mardi 31 octobre 2017

Remplacement Standard - 58

— Eh bien, peut-être ne serai-je pas seul. Et je peux toujours embaucher une jeune fille au pair.
— Je ne veux pas les abandonner derrière moi. Ils m'en voudraient.
Dans un divorce, ce sont toujours les enfants qui trinquent. Disputes, gardes alternées... Les faire choisir entre leur père et leur mère était horrible, mais que faire, quand les sentiments changent ?
Il se rendait compte à présent qu'il était resté avec Gwen par la force de l'habitude, parce qu'ils avaient vécu tellement de choses ensemble qu'il n'avait pas envisagé un instant qu'elle ne puisse pas être celle aux côtés de laquelle il vieillirait.
— Je crois que le pire qu'on puisse faire, c'est s'entre déchirer sous leurs yeux.
Elle secoua la tête.
— Je ne sais pas.
Il n'avait aucune certitude non plus, sur rien. Il n'avait pas la moindre assurance qu'Ethan l'aime de la même façon que lui, juste le soupçon qu'il ne se ferait pas mal recevoir.
— Parle moi de ton veuf.
Elle sursauta.
— Mais non, cela me gêne !
— Tu as gardé contact avec lui ?
Elle acquiesça avec embarras.
— Nous communiquons par mails.
— Tous les jours ?
Elle confirma.
— Et toi, l'heureuse élue, c'est une collègue de bureau ?
Un homme aimant les arts ménagers. Celui qu'elle avait embauché pour la remplacer le temps de quinze jours qui s'étaient transformés en trois semaines.
— Non. La personne en question ne se doute pas le moins du monde de ce que je ressens à son égard. J'ai eu beaucoup de mal moi-même à accepter que j'étais tombé amoureux.
— J'ai eu le même problème. Je ne voulais pas reconnaître que toi et moi, c'était fini.
Si elle était tombée amoureuse d'une autre femme, cela aurait pu être comparable.
Elle avait raison, c'était étrange qu'ils discutent de leurs sentiments pour d'autres. En même temps, cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas discuté de choses intimes de façon aussi apaisée, et c'était agréable.
Elle reprit :
— Lui aussi a eu de la peine parce jusqu'à ce nous nous rencontrions, il était resté fidèle au souvenir de sa femme.
— Depuis combien de temps est-elle décédée ?
— Sept ans, dans un accident, peu après la naissance des jumelles.
Même si Gwen doutait encore que leur séparation soit la meilleure solution, surtout vis-à-vis des enfants, il semblait évident à Jonas qu'elle y viendrait. Il était prêt à lui laisser le temps de se habituer à l'idée. Ce n'était pas rien de mettre un point final à seize ans de vie commune. Il fallait aussi réfléchir à comment présenter les choses à Gilbert, Gui et Gaëlle.

lundi 30 octobre 2017

Remplacement Standard - 57

    Peu après une nouvelle prise de bec sévère, Jonas se jeta malgré tout à l'eau.
— Tu te rappelles la conversation que nous avions eu sur la fidélité... commença-t-il.
Gwen ne lui demanda pas pourquoi il évoquait ce vieil échange qu'ils avaient eu bien des années plus tôt, avant leur mariage, où ils s'étaient promis de prévenir l'autre si leurs sentiments changeaient et qu'ils tombaient amoureux de quelqu'un d'autre.
Elle soupira, s'abîma dans la contemplation de ses mains et hocha la tête.
Il y eut un silence, puis elle reprit, la voix un peu tremblante, le regardant droit dans les yeux :
— J'ai rencontré quelqu'un pendant mes vacances. Un veuf. Je t'assure que n'étais pas partie dans ce but.
Jonas n'éprouva aucune peine à cet aveu. Cela lui enlevait au contraire un grand poids.
— Tu n'as pas à t'excuser. Ou alors moi aussi.
Elle parut étonnée. Peut-être avait-elle cru qu'il l'avait confronté en raison de la distance qu'elle maintenait entre eux depuis son retour.
— Depuis quand… ?
— Pendant ton absence.
Il ne pouvait pas lui avouer pour le moment que c'était un homme qui lui plaisait. C'était déjà assez compliqué comme cela sans en rajouter.
— Oh.
— Nous nous étions promis d'être honnêtes.
— C'était avant la naissance des enfants. Maintenant nous formons une famille. On ne peut pas se séparer comme cela. C'est pour ça que j'ai préféré garder cela pour moi. Je suis rentrée avec l'intention de tout continuer comme avant.
— Mais Gwen, nous ne sommes pas heureux comme ça et par conséquent, les enfants non plus. Tu ne cesses de me faire des reproches à la moindre occasion.
Elle s'emporta :
— Tu le mérites ! Toujours à rentrer à pas d'heure !
— J'ai beau faire des efforts, c'est un de mes travers. Je retombe sans cesse dedans, je ne fais pas exprès. Je comprends que cela t’agace, mais...
Elle le coupa d'un ton calme et triste :
— Oui, c'est vrai. C'est comme si je ne voyais plus que tes défauts. Pourtant tes qualités n'ont pas disparu, mais elles ne compensent plus tes manquements.
— Pour ma part, même si je te considère toujours comme une femme formidable, tes critiques quotidiennes me pèsent. C'est pourquoi nous ferions mieux de nous séparer.
— Et les enfants, dans tout cela ? Tu es incapable de t'en occuper... et je ne peux pas les prendre avec moi. Il en a deux. Je ne me vois pas avec cinq.
Par ces mots, elle montrait qu'elle avait envisagé de le quitter, même si ultimement, elle avait choisi de n'en rien faire. Pour les enfants.
Lui aussi, il pensait à eux et à leur bien-être, même si elle ne le réalisait pas.

vendredi 27 octobre 2017

Remplacement Standard - 56

                                                     *
Trois mois s'étaient écoulés depuis le départ d'Ethan et Jonas ne cessait de songer à lui.
Une nouvelle année débutant, il en profita pour faire le point sur sa vie. Il était inutile de se leurrer plus longtemps : il était malheureux. Cela ne collait plus entre lui et Gwen, plus du tout. L'amour qu'ils avaient partagé n'était plus. Demeuraient leurs enfants et des tas de souvenirs heureux, mais visiblement, le temps avait cassé quelque chose.
Elle ne le supportait plus. Il le sentait. Aucun de ses efforts pour lui complaire ne suffisaient. Par ailleurs, elle ne voulait plus qu'il la touche et de son côté, il n'était pas tenté.
Le souvenir d'Ethan était toujours aussi vivace. Il lui manquait.
Une nuit, il avait même rêvé de lui, nu sous le tablier et en avait mouillé son caleçon, comme un adolescent incapable de se contrôler.
Oui, tout étrange et nouveau que cela soit pour lui – il n'avait jamais désiré un homme de la sorte auparavant -  il ne pouvait plus se voiler la face. Il était obligé d'être honnête avec lui-même, de reconnaître que même si c'était un homme, comme lui, il l'aimait, et pas qu'un peu.  Ce n'était pas un égarement passager ou une illusion liée à la vie de couple qu'ils avaient menée comme il avait préféré le croire, autrement, ces dernières semaines sans lui auraient dû dissiper ce qu'il ressentait à son égard.
Cependant, qu'il ait une chance ou non avec le nounou n'était pas le problème. Il ne pouvait plus rester avec Gwen, même pour les enfants. Leur relation s'était par trop détériorée. Ils se disputaient même en présence de Gaëlle, Gui et Gilbert.
Vu tout ce que Gwen et lui avait vécu au cours des dernières années, il avait toujours de l'affection pour elle, mais ce n'était plus suffisant pour continuer comme cela alors que son cœur était ailleurs.
Il ne savait pas plus comment aborder la question de la séparation qu'expliquer à sa femme qu'il pensait sans cesse à quelqu'un d'autre, un homme doux et réservé qu'il ne savait pas comment contacter, si ce n'est par l'intermédiaire de son entreprise… Il pourrait peut-être prétendre qu'il avait retrouvé quelque chose lui appartenant. Oui, d'une façon ou d'une autre, il se débrouillerait, parce qu'il voulait absolument le revoir.

jeudi 26 octobre 2017

Remplacement Standard - 55

— Tu vas rencontrer pleins d'autres garçons tout aussi charmants que lui.
— Hum.
— Tu es encore jeune.
— Toi, t'es toujours célibataire alors que t'es trentenaire, marmonna Gilbert.
Et pan, dans les dents. Ethan lui pardonna immédiatement, parce qu'il savait que l'adolescent souffrait et que les promesses d'un avenir meilleur était une bien mince consolation à s'être pris un râteau.
— Le métier que j'ai choisi  ne facilite pas les relations. Et puis, il y a quelque chose de miraculeux à tomber sur une personne qui vous retourne vos sentiments…
Et il n'y avait aucune garantie que cela soit de façon durable.
— J'aurais tant voulu que Mathieu m'aime, soupira l'adolescent.
Ethan le laissa s'épancher aussi longtemps qu'il en eut besoin.
Encore des remplacements, puis Noël arriva. Il le passa avec ses parents à prétendre être ce qu'il n'était pas, à promettre de leur présenter un jour une petite amie qu'il n'aurait jamais, parce qu'il n'était pas question qu'ils recommencent à le harceler pour qu'il suive une thérapie et guérisse, comme si ses préférences sexuelles étaient une maladie !
Il aurait peut-être dû couper les ponts avec eux, mais n'en avait pas le courage.
Pour le réveillon, il n'avait pas le cœur à faire quoique ce soit, mais un de ses amis le traîna à une fête très animée et très gay.
Il évita tous les bouquets de gui accrochés au plafond de la salle et s'en échappa avant les douze coups de minuit, n'ayant aucune envie d'être embrassé par n'importe qui.
Sa bonne résolution était pourtant d'oublier Jonas et avoir une relation sans conséquence avec le premier venu aurait pu l'y aider, mais aucun des hommes présents n'avait su trouver grâce à ses yeux. Les coups d'un soir, cela n'avait jamais été son truc. Il avait toujours cherché des partenaires sérieux et tant que Jonas occupait toutes ses pensées, c'était impossible.
Heureusement, il avait son boulot de remplaçant. Cela l'absorbait, lui donnait l'illusion d'avoir une famille, même si ce n'était pas la sienne, ce qui était d'ailleurs souvent aussi bien, car certains conjoints et enfants étaient durs à supporter.

mercredi 25 octobre 2017

Remplacement Standard - 54

                                                             *
Après avoir été quitté Jonas et sa petite famille, Ethan avait été cloué au lit trois jours et donc forcé de prolonger son congé, puis il avait préparé une nouvelle mission de remplacement et s'était retrouvé à repousser les avances d'une bonne femme pendant deux semaines.
Dans l'intervalle, il avait échangé plusieurs textos avec Gilbert qui n'était toujours pas plus avancé au sujet de Mathieu.
Après, il avait pu souffler quelques jours, ce qui lui avait hélas laisser le loisir de penser à Jonas. Il lui manquait douloureusement, à un point qu'il n'avait pas imaginé. Il était encore plus mordu qu'il ne l'avait cru.
Une nouvelle mission débuta et les enfants se révélèrent de vrais petits monstres qui lui jouèrent des mauvais tours. Il retrouva entre autres joyeusetés des insectes dans son lit de camp et des punaises dans ses chaussures. Il dut prendre sur lui pour ne pas leur flanquer à tous la fessée. Des gamins aussi mal éduqués, c'était une horreur. Seul rayon de soleil durant cet enfer : un coup de fil tout joyeux de Gilbert qui avait enfin réussi à apprendre que Mathieu était tolérant et ouvert d'esprit en matière de sexualité.
Ethan ne résista pas à prendre discrètement des nouvelles de Jonas et apprit ainsi que l'ambiance n'était pas excellente à la maison, Gwen et Jonas se "bouffant le nez" de façon régulière.
    Entre deux missions, il eut Gilbert une nouvelle fois au téléphone, cette fois presque en larmes.
— Qu'est-ce qui t'arrive ?
— Je me suis déclaré à Mathieu.
Pas besoin d'être devin pour comprendre qu'il avait été rejeté, le tout était de savoir de quelle manière pour le consoler du mieux possible.
— Il l'a très mal pris et ne veut plus jamais entendre parler de toi ?
— Non, c'est pas ça.
Gilbert renifla et reprit :
— Il a été super gentil. Il a dit qu'il me voyait pas comme ça, qu'il était désolé, qu'on pouvait rester amis, enfin si c'était pas trop dur pour moi.
En gros, Mathieu était génial et cela faisait d'autant plus mal à Gilbert qu'il ne veuille pas de lui. C'était toujours mieux que d'être repoussé cruellement, d'être dénoncé publiquement à la classe entière et devenir l'objet de railleries, mais cela demeurait dur comme tout amour à sens unique voué à ne pas aboutir. Ethan ne le savait que trop bien.

mardi 24 octobre 2017

Remplacement Standard - 53

    Le dimanche, ils firent encore énormément de choses tous les cinq et la nuit venue, en tête-à-tête, ils ne se disputèrent pas.
    Jonas fit des efforts pour rentrer tôt du bureau pendant près d'une semaine, se chargea des trois enfants durant une bonne part du week-end, puis retomba dans ses vieilles habitudes, ce qui ne manqua pas d'énerver Gwen.
Ses vacances supposées améliorer les choses n'avaient apparemment fait que les dégrader. Depuis son retour, elle était davantage distante avec lui. Un rapide baiser sur les lèvres le matin, un tout aussi court le soir, voilà à quoi se réduisait leur intimité. Jonas n'avait guère insisté pour plus. Il n'avait pas vraiment envie.
Il n'arrêtait pas de penser à Ethan. Tous les jours, il se demandait ce qu'il faisait, mangeait, si cela se passait bien dans la nouvelle famille où il devait être. Il le revoyait l'accueillir le soir en tablier, sourire aux lèvres, bavarder avec lui tout en s'activant dans la cuisine, se mettre en pyjama accroupi derrière le montant du lit, en train de se sécher à la sortie de la douche…
Rien de ce que Jonas faisait ne semblait trouver grâce aux yeux de Gwen. Ce n'était jamais assez. Il aurait fallu qu'il revienne à l'heure du dîner tous les soirs et pas une fois dans les neiges, qu'il se charge des enfants plus que quelques heures le week-end.
Cela n'intéressait pas Gwen de savoir quoi que ce soit sur son boulot. Elle l'accusait sans cesse de ne pas se rendre compte de toutes les tâches qu'elle devait accomplir pour que la maison ne parte pas à vau-l'eau, mais elle ne réalisait pas qu'il était loin de se tourner les pouces. Et pas qu'à son travail. Il  entretenait le jardin, changeait les ampoules. Quand la chasse-d'eau était cassée, c'était lui qui s'y collait, lui encore qui avait repeint les volets et le portail qui s'écaillaient… Par contre, c'était Ethan qui avait réparé l'ouverture du portail à distance.
Avant son remplacement, face à ses critiques, il avait toujours reconnu ses torts, à défaut de se corriger, mais depuis qu'il avait vécu avec Ethan, il avait réalisé qu'elle n'était pas irréprochable, elle non plus.
Pourtant, il ne lui avait jamais fait la plus petite remarque quand elle ne parvenait pas à faire le ménage et que la poussière volait dans l'escalier. Il n'avait jamais rien dit non plus quand le désordre régnait dans la maison. Contrairement à elle, même quand il considérait qu'elle s'y prenait mal avec un des trois enfants, il se gardait de lui lancer des piques. Et il n'avait bien sûr osé râler de devoir se préparer des collations avec trois rien quand il rentrait tard. Seulement, c'était dur de retourner à ce régime après avoir été aux petits soins avec Ethan. Tout payé qu'il était pour la remplacer, le nounou aurait très bien pu l'abandonner seul à son assiette et ne pas se soucier du déroulement de sa journée.

lundi 23 octobre 2017

Remplacement Standard - 52

*
Et voilà, il avait disparu. Jonas rentra d'un pas lent à l'intérieur auprès de Gwen et des enfants. La vie allait reprendre son cours normal. Le nounou et toutes les choses qu'il n'aurait pas dû lui inspirer ne seraient bientôt plus qu'un lointain souvenir. De toute façon, tout cela n'avait été qu'un effet de la situation, pas quelque chose de réel.
Gwen et les enfants s'étaient installés dans le salon et leur montraient des photos de son voyage.
Elle leva les yeux vers lui et il lui sourit. Elle avait bronzé, elle était détendue et reposée. Cela faisait plaisir de la voir ainsi. Ils allaient pouvoir repartir ensemble du bon pied. Oui, tout était bien dans le meilleur des mondes. Pourtant, au fond de son cœur, un malaise persistait. Pouvait-on parler d'infidélité quand ce n'étaient que des pensées ?  La fille avec qui il était sorti au lycée était de cet avis en tout cas. Mais ce qui le chiffonnait vraiment, au fond, ce n'était pas ça, c'est qu'il ne reverrait plus.
— Tu reviens à temps pour les cadeaux ! s'exclama Gwen.
Gaëlle et Gui s'enthousiasmèrent aussitôt et même Gilbert ne put cacher son intérêt. Il y avait une poupée pour la fillette, un jeu de société pour Gui, une boîte de biscuits pour l'adolescent et un livre pour lui – des cadeaux adaptés à chacun.
Peut-être avait-elle voulu se faire pardonner de sa longue absence.
Il allait devoir discuter avec elle ce soir. Cependant, il se montrerait compréhensif. Il avait digéré qu'elle se soit absentée sans le prévenir. C'était pour l'heure le départ précipité d'Ethan qui lui laissait un arrière-goût amer.
— Tout s'est bien passé avec le remplaçant ? demanda Gwen à l'heure du déjeuner.
Chaque enfant chanta les louanges du nounou et Jonas se joignit à eux.
Gwen parut un brin désappointée.
— Je ne vous ai pas manqué ?
Ils protestèrent tous de concert, même Gilbert. Jonas trouva qu'ils sonnaient faux. En vérité, ils avaient beaucoup pensé à elle, mais Ethan avait su combler le vide laissé par son départ.
Tous les cinq, ils ne se quittèrent pas de la journée, Gwen continuant à les régaler d'anecdotes de son séjour et Gui et Gaëlle de parler de tout ce que le nounou avait fait avec eux en son absence.
La bonne ambiance cependant eût tôt fait de voler en éclat quand Gwen et Jonas se retrouvèrent dans l'intimité de leur chambre.
Jonas déclara comprendre qu'elle ait filé en douce et Gwen se mit en rogne :
— Si tu sais que c'est mal de me laisser m'appuyer tout le boulot de la maison et des enfants, alors aide-moi !
— Je fais ce que je peux…
— Tu ne penses qu'à ton boulot !
Ce genre d'échange, ce n'était pas la première fois qu'ils l'avaient. Soudain, c'était presque comme si elle n'avait pas pris de vacances.
— Allons, ne nous fâchons pas alors que tu viens à peine de rentrer.
Elle inspira, expira et lui donna raison.
Il l'attira dans ses bras et voulut l'embrasser en guise de réconciliation, mais elle se déroba.
— Je suis éreintée, dit-elle avant d'exposer, volubile, toutes les mésaventures qu'elle avait rencontré durant le trajet du retour.
Ils se couchèrent et dormirent ensemble, l'un à côté de l'autre, dans le lit changé de frais.

vendredi 20 octobre 2017

Remplacement Standard - 51

— Tu n'étais pas obligé de partir aussi vite.
La remarque surprit Ethan. Elle signifiait qu'il avait mal interprété l'attitude de Jonas et soudain qu'il ait voulu le raccompagner jusqu'au portail lui fit plaisir.
— Ma présence n'est plus nécessaire et c'est la règle de l'entreprise.
— Et tu tiens à toutes les respecter, même quand elles sont absurdes, grommela Jonas, tout aussi bougon que le jour où il avait fait sa connaissance.
Ethan ne releva pas, car en fait, il les avait toutes transgressés ou presque en demeurant une semaine de plus, en donnant son numéro à Gilbert, en ne rendant pas une maison propre...
— Au revoir. Heureux de vous avoir connu, murmura-t-il.
— Oui, moi aussi. Au revoir. Bonne continuation.
Ce n'était pas des adieux très chaleureux. Tant pis.
Leurs mains s'effleurèrent par mégarde une dernière fois quand il récupéra sa valise et il s'éloigna, la mort dans l'âme.
— Prends soin de toi, lança Jonas dans son dos. Tu as peut-être attrapé les microbes de Gui.
Ethan se retourna, fit un petit geste de la main, et reprit son chemin.
Il n'était pas malade, si ce n'est de chagrin.
Avant de tourner au coin de la rue, il jeta un dernier coup d’œil dans la direction de Jonas, sûr qu'il aurait disparu, mais non, il était toujours là, petite silhouette lointaine, comme s'il attendait le moment où il ne le verrait plus pour rentrer. C'était curieux.
Ethan secoua la tête, grimaça car elle lui faisait mal et continua à marcher. Cela ne servait à rien de tout surinterpréter. C'était fini, une page de sa vie se terminait et un autre chapitre allait commencer. Il allait devoir l'oublier.
Il éternua une fois, puis deux, puis trois. Jonas avait raison. A force de rester avec Gui, il avait été contaminé.
Il allait être vraiment misérable seul dans son appartement vide dans un lit une place tout froid avec pour unique compagnie une boîte de mouchoirs et des médicaments.
Quelques jours cependant suffiraient à ce qu'il soit à nouveau en pleine santé. Cela aurait été bien de pouvoir guérir aussi vite d'un chagrin d'amour, qu'il existe un quelconque remède pour adoucir les peines de cœur...

jeudi 19 octobre 2017

Remplacement Standard - 50

La petite famille étant trop occupée à se retrouver, personne ne se soucia vraiment de son explication.  Les trois enfants voulaient tout savoir sur le séjour de la mère et Jonas aussi. Il la serrait contre lui de façon si naturelle… et dire qu'Ethan avait failli se liquéfier la veille quand il l'avait pris par les épaules, que sa main s'était posée sur sa joue. Il avait cru que Jonas était attiré par lui, et son cœur avait bien failli jaillir de sa poitrine, et puis le moment était passé et il avait comprit que cela n'avait été qu'un geste de sollicitude.
Ethan grimpa quatre à quatre à l'étage, se vêtit en hâte et fourra ses affaires dans la valise avec la même précipitation. Il ne s'était pas étalé, il ne le faisait jamais, ne sortant que le strict nécessaire, alors, ce ne fut pas long.
Quand il redescendit, ils étaient tous toujours dans l'entrée, Gwen rayonnante au centre de son petit monde.
Comme il était manifeste qu'il était sur le départ, l'attention se reporta brièvement sur lui.
— Tu t'en vas déjà ? demanda Gaëlle.
A son ton, il était clair qu'elle aurait voulu qu'il s'attarde.
— Oui. Je ne veux pas gêner vos retrouvailles.
— Mais tu reviendras nous voir, hein ?
La petite jusque là accrochée à la jambe de sa mère vint se pendre à la sienne.
— Il y a d'autres familles qui ont besoin de lui, ma chérie, expliqua Gwen. Il faut laisser le monsieur partir, ajouta-t-elle en décollant la fillette avec douceur.
Le terme de "monsieur" fit tout drôle à Ethan. C'était comme s'il était un parfait étranger et c'est vrai qu'il l'était, quand bien même il avait partagé leur quotidien durant presque trois semaines, excepté qu'il avait eu l'impression cette fois de devenir un membre à part entière de la famille.
Gui lui tendit la main, solennel, et Ethan la lui pressa.
Ils allaient lui manquer tous autant qu'ils étaient. Gilbert lui sourit, en agitant discrètement son téléphone portable. Il n'était pas aussi triste que ses deux cadets, car il savait qu'ils allaient garder le contact.
— Je vous raccompagne au portail, déclara Jonas.
— Ne vous donnez pas cette peine, protesta Ethan, luttant contre le sentiment qu'il était pressé de se débarrasser de lui, maintenant que son épouse était revenue.
Se tournant vers Gwen, il lui présenta  des excuses pour le linge sale qui s'était accumulé et le bazar.
Elle le rassura gentiment : elle savait que c'était compliqué de s'occuper de la maison et de ses quatre habitants.
Ethan dit au revoir une seconde fois, fit un dernier bisous à Gaëlle qui le lui réclamait, les larmes aux yeux, puis il sortit dans le jardin, Jonas se chargeant de faire rouler sa valise dans l'allée.

mercredi 18 octobre 2017

Remplacement Standard - 49

*
Ethan se réveilla la tête lourde. Jonas tenait son oreiller serré contre son cœur. Ses dernières nuits, ce stupide machin rembourré avait toutes ses faveurs.
Aujourd'hui, c'était vraiment le dernier jour avec lui et ses enfants. Espérer un sursis supplémentaire n'avait pas de sens. Ethan ne souhaitait pas qu'elle ne rentre jamais. Cela aurait été par trop horrible pour les petits ainsi que pour son mari. Quand Jonas mentionnait sa femme, c'était avec tendresse.
Évidemment, comme les samedis précédents, Gilbert l'intercepta à peine s'était-il levé, puis Gaëlle déboula et il n'arriva jamais à la douche.
Ils avaient tout juste petit déjeuner et Jonas était encore dans la salle de bains quand une voix de femme retentit dans l'entrée.
Gaëlle fila aussitôt pour sans nul doute se jeter dans les bras de sa mère. Gui, avec plus de lenteur, car il était tout juste guéri, lui emboîta le pas, suivi par Gilbert qui devait juger que montrer trop d'empressement aurait été indigne de ses treize ans.
Ethan se retrouva seul dans la cuisine déserte et embarrassé, car il était encore en pyjama et que la maison était dans un état indescriptible. Lui qui l'avait tenu impeccablement jusqu'à jeudi, s'était laissé débordé et allait la rendre en bazar, ce qui constituait une faute professionnelle. Il n'était certes plus là en tant qu'employé, mais en vacances, mais ça, Gwen et Jonas ne le savaient pas. Il n'était pas non plus censé la croiser, mais elle était revenue un jour plus tôt, lui volant ses dernières heures avec sa famille… Bref, c'était l'horreur.
Il se résigna à paraître en pyjama devant Gwen, obligé qu'il était de passer par l'entrée pour monter s'habiller et prendre sa valise.
— Vous êtes encore là, vous ! s'exclama-t-elle.
Jonas, fraîchement sorti de la douche, la chemise boutonnée de façon incomplète, les pieds nus, était plus séduisant que jamais et il la tenait dans ses bras.
Ethan s'humecta les lèvres et déglutit. A chaque seconde qui passait, il se sentait de plus en plus dévasté. Heureusement, Jonas répondit pour lui.
— Oui, sachant que la météo te forçait à décaler ton retour, il a bien voulu rester.
Gwen fronça les sourcils.
— Je croyais que la limite était de quinze jours et j'étais d'ailleurs curieuse de savoir comment tu allais te débrouiller.
— En raison des circonstances exceptionnelles indépendamment de votre volonté, j'ai été autorisé à prolonger mon séjour, réussit à déclarer Ethan, presque sans bafouiller.

mardi 17 octobre 2017

Remplacement Standard - 48

Vendredi passa en un éclair. Gui étant toujours bien malade, Jonas s'efforça de rentrer également tôt.
Dans l'entrée, il trouva des chaussures en vrac et des manteaux en tas sur le sol. Ethan ne vint pas l'accueillir.
Entre le bruit de la hotte et des casseroles, il ne devait pas l'avoir entendu, comprit Jonas en le voyant s'activer de dos dans la cuisine. Le tablier lui allait décidément bien, le gros nœud blanc fixé au creux du dos, lanières pendantes sur ses fesses.
Jonas se contenta de saluer le nounou, étouffant toute autre envie.
Ethan sursauta et lâcha la cuillère qu'il tenait, ce qui l'amusa. Il aurait été davantage surpris si Jonas s'était laissé aller à venir tirer sur son nœud, lui donner une légère tape sur le postérieur ou l'enlacer par derrière en nichant sa tête au creux de son cou.
Jonas ne s'attarda pas dans la cuisine, gêné de toutes les pensées qu'il n'aurait pas dû avoir, et monta prendre des nouvelles de Gui. Son fils cadet avait meilleure mine que ce matin. Les médicaments commençaient à faire effet.
— Cela a été aujourd'hui ?
— Oui, Ethan et moi, on  a joué à plein de jeux de cartes.
— Te sens-tu en état de te lever ou préfères-tu manger au lit, comme hier ?
Il ne savait pas trop quelle réponse l'arrangeait. D'un côté, il souhaitait garder ses distances avec Ethan jusqu'à son départ, de l'autre profiter de sa présence. Tout cela était très paradoxal.
Gui trancha et ils dînèrent tous ensemble. Avec les enfants, la soirée fut animée, comme toujours, le calme ne retombant sur la maison qu'une fois qu'ils furent couchés.
Ethan s'excusa pour le désordre qui régnait et voulu redescendre ranger. Il semblait considérer avoir failli à son boulot parce que l'entrée avait des allures de champ de bataille. Cependant, il avait vraiment l'air fatigué, aussi Jonas le retint, plaquant ses mains de chaque côté de ses épaules.
— Ce n'est pas nécessaire, assura-t-il.
Et puis sa main, comme animée d'une vie propre trouva le chemin de la joue du nounou.
Ce dernier se mordilla la lèvre et Jonas se demanda s'il partageait son trouble.
Avec lenteur, son bras redescendit le long de son corps. Peu importait qu'ils soient deux ou le seul à ressentir quelque chose. Ils étaient deux hommes. Dans guère plus de vingt-quatre heures, Gwen serait de retour et lui et Ethan ne se reverraient plus et c'était aussi bien comme ça parce que ce qu'il y avait entre eux était par trop bizarre.
— Avec Gui mal en point, c'est particulier et c'est normal que tu n'aies pas pu tout remettre en ordre. Il sera toujours temps demain.
Ethan se rangea à son avis et ils allèrent se coucher.

lundi 16 octobre 2017

Remplacement Standard - 47

Jonas rentra exceptionnellement tôt et donna un coup de main en cuisine. Ethan en fut ravi, car il était épuisé. Faire les trajets matin, midi et soir n'était jamais de tout repos et en rajoutant le docteur et la pharmacie, cela avait achevé de fractionner la journée et de lui donner l'impression de passer son temps à monter et descendre de voiture.
Jonas ne fut quand même pas à table avec eux, car il mangea un plateau-repas dans la chambre de Gui afin de lui tenir compagnie.
Enfin, vint le moment de se coucher. Jonas parla d'aller regarder un film, comme la veille, avant de changer d'avis.
Ethan s'allongea sans prendre sa liseuse électronique. Jonas s'en étonna.
— Tu dors direct ?
— Oui.
— Rude journée, hein ?
Ethan acquiesça. Il aurait adoré se blottir dans ses bras pour s'endormir, être réconforté par un baiser… Il chercha vite quelque chose à dire pour oublier ses impossibles désirs :
— Je suis désolé que vous ayez dû annuler votre soirée avec votre ami.
— Personne ne m'y a forcé.
C'était vrai, mais il aurait pu choisir de maintenir son dîner avec son ami et qu'il n'en ait rien fait montrait son attachement à sa famille.
— Bonne nuit, dit Ethan, étouffant la voix de son cœur qui avait envie d'avouer bien autre chose.

                                                       *

Jonas avait menti. Enfin, pas vraiment. Il avait vraiment eu l'intention de voir un de ses amis, excepté qu'il avait annoncé le faire sans avoir rien organisé, pour passer une soirée loin du nounou qui le perturbait trop. Son regard avait tendance à s'attacher à lui, à ses yeux bleu-verts, à l'ovale de son visage encadré par ses cheveux châtains…
Jonas éteignit la lumière et enlaça résolument son oreiller, pour être sûr de ne pas se retrouver à attraper quelque chose ou plutôt quelqu'un d'autre durant la nuit.
Peut-être aurait-il dû discuter avec Ethan, tirer les choses au clair, peut-être aussi était-ce inutile. Ah, il n'aimait pas cet état de confusion ! Fuir Ethan et chercher sa compagnie, souhaiter mettre les choses à plat et ne vouloir rien en faire. C'était absurde. Ce n'était pas lui.
Il aurait mieux fait de penser à son travail, à ce maudit programme qui ne fonctionnait pas comme il aurait dû. Cela au moins était un problème soluble.

vendredi 13 octobre 2017

Remplacement Standard - 46

Ethan n'appréciait guère de téléphoner pour prendre des rendez-vous médicaux que ce soit pour lui ou quelqu'un d'autre, mais il se fit violence et obtint une place en début d'après-midi.
Gui, bien que mal en point, voulut jouer et Ethan céda, même s'il aurait plutôt dû s'occuper du linge : il en avait à ranger, à repasser, à décrocher et plier et bien sûr, à laver ! Il ne faussa cependant compagnie au garçon que pour récupérer Gaëlle à midi, puis la raccompagner à l'école.
Ils se rendirent ensuite chez le docteur. Dans le cabinet, l'attente fut bien longue, et ensuite Ethan dut essuyer la curiosité du médecin qui cherchait à savoir quel était son lien avec Gui qu'il n'avait jamais vu qu'avec son père ou sa mère.
Enfin, après un crochet à la pharmacie, ils rentrèrent.
Gui, fatigué par l'expédition, s'étendit dans son lit et se moucha à plusieurs reprises.
En le voyant si misérable, la corbeille à côté de lui se remplissant de mouchoirs, Ethan se sentit si impuissant à le soulager qu'il laissa échapper :
— Tu dois regretter que ta mère ne soit pas là.
— Non, ça va, elle s'inquiète toujours trop.
Il faisait le fier, mais Ethan était presque sûr que sa présence aurait réconforté l'enfant et en effet, quelques minutes plus tard, Gui évoqua comment sa mère lui offrait toujours un petit cadeau et lui apportait ses repas dans sa chambre quand il était malade.
Gwen était une mère aimante à ne pas en douter. Initialement, Ethan l'avait trouvé vraiment légère à partir sans mot dire et à remplir n'importe comment les informations sur Jonas et ses enfants, mais après avoir entendu Gaëlle et Gui parler de leur mère, il comprenait que c'était parce qu'elle était à bout qu'elle en était arrivée là.
Même les plaintes de Gilbert au sujet de Gwen ne faisaient que montrer qu'elle se souciait de ses enfants. Peut-être ne s'y prenait-elle pas toujours très bien, mais qui pouvait prétendre à la perfection ?
Cela aurait été plus facile de la détester, de se dire que Jonas et ses enfants méritaient mieux, qu'il la remplaçait à merveille, mais c'était faux.
L'adolescent, à son retour du collège, tira Ethan de la chambre de son cadet pour lui annoncer, déçu, que Mathieu n'était pas libre ce week-end. Ethan le consola : Gilbert n'avait pas vraiment besoin de lui pour tâter le terrain avec son camarade, l'essentiel était de passer du temps avec lui.

jeudi 12 octobre 2017

Remplacement Standard - 45

                                                     *
Jonas était remonté tard et ne l'avait pas enlacé dans la nuit. Il avait préféré son oreiller. Ethan n'aurait pas dû en être déçu, car c'était aussi bien comme cela, mais il l'était. Il n'y avait plus que trois petites nuits à passer dans le même lit, à moins que Gwen ne doive encore repousser son retour. Non, parce que l'autre fois aussi, il avait vu les jours s'amenuiser avec une tristesse grandissante.
Pour une fois, il ne le croisa pas en sortant de la douche, ce qui était logique vu que Jonas avait dû avoir du mal à se réveiller après avoir veillé jusqu'à pas d'heure.
Après avoir préparé la table du petit déjeuner, Ethan monta réveiller les enfants. Il trouva Gilbert déjà tout habillé et débordant de vitalité.
— Papa m'a dit finalement que je pouvais inviter mon ami quand je voulais !
Ce revirement surprit Ethan, mais il se réjouit pour l'adolescent. Il partit ensuite aider Gaëlle à se coiffer, puis alla voir Gui qu'il jugea un peu pâle.
Ils étaient tous attablés, croquant à belles dents des tartines de confiture pour les uns, des céréales pour les autres, quand Jonas entra dans la cuisine, les cheveux encore humides, très élégant comme toujours dans un costume sombre égayé par une cravate colorée.
Ethan lui servit aussitôt une tasse de café. Jonas le remercia d'un sourire avant d'annoncer qu'il dînerait avec un ami au restaurant et que par conséquent, il était inutile de prévoir quoique ce soit pour lui.
Cela signifiait une soirée en moins en tête-à-tête dans la cuisine. Ethan cacha du mieux qu'il put que cela le contrariait.
Gaëlle qui, elle, était libre d'exprimer ses sentiments, se plaignit qu'elle n'aurait pas son bisous du soir, une fois de plus.
— Je me rattraperai, promis, princesse.
Elle lui fit la grimace. En échange de laquelle, il lui envoya une pluie de baisers de loin.
Gui éternua alors à plusieurs reprises et réclama un mouchoir qu'Ethan s'empressa d'attraper dans la boîte la plus proche.
— Tu ne serais pas malade, toi ? demanda Jonas.
Gui ayant achevé de se moucher, il lui posa la main sur le front.
— Tu es bien chaud, constata-t-il.
Ethan partit aussitôt en quête du thermomètre frontal rangé dans le placard de la salle de bains.
Gui avait en effet de la fièvre - une conséquence sans doute de l'idée saugrenue de l'école de faire courir les gamins sous la pluie, l'autre jour.
Après une rapide discussion, il fut décidé que tout se passerait comme d'habitude, excepté qu'Ethan, après avoir déposé Gaëlle à l'école, téléphonerait au médecin de la famille pour avoir un rendez-vous pour Gui qui resterait à la maison. Jonas n'irait finalement pas au restaurant.

mercredi 11 octobre 2017

Remplacement Standard - 44

                                                       *
Jonas avait failli commettre un acte aussi incompréhensible qu'impardonnable.
L'embrasser… Comment pareille pensée avait-elle seulement pu l'effleurer ? Il était marié. Ethan était un homme. C'était absurde. Il avait juré fidélité à Gwen. Il l'aimait. Certes, avec les années, ses sentiments avaient évolué, mais c'était normal que la passion se mue en quelque chose de doux et tendre. Cette irritation perpétuelle qu'elle avait ces derniers temps envers lui n'était que temporaire - la raison de sa pause surprise. Elle était chère à son cœur.
Il fallait croire qu'il était vraiment en manque d'affection pour avoir envie de goûter aux lèvres d'un autre mec.
Vouloir le prendre dans ses bras pour dormir passait encore. Après tout, il le faisait avec tout le monde. Mais ça, c'était encore autre chose. D'accord, Ethan était la parfaite petite ménagère, mais ce n'était pas une raison. Oui, il était adorable et gentil. Il fallait voir comment il n'avait pris parti ni pour le père ni pour le fils, se montrant compréhensif avec la réaction des deux…
Jonas ne savait plus où il en était. Peut-être était-ce à force de vivre en couple avec lui. Peut-être en fait, cela n'avait été qu'un réflexe. Mais Ethan avait beau remplacer Gwen, il n'était pas sa femme. A moins que tout cela ne soit que le résultat de la crise de la quarantaine, quand bien même Jonas n'avait que trente-sept ans.
Tout ce qu'il avait à faire, c'était d'oublier cet instant d'égarement, l'enfouir au plus profondément de lui-même et ne plus songer qu'à l'avenir, comment arranger les choses avec Gwen pour qu'elle ne parte plus jamais comme ça, sans prévenir. Il devait se débrouiller pour qu'elle ait plus de moments à elle, s'occuper davantage des enfants.
Il n'était pas sûr d'en être capable. Elle savait jouer avec eux, elle. Comme Ethan. Lui était trop à cheval sur les règles.
Dans quatre jours à peine, le nounou serait parti, Gwen serait de retour et tout rentrerait dans l'ordre.
Il aurait dû trouver cette perspective rassurante,  se réjouir même, mais il n'y parvenait pas, pas plus qu'il ne réussissait à se concentrer sur les images qui défilaient à l'écran. Il faut dire que le film n'avait été qu'un prétexte pour ne pas se coucher en même temps que lui.
Qu'est-ce que le nounou dirait s'il apprenait qu'il avait voulu l'embrasser ? En toute logique, il serait horrifié. Mais le connaissant, il serait compréhensif. Il lui fournirait quelques anecdotes de ses précédentes missions ou des expériences de ses collègues féminines.
Jonas se rassura. C'était à cause de la situation qui s'était prolongée plus que prévu. Ce n'était pas comme s'il était réellement attiré ou qu'il éprouvait vraiment quelque chose pour Ethan.

mardi 10 octobre 2017

Remplacement Standard - 43

— Bon sang de bonsoir ! s'écria Jonas.
Ethan se serait bien éclipsé lui aussi. Il n'avait aucune envie que Jonas passe ses nerfs sur lui.
— Cela a été votre journée ? demanda-t-il malgré tout.
— Avec la note salée du garagiste, elle n'a pas très bien commencé… et maintenant, pour terminer ce numéro de Gilbert.
— Je suis désolé, lâcha Ethan.
Il regrettait de ne pas avoir été en mesure d'éviter la scène entre le père et le fils.
— De quoi ? Gilbert s'était bien calmé ces derniers temps et grâce à toi. Je ne sais quelle mouche l'a piqué…
Dans sa voix, il y avait toujours de la fureur.
— Il ne faut pas lui en vouloir.
— Certes, mais il n'avait qu'à m'exposer ses raisons au lieu de m'agresser comme il l'a fait.
Le problème, c'est que l'adolescent n'en avait pas été capable, par crainte de trahir le secret de son homosexualité. Mais évidemment, du point de vue de son père, c'était incompréhensible.
Ethan demeura silencieux, ne sachant quel parti prendre.
Jonas reprit, plus calme :
— C'est moi qui regrette que tu aies dû assister à cela.
— Non, ce n'est rien. Je comprends votre position à tous les deux.
— Ah oui ? Alors, tu pourrais éclairer ma lanterne, peut-être ?
Ethan déglutit. Jonas s'était rapproché et son visage était beaucoup trop près du sien.
Il bafouilla :
— Vous trouvez plus simple que votre femme soit là plutôt que moi, son remplaçant que vous ne sauriez comment introduire, et Gilbert qui me considère comme un ami, aimerait que je rencontre celui de son collège.
Jonas se détourna pour poser son attaché-case qu'il avait encore à la main quand Gilbert lui avait pour ainsi dire sauté dessus.
Ethan lui avait pourtant recommandé de laisser à son père le temps de souffler, mais l'adolescent, trop impatient, en avait été incapable.
— Et toi, ta journée ? Tout s'est bien passé avec les enfants ? demanda Jonas.
— C'était chargé, mais rien à signaler. Nous avons cuisiné ensemble ce midi, mais ils n'ont pas tenu à remettre la main à la patte pour le dîner. Toutefois, cela ne m'étonnerait pas que ça leur reprenne, à l'occasion.
— Ce serait bien. Ma mère ne m'ayant jamais rien appris sur le sujet, j'ai galéré quand je me suis retrouvé à devoir me nourrir.
Plutôt que de se laisser à imaginer comment Jonas avait dû être dans sa jeunesse, Ethan l'encouragea à aller dîner.
Durant le repas, Jonas se montra moins bavard que d'ordinaire et plutôt que de monter se coucher directement puisqu'il était déjà tard, l'enjoignit à dormir tandis que lui se regardait un film.
Ethan l'aurait bien visionné avec lui, mais jugea plus prudent de n'en rien faire. Jonas semblait de toute façon avoir besoin d'un peu de solitude.

lundi 9 octobre 2017

Remplacement Standard - 42

— Est-ce que je pourrais inviter Mathieu à la maison, samedi ?
Ethan devina de suite que c'était le garçon dont Gilbert était amoureux et dont le prénom était demeuré jusque là un mystère.
— C'est à ton père que tu dois demander l'autorisation.
— Oui, oui. Mais en fait, je voulais savoir si tu ne pourrais pas tâter le terrain au sujet des homosexuels, non, parce que moi, j'y arrive pas.
A tous les coups, l'adolescent devait avoir peur d'entendre la réponse qui anéantirait peut-être définitivement ses espoirs de filer un jour le parfait amour avec le fameux Mathieu et Ethan le comprenait.
— Écoute, je veux bien, mais cela risque de ne pas être très naturel que je me mette à parler avec lui… Je ne vois d'ailleurs pas trop comment tu vas expliquer que je sois chez toi.
Gilbert balaya son objection :
— Suffit de te présenter comme un pote de papa…
Il s'interrompit, son visage s'éclairant d'une idée subite et reprit :
— Ou comme son petit ami ! Et là, on saura ce qu'il pense des gays !
Le cœur de Ethan rata un battement. L'adolescent était bien trop près de son désir secret. Aussi tentant que le scénario lui paraisse, il le repoussa avec une froide logique :
— Tu oublies ton père qui y trouvera sûrement à redire.
Gilbert se rembrunit aussi sec.
— Ouais, ça tient pas la route.
— Commence par demander à ton père si tu peux l'inviter. Même si nous n'aboutissons à rien, tu auras passé du temps avec lui et n'est-ce pas tout ce qui compte au final ?
Gilbert s'illumina à nouveau et opina.

    Le soir même, ses deux cadets déjà au lit, il guetta le retour de son père pour lui poser la question, mais n'obtint pas l'autorisation escomptée, ou plutôt avec une semaine de décalage.
Jonas semblait préférer que Gwen soit revenue, ce qui n'arrangeait évidemment pas les affaires de Gilbert qui comptait sur l'aide d'Ethan au sujet de Mathieu.
— Mais qu'est-ce que cela change que ce soit ce samedi ou le suivant, hein ? grommela Gilbert.
— Très juste. Pour ma part, je me demande pourquoi cela te tient tant à cœur que cela se fasse dès cette semaine, déclara Jonas.
Ethan qui suivait l'échange en retrait, jugea qu'il n'était pas en position de s'emmêler.
Il aurait peut-être mieux fait, car l'adolescent non content d'ignorer ce que voulait savoir son père, lança d'un ton furieux :
— T'as les jetons de devoir dévoiler comment maman est partie en douce en laissant un remplaçant derrière elle parce qu'elle savait que t'était pas foutu de t'occuper de nouveau pendant quelques jours ?
Comme de juste, Jonas qui n'avait déjà pas paru d'excellente humeur en rentrant, explosa :
— C'est comme ça que tu crois me convaincre de laisser venir ton ami ce week-end ? Non, mais je rêve ! File dans ta chambre !
Gilbert se rendit peut-être compte qu'il était allé trop loin et avait gâché ses chances, car il obtempéra, sans mot dire, la mine sombre.

vendredi 6 octobre 2017

Remplacement Standard - 41

                                                       *
Le mercredi, seul Gilbert avait des cours le matin, Gui et Gaëlle demeuraient à la maison, ce qui impliquait qu'Ethan n'avait pas beaucoup de temps pour le ménage, les lessives et les courses et encore moins pour souffler. Le week-end était plus confortable avec Jonas présent en cas de besoin.
Après une matinée à jouer, Ethan s'attaqua à la préparation du repas en dépit des protestations de Gui qui aurait voulu qu'il fasse un nouveau jeu.
— Après, tu vas te plaindre que tu as faim et il n'y aura rien de prêt.
Le petit garçon grommela et grogna, à la limite de la bouderie.
Il avait fait le même cinéma la semaine précédente. Ethan trouva qu'il exagérait. Il riposta :
— Tu peux me donner un coup de main, si tu ne sais pas comment t'occuper tout seul.
— La cuisine, c'est un truc de filles ! s'écria Gui.
Ethan ne s'était pas attendu à pareil refus, il rétorqua :
— Aux dernières nouvelles, je n'en suis pas une.
— Moi, je veux bien t'aider ! intervint Gaëlle qui s'était installée dans un coin de la chambre de son frère avec ses poupées afin de ne pas rester seule dans la sienne.
Sa motivation faisait plaisir à voir, même si elle risquait plus de le ralentir qu'autre chose.
— Merci, ma puce. Apprendre à cuisiner, c'est très important.
— Pourquoi ? demanda la fillette pendant que Gui haussait les épaules, l'air de dire "c'est n'importe quoi."
— Eh bien, quand tu seras grande, tu auras ton propre chez toi et il faudra bien que tu te prépares à manger toute seule.
— A moins que je ne sois marié avec un homme qui n'ait pas peur de cuisiner, comme toi, fit remarquer Gaëlle d'un ton docte.
Ethan eut un sourire amusé, tandis que Gui, piqué au vif, râlait.
Ils étaient encore en plein préparatifs quand Gilbert rentra.
Il s'étonna de les retrouver tous en cuisine et après avoir également affirmé que ce n'était pas une activité très masculine et s'être vu contredit, se mit à l'ouvrage.
Ils déjeunèrent tard, mais Ethan nota que les trois enfants étaient fort satisfait d'avoir participé. C'était un tort de les écarter de ses tâches, autant pour leur épargner l'effort que par souci de simplicité – l'opération avait été autrement plus longue. En même temps, trop les solliciter pour les corvées du quotidien pouvait revenir à leur voler une part d'enfance, ce qui ramenait à l'importance de la notion d'équilibre.
Après le repas, Gilbert se débrouilla pour motiver son frère et sa sœur à regarder un dessin animé avant d'entraîner Ethan ailleurs pour discuter.

jeudi 5 octobre 2017

Remplacement Standard - 40

Était-il possible que le nounou ne s'en soit pas rendu compte ? A moins qu'il n'ait osé rien en dire. Il était réservé et pudique. Il ne se déshabillait pas directement devant lui, mais cacher derrière le montant du lit. Chaque fois qu'il l'avait surpris dans la salle de bain, il avait été visiblement gêné. C'était mignon.
Jonas s'écarta et consulta le réveil. Il était à peine six heures et quelque chose ne tournait pas rond chez lui.
Hier soir aussi, il avait trouvé adorable Ethan et ses oreilles rougissantes pour quelques mots aimables. Peut-être était-ce à force de vivre comme un couple, quand bien même il n'en formait pas un. Mais il était un homme, comme lui.
Dans cinq jours, cette situation bizarre serait terminée et tout reviendrait à la normale. Il aurait une bonne discussion avec Gwen et ils repartiraient ensemble du bon pied. Plus d'Ethan. Il n'aimait pas ça. Pas du tout.
S'il avait envie de le reprendre dans ses bras, c'était parce qu'il n'avait rien fait depuis trop longtemps, avec Gwen ou tout seul, voilà tout. Il partit se doucher et se caressa dessous, en ne pensant qu'à son propre plaisir, et éjacula dans un râle.
Une fois lavé, il se sécha. Il était en train de s'habiller quand Ethan poussa la porte et la referma aussitôt.
Ils s'étaient déjà vus nus un bon nombre de fois maintenant, pourtant. A se montrer si embarrassé, alors qu'ils avaient dépassé le statut de parfaits étrangers, il introduisait un inutile malaise. De sorte que Jonas, quand il le voyait dans le plus simple appareil avait l'impression de faire quelque chose de mal, comme si il avait surpris une femme. Oui, tout ça, c'était la faute d'Ethan.

Après un rapide petit déjeuner, une distribution de bisous et quelques mots aux enfants, il partit en vitesse à pieds pour la gare. Il ne voulait plus penser au nounou. Ce n'était qu'un employé que Gwen avait embauché par l'intermédiaire d'une entreprise, bon sang !
Au bureau, il s'absorba comme d'habitude dans son travail et ne se tourmenta plus de rien jusqu'au soir où il récupéra sa voiture réparée chez le garagiste.
Ce dernier fermant à 18 heures le mardi, cela l'avait obligé à partir tôt, si bien qu'il put dîner avec les enfants… et Ethan.
Il lui inspirait des sentiments bizarres et inexplicables. Il n'aurait pas dû être triste et frustré de ne pouvoir le conserver dans le cercle de ses relations passé la fin de la semaine, pas dû non plus considérer qu'il était adorable, charmant et mignon. D'ailleurs, au début, il ne le pensait pas. Il n'aurait pas dû être embarrassé  devant la nudité d'un autre gars. Initialement, il ne l'était pas d'ailleurs. Il avait vécu en colocation avec un type pendant deux ans, durant ses études, sans soucis. Bref, le problème, c'était Ethan. Au lieu de s'habituer à sa présence sous son toit, il en devenait de plus en plus conscient. Si seulement Gwen était rentrée comme elle était supposée le faire. Enfin, elle n'y pouvait rien si elle était coincée à cause de la météo et si Jonas se retrouvait au cœur d'une tempête émotionnelle.

mercredi 4 octobre 2017

Remplacement Standard - 39

                                                    *
Jonas se sentit bien solitaire face à son assiette après son départ. Il avait pris l'habitude que Ethan parle avec lui pendant qu'il mangeait à des heures indues. Il avait une philosophie de la vie optimiste, mais il avait raison, effectivement, en dépit du coup du café, de la voiture en rade et du train en panne, la journée de Jonas n'avait pas été si pourrie que cela, il avait bien avancé dans le projet qui lui avait été assigné, été invité au restaurant par le collègue maladroit et dégustait à présent une délicieuse ratatouille.
C'était vraiment dommage qu'ils se perdent de vue une fois la mission de remplacement terminée.
Se retrouver seul face à son assiette redeviendrait la norme, à moins qu'il ne parvienne à quitter le bureau pas trop tard. Aujourd'hui, il avait cependant une bonne excuse. Gwen l'aurait sûrement plaint avant de s'inquiéter du coût des réparations. En tant que remplaçant, Ethan ne s'en était évidemment préoccupé.
Jonas rangea derrière lui, se brossa les dents et monta se coucher sans faire de bruit pour n'éveiller personne.
Il s'endormit presque sur le champ, mais d'un sommeil agité. Même s'il n'avait pu changer l'heure du réveil, il savait qu'il lui faudrait se lever plus tôt demain puisque c'était plus long d'aller au bureau par les transports en commun. Gilbert aussi devrait les emprunter ce matin ou bien se faire emmener par Ethan, mais plus tôt, parce qu'il y avait Gui et Gaëlle à déposer.
Tracassé par ses perspectives, Jonas s'éveilla de lui-même et découvrit qu'il tenait le nounou dans ses bras, tout contre lui.
Il aurait dû le libérer et se réinstaller de son côté immédiatement, mais il n'en fit rien. Le corps d'Ethan était chaud contre le sien. Son torse se levait et s'abaissait lentement et sa respiration était douce. Cela semblait étrangement naturel de le tenir contre lui. Comme si ce n'était pas la première fois. Et cela ne devait pas l'être. Il avait oublié ce détail quand il avait invité le nounou à partager le lit : depuis son enfance et son gros ours en peluche, il avait la manie d'étreindre quelque chose dans son sommeil : oreiller, traversin, couette, individu… Sa mère à l'époque où elle se chargeait de le réveiller, puis Gwen le lui avait fait remarquer.

mardi 3 octobre 2017

Remplacement Standard - 38

— Je me demandais… est-ce qu'un hétéro peut vraiment franchir le pas avec un gay ?
— Tout peut arriver dans la vie. On ne peut jamais ranger les gens dans des cases bien propres et nettes. Mais qu'une chose se produise ne veut pas dire qu'elle va fonctionner sur la durée.
— Et toi, tu es déjà tombé amoureux d'un hétéro ?
— Oui, plutôt deux fois qu'une.
Le propre père de l'adolescent étant la dernière fois en date et c'était douloureux.
— Et tu t'es déclaré ?
— Une fois et j'ai été rejeté comme il faut. Un de mes amis a eu plus de chance, mais l'effet de nouveauté passée, ça s'est terminé.
Ils bavardèrent encore un moment sur l'amour et les relations sexuelles, puis en dépit des protestations de Gilbert, Ethan lui enjoignit d'éteindre.
Il était 22h30 et Jonas n'était toujours pas rentré. Ethan s'installa dans le salon avec sa liseuse. Il ne voulait pas se coucher avant son retour, mais il était fatigué.
Enfin, il entendit le bruit du portail se refermant et la clef dans la serrure de la porte d'entrée. Il se leva aussitôt pour l'accueillir.
Jonas avait l'air contrarié et fatigué. Ethan aurait aimé faire davantage que le débarrasser de son sac et de son manteau, lui proposer un massage… ou une autre activité détendante. Mais s'il avait le droit de fantasmer en s'imaginant l'embrasser et plus encore, il ne devait pas espérer que Jonas lui retourne ses sentiments, pas quand cela impliquait de l'infidélité et la destruction d'une famille...
— Il a fallu faire  remorquer la voiture. Après, cela avait été la croix et la bannière de rentrer par les transports en commun. Il y a eu un problème avec le train et finalement, j'ai dû monter dans un car qui s'arrêtait partout, de tours en détours.
— Ce n'est vraiment pas de chance. Et le reste de la journée a été ? lui demanda Ethan, tout en le suivant dans la cuisine pour lui réchauffer sa portion de dîner.
— Non, dès le matin, un collègue a trouvé le moyen de renverser du café à moitié sur moi et sur mon bureau.
Ethan eut tôt fait de repérer la tache sur la chemise bleue claire. Jonas aurait dû la tamponner de suite avec de l'eau, mais ce n'était pas le moment de lui dire. Il y avait plein de trucs et astuces pour la faire partir.
— C'est vrai qu'il y a des journées, comme ça, où on les accumule. Mais à bien y regarder, ce n'est qu'une petite partie de la journée. Et ne vous en faîtes pas, je nettoierai ça et il n'y paraîtra plus.
— Merci. Parfois tu sembles trop beau pour être vrai.
Le cœur d'Ethan bondit dans sa poitrine. Ce n'était pas dit de façon ironique. C'était un compliment.
— Mais non, nia-t-il d'un ton faible.
Jonas portait sur lui un regard d'une intensité troublante.
Ethan fit exprès de bailler parce qu'il voulait s'éclipser avant de se laisser aller à dire et faire des choses qu'il ne pourrait reprendre, qui ne pouvait que conduire qu'à une catastrophe.
— Tu n'es pas obligé de rester avec moi. Va dormir.
— Oui, je ferais mieux. Merci. Désolé de ne pas vous tenir compagnie.
— Pas de souci. Allez, bonne nuit.

lundi 2 octobre 2017

Remplacement Standard - 37

Ils déjeunèrent tous les trois, jouèrent et repartirent.
De retour à la maison, Ethan s'accorda une pause, puis nettoya la salle de bain en maudissant les moisissures noires, puis alla chercher Gui et Gaëlle.
Après les avoir fait goûter, il les aida avec leurs devoirs avant de donner un coup de main à Gilbert, fraîchement rentré du collège. Il envoya ensuite le cadet et la benjamine au bain,  heureux de ne pas avoir à superviser leur lavage et prépara le repas en compagnie de Gilbert qui avait tenté, sans succès, de savoir l'opinion du garçon qui l'intéressait sur les homosexuels.
— J'y arriverai jamais… De toute façon, ça se voit que les filles lui plaisent, j'ai aucune chance.
— Allons, ne renonce pas si vite. Du moins, pas si tu penses qu'il en vaut la peine.
— Ouais, il est génial, mais il a déjà eu une petite amie.
Les homosexuels ne constituaient certes pas la majeure partie de la population, mais à l'adolescence, la curiosité aidant, même des garçons préférant les filles pouvaient avoir envie d'expérimenter. Cela ne se terminait hélas en général pas bien. Mais qui ne risque rien, n'a rien…
— Écoute, toi, tu es sûr de ce que tu es, mais à ton âge, nombreux ceux qui ne savent pas. Alors, oui, tes chances sont minces, mais cela ne doit pas t'empêcher d'essayer.
— Et toi, à treize ans ?
Ethan n'avait guère envie de repenser à son passé amoureux. Il n'avait pas été très courageux. Au collège, il avait prétendu être comme les autres. Au lycée, il avait voulu sortir de sa coquille pour finalement être obligé de refouler ce qu'il était à cause de la pression parentale. Ce n'était qu'après avoir quitté le nid familial qu'il avait eu sa première relation. Un truc pas très sérieux.
La sonnerie du téléphone sauva Ethan de l'épineuse question.
C'était Jonas. Il avait un souci avec sa voiture. Il allait devoir l'emmener au garage et ne savait pas à quelle heure il allait rentrer. Il refusa l'offre d'Ethan de venir le chercher.
Ils dînèrent tous les quatre, comme d'habitude en somme. Gaëlle et Gui avaient plein de choses à raconter sur leurs journées d'école. Ils firent un jeu pendant que Gilbert se retranchait dans sa chambre, puis vinrent l'heure du brossage des dents et de l'extinction des lampes.
Gaëlle pleura parce que son papa n'était pas là pour l'embrasser, mais Ethan sut la consoler.
Il alla ensuite voir Gilbert pour parler, quitte à aborder des éléments de son passé qu'il aurait mieux aimé oublier. Il savait que l'adolescent en avait besoin.