vendredi 28 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 59

Il émergea au pied d’un arbre, un qui n’était pas le Gardien et se découvrit habillé de son costume et de ses souliers.
Il n’eut pas le temps de se remettre de sa surprise : des pas approchèrent et une lampe torche balaya son visage.
— Je l’ai retrouvé, annonça un inconnu.
Grégoire, les yeux clignotant, nageant en pleine confusion, fut bientôt entouré de plein de gens. Son état de choc devait être évident, car il lui fut gentiment expliqué qu’on le cherchait depuis presque deux semaines.
Sa voiture abandonnée sur le bas-côté avait été localisée, puis on avait remis la main sur son téléphone, mais pas de trace de lui jusqu’à présent.
La durée indiquée de sa disparition ne fit que perturber davantage Grégoire. Cela ne correspondait en rien au temps qu’il avait passé à Versélia.
Peut-être que tout cela n’avait été qu’un rêve, qu’il n’avait jamais été dans un autre monde, qu’il avait halluciné. Il était dans son costume dont il se rappelait s’être pourtant débarrassé, de même que ses fichus souliers !
Des questions lui furent posées, les gens voulant savoir ce qui s’était passé, ce qui lui était arrivé dans les bois, mais Grégoire se contenta de secouer la tête, incapable de répondre.
Croire à l’existence des fées, dragons et centaures avait été facile quand il les avait eu sous le nez, mais à présent, il n’était plus si sûr.  Il avait peut-être tout imaginé, le merveilleux homme-arbre compris.
Il fut enveloppé dans une fine couverture dorée, mis dans une voiture de police et conduit à l’hôpital où ses parents déboulèrent en larmes.
Il fut statué qu’il n’avait rien. Tout le monde, en revanche, attendait des explications que Grégoire n’était pas en mesure de leur fournir. Prétendre ne pas se souvenir était plus simple que de mentionner Versélia. Il n’avait pas envie qu’on doute de son état mental.
Son amnésie fut interprétée par le médecin spécialisé qu’on l’obligea à consulter comme une façon de se débarrasser d’événements traumatiques s’étant déroulés durant sa disparition.
Et Grégoire ne put s’empêcher de se demander si ses souvenirs de Versélia masquaient en effet autre chose.
Même si le cœur n’y était pas, il reprit le travail où les rumeurs allaient bon train sur les deux semaines où il avait erré dans les bois. Une des théories les plus populaires était qu’il avait été enlevé, et torturé et qu’il avait préféré évacuer ses souvenirs.

jeudi 27 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 58

Grégoire fut aussi ravi que Saphir arrive qu’il avait été la veille quand il était parti. Il l’entraîna vite loin du Gardien et lui déballa tout, moins les détails intimes.
— Je ne comprends pas le problème, finit par dire Saphir. Rien ne t’oblige à rentrer.
Grégoire lui expliqua, en vain, Saphir était plus intéressé par les prouesses sexuelles du Gardien.
Il demanda au fée de l’accompagner chez Vulkain. Il était certain que le dragon, lui, serait de bons conseils.
Une fois son déguisement enfilé sur l’insistance de Saphir, ils s’y rendirent, mais le dragon était absent.
Sur le retour, ils croisèrent Galway et le fée choisit de l’arrêter pour lui parler du dilemme de Grégoire – Saphir avait beau ne pas saisir, il demeurait désireux de l’aider.
— Moi, par amour, je suis capable de tout, déclara le centaure.
Grégoire ne doutait pas de sa sincérité, mais tout était toujours plus facile en théorie qu’en pratique.
— Tu veux qu’on aille revoir Corbin ou demander l’avis de quelqu’un d’autre ? offrit Saphir.
Grégoire hésita, puis refusa.
Partir ou rester, le choix lui appartenait au bout du compte. Quitter Versélia pour y revenir ne semblait pas une option dans la mesure où son départ étant soumis à condition, son entrée devait aussi l’être. Le mieux était encore de retourner auprès du Gardien pour passer le plus possible de temps avec lui.
Au clair de lune, l’homme-arbre et lui firent l’amour, une caresse appelant l’autre. Ils n’échangèrent aucune parole, leurs souffles et râles se répondant en écho.
Cette fois, Grégoire se rendit à la rivière pour se laver, une couverture sur les épaules. Il était prêt à affronter la curiosité du nymphe et aussi à se confier à lui.
Grégoire avait eu le temps de s’immerger dans l’eau quand Neegr apparut.
Le sourire accueillant du naïade disparut devant l’air mélancolique de Grégoire.
— Cela ne se passe pas bien entre le Gardien et toi ?
— Si… Mais Versélia, ce n’est pas mon monde...
Et Grégroire, encouragé par le naïade, parla du sien, et ce faisant, il réalisa qu’hormis les gens qu’il connaissait, rien ne lui manquerait, pas même sa spacieuse voiture.
— A t’écouter, je crois qu’au fond, il n’y a pas de problème. Beaucoup de verséliens ne te portent pas dans le cœur actuellement, mais ce n’est que temporaire et tu as des amis.
Dont Neegr, c’était une évidence.
Grégoire, le cœur plus léger, prit le chemin du retour.
A un moment, il trébucha sur un quelconque obstacle, chercha à retrouver son équilibre, se retenir, mais tomba et ce fut le trou noir.

mercredi 26 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 57

Le Gardien l’embrassa et redevint un arbre. Même pas besoin pour lui de s’essuyer. Il y avait peut-être du sperme qui séchait sur une de ses branches. Grégoire secoua la tête. Mieux valait ne pas y penser.
Les oiseaux envoyés par le Gardien revinrent et  déposèrent le tissu mouillé entre ses mains. Grégoire les remercia, même s’il n’était pas sûr qu’ils le comprennent.
Une fois propre, il grimpa dans son perchoir, non sans une légère grimace.
Le sommeil le fuit.
Il n’avait pas dit au grand arbre qu’il l’aimait, mais sûrement ce n’était pas nécessaire. Le Gardien avait dû le comprendre.
Il ne lui avait pas promis non plus de rester à Versélia. Or, en s’unissant au Gardien, il avait eu le sentiment paradoxal d’être enfin lui-même, comme si la pièce qui lui avait toujours fait défaut s’était mise en place. En d’autres termes, il s’était trouvé, ce qui signifiait, à en croire le sage Corbin, qu’il pouvait désormais quitter Versélia.
Il ne savait pas s’il le voulait vraiment. Demeurer ici signifiait ne jamais revoir ses parents pour lesquels il aurait disparu sans jamais qu’ils sachent ce qui lui était arrivé et c’était mal et ingrat de sa part. Mais quitter le Gardien, c’était s’amputer d’une partie de lui-même.
Il veilla la plus grande partie de la nuit et au petit matin, le Gardien lui reprocha de ne pas l’avoir réveillé pour son tour de garde.
— Je n’arrivais pas à dormir.
— Pourquoi ?
— Avoir des gens qui en veulent à ma vie n’aide pas.
Grégoire ne pouvait se résoudre à lui révéler la vraie raison et en même temps, il avait besoin de se confier à quelqu’un.
— Est-ce à cause d’hier soir ?
En un sens, cela l’était, mais cela n’avait rien à voir avec la culpabilité d’avoir un arbre pour amoureux. La transformation du Gardien en homme lui permettait d’y échapper, du moins en bonne partie.
— Non. C’était merveilleux.
Parfait, même et Grégoire avait envie de recommencer, excepté qu’en plein jour, c’était délicat vu que sa cabane avait brûlé…
— Qu’est-ce qui te tourmente alors ? demanda encore le Gardien.
— Il s’est juste passé beaucoup de choses à cause de cette rumeur et cette maladie ces derniers jours.
— Un remède va être trouvé, le coupable aussi.
Le choix du verbe fit sursauter Grégoire. Il tenta de se rasséréner : peut-être se trompait-il, peut-être n’avait-il pas encore rempli la condition lui permettant de quitter la Versélia. Coucher avec quelqu’un ne pouvait permettre ce genre de chose. Excepté que cela avait été spécial. Entre le Gardien et lui, tout avait coulé de source au point que les mots étaient devenus inutiles.

mardi 25 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 56

Grégoire était si excité que ses vêtements le gênaient.
Comme s’il l’avait compris, le Gardien dénoua à cet instant la ceinture de Grégoire, abaissa son pantalon et palpa son érection.
C’était magique la manière dont il devinait les besoins et envies de Grégoire.
L’homme-arbre avait des mains rugueuses qui provoquait une friction délicieuse.
Il retira ensuite la chemise, les fausses oreilles et la queue et enveloppa Grégoire d’un regard admiratif.
Le Gardien s’allongea ensuite sur le sol, à l’endroit où il était planté en temps normal, attirant Grégoire pour qu’il s’étende sur lui. Ainsi collés l’un à l’autre, ils explorèrent leurs corps brûlants.
Les mains du Gardien s’attardèrent sur les fesses de Grégoire, les pétrissant, jusqu’à son sexe dressé se presse contre la raie.
Il y eut le bruit d’une bouteille qu’on débouche – le cadeau de Sergeï – et le pénis du Gardien collant et humide continua à se frotter contre l’entrée de Grégoire qui se redressa et se tortilla pour le prendre en lui.
Le sexe du Gardien n’était pas imposant et tout au plus Grégoire se crispa un instant avant de se détendre.
Il ondula au-dessus de l’homme-arbre et il le sentit grossir en lui, l’emplissant davantage. L’une des mains du Gardien resta sur son postérieur tandis que l’autre se refermait sur son pénis.
Les mouvements de Grégoire se firent frénétiques jusque là jouissance les emporte.
Grégoire, tout pantelant, s’abaissa lentement sur le torse du Gardien et ils restèrent longuement ainsi, toujours lié l’un à l’autre, le sexe du Gardien logé à l’intérieur demeurant long et ferme. L’anatomie de l’homme-arbre était aussi différente qu’excitante.
Grégoire qui était épuisé, se décida finalement à se détacher, regrettant qu’il faille à la rivière pour se nettoyer. Neegr aurait sûrement des commentaires à faire.
Il se releva en soupirant.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? s’inquiéta le Gardien.
Grégoire le rassura. Il n’était juste pas très motivé pour aller se nettoyer.
— Je peux demander à un couple d’oiseaux qui m’habitent de te ramener un linge humide si tu préfères.
C’était embarrassant, mais Grégoire n’était pas très sûr sur ses jambes alors il accepta l’offre.

lundi 24 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 55

Il tendit la main et effleura du bout des doigts la peau de long de la cicatrice.
Le Gardien la lui attrapa et la plaqua contre son torse, au niveau du cœur. L’homme-arbre respirait la gravité et Grégoire retint son souffle et ses excuses. Il n’allait apparemment pas avoir besoin de l’interroger sur sa réserve.
— L’autre soir, tu m’as laissé t’embrasser… commença le Gardien.
Grégoire acquiesça en s’humectant les lèvres, anticipant un nouveau baiser.
— Je n’ai pas cherché à en discuter, car les circonstances étaient particulières, que je voyais que tu étais préoccupé par ton éventuelle responsabilité dans la malade. Mais aujourd’hui, tu n’as pas nié que nous étions un couple, pas plus devant Saphir que Sergeï…
— Parce que c’est ce que nous sommes devenus, même si je ne voulais pas l’envisager. Entre nous, il y a un lien psychique et… physique.
Sous sa paume, le battement s’intensifia.
Le Gardien tira doucement sur l’une des fausses oreilles de Grégoire.
— Je ferais mieux de les enlever parce que je suis ridicule avec, c’est ça ?
— Je n’aurais pas dit cela, répondit le Gardien, ses yeux verts brillants.
Il lâcha la pointe de tissu fourré et posa ses doigts à la base du cou de Grégoire, à l’endroit où le suceur s’était désaltéré.
Grégroire déglutit, submergé par l’envie que le Gardien le touche davantage.
— J’étais jaloux que tu t’abandonnes à lui de la sorte, que tu lui montres cette expression troublée.
— Si j’ai bien compris, il a besoin de sang pour vivre et je voulais le remercier de ses efforts.
Le pouce de l’homme-arbre passa sur sa lèvre inférieure, puis se retira.
Grégoire craqua et vint écraser sa bouche contre celle du Gardien. Plus question d’attendre plus, de prétendre que ce n’était que de l’amitié, qu’il ne le désirait pas.
Le Gardien le serra contre lui tandis que Grégoire nouait sa langue à la sienne.
Le baiser ne s’acheva que pour laisser place à un autre et encore un.
Le sexe durci de Grégoire tendait son mince pantalon et se pressait contre la cuisse ferme du Gardien.
La pensée qu’ils étaient dehors, que n’importe qui pouvaient les voir traversa son esprit, mais il la balaya : ce n’était pas grave, la nuit les protégeait.
Il détacha en douceur la feuille qui masquait l’entrejambe du Gardien, dévoilant un fin et long pénis nervé qu’il caressa, sans cesser d’embrasser l’homme-arbre.

samedi 22 septembre 2018

Un Chevalier au XXIème siècle, Remplacement Standard, Si Cendrillon était un homme et 7 autres contes sont disponibles en livres

Remplacement Standard 
au prix de 8,60€ pour 233 pages dont 3 bonus inédites
Un Chevalier au XXIème siècle
au prix de 8,53€ pour 196 pages dont 2 bonus inédites
Si Cendrillon était un homme et 7 autres contes
au prix de 8,53€ pour 196 pages avec des suites inédites pour Blanc-Neige et Le Beau & La Bête
sont désormais disponibles à l'achat sur Thebookedition 

https://www.thebookedition.com/fr/remplacement-standard-p-358640.html#summaryhttps://www.thebookedition.com/fr/un-chevalier-au-xxieme-siecle-p-358703.htmlhttps://www.thebookedition.com/fr/si-cendrillon-etait-un-homme-p-358642.html

Résumé de Remplacement Standard :
Pères surbookés, mères débordées... Pas de panique ! On vous fournit un remplaçant pour vous donner le temps de souffler !   Jonas qui n'a pas été prévenu par son épouse n'accueille pas à bras ouverts Ethan qui a été envoyé pour prendre sa place et s'occuper de leurs trois enfants.

Résumé de Un Chevalier au XXIème siècle :
Tim a un physique de crevette. Il n'a pas caché qu'il était gay dans son lycée. Trois affreux font de sa vie en enfer. Tim est désespéré, mais une visite au musée va tout changer.

Résumé de Si Cendrillon était un homme et 7 autres contes
Voici une série de contes revisités avec des couples d'hommes. 
Redécouvrez Cendrillon, Le Beau et la Bête, Blanc-Neige, Le Beau au Bois Dormant, Le Petit Triton, Le Prince au Petit Pois, Le Petit Chaperon Rouge et Raiponce soit 8 contes avec en bonus des suites au Beau et La Bête, Blanc-Neige, au Petit Chaperon Rouge parce que dans les contes comme dans la vie, rien n'est jamais vraiment fini !

mercredi 19 septembre 2018

Désolée...

Il n'y aura pas d'épisode aujourd'hui. La rentrée est difficile.
Et aussi, pour être honnête, après avoir lu plein d'excellentes histoires d'amours entre hommes et terminé de corriger Le Chevalier au XXIème, Remplacement Standard et Si Cendrillon était un homme et autres contes, j'ai le sentiment d'écrire mal. 
J'essayerai de mettre la suite de Bienvenue à Versélia lundi 24. Et d'ici vendredi, les trois livres nommés ci-dessus devraient être disponibles à la vente. Je vous préviendrai.

mardi 18 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 54

Le suceur commença par redonner espoir à la dryade en mentionnant le nouveau médicament en cours de conception suite au rassemblement des soigneurs avant de la questionner.
— Avez-vous remarqué quelque chose d’inhabituel le jour où vous avez ressenti les premiers symptômes de la maladie ?
La dryade réfléchit longuement.
— Une odeur inusuelle, un bruit étrange, n’importe quoi ? la pressa Saphir.
— Laisse lui le temps, répliqua Sergeï.
— Oh, ça va, hein… grommela Saphir.
Ils n’étaient pas prêts de faire la paix à ce rythme…
La malade répondit par la négative.
— Et quelques jours avant, si on compte un délai d’incubation ?
Nouveau temps de réflexion suivi d’un non.
— Pourriez-vous nous raconter ce dont vous vous souvenez de cette période ?
Le suceur, après cette excellente question, prit des notes sur une tablette de cire. Il y avait là un côté très antique.
Grégoire ne vit rien dans les dires de la dryade qui put les aider, mais Sergeï, lui, parut satisfait.
Il la remercia. Elle fit de même. Elle était en manque de compagnie depuis qu’elle était malade et ils s’en allèrent.
Le suceur qui avait une idée, mais besoin de calme pour qu’elle se transforme en piste viable, les abandonna en cours de route, laissant à Saphir le soin de raccompagner Grégoire.
— J’espère que vous vous réconcilierez vite, Sergeï et toi.
Le fée lui jeta un regard étonné.
— Nous ne sommes pas fâchés.
— Mais vos derniers échanges…
— Ah, ça, c’était à cause de la proximité des marécages. Cela a tendance à irriter.
Grégoire aurait aimé être prévenu, même s’il n’avait apparemment pas été affecté. Versélia était un monde bien mystérieux sur lequel il avait encore beaucoup à découvrir et apprendre.
Revenus auprès du Gardien, le fée se chargea de rapporter leur échange avec la dryade et s’attarda au grand dam de Grégoire qui aurait voulu être en seul à seul avec le grand arbre. Le Gardien persistait à se montrer peu réactif.
La nuit tombait quand Saphir se décida enfin à partir.
Le Gardien se transforma sur-le-champ. Sur son bras droit, il avait une profonde entaille qui ressortait même sur sa peau craquelée. Grégoire en éprouva aussitôt un cuisant remord.

lundi 17 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 53

Grégoire n’était pas très à l’aise avec ses oreilles et sa queue, mais c’était un faible prix à payer pour pouvoir accompagner le fée et le suceur. Il n’était néanmoins pas certains que le déguisement soit suffisant pour éviter les ennuis. Mais ce qui le tourmentait, c’était surtout l’attitude du Gardien avant leur départ.
Comme il était préoccupé, il ne se joignit guère à la conversation de Sergeï et Saphir.
La marche à travers la forêt fut longue et sans incident, ce qui était aussi bien.
Ils finirent par arriver en bordure de la partie printanière. L’ensoleillement et la verdure diminua pour laisser place à des branches dénudées. Il ne faisait en revanche pas froid comme dans les forêts d’hiver ou d’automne. L’ambiance n’était pas la même non plus, elle avait quelque chose de pesant.
— Nous sommes presque dans les marécages, annonça Sergei.
— Cela n’a rien de surprenant. A tous les coups, c’est un habitant du coin qui est à l’origine de cette maladie, maugréa Saphir en ayant un petit frisson qui était forcément de peur, les fées étant insensibles au froid.
Sergeï ne parut pas goûter à ce jugement.
— Nous n’en savons encore rien. Je ne te croyais pas du genre à mettre tout le monde dans le même sac.
— Hé ! Ce n’est pas le cas puisque je te fréquente alors que tu vis dans la montagne, tout près de cette zone boueuse ! se récria Saphir.
Cette remarque n’adoucit en rien Sergeï. Grégoire n’osa pas s’emmêler.
Le paysage s’était assombri et l’humeur du groupe aussi.
Ils arrivèrent heureusement à destination, auprès d’un arbre, certes pas aussi impressionnant que le Gardien, mais tout de même de bonne taille. Il avait l’air malade avec ses feuilles rachitiques et roussies. Une silhouette décharnée se détacha du tronc, celle d’une femme à la peau marron et à la respiration saccadée. C’était une dryade.
Sergeï exposa la raison de leur venue tandis que la pauvre créature crachait ses poumons.
La réponse de la dryade fut entrecoupée de quinte de toux.
— Je serais donc la première à avoir attrapé cette horreur… Je ne sais encore combien de temps je vais y résister... Jusque là les remèdes du soigneur que j’ai consulté ne m’ont guère apporté de soulagement et mon pauvre arbre souffre avec moi… Je suis bien lasse…

vendredi 14 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 52

Les dents de Sergeï s’allongèrent et il les planta dans la chair de Grégoire. Contrairement à la première fois, il but peu.
— Tu as un petit goût de sève désormais, statua le suceur en s’humectant les lèvres. Ce qui me fait penser que Saphir m’a dit que les félicitations étaient de mises pour toi et le Gardien. J’ai d’ailleurs un modeste cadeau.
Il sortit d’un repli de sa peau de bête une minuscule bouteille emplie d’un liquide transparent.
— Cela se boit ? s’enquit Grégoire.
— Non, c’est pour que cela glisse bien, répondit Sergeï.
Grégoire s’empourpra. Du lubrifiant.
Sa relation avec le Gardien n’avait décidément rien de tabou pour les Verséliens. Il n’avait même pas eu à se défendre en révélant que l’arbre était capable de se transformer en humain. Chez lui, il aurait été jugé bon pour suivre une thérapie.
Grégoire chassa cette déprimante pensée et préféra changer de sujet.
— Puis-je vous accompagner dans votre visite au patient zéro ?
Grégoire s’attendait à une objection de la part du Gardien qui, depuis la lapidation n’aimait pas qu’il sorte de sa zone de protection, mais l’arbre ne s’emmêla pas. Il s’était contenté de se réjouir des résultats positifs de la réunion.
— Oui, bien sûr, répondit Sergeï.
— Si c’est le cas, ce serait bien que tu te déguises, car je ne tiens pas à être réduit en charpie par une horde de fous furieux !
Grégoire accepta.
Il faillit renoncer en voyant le bandeau à oreilles tombantes et la ceinture sur laquelle était cousue une queue touffue que le fée ramena un peu plus tard, mais finalement se décida à les mettre.
Il se refusait à ce que ses amis fassent tout le travail d’enquête pendant que lui-même se prélassait aux côtés du Gardien.
— Oh ! Tu es trop mignon ! s’extasia Saphir.
Il aurait eu un appareil photographique, il aurait  à tous les coups tenu à immortaliser l’instant.
— Très appétissant, enchérit Sergeï.
Le grand arbre ne le complimenta pas.
Grégoire lui donna un léger coup de coude. Le Gardien était vraiment trop silencieux depuis tout à l’heure.
— Les mots me manquent, lâcha le Gardien d’une voix plus profonde que jamais.
Grégoire ne put savoir ce qu’il entendait par là, car Saphir et Sergeï le poussèrent à se mettre en route.

jeudi 13 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 51

— Je crois que j’ai trouvé ma vocation, déclara Grégoire.
— Oui, le rôle de médiateur te conviendrait bien.
— Encore faudrait-il que je ne sois plus considéré comme un pestiféré.
Mais il était supposé rentrer chez lui et c’était un métier qu’il pouvait exercer dans son monde, là où le Gardien n’était pas.
— Je suis certain que la réunion qui a lieu est en train d’arranger ta réputation, même s’il faudra sûrement un moment pour que les gens cessent d’accorder crédit à la rumeur.
— Oui...
Grégoire n’aurait peut-être pas l’occasion d’en profiter. Savoir ce qu’il voulait faire était un pas pour se trouver, ce qui lui ouvrirait les portes de Versélia.
— Je sens que tu aurais besoin que je me transforme, mais cela m’est impossible. Il me faut le temps de guérir.
Grégoire avait eu raison de ne pas vouloir que Zarn touche au Gardien.
Il aurait dû refuser le sacrifice de l’arbre. Il ne le méritait pas, pas alors qu’il n’était pas encore décidé à rester à Versélia.
Grégoire dormit peu et mal, non pas parce que son perchoir était inconfortable, mais parce que sa conscience le tourmentait et qu’il s’inquiétait du déroulement de la réunion.
Aucun incident ne se produisit  durant la nuit et au matin, Saphir et le suceur vinrent leur rapporter ce qui s’était passé.
Le suceur vola la parole au fée qui s’égarait dans ses considérations inutiles sur le caractère exceptionnel de l’assemblée des soigneurs :
— Vulkain a posé les questions que je lui avais donné. Il semblerait que la maladie ne soit pas naturelle, mais fabriquée. Elle se transmettrait bien par voie aérienne, mais non de personne en personne. Les soigneurs, en recoupant leurs informations et leurs connaissances devraient être en mesure de mettre au point un médicament. J’ai également réussi à déterminer qui était le patient zéro, ce qui nous devrait permettre d’en apprendre davantage.
— C’est génial ! s’écria Grégoire, profondément soulagé de ne pas être coupable. Je ne sais comment te remercier…
— Mon enquête est loin d’être finie, mais si tu tiens à me récompenser, je n’aurais rien contre me désaltérer avec ton délicieux sang.
Sergeï méritait bien cela et l’opération n’était pas désagréable.
Grégoire, après un regard gêné au Gardien, dégagea son cou.

mercredi 12 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 50

Grégoire redescendit et remercia Zarn qui rassembla ses affaires et repartit après avoir agité la main en guise d’au revoir. Galway s’en alla dans la foulée.
Les deux fées demeurèrent avec Grégoire. Elles lui suggèrent de se laver. Il n’en avait pas eu encore l’occasion et il puait la fumée et la sueur.
Comme il était hors de question de se rendre aux bains du lac où des verséliens belliqueux pourraient l’attaquer, Grégoire opta pour la rivière.
Les deux fées, à son grand dam, décidèrent de l’accompagner. Ne souhaitant ni paraître ingrat ou trop prude, il ne protesta pas.
Le Gardien, lui, manifesta que cela ne lui plaisait guère – il soupçonnait Saphir de vouoir se rincer l’œil – avant de déclarer qu’il était sans doute plus prudent que Grégoire ne soit pas seul.
A la rivière, Neegr les accueillit avec un sourire et des questions.
Grégoire put exprimer sa reconnaissance pour son aide et présenta les fées au naïade. L’entente fut immédiate.
Il profita qu’ils conversaient avec animation pour se déshabiller à la hâte et s’immergea dans l’eau où il mit à profit le savon que Crystal avait pensé à apporter.
Les deux fées l’escortèrent jusqu’au Gardien, puis s’en allèrent. Saphir avait l’intention d’assister discrètement à la réunion des soigneurs tandis que Crystal, elle, comptait regagner son nuage. Grégoire aurait bien imité le fée aux cheveux bleus, s’il n’avait craint d’être repéré et tué d’une façon ou d’une autre.
Du sol, pour un œil non averti, l’abri était invisible, ce qui n’empêcha pas Grégoire, une fois qu’il eut grimpé dedans de suggérer des tours de veille au Gardien, que ce dernier accepta volontiers.
Avant que Grégoire ne s’endorme, l’arbre ayant offert de se charger des premières heures de garde, ils parlèrent.
— Je ne comprends pas qu’on s’en prenne à moi de la sorte, sans même discuter. Leurs suggestions que je retourne de là où je viens ne comptent pas. Après, je ne les blâme pas d’avoir paniqué, mais…
Il s’interrompit. Lapider quelqu’un ou le brûler vif étaient définitivement des mesures extrêmes.
Il reprit :
— Ce qu’il aurait fallu, c’est quelqu’un qui fasse office d’intermédiaire, un négociateur qui prenne en compte toutes les parties.
— Cela aurait été bien, oui. En tant que figure d’autorité, Vulkain doit souvent se charger de résoudre les conflits. Ton cas est cependant très complexe et montre surtout le danger des rumeurs.
— Il n’y a pas de médiateur professionnel à Versélia ?
— Non.
Grégoire sut alors que c’était ça qu’il voulait faire.
Vulkain était boulanger. Façonner du pain était ce qu’il aimait. Régler des contentieux devait plus l’ennuyer qu’autre chose.

mardi 11 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 49

— C’est le Gardien qui t’as aidé quand tu étais tout excité par ma faute, n’est-ce pas ? demanda  Saphir.
Ce n’était certes pas le moment d’en discuter. Par souci de simplicité, Grégoire acquiesça.
Indifférent à ce que subissait le Gardien et au malaise de Grégoire, le fée continua sur sa lancée :
— C’est donc grâce à moi que vous êtes un couple…
Ils n’avaient formalisé leur relation d’aucune façon, mais Grégoire ne le contredit pas.
— Écartez-vous ! cria Zarn.
La branche allait bientôt tomber.
Grégoire s’éloigna du Gardien à contrecœur, laissant Saphir se congratuler.
Il y eut un craquement sinistre et ce fut terminé.
Grégoire se précipita vers le grand arbre.
— Ça va ? demanda-t-il d’une voix étranglée.
— Oui. Ne t’en fais pas.
Zarn alla récupérer du matériel dans sa charrette et noua des cordes à des rondins taillés.
L’opération achevée, il attrapa Grégoire par le poignet et le tira avec douceur et fermeté à bonne distance du Gardien.
Il préférait apparemment avoir le champ-libre pour éviter sans doute les accidents.
Grégoire ne se laissa pas distraire par le bavardage de Saphir et ne perdit pas une miette des gestes du géant.
Zarn travailla jusque tard dans l’après-midi, moment où Crystal réapparut perchée sur la croupe de Galway qui portait des couvertures roulées et un sac en tissu qui se révéla contenir plusieurs vêtements cousus par Rufus.
— Comment a-t-il pu me reconstituer une garde -robe si vite ! s’écria Grégoire.
— Il a perdu une bonne partie de sa clientèle, alors il a du temps, expliqua Crystal.
Grégoire pâlit. Il savait que c’était à cause de lui.
Il ne pouvait toutefois se laisser aller à la tristesse alors qu’il avait tout un groupe d’amis qui le soutenait, le centaure jaloux compris.
Zarn invita Grégoire à découvrir son abri perché en secouant la corde munie de nœuds.
Heureusement que Grégoire avait toujours été bon à cet exercice en cours de sport et n’était pas sujet au vertige.
Saphir et Crystal qui n’avaient certes pas besoin de la corde montèrent à ses côtés en volant.
Ils parvinrent ensemble à une étroite plate-forme sur laquelle avait été bâtie une minuscule cabane où il y avait juste assez d’espace pour se coucher. Cela avait tout d’un petit nid et cela ne déparait en rien le Gardien.

lundi 10 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 48

En fin de matinée, Zarn, tirant sa charrette, apparut, précédé du fée.
— Je lui ai détaillé ton nouveau projet d’habitation, dit Saphir. Il va regarder si c’est possible de t’installer quelque chose et se mettre à l’ouvrage de suite.
Grégoire devina que le fée supputait tout cela, car comme d’habitude, le géant n’avait guère dû aligner plus de trois mots.
Zarn grimpa avec agilité dans le Gardien et redescendit avec tout autant d’aisance.
— Une branche à couper.
Grégoire frémit. Cela revenait à amputer un des membres.
— Je renonce.
— Non, c’est bon, contra le Gardien.
— Mais tu vas souffrir, s’insurgea Grégoire
Saphir lui lança un regard surpris.
— Tu parles au Gardien et il te répond ? Tu l’entends vraiment ?
— Oui, depuis la feufleur.
L’aphrodisiaque et ses conséquences avaient également joué leurs rôles, mais c’était trop embarrassant et Saphir risquait d’en tirer la conclusion erronée qu’il avait bien fait.
— Moi aussi, j’en ai senti une, pourtant !
Le fée vint coller son oreiller au tronc et toqua comme s’il avait été à une porte.
Le Gardien grommela.
Saphir persista.
Grégroire préféra jouer les interprètes.
— Tu le déranges.
Le fée aux cheveux bleus abandonna enfin.
— Si j’étais à ta place, je lui ferais dire n’importe quoi à cette vieille branche.
Le grand arbre émit un grognement désabusé et sans plus se préoccuper du fée, insista auprès de Grégoire pour qu’il laisse Zarn opérer.
— Je sais qu’il se servira de mon bois à bon escient, ajouta-t-il comme argument supplémentaire.
Grégoire n’était pas convaincu et il aurait très bien pu ignorer la volonté du Gardien – personne d’autre que lui ne l’entendait, mais il choisit de la respecter. Il n’avait pas le droit de censurer l’arbre, n’en déplaise à Saphir.
Il transmit donc l’autorisation du Gardien au géant qui monta à nouveau à l’arbre, une scie à la lame dentelée accrochée à son dos.
Grégoire se colla au tronc du Gardien, autant pour le soutenir dans cette épreuve qu’être réconforté.
Jamais le bruit du bois qu’on coupe ne lui avait paru aussi détestable.
Le Gardien demeura silencieux jusqu’à ce qu’une plainte sourde lui échappe.
Grégoire se mordit la lèvre jusqu’au sang, pressant ses paumes avec davantage de force contre l’écorce.

vendredi 7 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 47

— Zarn ne va pas apprécier que son travail soit parti en fumée, lança Crystal.
Grégoire n’en doutait pas et si le Gardien ne lui avait pas suggéré de faire appel à lui pour un abri perché, il n’aurait pas osé.
— Pareil pour Rufus et ses créations, commenta Saphir. Nous venions t’annoncer une bonne nouvelle.
— Et vu ce qui s’est produit, je dirais même qu’elle est excellente, enchérit Crystal.
— La réunion des soigneurs aura lieu demain soir au centre de Versélia.
Grégoire tâcha de se réjouir, excepté que ce qu’il aurait voulu, c’était être blanchi, ou mieux encore, qu’un médicament guérissant cette sinistre maladie ait été mis au point.
C’était tout de même un pas dans la bonne direction.
Saphir se porta volontaire pour informer Zarn et Crystal se chargea de Rufus.
Après leur départ, Grégoire s’adressa au Gardien :
— Même si Zarn accepte, je ne suis pas sûr qu’habiter dans tes branches soit prudent. Si ceux qui veulent me voir ma mort décident de te brûler pour se débarrasser de moi...
Ce n’était pas un manque de confiance dans la puissance du Gardien, Grégoire ne s’était juste pas remis de sa peur que le grand arbre soit dévoré par les flammes.
— Je crains le feu, mais je sais me défendre et je suis respecté.
— Mais la plupart des verséliens considèrent que tu es éteint. Pourquoi ne te transformes-tu pas pour communiquer avec eux et leur montrer que tu es bien vivant ?
— Ce n’est pas possible. C’est un cadeau qui t’est réservé.
Grégoire ne comprenait pas.
— Il n’y a que moi qui peux te voir en homme ?
— Oui. Ce n’est cependant pas grave, si par mégarde quelqu’un d’autre m’aperçoit et tu peux dire aux autres que je me métamorphose.
L’aspect miraculeux de la transformation du Gardien n’avait jamais échappé à Grégoire, mais il saisissait à quel point elle l’était.
— Si tu étais tombé amoureux, par exemple d’un centaure, est-ce que tu aurais adopté les traits de son espèce ?
— C’est probable, oui.
Grégoire tenta d’imaginer à quoi aurait ressemblé le Gardien, puis renonça. Les choses étaient comme elles étaient.

jeudi 6 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 46

Un peu comme un chat, il frotta sa joue contre l’écorce rugueuse et se mit en quête du lutin. Le repérer dans l’herbe mouillée lui prit un moment.
Il le ramassa. Le petit homme tout de violet vêtu tenait dans sa main gauche. De son index droit,  il toucha son pouls. Il ne savait trop comment le ranimer. Il allait s’en enquérir auprès du Gardien quand les minuscules paupières du lutin papillotèrent avant de demeurer tout à fait ouvertes.
Le petit homme se dressa d’un geste vif et, portant la main à sa tête, il demanda :
— Le feu ?
— Il est éteint.
— Il était impossible de le dompter. Il ne voulait pas m’écouter. Pas plus que mes camarades d’ailleurs. La peur de la maladie les effrayait plus que l’incendie qui aurait pu ravager la moitié de Versélia si personne n’avait daigné lever le petit doigt.
Le lutin était rouge de colère. Ce ne devait pas être bon pour lui alors qu’il venait tout juste de reprendre conscience.
— Merci d’être intervenu, déclara Grégoire. Grâce à cela, j’ai eu le temps de ramener de l’eau jusqu’ici.
— Oh, je ne l’ai pas fait pour vous !
Le lutin ne manquait certes pas de caractère.
— Voulez-vous que je vous ramène chez vous ?
— Non, c’est bon. Posez moi plutôt à terre, l’échalas, au lieu de me garder en otage.
Il n’avait pas la langue dans sa poche non plus.
Grégoire se pencha et baissa sa main vers le sol.
Le lutin se laissa glisser en bougonnant et commença à s’éloigner avec autant de rapidité qu’un escargot, puis se retourna.
— Je m’appelle Cayan ! lança-t-il et il reprit son chemin.
Quel drôle de personnage !
Grégoire n’insista pas pour le raccompagner. Ses propres jambes ne le portaient plus qu’avec peine. Il alla se pelotonner sans mot dire dans les racines du Gardien où il s’endormit d’épuisement.

— Ohé !
— Mais que s’est-il donc passé ici ?
Les voix de Saphir et de Crystal.
Grégoire ouvrit les yeux. Les deux fées voletaient face à lui.
Il leur servit un récit court et factuel, autrement, il n’aurait pu se retenir de trembler. C’était l’expérience la plus traumatique qu’il ait jamais vécu, juste après la lapidation. Avant cela, cela avait été son réveil à Versélia qui n’avait pas été si terrible en comparaison.
En attendant, il avait une fois de plus tout perdu et comme à son arrivée, il n’avait plus à lui que ce qu’il avait sur le dos.

mercredi 5 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 45

Une éternité plus tard, il grimpa sur la rive, se planta devant Grégoire, lui agrippa les mains avec force et l’embrassa d’une façon qui n’avait rien de passionnel.
— Voilà, l’eau de la rivière te suivra. File.
Grégoire ne le questionna pas, ne le remercia pas, ne se demanda pas même comment c’était possible et repartit dans l’autre sens, n’accordant qu’un unique coup d’œil pour s’assurer que c’était bon. Oui, de grands jets courbés sautaient derrière lui.
C’est hors d’haleine que Grégoire parvint au feu dansant. Sa cabane n’était plus qu’une carcasse noire calcinée. De façon aussi curieuse que rassurante, les flammes n’avaient que peu progressé dans l’herbe qu’elles léchaient paresseusement et entre elles et le Gardien, un déblais de terre s’était levé.
Grégoire resta interdit et indécis, mais l’eau qui l’accompagnait, elle, s’attaqua à l’incendie et l’éteignit, s’évaporant dans le processus.
Grégoire, d’une démarche chancelante, les oreilles bourdonnantes, rejoignit le Gardien et se plaqua contre son tronc qu’il tenta d’enlacer, ce qui était impossible vu son épaisseur.
— Je n’ai rien, déclara l’arbre Et toi non plus heureusement. Je suis désolé de n’avoir su prévenir cette nouvelle attaque.
Grégoire coupa court à ses excuses.
— Ce n’est pas de ta faute. Ceux qui ont commis cet acte sont aussi stupides que criminels.
— C’est vrai, mais demain, le mieux est que tu tu envoies Saphir chercher Zarn afin qu’il te construise un abri perché dans mes branches.
— Que deviendra-t-il quand tu te transformes ?
— La même chose qu’avec les nids d’oiseaux et mes racines, ils seront avec moi sans y être.
L’arbre changea brusquement de sujet :
— J’aime quand tu te tiens collé à moi de la sorte, que tu sembles vouloir te glisser sous mon écorce… Mais il faudrait que tu ailles t’occuper du lutin venu calmer les flammes. Il s’est évanouit. Je ne peux pour ma part l’aider, j’ai épuisé toute mon énergie en soulevant la terre.
En d’autres termes, il lui était impossible de se transformer pour le moment. C’était autrement un rappel que chaque versélien avait une affinité particulière avec un élément.
Grégoire se détacha avec réticence, même s’il éprouvait un soupçon d’embarras face à la manière dont il se pressait contre l’arbre. Ce n’était pas naturel d’agir de la sorte, mais tout était différent à Versélia.

mardi 4 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 44

Grégoire s’attarda comme d’habitude auprès du grand arbre, espérant au fond de lui qu’il ferait le premier pas en se transformant ou en évoquant ce qui s’était passé entre eux, mais le Gardien était surtout inquiet pour sa sécurité. Il craignait que d’autres verséliens ne s’en prennent à lui.
Grégoire partit finalement se coucher dans sa cabane.
Une odeur âcre, une chaleur vive et une lumière orangée l’arrachèrent au sommeil. Son logis brûlait.
Mal réveillé, étouffant à moitié à cause de la fumée et de la panique, il constata que l’accès à la porte lui était bloqué, mais pas encore celui de la fenêtre dont le volet était fermé.
Il se précipita et le poussa. Ce dernier ne s’ouvrit pas. Il était bloqué. Grégoire ne voulait pas mourir brûlé vif. Il s’acharna avec l’énergie du désespoir et enfin le battant céda dans un craquement sinistre. Il bondit dehors, à l’air libre, en toussant comme un forcené.
La vision de la cabane en feu l’hypnotisa un instant avant qu’il ne réalise que la végétation autour, se mettait elle aussi à brûler. Ceux qui avait décidé de le carboniser n’avaient sans doute pas réfléchi au terrible incendie qu’ils allaient déclencher.
Vu le sens du vent, les flammes finiraient par atteindre le Gardien.
Il était bizarre que le grand arbre ne l’ait pas alerté, peut-être dormait-il, à moins qu’il n’ait rien vu, le feu ayant débuté de l’autre côté. En tout les cas, il ne s’était pas transformé pour fuir  et risquait d’être réduit en cendre. Grégoire se força à se secouer. C’était son tour de le sauver.
Pour éteindre les flammes, il fallait de l’eau, beaucoup d’eau.
Il courut à la rivière, en tentant de rameuter au monde en criant au feu, mais aucun versélien ne répondit à son appel.
A la rivière, il eut la bonne surprise de voir Neegr émerger. Le naïade n’accordait à priori pas crédit à la sinistre rumeur sur son compte.
Grégoire, essoufflé et haletant, l’informa du danger qu’encourait le Gardien, les flammes qui se propageaient, voraces.
— Attends, je reviens, dit Neegr.
Il plongea.
Grégoire, le ventre noué, resta les yeux fixés là où le naïade avait disparu.

lundi 3 septembre 2018

Bienvenue à Versélia - 43

— Je suis volontaire pour interroger les soigneurs, annonça Saphir. Et sûrement pourrais-je convaincre Crystal de faire de même.
Le Gardien intervint, au seul bénéfice de Grégoire, les autres n’étant pas en mesure de l’entendre.
— Vulkain acceptera aussi de questionner les soigneurs. Il arrivera même sûrement à les obliger à se réunir pour faciliter le processus.
Grégoire émit une protestation indistincte à laquelle Saphire et le suceur, trop occupés à faire des plans, ne prêtèrent attention.
Le Gardien reprit :
— Il ne le ferait pas uniquement pour ta délicieuse personne, mais parce que la maladie prend de l’ampleur et que Vulkain en tant que maître des quatre éléments a des responsabilités.
Grégoire transmit l’idée de l’arbre aux deux autres qui la trouvèrent excellente. Ils s’empressèrent de rendre visite au dragon qui promit d’organiser un rassemblement dans les plus brefs délais.
Grégoire passa autrement une journée désœuvrée à causer avec le Gardien. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il aurait été plus simple de repartir dans son monde, tout en se rendant compte que la maladie ne disparaîtrait pas avec lui, même s’il en était la cause. Il savait également désormais qu’il lasserait derrière une part de lui. Le Gardien n’était pas juste un arbre, c’était un être adorable capable d’adopter des traits humains plus que séduisants. Parler avec lui était un bonheur et les silences entre eux étaient confortables. Ils étaient l’occasion d’écouter la nature bruissante qui les entourait. Quand le Gardien l’embrassait, c’était doux et plein de promesses.
Grégoire aurait aimé d’autres baisers, mais il ne voulait pas lui demander de se transformer, il n’osait pas débuter leur relation en cette période troublée.
La veille, il avait frôlé la mort et réalisé ses sentiments, mais se montrer au franc et direct en plein jour, exigeait plus de courage qu’il n’en avait.
En fin d’après-midi, un cri guttural déchira le ciel qui s’embrasa comme au coucher du soleil.
Grégoire sursauta, effrayé.
— C’est Vulkain, expliqua le Gardien. Il rappelle sa puissance de façon à ce que nul soigneur n’ignore sa demande de réunion. Il a déjà dû demander aux fées de leur porter des messages et peut-être même aux centaures de la société de transports d’aller en chercher certains.