vendredi 28 octobre 2016

Prochains épisodes le 7 novembre 2016

Info du 4 novembre : je préfère prévenir qu'étant tombée malade, la date des prochains épisodes sera possiblement décalée. 
Je vous tiens au courant. Bon week-end !

A travers les millénaires - 11

Au cours des années sanglantes qui suivirent, Waldo perdit Jacob de vue et fut blessé à de nombreuses reprises, mais malheureusement toujours survécu et monta peu à peu en grade dans la hiérarchie.
Waldo en ressentit plus de honte qu'autre chose. Ce qu'il aurait voulu, c'était être en position de mettre fin à toute cette violence.
Il se serait bien passé des longues réunions stratégiques, d'envoyer des hommes à la mort et d'interroger les rares végaliens et saturniens qu'ils parvenaient à faire prisonniers...
Les uraniens étaient pour leur part impossibles à capturer, car semblables à des kamikaze, ils leurs explosaient à la figure, leurs entrailles brûlant tout comme de l'acide.
Ayant été informé par le général que deux saturniens avaient été pris, il se rendit à la cellule où ils avaient été enfermés...
Si leurs silhouettes étaient semblables à celles des humains, leur peau bleue étoilée et l'anneau qui flottait comme par magie au-dessus de leurs crânes duveteux, les distinguaient sans peine.
Waldo s'immobilisa en les voyant, toute son attention se concentrant aussitôt sur celui de droite. C'était elle ou plutôt lui, les saturniennes n'étant pas envoyé au combat. Il s'était réincarné en extraterrestre. Comment était-ce possible ? C'était la première fois, après la mort de son âme-sœur qu'il la revoyait dans une même vie.
Waldo sut de suite que même si c'était l'ennemi, il ne pourrait le malmener pour lui soutirer des informations...
Il s'obligea malgré tout à leur poser des questions de routine à tour de rôle, comme si de rien n'était, alors qu'il mourrait d'envie d'entrer dans leur cellule, de le prendre dans ses bras et de l'embrasser à perdre haleine.
Les deux saturniens se montrèrent évidemment peu bavards. Les prisonniers ne l'étaient jamais. Il n'obtint que leurs noms. Seul celui de Hoshi se grava dans son cœur.
Il traîna le plus qu'il put, puis mit fin à sa première visite.
En temps normal, il laissait souvent passer une journée avant de revenir à la charge, le temps de discuter des choses qu'il avait réussi à apprendre avec d'autres officiers, mais il décida d'y retourner plus vite que cela.
Il avait trop envie de revoir Hoshi. En attendant, il fallait qu'il trouve un moyen de le libérer, de s'assurer qu'aucun mal ne lui serait fait. La situation était plus que délicate. Alors qu'il se torturait l'esprit, Basile, un officier du même rang que lui avec lequel il s'était vaguement lié d'amitié l'interpella :
— Alors, des révélations intéressantes de la part de nos deux saturniens ?
— Non, rien. Du moins, pour le moment.
— Tu es doué pour les faire parler, mais ceux-là, tu n'en obtiendras rien d'intéressant. N'as-tu rien remarqué de bizarre à leur sujet ?
Waldo fut embêté. La découverte de son âme-sœur l'avait secoué, amoindrissant ses facultés d'observation.
Il secoua la tête avec lenteur. Il ne pouvait expliquer à son camarade en quoi Hoshi était spécial par rapport aux autres saturniens.
— Eh bien, attends-toi à être surpris à la réunion de tout à l'heure ! s'exclama Basile avant de s'éloigner, un sourire triomphal aux lèvres.

jeudi 27 octobre 2016

A travers les millénaires - 10

En apprenant la nouvelle, la première pensée de Waldo fut qu'il n'aurait finalement pas longtemps à attendre avant de mourir, mais sa seconde fut que des milliers d'individus trouveraient également la mort et qu'autant d'atrocités auraient lieu. Il devrait y assister et dans certains cas, en être responsable et cela lui était insupportable.
Ils avaient réussi à vivre en paix ou à quelque chose qui y ressemblait pendant plusieurs siècles, alors pourquoi étaient-ils obligés d'en arriver à de pareilles extrémités, simplement parce qu'ils étaient différents des uns des autres ?
A bien y réfléchir, leur entente avec les uraniens, les végaliens et les saturniens avait tenu du miracle, surtout quand on songeait que les humains avaient mis des millénaires à cesser de s'entredéchirer.
Au grand dam de son père, mais aussi de Jacob qui auraient voulu que Waldo s'enrôle d'office dans l'armée, il participa à de nombreuses manifestations pacifistes. 
Que les uraniens, les végaliens et les saturniens ne soient pas humains, n'y changeait rien, il répugnait à donner la mort à laquelle une part de lui aspirait parce que son âme-sœur n'était plus là
Hélas, ces mouvements appelant à la paix n'aboutirent à rien, et Waldo fut contraint et forcé de rejoindre les rangs de l'armée, de même que des milliers d'autres jeunes hommes.
Son objection de conscience fut écoutée, mais pas entendue. Son officier supérieur discuta toutefois longuement avec lui.
Oui, la violence n'engendrait rien d'autre que mort et douleur, mais il était à présent trop tard pour faire machine-arrière, au point où ils étaient arrivés, ne pas prendre les armes revenait à signer la fin de l'espèce humaine.  Les uraniens, les végaliens et les saturniens étaient décidés à leur faire la peau.
Waldo, après avoir réfléchi, prit peur. La mort avait cessé d'être une fin pour lui parce qu'il s'était réincarné encore et encore, mais que se passerait-il si toute forme de vie était éradiquée sur Terre ? Il suffisait d'une mauvaise manœuvre, de l'emploi d'une dangereuse bombe extraterrestre...
Alors, il se résigna et contre ses meilleures convictions, il accepta de se battre.
Il apprit à manier les canons lasers et autres armes meurtrières avec une facilité que certains de ses camarades lui envièrent.
Et puis l'heure de sa première bataille sonna. Elle fut aussi horrible que celles de ses souvenirs, pire même. Un véritable carnage. Les extraterrestres possédaient des ressources insoupçonnées, faisant d'eux de redoutables adversaires.

mercredi 26 octobre 2016

Orcéant - 45

— Tu es sûr que ça va ? Quelqu'un t'a dit quelque chose de blessant ?
— Oui, tout va à merveille. J'ai été conduit dans une chambre et j'ai été laissé tranquille.
— Tu as eu à manger ?
Korel n'éprouvait aucune sensation de faim, aussi put-il assurer qu'il avait l'estomac plein. Il chercha ensuite à détourner l'attention de Rouge de sa personne.
— C'est curieux que le licornéen ne soit pas avec Pierrick, fit-il remarquer.
— Apparemment, Korel l'a rejeté.
A cette nouvelle, le licornéen fut interloqué et il trébucha sur une pierre du chemin. Qu'est-ce que Byll avait bien pu faire pour que Pierrick trouve l'audace de se déclarer après tant d'années à le couver des yeux et à le toucher pour un oui ou un non, en taisant ses sentiments ?
Il connaissait Pierrick et il savait que ce dernier allait éviter « Korel » à présent, le privant de toute possibilité de se rendre compte qu'il n'était plus le même et il ne fallait pas rêver, il n'allait pas se mettre subitement à chercher la compagnie de l'orcéant. Cette histoire faussait tout.
— C'est impossible, souffla-t-il, presque pour lui-même.
— Toi aussi, tu es d'avis que Korel aime Pierrick ?
— Non ! Je ne sais pas !
— Alors pourquoi dis-tu que c'est impossible ?Parce qu'ils appartiennent à une espèce différente et sont tous les deux de sexe masculin ? C'est notre cas à nous et cela ne nous empêche pas de nous aimer.
Korel n'en crut pas ses oreilles. Le dragon mettait-il l'amour ou l'amitié sur le même plan ou éprouvait-il de doux sentiments pour l'orcéant ? Il avait l'impression en tout les cas de s'être fourré dans un guêpier pas possible. Il n'aurait jamais dû se laisser convaincre par la vieille licornéenne... Hélas, à présent, il était embarqué.
— C'est vrai, reconnut-il.
Rouge lui prit la main et la lui serra.  
Boucles teintes en brun ou pas, il ressemblait trait pour trait à Pierrick, et dans le regard qu'il posait sur lui brillait la même lueur tendre et chaude, exceptée qu'elle était destinée à Byll. Korel en ressentit une culpabilité aiguë.
Il eut été correct de sa part de mettre le dragon dans la confidence, mais il craignait sa réaction en apprenant qu'il avait emprunté le corps de l'orcéant sans l'autorisation de ce dernier, alors il garda le silence.
Rouge, ses doigts toujours mêlés aux siens, se remit à parler :
— J'espère que Korel et Pierrick se réconcilieront rapidement, l'ambiance du groupe va autrement s'en ressentir.
Korel se retint de justesse de lancer qu'il ne fallait pas compter dessus, Pierrick ayant trop de fierté pour cela. Au lieu de cela, il approuva.
Rouge continua sur un autre sujet et Korel se demanda si jamais il se taisait. La compagnie de Pierrick lui manquait.

mardi 25 octobre 2016

Orcéant - 44

CHAPITRE 10
Korel ouvrit les yeux dans une pièce nue et vide dans laquelle il n'avait jamais mis les pieds et sut que la vieille licornéenne avait réussi l'échange. Il regarda ses mains : elles étaient larges, bleues et toutes rugueuses.
Il se leva et eut un instant de vertige. Il était vraiment beaucoup plus grand. Il espéra que Byll ne lui en voudrait pas trop d'avoir emprunté son corps. Il appréhendait le moment où l'orcéant viendrait lui demander des comptes.
La grande question était cependant de savoir si Pierrick s'apercevrait de l'échange de lui-même. En dépit des assurances de la licornéenne, Korel craignait que Byll ne révèle tout à Pierrick sans que ce dernier ait une chance de le reconnaître sous son apparence d'emprunt.
Loin du rouquin, il se sentait seul et terriblement isolé. Toutefois, il ne pouvait que s'en prendre à lui-même. C'était lui qui avait accepté le transfert d'âmes proposé par la vieille licornéenne.
C'était agréable d'être musclé et costaud, mais c'était aussi perturbant. Sa corne lui manquait et ses cheveux aussi. Heureusement, une lune serait vite passée et après cela, il serait enfin fixé sur la profondeur de l'amour de Pierrick.
Il lui sembla qu'une éternité s'écoulait avant qu'un garde ne vint lui apprendre que ses maîtres l'attendaient.
Une fois dehors, il remarqua de suite que Byll qui habitait son corps n'était pas aux côtés de Pierrick et que c'était Élissande qui s'y trouvait, ce qui l'agaça.
En voyant Rouge accourir vers lui, il réalisa qu'il avait oublié l'amitié qui l'unissait à l'orcéant. Il aurait du mal à donner le change, mais il s'y emploierait de toutes ses forces. Il ne fallait pas risquer que Rouge vende la mèche à Pierrick, rendant le transfert d'âmes inutile.
— Cela a été ? demanda Rouge.
— Oui, très bien. Et de votre côté ?
Le dragon lui rapporta la position de maître Frédérick. Étant demeuré à l'écart, Byll ne pouvait pas la connaître, mais Korel lui était au courant.
Il fit donc semblant d'apprendre que maître Frédérick ne souhaitait pas les aider et s'en désola aussitôt, à peu près certain que c'est ainsi que l'orcéant aurait réagi.
— Ne nous décourageons pas. Korel va nous conduire à un nouvel allié.
Le licornéen fut étonné : comment Byll avait-il su se servir des pouvoirs de sa corne, alors que lui-même les maîtrisait à peine ?
— Byll ?
Le dragon attendait une réaction de sa part.
— Oui, tu as raison, nous ne sommes qu'au début de notre quête, répondit Korel avec lenteur, pesant ses mots.
Prétendre être quelqu'un d'autre était épuisant.

lundi 24 octobre 2016

Orcéant - 43

Une fois en selle, il eut peine à maîtriser sa monture qui devait percevoir sa nervosité et son inexpérience.
— Tu es malade ? s'enquit Élissande avec sollicitude.
Byll secoua la tête. Cela eût tellement plus simple d'avouer la vérité, mais quelque chose de plus fort que lui l'en empêchait. Il commençait à soupçonner que cette envie de garder le secret à tout prix ne venait pas de lui, mais était incapable de réagir contre.
La jeune fille chevaucha un moment à ses côtés, mais face à ses réponses monosyllabiques, elle finit par rejoindre Pierrick qui trottait à bonne allure, loin devant.
Byll qui allait au pas fut rattrapé par Rouge qui marchait vite.
— Tu ne sembles pas dans ton état habituel et Pierrick, non plus.
— Oui, murmura Byll.
Il aurait tant voulu expliquer toute la situation, mais une voix en lui continuait à lui répéter de n'en rien faire.
— Il t'a avoué ses sentiments et tu n'y as pas répondu positivement ?
Byll fut impressionné que Rouge ait réussi à déduire cela de la froideur de Pierrick. Il était en revanche impossible qu'il devine ce qui s'était vraiment passé, à savoir que le corps de Korel n'était plus occupé par le licornéen.
— En quelque sorte.
— Tu l'aimes aussi pourtant, non ?
Faute de savoir quoi répondre – il n'était pas Korel – il finit par marmonner que cela ne regardait pas Rouge.
Ce dernier se le tint pour dit et le trajet jusqu'au bâtiment qui abritait les orcéants s'acheva en silence, Byll se maudissant d'avoir froissé son ami. Tout ce qu'il voulait, c'était réintégrer son corps et être à nouveau lui. Et à défaut, pouvoir se confier au dragon.
Voir son propre corps émerger du bâtiment suivi par un garde fit un drôle d'effet à Byll.
Rouge se précipita aussitôt à la rencontre de l'orcéant, le délaissant.
Byll ne savait comment se débrouiller pour prendre à part celui qui occupait son corps, le seul avec qui il se sentait le droit d'aborder le problème.

Élissande vint vers lui.
— Je ne sais pas trop ce quelle mouche vous a piqué tous les deux, mais Pierrick m'envoie te demander quelle direction il faut prendre.
Byll n'en avait pas la moindre idée. La corne de Korel ne lui avait rien soufflé.
Il mentit et la jeune fille retourna auprès Pierrick pour lui communiquer la direction arbitraire que Byll avait choisi. Il espérait très fort que le hasard leur serait favorable et qu'ils tomberaient malgré tout sur un allié susceptible de les aider dans leur quête.
Après une longue chevauchée qui transforma en compote le fessier de Byll, ou plutôt celui du licornéen, mais la douleur était sienne, le rouquin les fit s'arrêter. Il donna l'ordre qu'ils montent le camp tandis que lui-même partait chasser.
Byll savait désormais comment procéder, mais  il était moulu. Alors, il fit comme il put, secondé par  Élissande, Rouge et celui qu'il supposait être Korel, sans que nul ne commente sa maladresse.

vendredi 21 octobre 2016

Orcéant - 42

— Nous partons aujourd'hui, annonça Pierrick, presque aussitôt.
Frédérick chercha à le dissuader : tant de hâte était inutile. Mais Pierrick n'en démordit pas.
Élissande, pas plus que Rouge, ne tenta de le faire changer d'avis.
La conversation eut tôt fait de révéler que la jeune fille comme le dragon pensait également qu'il n'était pas nécessaire de s'attarder, Frédérick n'ayant pas l'intention de leur apporter son soutien.
— Tous les licornéens et orcéants n'ont pas la chance de naître sur vos terres, monsieur, déclara Élissande. J'ai eu l'occasion de voir par moi-même comment mon père s'occupait des siens et même le bétail est mieux traité !
Sa voix était vibrante d'indignation. Byll se demanda ce à quoi elle avait au juste assisté transformée en mouche. Peut-être oserait-il lui poser la question quand il serait à nouveau lui-même.
Rouge exprima un sentiment similaire, mais en se montrant plus mesuré dans ses propos. Il fit part de son admiration pour le système mis en place par maître Frédérick, tout en regrettant que ne concerne que son domaine. Les orcéants comme les licornéens de Frédérick ne pouvaient décider de s'installer ailleurs s'ils le souhaitaient. Leur liberté se limitait aux terres de Frédérick.
— Je le regrette, affirma le vieil homme avec embarras. Quoiqu'il en soit, vous êtes les bienvenus ici, assura-t-il.
Malgré les mets appétissants qui s'étalaient devant lui, l'estomac de Byll était trop noué pour qu'il avale ne serait-ce qu'une bouchée.
Ce n'est que sur l'insistance de la vieille licornéenne près de lui qu'il finit par se forcer à manger un petit pain brioché qui se révéla rempli d'une délicieuse substance rouge et sucrée.
Dès que Pierrick se leva de table, il lui ordonna froidement de rassembler leurs affaires. En temps habituel, il ne parlait jamais sur ce ton impersonnel à Korel. C'était plutôt sa façon de s'adresser à Byll...
Il était sans l'ombre d'un doute furieux et blessé d'avoir été rejeté.  Il se trompait. Le véritable Korel aurait probablement eu une réaction différente. Byll ne savait pas ce que licornéen éprouvait au juste à l'égard du rouquin, mais il était convaincu que même informé de son amour, il ne se serait jamais dérobé comme il l'avait fait à son contact.
Avec maladresse, mal à l'aise dans ce corps qui ne lui appartenait pas, Byll obéit à Pierrick et le  petit groupe finit par se retrouver sur le départ, dans la cour.
Byll ne savait pas comment grimper sur le dos d'un cheval et il échoua à le faire.
— Qu'est-ce que tu fabriques ? Dépêche-toi ! s'écria Pierrick.
Byll retenta le coup sans succès. C'est finalement Rouge qui eut pitié de lui et lui donna un coup de main. Son cœur battit plus fort face à la gentillesse du dragon.

jeudi 20 octobre 2016

Orcéant - 41

Byll caressa  le sommet de son crâne : c'était si étrange d'avoir des cheveux. Il regarda ensuite ses mains. Elles étaient si blanches pour lui qui avait normalement la peau bleue. Il glissa un doigt dans sa bouche où toutes ses dents étaient rentrés et petites.
Le physique du licornéen était bien différent du sien, et le monde à travers ses yeux aussi. La place des orcéants n'étaient pas dans les demeures humaines. A part courbé en deux, normalement, jamais il n'aurait pu entrer dans un endroit aussi décoré.
Byll aurait aimé prendre cela comme une opportunité, mais il n'y parvenait pas.  Il fallait qu'il retrouve Korel et qu'il récupère son corps. Le licornéen s'étant heureusement couché tout habillé, lui épargnant la difficulté de se vêtir, Byll quitta la chambre d'une démarche quelque peu hésitante, mais s'arrêta net, ne sachant dans quelle direction aller. C'était la magie qu'il avait propulsé ici et il ne connaissait pas le chemin de la sortie.
Il était encore dans le couloir, à s'interroger, quand le serviteur de Frédérick qui s'était occupé d'eux la veille arriva.
— Ah, vous êtes déjà levés. C'est bien. Vous êtes conviés à petit déjeuner afin de discuter du programme de votre journée.
Byll acquiesça.
— Veux-tu bien prévenir ton maître ?
— Il est allé voir nos camarades, expliqua Byll d'une voix légèrement tremblante.
Celle de Korel, pas la sienne. Avoir une enveloppe charnelle autre que la sienne était vraiment déroutant.
Rouge ne s'était pas plaint d'avoir une autre forme que son originelle, mais cela devait être dur pour lui. Byll, lui, en tout cas, détestait.
Il suivit l'homme qui toqua à une porte qui s'ouvrit sur Rouge et Pierrick.
Le rouquin détourna les yeux en le voyant. Rouge n'eut pas de réaction particulière. Il faut dire que le dragon n'était pas spécialement proche de Korel. S'il avait été lui-même, il lui aurait souri, Byll en était certain. Son indifférence lui fit mal.
Dès que possible, il lui raconterait comment il s'était réveillé dans le corps du licornéen et Rouge l'aiderait à trouver une solution pour qu'il regagne son propre corps, la seule chose au monde qu'il possédât vraiment, du moins, jusqu'à ce matin.
A nouveau, une petite voix en lui, lui suggéra de n'en rien faire : mieux valait que le dragon le reconnaisse de lui-même sous sa nouvelle apparence.
Ils passèrent prendre Élissande, puis tous se rendirent dans une salle à la haute voûte où une longue table recouverte d'une nappe fleurie était chargée de nourriture. Assis en bout dans une chaise sculptée, Frédérick présidait, une vieille licornéenne à sa droite.
Pierrick fut placé à la gauche de Frédérick avec Rouge et  Élissande. La chaise à côté de la licornéenne échut à « Korel. »

mercredi 19 octobre 2016

Orcéant - 40

C'était étrange et effrayant d'être face à un humain à sa taille, sauf que c'était l'inverse : c'était lui qui était devenu petit.
— Qu'est-ce qui t'arrive à la fin ? Déjà hier soir, quand on s'est retrouvé après que tu aies discuté avec les licornéens de Frédérick, tu étais bizarre.
— Mais non, murmura Byll, commençant à comprendre que derrière son changement d'apparence, il devait y avoir de la magie licornéenne.
Il restait à savoir si Korel en était responsable, ou comme lui, victime. Mais était-ce bien lui qui occupait son corps à présent ou un autre et dans quel but ?
Pendant que les questions se multipliaient dans l'esprit de Byll, Pierrick alla tirer les rideaux, désireux sans doute de tirer les choses au clair, au propre comme au figuré.
Quand il revint vers lui, Byll s'empressa de se lever pour garder une certaine distance entre eux. Peine perdue, son équilibre était défaillant dans ce corps inconnu et il serait tombé si Pierrick ne l'avait pas retenu juste à temps.
Byll s'arracha aussitôt aux mains qui l'avaient pourtant secouru et s'éloigna d'un pas vacillant.
Pierrick demeura sur place, le visage peiné. Korel, bien sûr, n'aurait jamais ainsi fui le rouquin, mais c'était plus fort que l'orcéant : le contact des humains lui faisait peur. Douleur et mépris, c'était tout ce qu'il avait jamais obtenu d'eux. Il avait entrevu avec Élissande la possibilité de quelque chose de plus positif, mais c'était encore trop frais et il se sentait terriblement vulnérable dans le corps du licornéen. Korel n'avait pas une once de muscles.
— Quelqu'un t'a informé de mes sentiments pour toi ou tu as fini par les remarquer, et désormais cela te dégoûte que je te touche, c'est cela ? demanda Pierrick en serrant les poings. Ne t'inquiète pas, je ne le ferais plus, continua-t-il. Trouve-nous un autre allié à visiter, un motivé. Nous partons d'ici aujourd'hui. Je vais en informer les autres.
Là-dessus, il tourna les talons et sans même un dernier regard, s'en fut en claquant la porte avec force.
Les jambes de Byll cédèrent et il se retrouva les fesses par terre. Sans le vouloir, il avait mis à mal la relation entre Korel et Pierrick.
Il n'avait aucune idée de comment réparer les choses, surtout qu'une petite voix en lui continuait à lui répéter que révéler sa véritable identité n'était pas la solution. Au fond de lui, il avait pourtant le sentiment que si. Le problème, c'est que maintenant, il était à peu près certain que le rouquin refuserait de l'écouter. Il était dans les ennuis jusqu'au cou, tout cela parce qu'il n'était pas dans son corps.
Sans cela, Pierrick ne se serait pas fâché avec le licornéen et Byll n'aurait pas eu à localiser un allié pour leur quête avec des pouvoirs qu'il ne possédait pas ou du moins dont il ne savait pas se servir, puisqu'une corne ornait désormais son front.

mardi 18 octobre 2016

Orcéant - 39

L'orcéant qui rêvait de voyager finit par le laisser, mais d'autres défilèrent dans la chambrette. S'ils étaient plein de curiosité envers Byll, ils ne se montrèrent pas envieux de sa situation : contrairement à leur camarade, ils semblaient satisfaits de leurs conditions de vie. Ils avaient conscience qu'ils avaient de la chance par rapport aux autres orcéants d'Erret.
A la nuit tombée, le flot de visiteurs se tarit enfin, au grand soulagement de Byll. Il avait eu mal à répondre à toutes les questions qui lui avaient été posées sans révéler le fait qu'il n'avait plus de maître et qu'il œuvrait pour qu'un jour, il en soit de même pour tous les autres orcéants.
Il s'allongea, se tourna et se retourna, mais ne put trouver le sommeil. C'était la première fois qu'il était sur un lit et cela le perturbait plus qu'autre chose.
En plus, Rouge lui manquait. Il s'était vite habitué à sentir contre lui sa douce chaleur,  à se laisser bercer par son souffle. Le dragon aussi devait être couché pour la première fois dans un lit.
Byll espéra que contrairement à lui, Rouge parvenait à apprécier ce confort nouveau.

    Quand il se réveilla, il eut un moment de panique. Sous lui, c'était tout mou. Il se rappela ensuite qu'il était dans le bâtiment des orcéants, chez maître Frédérick et qu'il s'agissait d'un matelas. Cependant, en dépit de la pénombre qui régnait, il réalisa qu'il était dans une autre pièce que celle dans laquelle il avait fini par s'endormir. Mal à l'aise, ne comprenant pas comment cela avait pu se produire, il se redressa.
Quelque chose bougea le long de son dos. Il se figea, puis tâta afin de voir ce que cela pouvait bien être. C'était comme une corde tressée, excepté que c'était doux.
Peut-être dormait-il encore et était en train de rêver... Il passa les mains sur son visage et constata avec effroi que ses dents proéminentes avaient disparu et que sur son front, une pointe avait poussé.
Un cri s'échappa de ses lèvres, sonnant étrangement à ses oreilles. Ce n'était pas sa voix. Pas son corps.
— Korel, ça va ? demanda Pierrick en se précipitant vers lui.
Trop perturbé par son changement de localisation, Byll n'avait pas remarqué sa présence jusque là. Il voulut lui révéler sa véritable identité, mais quelque chose le retint. Ah quoi bon, puisqu'il ne le croirait jamais ?
Il hocha la tête, mais Pierrick ne s'en contenta pas. Le rouquin tendit la main vers lui et Byll eut un mouvement instinctif de recul.

lundi 17 octobre 2016

Orcéant - 38

CHAPITRE 9

— Désolé que nous soyons séparés.
Byll aurait voulu pouvoir répondre à Rouge. Cela aurait été pratique s'il avait été capable de communiquer de la même façon, par télépathie, mais ce n'était hélas pas le cas et en présence du garde, il n'avait d'autre choix que de demeurer silencieux.
Il ne put pas regarder ses compagnons de voyage s'éloigner, l'homme en charge lui intimant de le suivre.
Il n'avait pas de fouet accroché à son ceinturon, mais Byll préféra ne pas prendre de risques et obéir. Peut-être qu'ici, ils avaient d'autres méthodes pour punir les orcéants récalcitrants...
A l'intérieur du bâtiment, il fut étonné de ne pas trouver un dortoir semblable à celui où il avait vécu, mais un long et étroit couloir qui laissait voir une série de box fermés, un peu comme dans une écurie.
Le garde lui ouvrit une des portes, lui ordonna de s'installer dedans et le laissa.
C'était comme une chambrette avec une lucarne, un lit avec matelas, couverture et oreiller, une tablette de bois fixée au mur et un pot.
Byll s'assit, abasourdi. Une pièce pour lui, un vrai couchage...
Un instant plus tard, un orcéant entra. Il était vêtu non pas d'un pagne en lambeaux, mais d'une tunique noire serrée à la taille par une bande de tissu jaune et il portait des sortes de chaussons en cuir à ses pieds.
— Je t'apporte un morceau de pain et une gourde d'eau.
— Cela ne va pas te manquer ? s'inquiéta Byll qui décidément allait de surprise en surprise.
— Hein ?
— N'est-ce pas ta part que tu me donnes ?
— Non, bien sûr que non ! Tu es tout maigre, mange donc.
Byll prit avec précaution ce qui lui était offert. L'eau était fraîche et le pain non rassis.
L'orcéant resta devant lui, attendant qu'il finisse.
Byll, la dernière gorgée bue, lui repassa la gourde, mais l'autre ne partit pas pour autant.
— D'où viens-tu ?
— De l'Est.
— Tu as de la chance de voyager.
Byll acquiesça. Sa liberté nouvellement acquise lui était précieuse, mais il avait l'impression que les orcéants de maître Frédérick étaient plutôt bien lotis : de l'intimité, de la vraie nourriture, de véritables habits...
— Comment c'est ?
— Cela ne fait pas longtemps que je suis sur les routes.
— Ah... Avant tu travaillais la terre dans un endroit comme celui-ci ?
C'était si étrange d'avoir le loisir de discuter avec un autre orcéant sans que retentisse un coup de sifflet, sans être houspillé, sans devoir se priver de manger ou de dormir.
Byll commença à évoquer ses anciennes conditions de vie, mais presque tout de suite, l'autre le coupa :
— Oui, je sais que c'est pire ailleurs, tu n'es pas le premier orcéant de passage. Ne crois pas que je me plains de mon sort, mais j'aimerai voyager.
Byll faillit lui parler de la quête qu'il avait entreprise avec Rouge, Pierrick, Korel et Élissande, puis jugea qu'il ne valait mieux pas provoquer de faux-espoirs. Maître Frédérick, tout généreux qu'il soit avec ses esclaves, ne les avait pas libérés pour autant. Leur demande d'aide ne déboucherait peut-être pas.

vendredi 14 octobre 2016

Orcéant - 37

La vieille licornéenne reprit :
— En échange, laisse-moi te révéler un de mes secrets. Je suis l'épouse de Frédrérick.
— Mais vous avez votre corne...
Elle pouffa, ce qui la rajeunit.
— Quand on s'aime d'un amour véritable, la corne ne tombe pas, même après la perte de l'innocence. Belle découverte, n'est-ce pas ?
— Même avec un humain ?
— Oui, mais seulement si cet amour est profond, s'il n'est que passager, alors la corne est perdue.
— Comment s'en assurer ?
— Dans ton cas, tu doutes parce que tu le penses uniquement attaché à ton apparence, n'est-ce pas ? Dans ce cas, il te suffit d'en changer.
— Nous avons ce pouvoir ?
— Pas exactement. Si tous les licornéens sont en mesure d'inciter autrui à agir selon nos souhaits, c'est à des degrés divers et si nous avons tous une sorte de sixième sens qui permet de dénicher ce que nous cherchons, là encore, c'est avec plus ou moins de précisions. Enfin, nous possédons chacun une spécialité qui nous est propre. De ce que tu m'as rapporté, tu te débrouilles déjà bien avec tes pouvoirs. Je ne peux pas vraiment t'aider à découvrir ce dont toi seul est capable, mais en revanche, je peux te faire profiter de ma spécialité pour résoudre tes soucis amoureux.
L'offre était généreuse, mais la vie avait appris à Korel à se montrer méfiant.
— Pourquoi feriez-vous cela pour moi ?
— Tu n'as pas à craindre que je te demande quoi que ce soit en contrepartie. Je veux simplement ton bonheur.
Korel hésitait encore. Et si jamais, c'était elle qui lui mettait en tête l'idée d'accepter ?
— Et puis, ce n'est pas comme si j'avais souvent l'occasion d'exercer le pouvoir qui m'est propre, ajouta la licornéenne.
Cet intérêt personnel qu'elle avait dans l'affaire rassura Korel.
— Comment comptez-vous procéder ?
— Un orcéant voyage avec vous, si j'ai bien compris et ton maître le trouve laid, n'est-ce pas ?
Korel hocha la tête et elle continua :
— Je vais effectuer un transfert d'âmes. Vous serez chacun à la place de l'autre le temps d'une lune. Il suffit d'implanter chez l'orcéant le désir de taire l'échange. Si ton maître te reconnaît de lui-même et veut toujours de toi, c'est que son amour est authentique.
Le licornéen n'était pas très sûr de vouloir être dans le corps de l'orcéant, surtout que cela ne semblait pas juste vis-à-vis de Byll. Mais l'envie de savoir enfin à quoi s'en tenir sur les sentiments de Pierrick fut plus fort que ses scrupules.

jeudi 13 octobre 2016

Orcéant - 36

— N'avez-vous pas envie que tous les licornéens de Erret puissent conserver leur corne ?
La question de Pierrick ne reçut pas de réponse immédiate, maître Frédérick avait les yeux fixés sur une licornéenne d'un âge avancé qui était assisse dans une alcôve du couloir qu'ils traversaient.
— Refaire le monde de fond en comble me semble utopique, finit-il par soupirer. En tout les cas, vous êtes les bienvenus et vous pouvez rester parmi nous autant de temps qu'il vous plaira.
— Merci, mais nous allons reprendre la route sans attendre pour nous mettre en quête d'un autre allié.
— Il est déjà tard et je suis sûr que votre camarade licornéen n'aurait rien contre à discuter avec d'autres qui, comme lui, ont le privilège d'avoir leur corne.
Korel remercia le vieil humain. Il trouvait sa position respectable, même si elle semblait indigner Pierrick – ce qui était étrange dans la mesure où leur quête ne lui tenait pas tant que cela à cœur.
— Allons à table et laissons votre camarade ici, vous me donnerez des nouvelles...
— De l'Est, coupa Pierrick.
Maître Frédérick ne se formalisa pas du fait qu'il ait menti auparavant et l'entraîna avec lui. Pierrick, avant de s'éloigner, s'assura que cela convenait à Korel qui opina.
La vieille licornéenne lui fit signe de venir et le conduisit dans un petit salon tout en jaune et bleu où de moelleux fauteuils entouraient une joli table basse ronde.
Elle lui offrit du thé et sans comprendre bien pourquoi, Korel se retrouva à lui confier toutes ses peurs et ses secrets, même plus intimes : y compris son amour pour Pierrick et ses doutes quant à la sincérité des sentiments de ce dernier.
Quand il se tut, horriblement gêné de ce qu'il avait dévoilé sur lui-même, la licornéenne toucha sa corne toute lisse et avoua qu'elle l'avait  poussé dans cette voie.
— Je suis désolée, mais ton compagnon de voyage ne semblait pas désireux que vous fassiez un long séjour parmi nous, aussi je n'avais pas le temps que tu te sentes suffisamment à l'aise avec moi pour me confier ce que tu avais sur le cœur.
Savoir qu'il avait été victime des pouvoirs de manipulation de son interlocutrice effraya Korel : c'était là une capacité redoutable que possédait son espèce. Il aurait voulu lui faire des reproches, mais il était trop habitué à contenir son ressenti pour cela.

mercredi 12 octobre 2016

Orcéant - 35

— J'attends de voir comment cela va tourner avant de me réjouir, répondit-il finalement.
Cela contenta Pierrick qui le relâcha.
— J'ai hâte moi aussi.
Il était toujours pressé pour tout. Sauf avec lui. Il ne l'avait pas mis au pied du mur et exigé qu'ils deviennent amants. Cela donnait à espérer que son amour soit vrai et non simple attirance physique. Peut-être aussi que ce n'était que cela et que c'était pourquoi Pierrick n'y cédait pas.
Korel tira sur sa tresse. Il allait devenir fou. Tout allait bien jusqu'à ce qu'ils partent sur les routes ou plutôt jusqu'à ce qu'ils rencontrent  Élissande. Cette dernière était du genre tactile et sa manière de sauter au cou de Pierrick était agaçante.
Elle pouvait l'avoir, cela lui était égal. C'était faux. De qui de moquait-il ? Il aimait cet idiot. Il ne pouvait continuer plus longtemps à prétendre le contraire, mais cela ne changeait rien : il ne voulait pas perdre sa corne, pas avant en tout cas que les autres licornéens aient le droit de garder la leur. Or, ce n'était pas privé de ses pouvoirs qu'il arriverait à quoi que ce soit. Et, de toute manière, tout ce que Pierrick voyait, c'était son physique. Il suffisaitt de l'entendre dénigrer les orcéants pour comprendre à quel point l'apparence comptait pour lui.

 En début de soirée, alors que Pierrick tournait en rond dans la chambre et que Korel contemplait les jardins par la fenêtre, on toqua à la porte.
Ce fut maître Frédérick lui-même qui la poussa.
— Votre ami Rouge m'a exposé vos projets et j'ai le regret de vous informer que je n'ai pas l'intention de vous apporter mon aide.
— Peut-être s'y est-il mal pris dans ses explications, il ne connaît pas grand chose au monde, commença Pierrick, prêt à argumenter.
— Non, il a été très clair. Vous avez la fougue de la jeunesse et j'admire vos ambitions. De mon côté, j'ai choisi de changer les choses à mon échelle. Mes esclaves sont bien traités et bien nourris et chacun à sa chambrette et mes serviteurs humains comme licornéens ont une aile dédiée dans ma demeure. Leurs quartiers sont aussi confortables que les miens. Je vais vous faire visiter, cela vaudra mieux qu'un long discours.
Pierrick accepta et Korel, dubitatif, suivit les deux hommes. Tous ses doutes cependant s'envolèrent devant les premiers licornéens qu'ils croisèrent. Ils possédaient leurs cornes brillantes.
— Oui, chez moi, pas de coupes intempestives. Évidemment, pour ne pas froisser mes voisins qui pourraient en prendre ombrage, je les garde cachés ou bien je leur fait porter un couvre-chef au large bord comme celui que votre serviteur porte alors même que nous sommes à l'intérieur et qu'il n'a aucun besoin de se protéger du soleil. Surtout à une heure aussi tardive.
Pierrick grimaça, probablement mécontent que leur stratagème ait été percé aussi aisément à jour. Korel ôta son chapeau.
Peut-être qu'ici, il pourrait apprendre à se servir de ses pouvoirs. Il suffisait d'oser demander, mais les mots étaient comme coincés dans sa gorge.

mardi 11 octobre 2016

Orcéant - 34

C'est à  Élissande que l'homme de Frédérick attribua courtoisement la première chambre : une grande pièce contenant un lit à baldaquin digne d'une princesse et une élégante coiffeuse. Rouge bénéficia de la seconde, l'homme s'excusant par avance de la longueur du couchage qui risquait d'être trop juste.
— Il a l'habitude, prétendit Pierrick alors même que le dragon n'avait jamais dormi dans un lit.
Pierrick obtint la sienne en dernier.
— Mon serviteur peut-il dormir avec moi ? Je pourrais avoir besoin de ses services durant la nuit.
Korel, même s'il préférait demeurer à ses côtés plutôt que d'être relégué dans le dortoir des subalternes, n'aima pas qu'il implique qu'il partageait sa couche.
Leur interlocuteur ne l'interpréta fort heureusement pas ainsi :
— N'ayez pas d'inquiétude. Il y a de quoi dresser un lit d'appoint.
— Merci.
— Je vous demanderai de bien vouloir attendre dans vos chambres que mon maître vous fasse chercher.
D'invités, on aurait dit qu'ils devenaient prisonniers. Il n'y avait cependant rien de surprenant à ce que l'homme ne tienne pas à ce que de parfaits étrangers se baladent dans la demeure de son maître dont il s'était bien gardé de commenter l'excentrique et soudaine invitation.
Korel ne le comprenait que trop bien : ce n'était pas la place d'un serviteur que de discuter les ordres de son maître, quand bien même ils étaient déraisonnables. Garder le silence et s'adapter était la seule attitude possible.
Korel se demanda s'il avait vraiment le pouvoir d'influencer les gens comme l'avait affirmé Pierrick, mais ne tenta rien. Il serait toujours temps d'essayer quelque chose s'il se confirmait qu'ils étaient en mauvaise posture.

    Quand ils furent seuls, Pierrick lui sourit.
— Nous voilà dans la place.
Korel acquiesça.
— Tu n'es pas content ?
— Si.
— Tu n'en as pas l'air, répliqua Pierrick, en lui relevant le menton pour le regarder dans les yeux.
Il prenait vraiment n'importe quel prétexte pour le toucher, tout en le maintenant à distance. Plus le temps passait, plus cela irritait Korel.
Cette unique nuit collée à lui pour se tenir chaud faute de couverture restait gravée dans sa mémoire. Il ne pouvait oublier le corps ferme et musclé de Pierrick contre le sien, son souffle légèrement haletant à son oreille.
Cela avait éveillé chez lui un désir qu'il se refusait d'éprouver. Il devait rester pur et conserver sa corne. Si jamais il s'abandonnait dans les bras de Pierrick, il la perdrait alors que ce dernier aurait tôt fait de se lasser de lui.

lundi 10 octobre 2016

Orcéant - 33

CHAPITRE 8
Ils n'eurent pas à attendre très longtemps avant que le maître des terres n'apparaisse à cheval entouré d'une escorte.
Korel, par souci de discrétion, plutôt que de désigner du doigt leur potentiel allié, choisit de leur décrire.
En temps habituel, c'est Pierrick qu'il aurait informé en premier, mais vu leur plan, c'est de Rouge dont il s'approcha pour lui dresser le portrait de l'homme que sa corne lui indiquait comme le bon.
Il sentit le regard noir de Pierrick posé sur lui durant tout le temps qu'il passa auprès du dragon à l'apparence humaine, aussi dès qu'il eut fini, il se dépêcha de rejoindre le rouquin pour lui répéter ce qu'il avait dit : le maître des terres était l'homme aux longs cheveux blancs tout vêtu de vert à l'exception de sa cape qui était jaune poussin.
Il avait à peine terminé que le cavalier fit demi-tour, imité par son entourage et se présenta à eux :
— Bonjour. Je suis maître Frédérick. Vous êtes des voyageurs venant du Nord, n'est-ce pas ? J'aimerai beaucoup des nouvelles de la région. Je vous invite à passer la nuit dans ma demeure.
— En effet. Grand merci, monseigneur, répondit prestement Pierrick en inclinant la tête.
C'était un mensonge : ils arrivaient de l'Est, mais l'occasion était trop belle.
Rouge y était sans doute par quelque chose, s'il avait réussi à communiquer par télépathie avec leur potentiel allié.
Maître Frédérick expliqua qu'il avait une visite à effectuer, mais qu'il serait de retour avant la fin de la journée. Il ordonna à l'un de ses compagnons de les conduire jusqu'à chez lui et de les installer comme des invités de marque.
Korel fut frappé par le fait qu'il ne s'agissait pas d'un licornéen, mais d'un humain. Ce dernier vanta la générosité de son maître durant le trajet.
Quand ils furent en vue d'un large bâtiment rectangulaire, il voulut que leur esclave orcéant loge temporairement avec ceux de Frédérick.
— Ne peut-il pas nous accompagner ? s'enquit Rouge.
L'homme parut déconcerté.
— Mon frère plaisante, assura Pierrick.
Et Byll fut laissé au bon soin d'un garde. Rouge, les traits fermés, s'attarda, puis les rattrapa à grandes enjambées.
Derrière deux solides remparts, Maître Frédérick possédait une belle demeure en pierres bleutées avec de longues fenêtres dont une sur trois était ornée de vitraux.
L'intérieur était également munificent, richement meublé et décoré. A côté la maison où avait grandi Pierrick semblait modeste. Élissande ne paraissait guère impressionnée. Rouge, non plus, à dire vrai, sûrement parce qu'il était toujours contrarié qu'ils aient laissé l'orcéant derrière eux.

vendredi 7 octobre 2016

A travers les millénaires - 9

— Où es-tu encore parti ? demanda le sosie de Dake, nu et alangui sur le lit flottant du love motel.
— Nulle part, répondit Waldo, songeant qu'il aurait surtout aimé être à une autre époque.
— Tu es toujours ailleurs, déclara la pâle copie de Dake avec une moue boudeuse.
Ainsi, il ne lui ressemblait plus tant que cela.
— Si cela te dérange, nous ne sommes pas obligés de nous revoir, répliqua Waldo en s'asseyant au bord du lit pour se rhabiller.
Jacob, le double de Dake, le rejoignit et se collant à son dos, passa les bras par dessus ses épaules.
— Ne sois pas si froid avec moi ! Déjà que souvent, j'ai l'impression que c'est comme si j'étais transparent à tes yeux, un peu comme si tu voyais un autre à travers moi.
— C'est le cas.
— Tu ne tiens pas à moi, même pas un petit peu ?
Le ton était léger, plaisantin, mais Waldo  perçut malgré tout la détresse de Jacob et en éprouva du remords.
Ils couchaient fréquemment ensemble depuis plusieurs mois désormais et il était normal de s'attacher un minimum. Mais qu'est-ce qu'était à peine une année en comparaison à des millénaires ? Jacob n'était rien pour lui.
— Non, désolé. Il vaut mieux que nous en restions là, répondit Waldo.
Jacob le serra plus fort contre lui.
— Ne dis pas de bêtises. Je ne veux pas d'un autre partenaire que toi, car sexuellement parlant, on est super compatibles.
— Mais cela n'ira jamais plus loin que cela. Et toi, tu veux plus, non ?
— Moi, pas du tout !
Son indignation paraissait sincère. Sûrement essayait-il de donner le change et il était plutôt bon comédien. Waldo aurait presque pu croire que Jacob n'avait pas développé de sentiments pour lui.
Plutôt que d'insister pour rompre tout lien entre eux, parce qu'une pâle copie valait mieux qu'un trou béant à la place du cœur, Waldo tourna la tête vers lui et s'empara de sa bouche.

    Trois ans après le décès de son âme-sœur, alors que sa relation avec le sosie de Dake perdurait bon an mal an,  la guerre éclata dans toute sa laideur.
L'incident mineur entre saturniens et humains qui avait causé la mort de Morgane n'avait été que le début. Ils s'étaient multipliés et d'autres s'étaient produits avec les uraniens et les végaliens, chaque mort suscitant davantage de colère et d'incompréhensions de part et d'autres jusqu'à ce qu'à déboucher sur un conflit officiel. Les quatre espèces étaient désormais à couteaux tirés.

jeudi 6 octobre 2016

A travers les millénaires - 8

Dans un premier temps, Waldo se consacra corps et âme à ses études et son travail. Garder la fille de Morgane le peinait, mais il n'avait pas voulu les abandonner dans cette épreuve. De cette façon, il pouvait faire son deuil avec eux.
Chaque fois qu'il avait un moment libre, il se plongeait dans ses souvenirs, se remémorant chacune de leurs vies ensemble.
Il s'était cependant vite rendu compte qu'il lui était plus douloureux d'évoquer celles où son âme-sœur avait été une femme, car cela lui rappelait trop ce qu'il avait manqué avec Morgane. Il était par ailleurs mal à l'aise au souvenir de sa propre féminité. Il songeait par conséquent plus volontiers aux fois où ils avaient été deux hommes. C'était après tout ainsi qu'ils avaient commencé.
Parfois le matin, il s'éveillait glacé avec la sensation d'avoir les bras vides : Kuma n'y était pas niché. Quand il se douchait, il regrettait les thermes de sa maison romaine où Ewen lui avait frotté amoureusement le corps.
Il revivait en pensée leurs repas, leurs promenades, leurs conversations, leurs baisers, leurs corps enlacés...
Il était resté puceau la grande majeure partie de ses vies jusqu'à ce qu'il retrouve son âme-sœur. Il ne se rappelait que trop bien de la joie de Dake en l'apprenant, Dake qui s'était souvenu de toutes leurs vies, à qui il avait promis de le séduire encore et encore, pour l'éternité. Il n'avait pu tenir cette promesse dans cette vie, il n'avait même pas essayé, il n'en avait pas eu le temps.
L'abstinence dans cette vie n'avait pas de sens.  Vivre uniquement dans ses souvenirs lui était impossible. Il se sentait trop seul avec trop d'années devant lui à meubler. Il se mit à coucher à droite à gauche, de préférence avec des hommes qui avaient une ressemblance avec les alter ego de Kuma : un blond moustachu comme Ewen le gaulois, un brun à la peau mate et aux yeux noirs comme Dake... Cela l'aidait à ranimer le passé le temps d'une étreinte, mais jamais il ne se laissait aller à les appeler « mon cœur. »
Sans vraiment le vouloir, il se retrouva à baiser régulièrement avec un sosie de Dake. Ce dernier clamait que Waldo était « un dieu au pieu », mais il n'en tirait aucun plaisir. Certes, ensemble, ils « prenaient leur pied », mais ce n'était pas lui et Waldo demeurait insatisfait. Oui, c'était bon de le sentir se contracter autour de lui, de l'entendre gémir accroché à ses épaules comme un naufragé à sa planche alors qu'il le pilonnait, mais leur absence d'histoire commune rendait l'acte mécanique. Le sexe, au lieu d'être brûlant était tiède.
Le double de Dake ne tenait pas la comparaison avec l'original. Waldo alias Noah avait vieilli à ses côtés, même si bien sûr qu'il ait été son professeur n'avait pas été sans poser problème. Ils avaient attendu que Dake soit largement majeur pour officialiser leur relation auprès de leurs proches.

mercredi 5 octobre 2016

A travers les millénaires - 7

Il aurait voulu secouer l'homme qui lui faisait face, l'accuser de n'avoir su la protéger, mais il voyait bien qu'il partageait sa douleur.
La violence n'était pas la réponse. C'était à cause d'elle que Morgane était morte. Sans cette échauffourée entre saturniens et humains, elle aurait continué à lui sourire, à le remercier de garder sa fille...
La colère montait en lui, incontrôlable. Il ne fallait pas. A la haine, l'unique réponse était l'amour, car à défaut de résoudre quoi que ce soit, il évitait une spirale sanglante ou chacun voulait tuer pour venger un être cher.
Des larmes lui remplirent les yeux. Qu'allait-il faire du reste de sa vie, sans elle ? Maintenant, il n'avait vraiment plus aucun espoir, il ne pourrait plus jamais lui parler de leur amour qui traversait les âges, il serait obligé d'attendre sa prochaine vie. Tant d'années vides et solitaires s'étendaient devant lui. Il ne voulait être avec personne d'autre qu'elle.
Waldo, à travers sa vision brouillée par le chagrin, contempla longuement les veines de ses poignets. Il lui suffisait de les ouvrir pour en finir et ne plus souffrir.
Se suicider, l'idée était aussi lâche que tentante, mais c'était tricher que prendre un raccourci pour s'épargner de longues années sans amour. Et qui sait, cela aurait pu mettre fin à ses réincarnations successives...
Or, au cours de leurs prochaines vies, les choses ne pouvaient qu'être meilleures. Mais c'était dur de s'accrocher à ce futur lointain. Il n'avait jamais que seize ans, à quelques millénaires près.
Il allait pourtant devoir se passer de son âme-sœur dans cette vie. Ce n'était après tout pas la première fois qu'elle mourrait avant lui. A leur troisième retrouvaille, Ewen le gaulois était  mort de vieillesse bien avant lui... Oui, mais cela semblait plus injuste dans les circonstances présentes alors qu'ils n'avaient rien vécu ensemble, pas échangé un seul baiser, à peine eu une véritable discussion.
Il avait au moins les souvenirs de ses vies antérieures. Ils avaient eu des moments de bonheurs intenses.
Il fut rappelé au présent quand la fille de Morgane, tout ensommeillée, trottina soudain dans l'entrée où ils se tenaient immobiles, chacun perdu dans leurs pensées.
— Où elle est maman ?
Le mari de Morgane vint entourer la fillette de ses bras et la serra très fort, pressant ses lèvres contre ses cheveux.
Il puiserait la force de continuer dans l'enfant, mais Waldo, lui, ne le pouvait pas. Non, tout ce qu'il pouvait faire, c'était persister dans la voie de la diplomatie pour que la paix règne entre les saturniens, uraniens, végaliens et terriens et qu'il n'y ait plus de bagarres qui tournent mal. Mais même avec cet objectif, l'avenir lui semblait bien noir.

mardi 4 octobre 2016

A travers les millénaires - 6

Pendant les mois qui suivirent sa rencontre avec son âme-sœur, Waldo se répéta qu'il n'y avait pire situation que de l'avoir retrouvé en ayant pratiquement aucune chance d'avoir un avenir avec elle. Cependant, dans la foulée, il relativisait. Au Moyen-âge, cela avait été bien plus terrible : il était encore plus jeune qu'alors, sans aucun parents, et même après le veuvage de son bien-aimé, l'homosexualité était à cette époque condamnée et passible de peine de mort... Et, quand ils avaient été frères jumeaux, cela avait été tabou et encore plus affreux et il n'avait osé lui donner qu'un baiser ensanglanté dans un dernier souffle, alors qu'autour d'eux la guerre continuait à faire rage.
Waldo était quand même triste et furieux, trouvant mille défauts au mari de Morgane, même s'il était obligé d'admettre que ce dernier n'était pas un mauvais bougre et que leur couple fonctionnait.
Dans sa frustration, il se débrouilla pour aborder avec elle le plus innocemment possible le sujet de la réincarnation, mais elle tourna la chose à la plaisanterie. Un classique ! Cela ne pouvait pas être toujours comme du temps où ils s'appelaient Xanthe et Vik. A dire vrai, c'était la seule fois où il l'avait cru de suite quand il avait évoqué leurs vies antérieures communes.
Waldo se sentait malchanceux et malheureux. Il ne pouvait s'empêcher de rêver qu'elle se sépare de son mari et finisse dans ses bras à lui. Finalement, la fois où leurs chemins s'étaient croisés sur le tard n'avait pas été si mal...
   
    Un soir, alors qu'il attendait leur retour en ruminant une fois de plus sur la pénible situation, ni Morgane ni son mari ne rentrèrent à l'heure prévue à l'appartement.
Tard dans la nuit, il finit par recevoir un message succinct sur son ordiphone : à la sortie du restaurant, ils avaient été pris dans une dispute entre saturniens et humains qui avait dégénéré, ils étaient à l'hôpital et ils ne reviendraient pas avant le lendemain.
Waldo promit de veiller sur la petite jusqu'à leur retour et passa la nuit à se ronger les sangs  pour elle, la main crispée sur son ordiphone dans l'attente de nouvelles.
    Au petit matin, alors que la fillette dormait encore, quand la porte s'ouvrit, il se précipita, mais Morgane n'était pas là. Il y avait uniquement son mari, les traits tirés et l'air hagard.
— Elle a été gardée en observation à l'hôpital ? demanda Waldo, trop inquiet pour s'embarrasser de formules de politesses.
— Elle était grièvement blessée. L'opération a échoué. Elle est morte.
Tout devint trouble autour de Waldo en entendant ses mots. Ce n'était pas possible qu'elle ne soit plus de ce monde.
Il avait cru qu'il n'y avait pire douleur que de la fréquenter sans qu'elle soit à lui, mais la perdre lui causait une souffrance bien plus grande encore. 

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Suite de A travers les millénaires demain.

lundi 3 octobre 2016

A travers les millénaires - 5

Le père de la fillette l'introduisit dans le salon et le présenta à sa femme et sa fille qui étaient assisses dans un large canapé blanc en forme de L.
Il ne l'avait jamais vu, mais il la reconnut, c'était elle son âme-sœur. Il avait vécu cette instant de multiples fois, mais cela le troubla tout au fond de son être. C'était extraordinaire de savoir que c'était elle au premier coup d'œil. Elle était si petite et si jolie avec ses cheveux blonds tressés et ses yeux verts. Mais elle était mariée, car ce n'était pas la fille, hélas, mais la mère. Cela aurait été certes bizarre s'il s'était retrouvé le baby-sitter attitré de son  âme-sœur, mais il aurait pu espérer une bonne dizaine d'années plus tard construire quelque chose avec elle. Sept ans d'écart, ce n'était pas si énorme. Ils avaient déjà fait pire. Mais non, la petite fille n'était pas concernée, à la différence de sa mère qui, à vue de nez, devait avoir dans la trentaine. Le problème n'était cependant pas la différence d'âge, le souci, c'est qu'elle n'était pas libre. Elle en avait épousé un autre, pas lui.
Waldo se rendit compte soudain qu'il n'avait rien écouté de ce que le couple venait de lui demander. S'il voulait obtenir le job que sa mère lui avait présenté sur un plateau d'argent, il fallait qu'il se réveille. C'était le seul moyen de la revoir, même si cela ne pourrait jamais être que brièvement puisqu'il garderait sa fille en son absence, même si elle ne serait jamais sienne. A moins bien sûr que son mari ne meurt – et il ne pouvait souhaiter chose pareille - ou qu'elle le quitte.... Il n'était de toute façon pour le moment qu'un adolescent boutonneux avec zéro chance de la séduire.
Ce n'est pas si souvent que cela que son âme-sœur n'avait pas été libre de tout engagement. Ce n'était jamais que la troisième fois. Théodebert s'était voué à Dieu, Gui avait une mie... et voilà que Morgane était mariée.
Waldo présenta des excuses pour sa distraction et se focalisa sur les propos qui lui étaient tenus, même s'il était profondément triste.
Le couple voulait connaître son expérience avec les enfants et le nombre d'heures qu'il était prêt à effectuer. Ils exposèrent également leurs exigences : il fallait que la petite soit couchée à 20h45, qu'elle ne mange pas de sucre et surtout pas de gluten auquel elle était allergique. Il devrait superviser ses devoirs et ses leçons.
Waldo qui se doutait n'avoir pas fait très bonne impression au début, assura qu'il suivrait à la lettre les instructions données, qu'on pouvait compter sur lui et il obtint la place sous réserve que tout se passe bien avec la fillette.
Il n'en ressentit aucune joie particulière. Il avait trop mal que Morgane soit à la fois si près et si loin. 

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Suite de A travers les millénaires dès demain.