lundi 31 août 2015

Contes modernes - 118

Il fallut cependant quinze jours entiers à Cole pour trouver le courage de déclarer un matin, à la fin du petit déjeuner :
— Je veux que tu t'en ailles.
Il s'était répété ses quelques mots en boucle dans sa tête, mais n'avait pas pu se résoudre à les prononcer. Seulement, cela le rongeait et son écriture en pâtissait. Leurs routes devaient se séparer et aujourd'hui n'était pas pire qu'un autre jour pour recommencer à vivre seul.
Hans parut l'image de la désolation même.
— Non, s'il-vous plaît, je veux rester. Je suis prêt à tout pour ça...
Et voilà, il usait encore de formules troublantes qui excitaient l'imagination de Cole et pas seulement. C'était son devoir de le mettre en garde. Si un jour quelqu'un le prenait au mot, le jeune homme risquait d'être dans de sales draps.
— Tu ne devrais pas dire des choses pareilles à la légère. Si je te répondais, lèche-moi les chaussures, ce serait...
Cole s'interrompit, halluciné. Hans s'était levé et mis à ses pieds.
— C'était exemple, pas une exigence, déclara-t-il, précipitamment.
— Je suis sérieux quand je dis que je ferais n'importe quoi pour demeurer ici.
Assis sur ses talons, Hans le fixait, dans l'attente.
— Mais, enfin, pourquoi ? grommela Cole, troublé.
— Parce que je vous aime, avoua Hans avant de se relever brusquement en prenant appui sur les genoux de Cole.
Leurs dents s'entrechoquèrent et leur nez se cognèrent dans la précipitation de Hans à l'embrasser. Mais quand leurs bouches se joignirent, Cole en savoura la douceur sucrée avant de le repousser.
Ils ne devaient pas en dépit du désir mutuel qu'ils éprouvaient.
— Je ne suis pas à votre goût... Même si vous êtes gay ? demanda Hans tristement, les épaules affaissées.
— Ce n'est pas ça...
Une petite lumière se ralluma dans ses yeux noisettes. Cole était obligé de l'éteindre pour son bien.
— Nous avons une trop grande différence d'âge. Tu as vingt ans, j'en ai quarante. Je pourrais être ton père.
— Je vous croyais plus âgé.
Cole ne s'en sentit pas vexé. Il ne prenait guère soin de son apparence, ses cheveux mal peignés d'un gris uniforme le vieillissait, et de façon amusante, il avait fait la même erreur autrefois avec Hans.
— Je crois que tu te méprends sur ce que tu ressens pour moi.
Hans secoua vivement la tête.

vendredi 28 août 2015

Contes modernes - 117

Dans la cuisine, Hans s'activait devant la cuisinière tandis qu'Elisa, assisse à table se tournait les pouces, tout en discutant de Moi et mon fantôme.
Cole en fut soulagé, c'était un sujet somme toute neutre, même si Hans et Elisa avaient des opinions divergentes. Le repas fut en revanche éprouvant. Comme s'il n'avait pas été là, Elisa le critiqua sans prendre de gants et Hans le défendit bec et ongles. Cole leur rappela sa présence à plusieurs reprises sans que cela ne change rien.
Quand le déjeuner s'acheva, Elisa prit congé. Elle demanda à ce que Cole la raccompagne un bout de chemin, chose qu'elle n'avait jamais réclamé jusqu'alors et quand Hans proposa de le remplacer, elle refusa.
Cole, intrigué, la suivit hors du chalet. Pour une fois, ses personnages pouvaient attendre.
Ils s'étaient éloignés d'à peine quelques pas, qu'Elisa lança :
— Je sais que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais... ce n'est vraiment pas ton amant ? Ça se voit comme le nez au milieu de la figure que vous êtes amoureux l'un de l'autre...
— Tu te trompes. Et de toute façon, même si c'était vrai, il est beaucoup trop jeune pour moi.
— Si vous vous aimez, je ne vois pas le problème.
— Tout le monde n'a pas ton ouverture d'esprit.
— Certes, certes. Mais je n'ai jamais eu l'impression que tu te souciais des conventions sociales. Après tout, tu t'es crées ton petit univers avec ses propres règles au fin fond de la montagne.
— Ce sont deux choses différentes.
— Mais enfin...
— La discussion est close, coupa Cole d'un ton sec, l'air sévère.
Elisa soupira.
— Très bien, mais c'est ridicule cette situation. Ce pauvre jeune homme est attentif à tes moindres désirs, à la recherche de la moindre miette d'affection que tu voudras bien lancer dans sa direction, et toi, tu le laisses se morfondre tout en lui lançant de brûlants regards à la dérobée.
Cole s'arrêta de marcher, plantant sa canne dans la terre d'un coup furieux.
— Plutôt que perdre du temps à ses bêtises, je vais retourner écrire.
— A moins que cela ne te fasse peur, tu ne crois pas que de temps en temps, tu ferais mieux de vivre ta vie plutôt que celle de personnages issus de ton imagination ?
Cole lui en voulut. Elisa avait toujours paru respecter sa façon d'être. Découvrir qu'il n'en était rien le blessait.
— Tu es mon éditrice, cela devrait t'arranger, riposta-t-il.
Et, faisant volte-face, il remonta vers le chalet en martelant le sol avec sa canne plus fort que nécessaire.
Hans s'était installé dans le canapé avec un de ses livres.
— Déjà de retour ? Tout va bien ? demanda-t-il, l'enveloppant d'un regard soucieux.
Cole acquiesça.
— Je n'allais tout de même la raccompagner jusqu'à sa voiture.
Le jeune homme lui sourit et Cole sentit son énervement s'envoler. Il résista à l'envie d'aller s'asseoir à ses côtés dans le canapé et monta pour écrire.
Hélas, les paroles de Elisa le hantaient et il ne parvint pas à pondre une seule ligne correcte. Son agacement envers son éditrice revint. Il lui fallait pourtant admettre qu'elle avait raison sur un point : ce n'était pas bien qu'il garde Hans auprès de lui, qu'il le laisse dans l'expectative pour rien.

Annuaire Yaoi

Il y a quelques jours, j'ai été contacté par l'Annuaire Yaoi qui m'a proposé de me référencer sur leur site, chose que j'ai accepté. Si vous ne connaissez pas, voici l'adresse : http://annuaire-yaoi.e-monsite.com/
Cela peut être l'occasion de découvrir d'autres histoires & auteurs, mais aussi des lecteurs et de discuter avec eux sur le forum de l'annuaire Yaoi ou bien sur leur groupe de discussion Facebook.

jeudi 27 août 2015

Contes modernes - 116

— Vous avez prévenu la police ?
— Oui, mais j'ai pris sur moi de ne pas t'impliquer de façon à ce que tu ne sois pas dérangé et j'ai bien fait, car aux dernières nouvelles, ce maladroit de Carmin a été vu à l'aéroport. Apparemment, il existe une montagne qui a le même nom que la tienne en Suisse. Ce type est une catastrophe ambulante.
Cole grimaça.
— Et je suis supposé me le coltiner ? Comment a-t-il pu devenir éditeur?
— C'était une promotion exceptionnelle dû au fait que nul ne souhaitait se charger de toi. Autrement, il a le mérite d'accomplir toutes les tâches ingrates sans broncher.
— Et j'en fais partie, déclara Cole mi-figue, mi-raisin.
— Pour les autres, pas pour lui. Il est un de tes fans.
— Je supposé me réjouir d'avoir un idiot pour fan ?
Elisa rit.
— En tout le cas, dès qu'il aura été retrouvé, je l'accompagnerai jusqu'à chez toi.
— Ce que tu aurais dû faire depuis le début.
— Il a prétendu être capable de se débrouiller seul et il m'était déconseillée de crapahuter dans la montagne vu mon état. Tu n'as pas de si beaux yeux que cela.
— Tu as eu raison de faire preuve de prudence, assura Cole, sans se formaliser.
Ses prunelles d'un vert boueux n'avait en effet rien de très attrayant comparées par exemple à ceux noisettes de Hans.
— En attendant, les gens au boulot n'assurent pas.
— Merci d'être venue alors que tu es supposée être encore en congé.
— Oui, je suis fantastique. Tu as l'art de savoir t'entourer des bonnes personnes. Moi ou encore ce petit jeune homme...
— Et si nous nous mettions au travail ? suggéra Cole, craignant qu'Elisa ne pose davantage de questions sur Hans et qu'il ne trahisse sans le vouloir ses sentiments à son égard.
— Je suis en vacances, je te rappelle. Je vais me contenter de récupérer ce que tu as écrit et l'apporter au bureau.
Cole leva les yeux au plafond et lâcha un juron. C'était vraiment n'importe quoi entre le nouvel éditeur disparu et l'ancienne venue en touriste...
Il y eut un coup à la porte et Hans passa la tête dans l'entrebâillement.
— Je vous amène un plateau chacun ou vous souhaitez déjeuner en bas?
— Nous allons descendre, assura Elisa, sans donner à Cole le temps de répondre.
Il aurait autant préféré éviter qu'ils mangent tous ensemble, mais pouvait difficilement discuter le choix d'Elisa qui n'était là que parce qu'elle le voulait bien.
Il eut plaisir de constater qu'Hans attendait sa confirmation. Il la donna, en maudissant intérieurement cet idiot de Carmin Hood qui n'avait pas été fichu de trouver son chalet. Hans s'éclipsa, non sans excuser de les avoir dérangés. Il était trop adorable.
— Ce jeune homme m'a tout l'air d'une perle. J'espère que tu le paies bien.
Cole n'osa pas dire qu'Hans ne gagnait que le gite et le couvert en échange de son travail. Il s'en sentait déjà assez coupable comme cela et n'avait pas besoin qu'Elisa le lui reproche en plus.
— Je suis traité comme un roi, approuva-t-il.
— Pendant que tu rassembles ta production afin que je l'emporte avec moi, je vais aller l'aider.
Cela déplut à Cole, craignant ce qui allait être raconté derrière son dos, mais il ne trouva aucun prétexte pour l'en empêcher.
Il se dépêcha donc de faire ce qu'Elisa lui avait demandé et les rejoignit en bas aussi vite que sa canne le lui permettait.

mercredi 26 août 2015

Contes modernes - 115

Encore quelques jours passèrent, tranquilles, et puis au lieu du nouvel éditeur, c'est finalement Elisa, son ancienne éditrice, qui arriva toute essoufflée.
C'est Hans tel un majordome qui l'avait conduite jusqu'au bureau de Cole avant de s'éclipser.
— Qui est-ce ? demanda-t-elle, en s'asseyant lourdement sur le fauteuil près de la fenêtre.
— Ton fils caché ? suggéra-t-elle, avant que Cole ne puisse répondre.
Il fronça les sourcils, mécontent que quelqu'un d'autre les voient de cette façon.
Elle continua :
— Ton amant ?
— Non plus, répondit-il.
— C'est à peine si j'ai reconnu ton chalet. D'habitude, c'est une vraie porcherie. Tu l'as embauché pour le ménage ?
— C'est lui qui a proposé ses services.
— Dommage qu'un coiffeur ne vienne pas en faire autant, parce que toi, tu es toujours aussi échevelé.
Entre Elisa et lui, il n'y avait pas de chichis, ils se connaissaient depuis longtemps et se parlaient librement. Elle était toujours critique à l'égard de Cole aussi bien sur ses textes que sur sa personne, soulignant sans ménagement son apparence négligée, mais n'était pas antipathique pour autant. Elle avait après tout le mérite de supporter toutes ses excentricités et de lui apporter des provisions pour lui épargner de faire les courses. Même quand il se montrait mal aimable avec elle, ce qui ne manquait pas d'arriver quand ses histoires ne se déroulaient pas de la façon qu'il souhaitait, elle demeurait d'une humeur égale.
Il l'avait félicité de sa grossesse, mais avait regretté l'inévitable absence qui en découlerait.
— Je pensais ne pas te revoir avant longtemps.
— Oui, moi aussi. Crois-moi, ce n'est pas de gaieté de cœur que j'ai confié mon bébé d'à peine un mois pour venir.
— Fille ou garçon ? demanda-t-il par politesse, car au fond, il s'en moquait.
— Une petite princesse qui va rendre fou son papa en mon absence.
— Que s'est-il passé ?
— Carmin Hood a disparu.
Cela aurait fait un chouette titre de roman, songea Cole.
— Qui ?
— Le seul qui a accepté de s'occuper de toi et de me remplacer. Il était supposé te rendre visite, il y a plus de deux mois, mais il n'a pas donné signe de vie depuis... Tu ne l'as jamais vu, n'est-ce pas ?
Cole confirma.
— Personne ne sait où il est passé.
Le début d'un roman policier commençait à bourgeonner en Cole.

mardi 25 août 2015

Contes modernes - 114

Cole aurait voulu pouvoir calmer les battements affolés de son cœur. Cela ne changeait rien, se répéta-t-il. Ils avaient une trop grande différence d'âge entre eux. Il aurait pu être son père. Il pouvait se passer de baisers et de caresses. Après quarante sans, continuer n'avait rien de difficile. Son bas-ventre n'était pas de cet avis, mais ce n'était pas à lui de dicter sa conduite. Seule son imagination avait ce droit.  Contrairement à lui, Hans avait la vie devant lui. Le garder trop longtemps à ses côtés était égoïste. Il ne pouvait cependant pas le chasser non plus. Leur arrangement fonctionnait à merveille, du moins en apparence. Qu'elles que soient les raisons qui avaient poussé Hans à se toucher en prononçant son prénom, leur relation ne pouvait aller plus loin, se persuada Cole. Il fit par conséquent comme s'il n'avait rien entendu.
Cependant, le lendemain, lors du petit déjeuner, seul moment de la journée qu'ils partageaient, il remarqua ce qui lui avait échappé jusqu'alors : Hans le couvait littéralement des yeux et buvait la moindre de ses paroles. Il était également à l'écoute de ses moindres désirs, mais cela Cole l'avait déjà noté auparavant, sans espérer pour autant qu'il l'aime.
Les jours suivants, Cole ne put s'empêcher d'imaginer à plus d'une reprise ce qui se passerait s'il confrontait Hans. Sûrement, ils s'embrasseraient, se caresseraient et se susurreraient des mots d'amour. Ce serait magique. Excepté que ce n'était qu'un fantasme. En réalité, vu son peu d'expérience, Cole se montrerait maladroit. Il n'avait jamais été embrassé qu'une fois dans sa vie par une jeune femme éméchée. Il n'était autrement qu'un vieux puceau. Hans se lasserait vite de lui et partirait, emportant avec lui le souvenir d'un vieil empoté. Et s'ils dépassaient le cadre de la simple camaraderie, son inévitable départ serait encore plus douloureux pour Cole. Les choses étaient bien comme elles étaient. Il jouissait de sa compagnie et du confort qu'il lui procurait par mille petites attentions.

Environ un mois après le débarquement intempestif de Hans, alors que le nouvel éditeur ne se manifestait toujours pas, Cole, durant le petit déjeuner, demanda au jeune homme s'il ne s'ennuyait pas.
— Les tâches ménagères m'occupent.
— Elles ne te prennent tout de même pas la journée, rassure-moi ?
— Non. Je bouquine. Je me suis servi dans la bibliothèque. J'ai toujours trouvée la ville trop bruyante et agitée. Je savoure le calme qui règne.  Ici, je peux prendre mon temps. Il n'y a personne derrière mon dos pour me dire de faire ci ou ça, comme ça et pas autrement.
— Ta sœur ne te manque pas ?
— Je ne la voyais pas très souvent. Cela la gêne vis-à-vis de sa famille d'accueil. Nous avons de l'affection l'un pour l'autre, mais elle ne me comprend pas et je crois que c'est réciproque. Elle est aussi agacée que je la considère toujours comme une petite fille alors qu'elle a désormais treize ans.
— Et tes amis ?
— Je n'en avais pas vraiment... Vous me posez toutes ses questions parce que vous voulez que je m'en aille, n'est-ce pas ?
La perspicacité de Hans ne surprit pas Cole. Il l'avait connu comme ça.
— Je me sens coupable de te garder ici.
— Je suis logé, nourri et parfaitement libre.
— Tu te payes toutes les corvées.
— Si cela vous tourmente tant que cela, vous pouvez me faire lire votre histoire en cours en avant-première.
Ne souhaitait-il pas autre chose ? Un baiser à tout hasard ? Cole s'ébroua.
— Pourquoi pas, mais quand je serais plus avancé.

lundi 24 août 2015

Contes modernes - 113

Cole conduisit la voiture au pied de la montagne, après quoi ils déchargèrent.
Il s'apprêtait à prendre un sac à dos bourré de denrées alimentaires quand Hans le retint.
— Laissez-moi tout porter en plusieurs voyages.
— Ce sera plus rapide à deux.
— C'est vous qui avez conduit.
— Cela ne change rien.
— Mais avec votre canne...
C'était ça la vraie raison du jeune homme. Cole en fut agacé. Il n'était pas handicapé.
— C'est comme un bâton de marche, surtout sur des terrains pentus comme celui-là. Je n'ai aucun souci à me déplacer. Et je ne suis si pas si vieux que cela !
La dernière phrase lui avait échappé.
— Je suis là pour vous aider et c'est à cause de moi que la quantité de vivres à monter est plus importante, alors je tiens à m'en occuper.
Cole haussa les épaules et céda. Grimper était plus fatiguant que descendre, surtout lesté et la marche pour aller récupérer la voiture l'avait déjà fatiguée. Il faut dire qu'il ne faisait guère d'exercice, demeurant assis ou allongé les trois quart du temps.
— Fais comme tu veux.
— Merci.
— Oui, c'est ça, je suis tellement merveilleux de te laisser tout le sale boulot. Je t'exploite. Tu mériterais un salaire.
— Pas du tout puisque je vous suis redevable et que je le fais de bon cœur, répliqua Hans en entamant la montée, chargé comme un baudet.
Il lui fallut trois voyages. Durant le dernier, Cole ramena à la voiture au village et revint sans se presser, sa canne martelant le sol caillouteux.
A son entrée dans le chalet, il fut frappé par la propreté qui y régnait. Hans devait passer tout son temps ou presque à le nettoyer, ce n'était pas possible autrement.
Cole monta pour s'allonger un moment avant d'aller écrire. En passant devant la porte de la salle de bains, il vit que le panneau était tourné sur « occupé. » Il n'y avait cependant pas de bruits d'eau. Juste des gémissements. Cole faillit ouvrir, craignant qu'Hans ne soit mal, mais avant qu'il ne le fasse, il entendit distinctement son prénom suivi d'un râle.
Il se réfugia dans son bureau, bouleversé au delà des mots.
Il n'y avait guère de doute sur ce qu'Hans venait de faire dans la salle d'eau, mais Cole ne savait quel sens lui donner. Était-ce parce qu'ils étaient seuls tout les deux, sans autre objet de désir possible ? Non, cela ne tenait pas la route puisqu'ils venaient de voir des gens.  Était-ce une curiosité liée à l'homosexualité déclarée de Cole qui avait poussé Hans à se caresser en songeant à lui ? La supposition la plus tentante, c'était que le jeune homme partageait ses sentiments. Mais en vérité, le plus probable, c'est que Hans mélangeait tout, confondant admiration et reconnaissance avec amour et désir.

samedi 22 août 2015

Sept ans de Love Boy's Love

7 ans ! L'âge de raison. Le blog n'a pas trop évolué depuis le début, même si je suis passée de 7 épisodes à 5 par semaine assez vite. Je vous remercie de me lire que vous soyez là depuis longtemps ou peu. 

Un merci tout spécial à Jeckyll, ma plus ancienne et fidèle commentatrice qui m'encourage grandement, merci également à tout ceux/celles qui me laissent un petit mot. Sans vous, sans doute n'aurais-je pas continué aussi longtemps, car malgré toutes ses histoires qui viennent frapper à ma porte et ne demandent qu'à être écrites, ce n'est pas toujours facile...

Que de chemin parcouru depuis 12+1 en 2008 jusqu'à Contes modernes qui devrait m'occuper encore plusieurs mois ! Allez, en route pour la huitième année !

Et en guise de petit cadeau d'anniversaire :
Un brouillon de Ben Tsukoji (ou un des miens si vous préférez, mais ce texte date de l'époque de 12 + 1 même s'il a été légèrement retouché pour l'occasion - il s'agit d'un début d'histoire qui, je pense, ne mérite pas de suite, mais en écrire une est envisageable, même si honnêtement, j'ai oublié ce que j'avais projeté de faire avec pareil démarrage. Une preuve de plus du chemin parcouru... !)

Akari se sentit rougir sous son regard. Cet homme exagérait, il le dévisageait comme s'il avait été une appétissante marchandise. Akari avait les lèvres sèches, mais n'osait pas se les humecter de peur que le type n'aille s'imaginer des choses. 
Il regretta de s'être habillé aussi légèrement : un short bleu clair et une chemise blanche à manches courtes. Il tenta de se rassurer : après tout, peut-être qu'il se trompait, peut-être que l'homme regardait quelqu'un d'autre près de lui ( excepté qu'il était seul sur le banc et qu'il n'y avait pas âme qui vive), peut-être qu'il le fixait parce qu'il le trouvait habillé bizarrement ( il n'y avait pourtant rien d'extravagant à sa tenue vue la chaleur estivale), ou alors peut-être qu'il avait quelque chose sur le visage ou une tâche sur ses vêtements, peut-être aussi qu'il l'observait ainsi parce qu'il n'avait rien d'autre à faire et qu'il attendait quelqu'un, comme lui. 
Akari soupira. Jasmine tardait. C'était si embarrassant d'attendre comme cela, les bras ballants. De peur d'arriver en retard, il était parti précipitamment, les mains vides. Akari soupira une nouvelle fois, maudissant sa grande sœur. C'était cette dernière qui lui avait présenté Jasmine quelques jours plutôt, lui expliquant que cette jeune étrangère avait quelques problèmes pour s'intégrer et que ce serait bien de devenir son ami. Il n'avait pas su refuser quand la dite Jasmine, en fin de soirée, lui avait fixé ce rendez-vous. C'était une belle jeune femme pas désagréable, quoique un brin vulgaire. 
Elle arriva enfin et se dirigea à grand pas vers lui. L'homme ne le quittait pas des yeux.       
Avec empressement, Akari se leva et serra la main délicate de Jasmine. 
— Je suis désolée d'être en retard, susurra-t-elle d'une voix sucrée.
— Ce n'est rien... assura poliment Akari. 
L'homme quitta son banc lui aussi et en un instant, il fut à leurs côtés. Il attrapa le bras d'Akari sans que le jeune homme ne puisse l'en empêcher.
— Il te convient ? dit Jasmine d'une voix ronronnante.
— Oui. J'ai l'argent. 
L'homme sortit négligemment de sa poche une épaisse enveloppe en papier kraft et la tendit à Jasmine qui la prit avec un large sourire.
Akari qui était resté sans voix devant cet étrange échange, sortit enfin de son silence. 
— Que se passe-t-il ?
— Je te vends, c'est tout. 
— Quoi ? Mais... C'est une blague ?
— Pas le moins du monde... 
Comment pouvait-on vendre un être humain ? pensa Akari sans que la question ne franchisse ses lèvres. Il était abasourdi. Il voulut se libérer de l'emprise de l'homme, mais sans résultat. 
Jasmine se mit à compter les billets de l'enveloppe. Ce n'était pas une petite somme...
— Marché conclu, dit-elle finalement.
L'homme acquiesça et Jasmine partit sans jeter un seul regard derrière elle. 
Akari contempla celui qui l'avait soit disant acheté. Il était grand, musclé et avait une balafre sur la joue. Il ne lui avait pas paru si impressionnant de l'autre côté du banc, mais il n'avait pas osé trop le regarder. Gêné, il détourna les yeux. 
— Lâchez-moi, dit-il d'une voix faible, tout en songeant que si l'homme l'avait payé une telle somme, il n'allait pas le laisser partir dans la nature comme cela.
— Tu ne sembles pas avoir compris que tu es à moi maintenant.
— Je ne suis pas à vendre.
— Ça m'est égal. 
— Comment ça ? Mais je connais à peine cette femme...
—  Aucune importance. 
— Mais comment peut-elle me vendre alors que je ne lui appartiens d'aucune façon ? 
— Il ne fallait pas lui faire confiance. 
— Si je vous repaie la somme... commença Akari, se demandant s'il en avait seulement les moyens.
L'homme se pencha sur lui et avant que Akari ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, l'autre l'embrassait, mêlant sa langue à la sienne. Quand il le libéra, le souffle manquait à Akari et il se sentit ses jambes se dérober sous lui. 
L'homme l'embrassa encore lui faisant avaler par la même occasion un cachet. Le baiser se prolongea et Akari finit par perdre connaissance.  
   
Quand il reprit conscience, il était nu allongé sur un grand lit. Il n'était entravé d'aucune façon, mais il ne pouvait ni bouger ni parler. Ce qui l'avait avalé plutôt devait être le résultat de cette immobilisation forcée. 
Il comprit que la situation lui échappait vraiment totalement... L'homme s'approcha du lit, et ôta le peignoir qu'il portait dévoilant un corps digne d'un athlète. Une myriade de petites cicatrices couvrait son torse. Il déposa un baiser sur le front de Akari, puis ses larges mains recouvrirent ses épaules. Akari eut la surprise de ne ressentir aucun dégoût à ce contact. Les mains se firent caressantes, envoûtantes. Elles courraient sur tout son corps à l'exception de son sexe. Akari se sentit frustré. Le désir montait en lui sous les caresses. Son excitation était bien visible désormais... Tout n'était pas paralysé et surtout pas ses sens. L'homme sourit, et effleura le pénis raidi. Akari gémit. L'homme le prit dans sa bouche. Akari eut l'impression que tout son corps avait pris feu. Il haletait et la vague de plaisir le submergea. Il éjacula. L'autre avala sans broncher. Et puis l'un de ses doigts glissa dans l'anus de Akari, tandis que d'autres recommençaient à caresser son pénis.
Le plaisir monta de nouveau. Ce fût deux doigts, puis trois. Akari atteint ses limites une fois de plus, le plaisir que lui procurait l'homme lui faisant perdre la tête. Quand ce dernier ressortit ses doigts, sans pourtant cesser de jouer avec le pénis d'Akari, celui-ci eut un étrange sentiment de regret. Il aurait voulu plus. Il fût exaucé. L'homme plaça les deux jambes sans vie d'Akari sur ses épaules et son membre brûlant pénétra dans le corps du jeune homme. Akari éprouva un éclair de douleur, mais elle fut vite chassée par un plaisir intense quand l'homme bougea en lui. Araki pesta intérieurement contre sa paralysie, car il aurait aimé s'agripper à quelque chose (non, quelqu'un) tandis que son corps savourait chaque assaut de l'homme. Le marché ridicule, le fait qu'il n'avait pas voulu ça, tout cela était oublié. Pour la troisième fois Araki eut un orgasme qui fut d'autant meilleur que l'homme jouit en même temps que lui avant de s'allonger à ses côtés, légèrement essoufflé. 
Araki se demanda ce que "son propriétaire" allait faire de lui désormais, mais sa réflexion fût de courte durée et bientôt, il s'endormit, épuisé.     
Quand il se réveilla, il était chez lui. Il portait son pyjama à girafes bleues. Il était huit heures... Araki se redressa dans son lit, se demandant s'il avait rêvé. Il se leva précipitamment et gémit. Marcher lui était difficile. Il vira au rouge brique en repensant à ce qui s'était passé. L'inconfort qu'il éprouvait en se déplaçant était la preuve que tout était réel. Mais comment diable était-il revenu là ? L'homme à la balafre l'avait donc ramené chez lui juste après... Quel nom donner au juste à ce qui s'était passé entre lui et ce type ? Pourquoi lui avait-il fait ça après avoir payé une somme conséquente alors qu'il aurait très bien pu l'avoir de la même façon pour rien ? Tout cela semblait fort étrange à Akari.

vendredi 21 août 2015

Contes modernes - 112

Dans son armoire, Cole trouva du linge propre et plié alors qu'aux dernières nouvelles, elle était presque vide. Hans avait dû faire une lessive.
En descendant, il découvrit la table du petit déjeuner dressée. Cela sentait bon le pain chaud.
Cole, alléché, s'empara aussitôt d'un morceau de la miche.
— J'avais pris de la levure avec moi. Je me suis levé tôt pour le faire, expliqua Hans.
Il était vraiment trop délicieux à lui offrir un service quatre étoiles et qu'avait-il en retour si ce n'est des râleries pour des bêtises ?
— C'est gentil, mais ne t'épuise pas pour mon compte. Je me contente très bien de biscottes.
— Je sais bien que je n'étais pas obligé, mais cela me faisait plaisir.
— Dans ce cas... Mais je te le répète, tu n'as pas à te sentir coupable de ce qui s'est passé il y a huit ans. Je comprends que tu aies paniqué devant le feu qui s'étendait et que tu aies voulu protéger ta sœur.
— Ce n'est pas ça... assura Hans. Je... continua-t-il, mais ne termina pas.
— Quoi ?
— Non, rien.
Cole, même s'il aurait aimé savoir ce que le jeune homme avait failli dire, n'insista pas afin de ne pas le mettre mal à l'aise.
Le petit déjeuner achevé,  il ne s'attarda pas auprès de Hans, même s'il en avait envie, et grimpa dans son antre. Les mots commençaient à fourmiller dans son crâne...

    Six jours s'écoulèrent, un rythme s'étant établi dès les premiers. Cole prenait le petit déjeuner en bas, en compagnie de Hans, et le jeune homme lui montait le déjeuner et le dîner sur un plateau que Cole plaçait ensuite devant sa porte. Une petite pancarte avait été placé sur la poignée de la salle d'eau pour indiquer si elle était libre ou non. Une similaire avait été mise en place pour les toilettes.
Au total, ils ne se voyaient que peu et Cole pouvait écrire comme avant, sans interruption. Si les passages de Hans dans son bureau le perturbaient toujours, il était malgré tout heureux de sa présence.
    Le nouvel éditeur ne se montrant toujours pas, ils partirent se réapprovisionner. Durant le long trajet jusqu'à la voiture, Hans évoqua ses années au centre et comment la lecture lui avait permis de s'évader de ce quotidien maussade. Il raconta aussi quelques anecdotes de son travail au fastfood. Certains clients étaient gratinés.
Une fois qu'ils eurent roulés jusqu'au magasin, Hans se chargea de pousser le chariot tandis que Cole le remplissait.
A leur passage à la caisse, la vieille dame qui la tenait, s'extasia qu'un père et son grand fils fassent les courses ensemble. Cole ne la détrompa pas, Hans non plus. C'était tout de même un cuisant rappel de ce à quoi ressemblait leur relation, de ce qu'elle devait être. Le jeune homme le considérait peut-être d'ailleurs comme une sorte de père et cette idée tuait Cole, car elle faisait de lui un affreux pervers vu les pensées érotiques qu'il nourrissait à l'égard du jeune homme.

jeudi 20 août 2015

Contes modernes - 111

Ses personnages finirent par l'entraîner heureusement loin de Hans et c'est la fatigue qui contraignit Cole à sortir de son trou. Le plateau avait disparu et le silence régnait en maître comme s'il était seul chez lui.
Au lieu de se glisser dans son lit, il se retrouva à descendre l'escalier, cherchant à être discret malgré le martèlement de sa canne.
Le bas du chalet était plongé dans la pénombre. Hans devait dormir dans le canapé comme un bienheureux. Cole remonta.
Son lit avait été changé. La coupe de bonbon sur sa table de chevet avait été remplie à ras bords.
Il se lava les dents qu'il avait la chance d'avoir sans caries malgré son goût prononcé pour les sucreries, ôta ses habits et se coucha. Ses dernières pensées furent pour Hans.

Il se réveilla excité le lendemain et cette érection matinale eut raison de sa résistance. Dans les draps propres changés par le jeune homme, Cole se masturba, incapable de ne pas penser à lui alors qu'il se caressait.
C'est nu qu'il se rendit dans la salle d'eau où il tomba nez à nez avec Hans qui sortait de la douche, également dans le plus simple appareil. C'était le genre d'invraisemblables et irritantes coïncidences que Cole évitait au maximum dans ses histoires. Le hasard faisait toujours trop bien ou trop mal les choses.
La minceur de Hans tenait presque de la maigreur comme s'il avait continué à être affamé ces dernières années.  Il n'avait pas dû manger les hamburgers et frites de son lieu de travail.  Son pénis pendait joliment dans  un écrin de boucles blondes à peine plus sombres que ses cheveux. Réalisant qu'il devait l'embarrasser à le détailler ainsi, Cole chercha à planter ses yeux dans ceux de Hans, mais eut du mal, car ce dernier aussi l'examinait. Leurs regards finirent cependant par se croiser. Cole se sentit gêné de ce que le jeune homme pouvait penser de son corps vieillissant et marqué par le feu.
Par réflexe de défense, il se montra  désagréable :
— Une douche hier soir, une ce matin, fais attention tout de même avec l'eau.
— Désolé, ce n'est pas dans mes habitudes. Hier, j'avais sué en grimpant la montagne. Autrement, je ne me lave que le matin, pour me réveiller. Je vais libérer la place. Je veillerai à ne plus te la prendre et aussi à me montrer économe.
Il était si repentant que Cole se maudit silencieusement.
— Il n'y a pas de mal, assura-t-il. Et je ne me douche pas forcément le matin.
Il n'avait d'horaires fixes pour rien. Tout dépendait de son inspiration. Il lui arrivait même de ne pas se laver plusieurs jours de suite.
Quelle importance que Hans l'ait vu nu ? Ce n'était qu'un corps comme tant d'autres. L'essentiel était que Cole qui s'était soulagé juste avant, n'ait pas eu d'érection en voyant le jeune homme en tenue d'Adam. Cela aurait été vraiment embarrassant.
Hans acquiesça, prit ses habits et disparut dans le couloir.
Cole entra dans la douche où flottait une entêtante odeur de coco. La cohabitation s'annonçait éprouvante, même si Hans y mettait du sien. Il ne soupçonnait pas à quel point il le troublait.

mercredi 19 août 2015

Contes modernes - 110

En moins de dix minutes, Cole se retrouva attablé devant une assiette fumante de haricots verts en conserve parfumés d'herbes de Provence qu'il ne se rappelait pas avoir acheté. Pour le dessert, il eut le droit à une banane chaude, fruit qu'il était sûr ne plus avoir en stock, nappée de confiture de fraise.
Une fois repu, Cole confirma avec Hans la provenance des aliments.
— J'ai en effet apporté quelques provisions dans mon sac.
— C'est gentil de m'en faire profiter.
— Je sais que faire les courses n'est pas exactement facile.
— Il y a en effet une marche de trois kilomètres pour arriver au village dans la vallée où est garée ma voiture. Tu n'as pas le permis, par hasard ?
— Non, désolé. J'ai de bonnes jambes par contre.
— Oui, enfin, tu ne vas tout de même pas faire les dix kilomètres qui nous sépare du magasin le plus proche. Ceci dit, ce n'est pas grave. C'est normalement mon éditrice qui se charge du réapprovisionnement. Le seul souci, c'est que je suis supposé avoir un nouvel éditeur pour la remplacer durant son congé maternité et que pour le moment, il n'a toujours pas montré le bout de son nez. Il y a encore de quoi tenir un moment, mais avec toi, cela risque de baisser vite.
C'était étrange qu'ils soient en quelque sorte dans la même situation que huit ans plus tôt, seulement, Gretel n'était pas là, ils avaient changé : Cole avait vieilli, Hans grandi.
— J'ai dressé un inventaire et avec ce que j'ai emporté ici, nous en avons pour encore six jours, annonça Hans.
Son caractère était bien le même, songea Cole. Prévoyant et sérieux.
— Espérons que mon éditeur arrive d'ici là.
— Ce serait bien, oui, dit Hans en lui adressant un sourire lumineux.
Ses lèvres avaient l'air aussi appétissantes qu'un bonbon à la cerise. Cole se dépêcha de regagner son bureau. Il mit cependant longtemps à reprendre le fil de son histoire. Hans occupait toutes ses pensées. Après toutes ses années, son attirance pour lui n'avait pas disparu, pas plus que son amour. C'était de la pure folie, mais elle n'était pas pire que sa passion dévorante pour l'écriture, alors Cole finit par admettre ce qu'il ressentait et cessa de tendre l'oreille pour suivre les mouvements de Hans dans le chalet afin de replonger dans l'univers des personnages de Moi et mon fantôme, son dernier roman en date dont il écrivait la suite.
Le soir venu, Hans entra doucement dans la pièce chargé d'un plateau. Après avoir dégagé un coin de la table où Cole était assis, il le posa et repartit sans bruit. Il avait obéi aux consignes, mais Cole fut incapable de poursuivre son histoire. Hans l'en avait tiré avec ses cheveux humides et son suave parfum coco, dû à un savon ou shampoing qu'il avait probablement amené avec lui.
Cole pesta entre ses dents. Il avait été essentiellement abstinent ces dernières années, ne se caressant qu'à de rares occasions, mais là, il en était à sa troisième érection intempestive de la journée et il brûlait de se soulager. Il s'y refusa. Cela allait se calmer tout seul.
Il mangea sans vraiment en profiter de ce que le jeune homme avait préparé pour lui et mit ensuite le plateau devant sa porte. Il était hors de question qu'Hans passe le récupérer. Il aurait beau être aussi discret qu'un courant d'air, il perturberait Cole aussi sûrement qu'une tempête.

mardi 18 août 2015

Contes modernes - 109

Devant ses yeux brillants qui le regardaient avec admiration et gratitude, Cole n'eut plus le courage de continuer à refuser. Il soupira et rendit les armes.
— Je reconnais que tu as bien rangé mon salon et ma cuisine... Tu peux rester pour le moment. Nous verrons si cela fonctionne ou pas. Tu seras nourri et logé. Je n'ai toutefois que le canapé à t'offrir en guise de lit.
— Cela m'ira très bien.
— Je ne veux être dérangé sous aucun prétexte quand je suis dans mon bureau.
— Même pour les repas ?
— Oui, je descendrai quand je veux.
— Je peux peut-être monter un plateau ?
Cole hésita. Manger et écrire en même temps, était-ce vraiment possible ? Sucer ou croquer un bonbon, oui, mais un plat...
— A essayer. Et si ta présence se révèle gênante, tu devras partir sans faire d'histoires et ne revenir sous aucun prétexte.
Hans hocha la tête avec enthousiasme.
— Merci de bien vouloir que je reste.
Cole ne sut que répondre. Il aurait préféré qu'il s'en aille, mais était content qu'il ne le fasse pas. Hans lui plaisait toujours et même davantage. Il ne pouvait par ailleurs pas nier que cela serait agréable de ne plus avoir à se soucier des corvées ménagères. Le problème, ce serait de ne pas se laisser distraire par le jeune homme, de résister à tout ce qui le poussait vers lui.
— Dans un an, que cela marche ou pas, tu devras regagner la ville, précisa Cole.
Les épaules de Hans s'affaissèrent.
— C'est d'accord... Mais, pourquoi ?
Parce que ce serait à la fois merveilleux et terrible qu'il soit sous le même toit que lui, songea Cole avant de donner une toute autre explication.
— Tu es jeune. Tu ne vas pas t'isoler avec moi pour le restant de tes jours. Fréquenter les gens de ton âge va te manquer.
— Je ne m'entends pas avec les gens de mon âge. D'après eux, je ne sais pas m'amuser.
Il faut dire qu'il n'avait pas eu une vie trop amusante entre sa mère qui l'avait abandonné, lui et sa sœur aux bons soins d'un père négligent qui s'était soustrait à ses devoirs, l'obligeant à devenir responsable tôt, et une adolescence dans un centre.
— Tu n'as pas dû rencontrer les bonnes personnes et ce n'est pas ici que tu le pourras. Tu souhaites sûrement fonder une famille un jour, non ?
Hans passa la main dans ses cheveux blonds.
— Je ne pense pas que je pourrais...
— Peut-être que pour le moment cela ne te dit rien, mais plus tard, sûrement...
— Et vous, vous n'avez jamais eu envie d'avoir des enfants ?
C'était l'occasion pour Cole d'avouer ses préférences sexuelles qui le rendait inéligible à devenir père à moins d'adopter. Il hésita toutefois à révéler son homosexualité, pas tant parce qu'il craignait de rebuter Hans, mais parce que la vraie raison, c'était qu'il était marié avec les mots.
— Je suis gay et l'écriture me suffit, répondit-il finalement.
Son estomac choisit ce moment pour gargouiller.
Hans se leva du canapé et Cole crut qu'il allait prendre la porte, mais le jeune homme fila dans la cuisine.
— Je vais préparer quelque chose à manger.

lundi 17 août 2015

Contes modernes - 108

— Je serais la discrétion même. Si je me charge des corvées ménagères, vous pourrez vous concentrer sur vos écrits.
L'argument ne manquait pas de pertinence et Cole savait déjà qu'au quotidien, Hans était plus du genre souris qu'éléphant. D'ailleurs, il ne l'avait même pas entendu remettre en ordre la cuisine et le salon. Le problème, c'était les sentiments qu'il éveillait chez lui.
Il reprit contrôle de lui-même et fit volte-face.
— C'est non.
La déception qu'il lut sur le visage de Hans le troubla.
Il tenta d'adoucir son refus :
— Je suis sûr que tu peux faire des choses plus intéressantes que ça.
— Peut-être, mais jusque là, je bossais dans un fastfood et c'était plus écœurant qu'autre chose. Vous aider serait un plaisir. Vous savez, j'ai lu toutes vos histoires. Avec le premier salaire que j'ai reçu, c'est vos livres que j'ai acheté. Avant, je les lisais à la bibliothèque du quartier.
Ni l'utilisation de l'imparfait au sujet de son travail ni le fait qu'Hans était un de ses fans, n'échappa à Cole.
— Tu es actuellement sans emploi ? C'est pour cette raison que tu es venu te réfugier ici ?
— Mon contrat s'est effectivement terminé. Et c'est ça qui m'a décidé à venir, mais en même temps, j'en avais envie depuis le jour où je suis parti. Seulement les premières années, j'étais coincé au foyer et après, j'avais un job et je n'osais pas. Je craignais que vous ne soyez furieux. Vous aviez toutes les raisons de l'être. J'aurais dû crier, vous prévenir au lieu de m'enfuir à toutes jambes avec Gretel.
— Que devient-elle ? demanda Cole, s'adoucissant comme il comprenait mieux ce qui avait motivé la visite de Hans, huit longues années après l'incendie.
— Elle est dans une famille d'accueil. Elle a été adoptée et elle s'y sent bien. J'aurais bien aimé qu'elle vienne vivre avec moi, une fois que je suis devenu indépendant, mais elle ne le souhaitait pas. Nous ne sommes plus proches du tout, elle et moi.
Cole n'en demanda pas les raisons, supposant que la séparation avait dû jouer.
— Et te voilà... Amateur de mes œuvres et désireux de rembourser la dette que tu as à mon égard, même contre mon gré.
— Je ne veux pas m'imposer, murmura Hans. Mais je vous suis vraiment reconnaissant et j'adore vos livres. Ce sont eux qui m'ont soutenu toutes ces années. Je me souvenais de votre métier et c'est grâce à eux que j'ai su que vous vous en étiez sorti, l'année suivante à l'occasion d'une sortie en bibliothèque.

vendredi 14 août 2015

Contes modernes - 107

A sa sortie de l'hôpital, Cole avait fait rebâtir son chalet presque à l'identique et repris le fil de son existence avec quelques brûlures en plus. Il avait retrouvé la solitude de son isolement, mais avait mis du temps à l'apprécier à nouveau. Il lui avait été impossible de faire comme si Hans et Gretel ne s'étaient jamais égarés jusqu'à chez lui. Il s'y était pourtant résigné, la place des deux enfants n'ayant jamais été auprès de lui.


— Je suis venu vous présenter mes excuses.
Cole revint au présent en entendant la voix devenue grave d'Hans.
— Huit ans près avoir mis le feu à mon chalet où j'aurais pu carboniser, ce n'est pas trop tôt, ironisa Cole, luttant contre les souvenirs de ce qu'il avait ressenti pour lui.
Le jeune homme prit un visage si contrit que l'écrivain s'en voulut presque.
— Je n'ai pas passé un seul jour sans y penser depuis. Je regrette terriblement... Je me suis absenté quelques minutes pour chercher de jolis petits cailloux pour Gretel qui s'ennuyait, mais refusait de sortir et quand je suis revenu, les rideaux aux fenêtres flambaient... Gretel regardait, comme fasciné par le spectacle. J'ai paniqué, je l'ai attrapée par la main et nous avons dévalé la montagne, zigzaguant entre les arbres. Quand, essoufflés, nous nous sommes enfin arrêtés, j'ai demandé à Gretel ce qui s'était passé et elle m'a expliqué qu'elle jouait avec les bougies parfumées. Je l'avais pourtant mis en garde contre les dangers du feu. J'étais catastrophé, inquiet pour vous, mais pas elle, elle considérait que c'était bien fait pour vous vu le sort que vous nous réserviez. Je ne sais pas pourquoi, mais elle était convaincue que vous aviez l'intention de nous manger dès que nous aurions été assez gros. Elle ne comprenait pas encore ce que c'était la mort à l'époque.
— Ah... Il y a prescription dans cette affaire. J'ai toujours pensé que cela avait été un accident et je n'en veux à toi ni à ta sœur. Je suis vivant, vous aussi. Au revoir et bonne continuation.
Hans ne se laissa pas congédier si facilement.
— Je souhaiterais rembourser la dette que nous avons à votre égard, car Gretel et moi, nous vous avons bien mal repayé votre chaleureux accueil.
— Je doute que tu aies les moyens de payer ce qu'a coûté la reconstruction du chalet, mais ce n'est pas grave, j'étais assuré et je m'en suis bien tiré. Et de toute façon, je gagne bien ma vie avec mes livres.
— Je n'ai guère d'argent, reconnut Hans.
Comment comptait-il le rembourser alors ? Avec son corps ? A cette pensée, Cole se sentit excité. Honteux, il tourna le dos à Hans. Ce n'est pas parce qu'il était désormais majeur que cela lui donnait le droit d'imaginer des choses pareilles.
— Je n'ai besoin de rien, tu ne me dois strictement rien.
— Tout de même, je voudrais bien faire quelque chose pour vous. N'importe quoi !
Cette précision ne calma pas Cole qui eut grand mal à tenir la bride à son imagination. Le meilleur garde-fou, c'était bien l'âge du jeune homme. Qu'il ait vingt ou vingt et un ans, il n'était pas pour lui, ne l'avait jamais été. Il devait aimer les filles de son âge.

jeudi 13 août 2015

Contes modernes - 106

Au dîner, Hans avait commencé à parler de leur départ prochain à sa sœur. La petite s'était réjouie à un tel point que Cole en avait été vexé. Il avait pourtant été gentil avec elle, la régalant de bonbons et de confitures.
— Cela ne veut pas dire que l'on va de nouveau vivre avec papa, avait précisé Hans sans que cela ne tempère l'enthousiasme de la fillette.
Cole aurait dû être content lui aussi. C'était aussi bien qu'Hans parte. Il ne devait pas avoir le plus léger soupçon sur la manière dont leur hôte le voyait. Cole n'avait toutefois jamais douté pouvoir résister à la tentation qu'Hans représentait, même avant de connaître son véritable âge. Il était trop jeune pour lui, l'avait toujours été. Le garder, lui et son sourire, à ses côtés, aurait été suffisant.
— Il n'y a pas d'urgence, même si je vais être obligé d'aller refaire les stocks d'ici trois jours au plus tard. Vous n'êtes pas obligés de partir de suite, avait-il déclaré.
— Non, non, ne restons pas, avait gémi Gretel.
— Si Cole est d'accord, nous sommes bien là, non ? avait argumenté Hans, qui était lui conscient de l'avenir bien incertain qui les attendait.
La petite s'était levée sans finir de manger pour aller bouder à l'étage.
Hans avait quitté la table à son tour et, après un regard désolé à Cole, était monté après elle.
C'était le lendemain que l'incendie avait eu lieu.
Cole, plongé dans son histoire, n'avait prêté attention ni à la chaleur grandissante ni à l'étrange odeur qui envahissait le chalet. C'était la fumée qui avait fini par l'alerter. Inquiet pour les deux enfants, il avait affronté les flammes qui léchaient l'escalier, criant en vains leurs noms. Il s'était approché au plus près de la fournaise. Il s'était époumoné, les yeux lui piquant tandis qu'il essayait de les voir à travers le rideau de fumée. Ils n'étaient à priori pas là. La précieuse canne de Cole avait pris feu et il avait dû la lâcher. Espérant que les enfants étaient dehors, loin du feu, Cole avait été chassé par les flammes de plus en plus vivaces. Il s'était traîné en haut avec peine, l'air lui manquant, non sans être mordu par le feu. Comme il était impossible de sortir par le bas, il avait dû se résigner à sauter. Il avait cependant longuement hésité à le faire, appelant encore les enfants par la fenêtre sans obtenir de réponse. Il ne s'était résolu qu'au dernier moment. Entre peut-être se rompre le cou ou mourir brulé vif à coup sûr, la meilleure option était bien la première. Il avait été assommé par la chute. Quand il avait repris conscience, les pompiers étaient arrivés. Il s'était laissé emmené à l'hôpital sans rien dire au sujet de Hans et Gretel en dépit de son inquiétude à leur égard. Il les soupçonnait d'être plus ou moins responsables de l'incendie et ne voulait pas qu'ils aient des ennuis. Il n'en souhaitait pas pour lui non plus. Dieu merci, nul corps n'avait été retrouvé dans les décombres du chalet et quelques jours plus tard, du fond de son lit d'hôpital, Cole avait lu dans le journal local que deux enfants amnésiques avaient été retrouvés au pied de la montagne. La photo qui illustrait l'article ne laissait pas de doute sur leur identité. Cole n'avait pas cru un instant qu'ils aient perdu la mémoire. Selon lui, Hans avait fait ce choix et persuadé sa sœur, afin d'épargner son père qui n'aurait pas manqué d'être jugé pour avoir abandonné ses enfants. L'affaire de l'incendie avait peut-être joué aussi, même si Cole ne savait pas ce qui s'était passé exactement. Il imaginait bien Gretel mettant accidentellement le feu, Hans ne réussissant pas à l'éteindre, n'osant pas appeler, s'enfuyant avec sa sœur, sans se douter que Cole avait de bonnes chances de rôtir vivant et d'ailleurs, peut-être l'aurait-il mérité vu ses sentiments coupables envers Hans.

mercredi 12 août 2015

Contes modernes - 105

Plusieurs jours s'étaient écoulés en compagnie d'Hans et Gretel. L'adolescent, très sérieux, se débrouillait pour divertir sa sœur avec les moyens du bord, la calmant quand elle se montrait trop bruyante. Il avait insisté pour se charger des repas, chose que Cole avait refusé quand bien même cela le gênait de devoir les préparer. Cole aurait voulu que le garçon puisse profiter un peu de sa jeunesse, ce dont son horrible père l'avait privé. L'autre avantage à faire le service, c'était qu'il pouvait servir généreusement l'adolescent qui était vraiment trop maigre.
Si Hans s'était attaché à lui de façon évidente, la petite, elle avait semblé devenir de plus en plus méfiante à son égard. Cole ne l'avait pas pris personnellement. Ce qui l'avait tracassé, c'était son attirance grandissante pour Hans, comme une papillon devant une flamme. Chaque fois qu'ils étaient dans la même pièce, il le dévorait des yeux, taraudé par l'envie de goûter à ses lèvres. Il les imaginait aussi sucrées que les bonbons qu'il affectionnait tant. Il avait déjà connu ce genre de tumulte, mais rarement aussi fort. Tout lui plaisait chez Hans. Sa personnalité – son sérieux, son calme, sa gentillesse, comme son physique – ses yeux noisettes à croquer quand ils pétillaient, son sourire resplendissant. Malgré sa vie difficile, l'adolescent n'était pas amer, il n'attendait pas grand chose, mais gardait espoir.
Son extrême reconnaissance envers Cole donnait envie de le garder auprès de lui, même si cela mettait à mal sa tranquillité. Mais légalement, c'était compliqué et il fallait qu'ils soient scolarisés. Cole avait traîné pour agir. Gretel était très agitée, comme souvent à cet âge, mais Hans était une crème.

Dix jours après l'arrivée de Hans et sa sœur, un autre problème s'était posé : celui des vivres. Les provisions amenés par son éditrice avaient fondu comme neige au soleil, surtout que Cole n'avait pas lésiné sur les quantités, désireux de remplumer ses invités. Il avait incité Hans à reprendre de chaque plat, ce qui déplaisait bizarrement à Gretel qui chaque fois avait dit qu'Hans avait bien assez mangé. Cole s'était demandé si elle en voulait à son frère qui l'avait freiné au tout début de leur séjour.
C'est Hans qui avait remarqué de lui-même que les placards étaient presque vides et que faire des courses s'imposaient. Cole avait opiné sans enthousiasme.
— Il est aussi temps pour nous de partir, avait enchaîné, l'adolescent d'une petite voix triste.
Cole aurait aimé dire le contraire, mais Hans avait raison.
— Tu es vraiment mûr pour tes seize ans, avait-il déclaré à la place.
Hans avait paru surpris.
— Je n'ai que douze ans. Bientôt treize.
Cole avait dégluti, horrifié. Jamais, au grand jamais il ne l'avait cru aussi jeune. Cela rendait criminel ce qu'il ressentait pour lui. L'adolescent, non, l'enfant, n'avait aucune raison de mentir. Cole avait été trompé par sa taille et son sérieux qu'il avait été obligé d'acquérir pour pallier aux manquements de ses irresponsables de parents. La mère, avait en effet appris Cole, était partie peu après la naissance de Gretel.
Empli de honte, Cole était resté interdit, le détaillant des pieds à la tête.
— Cela ne va pas ? s'était inquiété Hans.
— Si, si. Je suis simplement étonné, avait répliqué Cole.
Puis, incapable de rester devant le garçon qui lui inspirait des sentiments qu'il n'aurait pas dû, il avait lancé que les courses pouvaient attendre encore et l'avait planté là. Il s'était ensuite cloîtré dans son bureau, mais n'avait pu écrire une seule ligne durant le restant de la journée.

mardi 11 août 2015

Contes modernes - 104

Cole l'avait trouvé d'une maturité remarquable et cherché à en savoir plus sur la situation de l'adolescent et de la petite avant de prendre une quelconque décision à leur sujet. Hans s'était montré réticent à se confier, s'en tenant à sa première version, à savoir qu'ils s'étaient égarés, mais après avoir vérifié que sa sœur ne pouvait pas entendre, comme elle chantonnait en dessinant, il avait fini par révéler la terrible vérité : leur père avait voulu qu'ils se perdent dans la montagne pour ne plus avoir à s'occuper d'eux.
Il avait déjà essayé une fois, mais Hans avait réussi à le rattraper et à le convaincre qu'ils pouvaient lui être utile pour le ménage et ce genre de chose. Cependant, son père n'avait pas tardé à trouver que non, décidément deux gosses dans les pattes, cela le gênait : il ne pouvait pas ramener de femme à la maison et cela faisait deux bouches de plus à nourrir dans le budget alimentaire. Sous prétexte d'un pique-nique, ils avaient roulé des heures et des heures, il les avait obligés à grimper, faisant des tours et des détours et puis,  il s'était tapé le front « j'ai oublié le panier du repas » et il était reparti. Hans lui avait couru après, mais les pleurs de Gretel, tombée en essayant de les suivre l'avaient retenu et après, cela avait été trop tard, son père avait disparu. Il avait été impossible de retrouver sa trace et voilà comment ils s'étaient retrouvés à errer jusqu'à tomber par chance sur le chalet de l'écrivain.
Cole avait été atterré par l'attitude du père. Les yeux noisettes de l'adolescent était resté secs, mais son air infiniment triste avait remué Cole au plus profond de lui-même.
— Gretel ne comprend pas vraiment, elle est trop petite pour cela, avait conclu Hans.
Cole avait songé que l'adolescent lui-même était tout de même bien jeune pour cela. Quant à lui, il ne pouvait pas les prendre sous son aile, ne le souhaitait pas. Hélas, une fois ramenés à la civilisation, ce qui les attendait n'avait rien de joyeux. Même si le père était retrouvé, ce dernier serait jugé inapte à s'occuper d'eux, et ils seraient placés dans un quelconque foyer, pas forcément le même.
— Mais je crains que nous ne soyons séparés, avait ajouté l'adolescent.
— Vous pouvez rester ici quelque temps, s'était entendu dire Cole à sa propre surprise.
Le visage de Hans s'était illuminé d'un sourire qui l'avait embelli. Cole l'avait trouvé mignon. Il s'était morigéné parce que son interlocuteur n'avait que quinze-seize ans, et lui trente-deux, soit le double et, avec de surcroît des cheveux déjà grisonnants.
Cole s'était rendu compte assez tôt qu'il était attiré par les autres garçons, cependant le sexe ne l'avait jamais particulièrement intéressé, et même si son cœur avait battu plus fort pour certains de ses camarades, il n'avait jamais poursuivi personne de ses assiduités, et était resté seul. Ce qui lui procurait le plus de plaisir, c'était de jouer avec les mots et si cela le démangeait vraiment, il se caressait en solitaire.       

A la fin de sa première année universitaire, son premier roman ayant reçu un bon accueil, il avait arrêté ses études et s'était consacré à l'écriture. Dès le troisième, il avait déménagé, se coupant du reste du monde, chose que sa mère n'avait pas compris. Il avait eu beau lui répéter encore et encore que cela n'avait rien à voir avec les brûlures qu'il avait récolté dans son enfance quand il s'était mis en tête de récupérer la lourde friteuse en fonte sur la plaque tandis que sa mère s'attardait au téléphone, elle n'avait pas voulu le croire. Et pourtant, c'était vrai. Claudiquer, devoir s'aider d'une canne pour se déplacer en raison de son pied endommagé, avoir des marques sur le corps ne le dérangeait pas. Il était différent de toute façon, l'avait toujours été et ce n'était ni ses brûlures, si sa sexualité, mais bien son imagination galopante qui l'avait poussé à s'isoler. Les mots l'obsédaient, le fascinaient, l'absorbaient. Il n'aimait rien tant que s'y perdre. Écrire, c'était un monde d'infinités possibilités. A côté, la réalité était bien pauvre, bourrée de règles et de limites.

lundi 10 août 2015

Contes modernes - 103

 Huit ans plus tôt...
— Bonjour monsieur, désolé d'être entré sans y avoir été invités, s'était empressé de déclarer l'adolescent. Nous nous sommes égarés dans la forêt, avait-il continué baissant les yeux.
Cole avait deviné que ce dernier mentait et en avait eu la confirmation devant son soulagement quand il avait annoncé qu'il n'avait pas le téléphone et qu'il ne pouvait par conséquent prévenir personne.
Cole s'était demandé s'ils avaient fugué et si oui, pour quelle raison, mais avait choisi de les garder pour la nuit et d'aviser le lendemain. Il les avait installés dans sa chambre, le seul vrai lit de son chalet. Il avait commencé à en changer les draps en maugréant. L'adolescent s'était aussitôt proposé de le faire à sa place, mais Cole n'avait accepté que son aide, le remerciant une fois la corvée finie. Il les avait ensuite fait manger, supposant qu'à leurs âges, les bonbons ne leur suffiraient pas, surtout qu'ils avaient dû marcher longtemps. Il leur avait donné respectivement entre quinze et seize ans pour le garçon et quatre et six pour la fille. Hans et Gretel avaient mangé de bon appétit.
Hans était particulièrement maigre et Cole avait pensé que cela ne lui ferait pas de mal de se remplumer. Sa petite sœur, elle, avait les rondeurs de la petite enfance, mais n'était pas bien grosse non plus. Cole les avait ensuite incités à aller se coucher. Avant de monter, Hans l'avait tellement remercié de sa générosité que Cole en avait été gêné.
Cette nuit-là, il avait veillé tard, pas pressé d'aller se coucher dans l'inconfortable canapé, et bien avancé dans son histoire en cours.
La voix perçante de la petite Gretel l'avait tiré de son sommeil, à peine quatre heures plus tard. Cole avait cependant ravalé sa mauvaise humeur devant le visage désolé d'Hans doublé de ses excuses. Il s'était même levé pour leur préparer le petit déjeuner.
Gretel s'était empiffrée de biscottes et de confiture, sourde à son frère qui lui suggérait de ralentir. Si lui-même avait eu la veille, un bon coup de fourchette, il était très mesuré ce matin au point que Cole l'encouragea à manger davantage, l'incitant à imiter sa sœur.
— Grossir ne te ferait pas de mal, avait-il dit.
La fillette avait alors déclaré brusquement que son petit déjeuner était terminé et qu'elle voulait jouer.
Cole l'avait installé à la table basse du salon avec du papier et des stylos de couleur. C'est tout ce qu'il avait pour distraire une enfant de cet âge. Gretel avait été heureusement satisfaite et Cole était retourné près de Hans qui s'était attelé à la vaisselle du petit déjeuner. Il était clairement conscient que lui et sa sœur s'imposaient et semblaient désireux de causer le moins de dérangement possible.

vendredi 7 août 2015

Contes modernes - 102

BONBON ENCRÉ 
Cole était plongé à corps perdu dans son histoire quand les gargouillements bruyants de son estomac le rappelèrent à la réalité. La faim le tenaillait depuis plusieurs heures déjà, mais il l'avait jusque là calmée à coups de bonbons fruités. Cependant, ce n'était plus possible de retarder davantage le moment d'aller se sustenter pour de vrai. Y avait-il encore seulement une casserole et une assiette propres ou serait-il obligé en prime de faire la vaisselle ? Il repoussait toujours ce genre de corvée, allant jusqu'à manger à même la conserve, mais il fallait bien s'y atteler le dernier couvert utilisé. Ce n'était pas par paresse, simplement, quand il était inspiré, s'arrêter lui était insupportable ou tout du moins extrêmement difficile. S'il s'interrompait, obligé par un besoin pressant d'aller aux toilettes, ce n'était que le temps nécessaire avant de retourner le plus vite possible au pays des mots.  C'était comme ça qu'il fonctionnait et c'était pourquoi il avait choisi de s'isoler dans un chalet de montagne perdu dans la forêt, coupé de tout, où nul ne venait l'empêcher d'écrire. La seule personne à lui rendre visite, était son éditrice afin de récupérer sa production. Elle le ravitaillait par la même occasion, ce qui arrangeait bien Cole qui n'avait ainsi pas de courses à faire.
Il descendit l'escalier, martelant chaque marche de sa canne. A sa grande surprise, la salle du bas qui comprenait un côté cuisine et un côté salon n'était pas dans l'état où il l'avait laissée : l'évier débordant de vaisselle était vide, la table entièrement dégagée, les papiers qui traînaient un peu partout étaient réunis en deux piles bien nettes, une pour les intacts, une pour les froissés, le canapé n'était plus encombré et un jeune homme blond y était assis.
Cole n'était pourtant pas sourd, mais absorbé par son histoire, il n'avait rien entendu des bruits qu'avaient dû occasionnés tout ce rangement.
Sa première pensée fut que même au fin fond de la forêt, il y avait toujours des gens pour le déranger, d'abord ce jeune journaliste aux yeux d'un vert clair clair hypnotique, et maintenant cet autre étranger. On rentrait décidément chez lui comme dans un moulin, tout ça parce qu'il négligeait de mettre le verrou. Était-ce lui son fameux nouvel éditeur ?
Il observa le jeune homme blond aux yeux noisettes qui le regardait silencieusement, dans l'expectative, et il le reconnut. L'adolescent maigre et dégingandé avait bien grandi depuis la dernière fois où il l'avait vu, lui et sa petite sœur.
Il les avait retrouvés tout pareil dans son salon, près de la table basse qui avait depuis brûlée. La petite fille avaient les mains et les joues pleines de bonbons et l'adolescent qui en roulait un dans sa bouche, essayait de la freiner.

jeudi 6 août 2015

Contes modernes - 101

— Ne compte pas  sur moi pour que je me mette à sortir à tout bout de champ, grommela Angel.
— Si tu pouvais faire un tiers des trajets... commença Cain, prêt à négocier.
— Je suis attaché à l'endroit où je vis, mais nous pourrions très bien habiter ailleurs ensemble puisque je peux travailler d'à peu près n'importe où.
Cain fut désarçonné par l'offre.
— Tu es sûr ? demanda-t-il,  conscient du sacrifice que c'était pour l'ancien pompier.
— J'ai eu le temps de réfléchir et de calculer que financièrement, il m'était possible de garder la maison et louer quelque chose. Enfin, du moment que tu ne rêves pas d'un palace.
— Te quitter le matin, pour te retrouver le soir, sauf cas exceptionnel, c'est ça, le luxe !
— Tu ne me forceras pas à fréquenter tes amis ?
Cain aurait adoré présenter Angel à Ariel, mais il opina.
— Tu as le droit de ne pas vouloir te montrer.
— Tu avais pourtant l'air de me le reprocher la dernière fois.
— C'est que je trouve cela dommage, mais je regrette, désolé. Je peux comprendre, c'est juste que j'étais fatigué.
— Autrement, tu es conscient que je t'aime pour autre chose que ton beau visage ?
— Oui, même si je me suis interrogé, ce qui a entraîné notre querelle...
— Peut-être était-elle nécessaire. Elle m'a permis de réaliser que sans toi, ma maison avait tout d'un manoir hanté. Alors, tu es d'accord pour que nous habitions ensemble ?
— Enthousiaste, même ! Même si c'est tout petit, ce sera notre château à tout les deux. Et puis, nous ne sommes pas obligés de nous installer en ville, du moment que je ne suis pas trop loin de mon école de journalisme, ça va.
— Tu ne me reprocheras pas sans cesse de rester à l'intérieur ?
— J'essayerai.
— Tu m'acceptes avec  tous mes défauts ?
— Oui, grosse bête ! Et je pourrai te retourner la question.
— Sauf que, mon beau, c'est moi qui mène cette interview. Elle est d'ailleurs terminée.
Maintenant qu'Angel lui faisait remarquer, c'était vrai qu'il avait posé beaucoup de questions d'affilée...
— Tu ne t'es pas trop mal débrouillé pour une première, mais tu aurais pu me prévenir que tu étais en train d'en faire une, déclara Cain. Heureusement que ce n'était pas l'heure du repas, ajouta-t-il pour le taquiner.
Il fit ensuite signe à Angel de se pencher et l'embrassa pour lui transmettre toute la force de son amour.
Angel gémit quand le baiser s'acheva.
— Dommage que ton frère soit de l'autre côté dur mur.
Angel avait une érection monumentale. Cain partageait la même excitation. Il était follement heureux. Angel avait quitté sa tanière pour lui, souhaitait vivre avec lui, même si cela l'obligeait à quitter son univers protégé. C'était une magnifique preuve d'amour.
Angel l'embrassa à son tour passionnément, au point que le jeune homme en oublie son frère qui s'était mis à marteler la porte. L'avenir s'annonçait plus radieux que Cain ne se l'était jamais représenté et aucun nuage au monde n'y changerait rien.

FIN DE BRÛLURE
Rendez-vous demain pour Bonbon encré !

mercredi 5 août 2015

Contes modernes - 100

Seize jours après leur dispute, en soirée, alors que Cain étudiait dans sa chambre, il entendit la sonnette. Il laissa ses frères y répondre, n'attendant aucune visite, mais fut interpelé par les éclats de voix qui allaient crescendo. Il se leva de son bureau pour s'enquérir de la cause du remue-ménage qui mettait à mal sa concentration quand sa porte s'ouvrit à la volée sur Angel, son frère aîné se plaignant de son intrusion sur les talons.
Cain resta abasourdi, même dans ses rêves les plus fous, il n'avait imaginé qu'Angel affronterait le regard des autres pour lui.
Son frère râlait toujours, désireux d'en découdre en dépit de la taille de son adversaire. Angel attrapa son poing au vol, et le poussa sans ménagement dans le couloir. Cain éprouva un plaisir certain à voir son frère, toujours prompt à faire étalage de sa force, se faire dominer avec autant d'aisance et il ferma lui-même la porte au nez de son aîné. Il voulait écouter ce qu'Angel avait à lui dire sans que son frère ne s'emmêle.
— Je suis venu.
C'était une évidence dont la valeur n'échappait pas à Cain.
— Cela n'a pas été trop dur ?
— Bien sûr que si ! Mais il fait nuit tôt en décembre et au final, je n'ai pas croisé grand monde.
— Comment as-tu eu mon adresse ?
— Par le biais de l'association des grands brûlés. Puisque tu refusais de répondre à mes appels et à mes mails. Tu ne me laissais même pas te présenter des excuses...
C'était une accusation juste.
— Si je t'avais entendu, j'aurais accouru. Et c'est pour la même raison que je n'ai pas lu une ligne de ce que tu m'as écris... Honnêtement, je ne sais pas comment j'ai fait pour ne pas craquer, car c'était une torture...
— Tant mieux !
— Je t'aime...
— Drôle de façon de me le montrer que de m'ignorer pendant plus de dix jours ! grogna Angel.
Cain était tellement heureux qu'il soit là que même son mécontentement était une douce musique à ses oreilles.
— Tu as raison. Et toi, tu en as mis six à me contacter à nouveau, je le sais, car ils m'ont parus fort longs, comme tout ceux qui sont suivi, mais je ne pouvais plus continuer ainsi, à conduire des heures pour te voir et souffrir de t'abandonner chaque fois derrière moi.
Qu'Angel se soit déplacé lui permettait d'espérer autre chose, même s'il ne s'attendait pas à ce qu'il renouvelle trop souvent cet exploit.

mardi 4 août 2015

Contes modernes - 99

Après quelques kilomètres, Cain se sentit submergé par la tristesse. Comment avaient-ils pu en arriver à cette séparation brutale ? Pourquoi avait-il été autant gêné des compliments d'Angel qui lui avait pourtant montré de bien des façons qu'il tenait à lui et pas seulement pour son physique ? C'était un point sensible chez l'ancien pompier pour des raisons bien différentes de lui et il avait été plus que maladroit. Quand il se sentait inconfortable pour une raison ou pour une autre, il en oubliait qu'il pouvait blesser les autres, trop pris dans ses propres problèmes pour prendre la mesure de ce qu'il disait. Cela avait été pareil avec Ariel au sujet de l'homosexualité.
Comme les larmes aveuglaient Cain, il se dépêcha de s'arrêter sur le bas côté de la route. Une fois à l'arrêt, il posa son front sur le volant. Il se sentait épuisé. Il l'était entre ses nuits raccourcies pour boucler ses piges et les longs trajets en voiture réguliers et répétés, effectués bien souvent sous la pluie, ce qui ne simplifiait en rien la conduite.
Les efforts qu'il avait fournis, il les avait fait sans se poser de questions, l'amour aidant, l'accueil d'Angel à l'arrivée valant largement la peine qu'il se donnait, mais cela l'avait tout de même fatigué.
Avec le recul, il réalisait qu'à mesure que les heures de route s'étaient accumulées, un certain agacement était en né lui de devoir toujours être celui qui se déplaçait.
C'était pour tout cela qu'il avait sauté sur les mines d'Angel... et pourquoi tout avait explosé. Cain faillit faire demi-tour sans se soucier des derniers mots qu'il avait prononcé. Ce qui le retint, c'est que rien ne changerait. Même si Angel tenait à lui, il ne quitterait jamais « son château » pour ses beaux yeux. Ce serait toujours à Cain de venir et de repartir, la joie d'être avec lui toujours suivi de la douleur de la séparation.
Cain ne lui téléphona pas, Angel non plus jusqu'au sixième jour de leur dispute. Cain regarda le numéro d'Angel qui s'affichait, le cœur battant à tout rompre, mais il ne décrocha pas. S'il l'entendait, si Angel le lui demandait, il serait incapable de résister, il retournerait à ses côtés, et ce serait retour à la case départ.
Ses frères comme son père finirent par remarquer qu'il était déprimé. Cain garda le secret de sa rupture avant de finalement avouer qu'Angel et lui s'étaient séparés. Sa famille se réjouit bruyamment de sa rupture, ce qui augmenta son désarroi.
Il reçut des mails d'Angel mais ne les ouvrit pas malgré son envie de les lire. Il fixait longuement le nom de leur destinataire et leurs objets vides avant de les mettre dans un dossier à part, incapable de les supprimer.
Chaque jour qui passait, il était de plus en plus partagé, s'interrogeant sur le bien-fondé de sa décision : un peu d'Angel après des heures de route, n'était-ce pas mieux que pas du tout ? Au fond, même si le problème de la distance demeurait, était-ce si grave que cela ? Pas de contact du tout, c'était extrême.
L'ambiance festive dans les rues avec l'approche de Noël rendait Cain triste. Ile ne pouvait se joindre à la joie générale en pensant à Angel tout seul chez lui, sans sapin, sans guirlandes, sans personne avec qui faire la fête.

lundi 3 août 2015

Contes modernes - 98

Tout début décembre, après un nouveau compliment d'Angel sur sa beauté, Cain analysa enfin ce qui le gênait et sans tarder, tenta d'en discuter avec lui.
— Un jour, je serais vieux, tout ridé et ratatiné, fit-il remarquer.
— Je suis sûr que tu n'en seras pas moins charmant.
Cain légèrement agacé qu'il pense s'en tirer avec cette pirouette poursuivit :
— Admettons... Mais je pourrais très bien être défiguré dans un accident..
Angel s'assombrit aussitôt.
— Comme moi, tu veux dire ?! aboya-t-il.
Cain s'en voulut de sa maladresse, mais impossible de faire taire en lui la crainte que peut-être Angel ne l'aimait que pour son beau visage.
— Tu n'arrêtes pas de répéter que je suis beau ces derniers temps et...
— Et alors ? Puisque c'est vrai ! coupa Angel. Tout le monde n'a pas cette chance, ajouta-t-il.
— Tu l'étais aussi, tu l'es encore...
— Suffit les conneries !
— Même si ce n'est pas de façon conventionnelle, acheva Cain sans prendre en compte son interruption.
Angel avait la mauvaise habitude de ne pas le laisser finir ses phrases, en particulier quand il était de mauvais poil. Il avait aussi tendance à s'emporter, mais cela ne durait jamais et cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas pris un ton aussi féroce avec lui.
— Tu en sors de belles niaiseries !
Généralement, quand Angel se mettait en boule, Cain attendait qu'il se calme et évitait de rajouter de l'huile sur le feu, mais dans le cas présent, il ne put s'empêcher de s'énerver :
— C'est toi qui ne vois rien, enfermé dans ton petit monde, tu crois tout savoir, mais tu ne te rends compte de rien...
— Tu...
Cain ne le laissa pas lui voler la parole :
— L'apparence ne fait pas tout ! Tu ne vas tout de même pas passer le reste de ta vie à te soucier du regard des autres ?! Mon ami Ariel qui est muet et a eu des tas de problèmes à cause de ça, ne vit pas pour autant cloîtré chez lui !
— Ton ami ne porte pas son handicap sur son visage, lui !
— Tu te focalises vraiment trop là-dessus.
— Fiche le camp, toi et tes grands discours ! Va donc auprès de ton merveilleux ami ! hurla Angel.
Cain voulut répliquer, mais les cris d'Angel couvrirent ses paroles. Il était vraiment dans une colère noire.
Cain qui était également furieux, finit par obtempérer. Ce n'était pas la peine de rester avec cet idiot vociférant et incohérent qui n'écoutait rien ni personne. Il claqua la porte de la maison. Angel le suivit, comme pour s'assurer de son départ.
Cain, en dépit du tumulte qui l'agitait commença à se dire que c'était dommage qu'ils gâchent ainsi leur week-end, qu'ils se quittent en si mauvais termes.
— Tu es sûr que tu veux que je te parte ? demanda-t-il.
— Oui !
C'était un cri qui venait du fond du cœur.
— Je ne reviendrai pas, prévint Cain, fâché et blessé.
— Parfait et bon débarras ! s'écria Angel,  repoussant son portail sans attendre.
Cain grimpa vite dans sa voiture.