mardi 11 décembre 2018

Pause de Noël

Oui, c'est un peu tôt, mais entre les préparatifs de Noël, les verres cassés à cause de fatigue, les visites de la famille... Dur de prendre le temps d'écrire, surtout que le rythme n'est pas évident à tenir même en période normale.
Alors, je vous souhaite de joyeuses fêtes et on se retrouve pour la suite de Chocolat Blanc, le 1er janvier 2019 !

lundi 10 décembre 2018

Chocolat Blanc - 19

Wyatt était à la joie de son cœur que Kembou soit venu et qu’il écoute ses déboires sans le juger. Ce n’était pas comme ses parents qui cessaient de lui reprocher ses manquements. Kembou était un ami précieux, un ami en or dont il ne voulait pas se séparer.
— C’est dommage que tu n’aies pas voulu intégrer la même école que moi. Nous aurions pu être colocataires.
Wyatt n’avait pas eu l’intention de dire ça, mais c’était sorti tout seul.
— Oui, cela aurait été cool, reconnut Kembou. Mais, même si bosser n’est pas une partie de plaisir, principalement à cause de ce maudit Mathieu, je suis content d’en avoir fini avec les cours. Devoir rester assis à prendre des notes, c’est usant à la longue.
Wyatt savait bien que si Kembou n’avait pas choisi la même voie que lui, ce n’était pas tant une question de finance ni certes un défaut d’intelligence – ses notes avaient toujours été meilleures que les siennes – cela ne l’empêchait pas de regretter.
Il appréhendait à mort la rentrée. Ses parents pouvaient bien lui répéter sur l’air des lampions que cela marquait le début de son indépendance, qu’il bâtissait son avenir, que c’était l’occasion de fréquenter de nouvelles personnes, Wyatt ne parvenait pas à éprouver le moindre enthousiasme. Sa passion, c’était l’écriture et il n’avait pas besoin de milles relations, un ami lui suffisait.
Il poussa Kembou à vider son sac sur Mathieu, un type qu’il détestait alors même qu’il ne l’avait jamais vu de sa vie. Il rêvait de se pointer au supermarché où travaillait son ami et de secouer les puces de ce con qui ne réalisait pas à quel point Kembou était formidable. Évidemment, ce n’était pas réaliste et cela causerait forcément des ennuis à son ami.
Kembou ne s’étendit pas trop sur le sujet, se plaindre n’était pas dans sa nature, ce que Wyatt admirait.
Ils finirent par jouer à la console que Wyatt avait bien sûr emporté avec lui.
Pendant quelques heures, en dépit de la localisation différente et du manque de place qui les obligeait à jouer épaule contre épaule, ce fut comme si rien n’avait changé.
Ce n’était qu’une illusion.
Bien plus tôt qu’il ne l’aurait fait si Wyatt avait toujours été chez ses parents, Kembou annonça qu’il devait rentrer.
Wyatt faillit protester, mais se contint. Il alla avec lui à la porte et la mort dans l’âme, regarda Kembou mettre ses baskets et sa veste.
— A la prochaine ! lança son ami.
Soudain, se contenter d’un simple au revoir alors qu’ils ne se reverraient pas avant Dieu sait quand, parut insuffisant à Wyatt. Il le retint par la main et lui fit une accolade. Kembou se figea un instant, puis se détendit.
Wyatt le relâcha peu après, embarrassé d’avoir  eu un geste qui n’était pas dans leurs habitudes. Le sourire éclatant de Kembou le rassura. Après tout, leurs vies n’étaient plus comme avant.

vendredi 7 décembre 2018

Chocolat blanc - 18

Kembou ravala son envie de prendre Wyatt dans ses bras et entra.
Faire le tour des lieux fut l’affaire de quelques minutes à peine. La salle d’eau se résumait à une cabine de douche étroite, un lavabo minuscule, des toilettes et une machine à laver. Avec tout ça, au sol, il y avait juste la place d’un tapis. La cuisine était tout en longueur avec une planche fixée au mur en guise de table qui nécessitait des hautes chaises pour pouvoir y manger. Le salon et la chambre ne faisait qu’un et le tout n’était guère plus grand que trois lits. Le bureau muni de pratiques étagères mangeait un bon tiers tandis que le couchage que Wyatt avait transformé en canapé grâce à une série de coussins en occupait un autre.
— Alors, cela te plaît d’avoir ton chez toi ? demanda Kembou.
— Pour le moment, j’ai plus l’impression d’être un invité qu’autre chose, enfin un qui devrait faire toutes les corvées ménagères. Regarde donc la catastrophe que j’ai provoqué, déclara Wyatt en ouvrant un placard incrusté dans le mur que Kembou n’avait pas remarqué.
Wyatt attrapa un tissu rose qu’il brandit devant son nez. C’était un boxer.
— Il était blanc à l’origine. Ils l’étaient tous. C’était sans compter mon t-shirt rouge.
Kembou déglutit.
— C’est sexy comme couleur, tenta-t-il de plaisanter, priant que sa voix ne trahisse pas son trouble.
Impossible de ne pas l’imaginer en porter un à l’instant même. Et son sexe qui n’en finissait pas de durcir, ce traître. Kembou devait penser à autre chose.
— Je n’ai rien contre le rose, mais je préfère le blanc, rétorqua Wyatt.
— Au bout de quelques lavages, cela devrait s’arranger.
— Tu crois ?
— Oui, ce genre de blague arrive parfois aussi dans ma famille.
— Tu me rassures. J’ai aussi réussi à brûler mon repas. L’une des casseroles est irrécupérable, j’en ai peur.
A tous les coups, Wyatt avait dû se laisser distraire par une de ses histoires pendant que cela cuisait.
Kembou tut les mots tendres qu’il brûlait de prononcer et s’en tint à une approche pragmatique.
— Tu as fait tremper avec un fond d’eau et du liquide vaisselle ? Tu as une éponge métallique ?
— Oui et non. J’ai juste frotté comme un dingue avec la partie verte. Toi aussi, tu as eu des soucis ?
— Pas moi, mais c’est arrivé à Rokia et une de mes sœurs.
— Je me sens moins nul.
— Tu manques d’entraînement, c’est tout.
— Je n’ai jamais eu à participer aux tâches de la maison vu que mes parents ont une femme de ménage qui se charge aussi du linge et ma mère ne cuisine qu’une fois dans les neiges, autrement, c’est plats du resto ou surgelés à réchauffer.
— Tu vas t’habituer.
— J’espère bien ! s’exclama Wyatt avant de soupirer.
C’est sûr qu’entre ça et la nouvelle école, cela impliquait beaucoup de nouveautés.
Kembou, cependant, ne pouvait pas vraiment l’aider, pas alors qu’ils habitaient désormais loin l’un de l’autre.

jeudi 6 décembre 2018

Chocolat blanc - 17

Septembre arriva sans crier gare. Cela fit bizarre à Kembou : pas de rentrée scolaire pour lui cette année, pas d’inquiétude à savoir si oui ou non, il serait encore dans la même classe que Wyatt.
Comme il passait ses journées à bosser, il n’avait plus guère l’occasion de le voir. Wyatt était venu deux fois en coup de vent, le soir et Kembou s’était rendu une fois chez son ami un dimanche après-midi et c’était tout.
Wyatt avait emménagé dans son studio fin août, dix jours avant que les cours ne débutent dans son école. Il l’avait bien entendu invité, mais Kembou, éreinté par son boulot, n’avait trouvé l’énergie malgré sa curiosité et son envie de pouvoir se présenter Wyatt dans son nouvel environnement.
Kembou commençait à prendre ses marques dans son poste, ce qui n’empêchait hélas pas Mathieu de continuer à s’adresser à lui comme s’il avait eu deux ans d’âge mental. Sans vouloir faire son Rokia, Kembou le soupçonnait de racisme. C’était moins flagrant que cette vieille dame en train de faire ses courses qui lui avait carrément crié de rentrer dans son pays alors qu’il était occupé à regarnir un rayon, mais Mathieu le méprisait, pas de doute.
Kembou grimaça en se remémorant l’indignation de la vieille quand il lui avait répliqué qu’il était né en France. Oui, il avait la peau noire, oui, il avait des ancêtres africains et non, il n’avait jamais mis les pieds en Afrique de sa vie.
Fatigue ou pas, Kembou se décide à découvrir où habitait désormais Wyatt. Il savait qu’une fois que son ami aurait effectué sa rentrée, entre les cours et les devoirs, Wyatt n’aurait plus une minute à lui.
Il le contacta et reçut tous les détails nécessaires pour se rendre au studio de son ami, adresse, plan et codes des portes.
Durant le trajet, il sortit un livre, mais somnola dessus et manqua de rater le bon arrêt. Grâce à toutes les indications fournies par Wyatt, il n’eut aucune peine à arriver à bon port. L’immeuble était assez passe-partout, extérieur comme intérieur. La façade était grise, l’intérieur propre et plutôt sombre, l’ascenseur petit.
Quelques étages plus tard, il fut accueilli par Wyatt qui avait laissé sa porte ouverte, guettant apparemment son arrivée.
— Bienvenue dans mon palace, lança-t-il de façon grandiloquente, ses yeux bleu-verts pétillant.

mercredi 5 décembre 2018

Chocolat Blanc - 16

Kembou était enchanté que Wyatt soit là, si proche de lui que leurs genoux se touchaient. Même s’ils étaient tous les deux en pantalon, ce contact l’électrisait. Wyatt avait bronzé et était plus craquant que jamais, à moins que ce ne soit une conséquence de leur trop longue séparation.
Apprendre que ce n’était pas parce que Wyatt avait été trop occupé à flirter avec des filles à la plage, mais que c’était parce qu’il avait été absorbé par une de ses histoires qu’il n’avait guère donné de nouvelles, était un véritable soulagement.
C’était du bonheur de le voir et l’entendre surtout après ces éreintants premiers jours de boulot où il était obligé de fréquenter un gars, Mathieu, qui le traitait comme un idiot juste parce qu’il était nouveau. Il n’avait guère envie de parler de lui, car c’était lui accorder plus d’importance qu’il n’en méritait.
C’était sans compter sur Wyatt qui avait remarqué ce qu’il ne racontait pas et qui, après avoir exposé son nouveau projet d’écriture, le réorienta sur son job.
— Ce n’est pas trop barbant la mise en rayon ?
— Non, cela a un petit côté Tétris, comment faire tenir un max de boîtes dans les étagères…
— Et donc, vous êtes beaucoup à faire ça ?
Kembou acquiesça.
— Et parmi eux, il y a un pénible, n’est-ce pas ?
Wyatt voulait qu’il se confie.
Kembou céda. Il avait trop tendance à tout garder pour lui. Cela lui ferait sûrement du bien de se décharger de ce poids-là, car il ne pouvait en parler ni à Rokia qui se lancerait tout de suite dans une diatribe contre les blancs sans compatir, ni à sa mère et ses sœurs afin de ne pas les inquiéter.
— Mathieu. Il s’adresse à moi comme si j’étais un débile mental. C’est pourtant normal que je ne sache pas tout vu que je viens de commencer.
— C’est sûr que ce n’est pas cool. Il a beaucoup d’expériences, lui ?
— Même pas ! Deux ans, je crois.
— Peut-être qu’il se venge sur toi de la personne qui l’en a fait baver quand il a débuté. Enfin, peu importe ses raisons, et pauvre de toi !
Wyatt lui pressa l’épaule dans un geste de réconfort qui le troubla. Kembou était ridicule de s’exciter pour si peu, mais c’était ainsi. Les doigts de son ami étaient chauds à travers la mince épaisseur de son t-shirt en coton et Wyatt sentait bon, d’une odeur qui n’appartenait qu’à lui. Kembou noua ses mains pour s’empêcher de faire un truc stupide.
Ils parlèrent de bien d’autres choses, puis Rokia vint râler : il voulait se coucher. Il était encore tôt, et il exagérait, cependant, Kembou se contint, car après tout, c’était sa chambre aussi, et Wyatt prit congé.

mardi 4 décembre 2018

Chocolat Blanc - 15

Enfin, Wyatt rentra. D’habitude, dès ses retours de vacances, Kembou et lui se retrouvaient dès le lendemain. Que son ami travaille compliquait les choses, mais Wyatt proposa tout de même par mail à son ami de passer chez lui en coup de vent une fois sa journée de travail terminée, même si c’était tard.
Kembou lui donna son feu vert. Ce genre de visites ne serait plus possible une fois que Wyatt aurait emménagé dans son studio à une bonne heure et demie de là, alors il fallait mieux en profiter.
Wyatt connaissait le code d’entrée de l’immeuble, aussi pénétra-t-il dans le bâtiment, prit l’ascenseur jusqu’au cinquième étage et sonna à la porte de gauche.
Kembou lui ouvrit, un sourire éclatant aux lèvres. Il n’avait bien sûr pas changé en une quinzaine de jours, mais il avait l’air fatigué.
Ils passèrent dans le salon où Wyatt dit bonsoir. Rokia l’ignora, les yeux rivés à l’écran de l’ordinateur. Les deux jeunes sœurs de Kembou lui firent en revanche un signe de la main avant de reprendre le fil de la série télévisée qu’elles étaient en train de regarder. Ils se rendirent ensuite dans la cuisine où Wyatt salua la mère de son ami à laquelle il donna une boîte de biscuits, spécialité du coin dont il revenait. Elle le remercia et les envoya s’amuser.
Ils s’installèrent dans la chambre que son ami partageait avec son frère, raison essentielle pour laquelle c’était plus souvent Kembou qui venait le voir que l’inverse. La pièce peinte en blanc était encombrée par deux penderies et deux lits séparés par un long bureau flanqué de deux chaises.
— Raconte un peu tes vacances. Tu as été plutôt avare en détails… dit Kembou en s’asseyant au bord de son lit.
Wyatt l’imita, en se mordant la lèvre. S’il avait à peine écrit à son ami durant son séjour, c’était parce qu’il avait voulu éviter de se plaindre et sa seule façon de s’en empêcher avait de ne pas donner de nouvelles ou presque.
— Oh, tu sais, elles n’ont rien eu de spécial. Quelques visites et sinon, j’ai beaucoup écrit.
— Pas de chouettes rencontres ?
Il y avait quelque chose dans la voix de Kembou quand il posa cette question qui interpella Wyatt sans qu’il parvienne à définir ce que c’était.
— Non, à moins de compter la fille de la maison où nous étions invités. Le truc, c’est que ma mère voulait tellement qu’on se mette en couple que ce n’était juste pas possible. Et toi, ton boulot ? Tes collègues sont sympas ?
Kembou grimaça et passa la main dans ses courts cheveux crépus.
— La plupart oui.
Pas difficile de déduire qu’il y en avait au moins un qui ne l’était pas. Wyatt attendit que Kembou développe, mais son ami préféra le questionner sur ses écrits.

lundi 3 décembre 2018

Chocolat Blanc - 14

Wyatt se réjouit en apprenant par mail que Kembou avait décroché un emploi.
Il faudra absolument qu’on fête cela à mon retour ! écrivit-il de son smartphone.
Il étouffa la part de lui qui était déçue, ce travail signifiant que son ami ne serait plus très disponible quand il reviendrait de ses vacances forcées, et se consola en songeant que de son côté, il serait occupé à faire des cartons pour emménager dans le studio à proximité de sa future école.
En attendant, écrire au bord de la mer avait son charme, exceptée que la plage était bondée et qu’il ne se sentait pas très à l’aise en tant qu’invité dans la maison du collègue de son père.
Cela aurait été plus confortable si sa mère n’avait pas cherché à le coller à tout prix avec la fille du collègue en question. Oui, la jeune fille avait son âge, était aimable et jolie, et il aurait peut-être pu avoir envie de se rapprocher d’elle si sa mère n’avait pas joué l'entremetteuse avec ses gros sabots.
Il s’éclipsait donc le plus possible en solitaire avec un cahier et un stylo et se dénichait des coins le plus tranquilles possibles pour écrire.  Il s’était lancé dans une histoire se déroulant dans une tribu africaine. Il n’avait pas encore déterminé d’époque exacte, mais se représentait cela dans un passé lointain. Les héros étaient deux enfants, le premier fils du chef, le second, un blanc, découvert dans le désert et recueilli par la tribu. Les deux garçons grandissaient ensemble aussi proches que deux frères. Évidement, il y avait dans ces deux personnages beaucoup de Kembou et lui. C’était un récit d’amitié et d’aventures. Pour rendre cela plus authentique, il passait beaucoup de temps sur internet via son smartphone pour se renseigner sur la culture africaine.
S’il était honnête avec lui-même, il ne profitait pas du tout de son environnement marin, car qu’il se plonge dans ses recherches ou dans l’écriture en elle-même, le reste du monde s’effaçait. Il aurait été aussi bien chez lui, dans sa chambre.
Enfin, son père lui aurait reproché tout pareillement d’être asocial. Aucun de ses parents ne comprenait le plaisir qu’il trouvait à créer des mondes nouveaux. Il faut dire qu’ils n’étaient eux-mêmes pas des lecteurs, et Marine non plus.
Il ne pouvait parler ni livres ni écriture avec eux, pas comme avec Kembou qui, sans être aussi accro que lui, aimait bouquiner et donner son opinion sur les histoires écrites par Wyatt.