vendredi 31 janvier 2014

Le garçon fée - 147

Antenhyo se présenta avec fierté, de toute la hauteur de ses dix-sept ans. Brandissant sa baguette magique, un long bâton d'ébène brillant, il ensorcela son balai qui se mit à luire et l'envoya d'un geste plein de panache vers les cieux. Des éclairs s'échappèrent du manche et les nuages virèrent au noir tandis que le ciel bleu se teintait en un inquiétant violet. Le temps printanier tournait à l'orage et bientôt une pluie fine tomba, sans mouiller aucun des spectateurs. Antenhyo avait dû créer au-dessus de leurs têtes un espèce de parapluie géant invisible.
Le sorcier mal peigné rappela à lui son balai d'un mouvement de baguette et à peine eut-il regagné sa main que le beau temps revint, comme s'il n'avait jamais cessé.
Son numéro, moins spectaculaire que certains, démontrait une impressionnante maîtrise magique. Qu'il ait joué avec la météo prouvait qu'il avait réussi à interféré avec le sortilège de ses professeurs qui depuis le début du séjour des fées avait transformé l'hiver en printemps.
Après le passage d'Antenhyo, les autres élèves de Daroilak firent pâle figure, si bien que Zibulinion se dit que peut-être le sorcier mal peigné avait de bonnes raisons d'avoir une haute idée de lui-même.


Enfin, l'heure du dîner arriva. Le contenu des assiettes étaient toujours aussi terribles à contempler mais bons à manger.
Zibulinion terminait tout juste, quand il repéra Antenhyo qui s'approchait, signant la fin de la tranquillité dont il avait bénéficié toute la journée.
Quitter précipitamment la table et se réfugier dans le dortoir attribué aux fées, était tentant, mais éviter Antenhyo durant tout le reste du séjour à Daroilak ne semblait pas une option viable et dans ce cas, autant l'affronter de suite. Zibulinion se leva et alla résolument à sa rencontre, sans se soucier des commentaires des autres fées et de la mine renfrognée de Waltharan.
Antenhyo parut surpris. Sans doute s'était-il attendu à ce qu'« elle » se défile après sa fuite de la veille.
Zibulinion, tendu et nerveux, le salua. Le sorcier tout ébouriffé fit de même, puis, s'exclama :
– Encore toi !
Zibulinion se retourna pour constater que Waltharan lui avait emboîté le pas.
– Tu te prends pour son ombre ou quoi ?! s'écria Antenhyo.
– C'est cela, oui, grommela Waltharan.
Si l'association de deux fées et d'un sorcier attirait déjà fortement l'attention, une querelle revenait à décrocher la timbale et une bonne partie des regards du réfectoire convergeaient vers eux.
– Allons discuter de tout cela ailleurs,  supplia Zibulinion.

jeudi 30 janvier 2014

Le garçon fée - 146

– C'est toi qui a disparu avec un sorcier à la fin du dîner, attaqua Lalloréa en se collant plus étroitement à Neyenje dans une attitude possessive.
– Waltharan la disputait, expliqua Neyenje.
– Elle devait le mériter, répliqua Lalloréa, implacable.
– Ne fais pas ta mauvaise tête juste parce que je suis intervenu pour l'aider...
Comme Lalloréa semblait prête à batailler, Zibulinion, las des conflits, intervint :
– Ce n'était rien du tout. Tout va bien. Je vais aller dormir.
– Bonne nuit ! répondit promptement Lalloréa, recouvrant la voix de Neyenje qui s'enquérait de l'objet de la dispute avec Waltharan.
Zibulinion se dépêcha d'entrer dans le dortoir. Des fées se changeaient, troquant leurs uniformes contre les longues chemises de nuits réglementaires de Valeiage.  Zibulinion espéra que son illusion nue serait à la hauteur de toutes ses authentiques courbes féminines et gagna la salle d'eau attenante qui était d'un vert crapaud peu flatteur avec des robinets surmontés d'affreuses bestioles.
Son déshabillage nécessitait une division de son illusion avec un report sur ses vrais vêtements. Il murmura le sort le plus discrètement possible, regrettant de ne pas savoir comment procéder mentalement.
Garder son illusion sous la douche était très bizarre et Zibulinion lava son corps les yeux à moitiés fermés, puis quitta la salle d'eau et il se glissa dans son lit aux draps gris avec soulagement. Il avait survécu difficilement à la première journée à Daroilak. Six encore restaient, de quoi regretter de ne pas avoir fait des pieds et des mains pour ne pas quitter Valeaige et sa chambre sous les toits à côté de celle de Relhnad.

Un concert de grenouilles réveilla Zibulinion. Il émergea difficilement. Son illusion de fée blonde adolescente ne s'était pas défaite durant la nuit, mais il se sentait déjà fatigué de la porter comme une seconde peau.
Angoissé à l'idée qu'Antenhyo ou Waltharan ou Neyenje ne l'aborde, Zibulinion descendit petit déjeuner, une boule au ventre. Du pain noirâtre et de la confiture jaunâtre les attendait. Zibulinion, malgré le bon goût en dépit de l'aspect, eut du mal à manger. Waltharan le fixait d'un air sombre et Lalloréa lui lançaient des regards noirs par-dessus la table. Dame Nature soit louée, Antenhyo ne se montra pas et Neyenje ne vint pas l'interroger sur ce qui s'était passé avec le fée des plantes.
Le petit déjeuner terminé, il fallut gagner la cour intérieure où une grande estrade de bois avait été montée.
Le temps était doux et ensoleillé, comme la veille, ce qui n'avait rien de naturel pour un mois de novembre. On se serait cru au printemps, signe que de la magie devait être à l'œuvre.
Les fées furent invitées à se mettre devant, au premier rang afin de ne rien rater de la démonstration des talents magiques des élèves de Daroilak.
Une première sorcière grimpa sur l'estrade, donna son nom et son âge, et matérialisa toute une scène macabre avec des squelettes et des têtes tranchées. Une seconde suivit avec un numéro tout aussi sinistre.
Sorciers et sorcières défilèrent avec des tours répugnants et des potions pestilentielles d'où s'échappaient d'inquiétantes fumées. Parfois ils appelaient un de leurs camarades qu'ils métamorphosaient en de monstrueuses créatures.
Zibulinion, même impressionné par certains sortilèges, ne tarda pas à trouver le temps long. Ils étaient debout, serrés les uns contre les autres et il n'avait rien à faire, si bien qu'il ne cessait de se tourmenter sur la suite de son séjour à Daroilak.
La pause de midi se déroula sans incident, et le spectacle reprit, les élèves de Daroilak continuant à donner un aperçu de leurs pouvoirs.
En fin d'après-midi, Antenhyo, après avoir fait un looping avec son balai, atterrit sur l'estrade. Zibulinion déglutit, espérant que si le sorcier mal peigné faisait appel à quelqu'un pour sa démonstration, ce ne serait pas lui.

mercredi 29 janvier 2014

Le garçon fée - 145

– Je... commença Antenhyo.
La porte de la salle de repos s'ouvrit bruyamment, l'interrompant. C'était Waltharan. Son intervention, cette fois, était plus que bienvenue. Zibulinion fonça vers lui, marmonnant de vagues excuses sans queue ni tête au sorcier mal peigné.
Antenhyo protesta, mais Zibulinion ne l'écouta pas. Il se dépêcha de sortir, Waltharan sur ses talons.
Dans le couloir, Zibulinion se mit à courir, puis à voler comme le fée des plantes le lui suggérait et ils eurent tôt fait de mettre une bonne distance entre eux et Antenhyo.
Essoufflé et égaré, Zibulinion se  posa au bas d'un escalier de pierre usé par les ans.
Waltharan le disputa aussitôt d'une voix hachée :
– Qu'est-ce que tu trafiquais seul avec lui, hein ? Si tu es découvert, tu imagines le scandale ?
– Je... sais... Merci... d'être... venu... me chercher... répondit Zibulinion d'une voix hachée.
– Je ne l'ai pas fait pour toi, mais pour la réputation de Valeiage.
– Tu m'as... enfin l'as sauvée alors, parce qu'Antenhyo était justement en train de me cuisiner sur mon apparence.
– Comment en est-il venu à te soupçonner ? Non, laisse-moi deviner, tu as voulu le séduire...
Zibulinion éprouva une intense frustration face à la réaction de Waltharan.  Antenhyo ne l'intéressait que pour sa sorcellerie, et même s'il est vrai qu'il avait été vexé par le commentaire de ce dernier sur ses ailes illusoires qu'il avait mis tant de soin à créer, plaire au sorcier mal peigné était le dernier de ses soucis. Il était cependant inutile de le préciser à Waltharan parce qu'il ne le croirait pas et trouverait de toute façon horrible que la magie des sorciers l'attire.
– Sais-tu où on l'on se trouve ? demanda Zibulinion, sans réagir aux propos du fée des plantes.
– Non, pas la moindre idée ! Et c'est de ta faute !
Pendant que Waltharan continuait à lui reprocher son imprudence et sa bêtise, Zibulinion se mit à réfléchir à une solution pour qu'ils retrouvent leur chemin dans la dédale de couloirs de Daroilak.
Il repéra alors deux grosses araignées qui se prélassaient dans leurs toiles.
– Très bien, j'ai tous les torts, maintenant tais-toi que je puisse interroger les deux demoiselles à pattes.
Waltharan se renfrogna, mais obtempéra. Zibulinion s'adressa aux deux araignées avec quelques difficultés. Ce n'était pas un animal très apprécié par les fées, sans doute n'étaient-elles pas assez mignonnes pour cela, et ce n'était pas en cours qu'il avait appris à communiquer avec elles, mais dans un bouquin exhaustif sur la communication avec les animaux trouvé à la bibliothèque.
Après de nombreux mouvements de doigts pour Zibulinion et de pattes pour ses interlocutrices, ils purent se situer par rapport aux dortoirs assignées aux fées.
C'est dans un silence pesant qu'ils y marchèrent.
Cependant, une fois arrivés, Waltharan disputa à nouveau Zibulinion : comment allait-il se débrouiller pour garder le secret jusqu'à la fin de leur séjour à Daroilak ?
Comme Zibulinion tentait de se dérober entrant dans la pièce destinée aux filles, Waltharan lui captura les poignets pour le retenir.
– Comment tu vas faire, hein ?! répéta-t-il.
– Je ne sais pas... Lâche-moi !
Neyenje sortit à ce moment-là du dortoir des garçons fées.
– Hé ! Qu'est-ce qui se passe ? Waltharan ! Ce n'est pas une façon de traiter les filles !
Le fée des plantes libéra Zibulinion avec brusquerie.
– Tu n'as qu'à la consoler ! jeta-t-il, les dents serrées, et s'engouffrant dans la pièce que Neyenje venait de quitter, il en claqua violemment la porte.
– Ça va ?
Zibulinion hocha lentement la tête, même si c'était faux et que la situation était chaotique au possible.
– Je peux te soigner s'il t'a fait mal, offrit Neyenje. Montre-moi tes poignets...
Zibulinion refusa dans un murmure. Cela lui faisait bizarre que Neyenje s'adresse à lui avec autant de douceur après toutes ses semaines à l'ignorer. La dernière fois, dans le rêve, il avait si coupant... Mais là, il lui parlait à « elle »,  cette illusion qu'il ne devait pas se souvenir avoir embrassé devant le dortoir à Valeiage...
Lalloréa apparut à son tour. Neyenje et elle avaient dû se donner rendez-vous. La fée dorée s'empressa de venir se pendre au bras de Neyenje.

mardi 28 janvier 2014

Le garçon fée - 144

Antenhyo l'emmena dans une des fameuses salles de repos de Daroilak. Aux fenêtres pendaient de lourdes tentures rouges tandis qu'au sol, était étalé un tapis d'une teinte similaire orné d'un motif noir en spiral. En guise d'ameublement, il y avait un buffet ancien, une table et des chaises ébènes aux pieds torsadés et des canapés de cuir bruns. Le tout était chaleureux et confortable, fort différent des couloirs sombres et sales.
Zibulinion commenta ce fait à haute-voix et Antenhyo avoua que c'était exprès et que la poussière, les toiles et leurs habitantes avaient été mises exprès en « l'honneur » de la visite des fées. Le sorcier mal peigné ajouta qu'ils n'étaient pas supposés amener de fées dans les salles de repos.
– Pas plus que nous ne sommes censés correspondre, répondit Zibulinion pour signifier qu'il se garderait bien d'informer les autres fées du fait que l'école Daroilak était enlaidie pour elles.
– J'ai été ravi quand tu m'as écrit que tu venais, même si je m'en doutais puisque tu es puissante pour une fée. Ce que je ne comprends pas, c'est comment ça s'est fait que tu n'aies pas été sélectionnée les années précédentes.
– Je ne suis pas à Valeiage depuis longtemps.
– Voilà qui explique tout... En tout les cas, ta venue va me permettre d'éclaircir un point qui me travaille au sujet des fées.
– Vraiment ? Moi aussi, j'ai quelques questions au sujet de la sorcellerie... glissa Zibulinion.
– Moi d'abord, si tu permets... Quelle est ta véritable apparence ?
Zibulinion se figea. Antenhyo n'ayant jamais mentionné quoique ce soit dans ses lettres à ce propos, Zibulinion avait cru que le corbeau du sorcier n'avait rien dit... Il s'était trompé lourdement.
– Qu'est-ce que tu racontes ? Tu vois bien ! s'exclama-t-il, dissimulant avec peine sa nervosité.
– Mon corbeau m'a rapporté que tu n'étais pas toujours comme ça.
Oiseau de malheur !
– Oh... ça... Je m'entraîne aux sorts d'illusion.
– Pour ressembler à un gros garçon aux yeux de chouette ? Étrange, non ?
Zibulinion résistant à l'envie de s'enfuir à tire d'ailes, émit un rire étranglé avant de répliquer :
– Ce n'est pas facile de créer une illusion... Je peux te la montrer, si tu veux.
– Cela ne prouverait rien. Tu pourrais très bien défaire ton illusion pour la réactiver ensuite.
Zibulinion maudit en silence l'intelligence d'Antenhyo qui avait déjoué de suite sa pathétique tentative de faire passer sa véritable apparence pour une illusion.
– La seule preuve valable serait que tu me laisses te toucher.
Zibulinion, d'instinct fut tenté de protéger son entrejambe, mais se rappelant qu'il était supposé être une fille, arrêta son geste pour croiser les bras sur son torse, sur son illusoire poitrine.
– Et puis quoi encore ?!
– Ce n'est pas pour te peloter, tes ailes de papillon sont des tue-l'amour. C'est dans un intérêt purement magique...
– Tu n'as qu'à te servir d'un sort pour vérifier, lança Zibulinion en désespoir de cause.

lundi 27 janvier 2014

Le garçon fée - 143

– Que crois-tu faire ? siffla le fée des plantes entre ses dents.
– Rejoindre les filles. Ce n'est pas comme si j'allais me rincer l'œil, répondit Zibulinion le plus bas possible en vérifiant que personne ne se souciait d'eux.
Dame Nature soit louée, les autres étaient occupés à découvrir l'endroit où ils allaient dormir tandis que la fée accompagnatrice et la sorcière rousse discutaient entre elles.
– Mais quand même ! Tu ne devrais même pas être ici, pas comme ça. Que feras-tu la nuit, hein ?
– Je dormirai, comme tout le monde, rétorqua Zibulinion avec plus d'assurance qu'il n'en ressentait, car maintenir l'illusion en permanence le tracassait.
Sans compter qu'enlever son uniforme et révéler sa poitrine illusoire s'annonçait pour le moins spécial... et pas emballant du tout.
Waltharan le relâcha, l'air exaspéré et Zibulinion pénétra dans la pièce réservée aux filles.
Ces dernières soupiraient devant la pauvreté du décor. Il n'y avait là que des pierres nues, des planches grossières et des lits sommaires avec des draps, oreillers et couettes tous d'une même couleur grisâtre déprimante. Toutefois, tout était propre et dépourvu de toiles d'araignées.
Zibulinion, tout en les écoutant se plaindre, se choisit un lit près de la porte.
Ayant tout critiqué, les fées adolescentes matérialisèrent leurs baguettes et arrangèrent magiquement la pièce. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel vinrent parer les literies, les murs se mirent à scintiller et une pluie de fleurs égaya l'ensemble.
Zibulinion, lui, ne changea rien. Utiliser la magie n'avait rien d'un automatisme pour lui.
Une fée l'interpella :
– Hé ! Tu ne vas pas dormir dans des draps pareils sans même agiter ta baguette ?
Zibulinion qui ne souhaitait pas attirer l'attention sur lui hésita à teinter magiquement ces derniers, mais l'idée qu'il avait intérêt à ne pas dilapider son énergie magique mis à contribution perpétuelle pour préserver son illusion, le retint.
– Ils ne me dérangent pas tels qu'ils sont.
La fée qui s'était adressée à lui fut indignée et une autre lança que certaines personnes avaient mauvais goût. Pas affecté le moins du monde, Zibulinion fit comme s'il n'avait rien entendu. Il avait eu le droit à bien pire les mois passés...
La sorcière rousse débarqua, et après un sourire moqueur devant les transformations effectuées dans la pièce, demanda si elles étaient prêtes pour la suite du programme.
Les fées la suivirent dans de nouveaux couloirs et escaliers pleins d'araignées et débouchèrent dans un réfectoire où les élèves de Daroilak étaient déjà attablés. Zibulinion chercha Antenhyo des yeux, mais sans succès. Il y avait un paquet de sorciers mal peignés, mais pas d'Antenhyo en vue.
Le décor du réfectoire était également d'une grande sobriété. Seule une tapisserie représentant une vieille sorcière sur un balai égayait les pierres grises du mur et le sol était en terre battue. 
La sorcière rousse fit asseoir les fées sur une table de bois recouverte d'une nappe violette foncée et des assiettes d'argile contenant un magma brunâtre peu appétissant leur furent servies. Zibulinion se força à en porter une cuillère à sa bouche et découvrit qu'au lieu d'être infect comme il s'y attendait vu l'aspect, c'était délicieux. Le dessert verdâtre semblable à un serpent visqueux enroulé se révéla aussi une pure merveille.
Après quoi, ils furent conduits dans la cour intérieure de l'école. Une trentaine d'élèves de Daroilak se positionnèrent au garde-à-vous sur une longue bande rouge, le manche de leur balai planté dans le sol.
Un croassement marqua le signal du départ et les sorcières enfourchèrent leur balai à une vitesse démentielle, filèrent droit vers le bâtiment opposé avant de monter en flèche vers le ciel où un amas de nuages rougeâtres indiquait la lignée d'arrivée. Une des sorcières du peloton de tête se dégagea de ses adversaires et l'emporta.
La première course terminée, une seconde commença et ainsi de suite.
Le spectacle des courses incessantes devenant de plus en plus lassant à mesure que les heures passaient, Zibulinion fut soulagé quand à l'heure du dîner, il s'arrêta enfin. L'inactivité lui pesait, car n'ayant rien à faire, son esprit dérivait. Il s'inquiétait de tout ce qu'il risquait s'il était découvert. Il songeait aussi à Relhnad, loin de lui, à Valeiage.

A la fin d'un excellent dîner en dépit de l'apparence grotesque des plats, Antenhyo vint le trouver à la table des fées, provoquant remue-ménage et bavardages.
Zibulinion suggéra aussitôt qu'ils aillent ailleurs. A quelques chaises de lui, Waltharan le foudroya du regard, mais ne s'interposa pas.

vendredi 24 janvier 2014

Le garçon fée - 142

Soudain, tomba du ciel une grenouille gigantesque aussi large que leur groupe de fées et les dépassant de trois bonnes têtes. Elle poussa un énorme croassement de bienvenue.
Zibulinion répéta le mot à mi-voix, ne pouvant en croire ses oreilles. Mais non, c'était exactement ce que la grenouille venait de dire.
– L'année dernier  le bienvenue dessiné en lettres grises dans le ciel au balai, était tout de même plus élégant, commenta Neyenje à l'intention de Laloréa.
Zibulinion s'était placé près d'eux parce qu'il était logique qu'en tant que 12ème année (même si en fait il n'était qu'en 10ème) il soit avec ceux de son année et c'était les seuls fées de 12ème qu'il connaissait. En fait, la plupart des sélectionnés lui étaient étrangers, hormis Neyenje, Laloréa et Waltharan bien sûr, mais ce dernier le fusillait du regard, ce qui le poussait à garder ses distances.
Les élèves de Daroilak pointèrent leurs baguettes vers l'imposant batracien et celui-ci se changea en une sorcière en robe noire assez âgée aux courts cheveux bruns entremêlés de gris. Elle avait une peau jaunâtre fripée comme une vieille pomme, de grands yeux cendrées soulignés par un maquillage violet et une bouche aux lèvres peintes d'un rouge vif. Zibulinion devina que le coup des baguettes n'avait été là que pour la mise en scène et que la sorcière qui se tenait devant eux, bien qu'elle ne payât pas de mine, devait être la directrice de Daroilak.
Sans fioriture avec une précision méthodique, cette dernière lista le programme de la semaine. Les fées s'installeraient aujourd'hui dans leur quartier et assisteraient à des courses de balai entre élèves de Daroilak ainsi qu'à un échantillon des talents des meilleurs d'entre eux. Cette représentation se poursuivrait le lendemain, puis ce serait ensuite au tour des fées de montrer ce dont elles étaient capables.
Enfin, jusqu'à la fin de la semaine auraient lieu des épreuves sportives - natation, escrime à la baguette, acrobaties sur balai, concours de potions, duels de métamorphoses - auxquelles les fées pourraient prendre part ou bien rester au rang de spectatrices, le choix leur appartenait.
Zibulinion ne put s'empêcher de remarquer que certaines épreuves éliminaient les fées d'office : une fée sur un balai, c'eût été du jamais vu ! Il se demanda en son for intérieur qui serait le plus choqué entre les fées et les sorcières si jamais cela arrivait.
La grenouille métamorphosée en sorcière passa ensuite la main à une autre, une grande perche rousse, qui les introduisit dans l'une des sinistres tours de Daroilak.
A l'intérieur, c'était gris et poussiéreux. De grosses araignées noires couraient sur les murs lézardés. Même sans être phobique, ce n'était pas très agréable. Devant lui, Zibulinion vit Laloréa enrouler son bras autour de celui de Neyenje et se coller à lui.
Enfin, la sorcière rousse s'arrêta et leur indiqua deux portes sinistres dotées de poignée en forme de tête de mort. L'une des pièces était pour les filles, l'autre pour les quelques garçons du groupe.
Zibulinion, même s'il ne se sentait pas trop à l'aise, avança en direction de celle des filles et fut brusquement retenu à l'épaule par Waltharan.

jeudi 23 janvier 2014

Le garçon fée - 141

Indépendamment du problème que posait la présence de Waltharan et sa réaction en apprenant la sélection de « Noinilubiza », partir à Daroilak signifiait rater le cours de sorts et ses précieuses heures à écouter Relhnad. Zibulinion réfléchit à un moyen de ne pas participer et n'en trouva aucun à part tomber très malade. Il n'avait aucune envie de s'infliger un sort punitif et il se résigna d'autant plus aisément à faire parti des élevés sélectionnés, même si c'était sous une fausse identité, qu'il était très curieux de voir à quoi ressemblait Daroilak de ses propres yeux et content à la perspective de bavarder de vive-voix avec Antenhyo.
Jusqu'au jour du départ pour Daroilak, il s'attendit à ce que Waltharan lui tombe dessus et il fut sur le qui-vive, s'efforçant de minimiser les chances de le croiser.
Il y parvint. Cependant, quand le moment vint de monter dans le bus en partance pour l'école des sorciers, il fut bien obligé de faire face à Waltharan et de constater qu'il bouillait de rage. Ses yeux bleu-vert était semblable à une mer houleuse et ses poings serrés, comme s'il était prêt à en découdre.
Neyenje qui était du voyage, de même que Laloréa, conseilla à Walatharan de se relaxer sans connaître l'objet de sa tension.
Zibulinion, sous son illusion de fée blonde adolescente se mit à l'avant, non loin de la conductrice, et tâcha de se faire tout petit. Peut-être aurait-il dû se faire porter pâle ? Que ferait-il si Waltharan l'exposait publiquement ? Et ne risquait-il pas de se trahir tout seul ? A part quand il n'avait pas réussi à briser son illusion, il n'avait jamais gardé son illusion plus de quelques heures d'affilées. Mais ça, la directrice ne s'en était pas inquiétée, pas plus qu'elle ne s'était souciée des probabilités que sa baguette soit reconnue lors de sa participation en tant que Noinilubiza aux épreuves du festival de magie à Valeiage. Non, c'était à lui de se débrouiller ! Et si une sorcière transperçait son secret...
Il apparut à Zibulinion qu'une fois de plus, il n'avait pas réfléchi assez aux implications, si bien que quand ils arrivèrent devant les sinistres tours de Daroilak, tout ce que l'adolescent souhaitait, c'était faire demi-tour. Hélas, c'était trop tard, il n'y avait plus le choix.
La fée qui les accompagnait les incita à se montrer dignes en toutes circonstances et les enjoignit à sortir.
Dehors les attendait en silence une foule d'élèves de Daroilak tous de noirs vêtus jusqu'à la pointe de leurs chapeaux.
L'accueil était aux antipodes de celui de Valeaige : pas l'ombre d'un bruit, pas un seul mouvement, juste un silence assourdissant et des têtes d'enterrement.
Derrière, l'école de Daroilak se dressait, avec ses murs gris et ses toits noirs. Si Valeiage faisait très palais de princesse de conte, Daroilak avait tout du manoir hanté.

mercredi 22 janvier 2014

Le garçon fée - 140

Les vacances s'achevèrent et l'école s'anima à nouveau. Les résultats des examens tombèrent et Zibulinion se réjouit : enfin, il avait récolté de nombreuses étoiles et lunes. Excepté en musique, vol et beauté, mais ça c'était prévu.
Ses efforts scolaires avaient finalement payé maintenant qu'il n'y avait plus de sort de répulsion et que s'éloignait dans le temps et les esprits sa déclaration d'amour à un autre garçon fée. Ses résultats étoilés lui valurent de nouveaux compliments de Relhnad qui le firent rosir de plaisir.
Zurmmiel qui avait été choqué que Zibulinion souhaite rester à l'école durant les vacances, vint lui raconter ce qu'il avait fait et se plaindre du retour en cours.
La routine reprit. Zibulinion se sentait toujours désagréablement en marge entre son physique, ses préférences amoureuses et sa chambre sous les toits à l'étages des professeurs (même s'il était heureux d'être aussi proche de Relhnad, l'aspect exil ne disparaissait pour autant.) Il regrettait l'époque de son amitié avec Folebiol, Waltharan et Neyenje.
Zurmmiel était un adorable petit garçon, mais il n'avait que neuf ans et bien souvent, il ne pouvait comprendre Zibulinion. C'était pareil avec Joathilde et Rozélita qui dans sa dernière lettre avait manifestée qu'elle était fâchée contre lui, car il n'était pas rentré pour les vacances à l'appartement, le seul endroit où elle était autorisée à bavarder lui, Alysielle lui ayant interdit de manifester qu'elle le connaissait à l'école.
L'adolescent aurait aimé avoir un confident et exprimer les sentiments que lui inspirait Relhnad. Il se consolait se disant que ni Neyenje ni Waltharan n'étaient du genre à écouter les soucis de cœur des autres et que Folebiol aurait été gêné par l'aspect homosexuel de la chose.
Il y avait bien sûr Antenhyo mais lui faire part de ses tourments amoureux n'aurait pas eu de sens puisque le sorcier le prenait pour  une jolie fée de 18 ans. Il n'aurait à compris à quel point son amour était sans espoir de retour.
Il lui aurait peut-être suggérer de concocter un philtre d'amour. Un des cours mentionnait d'Antenhyo leur existence, précisant que la personne touchée avait une fâcheuses tendance à perdre le sens des réalités et une part de sa personnalité. Sans compter que celui qui gagnait cet amour devait payer le prix fort.

Les jours passaient semblables. Zibulinion attendait avec impatience le cours avec Relhnad et espérait toujours le croiser en plus en dehors, mais il ne s'ennuyait pas. Il étudiait tout ce qu'il pouvait : ses cours de fées des bois de 10ème année, les manuels des fées des rêves et des plantes, tous les livres qui l'interpellait à la bibliothèque et la sorcellerie - Antenhyo continuait en effet à lui envoyer à intervalles réguliers son corbeau lesté de nombreux feuillets de cours.

Il aurait voulu renouer le contact avec les fées de son âge, mais il sentait les fées réservées à son égard. Il est vrai que même avant le sort de répulsion, elles avaient été nombreuses à lui faire comprendre qu'il n'était pas le bienvenu, qu'avec son apparence, il faisait tache parmi elles.
Zibulinion tenta bien par l'intermédiaire de Zurmmiel de faire passer à Folebiol que ses sentiments pour lui avaient changé, et que rien ne s'opposait au retour de leur amitié. Tout ce qu'il obtint fut une nouvelle lettre de Folebiol qui réaffirmait qu'il était toujours son ami, mais qu'il craignait les rumeurs. S'il se remettait à le fréquenter, les gens reparleraient de la déclaration que Zibulinion lui avait faite... D'après lui, il fallait laisser les choses se tasser encore quelques mois ou attendre qu'un autre scandale agite l'école.

Novembre pointa le bout de son nez et la liste des élèves sélectionnés pour la semaine d'échange avec l'école de Daroilak furent affichés.
Dessus, il y avait Noinilubiza. Zibulinion eut beau se frotter les yeux, le nom ne disparut pas. Il était inscrit en tant qu'élève de 12ème année, mais ce n'était pas tout : au rang des élus, se trouvait aussi Waltharan. La combinaison s'annonçait fatale. L'année dernière pourtant, le fée des plantes n'avait pas été pris, mais il est vrai que ses résultats étaient devenus entretemps bien meilleurs...

mardi 21 janvier 2014

Le garçon fée - 139

Zibulinion envoya un courrier à sa mère pour l'informer de nouvelle et eut la surprise de recevoir un mot plutôt aimable en retour auquel était joint un peu de poudre de fée.
Cette générosité inexpliquée tourmenta Zibulinion. Sa mère se sentait-elle coupable d'être contente qu'il ne vienne pas pour les vacances ? Après avoir tourné et retourné dans sa tête les possibles raisons de ce cadeau, il mit le pourquoi de côté et décida qu'il pourrait s'en servir pour commander à la librairie du village le livre sur la fabrication des sorts.
Les examens eurent lieu. Mis à part en beauté, en vol et en musique, Zibulinion fut satisfait de lui.
Zibulinion n'assista pas au départ dans les bus des autres élèves et resta à étudier dans sa chambre.
Au moment d'éteindre sa lampe, il songea que la pièce à côté de la sienne devait être vide et son cœur se serra. Il espéra rêver de Relhnad.

Quand après le petit déjeuner dans l'immense réfectoire désert, remontant dans sa chambre repéra le professeur de sorts en haut de l'escalier, il n'en crut pas ses yeux.
Relhnad, ses cheveux blonds noués par un fin élastique, portait un jeans délavé et un pull de coton bleu à col rond - une tenue très humaine qui contrastait avec ses ailes.
– Je venais te dire au revoir avant de rentrer chez moi. Essaie de ne pas faire que travailler, d'accord ?
Cela n'aurait pas dû être permis de se montrer si attentif et soucieux de quelqu'un qu'on ne considérait que comme un simple élève, et aussi être interdit d'être aussi resplendissant. Dans ses conditions, comment guérir de son amour pour le professeur de sorts ?!
– Oui... Passez de bonnes vacances, monsieur !
Ce « monsieur », il en était venu à le détester, mais il continuait à le prononcer pour se rappeler de la distance qu'il existait entre lui et Relhnad et ne pas se retrouver à lui avouer ses sentiments, les embarrassants tout les deux.
Le professeur de sorts lui souhaita la même chose et se téléporta.
Zibulinion ne put se résoudre à quitter tout de suite le dernier endroit où s'était tenu Relhnad. Il lui manquait déjà.
Après un long soupir, il s'ébroua et se frappa doucement les joues. Pas question de se languir durant toutes les vacances ! Il se dépêcha de s'installer à son bureau dans sa chambre avec un livre. Étudier, il n'y avait que ça de vrai...

Bien qu'il ait choisi sa solitude, elle lui pesa tout de même par moments et il eut quelques accès de mélancolie. Le plus aigu se produisit le jour où aurait dû avoir lieu de le cours de sort. Et puis il y eut bien sûr son anniversaire qui passa sans fanfare ni trompette ni même personne pour ne serait-ce que le lui souhaiter.
Ce jour-là pour se changer les idées, ne pas être seul et fêter à sa manière ses dix-sept ans, il se rendit au village pour s'acheter le livre pour créer des sorts.
Derrière ses verres de lunettes, les yeux de la fée de la librairie « Au bonheur des pages » s'arrondirent quand Zibulinion lui donna la référence du livre.
– Il n'est plus édité depuis des siècles ! Et qu'en ferais-tu ? N'as-tu pas assez de sorts à apprendre dans tes manuels scolaires ?
– Cela semble plus pratique d'apprendre à en créer que d'en retenir des centaines, expliqua Zibulinion.
– Fabriquer un sort n'a rien de facile. Ce n'est pas pour rien qu'on se contente de se servir de ceux qui existent déjà.
– Mais une fois qu'on en connaît un certain nombre, ce n'est pas comme si on partait de rien. En modifiant la prononciation, en changeant un mot ou deux...
En justifiant son désir de se procurer le livre, Zibulinion réalisa qu'il avait d'une certaine manière créer un sort quand il en avait combiné deux pour embellir son bâtonnet marron cuivré, qui s'était métamorphosé, qui continuait à s'enrichir de nouvelles paillettes dans son corps devenu de verre, et qui fascinait tant la professeur de baguette...
Elle réajusta son chignon, d'une main, ses lunettes de l'autre, et émit un petit rire.
– Tu es un drôle de garçon. Je vais voir si je peux te dégotter une copie, mais je ne te garantis rien.
Zibulinion repartit bredouille, mais content d'avoir parler à quelqu'un et enchanté de la révélation qu'il venait de faire : même sans le livre, il était en mesure de tenter de créer des sorts en se basant sur ceux qui existaient. Toutefois dans l'immédiat, il n'avait pas d'idée d'application...

lundi 20 janvier 2014

Le garçon fée - 138

Zibulinion recouvrit précipitamment avec un livre les cours de sorcellerie, inquiet de la réaction du professeur de sorts s'il découvrait ce que l'adolescent était en train d'étudier. A défaut de pouvoir gagner son amour, il ne voulait surtout pas perdre son estime, cependant, la curiosité continuait à le pousser à se renseigner sur la magie des sorciers. Il était fascinant de constater que ces derniers aussi brouillaient les ressemblances entre leur magie et celle des fées.
– Tu es passé ?
Zibulinion devina que Relhnad avait dû lancer un sort à sa porte pour savoir ça, un peu comme un espèce de répondeur téléphonique. Il exposa l'objet de sa visite d'un ton mal assuré,   levant et baissant les paupières à de multiples reprises, craignant qu'en dévorant le professeur de sort ses yeux, il ne trahisse ses sentiments pour lui.
– Je suppose que c'est possible. La directrice t'a déjà laissé rester une fois. Et c'est vrai qu'avec toutes les années que tu as sauté, tu as du rattrapage à faire... En même temps, tu ne crois pas que cela te serait bénéfique de changer d'air, de te détendre ?
– Chez moi, je ne peux pas ! s'exclama spontanément Zibulinion.
– Ta mère, c'est ça ? répondit Relhnad, prouvant qu'il avait retenu ce que lui avait raconté Zibulinion, quand désespéré de tout, il en était venu à sécher les cours.
L'adolescent hocha la tête, le cœur tout joyeux que Relhnad se soit souvenu de cette conversation qui datait de plusieurs mois.
– Bon. Je vais rapporter ta demande à la directrice et je t'informerai du résultat.
– Merci monsieur...
Il avait envie de retenir son professeur, mais sous quel prétexte ?
– Bonne nuit Zibulinion.
Et voilà, il était parti, laissant derrière lui un discret parfum de cannelle.
Entendre son prénom dans la bouche de Relhnad... Zibulinion ne voyait pas comment il pourrait s'en lasser un jour, à moins de le désaimer... Est-ce que comme Lavicielle, l'amour d'un autre le conduirait à arrêter de l'aimer ? Ou bien Relhnad le décevrait-il, comme Folebiol avait pu le faire, réduisant en cendres son amour ? Peut-être aussi continuerait-il à l'adorer de loin...

Pas plus tard que le lendemain soir, Relhnad revint : Zibulinion était autorisé à passer ses vacances à Valeiage.
L'adolescent n'eut plus qu'à remercier une nouvelle fois son professeur.
– Je n'ai fait que le messager. Ça fait parti de mon travail, c'est normal.
Zibulinion ressentit une pointe de tristesse à cette précision. Il avait eu l'impression que Relhnad le considérait comme un minimum spécial vu comme il lui offrait toujours son aide.
– Merci quand même, souffla-t-il avec un pauvre sourire.
Relhnad parut sur le point de dire quelque chose, se ravisa et finalement, lui souhaita de beaux rêves.

mardi 14 janvier 2014

Le garçon fée - 137

A l'approche des examens d'automne, Zibulinion se mit à appréhender non pas ces derniers pour lesquels il se sentait prêt mais les vacances qui les suivaient. Il n'était pas certain d'avoir envie de retrouver l'appartement familial. A l'école, il y avait la bibliothèque, une source presque inépuisable de livres pour s'occuper. Chez lui, il devrait supporter les remarques de Tania et de Victor, ainsi que la froideur de sa mère. Rozélita serait son seul rayon de soleil. L'autre avantage à ne pas quitter l'école serait de ne rater aucune des lettres d'Antenhyo, ou plutôt ses cours accompagnés de mots généralement brefs. Zibulinion n'écrivait pas non plus de longs messages. Il posait surtout des questions et demandait des précisions quand il ne comprenait pas. Il ne parlait jamais de sa vie à Valeiage, d'abord parce qu'il savait qu'Antenhyo n'était pas intéressé par son "univers pailleté mais aussi parce que Noinilubiza n'était qu'une illusion dont le quotidien aurait été différent de celui de Zibulinion si elle avait vraiment existé. Cependant, peut-être qu'elle aussi aurait rêvé de l'irrésistible professeur de sorts...
Zibulinion se répétait sans cesse que c'était vain de l'aimer, que Relhnad était son professeur et avait sûrement une petite amie alors que lui n'était qu'un adolescent de seize ans sans attrait, rien n'y faisait. Son coeur ne voulait rien entendre et continuait à battre plus fort chaque fois qu'il le voyait.
Il aurait aimé remonter le temps pour sucer à nouveau le doigt de Relhnad quand il lui avait insufflé sa magie pour l'obliger à expulser la sienne, revenir au moment où il l'avait aperçu dans sa glorieuse nudité... Dans le second cas, il aurait pu tenter de prendre sa douche à la même heure que lui, mais il ne souhaitait pas être vu. Il risquait d'avoir une érection devant Relhnad et sa peau d'albâtre...
Rien que repenser à la perfection de la nudité du professeur l'excitait terriblement. Cependant, se sentant coupable, Zibulinion ne profitait pas du fait qu'il avait une chambre pour lui tout seul pour se masturber ; il attrapait un livre et s'efforçait de se concentrer sur son contenu.
Relhnad était d'ailleurs la deuxième raison pour laquelle les vacances qui arrivaient le chagrinait. C'était dur que le professeur de sorts soit tout près et inatteignable, mais Zibulinion se doutait que ce serait pire qu'il soit loin. Là au moins, même s'il résistait, il savait qu'il pouvait frapper à la porte de son professeur et que ce dernier l'accueillerait en chair et en os...
Zibulinion se décida alors à rendre visite à Relhnad pour demander s'il était possible qu'une fois les examens terminés, il demeure à l'école au lieu de rentrer chez lui. Si sa démarche échouait, il aurait au moins gagné quelques précieuses minutes avec son professeur.
Il se repeigna, arrangea son uniforme et alla toquer à la porte de Relhnad, son coeur tambourinant dans sa poitrine. Pas de réponse. Déçu, Zibulinion tourna les talons, ne sachant s'il aurait le courage de retenter plus tard : il craignait de déranger Relhnad. Il s'assit à son bureau et relut les derniers cours que lui avaient envoyés Antenhyo.
Il était plongé dedans, quand après un léger coup contre la porte, Relhnad entra. 
 ____________
 Pour cause de maladie, prochain épisode : lundi 20 janvier

lundi 13 janvier 2014

Le garçon fée - 136

Les élèves de l'école de Daroilak repartis, Valeaige retrouva son calme et les cours reprirent, ce dont se réjouit Zibulinion. Cela lui garantissait de voir Relhnad au moins une fois par semaine.
En dehors de ce jour-là, forte était la tentation de frapper à la porte de la chambre du professeur de sorts, juste à côté de la sienne, sous un prétexte ou sous un autre, mais il se retenait et prenait un livre, n'importe lequel, et se plongeait dedans.
Durant le cours de sorts, il lui était extrêmement difficile de se concentrer. La voix enchanteresse, les cheveux lumineux, la peau albâtre, les yeux bleus pailletés d'argent de Relhnad le distrayaient. Il se morigénait et avait honte d'être comme toutes ses filles qui bavaient devant le physique de rêve du professeur de sorts, mais il ne pouvait pas s'en empêcher : tant de beauté jointe à tant de bonté et de gentillesse était irrésistible. C'était douloureux souvent de se dire qu'il ne pourrait jamais l'admirer que de loin.
Avec la fin du sort de répulsion, sa vie de pestiféré était terminée et sa solitude moins grande. Ses camarades de classe lui adressaient occasionnellement la parole, les professeurs l'interrogeaient, Zurmmiel et Joathilde  cherchaient à nouveau à passer du temps avec lui.
Folebiol en revanche continuait à garder ses distances, et Waltharan et Neyenje l'ignoraient toujours. Enfin, certains élèves continuaient à lui mener la vie dure. Charboige, quand il le croisait, se fendait souvent d'un commentaire désagréable et Paokkolo, le chef du dortoir dont Zibulinion était exclu, avait des mots cruels pour lui et sa « sexualité dégoûtante . » Malgré ça, c'était beaucoup mieux qu'avant, quand Zibulinion était sous l'effet du sort punitif de la directrice.
Outre, l'amélioration de ses relations avec les autres fées,  Zibulinion commença sa correspondance avec Antenhyo.
Craignant que le corbeau du sorcier ne le trouve pas, puisque sa véritable apparence était bien différente de la description que ferait de lui Antenhyo, il reprit régulièrement les traits de la fée blonde aux yeux noisettes, mais seulement dans la forêt  attenante à l'école.
Cela fonctionna et il finit par recevoir sa première lettre du sorcier des pattes d'un grand corbeau au plumage noir et brillant. Mettant à profit ses cours de communication avec les animaux, il expliqua à l'oiseau où était située sa chambre et, après mûre réflexion, il lui révéla qu'il avait une autre apparence, espérant qu'il ne rapporterait pas la chose à Antenhyo, mais ne lui demandant pas le secret de peur que cela provoque l'effet inverse. Le corbeau croassa à trois reprises pour manifester sa compréhension et s'envola.
La lettre de Antenhyo fort courte, offrait  d'envoyer ses cours de sorcellerie de première année. Zibulinion convainquit un pigeon de lui servir de messager et accepta la proposition du sorcier, écrivant qu'il était désolé de n'avoir rien à lui donner en retour. Quelques jours plus tard, il réceptionna les premières pages de cours et l'assurance d'Antenhyo que transformer une fée en sorcière était pour lui une satisfaction suffisante et qu'il était prêt à répondre à toutes ses questions sur la sorcellerie.
Le mois de septembre s'acheva sans autre événement notable, si ce n'est, un soir, sur le pallier de leurs chambres respectives, les félicitations qu'adressa Relhnad à Zibulinion pour ses victoires aux épreuves contre les sorciers et sorcières de Daroilak.
Les compliments du professeur de sorts touchèrent d'autant plus Zibulinion que personne, si ce n'est Waltharan et la directrice, (et ces derniers n'avaient pas manifesté le moindre enthousiasme) ne savait que c'était lui et non une fée de douzième année, qui avait battu par trois fois les élèves de Daroilak.

vendredi 10 janvier 2014

Le garçon fée - 135

Zibulinion fit remarquer à Antenhyo qu'il n'avait donné aucun signal de départ et lui reprocha son manque de prudence.
Le sorcier, plus ébouriffé que jamais, rit avant de déclarer :
– Tu es bien une fée.
Zibulinion choisit de sourire en retour. Dans sa tête, la question de Antenhyo tournait toujours : avait-il envie de faire de la sorcellerie ? En tant que fée, en était-il seulement capable ? C'était une magie qualifiée de noire et lui, c'est la blanche qu'il maîtrisait...
Antenhyo ne tarda pas à se lancer dans une exposition des sortilèges que toute sorcière se devait de connaître, en commençant par celui permettant de changer les gens en crapaud.
C'était si cliché que Zibulinion crut d'abord qu'il plaisantait. Mais non, ce n'était pas pour rien que dans la littérature humaine, ce sort de transformation était associée aux sorcières.
Antenhyo évoqua ensuite les malédictions qui mirent Zibulinion mal à l'aise. En comparaison, les sorts punitifs féeriques n'étaient plus si horribles. Sur ce coup, féerie et sorcellerie divergeaient.
Réalisant que cela faisait bientôt une heure qu'il parlait, Antenhyo s'arrêta au milieu de son explication sur les malédictions agissant sur plusieurs générations.
Zibulinion le remercia pour tout ce qu'il lui avait appris depuis qu'ils avaient fait connaissance.  Puis, comme il regrettait que ses « cours » de sorcellerie prennent fin, en dépit des frissons qui lui remontaient le long de l'échine quand il songeait aux terribles malédictions qu'étaient capables de lancer les sorcières,
il suggéra qu'ils entament une correspondance.
– Je doute que mes lettres te parviennent, même si je t'écrivais, répondit Antenhyo.
– Nous pourrions communiquer par pigeon voyageur plutôt que d'emprunter les voies traditionnels, proposa Zibulinion, admettant dans son for intérieur qu'il était en effet peu probable que la fée chargée du courrier laisser passer des lettres en provenance de Daroilak comme ça.
– Quelle motivation ! Mais je suppose que cela pourrait être amusant... C'est d'accord, je t'enverrai mon corbeau. Je lui recommanderai d'attendre qu'il n'y ait personne autour de toi.
Zibulinion souhaita bonne chance au sorcier pour son épreuve, quand bien même il savait qu'il aurait plutôt dû soutenir les élèves de son école. Antenhyo était peut-être arrogant, mais au moins, il ne prétendait pas être gentil et surtout, il constituait une source fiable sur la sorcellerie. Les livres féériques, eux, quand ils abordaient le sujet, mettaient en effet un point d'honneur à noircir la magie des sorciers, dissimulant outrageusement la proximité avec celle des fées.

jeudi 9 janvier 2014

Le garçon fée - 134

Zibulinion tâta les branchages et feuillages entremêlées, estima que le mur était authentique et ne dissimulait aucun passage. Il rebroussa à nouveau chemin, mais insatisfait de sa décision, revint encore sur ses pas. Aux yeux des spectateurs, il devait avoir l'air d'un parfait idiot qui piétinait inutilement, mais tant pis !
Plutôt que de vérifier chaque mur, faire des tours et des détours, sûrement, il y avait un moyen de s'arranger avec les murs de végétaux qui l'entouraient.
Appelant à lui sa baguette, il passa en revue dans sa tête tout ce qu'il savait sur la communication avec les plantes et ayant trouvé comment procéder, se lança.
Les végétaux se firent prier, mais s'écartèrent pour le laisser passer, se refermant après lui, mur après mur. Au-dessus de lui, des exclamations retentirent, de plus en plus nombreuses.
Quand il tomba nez un nez avec un mur de pierres, Zibulinion mit à profit les enseignements du professeur Yapolong ainsi que ses quelques lectures sur la minéralogie, et parvint à déplacer magiquement l'obstacle et à se faufiler. Il répéta l'opération encore trois fois et se retrouva à la sortie, près d'un panneau étoilé sous un concert d'applaudissements.
Les cris des spectateurs lui apprirent qu'il avait gagné haut la main contre la sorcière qui était encore perdue dans le dédale végétal.
Des fées qu'il connaissait pas, impressionnées, descendirent de leurs pour  mieux le féliciter. La professeur de flore elle-même qui avait participé à la mise en place du labyrinthe vint le complimenter.
Zibulinion savoura son moment de gloire, même s'il ne trouvait pas avoir été particulièrement brillant : il avait négocié avec les plantes et elles avaient bien voulu bouger pour lui.
D'autres élèves devant s'affronter dans le labyrinthe, les fées regagnèrent les hauteurs. Zibulinion les accompagna, content de se servir de ses ailes après avoir été interdit de voler pour l'épreuve et curieux de s'asseoir sur les nuages magiques. Le moelleux du siège le conquit.
La fée suivante ne tenta pas de l'imiter. Sans doute était-elle des rêves ou des bois. Après une seconde candidate, Zibulinion préféra quitter les lieux pour se rendre à la bibliothèque.
Il s'éloignait dans les airs quand  Antenhyo surgit à cheval sur son balai, lui barrant la route.
– Ta puissance est vraiment remarquable... Encore envie de parler de sorcellerie ? J'ai une heure à tuer avant de participer à une énième absurde épreuve.
Zibulinion hocha la tête, résolu à ne pas se formaliser du peu de cas que Antenhyo faisait des fées et de Valeiage.
– On fait la course jusqu'au toit de la plus haute tourelle et on s'y pose pour bavarder ?
– Le règlement de l'école interdit qu'on se perche sur les toits.
– RI-DI-CU-LE !
– Nous serons aussi bien sur la terre ferme, non ?
– Je ne te pensais pas du genre à obéir à ce type de règle idiote. Pratiquer la sorcellerie quand on est une fée est interdit, après tout.
– Je ne fais qu'apprendre la théorie, se défendit Zibulinion.
– Pour le moment, oui. Mais tu as envie d'essayer, n'est-ce pas ?
Sans attendre sa réponse,  Antenhyo descendit en piqué vers le sol à une vitesse effrayante,  atterrit bien avant Zibulinion et une fois que ce dernier l'eut rejoint, se vanta d'avoir gagné une course à laquelle il était le seul à avoir participé.

mercredi 8 janvier 2014

Le garçon fée - 133

Les jours suivants Zibulinion n'eut rien de spécial à faire, sa troisième et dernière épreuve ayant lieu la veille du départ des élèves de Daroilak. Ne tenant à se promener sous les traits de Noinilubiza plus que nécessaire et risquer une nouvelle et pénible confrontation avec Waltharan, il assista aux festivités sous sa véritable apparence sous laquelle il ne chercha pas à aborder Antenhyo, car cela aurait été trop compliqué. 
Il eut l'occasion de voir Folebiol battre une sorcière dans une course aérienne - ailes contre balai, Lavicielle créer un chef d'œuvre culinaire qui l'emporta sur le plat de son adversaire et Neyenje jouer au prince charmant avec brio, Laloréa lui donnant la réplique dans le rôle de sa promise dans une pièce basée sur un conte féerique intitulée La fille oiseau, une histoire proche de La petite sirène, le ciel et les ailes remplaçant le milieu aquatique et la queue se poisson.
Zibulinion n'eut cependant pas la chance de croiser Relhnad durant cette période, ce qui le peina d'autant plus que normalement, il le voyait toujours durant les deux heures hebdomadaire du cours de sorts. Il traîna en vain en haut de l'escalier permettant d'accéder à l'étage réservé aux professeurs et finit par conclure qu'à tout les coups, Relhnad se téléportait directement dans sa chambre.
Depuis qu'il avait mis un nom sur ses sentiments pour Relhnad, non content de penser tout le temps à lui, chose qui avait commencé bien avant qu'il ne réalise qu'il était amoureux, il se languissait de sa présence.
La planche de salut de Zibulinion pour ne pas trop souffrir de cet amour sans espoir restait les études. Les sujets ne manquaient pas entre les matières des fées des plantes et des rêves, l'approfondissement de celles des fées des bois, les barrières de protection, mais aussi désormais la sorcellerie. Même si bien sûr pour ce dernier sujet, il devait se montrer prudent dans ses recherches. A en croire Waltharan et les réactions négatives que suscitaient son association avec le sorcier Antenhyo, s'intéresser à la sorcellerie quand on était un fée était très mal vu, ce qui était absurde vu comme les deux magies étaient semblables. Le problème se situait peut-être dans leurs différences, mais pour les découvrir, il fallait en apprendre davantage d'une façon ou d'une autre...

L'épreuve du labyrinthe était basée une fois de plus sur la rapidité : une fée et une sorcière, chacune à un bout, l'entrée de l'une étant la sortie de l'autre, devait trouver le bon chemin avant son adversaire avec comme contrainte de ne pas voler au-dessus des murs pour se repérer.
Les spectateurs assistaient à l'épreuve installés sur des nuages magiques d'une blancheur immaculée.
Zibulinion paré de son illusion féminine aurait donné cher pour être à la bibliothèque avec un bouquin. Toutes ses épreuves le stressaient. Il espérait que le proverbe « jamais deux sans trois »  s'appliquerait, mais appréhendait de perdre.
La fée chargée de l'organisation de l'épreuve qui n'était autre que la professeur de flore et mère de Waltharan, prévint que les murs du labyrinthe pouvaient être illusoires, bouger ou dissimuler des passages et rappela l'interdiction de voler avant d'annoncer que l'épreuve commençait.
Zibulinion s'engagea dans le labyrinthe dont les murs étaient constitués de végétaux. Entre les parois feuillues et les regards qui pesaient sur le sommet de son crâne, il se sentait oppressé.
Au début, incertain de la marche à suivre, il avança comme ça, s'efforçant de mémoriser les embranchements qu'il prenait et levant à plusieurs reprises la tête vers les spectateurs. Quand il tomba sur un cul-de-sac, sa première réaction fut de faire demi-tour, puis il pivota à nouveau sur lui-même pour jauger l'obstacle. Ce n'était pas un labyrinthe ordinaire dans lequel il suffisait de se montrer logique. Il était magiquement piégé.

mardi 7 janvier 2014

Le garçon fée - 132

Le fée des plantes reprit :
– Tu es un fée. Un mauvais fée. Je ne sais pas pourquoi j'ai encore perdu du temps avec toi... Ton attirance pour les sorciers le prouve, tu es irrécupérable !
Waltharan tourna les talons et planta là Zibulinion qui se massa pensivement le bras à l'endroit où le fée des plantes l'avait tenu.
Pour lui, la féerie était proche de la sorcellerie et les deux étaient des objets d'études fascinants. Même en ayant lu le récit des batailles entre fées et sorcières, il ne comprenait pas pourquoi elles étaient en opposition perpétuelle.
Les fées se revendiquaient comme bonnes, mais n'étaient pas gentilles pour autant et certainement pas tolérantes, la directrice de Valeiage en était un parfait exemple. Quant aux sorcières, elles étaient cataloguées comme méchantes, mais ne faisaient rien de mal...
Sans se soucier des mises en garde de Waltharan, Zibulinion attendit  donc Antenhyo à la fin du dîner à la sortie du réfectoire. Le sorcier toujours tout ébouriffé arriva accompagné, mais renvoya ses camarades. Autour d'eux, les fées commentèrent à mi-voix le fait que l'une des leurs partent en compagnie d'un sorcier, ce qui déprima Zibulinion : quand ce n'était pas son apparence ou sa sexualité qui posait problème, c'était son comportement qui attirait l'attention...
– Où peut-on discuter tranquilles dans cette école ? demanda  Antenhyo.
– Il y a des bancs très confortables dans certains couloirs.
– A Daroilak, il y a des salles de détente dédiées, crut bon de préciser Antenhyo.
Zibulinion ne releva pas. Il avait déjà eu l'occasion de constater à de nombreuses reprises que le sorcier ébouriffé se sentait supérieur aux fées. Ses deux défaites envers « Noinilubiza » n'avaient pas le moins du monde ébranler sa conviction d'être meilleur, ce qui était impressionnant. C'était presque à se demander s'il ne s'était pas boosté magiquement sa confiance en lui comme le professeur de sorts l'avait fait pour aider Zibulinion, un peu plus d'un an auparavant... Relhnad... Le rythme des battements de cœur de Zibulinion s'accéléra... Il avait envie de le voir...
Se rendant compte qu'il n'écoutait plus Anthenyo, Zibulinion s'efforça de se recentrer sur le moment présent.
Le sorcier qui ne s'était pas aperçu de la distraction de Zibulinion vantait les avantages de Daroilak sur  Valeiage : son école était solide, durable, efficace, dépourvue des ridicules froufrous, paillettes et dentelles qui ornaient Valeiage.
Zibulinion se lassa vite de ses propos sur la décoration de leurs écoles respectives et réorienta avec succès la conversation sur la sorcellerie.
Antenhyo monopolisa alors la parole et ils ne se quittèrent que peu de temps avant le couvre-feu sans que Zibulinion n'ait réussi à dire plus de trois mots sur la magie des fées :
quand il avait tenté de détailler le fonctionnement de la féerie pour mettre en valeur sa proximité avec la sorcellerie, Antenhyo, trop convaincu de la supériorité de la magie des sorciers, avait très clairement exprimé son absence d'intérêt sur la question.

lundi 6 janvier 2014

Le garçon fée - 131

Ils avancèrent dans le couloir vers une destination non déterminée dans un silence pesant, leurs pas résonnant sur le plancher. Au bout de quelques minutes à ce régime, son bras commençant à lui faire mal, Zibulinion demanda à Waltharan où ils allaient. La perspective d'un tête à tête dans les toilettes, comme la dernière fois, ne l'emballait pas du tout. Le fée des plantes avec sa franchise sans fard pouvait parfois se montrer dur.
Waltharan s'arrêta net.
– Nulle part en particulier. A l'abri des oreilles indiscrètes et puisqu'il n'y a personne ici... Tu es vraiment un tordu de première catégorie ! Fricoter avec les sorciers et tenter d'en aguicher un... Tu joues vraiment avec le feu. Si tu étais découvert, ce serait pris comme une insulte et ce serait mauvais pour nos relations avec l'école de Daroilak et les sorciers en général.
– Je ne faisais que bavarder, contra Zibulinion, trouvant l'accusation injuste.
– Les fées n'ont pas à écouter les sorciers, mais je suppose que tu n'es pas une infraction près. Comment as-tu réussi à être inscrit aux épreuves sous ton illusoire identité ?
Zibulinion hésita, mais révéla que c'était la directrice qui avait décidé ça : sa véritable apparence n'était pas assez fée et pour une raison qu'il lui échappait, elle tenait à ce qu'il participe.
– Je ne suis pas naïf au point de croire ces mensonges, même si je reconnais que tu m'as roulé en beauté « Noinilubiza. »
Le mépris qui suintait dans la voix de Waltharan en prononçant le prénom son illusoire apparence féminine n'échappa pas à Zibulinion qui se sentit stupide d'avoir quitté  Antenhyo et ses passionnantes explications dans l'espoir d'une réconciliation avec le fée des plantes.
– Je n'ai jamais voulu me moquer de toi. Mais pense ce que tu veux et lâche-moi, s'il te plaît.
– Pas avant que tu n'aies promis de poser un lapin à ton sorcier mal peigné, répliqua Waltharan. Pas sous cette apparence, ajouta-t-il, son visage laissant entrevoir une expression douloureuse qui permit à Zibulinion de supposer que le fée des plantes avait toujours des sentiments pour Noinilubiza et qu'il souffrait que la fille de son cœur n'existe pas pour de vrai.
Peut-être même était-il jaloux du temps que « cette dernière » accordait à un autre garçon...
– Je doute qu'il veuille discuter avec un garçon fée qu'il ne connait pas. Antenhyo n'as pas plus de considérations pour les fées que tu n'en as pour les sorciers.
– Parce que tu n'es pas un fée, toi peut-être ?
Cette question qui n'en était pas vraiment une perturba Zibulinion. Il savait qu'il était un fée. Il en avait les ailes et les pouvoirs magiques, mais il n'avait pas l'impression d'appartenir au monde féerique. Il faut dire que jusqu'à ses quinze ans, il avait été tenu à l'écart de la magie par sa mère, n'apprenant que le strict nécessaire pour vivre parmi les humains : cacher ses ailes et taire sa différence.

vendredi 3 janvier 2014

Le garçon fée - 130

Antenhyo haussa les épaules, balaya d'un geste négligent de la main cette critique et refusa d'accepter les défaites qui lui étaient attribuées. Les épreuves étaient organisées par les fées et étaient, selon lui, biaisées au moment de départager les candidats. Par ailleurs, les limites de temps lui paraissaient ridicules, la vitesse n'ayant rien à voir avec la puissance. Enfin, pour une fée, Noinilubiza était fréquentable puisqu'elle reconnaissait les mérites de la sorcellerie. Sur ce point, les camarades du sorcier ébouriffé se montrèrent incrédules. Cependant, Antenhyo qui semblait avoir une certaine autorité sur le petit groupe de sorciers et sorcières leur intima le silence et continua à Zibulinion la grandeur des potions magiques que les fées dédaignaient bêtement.
Zibulinion l'écouta avec attention, sans se laisser distraire par les sorciers et sorcières qui l'entouraient. Leur présence le gênait, mais en même temps il ne trouvait pas cela désagréable d'être avec des gens qui ne possédaient pas l'éclatante beauté des fées. Dans le lot, certains étaient même plutôt vilains, sans ressembler pour autant à l'imagerie des livres : pas de verrues, à peine un ou deux nez crochus. 
En plein milieu de l'explication d'Antenhyo sur l'efficacité des potions, Waltharan fendit tout à coup le cercle de sorciers et sorcières et attrapa Zibulinion par le bras avec fermeté.
– Viens avec moi.
– Hein ?
Zibulinion n'en revenait pas. Waltharan qui l'ignorait avec soin depuis qu'il avait appris la vérité sur  Noinilubiza, non content de lui parler, le touchait...
– Dis donc, le fée, tu m'as bousculé, grogna une des sorcières.
– Nous sommes en pleine discussion. Cela te pose un problème ? demanda Antenhyo avec sécheresse.
– Non, répondit Waltharan.
– Laisse-nous, alors. Nous ne l'embêtons pas, si c'est la raison de ton interruption intempestive.
Zibulinion doutait fort que Waltharan l'ait cru dans une situation inconfortable et soit venu à sa rescousse et comme de juste le fée des plantes nia :
– J'ai à lui parler, c'est tout.
C'était soudain et curieux, mais Zibulinion s'en réjouit. Il s'en voulait toujours d'avoir blessé Waltharan avec son illusion féminine. Il était prêt à le suivre quand Antenhyo proposa qu'ils se retrouvent le soir, après le dîner, pour poursuivre leur discussion.
Waltharan refusa à la place de Zibulinion.
– Non, mais, pour qui tu te prends ? Tu es son petit copain ou quoi ? attaqua Antenhyo.
– Ah, ça non ! protesta Waltharan, appuyant sa négation d'un mouvement d'ailes qui manqua de peu de toucher un des sorciers.
– Tu n'as alors vraiment aucune raison de répondre pour elle. Surtout qu'elle est ton aînée, si j'ai bien suivi votre absurde code de couleur d'uniformes.
Le ton montait. Zibulinion craignant que cela dégénère et que Waltaran ne révèle sa véritable identité, se dépêcha de promettre à Antenhyo qu'il l'attendrait à la sortie du réfectoire et manifesta sa volonté d'écouter ce que Waltharan avait à lui dire. La tension était palpable, mais finalement le fée des plantes hocha la tête.
– A ce soir ! lança Antenhyo tandis qu'ils s'éloignaient, les doigts de Waltharan serrés sur le bras de Zibulinion comme s'il craignait que ce dernier ne prenne la fuite.