— Déshabille-toi.
Les
mots avaient franchi ses lèvres avant qu'il ait pu les retenir. Il
savait que leur temps ensemble était compté et il ne voulait pas en
perdre une miette, mais c'était absurde. Hoshi ne pouvait pas
comprendre. S'il l'étreignait, ce serait contrait et forcé. Comme
la toute première fois, des millénaires plus tôt. Il ne devait pas
refaire cette monumentale erreur.
— Ce
n'est pas protocolaire, déclara Hoshi sans esquisser un geste pour
retirer la tunique saturnienne noire brodée de volutes qu'il
portait.
Waldo
tiqua à la formule. Évidemment, cela ne l'était pas, mais ce
n'était pas non plus comme s'il y avait un réel code dans le
traitement des prisonniers. A la guerre, comme à la guerre...
— Personne
n'interdit d'expérimenter de nouvelles méthodes, répliqua-t-il
avec aplomb.
— Je
ne parlerai pas pour autant, affirma Hoshi en relevant le menton.
— Nu
et muet, une combinaison idéale, rétorqua Waldo.
Il
ne savait comment se dépêtrer de la situation dans laquelle il
s'était lui-même fourrée.
— Non,
dit Hoshi, croisant les bras contre son torse comme s'il craignait
qu'il ne lui arrache son habit.
Waldo
en fut étonné : les saturniens n'étaient pas réputés pour leur
pudeur. Il y avait là quelque chose à creuser... ou alors il se
laissait aveugler par son désir de l'admirer dans le plus simple
appareil.
S'il
persistait dans cette voie, Hoshi qui le considérait déjà en tant
qu'humain comme un ennemi, allait se mettre à le détester
personnellement. Il changea de tactique.
— Quelle
est l'opinion des saturniens sur la réincarnation ?
— Quelle
importance ?
— Cela
en a beaucoup pour moi. J'y crois, car je me souviens de toutes mes
vies antérieures et je te reconnais, toi mon âme-sœur, sans
faille.
Hoshi
ne laissa rien paraître à cette affirmation et garda le silence.
Waldo se rappelait de toutes les réactions de son âme-sœur : la
confusion d'Ewen, la curiosité amusée de Claude, l'acceptation
inespérée de Vik, l'indignation de Dake... Un tel manque de
réaction était inédit.
— Je
t'aime, mon cœur, déclara Waldo en tendant la main vers sa joue.
Hoshi
ne se déroba pas cette fois et Waldo caressa le satiné de sa peau
étoilée qui se mit à étinceler.
Alors
qu'il allait se risquer à passer son pouce sur les lèvres du
saturnien, un officier entra :
— Pourquoi
le prisonnier est-il sorti de sa cellule ? Ce n'est pas protocolaire
!
Les
mêmes mots exactement que Hoshi un peu plus tôt. En repensant à ce
qu'avait dit Basile sur le fait qu'il n'en tirerait rien
d'intéressant, la vérité se fit jour dans l'esprit de Waldo : même
s'il en avait les traits, Hoshi n'était pas un authentique
saturnien.
Lui
et son camarade avaient dû être transformés pour paraître en être
afin de pouvoir se mélanger aux vrais et servir d'espions.