lundi 31 mars 2014

Le garçon fée - 179

– Répète-moi ça.
– J'ai fait de la sorcellerie. Juste une fois, murmura Zibulinion.
– Les fées ne peuvent pas faire de la sorcellerie, ce n'est même pas interdit, c'est juste impossible. Du moins, je le croyais. Et tu as réussi ?
– Oui. Je suis parvenu à transformer la chouette dans un sens, puis dans l'autre. La sorcellerie ressemble furieusement à la féerie. Je pense que toutes les fées, si elles le souhaitaient,  pourraient en faire.
– Ne compte pas sur moi pour essayer et vérifier ! Trop tabou à mon goût ! En attendant, tu es une énigme à toi tout seul. Tu sembles capable de tout...
– Relhnad aussi dit ça...
– Le professeur de sorts ? C'est lui qui a repéré le premier ta puissance magique, n'est-ce pas ?
C'était aussi lui qui lui avait permis de faire de la magie tout court, de déployer véritablement ses ailes, lui qui avait affirmé que l'adolescent était beau...
Zibulinion acquiesça en rougissant, espérant que le rendez-vous  avec Relhnad se passerait bien. A lui, il ne lui avait pas encore avoué son expérience de la sorcellerie... Waltharan, Dame Nature soit louée, n'était pas aussi catastrophé qu'il l'avait imaginé.
– Tu as encore des choses à me révéler ?
Zibulinion hésita. Le fée des plantes ne fut pas dupe.
– Allez, crache le morceau.
– Je suis amoureux de Relhnad.
– Ça, je l'avais plus ou moins deviné. Tu as tendance à t'empourprer quand son nom vient dans la conversation.
Être aussi transparent était terriblement gênant.
– Tu crois que d'autres personnes l'ont remarqué ?
– Tu ne bavardes pas avec des tonnes de gens. Mon pauvre, tu te payes encore un amour à sens unique.
– Peut-être... Mais Dalynaida, c'était lui.
Waltharan secoua la tête.
– Avec tout ce que tu viens me raconter, je suis tenté de croire que tu es devenu fou. Mais admettons. Pourquoi aurait-il fait ça ?
Zibulinion se rappela alors d'une autre chose qu'il avait gardé pour lui : sa première fois avec Neyenje.
– C'est compliqué.
– Ah non ! Maintenant que tu as commencé, tu dois aller jusqu'au bout!
Se décharger de tous ses secrets était effrayant, mais libérateur, aussi, d'une voix extrêmement basse - ils étaient dans la rue quand même - Zibulinion avoua tout.
– Laisse-moi résumer... Tu as couché à la bibliothèque entre deux rayonnages avec Neyenje, coureur de jupons dont la réputation n'est plus à faire, Relhnad a deviné quelque chose, a voulu en savoir plus et a pris une fausse identité pour ça, parce qu'il t'aime lui aussi. C'est du pur délire ! En même temps, ça ne s'invente pas...
– Je n'y pas crois pas non plus, soupira Zibulinion.
Waltharan lui adressa un sourire.
– Tu as encore des révélations à faire ?
– Non, plus aucune.
Le fée des plantes savait les grandes lignes,  restait juste les détails qui, eux, faisaient partis des fleurs de son jardin secret.

vendredi 28 mars 2014

Le garçon fée - 178

Le jour de son rendez-vous avec Waltharan, Zibulinion était sur les nerfs. Comme c'était la première fois qu'il voyait le fée des plantes à l'extérieur, il eut du mal à le reconnaître sans ses ailes, avec son banal jeans et sa veste.
Waltharan avait choisi comme lieu de rendez-vous un fleuriste. Plutôt qu'ils fassent un tour dans la boutique, Zibulinion suggéra qu'ils déambulent sans but.
Dès qu'il se fut assuré qu'il n'y avait personne autour d'eux, il trouva en lui le courage d'aborder le sujet d'Aurobika.
– L'année prochaine, je serais à Valeaige sans y être...
– Ce qui veut dire...?
– Je serais sous une illusion en permanence.
– Ordre de la directrice ? Comme à Daroilak ?
Zibulinion hocha la tête et ajouta :
– Normalement, je ne devrais pas t'en parler.
– Le contraire eût été étonnant. C'est mystérieux quand même qu'elle t'oblige à tout ça. Et ta mère, elle en pense quoi ?
– Elle n'en sait rien.
– Même si Validocielle est directrice d'école et membre du Comité, je me demande si elle a le droit... A moins que tu ne sois volontaire ?
– Mais non ! Noinilubiza m'a servi de leçon.
Waltharan eut une moue dubitative. Il n'avait pas l'air de lui avoir complètement pardonné cette tromperie, mais au moins il ne l'avait pas jugé de suite coupable de ce qui lui arrivait.
– Je serais ton ami qu'elle que soit ton apparence.
Zibulinion se sentit respirer plus librement à cette affirmation. Peu importe les griefs qui restaient à Waltharan s'ils ne remettaient pas en cause leur amitié.
– Merci.
– Entre les problèmes que tu as et ceux que tu vas chercher, tu es toujours jusqu'au cou dans les ennuis... Enfin, du moment que tu ne me fais pas de cachotteries, tout me va.
L'air manqua à nouveau à Zibulinion. Des secrets pour le fée des plantes, il en avait encore des tas : sa correspondance avec Antenhyo, son expérience avec la sorcellerie, sa  triple spécialité, la vérité sur Dalynaida, son amour pour Relhnad...
Tout révéler, c'était risquer de le perdre, mais tout garder pour lui signait de toute façon à terme la destruction de leur amitié. Son manque d'honnêteté avait déjà bien failli tout détruire entre eux.
– J'ai le droit à un jardin secret, non ? demanda Zibulinion, espérant pouvoir ainsi s'en sortir.
Waltharan lui jeta un drôle de regard et s'exclama :
– Je savais bien que tu n'avais pas vidé tout ton sac ! Tu peux me faire confiance pourtant !
Zibulinion choisit de commencer par le moins compromettant : le fait qu'il était des bois, des plantes et des rêves.
Waltharan y réagit bien et le crut sans mal. Il avait déjà constaté son affinité avec les plantes, le savait inscrit dans les bois et cela collait avec l'intérêt que portait la directrice à l'adolescent.
Zibulinion enchaîna avec sa correspondance avec Antenhyo. Waltharan étant déjà au courant de sa bonne relation avec le sorcier mal peigné, il ne prit pas mal la chose.
– J'espère pour toi que personne ne tombera sur le corbeau messager.
Zibulinion hésita à poursuivre ses révélations et tâta le terrain avant de se lancer :
– Tu as déjà remarqué à quel point féérie et sorcellerie sont proches ?
– Les sorcières et les fées sont aussi différentes que la nuit et le jour.
– Je nie pas, mais les principes qui régissent nos magies sont similaires.
– Où veux-tu en venir ?
– J'ai métamorphosé une chouette en crapaud avec un sortilège que m'a appris Antenhyo.
Voilà, il l'avait dit.
Waltharan l'attrapa par le bras et s'immobilisa sur le trottoir, obligeant Zibulinion à faire de même.

jeudi 27 mars 2014

Le garçon fée - 177


A l'appartement, Alysielle accueillit Rozélita sans daigner accorder un regard à Zibulinion.
L'adolescent gagna en vitesse sa chambre. Il demanderait plus tard à sa petite sœur comment s'était déroulée sa chasse au trésor. Il hésita à déballer son sac - était-ce bien utile pour une semaine ? - et s'attela finalement à la tâche. Il tomba sur l'avion en papier et le huma en serrant la lune accrochée à son cou, cherchant à se persuader qu'il était vraiment aimé en retour par Relhnad. Il songeait à lui, rêveur quand sa mère entra, le faisant sursauter.
– Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il avec nervosité en fourrant l'avion dans un des tiroirs de son bureau.
– Je voulais m'excuser... déclara Alysielle en tordant une de ses longues mèches de cheveux blonds autour de son index.
Zibulinion attendit la suite qui ne vint qu'après un long silence.
– Je n'ai jamais su quoi faire de toi... Validocielle, la directrice de Valeiage semble convaincue que tu es un fée d'exception. Tu seras entre de bonnes mains.
Et pourtant, elle se sentait coupable, sinon, elle ne serait pas là, en train de se justifier. Cela consola un peu Zibublinion de son abandon. Cependant ce n'était pas assez pour qu'il lui pardonne.
Alysielle continua :
– Un enseignement à part te sera profitable. J'ai déjà prévenu ta sœur que tu aurais un tuteur privé et qu'elle risquait de ne plus te voir du tout à l'école, même si tu y serais.
Zibulinion réalisa alors que la directrice n'avait rien dit, même à sa mère sur « Aurobika », et qu'elle l'avait baratinée honteusement sur la nécessité d'une éducation spéciale. Sa mère se serait-elle laissée convaincre si elle avait su toute la vérité ? La crainte que lui dire ne change rien retint Zibulinion. Il se contenterait de la vague culpabilité de sa mère.
– Montre toi gentil avec ta petite sœur avant ton départ, lui recommanda-t-elle.
Comme si elle avait besoin de le lui préciser ! Zibulinion acquiesça néanmoins.

Le lendemain, Rozélita lui fit la tête et Zibulinion eut le plus grand mal à l'amadouer. Elle ne voulait pas entendre que cela ne changerait pas grand chose puisque de toute façon, Alysielle lui avait interdit de lui parler à l'école. Pour leur correspondance, Zibulinion ne savait pas trop comment ils pourraient la continuer et c'était là que le bât blessait le plus. Si Rozélita boudait, Tania, en revanche, était tout sourire. Bientôt son encombrant frère par alliance ne serait plus dans ses jambes, et ce pendant un an. Il n'était en effet plus question que Zibulinion rentre pour les vacances. Valeiage prenait des allures de prison.
Les choses ne déplaisaient pas non plus à Viktor. Il était ravi et même presque aimable avec Zibulinion, ce qui était bizarre et inconfortable vu sa froideur lors de ses derniers séjours. De son côté, Alysielle faisait à chaque repas les plats préférés de l'adolescent.
Dans cette atmosphère étrange, Zibulinion ne savait pas trop sur quel pied danser. Il parvenait à peine à lire. Il était trop préoccupé pour cela et avait presque hâte que cette période de transition soit finie.

mercredi 26 mars 2014

Le garçon fée - 176

Finalement, Zibulinion eut une partenaire de danse. Une seul et unique qui n'était hélas pas Relhnad caché sous une illusion, juste une fée qui avait trouvé drôle de le choisir pour se moquer de lui.
Après, l'adolescent n'eut plus qu'à regarder les autres tournoyer sur la piste. Neyenje s'en donnait à cœur joie, faisant virevolter fille après fille. Cela faisait bizarre de se dire que l'année prochaine, il ne serait plus là à séduire à tout bout de champ.
Folebiol dansait sans se préoccuper de ses partenaires, fixant par dessus leurs épaules Lavicielle qui attendait son tour avec son petit ami. C'était étrange de penser qu'à peine un an plus tôt, il avait tout fait pour que Folebiol danse avec lui et qu'il avait été entraîné à son insu par Relhnad sur la piste.
Waltharan semblait au supplice. Pour lui, ce bal était une corvée. Il enviait d'ailleurs Zibulinion de n'avoir eu qu'une fille sur sa liste. C'était à lui que Zibulibion était le plus tenté de raconter ce qu'exigeait de lui la directrice. Il était déjà au courant de l'existence d'une autre illusion féminine, même s'il n'en connaissait l'apparence... Il serait dans la même année que lui, voir peut-être même dans la même classe. Mais ça rien n'était moins sûr.  Zibulinion n'avait même pas encore décidé quelle spécialité choisir. Continuer avec les bois... Prendre les rêves, la même que Relhnad... Ou bien les plantes.
– Tu fais une très vilaine tapisserie.
Charboige qui avait terminé de danser avait cru bon de venir l'embêter. Lui aussi, il risquait éventuellement d'être dans sa classe... Zibulinion n'eut pas le temps de répliquer, le fée brun était déjà reparti. Il restait fidèle à lui-même : désagréable.
Zibulinion le chassa de ses pensées et espéra que Zurmmiel, Joathilde et Rozélita s'amusaient avec leur chasse au trésor et que les trois enfants ne seraient pas peiné par sa disparition de l'école. Ils étaient trop petits pour qu'il les mêle à cette drôle d'affaire dans laquelle il terminerait ses études à Valeiage sous une fausse identité et une apparence qui n'était pas la sienne.
Le bal se termina et ce fut l'heure de quitter l'école. Zibulinion aurait aimé revoir Relhnad une dernière fois avant de partir, mais le professeur de sorts ne se montra pas. Il trouva néanmoins un avion en papier parfumé sur son sac qui le consola. Rien était écrit dessus, mais un simple sort de révélation suffit à faire apparaître « Rendez-vous au pied de chez toi, à 14 heures, dimanche prochain. »

Dans le bus, l'ambiance était à la joie. C'était les grandes vacances d'hiver avant le printemps et le début d'une nouvelle année scolaire.
Waltharan s'était mis à côté de Zibulinion qui en profita pour lui demander s'il pouvait venir chez lui durant la première semaine de vacances. Cela ne se faisait pas de s'inviter comme ça, mais avec sa mère, c'était mieux. Waltharan ne se formalisa pas. Il proposa simplement qu'ils se retrouvent plutôt à l'extérieur afin que ses sœurs ne viennent pas les embêter.
Zibulinion avait décider de l'informer. L'aborder en tant qu'Aurobika sans rien lui dire, cela aurait été refaire la même erreur qu'avec « Noinilubiza » En revanche, Folebiol dont il avait été si proche était désormais trop distant pour que cela ait un sens de le mettre dans la confidence. Quant à Neyenje, il ne serait de toute façon plus à Valeiage... Ce ne serait d'ailleurs pas pareil sans lui.

mardi 25 mars 2014

Le garçon fée - 175

Zibulinion avait lu des choses au sujet du Comité.
– C'est l'organisme qui veille à ce que les fées restent des créatures de contes pour la grande majorité des humains ?
– Il ne gère pas que ça. Il est aussi en charge des relations avec les sorcières et autres individus doués de magie.
– De toute façon, peu importe le pourquoi... Je n'arriverai pas à garder une fausse apparence des semaines entières.
– Si.
– Mais j'étais vidé au bout d'une semaine à peine quand je suis parti à Daroilak !
– Je t'ai examiné en douce, comme tu sais, et tu avais encore de l'énergie magique à revendre. Ton épuisement était situé au niveau mental. Tu n'en pouvais plus parce que tu avais envie de te retrouver.
– Je ne suis pas une fille.
– En effet, tu es un adorable garçon aux pouvoirs incroyables, ce qui t'entraîne dans des situations pour le moins inconfortables.
Cela rimait. Relhnad le trouvait-il vraiment adorable avec ses yeux de chouettes, son nez courbé, sa rondeur ?
– Il n'y aucune d'échappatoire ?
– Tu es mineur et ta mère a donné les pleins pouvoirs à la directrice de Valeaige qui est une personne influente. Je crains que tu ne doives te résigner à devenir Aurobika et d'essayer de voir le côté positif : une année scolaire en moins. Mieux, concentre-toi sur le présent.
Relhnad dans sa chambre, debout à côté de son lit, au milieu de la nuit...
Le professeur de sorts continua :
– Les examens sont terminés et il ne reste plus qu'à fêter la fin de l'année scolaire avec le bal.
Cela ne réjouissait nullement Zibulinion. En dessous de son nom, aucune fille ne s'était inscrite, pas même une illusion féminine de Relhnad.
– Vous ne danserez pas avec moi, cette année ?
Dans sa fatigue, la question lui avait échappé, alors même s'il faisait tout pour ne pas se montrer exigeant avec son professeur.
– Non. Je n'aurais pas dû le faire l'année dernière. C'est risqué et stupide. Cela me coûte de l'avouer, mais mes illusions sont moins opaques que les tiennes.
Lui ? Plus doué en magie que Relhnad ? Cela fit pouffer Zibulinion.
– La bonne humeur revient ? Tant mieux ! Tu vas réussir à t'endormir ?
– Je ne sais pas.
L'abandon de sa mère. L'illusion d'Aurobika. Les menaces de la directrice. L'amour de Relhnad auquel il n'osait croire. Tout cela tournait dans sa tête.
– Que dirais-tu d'une berceuse ?
Zibulinion acquiesça. L'offre était curieuse, il n'était plus un gamin, mais il n'allait pas rater cette occasion unique d'entendre Relhnad chanter.
La voix du professeur s'éleva, pure et envoûtante : Les soucis s'évadent, la nuit te prend...Les rêves t'emportent tout comme le vent... Dors d'un sommeil d'or...
La dernière pensée de Zibulinion avant de sombrer fut qu'il y avait de la magie là-dedans.

lundi 24 mars 2014

Le garçon fée - 174

– Je vous assure que je n'arriverai pas à garder l'apparence d'Aurobika en permanence.
– Vous en avez le potentiel et d'ici la rentrée, vous y parviendrez. Si vous me décevez, vous savez que je peux être sévère.
Elle le menaçait d'un sort punitif à mots couverts. En même temps, ce qu'elle exigeait de lui avait tout d'une torture. L'ennui, c'est qu'elle pouvait lui infliger pire. Une fois encore, il était coincé.
– Et si j'échoue malgré mes efforts ?
– Ce n'est pas dans votre intérêt.
Zibulinion hocha la tête et attendit qu'elle l'autorise à s'en aller, ce qu'elle fit, mais après avoir exigé de lui qu'il tienne sa langue. Nul ne devait savoir, pas même les professeurs, toujours dans son intérêt, bien sûr.
Zibulinion se voyait mal disparaître sous une illusion sans en informer ses amis, mais se demandait s'il ne risquait pas gros s'il le faisait. Peut-être leur causerait-il du tort à eux aussi ? Pour Relhnad, c'était différent. Il avait de toute façon participé à la création d'Aurobika... Cependant, même sans ça, il lui en aurait parlé.
En attendant, cette horrible directrice avait gâché tous ses plans de le voir pendant les vacances.
Sans compter qu'à coup sûr, « Aurobika » devrait loger au dortoir des filles, loin de la chambre de Relhnad, privé de la possibilité de leçons de magie.
Il frappa à la porte du professeur de sorts, mais n'eut pas de réponse. Il gagna sa chambre et se coucha pour la nuit. La journée avait été longue entre les derniers examens et l'entrevue avec la directrice.
Le sommeil le déserta pourtant et les yeux grands ouverts, il contempla l'obscurité tandis que les minutes s'égrainaient. Sa mère avait réussi : elle n'aurait plus à s'occuper de lui. Quant à la directrice, elle lui faisait généreusement sauter une année de cours et choisir sa spécialité, mais elle le contraignait à s'effacer derrière une image illusoire : Aurobika. Zibulinion allait en quelque sorte disparaître.
Aux alentours d'une heure du matin, Zibulinion sentit soudain une présence dans la pièce.
– Relhnad ?
– Oui, c'est moi. Rendors-toi. Je ne voulais pas te réveiller. Je corrigeais des copies et je viens seulement de revenir et j'ai constaté que tu avais toqué tout à l'heure...
– Je ne dormais pas.
– Mais tu étais dans le noir... Qu'est-ce qui se passe ?
La lumière s'alluma. Zibulinion cligna des yeux, s'assit dans son lit et raconta tout ce qui s'était passé dans le bureau de la directrice.
Relhnad écouta jusqu'au bout. Une certaine perplexité se lisait sur son beau visage.
– J'avoue ne pas comprendre ce qui la motive. Je pourrais essayer de lui parler...
– Oh non ! C'est supposé être un secret. Elle se fâcherait contre moi et peut-être aussi contre vous.
– C'est vrai qu'elle n'est pas tendre quand on ne lui obéit pas. Il est vrai également qu'elle est ma supérieure hiérarchique et membre du Comité. Cette extravagante décision vient peut-être de là d'ailleurs...

vendredi 21 mars 2014

Le garçon fée - 173

La directrice n'était pas seule quand Zibulinion entra. A côté d'elle, se tenait Alysielle. L'adolescent craignit le pire, puis sa mère se fendit d'un sourire qui le rassura.
– Ta directrice m'a fait venir car elle pense que tu es un élève brillant et très spécial qui a besoin d'être sous la tutelle de personnes compétentes qui sauront t'aider à développer tes capacités hors normes. Je suis d'accord avec elle et c'est pourquoi je lui ai conféré mon autorité parentale afin qu'elle veille sur toi et ton éducation.
Le sang de Zibulinion se glaça dans ses veines. Il aurait fallu être stupide pour ne pas comprendre que sa mère se dégageait de toutes responsabilités à son égard en le mettant sous la coupe d'une femme qui n'avait pas hésité à lui coller un affreux sort de répulsion sur le dos.
La directrice prit à son tour la parole :
– En d'autres termes, je serai désormais ta tutrice. Après une semaine de vacances dans ta famille, il te faudra revenir à l'école pour étudier.
Alysielle opina. Elle lui adressa quelques mots creux que Zibulinion n'entendit pas vraiment et partit, l'abandonnant à la directrice.
– Vous n'avez eu aucune peine à suivre les cours de 10ème année, n'est-ce pas ?
– Ça a été, oui, confirma distraitement Zibulinion.
Il était sous le choc que sa mère soit venue jusqu'à l'école de Valeiage que pour mieux se débarrasser de lui.
– Vos résultats ne sont pas excellents dans toutes les matières, mais la majorité de vos professeurs s'accordent à dire que vous êtes un élève remarquable, aussi il est inutile que vous perdiez votre temps en 11ème année. Le mieux est que vous passiez directement en dernière année pour terminer vos études.
Un an de moins à Valeiage, cela signifiait qu'il perdrait plus vite son statut d'élève, lui permettant de concrétiser plus tôt sa relation avec Relhnad. Il l'espérait en tout cas...
Il remercia la directrice qui reprit :
– Pour que vous n'ayez plus à souffrir d'inutile préjugés, je compte que vous portiez l'illusion d'Aurobika.
– Hein ?
– Vous m'avez très bien compris. Vous un fée exceptionnel, mais votre physique vous désavantage et vous vous êtes constitué une fâcheuse réputation. Je vous offre l'occasion d'un nouveau départ, d'être une fée comme les autres dans la spécialité de votre choix.
– Je préfère rester moi-même.
– Ne soyez pas ridicule. Repartir à zéro est une opportunité qui n'est pas donnée à tout le monde.
– Même si je le voulais, je ne pourrais pas. Maintenir une illusion en permanence est pénible. Tenir une semaine à Daroilak m'a vidé.
– Mais vous n'avez pas craqué. Avec de l'entraînement, en dosant vos efforts, vous n'aurez aucun souci à la garder des mois durant. Et ne prétendez pas que vous ne voulez pas devenir une fille puisque vous aimez les garçons.
C'était fort de café que la directrice lui sorte ça après l'avoir puni pour ses penchants « déviants. » Par ailleurs, elle mélangeait tout. Zibulinion ne pouvait nier qu'il avait souhaité être une jolie fille pour être comme les autres et plaire au garçon qu'il aimait alors, mais c'était fini. Garçon ou fille, laid ou pas, il ne pouvait être personne d'autre que lui-même.
– Je ne tiens pas à changer de sexe que ce soit de façon illusoire ou par métamorphose temporaire.
Au détour d'une lecture, il avait en effet appris qu'il était possible de se transformer en femme, de même qu'on pouvait se métamorphoser en animal, mais cela ne durait qu'un temps très limité, car c'était très coûteux en énergie magique, beaucoup plus qu'une illusion.
– Ce que vous désirez m'importe peu. A la rentrée prochaine, vous serez Aurobika. Vous êtes mon pupille et je vous l'ordonne.
Zibulinion se raidit. Elle ne pouvait pas l'obliger. De toute façon, c'était irréalisable.

jeudi 20 mars 2014

Le garçon fée - 172

Trop vite au goût de Zibulinion, Relhnad s'en alla, non sans avoir déposé des baisers parfumés pomme-cannelle sur le front et la joue de l'adolescent qui le laissèrent rêveur, mais insatisfait.
Dommage qu'à sa connaissance, aucun sort ne nécessite de s'embrasser pour fonctionner...
Le lendemain, comme c'était le week-end, Zibulinion dut se passer de la compagnie de Relhnad.
Et, hélas, le lundi soir, le professeur de sorts annonça qu'avec les examens de fin d'année qui arrivaient, ils allaient devoir mettre en pause leurs soirées afin que l'adolescent se consacre entièrement à ses révisions.
Zibulinion acquiesça, résigné. Il ne s'agissait pas de faire des caprices comme un gamin. Il ne put cependant s'empêcher de dévoiler une de ses inquiétudes :
– Pourra-t-on se voir durant les grandes vacances ?
– Je devrais te dire non. Mais c'est oui. Je n'ai toutefois pas encore décidé si ce serait en tant que Dalynaida ou sous mon illusion habituelle quand je suis parmi les humains.
La rumeur était donc vraie...
– Vous ne vous promenez jamais sous votre véritable apparence au milieu des humains ?
– Cela m'est arrive, mais j'évite, car je me fais reluquer et presque immanquablement draguer. C'est lourd.
– Vous voulez bien me la montrer ?
– Si tu veux.
Ses ailes disparurent. Le blond de ses cheveux se ternit en un châtain clair. Les éclats argentés de ses yeux s'éteignirent, ne laissant qu'un bleu profond. Sa peau albâtre se colora. Sa beauté parfaite s'estompa pour une plus commune, mais il restait tout à fait séduisant.
– Qu'en penses-tu ? demanda Relhnad.
Sa merveilleuse voix, elle, était inchangée.
– Vous êtes toujours vous.
– C'est le but de la manœuvre. Ainsi, l'illusion ne me coûte pas grand chose à maintenir à la différence de celle de Dalynaida.
– Autant celle-là que l'autre, alors.
– L'avantage de Dalynaida, c'est que nul n'est au courant que c'est moi, à part toi. Nous en rediscuterons, d'accord ? Pour le moment, il ne me reste qu'à te souhaiter du courage et une bonne nuit.
Il déposa un doux baiser sur la joue de Zibulinion qui n'osa dire un mot pour le retenir, et s'éclipsa.
L'adolescent soupira. Il ne comprenait pas pourquoi ils ne pouvaient pas passer au moins quelques minutes ensemble chaque soir, mais il craignait que Relhnad ne le trouve trop collant s'il exprimait son envie.
Avec difficultés, il se plongea donc dans les révisions, puis se concentra avec tout autant de peine sur les examens eux-mêmes.
Relhnad lui manquait plus fort qu'avant. Plus les jours passaient, plus il ne pouvait lutter contre l'impression que son rapprochement avec son professeur n'avait été qu'un rêve. Une part de lui ne croyait toujours pas que ses sentiments avaient un écho dans le cœur Relhnad.

Zibulinion n'eut pas le temps de se réjouir de la fin des examens. La dernière épreuve passée, il découvrit dans sa chambre une convocation de la directrice. Il devait, tout affaire cessante, se rendre dans le bureau de cette dernière. Zibulinion y alla à reculons : aucune de ces entrevues avec la directrice n'avait débouché sur quoi que ce soit de positif, sauf peut-être la fois où elle l'avait autorisé à sauter huit classes d'un coup.

mercredi 19 mars 2014

Le garçon fée - 171

Enfin, ce fut le soir. Zibulinion garda son uniforme et attendit l'arrivée de Relhnad, incapable de lire une ligne pour tuer le temps. Il commençait un mot et s'arrêtait aussitôt.
Le professeur de sorts ne se matérialisa que  tard dans la pièce, les cheveux encore humides.
– Désolé de n'arriver que maintenant. J'ai été retenu par une collègue et ensuite, le temps de me doucher...
– C'est bon, souffla Zibulinion.
Relhnad était toujours aussi incroyablement séduisant et il était là, dans sa chambre.
– Non, c'est problématique de te faire veiller tard.
– Ce n'est pas grave. Je lis souvent jusqu'à minuit passé.
– Et malgré ça, tu te lèves tôt, n'est-ce pas ?
– Oui... Comment le savez-vous ?
– Parfois, je suis matinal moi aussi et j'entends des bruits en provenance de la salle d'eau.
– Cela ne vous réveille pas, au moins ?
– Non, je le suis déjà. J'aime bien de temps en à autre assister au lever du soleil... Mais commençons notre leçon de magie. Hier, j'ai choisi. A ton tour de décider ce que tu veux faire.
Zibulinion qui était en train de se rappeler le matin où, à l'aube, Relhnad l'avait surpris sous son illusion, prit le temps de réfléchir et se dit qu'il n'avait plus besoin de garder sa question de réserve, son excuse pour aller frapper à la porte de Relhnad.
– Depuis longtemps, je voulais vous demander pour ma baguette... Qu'a-t-elle de si particulier ?
– Tu n'as pas compris toi-même ce que tu lui as fait ?
– J'ai combiné des sorts, ce qui ne semble pas se faire fréquemment, mais je ne comprend pas pourquoi elle fascine la professeur de baguette...
– Tu as pour ainsi dire recrée une magie ancienne qui s'est perdue depuis des siècles en raison des dangers qu'elle représente et peut-être aussi à cause du lobbying des vendeurs d'ornements pour baguettes. Ou les deux. Je ne sais pas exactement comment tu t'es débrouillé, mais tu as relié ta baguette à ton énergie magique, d'où son évolution continuelle. L'inconvénient de ce lien, c'est qu'en abîmant ta baguette, on peut te blesser, toi. Ce qui ne retire en rien le côté extraordinaire de la chose, car personne n'est capable de ça, même les plus téméraires ayant mis la main sur le sort d'origine ne parviennent pas à le faire fonctionner, à moins bien sûr que les fées en question ne se soient pas vantées de leur réussite, ce qui est douteux... De toute façon, être une fée des bois, des plantes et des rêves, cela tient de la légende et pourtant tu existes.
– Et vous ? Vous connaissez bien des sorts des trois spécialités.
– Je ne suis qu'un fée des rêves. Néanmoins, en raison de ma matière d'enseignement, je suis en effet assez calé sur les sorts de toutes les spécialités sans pour autant d'avoir d'affinité avec les plantes ou les animaux.
– Comment êtes-vous devenu professeur ? Pourquoi avez-vous choisi cette matière ?
– J'avais envie d'aider les autres à apprendre à faire de la magie et les sorts, c'est la base, l'essentiel.
– Vos cours sont les plus intéressants.
– Ton avis est par trop partial puisque tu as un faible pour moi.
Relhnad le taquinait et cela plut à Zibulinion. En chemin la leçon de magie s'était transformé en bavardage et cela lui convenait très bien. Il était content d'en apprendre plus sur son professeur adoré.

mercredi 12 mars 2014

Nouvelle - Une voix féminine

Cette nouvelle est disponible dans le recueil à thème Handicap : une autre vie ?  en vente sur Lulu (une œuvre collective du groupe Deviantart Romans Francophones ainsi que le seul recueil de nouvelles que j'ai actuellement publié Le Baiser et plus encore en vente sur The Book Edition.

Rappel : retour de Zibulinion, le 19 mars.
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 Zakuro Zabuza. Sexe : mâle. Profession : opératrice d'un service de téléphone érotique « Si tu tu te sens seul, appelle, de charmantes jeunes femmes se mettront en quatre pour te faire oublier ta solitude. »
Zakuro détestait l'admettre, mais c'était malheureusement vrai. Il avait beau être un homme, il possédait une voix féminine. Quand les gens le voyaient, ils étaient immanquablement surpris qu'une voix aussi douce et fluette puisse appartenir à un grand gaillard d'1m 80. Sa voix féminine et son apparence très masculine formaient une combinaison très handicapante. Si Zakuro avait été petit et mince avec un physique androgyne, les gens ne l'auraient pas regardé comme s'il était une bête de foire, mais le contraste était trop fort et son prénom mixte semait encore un peu plus le trouble quand les gens l'entendaient avant de le voir.
A cause de ça, bon nombre de jobs lui étaient passés sous le nez et alors que Zakuro se désespérait, son cousin l'avait introduit dans sa société « Si tu tu te sens seul... » Il lui avait affirmé qu'il avait une belle voix et qu'au téléphone, personne ne se rendrait compte qu'il était de sexe masculin. « Je suis sûr que tu feras une très bonne opératrice qui fera rêver les clients », avait-il affirmé. Zakuro avait beaucoup hésité. Du sexe au téléphone avec des hommes quand on en est un, c'était bizarre. Néanmoins, comme il ne trouvait rien d'autre et qu'il en avait assez à vingt-six ans de dépendre encore de ses parents financièrement, il avait fini par accepter.
Au début, il avait eu beaucoup de difficultés à rentrer dans son rôle et avait commis bon nombre d'erreurs, mais petit à petit, il s'était habitué et s'était même pris au jeu. La plupart des types qui appelaient avaient désespérément besoin de détente et d'évasion. Zakuro éprouvait d'ailleurs souvent de la culpabilité à les tromper, se disant que c'était mal de sa part de faire croire à ces types qu'il avait une poitrine généreuse, une taille mince et une chatte chaude et humide, prête à les accueillir alors que tout ce qu'il possédait, c'était un grand corps musclé et poilu. Mais, comme il avait besoin de gagner sa vie et que c'était le seul job où sa voix n'était pas un handicap, il continuait à prétendre être une femme pleine de charme et à se livrer à des jeux érotiques téléphoniques. Certes, il avait réussi deux fois à dénicher du travail dans des chantiers de construction, endroit où la parole n'a guère d'importance, mais les deux fois, sa voix lui avait occasionné des problèmes. Les autres gars se moquaient de lui et lui cherchaient des noises, ce qui entravait le bon fonctionnement du chantier et entraînait ultimement son renvoi. Par conséquent, Zakuro s'était habitué à faire semblant d'être une femme et à faire jouir des types à l'autre bout du fil.

    Ce soir-là, quand sa ligne de travail sonna, il fit comme d'habitude. Il se présenta et demanda à son client ce qu'il pouvait faire pour lui faire plaisir.
– Rien, répondit l'homme.
L'intérêt de Zakuro fut immédiatement piqué. Il avait eu beaucoup de clients et personne ne lui avait jamais répondu ça. Certains bafouillaient, laissant des blancs. D'autres évoquaient leurs fantasmes. D'autres encore lui demandaient de laisser libre cours à son imagination. Mais personne, au grand jamais, ne lui avait répondu ça.
– Vraiment rien du tout ?
– Non. Enfin si. J'ai envie d'entendre quelqu'un parler.
– Vous avez envie que nous abordions un sujet en particulier ?
– Non.
Zakuro avait déjà eu des appels de gars qui n'appelaient pas pour une conversation érotique, mais en règle générale, c'était des plaisantins, pas des personnes solitaires qui souhaitaient juste parler.
– C'est la première fois que vous utilisez un service comme le nôtre ?
– Oui.
Dans ce simple mot, toute la tristesse de l'inconnu transparaissait.
– Comme vous appelez-vous ?
– Quelle importance ?
– N'est-ce pas plus agréable de bavarder après s'être présenté ?
– Ogai.
– C'est un prénom rare. C'est joli.
– Merci.
Zakuro retint un soupir. Ogai appelait pour discuter, mais ne faisait guère d'effort pour alimenter la conversation. Cependant, un client était un client et c'était agréable pour changer, de ne pas avoir à faire semblant de posséder des attributs féminins qu'il n'avait pas.
– Que faites-vous dans la vie ?
– Coiffeur.
– Cela vous plaît ?
– Oui. Seulement, en ce moment, je suis au repos forcé.
– Pourquoi ça ?
– J'aimerais mieux ne pas en parler.
Zakuro avait appris à ne pas se montrer trop curieux. Il abandonna le sujet sans insister.
– Quels sont vos loisirs ?
– Ma parole, c'est un véritable interrogatoire !
– Vous préférez que je ne vous pose pas de questions et que je raconte ma vie ?
– C'est une bonne idée. Enfin, pour vous répondre, je suis un passionné de moto, et vous ?
– Moi, j'adore les livres.
Une activité qui lui évitait de sortir de chez lui et de parler avec des gens tout en lui permettant de s'évader.
– Vraiment ?
Le ton d'Ogai était amusé. Il devait trouver cocasse qu'une opératrice d'un service de téléphone érotique tel que « Si tu te sens seul... » puisse aimer lire.
– Oui, vraiment. Comme ça, je me repose la voix.
Et personne ne me regarde comme une bête curieuse à cause d'elle, ajouta mentalement Zakuro.
– Vous avez beaucoup de clients ?
– Cela dépend des jours, mais je n'ai pas à me plaindre.
– Je pourrai vous rappeler ?
– Oui, bien sûr.
– Vous avez beaucoup d'habitués ?
La vapeur questions-réponses s'était clairement inversée, ce qui amusa Zakuro.
– Quelques uns. Les gens ne me contactent généralement qu'une fois ou deux. D'ailleurs, je vous ferai remarquer que vous pouvez demander au standard de m'éliminer. Mais tout cela est indiqué sur notre site internet.
Mais bien évidemment, la plupart des gens ne prenaient pas la peine de lire ce genre de choses, songea Zakuro.
– Cela vous arrive de parler à des clients en dehors de la ligne de la société ?
– C'est interdit.
– Vous ne les voyez jamais non plus ?
– En effet.
Et cela valait mieux, car les pauvres seraient bien déçus en constatant qu'il était un mec baraqué et non la jolie fille qu'ils imaginaient en écoutant sa voix.
– C'est dommage.
– Pourquoi ? Vous avez envie de me rencontrer ?
– C'était juste de la curiosité.
– D'accord... Vous aimez quelque chose à part la coiffure et la moto ?
– Écouter la radio. Mais mon poste est cassé, d'où mon appel.
– Où avez-vous eu le numéro ?
– Une connaissance.
– Je vois.
Il y eut un silence. Zakuro allait demander s'il avait un animal de compagnie pour relancer la conversation quand Ogai dit enfin quelque chose.
– Vous avez une voix douce et harmonieuse.
C'était loin d'être la première fois qu'un client le complimentait ainsi, mais dans la bouche d'Ogai, cela avait plus de valeur, peut-être parce qu'il n'avait pas eu à s'inventer un physique de femme sexy, et peut-être aussi parce qu'il n'avait pas l'air intéressé par jouir au téléphone en l'écoutant.
– Je la déteste personnellement.
Zakuro se mordit la lèvre. Cela lui avait échappé. Au lieu d'accepter avec grâce le compliment comme il faisait d'habitude avec les autres clients, il s'était laissé aller à dire ce qu'il pensait vraiment.
– Pourquoi ?
Aucun mensonge plausible ne vint à l'esprit de Zakuro.
– Cela ne colle pas du tout avec mon physique, et les gens sont toujours étonnés, avoua-t-il en espérant qu'Ogai ne chercherait pas à en savoir plus.
– C'est vrai, c'est parfois trompeur. Comment m'imaginez-vous ?
Ogai avait une voix grave, légèrement cassante. Zakuro essaya de se le représenter.
– Hum. Je pense que vous êtes plutôt grand avec un regard incisif et une bouche mince.
Ogai éclata d'un rire franc, puis déclara :
– Dans mon cas, on dirait que ma voix ne cache rien.
– J'ai bien deviné ?
– Oui, tout à fait.
Après cela, la conversation devint plus facile. Ogai fut plus loquace et ils se mirent à discuter de tout et rien comme deux amis. La seule chose à laquelle Zakuro devait prendre garde, c'était à ne pas trahir son véritable sexe.

    Par la suite, Ogai le rappela tous les soirs, toujours à la même heure, juste pour bavarder et sans jamais chercher à l'entraîner dans des jeux érotiques. Et étrangement, cela déçut Zakuro qui réalisa alors avec un brin d'effroi qu'il avait envie de faire l'amour au téléphone avec Ogai tout en redoutant qu'il en vienne là, car il ne souhaitait pas lui mentir sur son apparence.
Deux semaines après le premier appel de Ogai, Zakuro comprit qu'il était tombé amoureux de lui. Il pensait à lui sans cesse et son cœur battait plus vite quand approchait l'heure où il téléphonait. Mais c'était bien sûr sans espoir de retour puisqu'Ogai croyait qu'il était une femme et que c'était un client, une homme qui avait juste besoin de compagnie et qui avait bizarrement choisi un téléphone érotique alors même que d'autres services auraient été plus adaptés.
Ce soir-là, Ogai déclara :
– J'aimerais te rencontrer. C'est vraiment impossible ?
– Oui.
Ogai soupira bruyamment.
– Je croyais que nous étions devenus assez amis tous les deux pour que tu transgresses les règles pour moi.
– Tu serais déçu si tu me voyais, de toute façon.
– T'es si moche que ça ? Tu sais, je m'en moque. Le physique n'est pas essentiel, même s'il est important. Et puis,  je ne te verrai pas vraiment.
– Comment ça ?
– Je suis temporairement aveugle. Accident de moto.
C'était donc ça la fameuse pause obligatoire dans son métier de coiffeur sur lequel il n'avait pas voulu s'étendre lors de son premier appel.
– Temporairement ? répéta Zakuro, effrayé de se surprendre à espérer qu'Ogai demeure aveugle à vie afin qu'il puisse passer le restant de ses jours à ses côtés en lui cachant la vérité sur son sexe, ce qui était bien sûr horrible à souhaiter et qui tenait de toute manière du domaine de l'impossible.
– Oui, d'après le docteur, si tout va bien, d'ici une semaine, il m'ôtera ses fichus bandages et je pourrai voir à nouveau.
– Nous pouvons nous rencontrer avant alors, comme ça techniquement, je ne romprai aucune règle. Et puis de toute façon, tu as assez payé pour me parler.
Ogai rit.
– J'espère bien que tu accepteras de me revoir après aussi.
Zakuro esquiva la chose en demandant des détails sur l'heure, le lieu et le jour de  leur rencontre.

    Le jour J, Zakuro se présenta devant la porte d'Ogai, tout tremblant à l'idée que ce dernier découvre la vérité, mais en même temps impatient de voir l'homme dont il était tombé amoureux, juste en bavardant avec. Il n'avait guère lutté contre ses sentiments, ayant en tant qu' « opératrice » depuis longtemps dépassé sa gêne et ses craintes vis à vis de l'homosexualité.
Un grand brun aux yeux bandés et aux lèvres minces lui ouvrit.
– Je paierai cher pour te voir.
– C'est aussi bien comme ça, répliqua Zakuro.
– Mais pas très équitable, car toi, tu peux me dévorer des yeux tant que tu veux. Je devrais avoir le droit de te toucher au moins.
Zakuro retint son souffle. Tout chez lui était masculin. Ogai risquait de découvrir le pot aux roses.
– Tu en profiterais pour me peloter, protesta-t-il.
– Je n'ai jamais abusé de toi, même pas au téléphone, rétorqua Ogai.
– C'est vrai, dut admettre Zakuro, et mû d'une impulsion subite, il prit la main d'Ogai et la posa sur sa joue.
– Tu as la peau douce, déclara Ogai en lui caressant la pommette du bout des doigts.
Zakuro bénit le ciel de s'être rasé de près.
– Comment te débrouilles-tu au quotidien ?
– J'ai quelqu'un qui vient me faire le ménage et me préparer les repas. Pour tout le reste, je tâtonne.
– Même pour te laver ?
– Oui, pourquoi ? Tu veux me donner un coup de main ? Maintenant, on peut se demander qui veut abuser de l'autre.
Zakuro se racla la gorge, les joues en feu.
– Désolé. Je ne voulais pas...
– Rassure-toi. Je suis certain que j'en tirerais aussi du plaisir.
A l'idée de savonner le corps d'Ogai, Zakuro se sentit à l'étroit dans son pantalon et il s'en voulut. Il trompait honteusement Ogai. Ce dernier croyait flirter avec une femme alors qu'il n'en était rien.
– Pourquoi tu ne dis plus rien ? Même si je t'apprécie énormément et que c'est pour cela que j'ai voulu te rencontrer quand bien même je ne pouvais te voir, je ne m'attends pas à ce qu'on fasse quoique ce soit de sexuel aujourd'hui.
Devant tant de franchise, Zakuro se refusa de continuer à lui mentir.
– Je suis un homme, déclara-t-il de la voix la plus grave qu'il put.
Hélas, comme d'habitude, son intonation fut féminine.
Ogai resta interloqué.
– Tu plaisantes ?
Pour toute réponse, Zakuro reprit la main d'Ogai et la fit glisser sur son torse.
– Il y a quelqu'un avec toi, c'est ça ? Tu as amené un garde du corps ou quelque chose comme ça ? demanda Ogai d'un ton furieux.
– Non. Je suis tombé amoureux de toi au fil de nos bavardages, mais j'ai beau avoir une voix de femme, je n'en suis pas moins un homme.
Ogai se mit à le palper et le sexe de Zakuro durcit de plus belle. Finalement, Ogai passa la main sur l'entrejambe de Zakuro, s'arrêtant sur la bosse que formait le pénis en érection comme s'il ne pouvait croire ce qu'il sentait.
– Sors ! s'écria-t-il.
Zakuro obéit, le cœur meurtri. Un instant, il avait cru qu'Ogai l'accepterait quand même. Dans le couloir, il s'adossa à la porte de l'appartement d'Ogai et pleura en silence. Entre son corps d'homme et sa voix de femme, personne ne voudrait jamais de lui. Quand il ouvrait la bouche les femmes qui lui avaient fait des avances, séduites par sa carrure, se rétractaient promptement. Quant aux hommes, il n'avait jusque là, jamais trop exploré cette possibilité, mais à part au téléphone, il n'avait guère d'atout pour leur plaire.
Il rentra chez lui au radar, espérant qu'Ogai ne se plaindrait pas à la société de son cousin et reprit le cours de son étrange vie.
Au téléphone, avec les clients, il faisait semblant, mentant sur son sexe, prétendant être joyeux alors qu'il était au trente sixième dessous.

    Près de trois semaines s'écoulèrent, et il commençait tout juste à remonter la pente quand il eut la surprise d'entendre Ogai à l'autre bout du fil. Il en resta muet d'étonnement.
– J'aimerai que l'on se rencontre à nouveau afin de te voir vraiment, annonça Ogai.
– Mais... commença Zakuro.
– Je sais. Tu es un homme, mais j'ai eu le temps de réfléchir. Nos conversations me manquent. A présent que mes yeux ne sont plus bandés, que je ne suis plus aveugle, je veux te voir pour ce que tu es.
– Je n'ai rien de féminin, à part ma voix, objecta Zakuro qui avait dû mal à en croire ses oreilles.
– Je pense que l'essentiel est ailleurs.

    Avec appréhension, mais désireux de tenter sa chance, Zakuro retourna donc à l'appartement de Ogai le lendemain. Celui-ci l'accueillit avec un regard incisif.
– Zakuro ?
– C'est moi, oui.
Ogai leva la main et la posa sur la joue de Zakuro.
– Tu as vraiment la peau douce, déclara-t-il en esquissant un sourire plein de promesses.

FIN

jeudi 6 mars 2014

Info, pause et résultat du sondage

Pour ceux et celles qui se demanderaient, nous en sommes à peu près au deux tiers de l'histoire du garçon fée pour lequel je n'ai toujours pas décidé si je diviserai ou non le roman en 3 livres...
Il s'agit en effet de la plus longue histoire que j'ai écrit à ce jour sur Love Boy's Love, et j'espère que personne ne se lasse ou s'impatiente de ne pas voir la fin venir...

Pour le sondage, je remercie les 40 participant(e)s.
J'ai remarqué que longtemps L'île du miroir et Le Baiser de la Gargouille se sont disputées la première place... pour terminer avec une parfaite égalité : 12 voix pour chacune !
Super Amoureux, la 3ème nouvelle pilote du sondage s'est fait battre à plate couture avec seulement 4 voix et se retrouve à égalité avec la nouvelle Quelque chose de beau et violent dont la relative popularité m'a surprise.
De façon intéressante, le conte Chaperon Rouge et Loup Noir est en 5ème position avec 3 voix. Je me rappelle cependant qu'à la fin de ce conte, vous étiez plusieurs à souhaiter que cela ait duré un peu plus.

Après une ou deux personnes avait leur favorite dans le cas de Touché-Coulé, Trois ans après et Découverte dérangeante.

En revanche personne n'est motivé pour Blanc-Neige ni pour Une voix féminine qui n'est pour le moment pas disponible sur le blog, mais seulement en recueil.

Et pour finir plutôt qu'une suite, quelqu'un souhaite du sang du neuf !

En conclusion, il y a de grandes chances pour que vous ayez le droit au Baiser de la gargouille ou à L'île du miroir après Le garçon fée, ce qui n'élimine aucunement la possibilité d'une suite, un jour pour les autres...
Trop de choses à écrire, trop d'idées qui tournent, ce qui n'empêche pas la nécessité de faire la pause de temps à autre afin de ne pas faire n'importe quoi et s'engouffrer dans une mauvaise direction et c'est pour cette raison que je vous donne rendez-vous pour la suite des aventures de Zibulinion sur le point de terminer sa 2ème année scolaire à Valeiage, le 19 mars. Au programme, de l'amour, de la magie et des ennuis !


Dans l'intervalle, la semaine prochaine, je pense mettre en ligne Une Voix féminine.

mercredi 5 mars 2014

Le garçon fée - 170

Si Relhnad avait délibérément choisi un acte magique qui leur permettait de se toucher - et même un peu plus que ça - il ne se montra pas moins sérieux pour expliquer comment procéder.
Comme ils ne pourraient parler pour lancer le sort, Zibulinion émit des doutes sur ses capacités à réussir par le biais du seul mental, mais Relhnad sut le mettre à l'aise, d'abord en affirmant que l'adolescent y parviendrait, puis en faisant valoir qu'un échec ne prêterait pas à conséquence et que réessayer serait possible.
Dès que Zibulinion eut compris la théorie, ils s'assirent en tailleur l'un en face de l'autre sur le lit. Relhnad tendit son index et Zibulinion l'imita. Cependant, il le replia aussitôt et ramena sa main vers sa poitrine : il avait peur que le goût de sa peau soit mauvais.
Relhnad haussa un sourcil. Zibulinion, pour l'avoir beaucoup observé, savait que c'était chez le professeur de sorts un signe d'agacement.
Muselant sa crainte, Zibulinion présenta à nouveau son doigt.
La bouche chaude de Relhnad se referma sur son index et l'aspira. Zibulinion émit un son étranglé. C'était une vision et une sensation délicieuse. Il prit à son tour le doigt de son professeur. Nul doute que s'il n'avait pas joui il y a peu, le plaisir ressenti l'y aurait conduit.
Relhnad, de sa main libre, lui signala de se tenir prêt. Zibulinion se concentra et visualisa l'échange.
Au début, il ne se passa rien. Il n'y avait que le parfum de vanille dans sa bouche et la langue de Relhnad autour de son doigt, puis quelque chose coula de lui tandis qu'une chose brûlante entrait en lui et fusionnait avec son être. L'énergie magique de Relhnad se mêlait à la sienne dans une union étrange et merveilleuse. Avec lenteur, chacun libéra le doigt de l'autre.
– Cela a fonctionné sans soucis, tu n'avais pas besoin de t'inquiéter.
Zibulinion hocha la tête. Le goût infâme que sa peau pouvait avoir le travaillait toujours.
– Quelque chose te tracasse encore ?
Relhnad lisait en lui comme dans un livre ouvert. Zibulinion se frotta machinalement l'index qu'avait léché Relhnad, hésitant à exprimer ce qui le tourmentait.
Finalement, il répondit à côté, en rougissant :
– J'adore votre peau vanillée.
Cela suffit à Relhnad pour comprendre le problème.
– Je préfère le tien. Ambré. Ton parfum aussi est agréable, semblable à la douceur d'une nuit printanière.
Ces nouveaux compliments troublèrent Zibulinion.
Relhnad promit une nouvelle leçon de magie pour le lendemain soir, embrassa l'adolescent sur le front et s'éclipsa.
Zibulinion était comme en ébullition et ne voyait pas comment il allait pouvoir s'endormir. Pourtant, il n'eut aucun mal.

Il se réveilla heureux et en forme malgré sa courte nuit. Il espéra de ne pas avoir tout rêvé, et comme cette pensée l'effleurait, il sentit en lui l'énergie magique de Relhnad et sut que non.
Toute la journée, il fut souriant et son bonheur visible n'échappa pas à Waltharan. Interrogé, Zibulinion fut dans l'obligation de nier que quelque chose de bien lui soit arrivé. Il faisait confiance à Waltharan, mais était à peu près sûr que Relhnad ne serait pas d'accord pour qu'il révèle quoique ce soit.
Waltharan ne voulut pas le croire, alors Zibulinion opta pour une semi-vérité :
– J'ai appris un sort formidable.
– Toujours aussi studieux...
Zibulinion hocha la tête, regrettant de devoir taire la véritable raison de sa joie.

mardi 4 mars 2014

Le garçon fée - 169

La respiration de Zibulinion s'accéléra. Soudain, il avait terriblement chaud. Relhnad le caressait des yeux et s'il continuait comme ça, Zibulinion allait perdre la tête. Sous sa chemise de nuit, son pénis s'allongeait et durcissait. Heureusement, replié sur lui-même comme il l'était, cela ne pouvait se voir.
Relhnad le regardait toujours. Il le désirait. Comme dans ses rêves. Une légère plainte s'échappa des lèvres de Zibulinion et il jouit.
Entre les pans du peignoir de Relhnad, son pénis se dressait et puis, le professeur de sorts disparut.
Zibulinion, tout brûlant et troublé, s'interrogea sur ce départ soudain avant d'utiliser le fort pratique sort de nettoyage.
Relhnad revint sans prévénir, comme il était parti, mais habillé d'une robe bleu azur.
– Désolé. C'était ça ou oublier toute retenue...
– Vous... commença Zibulinion avant de virer au cramoisi.
Il venait de comprendre que Relhnad avait été se soulager.
– Je ne suis pas de marbre et je suis tout sauf insensible à ton charme. Zibulinion avait encore peine à le réaliser. Relhnad avait si bien caché son jeu jusqu'ici... et à l'instant, plutôt que de l'enlacer, il avait fui.
Relhnad reprit :
– Tu ne penses pas pouvoir être aimé ? Tu te trompes ! Et je vais te le prouver, même si je ne le devrais pas.
Le professeur de sorts s'approcha du lit, posa un genou dessus et se pencha sur Zibulinion qui retint son souffle.
De près, la perfection des traits de Relhnad était encore plus étourdissante.
Ses lèvres qui n'étaient plus qu'à quelques millimètres des siennes, dévièrent et se posèrent sur sa joue pour un baiser de pomme-cannelle.
– Pour les deux années qui te restent à passer à Valeaige, nous pourrions commencer par faire de la magie ensemble. Les cours particuliers de magie n'ont rien de répréhensible.
Zibulinion ravala sa déception. C'était déjà énorme et il aimait apprendre des choses... y compris les interdites, comme la sorcellerie. Il s'inquiéta de ce qu'en penserait Relhnad et décida de garder le secret. Hors de question de briser dans l'œuf la fragile relation qui s'instaurait.
– Qu'allez-vous m'enseigner comme sorts ?
– Tu n'as pas l'air plus enthousiaste que ça... Et moi qui pensais commencer par celui qui consiste à insuffler de sa magie à l'autre. Cependant, ce ne serait pas comme la dernière fois. Il s'agirait d'un échange, pas d'une expulsion. Je te donnerai de la mienne contre de la tienne.
Cela signifiait à priori qu'il allait sucer son doigt et réciproquement.
– Oh, fut tout ce que trouva à dire Zibulinion.

lundi 3 mars 2014

Le garçon fée - 168

– Ne me regarde pas avec ces yeux suppliants... Je vais tout te dire, même si je ne suis pas fier de moi. Ma dernière bêtise en date, c'est d'avoir crée l'illusion de Dalynaida dont j'ai usé et abusé. Avant cela, à ton retour de Daroilak, je t'ai rendu visite dans ta chambre et j'en ai profité pour te regarder dormir. Et je t'ai aussi examiné et constatant ton épuisement, j'ai magiquement arrangé ça...
– Alors, c'est pour ça que je me portais comme un charme après... Ce n'était pas seulement les heures réparatrices de sommeil !!
– Oui... Autrement, tu te rappelles au bal de l'année dernière, parmi tes quatre partenaires...
– Celle qui a voulu danser avec moi parce qu'elle en avait envie, c'était vous ! s'écria Zibulinion.
Relhnad acquiesça. Son air embarrassé était adorable.
Zibulinion repensa soudain au contenu des rêves de son professeur et s'empourpra. Il aurait aimé qu'ils s'embrassent en vrai. Hélas, Relhnad ne semblait pas en avoir l'intention. Même en sachant que Zibulinion l'aimait en retour, il avait tu les sentiments qui agitaient son cœur et quand il était Dalynaida, il s'était montré décourageant... enfin, à moitié seulement.
Zibulinion attrapa bravement la main de Relhnad et la serra dans la sienne.
– Je vous aime, déclara-t-il encore une fois.
– Nous ne pouvons pas être plus qu'élève et professeur. Que Dame Nature me pardonne ! C'est pour ça que je ne voulais pas que tu saches parce que maintenant, je ne sais pas comment je vais me retenir de te prendre dans mes bras.
Que Relhnad craque, c'était tout ce que demandait Zibulinion qui avait déjà usé de tout son courage en s'emparant de la main de son professeur. Cette chaleur entre ses doigts, il aurait voulu la garder à tout jamais, mais Relhnad s'arracha à lui en se levant brusquement du lit et se mit à faire les cent pas.
– J'ai toujours pris soin de cacher mes préférences pour la gente masculine pour ne pas perdre mon poste à Valeaige. Un fée doit épouser une fée, je m'y étais résigné. Il y a trop peu d'entre nous... Cependant, malgré les pressions de mon entourage, j'ai toujours repoussé ce moment de me marier et de mettre mes désirs entre parenthèses... Et tu es arrivé, innocent et charmant, ébranlant ma résolution de rentrer dans le rang ! Pourquoi as-tu été espionné mes rêves ?!
Devant ce regain de colère, Zibulinion ne sut comment réagir. Il était heureux de se savoir aimé et  triste que cela cause du tourment à Relhnad, mais il ne regrettait pas l'audace qui l'avait poussé à pénétrer dans les songes du professeur de sorts. Pour être avec lui, il se sentait à braver mille tempêtes.
– Dans deux ans, j'aurai fini l'école...
Et cela ferait un tabou de moins entre eux.
– Nous serons toujours du même sexe et nous aurons toujours autant d'années d'écart, soupira Relhnad.
Dans sa poitrine, le cœur de Zibulinion battait si fort qu'il en avait mal. Même en sachant que Relhnad avait des sentiments pour lui, aimer de loin était dur. N'y avait-il aucun moyen pour qu'ils soient ensemble ailleurs que dans les rêves ? Aucune magie ?
– Tu es en train d'utiliser tes pouvoirs... Que fais-tu ?
Zibulinion sursauta, car il n'en avait pas eu conscience. Pas un mot n'avait franchi ses lèvres. Il n'avait formulé aucun sort... C'était ça la magie mentale ?
– Je ne m'en rendais pas compte.
– Tu es incroyable.
Zibulinion rougit, le ton de Relhnad ne laissant aucune ambigüité sur le fait que c'était un compliment.
Le silence tomba entre eux et ils se regardèrent.  Les paillettes d'argent dans le bleu des yeux de Relhnad étincelaient.