'ait au moins pas un ou une partenaire !
Waldo prit soin de refermer la cellule en gardant à l'œil son âme sœur. Pour ce dernier, il était l'ennemi. Il ne fallait pas se laisser tromper par le calme des saturniens qui, à la différence des humains, n'étaient pas expressifs.
Waldo leva la main pour toucher Hoshi qui recula d'un pas. Cela lui rappela sa rencontre avec son cher cœur, du temps où il était viking. Le pauvre Theodebert était tout effrayé. Cela ne l'avait pas empêché de l'embrasser. Il avait appris depuis à se montrer plus raisonnable. Mais là, c'était différent.

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Joyeux anniversaire Cielou !

mercredi 9 novembre 2016

Orcéant - 48

Korel avait eu tort de ne pas consulter Byll qu'il avait mêlé contre son gré à son histoire. Les excuses qu'il avait présenté étaient bien légères comparé à son acte, mais Rouge ne pouvait nier que les craintes du licornéen vis-à-vis de Pierrick soient tout à fait infondés. Le rouquin n'était pas un mauvais bougre, mais comme tout un chacun, il était imparfait et en effet attaché à l'apparence.
Au bout du compte, l'important, c'était Byll et son ressenti. Rouge calquerait son attitude sur la sienne. Pour connaître son opinion sur le sujet, il devait se débrouiller pour le prendre à part.
Korel aurait préféré que nul ne soit au courant de l'échange, et surtout pas Pierrick, car il craignait ainsi de rendre inutile le transfert d'âmes qu'avait orchestré la vieille licornéenne, mais Rouge n'était pas de cet avis. Il lui semblait que même informé, Pierrick se retrouverait face à ses préjugés sur le physique. Pour le rouquin, les orcéants étaient laids, mais à présent que celui qu'il aimait en était un, même temporairement, son amour allait être mis à l'épreuve.
— Alors, Korel, tu veux bien nous dire pourquoi Pierrick et toi êtes fâchés ? demanda soudain  Élissande.
Byll ne répondit pas. Korel se dépêcha d'intervenir afin de détourner l'attention de la jeune fille de l'épineuse question :
— C'est dommage que maître Frédérick ne soit pas un allié sur lequel on puisse compter, n'est-ce pas ?
— C'est vrai, Byll. Tu crois que c'est pour cette raison que Pierrick est furieux contre Korel ?J'espère que celui auquel sa corne nous conduit actuellement sera le bon.
Sans le savoir, Élissande avait à nouveau mis les pieds dans le plat. Rouge n'y avait pas songé jusque là, mais il lui apparaissait en effet peu probable que Byll ait réussi à utiliser les pouvoirs du licornéen, pas alors qu'il avait eu du mal à se jucher sur un cheval, chose que Korel pratiquait depuis longtemps.
Il lui était plus difficile de lire les sentiments de Byll sur les traits du licornéen qui lui étaient moins familiers, mais il le devinait mal à l'aise. Korel l'était en tout les cas.
Ce transfert d'âmes n'était pas sans causer des problèmes et à tous les niveaux.
Rouge vola au secours de l'orcéant et du licornéen :
— Chacun fait ce qu'il peut.
— Certes, mais c'était une sacrée déception...
Le retour de Pierrick, chargé de grands oiseaux, interrompit la conversation.
Le silence tomba sur le groupe. La jeune fille tenta bien d'animer les choses, elle chercha même à ce que Pierrick fasse la paix avec le licornéen, mais en vain.
Rouge la laissa se débattre non sans scrupules, mais il voulait parler avec Byll avant de s'emmêler. Il avait par ailleurs dans l'idée que tant que Korel n'aurait pas regagné son corps, rien ne pourrait vraiment être résolu.

mardi 8 novembre 2016

Orcéant - 47

CHAPITRE 11

Byll se mouvait de façon différente, le dos légèrement voûté et ses enjambées étaient moins grandes. Par ailleurs, sa main droite remontait de façon régulière vers son épaule comme s'il avait mal, mais il n'y avait nul trace de coup et il avait affirmé avoir été laissé tranquille par les gardes de maître Frédérick...
Bien sûr, ses façons nouvelles de bouger pouvaient s'expliquer par d'autres raisons. Il avait très bien pu faire un faux mouvement ou s'être dormi dans une mauvaise position qui l'avait endolori.
Seulement, il n'y avait pas que cela. L'orcéant s'exprimait également différemment. Il semblait peser ses mots comme par crainte de dire quelque chose qu'il ne fallait pas.
Rouge supposa d'abord qu'il était gêné par l'affaire entre Korel et Pierrick. Cela ne touchait pas directement, excepté que le dragon  y avait vu une opportunité d'exprimer de façon claire ses sentiments et cela avait pu perturber Byll.
Sa réaction avait d'ailleurs été décevante, il avait reconnu leur amour mutuel sans joie particulière, mais peut-être n'avait-il pas vraiment saisi ce que cherchait à dire Rouge...
Au cours des heures de marches qui suivirent le dragon continua à bavarder avec lui, et sur le visage de l'orcéant, il vit une expression qu'il ne lui connaissait pas et qu'il finit par identifier comme étant de l'ennui.
Jamais Byll n'avait éprouvé cela à ses côtés, pas même quand il était incapable de lui parler autrement que par gestes et grognements. Converser ensemble était un de leurs plaisirs actuels. Il ne pouvait s'en être déjà lassé.
C'était en additionnant tous ces éléments qui ne collait pas que Rouge en vint à douter de l'identité de celui qui se tenait à ses côtés.
Il se rappela alors de Korel peinant à monter à cheval et du regard plein de reconnaissance qu'il avait reçu quand il l'avait aidé. Ayant remarqué la froideur de Pierrick à l'égard du licornéen, il avait pensé que c'était pour cette raison que Korel n'était pas dans son état normal, mais l'explication était peut-être ailleurs...
La seule chose qui lui échappait, c'était pourquoi Byll ne s'était pas confié à lui si échange il y avait eu entre lui et Korel.
En voyant le licornéen monter maladroitement la tente pour Élissande, ses soupçons le taraudèrent de plus belle.
Quand Korel, celui qu'il supposait être le véritable Byll, vint pour parler à l'orcéant qui abritait à priori le licornéen, Rouge fut certain et comme de juste, Korel, dans le corps de l'orcéant, avoua tout...
Rouge l'écouta, mais c'est Byll qu'il aurait aimé entendre, son orcéant qui occupait pour  l'heure une fragile et gracile enveloppe.
Sur ces entrefaites, Élissande les rejoignit sans que Rouge ait déterminé de ce qu'il fallait faire au sujet de l'échange.

lundi 7 novembre 2016

Orcéant - 46

Quand ils firent enfin halte, Korel laissa échapper un soupir de soulagement : il était las de marcher et de subir la conversation de Rouge.
Byll, dans son corps, se montra d'une maladresse sans nom qui faisait peine à voir.
L'installation du camp terminé, il le vit s'approcher, mais demeura lâchement auprès de Rouge alors même qu'il aspirait à s'isoler pour réfléchir à ce transfert d'âmes et ses conséquences.
Cela ne dissuada hélas pas Byll de les aborder.
— Pourrais-je te toucher un mot à part ? demanda-t-il d'un ton hésitant.
Korel, en dépit de ses appréhensions, pris de remords, allait accepter quand Rouge intervint :
— Il n'est pas nécessaire que nous ayons des secrets les uns pour les autres.
— Ce n'est pas que je veux faire de cachoteries.. commença Byll, l'air affreusement gêné.
C'est qu'il ne pouvait pas. La licornéenne avait réussi à le bloquer. Ainsi, même s'il le souhaitait, il ne pouvait rien dire à Pierrick, à Rouge ou Élissande, leur échange pouvait demeurer entre eux.
— Je te suis, déclara Korel, sans tenir compte du dragon humain, décidé à mettre les choses au point avec l'orcéant.
— Je suis curieux de voir comment tu vas justifier le fait que tu as pris possession du corps de Byll, répliqua Rouge.
Korel en resta bouche bée et Byll aussi.
— Comment... ? demandèrent-il finalement dans un parfait ensemble.
— Ainsi, je ne me suis pas trompé. Je le regrette.
Korel s'empressa d'expliquer ce qui motivait le transfert d'âmes et pourquoi il ne fallait surtout rien révéler à Pierrick. Il précisa que dans une lune chacun retrouverait son enveloppe d'origine et dans la foulée, il présenta ses excuses à Byll pour ne pas lui avoir demandé s'il était d'accord et à Rouge pour avoir prétendu être l'orcéant. Enfin, il se tut. Il s'attendait à une explosion de colère qui ne vint pas.
Rouge regardait Byll, comme s'il voyait au-delà de son apparence de licornéen. Ce dernier paraissait totalement déconcerté.
Le silence se prolongea. Korel ne pouvait hélas ni exiger qu'ils donnent leur verdict sur la situation ni questionner sur le dragon sur ce qui lui avait permis de reconnaître que l'orcéant n'était plus lui-même.
Élissande qui avait dû s'absenter pour satisfaire des besoins naturels débarqua comme une fleur :
— Pierrick n'est toujours pas revenu avec notre dîner ?
— Pas encore, mais sûrement bientôt, répondit Korel avant de se rappeler que Byll ne parlait pas volontiers à la jeune fille.
Celle-ci lui adressa un sourire joyeux, se réjouissant sans doute que l'orcéant se détende enfin en sa présence. Elle était loin de se douter de la vérité.

vendredi 28 octobre 2016

Prochains épisodes le 7 novembre 2016

Info du 4 novembre : je préfère prévenir qu'étant tombée malade, la date des prochains épisodes sera possiblement décalée. 
Je vous tiens au courant. Bon week-end !

A travers les millénaires - 11

Au cours des années sanglantes qui suivirent, Waldo perdit Jacob de vue et fut blessé à de nombreuses reprises, mais malheureusement toujours survécu et monta peu à peu en grade dans la hiérarchie.
Waldo en ressentit plus de honte qu'autre chose. Ce qu'il aurait voulu, c'était être en position de mettre fin à toute cette violence.
Il se serait bien passé des longues réunions stratégiques, d'envoyer des hommes à la mort et d'interroger les rares végaliens et saturniens qu'ils parvenaient à faire prisonniers...
Les uraniens étaient pour leur part impossibles à capturer, car semblables à des kamikaze, ils leurs explosaient à la figure, leurs entrailles brûlant tout comme de l'acide.
Ayant été informé par le général que deux saturniens avaient été pris, il se rendit à la cellule où ils avaient été enfermés...
Si leurs silhouettes étaient semblables à celles des humains, leur peau bleue étoilée et l'anneau qui flottait comme par magie au-dessus de leurs crânes duveteux, les distinguaient sans peine.
Waldo s'immobilisa en les voyant, toute son attention se concentrant aussitôt sur celui de droite. C'était elle ou plutôt lui, les saturniennes n'étant pas envoyé au combat. Il s'était réincarné en extraterrestre. Comment était-ce possible ? C'était la première fois, après la mort de son âme-sœur qu'il la revoyait dans une même vie.
Waldo sut de suite que même si c'était l'ennemi, il ne pourrait le malmener pour lui soutirer des informations...
Il s'obligea malgré tout à leur poser des questions de routine à tour de rôle, comme si de rien n'était, alors qu'il mourrait d'envie d'entrer dans leur cellule, de le prendre dans ses bras et de l'embrasser à perdre haleine.
Les deux saturniens se montrèrent évidemment peu bavards. Les prisonniers ne l'étaient jamais. Il n'obtint que leurs noms. Seul celui de Hoshi se grava dans son cœur.
Il traîna le plus qu'il put, puis mit fin à sa première visite.
En temps normal, il laissait souvent passer une journée avant de revenir à la charge, le temps de discuter des choses qu'il avait réussi à apprendre avec d'autres officiers, mais il décida d'y retourner plus vite que cela.
Il avait trop envie de revoir Hoshi. En attendant, il fallait qu'il trouve un moyen de le libérer, de s'assurer qu'aucun mal ne lui serait fait. La situation était plus que délicate. Alors qu'il se torturait l'esprit, Basile, un officier du même rang que lui avec lequel il s'était vaguement lié d'amitié l'interpella :
— Alors, des révélations intéressantes de la part de nos deux saturniens ?
— Non, rien. Du moins, pour le moment.
— Tu es doué pour les faire parler, mais ceux-là, tu n'en obtiendras rien d'intéressant. N'as-tu rien remarqué de bizarre à leur sujet ?
Waldo fut embêté. La découverte de son âme-sœur l'avait secoué, amoindrissant ses facultés d'observation.
Il secoua la tête avec lenteur. Il ne pouvait expliquer à son camarade en quoi Hoshi était spécial par rapport aux autres saturniens.
— Eh bien, attends-toi à être surpris à la réunion de tout à l'heure ! s'exclama Basile avant de s'éloigner, un sourire triomphal aux lèvres.

jeudi 27 octobre 2016

A travers les millénaires - 10

En apprenant la nouvelle, la première pensée de Waldo fut qu'il n'aurait finalement pas longtemps à attendre avant de mourir, mais sa seconde fut que des milliers d'individus trouveraient également la mort et qu'autant d'atrocités auraient lieu. Il devrait y assister et dans certains cas, en être responsable et cela lui était insupportable.
Ils avaient réussi à vivre en paix ou à quelque chose qui y ressemblait pendant plusieurs siècles, alors pourquoi étaient-ils obligés d'en arriver à de pareilles extrémités, simplement parce qu'ils étaient différents des uns des autres ?
A bien y réfléchir, leur entente avec les uraniens, les végaliens et les saturniens avait tenu du miracle, surtout quand on songeait que les humains avaient mis des millénaires à cesser de s'entredéchirer.
Au grand dam de son père, mais aussi de Jacob qui auraient voulu que Waldo s'enrôle d'office dans l'armée, il participa à de nombreuses manifestations pacifistes. 
Que les uraniens, les végaliens et les saturniens ne soient pas humains, n'y changeait rien, il répugnait à donner la mort à laquelle une part de lui aspirait parce que son âme-sœur n'était plus là
Hélas, ces mouvements appelant à la paix n'aboutirent à rien, et Waldo fut contraint et forcé de rejoindre les rangs de l'armée, de même que des milliers d'autres jeunes hommes.
Son objection de conscience fut écoutée, mais pas entendue. Son officier supérieur discuta toutefois longuement avec lui.
Oui, la violence n'engendrait rien d'autre que mort et douleur, mais il était à présent trop tard pour faire machine-arrière, au point où ils étaient arrivés, ne pas prendre les armes revenait à signer la fin de l'espèce humaine.  Les uraniens, les végaliens et les saturniens étaient décidés à leur faire la peau.
Waldo, après avoir réfléchi, prit peur. La mort avait cessé d'être une fin pour lui parce qu'il s'était réincarné encore et encore, mais que se passerait-il si toute forme de vie était éradiquée sur Terre ? Il suffisait d'une mauvaise manœuvre, de l'emploi d'une dangereuse bombe extraterrestre...
Alors, il se résigna et contre ses meilleures convictions, il accepta de se battre.
Il apprit à manier les canons lasers et autres armes meurtrières avec une facilité que certains de ses camarades lui envièrent.
Et puis l'heure de sa première bataille sonna. Elle fut aussi horrible que celles de ses souvenirs, pire même. Un véritable carnage. Les extraterrestres possédaient des ressources insoupçonnées, faisant d'eux de redoutables adversaires.

mercredi 26 octobre 2016

Orcéant - 45

— Tu es sûr que ça va ? Quelqu'un t'a dit quelque chose de blessant ?
— Oui, tout va à merveille. J'ai été conduit dans une chambre et j'ai été laissé tranquille.
— Tu as eu à manger ?
Korel n'éprouvait aucune sensation de faim, aussi put-il assurer qu'il avait l'estomac plein. Il chercha ensuite à détourner l'attention de Rouge de sa personne.
— C'est curieux que le licornéen ne soit pas avec Pierrick, fit-il remarquer.
— Apparemment, Korel l'a rejeté.
A cette nouvelle, le licornéen fut interloqué et il trébucha sur une pierre du chemin. Qu'est-ce que Byll avait bien pu faire pour que Pierrick trouve l'audace de se déclarer après tant d'années à le couver des yeux et à le toucher pour un oui ou un non, en taisant ses sentiments ?
Il connaissait Pierrick et il savait que ce dernier allait éviter « Korel » à présent, le privant de toute possibilité de se rendre compte qu'il n'était plus le même et il ne fallait pas rêver, il n'allait pas se mettre subitement à chercher la compagnie de l'orcéant. Cette histoire faussait tout.
— C'est impossible, souffla-t-il, presque pour lui-même.
— Toi aussi, tu es d'avis que Korel aime Pierrick ?
— Non ! Je ne sais pas !
— Alors pourquoi dis-tu que c'est impossible ?Parce qu'ils appartiennent à une espèce différente et sont tous les deux de sexe masculin ? C'est notre cas à nous et cela ne nous empêche pas de nous aimer.
Korel n'en crut pas ses oreilles. Le dragon mettait-il l'amour ou l'amitié sur le même plan ou éprouvait-il de doux sentiments pour l'orcéant ? Il avait l'impression en tout les cas de s'être fourré dans un guêpier pas possible. Il n'aurait jamais dû se laisser convaincre par la vieille licornéenne... Hélas, à présent, il était embarqué.
— C'est vrai, reconnut-il.
Rouge lui prit la main et la lui serra.  
Boucles teintes en brun ou pas, il ressemblait trait pour trait à Pierrick, et dans le regard qu'il posait sur lui brillait la même lueur tendre et chaude, exceptée qu'elle était destinée à Byll. Korel en ressentit une culpabilité aiguë.
Il eut été correct de sa part de mettre le dragon dans la confidence, mais il craignait sa réaction en apprenant qu'il avait emprunté le corps de l'orcéant sans l'autorisation de ce dernier, alors il garda le silence.
Rouge, ses doigts toujours mêlés aux siens, se remit à parler :
— J'espère que Korel et Pierrick se réconcilieront rapidement, l'ambiance du groupe va autrement s'en ressentir.
Korel se retint de justesse de lancer qu'il ne fallait pas compter dessus, Pierrick ayant trop de fierté pour cela. Au lieu de cela, il approuva.
Rouge continua sur un autre sujet et Korel se demanda si jamais il se taisait. La compagnie de Pierrick lui manquait.

mardi 25 octobre 2016

Orcéant - 44

CHAPITRE 10
Korel ouvrit les yeux dans une pièce nue et vide dans laquelle il n'avait jamais mis les pieds et sut que la vieille licornéenne avait réussi l'échange. Il regarda ses mains : elles étaient larges, bleues et toutes rugueuses.
Il se leva et eut un instant de vertige. Il était vraiment beaucoup plus grand. Il espéra que Byll ne lui en voudrait pas trop d'avoir emprunté son corps. Il appréhendait le moment où l'orcéant viendrait lui demander des comptes.
La grande question était cependant de savoir si Pierrick s'apercevrait de l'échange de lui-même. En dépit des assurances de la licornéenne, Korel craignait que Byll ne révèle tout à Pierrick sans que ce dernier ait une chance de le reconnaître sous son apparence d'emprunt.
Loin du rouquin, il se sentait seul et terriblement isolé. Toutefois, il ne pouvait que s'en prendre à lui-même. C'était lui qui avait accepté le transfert d'âmes proposé par la vieille licornéenne.
C'était agréable d'être musclé et costaud, mais c'était aussi perturbant. Sa corne lui manquait et ses cheveux aussi. Heureusement, une lune serait vite passée et après cela, il serait enfin fixé sur la profondeur de l'amour de Pierrick.
Il lui sembla qu'une éternité s'écoulait avant qu'un garde ne vint lui apprendre que ses maîtres l'attendaient.
Une fois dehors, il remarqua de suite que Byll qui habitait son corps n'était pas aux côtés de Pierrick et que c'était Élissande qui s'y trouvait, ce qui l'agaça.
En voyant Rouge accourir vers lui, il réalisa qu'il avait oublié l'amitié qui l'unissait à l'orcéant. Il aurait du mal à donner le change, mais il s'y emploierait de toutes ses forces. Il ne fallait pas risquer que Rouge vende la mèche à Pierrick, rendant le transfert d'âmes inutile.
— Cela a été ? demanda Rouge.
— Oui, très bien. Et de votre côté ?
Le dragon lui rapporta la position de maître Frédérick. Étant demeuré à l'écart, Byll ne pouvait pas la connaître, mais Korel lui était au courant.
Il fit donc semblant d'apprendre que maître Frédérick ne souhaitait pas les aider et s'en désola aussitôt, à peu près certain que c'est ainsi que l'orcéant aurait réagi.
— Ne nous décourageons pas. Korel va nous conduire à un nouvel allié.
Le licornéen fut étonné : comment Byll avait-il su se servir des pouvoirs de sa corne, alors que lui-même les maîtrisait à peine ?
— Byll ?
Le dragon attendait une réaction de sa part.
— Oui, tu as raison, nous ne sommes qu'au début de notre quête, répondit Korel avec lenteur, pesant ses mots.
Prétendre être quelqu'un d'autre était épuisant.