jeudi 31 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 51

Peu après son retour, Lukas rendit visite à sa mère avec l’intention de confier ses sentiments au sujet de Wata. C’était sérieux entre eux et il n’était pas question de cacher plus longtemps à sa mère qu’il avait trouvé la personne avec laquelle il souhaitait partager son existence.
— Alors, ton voyage au Japon ? demanda sa mère, une fois qu’ils furent installés dans le salon.
— C’était bien. J’ai revu Wata. Enfin, Wataru. Le Japonais avec lequel j’ai vécu sur l’île.
Il aurait pu se passer de le préciser, il n’y avait aucune chance que sa mère ait oublié, mais même en la sachant ouverte d’esprit, il appréhendait un peu de lui révéler ce que représentait Wata pour lui. Il allait après tout mettre fin à ses espoirs d’avoir des petits enfants.
— Il s’est bien remis ?
— Oui, même si ses souvenirs ne lui sont pas revenus.
Lukas se rendit compte qu’il tergiversait faute de savoir comment aborder le sujet avec délicatesse.
Heureusement sa mère ne perdait pas le nord sur les choses qui lui tenaient à cœur et lui tendit en tout innocence une perche.
— Tu as rencontré une jolie Japonaise ?
— Non, mais je suis tombé amoureux de Wataru.
Sa mère eut un hoquet surpris.
— Tu plaisantes… commença-t-elle. Non, tu es sérieux, rectifia-t-elle d’elle-même. Mais aux dernières nouvelles, tu n’as jamais été intéressé par les hommes… Si ?
— En effet, mais une personne ne se résume pas à son sexe et j’aime Wata.
— Ah, tu es pansexuel.
Ce fut au tour de Lukas d’être étonné. Le terme lui était inconnu. Pour le coup, sa mère en savait plus que lui.
— Hein ?
— C’est le terme utilisé par ceux qui sont attirés par les gens indépendamment de leur sexe ou genre.
C’était une étiquette comme une autre, songea Lukas et elle semblait mieux coller que d’autres. Il mit de côté l’information.
— Tu n’es pas déçue ? s’enquit-il.
— Pourquoi le serais-je ? Je suis surtout contente que tu aies enfin quelqu’un dans ta vie, mon chéri.
— Que nous soyons deux hommes compromet tes plans d’avoir des petits enfants, avança-t-il prudemment.
— Vous pourrez toujours adopter, décréta sa mère. En Belgique, la gestation pour autrui est possible.
Elle était impayable et il avait eu tort de s’inquiéter ne serait-ce que légèrement de sa réaction.
Elle accueillerait Wata à bras ouverts. Lukas ne pouvait en dire autant de la famille du Japonais. Enfin, il n’avait pas encore eu l’occasion de faire connaissance avec ses parents. Ils seraient peut-être moins hostiles que le jumeau. Ils pouvaient difficilement l’être plus en tout cas.

mercredi 30 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 50

La dispute entre les deux frères prenait un vilain tour. L’air furieux de Wata promettait le pire. Avant qu’il ne dise quelque chose qu’il aurait du mal à reprendre et regretterait à son frère, Lukas l’embrassa. Et tant pis pour le spectateur !
Ryuu fut suffoqué, puis marmonna quelque chose sur « ces barbares d’étranger. »
Le baiser s’acheva. Wata cligna des yeux. La colère avait laissé place au désir. Lukas ne demandait pas mieux que d’y répondre, mais encore fallait-il se débarrasser de Ryuu.
Wataru s’en chargea avec les formes.
— Ryuu, que je déménage ou non, cela ne va pas se faire en deux jours, alors en attendant, laisse-moi profiter de Lukas qui n’est au Japon que pour quelques jours.
Ryuu quitta les lieux, non sans une dernière mise en garde à l’égard de son frère.
— Tu ne parles pas un mot de français. Comment te dérouilleras-tu là-bas ? Tu seras complètement dépendant de lui.
— Je suis en train d’apprendre, rétorqua Wata avant de claquer la porte sur son jumeau.
Décidément, Wata était un cachotier. Ses mangas. L’autobiographique comme l’érotique. Son apprentissage de la langue française… Cela aurait peut-être dû inquiéter Lukas que Wata ait autant de secrets, excepté qu’ils n’avaient rien de négatifs. Quelque part, cela contribuait à son charme.
— On peut se parler en français plutôt qu’en japonais, si tu veux t’entraîner.
— Je ne suis qu’au début du manuel, murmura Wata avec embarras.
— Je t’aime, dit Lukas en français.
Les yeux de Wata brillèrent. Il lui dit la même chose avec un accent aussi terrible que craquant.
A l’exception d’une sortie pour remplir le réfrigérateur et les placards, ils passèrent le restant du séjour de Lukas dans l’appartement de Wata, l’hôtel oublié. Il y étaient seuls comme dans leur île, sans le bleu  du ciel et avec tout le confort moderne. Ryuu eut la bonne grâce de ne pas revenir à l’improviste.
Ils firent l’amour à de nombreuses reprises et se parlèrent en japonais comme en français, même si Wata n’avait pas menti en prévenant qu’il débutait.
Ils se dirent au revoir sur place plutôt qu’à l’aéroport. Même en sachant que Wata allait effectuer les démarches nécessaires pour le rejoindre en France, ce fut un véritable arrachement.

mardi 29 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 49

Lukas s’interrompit un instant le temps de mettre du lubrifiant sur ses doigts pour préparer Wata dont les gémissements de plaisir étaient enivrant. Lukas enfila à la hâte un préservatif et le pénétra centimètre par centimètre. Enfin, il fut à l’intérieur. C’était si bon qu’il faillit éjaculer sur le champ comme un adolescent, mais se contrôla in extremis. Il resta immobile autant pour se calmer que laisser à Wata le temps de s’habituer, puis les yeux dans les yeux, ils bougèrent de concert jusqu’à trouver le rythme parfait, celui qui les conduit à la jouissance.
Lukas se retira, ôta le préservatif qu’il posa sans cérémonie par terre et enlaça Wata sans se soucier du sperme qui maculait son ventre. Wata eut un soupir de bien-être significatif.
Ils se douchèrent ensemble, se caressant à nouveau, mais sans aller jusqu’au bout et mangèrent ensemble leur premier repas partagé qui ne soit pas à base de coco et de poisson !
— Tu veux visiter Tokyo ? demanda Wata.
— Non, pas vraiment.
Lukas n’avait jamais eu l’intention de jouer les touristes. Il était venu voir Wata pas la ville et à présent, tout ce qu’il désirait explorer, c’était le corps de Wata.
Ils demeurèrent donc dans leur bulle jusqu’à ce que Ryuu débarque et l’éclate.
Il avait beau avoir le même visage que Wata, il n’avait rien d’adorable et Lukas finit par arrêter d’être poli pour le remettre à sa place et dans le processus, il eut le malheur de révéler que Wataru allait s’installer en France. C’était une affirmation présomptueuse dans la mesure où Wata ne s’était pas encore décidé sur la question, mais ce n’est pas lui qui s’insurgea.
— C’est n’importe quoi. Vous vous connaissez à peine, protesta Ryuu.
— Tu ne comprends pas, riposta Wata. Ce que nous avons vécu sur l’île, Lukas et moi…
Ryuu le coupa, empêchant également Lukas d’en placer une :
— Votre aventure était peut-être intense, mais ce n’était pas réel.
On voyait que ce n’était pas lui qui avait été privé de tout pendant des semaines durant. C’était cependant leurs sentiments que Ryuu remettait en question et là-dessus, il n’avait pas tort. Lukas, lui aussi, avait douté de ce qu’il ressentait pour Wata, seulement le retour au monde civilisé n’avait rien changé. Leur lien avait perduré.
— Tu n’en sais rien, répliqua Wata.
— Tu ne vas pas renoncer à tout pour un étranger. Ce n’est pas toi.

lundi 28 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 48

— Passe-moi la suite de ton manga, s’il-te-plaît.
Lukas voulait absolument savoir ce qu’il avait imaginé pour leur histoire d’amour, même si ce n’était pas vraiment eux.
— Cela devient assez vite…
Il ne termina pas, mais à son adorable air embarrassé, il n’était pas dur de deviner la fin de sa phrase.
— Oui, je me doute.
Il y avait là une opportunité en or d’en apprendre plus sur les fantasmes de Wata.
Le second chapitre était effectivement chaud. Entre une cueillette de noix de coco et une séance de pêche, leurs versions de papier s’en donnaient à cœur joie entre caresses dans la mer et fellation contre un palmier suivi d’une pénétration sans préparation ni préservatif. Ce n’était pas réaliste pour un sou, mais émoustillant.
Lukas détacha son regard des dessins pour jeter un coup d’œil à Wata dont la respiration s’était accélérée. Il devait être excité, tout comme lui.
Lukas l’attira à lui et le poussa à s’asseoir sur ses genoux. Il pointa la case où leur alter ego étaient en pleine action, intiment liés.
— Tu voudrais cela ?
Wata eut un bref hochement de tête et se leva des genoux de Lukas qu’il entraîna dans sa chambre, récupéra un préservatif et un tube de lubrifiant qu’il jeta sur le futon.
La parole était redevenue superflue. Ils se déshabillèrent. Wata vibrait d’une impatience mêlée de nervosité que partageait Lukas. Il n’était pas un total novice en matière de sodomie vu qu’il avait eu l’occasion d’expérimenter avec quelques femmes portées sur la chose, mais c’était différent, c’était Wata et Lukas était conscient que c’était en quelque sorte sa première fois. Wataru avait probablement de l’expérience, mais Wata ne s’en souvenait pas aux dernières nouvelles. L’excitation de Lukas augmenta d’un cran à l’idée qu’il allait lui prendre sa seconde virginité.
Ils s’embrassèrent longuement, accrochés l’un à l’autre, puis Wata lui mordilla le lobe de l’oreille et le creux du cou.
Ils s’allongèrent. Lukas sema un chemin de baisers jusqu’au pénis de Wata qu’il enserra dans sa main droite, insinua sa gauche entre ses cuisses jusqu’à la raie de ses fesses, massant l’entrée de Wata qui émit des plaintes délicieuses.

vendredi 25 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 47

— Je dessine aussi un autre manga.
Il lui mit entre les mains un autre magazine dont la couverture annonçait la couleur du contenu avec deux éphèbes à moitié dévêtus  enlacés dans une brûlante étreinte.
Après feuilletage, le caractère érotique de la revue se confirma. Les yeux de Lukas s’arrêtèrent sur une case où un jeune homme allait en pénétrer un autre, leurs pénis réduits à de vagues formes blanches. C’était une forme de censure pour le moins étrange et un rappel que la culture japonaise différait de la française.
Wata posa soudain une main sur son poignet.
— Attends, je vais te mettre au bon endroit.
Il tourna les pages à la place de Lukas jusqu’à une page avec une plage et des cocotiers.
Une gracieuse créature androgyne était étendue  sur le sable, les vagues léchant ses pieds. Un homme à la large carrure qui entretenait un air de ressemblance avec Lukas, s’agenouillait à ses côtés et entreprenait de lui faire du bouche à bouche.
— C’est une version romancée, murmura Wata avec nervosité.
— Tu aurais voulu que les choses se passent ainsi ? demanda Lukas, espérant le détendre en le taquinant.
— Non… Non... Je suis désolé.
— Pourquoi ? Tu ne cites pas mon nom. Cela ne me cause aucun tort, dans un cas comme dans l’autre.
— Tu n’es pas fâché ?
— Non. Je suis surtout étonné que ton frère soit au courant que tu dessines ce genre de manga érotique et les lises.
— Je crois que nous étions très proches avant la croisière et ma perte de mémoire.
C’était souvent le cas avec les jumeaux et cela d’ailleurs excusait en partie le comportement de Ryuu. Et c’était peut-être parce que Ryuu avait conscience que désormais c’était Lukas qui connaissait le mieux Wataru qu’il ne l’appréciait guère.
Si un jour Wata l’oubliait, lui et leur séjour sur l’île, Lukas doutait le vivre bien. Il ne voulait toutefois pas que cette peur le contrôle. Ils étaient ensemble maintenant, pour le meilleur et pour le pire.
Le Wataru qu’il avait rencontré n’était sûrement pas pas exactement le même qu’avant son amnésie, mais de toute façon personne ne pouvait prétendre ne pas évoluer au cours de son existence. L’île et Wata avaient d’ailleurs changé Lukas.

jeudi 24 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 46

Il était adorable et Lukas lui donna un baiser que Wata lui rendit avec enthousiasme, sans que les choses n’aillent plus loin pour autant.
Wata devait être aussi d’avis qu’il était important qu’ils discutent.
— Ce qu’a dit mon frère… Cela ne te dérange pas que j’utilise notre histoire pour mes mangas ?
Sur le principe, non. C’était normal que cela inspire Wata. Après, c’était difficile à dire sans avoir vu ce qu’il avait dessiné.
— Tu veux bien me les montrer ?
— Oui… Quand nous retournerons chez moi.
Lukas acquiesça.
— Je me douche et allons-y.
Sans être vraiment pressé de découvrir les mangas de Wata, Lukas était curieux et aussi désireux de tranquilliser Wata qui avait l’air de culpabiliser à fond.
Le mieux était de tirer l’affaire au clair au plus vite et de mettre ça derrière eux. Il doutait que Wata l’ait ridiculisé d’une façon ou d’une autre dans ses dessins.
Wata tint à lui faire emprunter les transports en commun pour le ramener chez lui. Ils n’échangèrent que quelques commentaires d’ordre pratique dans le wagon bondé et dans les rues animées.
Une fois dans l’appartement, Wata sortit immédiatement le magazine dans lequel était publié leur aventure sur l’île.
Lukas s’assit sur une chaise tandis que Wata restait debout, à regarder par dessus son épaule pour guetter sa réaction.
Si Lukas commençait à connaître les hiraganas et les katanas, il ne pouvait prétendre lire le japonais, pas alors que les kanjis demeuraient indéchiffrables en l’absence de furiganas, les dessins étaient heureusement assez parlant et sa version de papier barbu avait une bonne bouille. Il sourit en voyant son double dessiné jeté son harpon de fortune d’un geste furieux sur le sable, frustré d’avoir échoué une fois de plus à attraper un poisson.
Il n’y avait là rien de compromettant ou de gênant.
Lukas était surtout admiratif de la manière dont Wata avait réussi à croquer leur vie sur l’île.
Il feuilleta différents numéros de plus en plus fasciné par le travail de Wata. Il remarqua que leur rapprochement physique était suggéré sans être montré, même s’il était peut-être verbalement explicité.
Lukas complimenta Wata qui parut ne plus savoir où se mettre.

mercredi 23 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 45

Il restait à savoir si Wata partageait ses sentiments, si ce n’était pas juste de l’attirance sexuelle pour lui. Lukas soupçonnait que non, mais peut-être était-ce arrogant de sa part. Wata avait après tout mis plusieurs jours avant de reprendre contact avec lui et n’avait pas paru attendre plus que de l’amitié de la part de Lukas. Leurs faces à faces via webcams interposées n’avaient jamais pris un tour intime, même si Lukas avait songé à plus d’une reprise à lui demander de se déshabiller et de se caresser pour lui.
Dans ses bras, Wata remua. Il devait souhaiter faire un brin de toilette et rentrer à son appartement.
Lukas le retint.
— Je… commença-t-il sans finir.
Entre la fatigue du voyage et le décalage horaire, le sommeil le gagnait et parler en japonais lui était plus difficile, et il avait également plus de peine à le comprendre.
Il ne saisit pas les propos de Wata et le lâcha à contre-cœur, luttant pour rester réveillé.
Avant de sombrer, il se rappela toutefois de la bonne formule pour déclarer son amour.
Quand il émergea, beaucoup plus tard, il eut la bonne surprise de constater que Wata était toujours là. Rhabillé, il contemplait la vue par la fenêtre de la chambre.
Lukas le rejoignit dans le plus simple appareil. L’attention de Wata se reporta immédiatement sur lui.
— Je t’aime aussi, annonça Wata et il pressa ses lèvres sur le torse de Lukas, au niveau de son cœur.
Un sentiment de joie et de bonheur envahit Lukas. Apparemment, il avait trouvé l’énergie de prononcer « ai shiteru » avant de s’endormir comme une masse.
Ils s’embrassèrent. La verge de Lukas palpita, prête pour une second round, mais Lukas se contint. Il lui semblait qu’ils avaient besoin de poser davantage de mots sur leur relation avant de laisser à nouveau leurs corps parler.
— Tu serais prêt à déménager en France ? Je veux dire, tu peux dessiner de n’importe où, n’est-ce pas ?
C’était brutal comme question, mais pour le moment son niveau de japonais ne lui permettait pas de la jouer fine.
L’essentiel était que Wata comprenne que Lukas souhaitait qu’ils soient ensemble et pas uniquement pour le temps de son séjour ou pour une relation à distance avec des kilomètres entre eux comme ces derniers mois.
— Je ne sais pas. Peut-être. Oui.

mardi 22 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 44

Lukas sentit l’érection de Wataru qui ne put manquer la sienne.
Wata gémit son prénom contre ses lèvres, souple entre ses bras.
Avide de contact direct, Lukas glissa ses mains sous le t-shirt robot et remonta jusqu’aux tétons qu’il titilla avec ses pouces.
— Lu… kas, souffla Wata.
Lukas localisa l’emplacement du lit, souleva Wata et l’y déposa. Il ôta ses vêtements à la hâte sans se soucier d’où ils atterrissaient et s’allongea face à Wata qu’il aida à se déshabiller.
Wata était haletant et brûlant. Ses mains gracieuses coururent sur le corps de Lukas comme s’il cherchait à en retracer les lignes.
Lukas le laissa faire, puis reprit le contrôle de leur étreinte, se collant à lui et le caressant avec fièvre.
Ce n’était pas assez. Il voulait s’enfoncer en lui et le faire sien. Seulement, il n’avait emporté avec lui ni préservatif ni lubrifiant. Il n’avait pas prévu le désir ardent qui l’assaillirait en retrouvant Wata qui n’était de toute façon peut-être pas réceptif au sexe anal.
Il caressa le membre de Wata d’une main, soupesa ses bourses de l’autre, avant de masser son périnée. Il descendit plus bas, effleurant l’anus de Wata qui écarta aussitôt les jambes et leva même les fesses pour lui donner un meilleur accès.
Son impatience mêlée de ferveur fit sourire Lukas. Il lécha son index et le plongea à l’intérieur, sans quitter du regard Wata, puis il se pencha pour embrasser le pénis de Wata avant d’en sucer le bout. C’était une sensation étrange et inédite, mais qui n’avait rien de déplaisant et les plaintes de Wata était une douce musique à ses oreilles.
— Lukas, je…
Il était au bord de la jouissance, devina Lukas. Il libéra la verge brûlante de Wata et se mit à se frotter son propre sexe contre dans un mouvement de va-et-vient identique à celui qu’il effectuait avec son doigt.
Wata éjacula dans un air d’extase qui eut raison de Lukas.
Pantelant, il retira son index, s’écroula sur le côté pour ne pas écraser Wata, puis l’attira contre lui de façon à ce qu’il s’allonge sur lui et garda une main possessive au creux de son dos.
Lukas l’aimait. Ce n’était pas juste du sexe, cela avait toujours été plus que cela et c’est pour cela que sur l’île, chaque orgasme partagé avait été aussi intense.
Non, ce n’était pas parce que Wata avait été l’unique option sur l’île déserte que Lukas s’était mis à le désirer alors même que c’était un homme, mais parce que c’était lui, tout simplement.

lundi 21 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 43

Lukas aurait probablement dû avoir pitié du jumeau de Wataru, car cela avait dû être terrible de croire son frère mort, puis finalement le retrouver amnésique, une part de lui disparue, mais tout ce qu’il voyait c’était la manière courageuse dont Wata avait accepté sa perte de mémoire.
— Allons boire un verre, déclara Ryuu.
Lukas était fatigué et n’avait pas la moindre envie de ressortir, si ce n’est pour se rendre à son hôtel. Wata avait bien proposé de l’héberger chez lui, mais Lukas avait préféré refuser de peur de le déranger dans la mesure où ce n’était pas seulement son lieu de vie, mais aussi de travail.
— J’ai des boissons et des trucs pour manger ici, répliqua Wataru.
— Parfait ! s’exclama Lukas.
Ryuu grommela, mais dut s’incliner. Ils étaient à deux contre un. Il ne fit pas pour autant signe de partir au grand dam de Lukas qui mourait d’envie d’être seul avec Wata comme ils l’avaient été sur l’île.
Non content de rester, Ryuu monopolisa la parole. Lukas dut répondre à ses questions qu’il était souvent de surcroît souvent obligé de lui faire répéter.
Ryuu ne faisait en effet aucun effort pour parler lentement en utilisant du vocabulaire simple, à la différence de Wata.
Quand Ryuu lui suggéra de gagner son hôtel, Lukas était trop épuisé pour se battre. Il était clair que Ryuu ne le portait pas dans son cœur et souhaitait le tenir à distance de son frère, même si Lukas ne voyait pas pour quelles raisons, hormis une éventuelle xénophobie.
— Je vais t’accompagner, dit Wataru.
— Tu ne devrais pas dessiner plutôt ? rétorqua Ryuu.
— Non.
Wataru passa le trajet en taxi jusqu’à l’hôtel à s’excuser auprès de Lukas pour l’attitude de son frère.
Lukas finit par lui assurer qu’il n’avait pas été gêné, résistant à l’impulsion de l’embrasser pour le faire taire. Il ne souhaitait pas plus se donner en spectacle au chauffeur de taxi qu’à Ryuu, mais en vérité, il avait de plus en plus de mal à se retenir de capturer les lèvres couleur pêche.
Quand ils furent enfin seuls dans sa chambre d’hôtel où Wata avait tenu à le suivre sans se soucier de ce que pourrait penser l’hôtesse d’accueil,  Lukas ne prêta aucune attention au décor, n’ayant d’eux que pour Wataru qui avait cessé de parler.
Lukas n’y tint plus, il se pencha et goûta à nouveau à la bouche de Wata, d’abord doucement, puis de plus en plus passionnément, jusqu’à l’attraper pour le presser contre lui.

vendredi 18 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 42

Derrière Wata se tenait le fameux frère en chemise et jeans qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Son jumeau. Wataru ne l’avait pas précisé.
Lukas aurait pu demander des comptes au frère de Wata pour le sale tour qu’il venait de lui faire, sauf qu’au final, cela n’avait pas d’importance.
Il enlaça Wataru, luttant contre l’envie de prolonger l’étreinte, puis serra la main du jumeau, Ryuu.
La différence de ressenti le frappa. Ryuu, pourtant physiquement identique à Wata, ne provoquait aucune réaction chez lui. Il ne put analyser plus avant, ayant besoin de toute son attention pour comprendre ce qui se disait.
— Il ne ressemble pas vraiment à la façon dont tu le dessines, lança Ryuu.
— Dans ce genre de manga, c’est rare qu’on utilise un trait réaliste, objecta Wata.
Lukas fut surpris. Wata lui avait caché dessiner un manga où il figurait, un que son frère lisait… Il est vrai que leur expérience sur l’île constituait un sujet en or.
Lukas n’avait hélas pas réussi à le convaincre de lui montrer la moindre de ses œuvres. Il n’avait pas insisté dans la mesure où il s’était rendu compte qu’apprendre à lire le japonais promettait d’être beaucoup plus long que de le maîtriser à l’oral.
— Il est plus reconnaissable dans la version pornographique de votre histoire.
Sûrement, Lukas devait avoir mal entendu, se tromper. Ou peut-être pas vu comme Wata s’était figé comme une biche entre les phares d’une voiture.
— Qu’est-ce que tu racontes ? demanda-t-il à son frère d’une voix faible.
Qu’elle que ce soit la vérité dans les propos de Ryuu, une chose était certaine : c’était une sacré fouteur de merde.
La curiosité de Lukas était piquée, mais il interrogerait plus tard Wata, entre quatre yeux, après avoir vérifié certains mots sur l’application dictionnaire qu’il avait sur son téléphone.
— Je doute que Wata me dessine autrement que séduisant.
Il n’était pas encore habitué à l’appeler par son véritable nom.
Le surnom fit grimacer Ryuu, mais Wataru sourit. Il n’était jamais contrarié que Lukas s’en serve. Si jamais Lukas employait un mot doux, cela lui plairait peut-être encore davantage. Cela mériterait d’être tenté une fois que l’encombrant jumeau aurait débarrassé le plancher.

jeudi 17 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 41

Wata lui avait proposé de venir le chercher à l’aéroport, mais Lukas avait refusé. Cela ne lui posait pas de problème de payer un taxi pour le conduire directement à bon port.
Après de longues heures d’avion, fatigué par le décalage horaire et impatient de retrouver Wata, Lukas sonna à la porte de l’appartement de ce dernier.
Le jeune homme qui n’en était pas vraiment un – il peinait à s’en remettre tellement il semblait jeune – lui ouvrit vêtu d’une chemise et d’un jeans qui différait de son look décontracté habituel. Il ne lui adressa pas un sourire, le jaugeant du regard comme s’il ne l’avait jamais vu auparavant. Cela fit froid dans le dos à Lukas.
C’était comme si son cauchemar où Wata recouvrait la mémoire au prix de celle du temps passé sur l’île s’était réalisé.
— C’est pour quoi ?
Lukas se répéta les mots dans sa tête pour être sûr d’avoir bien compris. Résultat, avant même qu’il ait eu le temps de formuler une réponse, Wataru refermait déjà la porte.
— Vous avez dû vous tromper d’adresse.
Lukas se retrouva comme un idiot sur le pallier, sa valise à ses pieds.
Ce n’était pas possible. Ce devait être une mauvaise blague. Quelles étaient les probabilités que Wataru ait des problèmes de mémoire aujourd’hui alors que la veille encore, il affirmait à Lukas qu’il était impatient qu’il vienne ? La coïncidence était par trop énorme.
La porte ne se rouvrit pas. Lukas ne tourna pas les talons pour autant. Il n’allait pas renoncer comme ça. Quand bien même il serait redevenu un étranger pour Wata, il voulait passer un moment en sa compagnie sans écran et des milliers de kilomètres entre eux.
Il lui téléphona.
Wata ne décrocha pas.
Lukas patienta et refit une nouvelle tentative qui fut couronnée de succès.
— Lukas, où es-tu ? demanda Wata d’une voix essoufflée.
Non, il ne l’avait pas oublié, ce qui rendait encore plus mystérieuse la comédie d’un peu plus tôt. A moins que la mémoire de Wata ne lui joue parfois de sales tours…
— Devant chez toi.
— Vraiment ?
— Oui.
— Pardon, j’étais sous la douche. Mon frère avait promis de t’accueillir. Je suis désolé. Il tenait à te rencontrer. Je lui avais demandé de te laisser le temps d’arriver, mais…
Wataru mit soudain fin à la communication et apparut dans l’embrasure, cheveux mouillés et pieds nus, portant un pantalon de jogging d’un bleu délavé et un t-shirt avec un énorme robot multicolore.

mercredi 16 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 40

PARTIE 3 : REUNION
Lukas était loin de maîtriser toutes les subtilités de la langue japonaise, mais il jugeait en savoir désormais assez. Toute l’énergie qu’il avait auparavant employée dans ses affaires, il l'avait utilisée à apprendre pour pouvoir parler avec Wataru.
Le séjour forcé sur l’île avait remis les choses en perspective. Il comprenait enfin ce que sa mère avait toujours essayé de lui dire. A trop privilégier sa vie professionnelle, il avait eu tendance à négliger sa personnelle, ou plutôt il avait si bien mélangée les deux qu’il ne s’était pas rendu compte qu’il n’en avait pas vraiment.
Il était allé plus souvent chez sa mère depuis son retour. Il lui avait raconté une version édulcorée de ses semaines de Robinson. Il avait bien sûr mentionné Wataru sans toutefois préciser le tour qu’avait pris leur relation. Il ne craignait pas que sa mère le juge mal. Il la savait ouverte d’esprit. S’il ne s’était pas confié à elle, c’est parce que lui-même ne savait pas exactement où il en était avec le jeune homme qui n’en était en fait pas un.
Wata comptait énormément pour lui et il lui manquait, mais en même temps les femmes éveillaient toujours son désir sans qu’il ait envie d’en séduire aucune et les hommes le laissaient indifférent, hormis Wata. Il était comme l’exception qui confirme la règle. Au fond, Lukas n’avait pas besoin de se catégoriser – hétéro ou homo –  il pouvait laisser ce soin aux autres.
Indépendamment de ces histoires d’étiquettes, il en était venu à la conclusion que seul revoir Wata en chair et en os lui permettrait de savoir où il en était. L’un comme l’autre avaient l’embarras du choix maintenant qu’ils étaient de retour dans le monde civilisé et lors de leurs échanges via webcam, Wataru n’avait pas paru vouloir plus que de son amitié.
En même temps, Lukas n’avait pas abordé la question lui-même. Il pouvait toujours prétendre que c’était par manque de vocabulaire, en vérité, c’est qu’il ne savait pas quoi dire. Il avait peine à s’expliquer à lui-même son attirance pour Wata.  Il était en revanche évident qu’il y avait une connexion entre eux, le partage d’une expérience assez unique en son genre que le retour à la normale ne pouvait effacer.

mardi 15 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 39

Quelques jours plus tard, lors de leur communication quotidienne, Lukas annonça soudain :
— Je vais venir au Japon.
Le cœur de Wataru s’emballa.
— Pour ton travail ? demanda-t-il,  malgré tout, conscient que ce n’était pas forcément pour lui.
Lukas avait réussi à  lui expliquer lors d’une précédente conversation qu’il voyageait parfois pour ses affaires.
— Non, pour te rendre visite.
Wataru ne cacha plus sa joie. Même si ce n’était qu’en tant qu’amis, ils allaient être à nouveau ensemble.
— Combien de temps penses-tu rester ?
— Cinq jours.
Suivant les dates de rendus, Wataru n’aurait peut-être pas beaucoup de temps à consacrer à Lukas.
— Tu as déjà pris tes billets d’avion ?
— Oui.
Son jumeau se trompait vraiment sur le compte de Lukas. Ses progrès en japonais étaient remarquables et plus ils parlaient ensemble, plus Lukas se révélait le même que sur l’île. Il n’était pas sans défaut, il était très directif, par exemple, mais Wataru appréciait cela chez lui.
Il se promit de travailler d’arrache-pied afin de prendre de l’avance sur ses planches et d’être disponible quand Lukas serait au Japon. Il voulait pouvoir profiter pleinement de sa présence.
— Tu as déjà été à Tokyo ?
— Non, jamais.
— Je vais pouvoir te faire découvrir la ville, alors...
C’était parfois frustrant de se souvenir de choses générales et d’avoir oublié sa vie personnelle, mais il était bien obligé de faire avec, d’aller de l’avant. Hélas, constamment, il était obligé de faire face à son moi passé que ce soit à travers son jumeau, les mangas qu’il avait dessiné, et les objets de son appartement. Qu’il ait oublié son passé ne l’effaçait pas pour autant.
Il avait retrouvé des photos de couple datées d’il y a trois ans dans un dossier sur son ordinateur. Il n’avait à priori pas eu de petit ami après cela, pas un qui ait laissé de trace en tout cas. Il s’était peut-être contenté de sa main droite et du joujou du tiroir de sa commode, à moins qu’il s’en soit tenu à des relations sans lendemain.
C’était impossible à savoir. Mais il n’y avait que deux solutions : s’énerver et pleurer face à ce qu’il avait perdu ou y voir une chance de repartir de zéro. Il préférait la seconde option et en même temps, l’infime possibilité qu’il puisse un jour être victime d’une nouvelle perte de mémoire, une qui effacerait Lukas l’horrifiait. Dessiner leur histoire sur l’île, c’était l’assurance qu’il resterait quelque chose, même si sa mémoire lui faisait défaut.

lundi 14 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 38

— A quoi joues-tu ? demanda Wata à Ryuu.
Son frère ne se donna pas la peine de répondre.
— Tu t’es amouraché du type  avec lequel tu étais sur l’île, n’est-ce pas ?
— Cela ne te regarde pas, répliqua Wata, furieux que son frère le connaisse mieux qu’il n’aurait voulu alors que lui-même était dans le noir au sujet de son jumeau.
— Peut-être, mais tu ne t’en caches guère dans ton manga qui est indiqué comme autobiographique à chaque entête de chapitre.
Il le lisait donc. Wataru n’avait pas la moindre idée où cherchait à venir Ryuu.
— Et c’est un problème ?
— Oui et non. C’est juste que cela a tout du syndrome de Stockholm.
— Il ne m’a ni kidnappé ni retenu en otage !
— C’est tout comme. Vous avez survécu ensemble. Tes sentiments ne sont pas réels.
— Ce n’est pas à toi d’en décider.
Ryuu se pinça les lèvres.
— Tu ne connais pas ce type, vous n’avez jamais vraiment pu discuter, faute de parler la même langue.
Son frère se trompait. Même en ayant pu échanger que quelques mots, il en savait beaucoup sur Lukas avec lequel il avait vécu des semaines en vase clos. Il avait remarqué la manière dont Lukas avait gardé la tête froide en toute circonstance, comment il s’était montré réconfortant, comment il l’avait toujours soigné et su le mettre à l’aise.
Il avait bien plus de mal à cerner son jumeau que Lukas et c’était peut-être là que le bat blessait. Ils avaient dû être très proches tout les deux et à présent Ryuu et lui étaient presque comme deux étrangers. Ce n’était pas sa faute s’il avait perdu la mémoire.
— Il apprend le japonais.
— Vous êtes toujours en contact ?
— Oui.
Wata se demanda s’il n’aurait pas mieux fait de garder cette information pour lui vu la moue réprobatrice de son frère.
— A tous les coups, il va se lasser et ce n’est pas avec trois phrases d’un manuel que vous allez pouvoir converser.
Wataru se retint de rétorquer qu’ils s’étaient très bien débrouillés sur l’île. Parler la même langue était certes utile, mais cela ne faisait pas tout. Les gestes comptaient tout autant, se toucher aussi…
Wata but une gorgée d’eau. Il était face à son frère dans un lieu public. Ce n’était pas le moment de penser aux caresses de Lukas.
Ryuu en rajouta une couche :
— De toute façon, cela ne peut pas fonctionner entre vous, vous vivez dans deux pays différents.
Cela faisait mal de l’entendre, même si ce n’était que trop vrai.
Wataru rentra à son appartement, le moral au plus bas.

vendredi 11 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 37

Wataru angoissait parfois sur cet avant inconnu dont il ne se souvenait pas, surtout en présence de ses parents et de son frère, Ryuu, qui connaissaient cette autre version de lui-même. Ses parents n’habitaient toutefois pas à Tokyo même, contrairement à son jumeau qui, du coup, n’hésitait pas à lui rendre visite, en plus de lui téléphoner régulièrement.
Et Ryuu n’hésitait pas à le traîner dehors pour boire un verre ou manger au restaurant.
— S’il y a bien une chose qui n’a pas changé chez toi, c’est ton habitude à rester cloîtré chez toi, déclara Ryuu.
— J’ai des dates de limite de rendu, rappela Wataru.
— Il n’y a pas que les mangas dans la vie et tu te tues à la tâche pour un revenu ridicule.
Au moins, il faisait quelque chose qui lui plaisait. Il avait cru comprendre que son jumeau ne pouvait en affirmer autant.
Ryuu reprit :
— Tu vas finir seul et misérable sur ta planche de dessins, tu devrais venir à un gōkon avec moi.
Un groupe de rencontres arrangées entre célibataires ? Wata soupira. Il n’avait donc pas fait son coming-out à sa famille ? C’était une erreur à laquelle il allait devoir remédier, surtout que son manga autobiographie ne le cachait pas...
Si sa famille réagissait mal, ce serait d’autant moins grave que de toute façon, leur relation actuelle était inconfortable.
— Je suis gay.
Son jumeau frappa dans ses mains.
— Ah, ça, tu t’en souviens !
Wataru fut interloqué par la réaction de son frère. Ce n’était pas tant une affaire de mémoire qu’une réalisation spontanée. Lukas lui avait plu au premier regard et le désir qu’il avait ressenti en le voyant en maillot de bain lui avait suffi à comprendre ce qu’il en était de ses préférences.
— Tu le savais déjà, finit-il par dire.
— Évidemment. Tu as même eu le courage de l’annoncer aux parents, il y a six ans de cela pour qu’ils arrêtent de te pousser au mariage.
En d’autres termes, son frère avait mentionné ce gōkon pour le tester. C’était désagréable au possible. Ryuu savait tout de lui, ou du moins croyait savoir et Wata, rien. Hormis leur apparence physique, il lui semblait que son jumeau et lui n’avait rien en commun.

jeudi 10 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 36

Wata se rappela comment Lukas avait glissé son pénis entre ses cuisses, allant et venant entre ses jambes resserrées. Il aurait voulu le sentir en lui. Mais ne serait-ce que pour le prendre en bouche, il avait dû insister et il n’y avait eu droit qu’une unique et mémorable fois juste avant l’arrivée du bateau qui les avait sauvés… et conduits à leur séparation.
A présent, il était plus délicat de définir ce qu’ils étaient l’un pour l’autre. Ils étaient plus que des amis, moins que des amants. Ils étaient comme revenus en arrière, avant qu’ils ne deviennent intimes.
En même temps, ce n’était pas comme s’ils pouvaient faire grand-chose à distance à part se masturber l’un devant l’autre. Ou alors Lukas aurait pu lui donner des directives, lui préciser comment se toucher. Wata aimait le côté autoritaire de Lukas. Certaines de ses intonations lui donnaient immanquablement des érections.
Hélas, leur relation n’était plus comme ça et ne le serait sans doute plus jamais. En attendant, Wata vivait pour son quart d’heure journalier avec Lukas et se consolait le reste du temps en le dessinant. Même poser les trames de ses cheveux n’était pas une corvée.
Les semaines passèrent. Wataru sans vraiment se souvenir avait par moments des impressions de déjà-vus, comme des réminiscences qu’il s’était bien gardé de mentionner à sa mère.
Il passait tout son temps chez lui à dessiner. Il était plus qu’occupé entre l’autobiographie et le boy’s love basé sur lui et Lukas – Yoshio avait su le convaincre  – et dans ce manga là « Sur une île avec toi » il pouvait se laisser aller à ses fantasmes. C’était embarrassant, mais libérateur.
Il avait eu un moment de frayeur quand Lukas avait affirmé vouloir lire ses mangas ou plutôt regarder les images, car apprendre l’écriture japonaise entre les hiraganas, les katanas et les kanjis, c’était autrement plus compliqué. Il avait cependant réussi à échapper à la curiosité de Lukas en détournant la conversation. Les dessins de ses premières œuvres étaient mauvais, la dernière dessinée avant la croisière qui avait été à priori été moitié pour le plaisir moitié travail de recherches, avait été de commande et manquait sérieusement d’âme et il était hors de question de mentionner les boy’s love qui constituait la majeure partie de sa production ! C’était gênant. Pas autant ceci dit que le pénis en silicone qu’il avait découvert caché sous ses caleçons au fond du tiroir de la commode de sa chambre. Il ne l’avait pas utilisé, même s’il se doutait l’avoir fait par le passé.

mercredi 9 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 35

Ils prirent l’habitude de passer quelques minutes ensemble chaque jour, toujours à la même heure. En raison du décalage horaire entre le Japon et la France, c’était le midi pour Lukas et le soir pour Wata.
Si leurs échanges étaient limités, Lukas n’étant qu’un débutant en japonais, ils n’étaient jamais contraints.
Lukas ne fut pas étonné d’apprendre que Wataru était dessinateur, en revanche, il resta bouche bée quand il sut que Wataru avait 28 ans. Apparemment, il l’avait pris pour un jeune homme. Ils avaient cependant quand même onze ans d’écart, Lukas ayant révélé avoir 39 ans. Lui aussi était bien conservé pour son âge...
Lors de ces rendez-vous quotidiens, Wata n’avait osé révéler à Lukas qu’il dessinait actuellement leur histoire dans un manga intitulé par Yoshio « Moi, naufragé et amnésique. » Les premiers chapitres avaient remporté un franc succès dans le magazine et il était question d’en faire une série plutôt que de s’en tenir à un unique volume comme prévu initialement.
Wataru ne savait pas encore s’il dévoilerait ou non le tour différent qu’avait pris sa relation avec Lukas dedans. Cela ne regardait qu’eux. En même temps, la taire complètement ne lui plaisait pas non plus. Il n’en avait pas honte et cela faisait partie de son histoire sur l’île.
Au bout du compte, il en discuta de vive-voix avec Yoshio qui, du moment que cela ne devenait pas explicite, ne se montra pas hostile à ce que cela soit inclus dans l’histoire.
Il suggéra même que Wataru publie une version  romancée dans un autre magazine de la maison d’édition.
Wataru apprit à cette occasion qu’il avait déjà dessiné des histoires d’amour entre homme à destination d’un public féminin sous un pseudonyme.
Wata se demanda si sa famille était au courant et ce que Lukas en penserait.
Après le départ de Yoshio, il fouilla l’appartement et lut ses propres œuvres. Elles n’étaient pas toutes érotiques, mais il se sentit embarrassé face à certains scènes et répliques. Était-ce vraiment lui qui avait dessiné et écrit tout cela, ses corps imbriqués l’un dans l’autre dans des poses extravagantes, ses déclarations enflammées, ses halètements obscènes ? Son ancien lui-même était apparemment plus à l’aise avec le sexe que lui, non qu’il se soit vraiment montré timide une fois que Lukas lui ait signifié qu’il était partant.

mardi 8 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 34

La solitude et le silence s’abattirent sur Wata. Lukas lui manquait encore plus maintenant. Il n’y avait plus qu’à espérer que Lukas ne tarderait pas à le recontacter. En attendant, Wata avait un manga à créer. Il se lança à corps perdu dedans. Scénariser ses souvenirs du séjour de l’île, c’était encore un peu être avec Lukas.

    Il était occupé au story board du premier chapitre le lendemain quand Lukas le rappela avec ce qui ressemblait à des phrases toutes prêtes en japonais – il avait dû demander de l’aide à son professeur – pour lui proposer de communiquer sur ordinateur via webcams interposées de façon à ce qu’ils puissent se voir.
Wata accepta avec enthousiasme. La mise en place fut un peu longue, et quand Lukas apparut enfin à l’écran, Wata sourit jusqu’aux oreilles.
Lukas était rasé de près et en costume, ce qui le changeait indéniablement de son look sur l’île, mais c’était toujours lui. Il avait la même beauté rugueuse et cela démangeait Wata de le toucher et aussi de le goûter. Il passa la langue sur ses lèvres, se souvenant de leurs baisers.
— Comment ça va ? demanda Lukas.
— Je vais bien, assura Wata, même si ce n’était pas tout à fait exact, sachant que s’il entrait dans les détails, Lukas risquait de ne pas comprendre.
Il songea que lui aussi souhaitait apprendre la langue de Lukas, parce qu’il n’y avait pas de raison que ce dernier soit le seul à faire des efforts. D’ailleurs, que Lukas se soit lancé dans cet apprentissage donnait envie à Wata d’espérer que Lukas voyait un avenir à leur relation, peut-être pas quelque chose de sentimental, mais au moins d’amical.
Avec les webcams, ils purent communiquer comme avant, la différence fondamentale étant qu’ils ne partageaient pas le même espace.
Wata éprouva une nostalgie soudaine et étrange pour leur île. Leur séjour n’y avait pourtant pas été idyllique, loin de là. Ils avaient manqué de tout et Wata était à peu près sûr de ne plus jamais vouloir manger de poisson de sa vie – le comble pour un japonais. Toujours est-il qu’ils avaient bénéficié d’un paysage magnifique et de la compagnie l’un de l’autre.
Lukas avait été son roc. Sans lui, Wata n’était pas certain qu’il aurait survécu. Toujours est-il que si Lukas et lui parvenaient à dialoguer pour de vrai, il se rendrait peut-être compte qu’il l’avait idéalisé, que peut-être son amour pour lui était dû en partie à son absence de souvenirs.
— Tu vas vraiment bien ? s’enquit encore Lukas.
— Oui, assura Wata plus timidement que la première fois.
Lukas fronça les sourcils.
— Non, pas vraiment, reconnut enfin Wata.
Lukas mit les bras devant lui en arc de cercle. Il mimait une étreinte.
Il était décidément impossible pour Wataru de ne pas être convaincu que Lukas était exceptionnel.

lundi 7 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 33

— Je viens aux nouvelles, déclara Yoshio d’un ton jovial dans le combiné.
Sa façon d’aller droit au but était déconcertante, mais était toujours préférable aux coups de fils fréquents de sa famille pour s’enquérir de sa santé. Sa mère ne manquait jamais de demander si ses souvenirs lui étaient revenus. Wata ne lui suffisait pas, elle voulait Wataru, cette partie inaccessible de lui-même. Yoshio, lui, se moquait de son amnésie du moment qu’elle ne l’empêchait pas de dessiner. Enfin, ce n’était pas tout à fait vrai, il considérait que sa perte de mémoire constituerait une excellente manière d’accrocher le lecteur.
— Je suis prêt à dessiner mon aventure, annonça directement Wata sans perdre de temps lui non plus.
Il n’en pouvait plus de tourner en rond dans son appartement trop silencieux aux murs trop blancs et au plafond trop bas. Il étouffait dedans, incapable d’oublier l’île et Lukas
— Très bien, très bien.
Yoshio se mit à exposer la manière dont allait se dérouler les choses, comme si Wataru était un mangaka débutant, ce qui était vrai en un sens et faux dans un autre, car ce que son responsable éditorial évoquait lui était bizarrement familier.
Commencer à dessiner l’île et Lukas le poussa à contacter ce dernier. Même si cela n’aboutissait à rien, à défaut de le voir, il avait besoin d’entendre sa voix. Son absence à ses côtés était d’autant plus douloureuse qu’il était le seul à connaître Wata tel qu’il était actuellement, et pas cet autre de lui-même qui s’était noyée quelque part dans l’océan.
— Lukas…
Il n’eut pas besoin d’en dire plus. Lukas le reconnut de suite.
— Wata !
Il y eut un blanc. Et puis, Lukas le surprit en parlant en japonais. Il prenait des cours. Il voulait savoir où Wata habitait, son téléphone et son mail.
Wataru lui transmit toutes ses informations, le cœur battant.
La conversation s’arrêta à nouveau. Lukas débutait dans son apprentissage du japonais et cette fois, ils ne pouvaient utiliser les gestes pour communiquer. Lukas repassa dans sa langue. Wata comprit que c’était des questions à l’intonation interrogative sans avoir aucune idée de ce qu’il lui demandait, mais plutôt que de rester silencieux, il confia ses difficultés avec sa famille et le sentiment de ne pas être à sa place dans son propre appartement.
Quand il se tut, Lukas prit la relève. Ses mots, même dépourvus de sens, étaient comme des caresses, berçantes et familières comme le flux et le reflux des vagues sur l’île.
Wata aurait voulu ne jamais raccrocher.
Lukas fut le plus raisonnable des deux. Il confirma les coordonnées que lui avait données Wata et mit fin à leur discussion ou plutôt à leurs deux monologues juxtaposés.

vendredi 4 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 32

A présent, Wata, non, Wataru à en croire ses papiers d’identités, était de retour chez lui à Tokyo dans un petit appartement qui était aussi son lieu de travail. Il était en effet mangaka, ce qui expliquait sans doute pourquoi cela l’avait autant démangé de dessiner même en l’absence de papier et de crayon.
Il était perturbant pour lui d’être au milieu de toutes ses affaires qui étaient supposément à lui et dont il ne se souvenait pas.
Le pire avait été ses retrouvailles avec sa famille, une bande d’inconnus, y compris son frère jumeau qui pourrait lui servir de miroir une fois qu’il aurait récupéré les kilos qu’il avait perdu sur l’île.
Wataru ne savait pas comment être le fils et le frère de ses gens. Le malaise semblait réciproque. Ses parents et son frère l’avaient traîné à l’hôpital pour un nouveau diagnostic sur son amnésie malgré ses protestations et avaient écouté religieusement le médecin.
Wata aurait préféré s’en passer. Il avait guéri sans soins sur l’île et il avait beau n’avoir pas vraiment saisi tous les détails des résultats du premier avis médical qu’il avait reçu, il avait bien compris qu’il n’y hélas avait rien à faire. Ses souvenirs reviendraient éventuellement.
Wata avait posé sur son bureau le papier avec les coordonnées de Lukas. Il pensait tout le temps à lui, mais il n’avait pas encore osé le contacter. Leur relation semblait sans avenir. Ils vivaient dans deux pays différents et ne parlaient pas la même langue. Sans compter qu’à priori Lukas n’était pas gay à la base, comme lui. Il n’avait pas besoin de s’en souvenir pour le savoir. Indépendamment de son attirance envers Lukas, il avait pu constater que toutes les femmes croisées depuis son retour à la vie civilisée l’indifféraient alors qu’il remarquait les hommes, même s’il n’y en actuellement qu’un qui l’intéressait – Lukas.
Le téléphona sonna, interrompant le fils des pensées de Wata.
C’était Yoshio, son responsable éditorial. Il ne se rappelait pas de lui non plus, mais il n’avait pas tardé à apprendre que c’était un homme persistant. Yoshio voulait qu’il dessine un manga autobiographique sur ce qu’il avait vécu sur l’île. Il était sûr que cette aventure plus vraie que nature plairait aux lecteurs.
Wataru avait demandé à y réfléchir avant de donner sa réponse. Ce qui lui était arrivé était personnel, mais en même temps, il n’arrêtait pas de croquer Lukas.

jeudi 3 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 31

PARTIE 2 : WATA
Il s’était réveillé le crâne douloureux dans les bras solides d’une séduisant étranger et en avait été surpris.
L’homme s’était présenté – Lukas. Il avait voulu en faire de même et c’est là qu’il avait vraiment paniqué. Impossible de se souvenir de son propre nom ou même de sa vie d’avant cette plage ensoleillée. C’était comme regarder dans un kaléidoscope : ses souvenirs étaient des éclats colorés qui ne faisaient sens.
Lukas avait tenté de le réconforter de sa belle voix grave, mais de toute évidence, il ne parlait pas sa langue et n’avait donc pas été en mesure de  lui expliquer ce qui s’était passé et pourquoi il ne se souvenait de rien.
Il avait déduit de lui-même qu’il y avait eu un accident, un dans lequel il s’était cogné la tête et avait échoué sur cette plage.
Il avait éliminé d’office la possibilité que Lukas l’ait assommé et enlevé, car elle ne tenait pas la route. La vue des gilets de sauvetage sur la plage lui avait permis de confirmer qu’ils étaient en effet des naufragés.
Il s’était accroché à Lukas comme à une bouée de sauvetage. Ce dernier avait l’air de savoir ce qu’il faisait et c’était réconfortant. Il avait suffi de suivre le mouvement, de le seconder dans ses efforts pour survivre, trouver à boire et à manger, se construire un abri, faire du feu, pêcher, ramasser bâtons et pierres pour les transformer en outils… Lutter contre son attirance pour l’homme qui lui avait donné un nom – Wata.
Au début, cela avait été facile, même s’il n’avait pu s’empêcher de le dévorer des yeux la première fois que Lukas avait retiré ses habits pour ne garder qu’un minuscule slip de bain. A mesure que les jours passaient, cela s’était avéré intenable parce que cela n’avait plus été seulement de l’attirance physique. Lukas n’était pas juste un grand et bel étranger, mais un homme sur lequel on pouvait compter et s’appuyer avec lequel il était aisé de rire. Lukas n’avait hélas pas paru intéressé par Wata, pas comme ça, pas vraiment. Lukas l’avait regardé parfois comme s’il le trouvait lui aussi à son goût, chaque fois de façon si fugitive que Wata en avait conclu qu’il prenait ses désirs pour des réalités. Et puis son corps l’avait trahi dans son sommeil et même après que Lukas ait manifesté que ce n’était pas grave en l’embrassant sur les deux joues, Wata avait culpabilisé de s’être frotté contre lui. Finalement, il avait rêvé que Lukas lui faisait l’amour et joui dans son sommeil pour se réveiller mouillé de sperme, comme un adolescent alors que cela faisait longtemps qu’il n’en était plus un. Il s’était senti d’autant plus humilié que Lukas avait assisté à cela. Lukas l’avait toutefois gratifié d’un baiser brûlant et de simples compagnons, ils étaient devenus amants sans que Wata ait n’ose présumer son amour réciproque. Enfin, ils avaient été secourus et cela avait été horrible. Pas sur le moment, bien sûr, mais après quand il avait compris que Lukas et lui allaient être séparés – Lukas, l’homme dont il était tombé amoureux et qui avait été tout son univers pendant ces jours sur l’île.

mercredi 2 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 30

Le trajet du retour se déroula dans le brouillard.  Il y avait trop de gens, trop de bruits et d’odeurs. Après le calme de l’île, c’était trop. Il réussit à somnoler, la fatigue aidant, se réveilla, rêva qu’il était encore avec Wata sur la plage et rouvrit les yeux sur un monde trop bruyant et coloré. Il se répéta qu’il ne tarderait pas à se réhabituer.
Deux semaines plus tard, il ne l’était pas. Son expérience de vie sauvage l’avait changé. Son visage n’était plus émacié, mangé par une barbe non désirée et bruni par le soleil, et il avait repris du poids, mais si le reflet que lui renvoyait le miroir était proche de celui d’avant l’île, Lukas n’était plus le même pour autant.
C’était formidable de dormir à nouveau dans un lit, excepté qu’il était désormais trop mou et surtout très vide. Sa routine sportive avait un côté vain comparé à la manière dont il avait été contraint de s’activer pour survivre. Il avait dû s’acheter un nouveau gel de douche, incapable de désormais supporter le parfum coco de l’ancien.
Il avait bien sûr été facile de retrouver certains conforts tel se doucher, se raser et manger des plats variés, seulement il n’arrivait plus à les considérer comme des choses acquises – c’était des luxes.
Il avait apprécié de se replonger dans ses affaires, mais ce n’était plus pareil.
Par ailleurs, il avait eu l’opportunité de se remettre avec une de ses anciennes conquêtes, mais n’avait fait plus que dîner avec elle – il n’avait pas eu envie de goûter à nouveau à ses charmes. Il n’arrivait pas à oublier Wata qui lui manquait avec une intensité qui le surprenait lui-même. L’île l’avait marqué, mais Wata aussi avait laissé son empreinte. Lukas attendait qu’il le contacte, craignant chaque jour davantage qu’il ne le fasse pas. Il se rappelait ce film où le héros amnésique tombait amoureux et se mariait avant d’avoir un accident et de perdre à nouveau la mémoire pour retrouver celle de sa vie d’avant. Il avait peur que le Wata de l’île ait disparu, ce qui ne l’avait retenu de commencer à prendre des cours de japonais. Si jamais Wata lui téléphonait, lui envoyait un mail voire lui écrivait une lettre – il n’osait espérer une visite – il voulait pouvoir être à même de mieux communiquer avec lui. S’il rêvait de prendre un billet pour le Japon pour le retrouver, il avait toutefois assez de bon sens pour se rendre compte que sans adresse et sans maîtrise de la langue, c’était vain. Et puis, il y avait ses affaires qu’il avait négligées durant son séjour. Enfin, il lui fallait penser à sa mère. Il lui avait promis de rester quelque temps sans voyager.

mardi 1 octobre 2019

Bleu Ciel Océan - 29

Comme il était impensable qu’ils ne se revoient jamais après cela, Lukas demanda un stylo et un papier à un policier et écrivit toutes ses coordonnées à Wata, adresse, téléphone fixe et portable, son nom complet et même celui de son entreprise.
Le jeune homme venait de l’empocher quand un interprète parlant japonais débarqua et se mit à parler à Wata qui desserra son emprise sur le bras de Lukas, preuve qu’il se détendait.
Cela devait être un soulagement pour lui d’avoir enfin un interlocuteur qu’il comprenait et avec lequel il pouvait discuter véritablement. Lukas éprouva une bouffée de jalousie qu’il étouffa aussitôt. Wata pouvait enfin être rassuré, le reste n’avait pas d’importance.
Du temps s’écoula. C’était étrange d’être entre quatre murs blancs après avoir passé tant de jours environnés de bleu avec pour seule limite l’horizon.
Un policier vint chercher Lukas. Les formalités administratives étaient réglées et il y avait un vol qui lui permettrait d’attraper ensuite un avion pour la France.
Wata se leva en même temps que Lukas. L’interprète s’emmêla sans réussir à apaiser Wata dont la détresse était évidente.
Lukas n’avait aucune envie de le laisser comme ça et en même temps, il souhaitait rentrer chez lui, rassurer sa mère et savoir ce qu’était devenu ses affaires pendant ses « vacances prolongées. » Il toucha la poche de Wata pour lui rappeler qu’il lui avait donné de quoi le contacter.
Sans se soucier des regards, il le serra étroitement dans ses bras.
 — Nous nous reverrons, déclara-t-il, plus pour lui-même que pour Wata.
C’était le jeune homme qui avait ses coordonnées, et pas l’inverse, et peut-être que Wata, une fois de retour dans son monde, ne souhaiterait pas lui écrire ou lui téléphoner, surtout si la mémoire lui revenait… Et même s’il le faisait, la barrière de la langue persisterait, à moins que Lukas ne prenne des cours de japonais.
Le policier rappela à Lukas que l’heure tournait. Lukas s’arracha à Wata dont les yeux noirs étaient tristes et éteints.
Lukas partit en cherchant à se persuader qu’il n’y avait d’autre solution, que de toute façon, maintenant que le cours de leur vie avait repris, ils n’avaient plus vraiment besoin l’un de l’autre. Lukas n’était pas gay. Ce qu’il ressentait pour le jeune japonais n’était que le résultat de leur isolement sur l’île.