mercredi 31 août 2016

Orcéant - 13

— Vous pourriez me libérer.
Pierrick accepta avec une promptitude qui étonna Byll.
— Donne-moi ton poignet.
Byll obéit, peut-être pour la dernière fois à un humain. Pierrick l'encercla entre ses mains chaudes, le pressa avec force en prononçant une formule incompréhensible, puis le relâcha. Les numéros avaient disparu, l'ancien comme le plus récent. Byll toucha l'endroit où ils avaient été avec émerveillement. Sa peau le picotait, mais il pouvait désormais aller n'importe où et faire ce qui lui plaisait.
Le bruit de Pierrick qui grattait la terre du chemin longeant le champ de la pointe de sa botte le rappela à la réalité.
— Merci, dit Byll.
— Ce n'était pas grand chose. Je regrette par contre de ne pouvoir te garantir qu'un autre humain ne te remettra pas en esclavage.
C'était une mise en garde et non une menace.
Byll hocha la tête. Il n'était toujours pas sûr de vouloir les guider jusqu'à Rouge. En revanche, il voulait aller le voir et demeurer auprès de lui. Seulement, s'il faisait cela, ils risquaient de le suivre. Même s'il avait de grandes jambes,  pour peu qu'ils enfourchent leurs montures, il ne pourrait les distancer, et de toute façon, il n'était pas en état de courir.
Pierrick tapotait à présent les rennes de son cheval contre sa cuisse. D'un instant à l'autre, il risquait d'exiger que l'orcéant remplisse la part tacite du marché qu'ils avaient passé.
Il regarda en direction de la forêt. Rouge était de taille à se défendre contre un humain et un licornéen. Byll pourrait l'aider si Korel et Pierrick l'attaquaient. Le risque, c'était plutôt qu'ils ne révèlent sa cachette. Mais peut-être qu'ils ne mentaient pas et qu'ils souhaitaient vraiment le retour à une ère de paix où chacun était libre. Korel lui aussi était assujetti aux humains et avaient bonnes raisons de vouloir que les choses changent. Les motivations de Pierrick étaient moins évidentes, mais il l'avait libéré.
— Je veux bien vous guider à condition que vous vous bandiez les yeux dès que nous serons dans la forêt.
— Très bien, comme tu voudras, maugréa le rouquin.
Il refusa en revanche catégoriquement qu'ils s'accrochent à Byll, une fois qu'ils seraient aveugles. L'orcéant se débrouillerait pour les amener à bon port au moyen d'une corde qu'ils enrouleraient autour de leur taille.
Dès qu'ils furent sous le couvert des arbres, Korel fouilla les sacs sur leurs chevaux pour en sortir le nécessaire.
Pierrick lui arracha presque des mains et c'est lui qui se charger d'enrouler la corde autour d'eux, puis qui noua un foulard sur les yeux.
Le système de guidage laissait à désirer, mais bon an mal an, Byll parvint à les mener jusqu'à l'entrée de la cachette de Rouge.

mardi 30 août 2016

Orcéant - 12

— Tu n'as pas besoin de lui expliquer quoi que ce soit. Les orcéants sont des êtres primitifs et stupides ! décréta le rouquin.
— Et les licornéens ne sont que de jolies poupées bonnes à servir le thé et tenir compagnie au lit, compléta Korel d'un ton triste.
Pierrick n'opina pas à cette affirmation alors que Byll avait pu constater que les humains usaient effectivement des licornéens ainsi.
— Pardon. Je pense cela des orcéants sans en avoir jamais fréquenter. Ravi de faire de ta connaissance.
Byll trouva étrange le revirement de l'homme roux, mais décida de lui accorder le bénéfice du doute.
— Les dragons que vous espérez rencontrer, que leur voulez-vous ?
Korel se tourna vers Pierrick, attendant de toute évidence qu'il réponde.
Le rouquin se racla la gorge.
— En avoir un serait un peu comme un porte-étendard de notre cause et si on retrouvait au moins un mâle et une femelle, ils pourraient se reproduire.
Il était bien humain pour considérer les dragons comme des possessions et à escompter qu'ils s'accouplent, indépendamment de tout sentiments.
Byll n'avait pas la moindre envie de l'aider, mais il ne pouvait ni oublier que Rouge passait tout son temps seul dans sa grotte souterraine ni négliger le fait que le dragon ait peut-être une opinion différente de la sienne.
— Comment les protègerez-vous de ceux qui souhaitent les éradiquer jusqu'au dernier ?
Pierrick eut un rire embarrassé.
— Eh bien, il semble bien que je me sois trompé sur le compte des orcéants. Moches peut-être, mais pas certainement pas idiots !
Byll grinça des dents. L'humain continuait à le mépriser et il n'avait pas répondu à sa question. A tous les coups, c'était parce qu'il n'avait aucun moyen de défendre qui que ce soit, à part peut-être sa petite personne.
— Nous comptons réunir des partisans des dragons, comme toi, dit Korel.
Byll aurait aimé croire le licornéen qui semblait sincère, mais il craignait que ce ne soit qu'une ruse pour tuer Rouge.
— Bon, nous n'allons pas y passer la journée non plus. Comment pourrions-nous te convaincre de notre bonne foi ? demanda Pierrick avec impatience.
Byll prit le temps de réfléchir avant de répondre.
Pendant un moment, il n'y eut plus que le chant lointain des oiseaux et le murmure de la brise printanière qui soufflait un parfum fleuri.

lundi 29 août 2016

Orcéant - 11

CHAPITRE 3
Byll était abasourdi. Pas plus tard que la veille, il avait osé refuser de vive-voix de se plier à l'ordre d'un humain et avait été fouetté avec une telle violence que le simple fait de bouger était douloureux. Ce matin, il avait malgré tout dû se lever comme les autres orcéants pour travailler. Et voilà qu'il avait été vendu à un étranger de passage. Un second tatouage lui barrait désormais le poignet. Il ne pourrait même pas dire au revoir ni Zyo ni à aucun autres des orcéants qu'il côtoyait depuis son enfance. Mais le pire, c'est qu'il allait être séparé définitivement de Rouge.
Le premier ordre de son nouveau propriétaire – un homme roux aux élégants habits – le laissa  sans voix : comment avait-il pu apprendre l'existence du dragon ?
Le licornéen qui se tenait à côté de l'humain assura qu'ils n'avaient pas de mauvaises intentions à son égard, mais Byll ne put le croire. Il était un serviteur du rouquin.
Ce dernier s'énerva de suite, réaction humaine typique quand les choses ne se passaient pas selon leurs désirs.
Byll les écouta avec intérêt deviser des pouvoirs du licornéen. Ceux qu'il avait croisé étaient dépourvus de cornes. Jusque là, il avait cru que la magie était l'apanage des humains. Il était ignorant sur bien des choses et sans les récits de la vieille Arya, il l'aurait été encore plus. 

Le rouquin revint à la charge sur le dragon, exposant un nébuleux projet de retour à leur ère.
Byll persista dans son silence. Il ne leur faisait pas confiance.
— Nous n'en tirerons rien. A la prochaine ville, je n'aurais plus qu'à le revendre au plus offrant afin de rentrer dans mes frais, déclara l'humain.
Le traiter comme une vulgaire marchandise était en contradiction avec son beau discours d'un peu plus tôt, mais Byll ne pipa mot.
Le licornéen leva les yeux sur lui, ignorant son maître. Byll espéra qu'il ne pouvait le contraindre avec sa magie à les mener jusqu'à Rouge.
— Je m'appelle Korel, lui, Pierrick. Et toi ?
Hormis pour ceux de son espèce, Byll n'avait jamais été qu'un numéro et cette demande le prit par surprise.
— Les orcéants n'ont pas de noms, intervint le rouquin.
Byll le détrompa en se présentant.
— Enchanté, dit Korel en lui tendant la main.
Byll s'agenouilla pour mieux le regarder. Le licornéen comme tous ceux de son espèce avait de longs cheveux luxuriant. Rien à voir avec le crâne lisse comme un œuf des orcéants.
— Tu ne vas pas faire ami-ami avec lui quand même ! s'indigna Pierrick au moment où Byll serrait entre les siens les doigts doux et fins de Korel.
— Nous sommes à la recherche de dragons ayant survécus car ils sont les symboles de l'époque où toutes les espèces étaient libres, déclara Korel.
Il s'adressait de toute évidence à Byll, mais cela semblait être également une forme de réponse indirecte à son maître.

vendredi 26 août 2016

Orcéant - 10

Pierrick préféra ne pas préciser au licornéen que cela arrangeait leurs affaires que l'orcéant qu'ils voulaient acheter soit du genre récalcitrant, et par conséquent un élément dont il était intéressant de se débarrasser pour peu qu'on en ait l'opportunité. S'il avait été un esclave modèle, dur à la tâche, les négociations auraient été nettement plus ardues et leur insistance à obtenir cet orcéant en particulier aurait paru bizarre.
Ils continuèrent leur chemin jusqu'à ce qu'un garde les interpelle.
Pierrick, avec autorité, demanda à voir le contremaître. Il savait jouer à la perfection le rôle de fils de riche pourri gâté – ce qu'il était, après tout.
Avec l'homme chargé par le propriétaire des terres de superviser le travail des orcéants, il se montra prétentieux au possible de façon à ce que son interlocuteur ait envie de le rouler dans la farine en lui cédant un orcéant pas commode.
Il crut avoir échoué quand le contremaître s'arrêta devant un orcéant au dos couvert de zébrures qui coupait du bois. Cependant, sous le chapeau de paille de Korel, il entrapercut une lueur et le bonhomme se remit en route jusqu'au champ.
— Je vous vends cet orcéant dès qu'il a terminé son sillon.
Il énonça une somme que Pierrick jugea exagérée, aussi lui fit-il revoir à la baisse en soulignant que l'esclave semblait en piteux état. Il voulait bien prétendre être vaniteux, mais certes pas un imbécile aveugle.
Le contremaître argua que cela guérirait vite, mais lui fit tout de même une ristourne.
La partie négociations étant terminée, il ordonna ensuite à l'orcéant de venir et ils procédèrent à la cérémonie de passation qui impliquait un nouveau tatouage et un rituel magique basique.
Durant toute l'opération, les yeux ambres de l'orcéant ne cessèrent de clignoter. Il semblait être totalement dépassé par les évènements.  Cet espèce-là n'était pas réputée pour son intelligence.
— Voilà, il est à vous, déclara le contremaître.
— Content d'avoir fait affaire avec vous, conclut Pierrick, selon la formule consacrée.
L'homme prit congé. Dès qu'il fut hors de portée de voix, Pierrick s'adressa à l'orcéant :
— Conduis-nous jusqu'au dragon à présent.
L'orcéant se raidit, mais demeura muet et immobile.
— Nous ne lui voulons aucun mal, intervint Korel d'une voix douce.
Il n'obtint pas plus de réaction.
Pierrick demanda une nouvelle fois à l'orcéant de les guider sans plus de succès et il perdit aussitôt patience :
— Cela aurait été plus simple que ta corne nous indique directement où se trouvait le dragon, cela nous aurait évité de nous farcir ce grand échalas, grommela-t-il.
— Désolé, dit Korel d'un air contrit.
Pierrick s'en voulut immédiatement de l'avoir peiné. Ce n'était pas la faute de Korel s'il ne maîtrisait pas ses pouvoirs. Il n'avait eu aucun licornéen pour lui apprendre quoi que ce soit, à la différence de Pierrick qui avait suivi un enseignement rigoureux de la magie.
— Tu m'as impressionné avec ton tour de tout à l'heure, déclara Pierrick pour se rattraper.
— Quand donc ? s'étonna Korel.
Pierrick lui expliqua comment sa corne avait brillé un peu plus tôt, troublé que le licornéen ne soit même pas rendu compte qu'il avait usé de ses pouvoirs pour que le contremaître change d'avis quant à l'orcéant qu'il allait leur vendre.

jeudi 25 août 2016

Orcéant - 9

Korel, avec sa corne qu'un chapeau de paille au large bord dissimulait aux humains qui n'auraient pas manquer de s'étonner qu'il la possède encore, pouvait détecter toutes sortes de choses. C'était elle qui les avait conduit dans cette contrée montagneuse d'Erret, elle encore qui avait désigné cet orcéant...
Korel reprit :
— Je ne sais pas comment je peux en être aussi certain, mais je vous assure que cet orcéant peut nous guider à un dragon.
Pierrick lui avait demandé à plusieurs reprises de le tutoyer quand ils étaient en privé, mais rien à faire, le licornéen persistait à le vouvoyer. De la même façon, il lui laissait le soin de prendre les décisions, sans doute parce qu'il se considérait comme son subalterne.
— Je te crois, mais nous ne pouvons décemment pas descendre dans la vallée et l'interroger de but en blanc.
— C'est vrai, soupira Korel en ramenant pensivement sur son épaule ses cheveux qu'il avait tressé en une épaisse natte dorée.
Il était clair comme de l'eau de roche qu'il était déçu qu'ils se contentent d'observer de loin sans agir.
Pierrick comprit qu'il ne pouvait plus tergiverser.
— J'ai beaucoup de choses très lourdes à acheter à la ville voisine, nos chevaux ne suffiront pas... commença-t-il.
Les yeux argentées de Korel papillotèrent. Il ne voyait pas où Pierrick voulait en venir.
— Il me faut donc un esclave orcéant pour les porter, acheva-t-il.
— Brillant ! s'écria Korel en l'applaudissant des deux mains.
Pierrick, lui, ne se réjouissait pas de devoir mettre son plan à exécution, pas tant pour la dépense que cela occasionnerait que parce que cela signifiait la fin de son tête-à-tête avec le licornéen.
Du bout des lèvres, il donna le signal du départ. Korel s'empressa de remettre les selles sur le dos de leurs montures. Sans hâte, Pierrick l'aida à y rattacher  leurs sacs.
La pente étant raide, ils descendirent à pieds, tenant leurs chevaux par la bride.
Une fois en bas, ils marquèrent un temps d'arrêt devant le champ où l'orcéant qui les intéressait travaillait. Son grand corps bleu était strié de vilaines marques violacées qui enlaidissaient davantage la malheureuse créature.
— Il a dû se montrer désobéissant ou commettre une erreur monumentale pour mériter pareil traitement, murmura Pierrick.
Korel répondit à son commentaire par un silence qu'il devina réprobateur : rien ne pouvait justifier que quelqu'un soit roué de coups.
Pierrick tenta de rattraper sa bévue en proclamant à voix basse que plus personne ne serait battu de la sorte quand ils seraient parvenus à renverser l'ordre actuel, ce qui lui valut un demi-sourire de Korel.

mercredi 24 août 2016

Orcéant - 8

CHAPITRE 2
Pierrick contemplait Korel qui observait pour sa part les champs en contrebas de leur campement de fortune dans la montagne.
Korel était un spécimen licornéen tout à fait ordinaire, c'est-à-dire d'une beauté sans commun de mesure avec celle des humains : il avait de longs cheveux dorés, des yeux argentés, une peau d'une blancheur éclatante,  des lèvres d'un rose délicat, des membres graciles et une longue corne torsadée brillante sur le front.
— L'orcéant qui sentait le dragon a été salement amoché, annonça Korel.
Pierrick entendit la question non exprimée du licornéen – qu'attendaient-ils pour l'aborder ? - mais se garda d'y répondre.
Korel n'aurait pas aimé savoir qu'en vérité Pierrick ne s'était lancé dans cette stupide quête de dragons que par amour pour lui. Certes, il était bien contre la servitude dans laquelle ses compatriotes avaient plongé les autres espèces du monde d'Erret, mais il aurait préféré que quelqu'un d'autre que lui se charge de lancer une rébellion à grande échelle. Pour sa part, il se serait contenté de traiter son serviteur licornéen avec respect.
C'était d'ailleurs pour cela qu'il n'avait pas dépucelé Korel alors qu'il aurait pu l'y contraindre.
Il était en effet usage d'avoir des relations sexuelles avec les licornéens en âge afin que la corne sur leur front qui renfermait de mystérieux pouvoirs se détache d'elle-même. Dès leur naissance, on la leur coupait de façon à ce qu'ils ne puissent pratiquer la magie et soient faciles à dominer, mais elle repoussait tant qu'ils n'avaient pas perdu leur virginité.
On avait enseigné à Pierrick que c'était dangereux de laisser un licornéen garder ses « malfaisants » pouvoirs intacts, que la leur couper était inutilement  douloureux et qu'au final, il valait mieux qu'elle se détache « naturellement » mais qu'elle que soit la façon dont s'était enrobé, c'était du viol.
Les licornéens de sexe masculin comme féminin étaient un régal pour les yeux, aussi étaient-ils utilisés pour réchauffer les lits et faire le service dans les maisons.
On avait assigné à Korel le rôle  de compagnon de jeux à Pierrick dans son enfance. Le licornéen avait éveillé chez lui de tendres sentiments qu'il n'avait jamais eu le courage de formuler.
Au lieu de cela, peu avant le moment où Korel aurait dû perdre définitivement sa magnifique corne, Pierrick l'avait baratiné sur son désir de changer le monde et ils étaient partis tous les deux à l'aventure. L'idée était de découvrir si certains dragons avaient échappé au massacre des humains et de rassembler des partisans d'un retour à leur ère.

mardi 23 août 2016

Orcéant - 7

Le sifflet retentit. L'accouplement était bel et bien au programme de la soirée. Le numéro de Byll fut appelé et accolé à celui d'une orcéant, Lyly. Il lui avait parlé une fois en tout et pour tout. Elle était plus âgée que lui et déjà expérimentée. Byll entra avec elle dans le dortoir, la mort dans l'âme.
Plusieurs orcéants avaient déjà ôté leurs pagnes. Byll garda le sien, mais pas Lyly.
— Installons-nous sur ma couche, offrit-elle.
Byll constata que Zyo pelotait déjà gaiement la poitrine de sa partenaire. Lyly voulut l'embrasser, mais Byll eut un mouvement de recul.
— On dirait bien que je suis tombée sur un mauvais numéro...
— Je ne veux pas. Je ne peux pas.
— Le membre qui pend entre tes jambes n'est-il là qu'à titre décoratif ? Écoute, je sais que c'est ta première fois, mais tu verras, cela détend.
Parler avec Rouge était apaisant, pas ça.
Cela gémissait à présent dans tous les coins. Zyo besognait sa partenaire avec un air d'extase.
Un humain passa la tête dans l'embrasure de la porte du dortoir. Il repéra immédiatement l'unique couple qui n'était pas en pleine action et se dirigea droit sur eux.
Les orcéants ne lui prêtèrent pas attention. Ils étaient habitués à ce que les humains viennent contrôler ce qu'ils faisaient.
— On peut savoir pourquoi vous êtes bras ballants tous les deux ? C'est d'avoir un public qui te coupe les moyens, le bleu ? Tu ne devrais pas t'inquiéter, personne ne s'intéresse à ta sale tronche.
Byll avait tout supporté jusqu'à présent, mais s'accoupler comme ça, sans sentiments, il en était physiquement incapable.
Le fouet de l'homme lui mordit les jambes.
— Il faut toujours qu'il y en ait un ou une pour jouer les vierges effarouchées, grommela-t-il. Obéis !
Byll ne bougea pas d'un pouce.
Le garde le frappa à plusieurs reprises jusqu'à ce que Byll tombe à genoux, la douleur déformant ses traits.
— Tu as changé d'avis ?
— Non, répondit Byll.
Le garde le fouetta encore, un affreux sourire aux lèvres. Byll, sans qu'il sut bien comment se retrouva allongé sur le sol. C'est là que l'homme lui arracha son pagne.
— Chevauche-le, exigea-t-il en pointant Lyly du doigt.
Cette dernière attrapa le membre de Byll, mais il demeura inerte entre ses doigts.
— Fichue bestiole, même capable de la lever ! s'écria le garde. File dehors !
Byll, avec peine, tout étourdi, se remit debout pour sortir sous les regards plein de pitié des autres orcéants. Il avait aussi mal au cœur qu'au corps, mais il était sauvé... pour cette fois.

lundi 22 août 2016

8 ans de Love Boy's Love

Aujourd'hui, ça fait 8 ans que je poste du lundi au vendredi - avec quelques pauses tout de même - un court épisode d'une histoire. 

Quelques contes, 
Quelques nouvelles, 
12 romans plein d'amour :
  • certains ancrés dans le réel - Cicatrices (2009-2010) Fleur Bleue (2010-2011)
  • d'autres plus fantaisistes 12+1 = ? et 12 + 1 = 14 ! (2008-2009) et Rendez-vous manqué (2012), 
  • d'autres carrément fantastiques Lykandré (2011-2012), A travers les âges  (2012 - 2013), Le Garçon fée (2013 - 2014) et Cœur de fantôme (2016)
  • de la S-F Mémoire Étoilée (2010)  et Au Zoo interplanétaire (2014-2015)  
  • et aussi de la fantasy Le Suivant du Prince (2009-2010) ainsi que désormais Orcéant... 
Pour fêter cela, il y a deux épisodes aujourd'hui :

Oui, une nouvelle histoire, ou plus exactement la suite d'une ancienne. Je ne sais pas encore quand je posterai un nouvel épisode de A travers les millénaires, mais rassurez-vous, cet épisode se tient tout seul et ne laisse pas sur un suspense insoutenable. 

Orcéant - 6

Ce jour-là, alors qu'il revenait d'avoir visité Rouge après avoir labouré le champ attenant au bois avec une efficacité redoutable, Byll crut sentir un regard posé sur lui, mais il ne vit personne. Peut-être n'était-ce que le fruit de son imagination, mais il se promit malgré tout de redoubler de prudence et de ne plus retourner voir le dragon avant longtemps. Mieux valait que Rouge lui manque plutôt qu'il le mette en danger.
    Le soir venu, dans le réfectoire, Zyo l'aborda, choisissant de se priver de manger - le délai imparti pour le repas était en effet trop court pour que les orcéants puissent discuter et se sustenter, les humains préférant limiter au maximum leur temps d'échange.
— J'ai entendu un garde dire à un autre que les orcéants devraient s'accoupler après le dîner.
Byll qui mastiquait un morceau de viande si sec qu'il était dur comme de la pierre ne comprit pas que son camarade prenne le temps de lui communiquer cette information sur le ton de la confidence avec enthousiasme. Cela n'avait rien d'exceptionnel.
Une fois par lune, les humains laissaient les orcéants s'unir de façon à ce que leur main d'œuvre corvéable à merci ne se tarisse pas. Les jeunes et les vieux se retrouvaient obligés d'attendre debout à l'extérieur du dortoir. Ils étaient autorisés à s'abriter dans le réfectoire qu'en cas de pluie et durant la saison froide, mais sous la surveillance d'un humain pour être sûr qu'ils ne toucheraient pas à la nourriture.
Patienter jusqu'à ce que les adultes aient terminé leurs galipettes afin de pouvoir enfin se coucher et dormir était ennuyeux.
— Nous sommes adultes nous aussi désormais, ajouta Zyo, l'air enchanté.
Byll pâlit. Il n'avait aucune envie d'être intime avec quiconque, surtout pas en public. Il allait hélas y être obligé. Les humains attribuaient des partenaires aux orcéants. Il n'était pas question de se dérober.
Zyo se réjouissait d'avoir sa première expérience sexuelle.
Byll n'y avait seulement jamais songé. Il ne rêvait que de liberté pour lui et Rouge, de pouvoir voler dans le ciel sur son dos. Mais peut-être que le dragon, lui, aspirait à la compagnie de quelqu'un de son espèce ?
Zyo évoqua les seins généreux de différentes orcéants avec lesquelles il espérait coucher.
Byll lui souhaita d'avoir la chance de se retrouver avec l'une d'entre elles, taisant son malaise pour ne pas doucher la joie de son camarade.

A travers les millénaires - 1

An 2901. Waldo se considérait comme un adolescent normal jusqu'à ses quinze ans.  Il n'était pas idiot, mais pas brillant non plus. Brun, les yeux gris, d'une taille et d'un poids moyen, il n'avait aucun signe distinctif, si ce n'est un nez un peu grand.
Il était en train de suivre un cours d'histoire sur la chaîne vidéo dédiée, quand il se souvint : il ne s'était pas toujours appelé Waldo. Il avait eu des noms multiples : Noah, Carlos, Xanthe, Sarah...
Oui, il avait été une femme. Il avait connu les douleurs de l'enfantement. Il n'avait même pas toujours été humain. Il avait déjà vieilli et était mort. Cependant, chaque fois, il était né à nouveau, à une autre époque.
Waldo crut qu'il allait vomir. Il avait tué des gens à plus d'une reprise parce que c'était la guerre, certes et jamais par plaisir, mais cela restait horrible. Impossible. Mais vrai.
Il avait vécu toutes ses vies et souffert de ses souvenirs. Il en avait même eu des cauchemars. Au milieu de toutes ces morts violentes, celles qu'il avait données et celle qu'il avait reçues, il n'avait pas toujours été seul. Il l'avait rencontré, elle, lui. Encore et encore. Il l'avait embrassé à perdre haleine.
Waldoo se sentit excité en se rappelant de corps chauds contre le sien ou plutôt celui de ses alter egos.
Il tenta de remonter le fil de ses souvenirs, de retrouver quand tout avait commencé. Tout était lointain, mais étrangement vivace.
C'était au temps de la préhistoire. Son nom était alors Iol. A cette époque, il croyait que la mort était la fin de tout. Il avait été banni de son clan pour avoir couché avec un autre homme.
Le hasard, à moins que ce ne soit le destin, l'avait conduit à sauver des femmes du clan des Trois Silex d'un tigre aux dents de sabre et il avait fait la connaissance de Kuma.
Ils étaient différents. Ils ne parlaient pas le même langage jusqu'à ce l'hiver où Kuma lui avait patiemment appris le sien.
Mais c'était bien avant cela que Kuma avait fait battre son cœur. Un lien s'était noué entre eux au-delà des mots. Du moins, l'avait-il cru jusqu'à ce qu'il apprenne que son bien-aimé Kuma allait se marier. Il s'était senti trahi au plus profond de son âme. Alors, il l'avait plaqué sur la litière qu'ils avaient partagé et caressé son pénis avant de le violer comme la brute qu'il était. Puis, il était parti, honteux de son acte. Mais Kuma lui avait couru après. Il l'aimait lui aussi, malgré tout. Cela ne rendait pas l'acte d'Iol moins abject, mais Kuma lui avait pardonné. Iol l'avait à nouveau étreint avec sauvagerie.
Waldo s'agita sur son fauteuil, à l'étroit dans son pantalon. Il n'avait jamais autant bandé, jamais eu envie de se toucher à ce point. Enfin, dans cette vie.
Iol n'avait hélas su convaincre Kuma de quitter son clan. Il était demeuré dans la montagne près du camp des Trois Silex, ne voyant Kuma qu'une fois par lune jusqu'à ce que deux bêtes sauvages ne l'attaquent et ne le dévore.
Waldo se mit à frissonner. Il lui semblait presque sentir encore dans sa chair les dents des redoutables prédateurs qui avaient eu raison de lui.
Iol était mort. Mais il ne s'agissait que de son corps, pas de son âme. Il était devenu Andonios.
Comme il avait été heureux de retrouver Kuma. Il l'avait reconnu au premier regard, même sous ses traits féminins. La réciproque n'avait pas été vraie, hélas. Jamais.
Il était le seul à se souvenir. Toujours, à l'exception d'une unique fois.
Chaque fois, il devait le ou la séduire à nouveau en dépit des obstacles – des rangs différents, des sexes identiques... Il avait demandé à son âme sœur si elle croyait à la réincarnation un nombre incalculable de fois.
Et dans cette vie, quand donc son chemin croiserait-t-il le sien ?
Il espérait qu'ils n'auraient pas de lien du sang – c'était arrivé – et qu'il n'aurait pas à attendre ses vieux jours comme cela s'était déjà produit, car, il avait hâte de retrouver son âme sœur.

vendredi 19 août 2016

Orcéant - 5

Byll ne souffla mot à quiconque de l'existence du dragon, pas plus à Arya qu'à Zyo, un orcéant de son âge avec lequel il parlait quand ils en avaient l'opportunité, c'est-à-dire trop rarement. Il ne voulait pas prendre le risque qu'un humain surprenne ses propos et signer ainsi l'arrêt de mort de Rouge.
Ce secret changeait pourtant tout pour Byll. Il signifiait que les histoires d'Arya étaient vraies et non des contes racontés pour adoucir leur rude quotidien. Il lui donnait aussi un espace de liberté : chaque moment passé auprès de Rouge était comme une petite victoire face aux humains qui accablaient de tâches les orcéants. Au dragon, il pouvait tout dire : sa colère envers ceux qui les avaient transformé en esclaves, son envie de se rebeller et son incapacité à le faire à cause de la magie, son aspiration à un jour voir la mer, cette immense étendue d'eau au bord duquel les orcéants avaient vécus autrefois... Rouge lui prêtait une oreille attentive, émettant différents sons que Byll interprétait comme cela l'arrangeait.
L'orcéant s'inquiétait souvent que le dragon se sente seul et malheureux dans sa grotte, aussi, il lui rapportait les récits d'Arya et il lui décrivait le monde extérieur : le ciel bleu, les étoiles scintillantes, les nuages moutonnant, le soleil doré, la pluie glacée, le vent parfumé, les arbres verts ou nus ou roux, les bâtiments de pierre...

    Des lunes et des lunes passèrent, Arya mourut. Elle fut enterrée sans cérémonie. Les orcéants ne purent la pleurer et nul ne prit sa place pour évoquer le temps jadis, leur labeur terminé, à la nuit tombée.
Elle était la dernière à avoir connu l'ère des dragons, l'unique à ne pas avoir craint d'enfreindre le silence exigé par les humains.
Byll et Zyo atteignirent leur taille adulte. Rouge, de son côté, semblait avoir également terminé sa croissance. La grotte où il était né était devenue immense à force qu'il la creuse.
L'orcéant n'avait plus guère la possibilité de lui rendre visite, le ramassage du bois étant assigné aux plus jeunes. Il se débrouillait malgré tout pour parfois expédier en vitesse certaines tâches et filer en douce auprès du dragon, s'assurer qu'il était toujours là et en forme. C'était toujours un soulagement de constater qu'il n'avait pas disparu, qu'il s'était débrouillé pour manger suffisamment de rongeurs pour survivre. Un hiver, il avait été si maigre et ses écailles si ternes que Byll lui avait dit qu'il pouvait le dévorer, mais Rouge avait refusé  en secouant la tête. Comme depuis le début, il comprenait tout.

jeudi 18 août 2016

Orcéant - 4

— Si je te reprends à traînasser, tu ne t'en tireras pas à aussi bon compte. Compris ?
Le garde ponctua la question d'un ultime coup de fouet, cette fois, sur le torse.
Byll acquiesça. Les humains n'aimaient pas qu'ils parlent, pas plus avec eux, qu'entre eux. Peut-être parce qu'alors, ils étaient obligés de se rappeler que les orcéants n'étaient pas des bêtes...
— Maintenant, file donc nettoyer les écuries, stupide paresseux !
Byll obéit sans tarder. Sa peau le brûlait là où le garde l'avait frappé, mais sa rencontre avec  le bébé dragon valait bien cette douleur.
    Durant le reste de la journée, Byll frotta, lava, porta et ramassa tout ce qui lui fut ordonné comme si rien ne s'était passé. Plus vite son manquement serait oublié, mieux ce serait pour lui, comme pour le dragon qu'il avait décidé de surnommer Rouge.
    A la nuit tombée, il n'écouta que d'une oreille Arya, tout son esprit tourné vers le bébé dragon. Il avait peur pour lui, mais n'était pas en mesure de le protéger, car il était lui-même à la merci des humains, prisonnier du numéro qui barrait son poignet.

    Il s'écoula trois jours avant qu'il ne fut à nouveau assigné au ramassage du bois. Il en rassembla en tout hâte, courut jusqu'au tunnel et s'y faufila.
Rouge n'avait pas disparu et semblait se porter comme un charme. Il avait agrandi les lieux en creusant et mis à nu une nappe phréatique pour boire.
— Tu es intelligent et débrouillard.
Le dragon claqua des dents d'un air très fier de lui.
— Heureusement que tu n'as pas besoin de moi.
Rouge émit un son guttural comme pour affirmer que c'était faux.
— Toute la journée, je dois travailler pour les humains, autrement, je suis puni.
Le dragon vint coller sa tête écailleuse contre le corps de l'orcéant.
— Tu cherches à me réconforter ?
Byll osa caresser le bout du museau de Rouge qui ferma à moitié les yeux en signe d'appréciation.
— Je ne comprends pas pourquoi les humains ont massacré les tiens. Certains d'entre eux acceptaient même de leur servir de montures. D'après Arya, les dragons traitaient bien toutes les espèces sans exception. Il n'y avait qu'une chose qu'ils interdisaient, c'était la guerre. En cas de conflit grave, ils intervenaient afin de le résoudre.
Byll continua à flatter le dragon de la main un petit moment en silence, promit de lui rendre visite dès qu'il le pourrait et repartit, triste de ne pouvoir demeurer davantage.

mercredi 17 août 2016

Orcéant - 3

Les yeux ambres de Byll clignotèrent de surprise quand la créature déploya ses ailes et déplia sa queue en as de pique : il n'en avait jamais vu auparavant, mais Arya les avait décrits et il en était sûr, c'était un dragon.
D'après la vieille orcéant, les humains les avaient tous massacrés sans pitié afin de prendre le pouvoir, et pourtant il était là, tout juste sorti de l'œuf.
Si jamais les humains le découvraient, c'était la mort qui l'attendait, mais s'il demeurait caché dans cette grotte, la faim le tuerait.
Le bébé dragon émit à cet instant un drôle de grondement. Ce devait être son estomac. Byll n'avait hélas rien à lui donner à manger, à part lui-même.
— Je suis désolé, déclara-t-il en reculant prudemment vers l'entrée du tunnel.
Le dragon rouge-orangé pencha sa tête triangulaire sur le côté d'un air inquisiteur et Byll sut qu'il ne pouvait l'abandonner comme cela.
A défaut d'avoir choisi la vie qu'il menait, il avait le droit de décider de sa fin. Il revint vers le dragon qui, tout bébé qu'il soit, était déjà deux fois plus grand que lui et trois fois plus large, et il lui expliqua la situation – le danger représenté par les humains et l'absence de nourriture.
Le dragon grogna et de ses naseaux s'échappèrent un filet de fumée.
Quand il ouvrit une gueule menaçante pleine de  dents effilées, Byll crut sa dernière heure arrivée, mais il ne s'enfuit pas. Cependant, c'est vers le plafond que le dragon se tourna et cracha un filet de flammes. Plusieurs chauve-souris que Byll n'avait pas remarqué jusqu'alors tombèrent sur le sol.
L'instant d'après, elles étaient englouties.
L'orcéant eut l'étrange impression que le dragon, même s'il venait seulement de naître, avait compris ce qu'il lui avait dit plus tôt.
— J'espère vraiment que tu pourras assurer ta subsistance sans te montrer aux humains, déclara-t-il. Si je peux, je reviendrai, ajouta-t-il.

-dessus,  il partit en courant.
Une fois à l'air libre, il masqua à nouveau le trou, puis se dépêcha de rassembler deux fagots avant de rejoindre ses camarades.
Malheureusement, à l'orée du bois, se tenait un humain vêtu d'une cuirasse de cuir – un garde.
— Tu n'as ramené que cela ? Où étais-tu donc passé, sale tire-au-flanc?
Byll qui était encore loin d'avoir atteint la taille adulte des orcéants dépassait déjàl'homme de deux bonnes têtes. Il courba l'échine. Il n'avait aucune excuse à fournir.
C'était d'ailleurs inutile, le garde en avait une pour lui :
— Tu croyais pouvoir piquer un petit roupillon tranquille ?
Le fouet claqua sur ses épaules, puis sur ses genoux. Byll ne broncha pas. Pour la première fois depuis sa naissance, il se sentait supérieur à l'homme en face de lui. Il avait un secret plus précieux qu'un trésor : un des dragons tant détesté par les humains vivait à leur nez et leur barbe, peut-être pas pour longtemps certes, mais cela lui donnait envie d'espérer plus que les récits d'Arya. C'était concret.

mardi 16 août 2016

Orcéant - 2

Un nouveau coup de sifflet et tous les orcéants quittèrent le réfectoire.
L'homme chargé de leur surveillance les appela par leurs numéros qui étaient tatoués sur leurs poignets et donna ses instructions.
Byll était de corvée de bois avec cinq autres jeunes orcéants.
Ensemble, ils se rendirent dans la forêt afin de ramasser les branches tombées pour en constituer des fagots.
Personne n'était là pour les surveiller, mais fuir n'était pas une option. Le numéro sur leur peau bleue permettait aux humains de les retrouver où qu'ils aillent et, si jamais ils quittaient les zones autorisées, il se mettait à les brûler jusqu'à ce la douleur irradie dans tout leur corps.
Byll ne l'avait pas expérimenté lui-même, mais les humains les avaient prévenus et certains orcéants de son dortoir parmi les plus vieux qui avaient tenté leur chance bien des lunes auparavant avaient pu constater que c'était vrai.
Byll s'enfonça dans la masse d'arbres, autant pour éviter de marcher sur les plates-bandes de ses camarades qui préféraient se faciliter la vie en restant à l'orée de la forêt que parce qu'il aimait l'illusion d'être en liberté.
Il devait toutefois prendre garde à ne pas trop s'éloigner et à ramener assez de bois pour ne pas avoir à subir la morsure du fouet.
Le hasard le conduisit à un tas de branchages, ce qu'il jugea être une aubaine. En les récupérant, il découvrit derrière un trou.
Mû d'une impulsion subite, il se contorsionna pour entrer dedans.
Comme tous les orcéants, il voyait dans l'obscurité comme en plein jour, aussi il n'hésita pas à avancer dans le tunnel humide qui ne semblait jamais devoir finir.
Enfin, il déboucha sur une espèce de grotte, à première vue, inhabitée. Il n'y avait là que des pierres grises et moussues. Cependant, en tendant l'oreille, Byll crut entendre quelque chose comme un lointain tam-tam.
Intrigué, il cessa de respirer pour chercher à en déterminer la provenance.
Après quelques tâtonnements, il posa les mains sur un grand caillou de forme ovale. Rien ne le distinguait des autres, si ce n'est ce bruit léger semblable à un battement de cœur.
Il frotta la surface rugueuse qui s'effrita sous ses doigts, laissant apparaître du rouge-orangé luisant dont se dégageait une douce chaleur. Byll savait qu'il ne s'était déjà que trop attardé, mais empli de curiosité, il gratta encore un peu la couche rocheuse jusqu'à ce qu'elle se craquelle d'un coup, révélant une créature rouge qui darda un œil doré sur lui.

lundi 15 août 2016

Orcéant - 1

CHAPITRE 1
Les grands corps bleus des orcéants vêtus de simples pagnes étaient allongés en ligne sur des paillasses de façon à occuper le moins de place possible. Dans l'air flottait une odeur âcre de sueur. Les murs en pierres brut de leur dortoir étaient percés par des lucarnes qui laissaient filtrer la pâleur lunaire.
Au centre de la pièce, Arya, la plus vieille d'entre eux, évoquait l'époque heureuse et lointaine où les dragons régnaient sur Erret et où les orcéants étaient libres.
A cette heure-ci, le silence aurait dû régner, mais chaque soir, Arya désobéissait à la règle. Il était fondamental que les jeunes orcéants sachent que le monde n'avait pas toujours été comme cela, qu'ils n'avaient pas toujours été traités comme des bêtes par les humains, ces êtres pourtant trois fois plus petits qu'eux.
Les orcéants étaient plus forts et tout aussi intelligents, mais ils ne maîtrisaient pas la magie comme les hommes, aussi se retrouvaient-ils sous leur joug. Assurément  des temps meilleurs viendraient, mais pour cela, il fallait garder en mémoire la culture des orcéants.
Byll – c'est Arya qu'il l'avait baptisé ainsi car les humains ne leurs attribuaient jamais que des numéros – aimait l'écouter. Il avait cependant peine à croire qu'un jour, les orcéants aient vécu comme ils l'entendaient, sans avoir à subir le mépris des humains qui se moquaient de leurs crânes chauves, des trois grandes dents qui dépassaient de leurs bouches, de leurs oreilles à doubles pointes...
Il n'avait pas connu ses parents. Il avait été élevé avec des dizaines d'autres bébés orcéants par des étrangères jusqu'à être assez âgé pour être mis au travail. Ramasser du bois, des fruits, des légumes, nettoyer les écuries, les étables... Les tâches ne manquaient pas, même pour les plus jeunes qui étaient déjà aussi grands que des hommes adultes.
Les jours s'empilaient sur les nuits, semblables, si ce n'est pour les mots d'Arya. Parfois un garde venait la faire taire, mais cela n'empêchait jamais la vieille de recommencer.
Bercé par la voix rocailleuse d'Arya qui racontait comment autrefois les dragons volaient dans le ciel au milieu des oiseaux, Byll s'endormit.

    Un sifflement strident le réveilla. L'aube pointait. Tous les orcéants se levèrent. Traîner, c'était s'exposer à des coups de fouet.  Ils sortirent tous du bâtiment rectangulaire qui les accueillaient chaque nuit et allèrent d'en celui d'en face pour manger. Ils devaient préparer eux-même leur pitance avec les rebuts des humains : légumes rabougris, fruits trop mûrs, viande devenue trop dure... Ce n'était que rarement bon, mais cela nourrissait et donnait de l'énergie jusqu'au soir, moment où ils pouvaient se sustenter à nouveau.

jeudi 11 août 2016

Nouveaux projets

Oui, encore des nouveaux alors qu'il y a déjà tous les anciens. Et effectivement, il n'est pas certain que j'écrive tout cela un jour, ce qui nous amène à un petit souci, je ne sais pas par lequel commencer...
Bref, je ne peux promettre d'épisode pour demain, mais d'ici lundi, je devrais m'être décidée. N'hésitez pas à m'influencer. :)

Remplacement standard
Pères surbookés, mères débordées... Pas de panique ! On vous fournit un ou  une remplaçante pour vous donner le temps de souffler !  
Jonas qui n'a pas été prévenu par son épouse n'accueille pas à bras ouverts Ethan qui a été envoyé pour prendre sa place et s'occuper de leurs trois enfants.

Double genre
Aux yeux de tous, Darius est un homme. Il en a tous les attributs, mais au  fond de son cœur, il est une femme. Son corps est comme une prison dont  il aimerait se libérer. Oliver est fraîchement divorcé. Il a enfin admis qu'il était gay. Leur rencontre va chambouler leurs vies.

Orcéant
L'ère des dragons est terminée, celle des humains a débuté et avec elle,  le massacre ou la mise en esclavage de toutes les autres races sans exception. Mais certains ne sont pas d'accord avec le pouvoir qui s'est mis en place et veulent faire changer les choses...

A travers les millénaires  (suite de A travers les âges que j'ai envisagé après qu'une lectrice en ait fait la demande par mail)
Peu importe leur sexe, leur race, leur religion, ils s'aiment à travers les âges. Cependant, un seul d'entre eux se souvient et tente vie après  vie de reconquérir le cœur de son âme sœur. Mais encore faut-il qu'il y ait encore de la vie, car la guerre planétaire qui fait actuellement rage pourrait bien conduire le monde à sa fin...

Fantastiques amours
Un recueil de nouvelles mettant en scène de drôles de couples tel un homme avec un personnage de cinéma, un homme avec un autre minuscule, un avec un arbre capable de se transformer...

 Chaînes de magie
Vous rappelez-vous le bout de texte que j'avais mis en ligne pour le 7ème anniversaire du blog ? J'ai finalement eu une idée pour une suite qui rendrait ce démarrage pour le moins bizarre plus qu'acceptable.

Akari est vendu à un inconnu qui couche avec lui et lui fait connaître un plaisir incomparable. Comment croire aux explications de son "propriétaire" qui remettent en cause sa propre nature et le monde qu'il a connu jusque là ?

mercredi 10 août 2016

Cœur de fantôme - 93

L'été passa, l'automne revint. Un an jour pour jour s'était écoulé depuis que Zack avait rencontré Nino et Kazuya. Ils n'avaient rien prévu de spécial pour l'occasion. Zack s'était contenté de ramener de bons petits plats d'un restaurant indien et avait convaincu Nino et Kazuya de visionner avec lui une de ses comédies romantiques préférés.
Nino et lui étaient collés l'un à l'autre dans le canapé, les mains jointes, Kazuya flottant derrière eux, quand soudain Zack sentit quelque chose sur sa tête.
Surpris, un cri lui échappa. Nino se joignit à lui comme s'ils avaient été en train de regarder un film d'horreur.
— Quelle réaction pour un premier contact ! s'amusa Kazuya.
— C'était toi ?! s'exclamèrent Zack et Nino en chœur, incrédules, en se tournant vers lui.
— Oui.
— Mais comment ?
— Je voulais vous faire la surprise. Voilà plusieurs années que je m'exerce...
Dans un même mouvement, Zack et Nino se précipitèrent pour le prendre dans leurs bras. Ils passèrent au travers du fantôme et se retrouvèrent enlacés.
Kazuya éclata de rire.
— Désolé, ma tangibilité n'est pas encore au point.
Ils leur tendit les mains et ils purent chacun en attraper une. Elle était large et fraîche. Le toucher, enfin. 

Des larmes perlèrent au cil de Nino.
— Jamais, je n'aurais cru qu'un jour, je pourrais...
Zack était ému également. Lui aussi en avait rêvé, en sachant... non, en croyant que c'était impossible.
— Tu aurais pu nous informer de tes tentatives quand même, râla-t-il.
— Plutôt que de vous causer une belle frayeur ? Non, cela n'aurait pas été drôle, déclara Kazuya. En vérité, c'était pour vous épargner une déception, car je n'étais pas certain d'y parvenir, précisa-t-il.
— C'est merveilleux, intervint Nino avec un sourire ravi, ses doigts agrippés à ceux de Kazuya.
Zack non plus n'avait pas lâché le fantôme. C'était un miracle.
Après la découverte que Kazuya était attaché au sabre, il n'avait pas pensé que leur vie à trois pouvait être encore plus heureuse. Il se trompait.
Quelque mois auparavant, la tangibilité, même partielle de Kazuya l'aurait catastrophé et il serait déjà imaginé être jeté comme une vieille chaussette, mais il en avait fini avec les doutes et il était tout simplement heureux. Nino, Kazuya et lui étaient inséparables.
— Y-a-t-il une autre partie de ton anatomie que tu peux rendre solide ? demanda Zack avec une idée bien précise en tête.
Nino s'empourpra comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps, montrant qu'il savait très bien où Zack voulait en venir, qu'il désirait la même chose.
— Techniquement, toutes, mais dans la pratique, pas en même temps.
— Tu devrais t'entraîner avec nous à partir de maintenant, déclara Zack.
— J'y compte bien, répliqua Kazuya avant de leur donner à chacun un baiser.

FIN

mardi 9 août 2016

Cœur de fantôme - 92

Au début du printemps, ils touchèrent enfin au but et sortirent le sabre tout abîmé par son long séjour dans la terre.
Pressés de savoir s'ils avaient eu raison de se donner toute cette peine, Kazuya posséda Nino et ils s'éloignèrent à pieds avec l'arme. Il n'était pas question de reboucher le trou, ni même d'attendre d'être rentrés à l'appartement pour tester.
Dès que le 7 rue des Sycomores fut hors vue, Kazuya quitta le corps du jeune homme. Zack retint son souffle, le cœur tambourinant. Nino lui serra la main, partageant ses craintes et son espoir.
Le fantôme apparut devant eux sur le trottoir, un sourire triomphal aux lèvres.
Ils n'avaient plus besoin de s'inquiéter de ce qui serait construit ou non sur le terrain. Ils n'auraient plus jamais à passer prendre Kazuya.
Ils allaient pouvoir être tous les trois partout, sans que Kazuya possède nécessairement Zack ou Nino.
Il y avait de quoi oublier l'aspect morbide de posséder l'arme d'un crime fratricide, quand bien même celui-ci avait eu lieu sept cent ans plus tôt.

Le sabre leur changea la vie. En le cachant dans un grand sac de sport, ils pouvaient désormais se promener tous les trois.
Kazuya pouvait même se matérialiser aux yeux de tous, faire semblant de marcher à leurs côtés. Il évitait cependant de le faire, car cela nécessitait beaucoup d'énergie de sa part et préférait participer à la conversation en demeurant invisible.
Nino avait initialement refusé qu'ils se baladent ensemble.
— Pourquoi ? avait demandé Zack.
— Nous pourrions croiser un exorciste, avait expliqué Nino.
— La probabilité est plus que faible, avait rétorqué Kazuya. Et même si le hasard jouait en notre défaveur, pour quelle raison ferait-il du zèle ? La majorité font payer leur service. Tu te montres moitié moins prudent quand il s'agit de toi, avait encore ajouté Kazuya.
Nino avait dû en convenir.

D'ailleurs, leurs propres entreprises d'exorcisme avec Kazuya à leurs côtés étaient nettement moins dangereuses. Quand il n'occupait pas leurs corps, il pouvait parler avec les autres fantômes directement et juger de lui-même s'il était possible de les aider sans risque en les laissant posséder Nino. 

lundi 8 août 2016

Cœur de fantôme - 91

— Comment se sent-il ?
La réponse mit deux bonnes minutes à arriver, Nino et le fantôme devant être en plein échange mental.
— Il est sonné. Il se réjouit à l'avance que je sois lié au sabre et pas forcément au terrain. Dès la fin du chantier, nous verrons ce qu'il en est. Dans l'intervalle, je me charge de découvrir son emplacement exact.
— Comment comptes-tu t'y prendre ?
— Je peux me promener sous terre.
Évidemment, en tant que fantôme, il était capable de passer au travers comme dans du beurre...
— Je suis soulagé d'apprendre que nous n'allons pas devoir retourner tout le terrain.
— Nino aussi... Je vais vous laisser.
— Déjà ?
— Toujours aussi synchrones... Oui, car après cette double possession, il vaut mieux que Nino soit lui-même pour se remettre. A bientôt mes amours.

    Le chantier terminé, les derniers gravas évacués, Zack et Nino s'achetèrent chacun une pelle et pioche ainsi qu'une lampe de chantier.
A la nuit tombée, en douce, ils se mirent à l'ouvrage à l'endroit que leur avait indiqué Kazuya.
Avec les années, le sabre était désormais enfoui à plusieurs mètres de profondeur. Et, même avec la meilleure volonté du monde, le travail allait être de longue haleine.
Ni l'un ni l'autre, ils n'étaient familiers avec l'exercice et ils furent surpris de constater à quel point il était dur de creuser la terre. C'est fourbu qu'ils s'arrêtèrent après avoir recouvert le trou d'une bâche verte pour rendre leur trou moins visible.
C'est bras et mains douloureux qu'ils reprirent leur tâche le lendemain, encouragés par Kazuya.
Au bout de quelques jours, ils avaient gagnés du muscle. Plus le trou devenait profond, plus il était dur d'évacuer la terre. Devoir travailler de nuit n'arrangeait rien.
Ils durent se procurer une échelle, des seaux et des cordes. Transporter tout cela ne fut pas commode.
Ils étaient éreintés, mais motivés et surtout ne voulaient pas s'arrêter avant d'avoir touché au but. S'ils étaient découverts, leurs efforts seraient perdus.
— C'est radical pour avoir de beaux biceps en un rien de temps, plus efficace même que de la musculation en salle. J'imagine la tête des clients du centre où je travaille, si je leur conseillais de faire des trous...
— Tu te retrouverais vite au chômage, répliqua Nino.
— Pas sûr. Il faudrait bien quelqu'un pour superviser la mise en gruyère d'un terrain.

vendredi 5 août 2016

Cœur de fantôme - 90

« Vous l'avez payé cher. La piste de l'arme me semble meilleure, surtout que je sais où se trouve le sabre. Mon frère l'a enterré dans le jardin. »
Zack émit des réserves : Kazuya était attaché à la maison, c'était entre ses murs qu'il revenait à chaque fois, il n'y avait peut-être aucun moyen de le lier à l'arme.
« Je le suis peut-être déjà. La demeure où j'ai vécu autrefois n'était pas bâtie au même endroit que celle qui a été démolie. »
Zack réalisa alors que c'était finalement peut-être une bonne chose que la maison ait été détruite. Ainsi, ils pourraient récupérer le sabre plus facilement. Ils avaient cependant un problème plus pressant : ramener Nino qui était toujours évanoui.
« Je vais le posséder. Tu n'auras pas à le porter. »
Zack en était tout à fait capable, mais cela aurait attiré l'attention des gens, et après le trajet jusqu'au 7 rue des Sycomores avec un Nino qui tentait de s'échapper, cela aurait été tenté le diable...
Kazuya le déposséda et Nino se redressa, ses yeux vairons étrangement fixes.
— Posséder quelqu'un qui a perdu conscience est moins aisé, car cela oblige à contrôler des choses qui fonctionnent autrement tout seul, expliqua Kazuya comme Zack s'étonnait.
Avant de quitter les lieux, Kazuya-Nino prit une grosse poignée de terre dans le jardin et, faute d'un sac adapté, la fourra dans la poche du jeans du jeune homme.
Nino ne serait pas ravi que son pantalon soit sali, mais il était important de réparer le talisman. Même si celui-ci était en partie à l'origine de leurs ennuis cette fois, cela valait toujours mieux que d'être à la merci du premier fantôme venu.
Ensuite, ils marchèrent - Kazuya-Nino avec une certaine raideur -  jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche.

    De retour à l'appartement,  Kazuya-Nino voulut s'occuper en priorité de recoudre la pochette. Zack dut ressortir pour se procurer une aiguille et du fil, ainsi que du tissu, car il n'en avait pas.  Kazuya-Nino ne l'accompagna pas, jugeant que le corps de Nino avait besoin de repos après la lutte dont il avait été l'objet.
Zack se dépêcha d'acheter le nécessaire. Quand il revint, Nino était toujours inconscient. C'était bizarre qu'il soit là sans y être.
Kazuya n'eut pas à informer Zack quand  le jeune homme se réveilla, il s'en rendit compte de lui-même.

jeudi 4 août 2016

Cœur de fantôme - 89

« Mais qu'est-ce qui vous a pris, bon sang ! ? »
C'était quelque chose de le voir fâché, le vivre de l'intérieur en était une autre. C'était limite plus effrayant.
La tempête ne dura cependant pas. Elle était à la hauteur de la peur que Kazuya avait ressenti, car il avait bien failli ne pas avoir le dessus. C'était un fantôme presque aussi vieux que lui qui avait infiltré Nino et il aurait tout aussi bien pu posséder Zack. Sans le baiser qui l'avait déstabilisé, car il n'était pas à l'aise avec l'homosexualité, Kazuya aurait pu échouer à le chasser du corps du jeune homme.
«Votre conversation l'a intrigué et le talisman a encore attisé sa curiosité. Je n'aurais jamais pensé que cette protection puisse être source de problèmes. Rien n'est jamais parfait. »
Zack frémit intérieurement à l'idée qu'il avait failli être à la merci d'un fantôme aux intentions douteuses.
« Je te rassure. Il n'avait pas de but précis. A priori, comme moi, sa vengeance ne peut plus être accomplie. En revanche, plutôt que de hanter, il préfère passer d'un corps à l'autre pour accumuler différentes connaissances. »
Il n'avait rien à voir avec Kazuya. Il était antipathique. Il avait cherché à semer la confusion dans l'esprit de Zack en prétendant à toute force être Nino.
« J'ai moi aussi pris le contrôle de nombreux hommes et femmes. Jamais longtemps, certes, mais je ne suis pas plus respectable. »
Zack n'était pas de cet avis. Il était certain que Kazuya avait toujours veillé à ne pas briser la vie de ses hôtes en ne leur faisant pas faire n'importe quoi.
« J'ai en effet fait attention à ne pas blesser leur entourage, mais je les ai quand même plié à ma volonté, les obligeant à agir comme cela m'arrangeait. Le dernier en date que j'ai possédé, le policier, n'a cessé de me résister durant tout le temps où je l'ai occupé. Et je parie que depuis qu'il est libre, cela le ronge, surtout que se confier à quelqu'un sur ce genre de mésaventure est délicat. »
C'était sûr que parler fantôme avait de bonnes chances de voir son interlocuteur s'interroger sur sa santé mentale. Cela avait d'ailleurs dissuadé Zack d'en discuter avec quiconque. Il aimait que Kazuya se soucie de ce genre de chose à la différence de l'autre qui l'avait embrouillé sans vergogne en s'accrochant à l'identité de Nino.

« Me faire posséder le corps d'un individu plongé dans le coma était une idée que je croyais que vous aviez abandonné. »
Zack se justifia et défendit Nino qui, inanimé entre leurs bras ne le pouvait pas : ils s'étaient rendus à l'hôpital sans désir réel de mettre en pratique leur plan.

mercredi 3 août 2016

Cœur de fantôme - 88

Se rendre au 7 rue des Sycomores dans ses conditions dura une éternité. Zack ne fléchit pas, même quand le fantôme arrêta de vouloir aller dans la direction opposée pour tenter de le persuader qu'il était Nino et qu'agir ainsi était stupide. Zack était certain de ne pas se tromper et resta sourd aux insultes qui suivirent son refus de le lâcher.
Comme c'était dimanche, le chantier était heureusement désert. Il n'y avait désormais plus qu'un tas de gravas à la place de la vieille demeure.
Zack n'eut pas à appeler Kazuya. La voix de celui-ci retentit aussitôt, accusatrice :
— Que faîtes-vous là ?
— Zack est convaincu qu'un fantôme m'habite. Ce qui est absurde puisque je suis sous ta protection, déclara Nino en extirpant le talisman.
Zack nota que ses doigts le masquait partiellement, comme précédemment, ce qui confirmait son hypothèse qu'il était abîmé. Le nœud n'avait pas cédé, mais les coutures, sûrement.
— Je vois, dit Kazuya sobrement.
Avant que Zack n'ait à défendre son opinion, Nino se plia en deux, comme s'il avait reçu un coup de poing.
Il se redressa aussitôt, le visage torturé, les yeux papillotant. Des grognements s'échappèrent de sa bouche, son corps entier  agité de drôles de soubresauts.
Zack ne le lâcha pas. Il ne savait pas quoi faire d'autre.
— Embrasse-moi. Assomme-moi. Non ! Non !
La voix de Nino d'abord normale s'était muée en hurlement. Il secoua la tête en tout sens comme un dément.
C'était affolant.
Kazuya et le fantôme inconnu menaient à priori une lutte terrible pour le contrôle du corps de Nino.
Jugeant le baiser sans danger, Zack s'efforça d'immobiliser Nino. Mais en proie des consignes contradictoires, ce dernier était dur à maîtriser. Il battait l'air d'une main et tapait du pied comme une forcené sans se soucier du fait qu'il pouvait causer des éboulis vu qu'ils se tenaient sur des gravas.
L'espace d'un instant, il se figea totalement. Zack en profita pour plaquer sa bouche sur la sienne.
Ce fut un baiser étrange, Nino agitant l'un de ses bras comme s'il voulait s'envoler, puis leurs langues se mêlèrent et le corps de Nino s'amollit. Si Zack ne l'en avait pas empêché, il se serait effondré.
Zack sentit soudain Kazuya entrer en lui, mais sans qu'il ne cache rien de ses pensées ou de sa colère.
Ce flot inattendu de souvenirs et de sentiments submergea Zack au point qu'il oublie un instant sa propre identité.

mardi 2 août 2016

Cœur de fantôme - 87

— Désolé si je me trompe, mais je crois que vous êtes un fantôme, que vous êtes passé du corps du type dans le coma à mon Nino.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Je suis protégé par le talisman de Kazuya.
Nino était fâché en dépit des excuses préventives.
— Pardon, mais ton comportement est étrange depuis tout à l'heure et il y avait bel et bien un fantôme.
— Oui. Un de plus. D'où mon envie de tranquillité.
Zack ne savait plus quoi penser : était-ce ou non Nino ?
— Et moi, j'ai besoin de tenir dans mes bras.
La grimace de dégoût du jeune homme le fit pencher en faveur du non. Pour une raison ou une autre, ce fantôme prétendait être Nino, piochant dans ses souvenirs pour donner le change, mais ce n'était pas lui. 
Zack avait deux possibilités : soit il l'obligeait à admettre la vérité, soit il faisait semblant, comme lui. Dans tous les cas, il ne fallait pas le lâcher d'une semelle.
— Montre-moi le talisman, exigea-t-il, choisissant de piéger le fantôme.
Nino soupira et sortit lentement le talisman de sous son pull.
— Et maintenant, ça suffit !
— Mais ce n'est pas possible... dit Zack, perdant de sa superbe, et doutant de nouveau.
Il approcha la main pour toucher la petite pochette, mais Nino qui la tenait en partie cachée, la rangea vivement.
Sa promptitude à la soustraire à sa vue interpella Zack. Le talisman devait être endommagé. Il n'y avait pas d'autre explication.
— Si tu veux me faire plaisir, rentrons à l'appart.
— Laisse-moi respirer de temps en temps, répliqua Nino et il le planta là.
Zack, même en sachant que ce n'était pas le jeune homme qui parlait, accusa le coup. C'était sa voix, après tout.
Il partit à sa poursuite. Nino tenta de le distancer, mais en vain.
Arrivé à son niveau, Zack jugea qu'il valait mieux employer la manière forte. L'expérience avec Victor lui ayant servi de leçon, il lui saisit le bras avec fermeté.
L'individu qui avait pris possession de Nino voulut lui flanquer un coup, mais il le para et l'obligea ensuite à avancer.
Ils attiraient évidemment l'attention des patients, Nino ne cessant de chercher à se dérober à son emprise, mais Zack ne renonça pas pour autant. Tout ce qu'il pouvait espérer, c'est que personne n'appellerait la police, car alors, il aurait été dans de sales draps.

lundi 1 août 2016

Cœur de fantôme - 86

Un cri échappa à Nino. Le type lui faisait mal. Zack s'emmêla. Il y eut un instant de confusion, de bras et mains poussés et tirés, puis l'homme retomba lourdement sur l'oreiller, paupières closes, sa perfusion décrochée.
— Ça va, Nino ?
— Oui. Partons avant que quelqu'un ne vienne aux nouvelles.
Ils se précipitèrent hors de la chambre et quittèrent l'hôpital en vitesse.
Une fois dehors, Nino partit à grandes enjambées dans la direction opposée de l'endroit où Zack avait garé sa moto.
— Hé ! Où vas-tu ? cria Zack, en le rattrapant.
— J'ai une course à faire, répondit Nino sans lui accorder un regard.
— Je t'accompagne.
— J'ai besoin d'être seul.
— Et l'incident à l'hôpital, on ne va pas en parler ? Ce type dans le coma était possédé par un fantôme, non ?
— Tout s'est bien terminé, c'est l'essentiel.
C'était le genre de truc que Kazuya pouvait sortir, pas trop le style de Nino... Comme s'il n'était pas lui-même. Zack se figea. Nino ne s'en préoccupa pas et continua à avancer.
Les pieds de Zack refusaient de lui obéir. Il ne voulait pas croire que le jeune homme soit une fois encore victime d'une possession non désirée. Il rejoua la scène dans son esprit. Le type l'avait empoigné par le col de son pull sous lequel se trouvait le talisman. Était-il possible qu'il lui ait arraché ?
Zack se mit à courir après Nino. S'il avait raison, que le jeune homme était sous l'influence d'un fantôme, il ne fallait surtout pas qu'il le perde de vue.
— Mais quel pot de colle ! s'exclama Nino en le voyant. Tu vas me lâcher les baskets, oui ?
Cela rappela à Zack sa première rencontre avec le jeune homme. S'était-il monté la tête ? Le nœud de Kazuya n'avait pas pu se défaire comme cela.
— Il me semble que nous devrions discuter...
Si aucun fantôme n'avait pris possession de Nino, le jeune homme risquait de mal prendre     ses soupçons. A contrario, il n'apprécierait pas que Zack ne se soit rendu compte de rien.
— Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans le mot « seul » ? aboya Nino.
— Même sans moi, le seras-tu vraiment ? riposta Zack.
Nino se troubla, puis s'écria :
— Fiche-moi la paix !
Cela n'avait pas de sens. Cela faisait bien longtemps que le jeune homme ne le rejetait plus ainsi. Zack aurait aimé pouvoir retourner à l'hôpital et vérifier sa théorie au sujet du talisman, mais c'était impossible, car cela aurait impliqué de laisser Nino.