lundi 30 avril 2012

Le Baiser de la gargouille - 1

D'un mouvement vif, Naoko regarda en arrière et sa longue natte brune battit son épaule. Il était suivi, ce n'était pas qu'une impression dûe à sa nervosité. Ils l'avaient retrouvé, une fois de plus. Le jeune homme remonta sa jupe qui le gênait pour marcher, se moquant de dévoiler ses jambes poilues, et accéléra le pas. Il maudit entre ses dents son patron qui lui avait confié cette mission spéciale qui n'avait rien à voir avec son habituel travail de bureau.
"Tu dois juste apporter au domicile de M.Lee Chin, ce disque. Il contient des documents importants, alors surtout ne laisse personne d'autre mettre la main dessus."
Naoko aurait aimé être en mesure de refuser. Mais avec le taux de chômage de Neo Edo, il ne pouvait pas se permettre de perdre son job. Or, son patron n'aurait pas hésité à le mettre à la porte sans le moindre scrupule, si Naoko n'avait pas accepté. D'ailleurs, c'était aussi ce qui l'attendait en cas d'échec. En revanche, s'il menait sa mission à bien, il serait récompensé de ses efforts par une prime qui n'avait rien de négligeable. Hélas, l'affaire se révélait beaucoup plus délicate que prévue. Le  contenu du disque était apparemment très convoité et dès sa sortie du bureau, il avait été pris en chasse.
Le jeune homme jeta un nouveau coup d'oeil derrière lui avec nervosité. Ses poursuivants se rapprochaient. Cette fois, Naoko se mit à courir, cherchant déspéremment un endroit où se réfugier. L'appartement où résidait M.Lee Chin était situé dans un quartier glauque qu'il connaissait mal et il s'était perdu en essayant de semer ceux qui voulaient l'attraper.
Arrivé à un carrefour, Naoko prit au hasard la rue de gauche et découvrit une tour étrange laissée à l'abandon. Un panneau indiquait que l'entrée était interdite au public, mais la porte en bois pourri fermée d'une chaîne rouillée, était entrebaillée. Le jeune homme se faufila dans l'étroite ouverture, tout en priant pour que ses poursuivants ne devinent pas qu'il était entré là... Sinon, il se retrouverait coincé comme un rat.
Il commença à gravir les marches quatre à quatre et ne s'arrêta qu'en haut de l'escalier, les poumons en feu. Il poussa une trappe noire qui s'ouvrit dans un sinistre grincement et il se retrouva sur le toit. La vue était bouchée par les hauts immeubles étincelants de Neo Edo qui entourait la vieille tour insolite.
Le jeune homme relâcha sa jupe dans laquelle le vent s'engouffra immédiatement, transformant le vêtement en un drapeau coloré, et s'approcha des créneaux plein de mousses.  Au cas où ses poursuivants n'avaient pas lâché l'affaire, il voulait voir s'il n'y avait pas un endroit quelconque pour se cacher, car sur le toit, rien ne permettait de se dissimuler. En se penchant dans le vide, il aperçut, un mètre plus bas, une corniche sur laquelle étaient perchées de monstrueuses statues de pierre. Il en était là de son répérage quand trois hommes, tout essoufflés, firent leur apparition sur le toit.

vendredi 27 avril 2012

Rendez-vous manqué - 7

Al, embarrassé, pesta, regrettant de s’être impulsivement déshabillé quelques minutes plus tôt, poussé par son désir de tenir Beckett tout contre lui. Il n’était normal que quelques minutes par jour et il avait bien entendu fallu que cela arrive maintenant. L’adolescent avait l’air halluciné. Al se libéra de son emprise et s’empressa de  renfiler son caleçon. Il commençait à remettre son t-shirt à manches longues quand Beckett l’arrêta.
– Laisse-moi te regarder, déclara-t-il, abandonnant le vouvoiement pour le tutoiement.
Al fronça les sourcils, mais lâcha son t-shirt qui tomba en tas sur la moquette.
– Tu as intérêt à en profiter, car cela ne va pas durer.
– C’est peut-être mieux ainsi.
– Pourquoi cela ? demanda Al d’une voix rauque, troublé par les yeux caressants de l’adolescent.
– Tu es vraiment très beau. Tu es musclé, tu as des traits fins, une peau laiteuse et tes yeux possèdent une couleur tout bonnement extraordinaire. Si tu étais tout le temps comme ça, tout le monde essayerait de t’avoir comme partenaire.
Il n’y avait ni miroir ni glace chez Al, car il ne s’en servait pas. Compte tenu de sa maladie, il avait appris à se raser sans. Il n’avait plus qu’une vague idée de ce à quoi il ressemblait, mais il avait le sentiment que Beckett exagérait. Il le lui fit remarquer. L’adolescent s’en défendit. Pendant qu’ils bataillaient, Al pâlit jusqu’à être de nouveau invisible. Seul son caleçon noir trahissait l’endroit où il se tenait. Naturellement, Beckett fixa son attention dessus et l’excitation gagna Al. Son pénis grossit, tendant le tissu qui le recouvrait. L’adolescent s’humecta les lèvres. Al eut envie de l’embrasser encore, mais il se retint, car cela aurait mis le feu au poudre. Il choisit d’enlever son caleçon, devenant paradoxalement plus convenable ainsi. Beckett se précipita sur lui, cherchant à l’enlacer, mais échoua sans tentative, serrant le vide entre ses bras... Sa mine dépitée fit rire Al.
– Ce n’est pas du jeu, grommela Beckett.
– Pourtant, cela ne te posait pas de problème que je reste nu, il y a quelques instants, déclara Al pour le taquiner.
– Seulement si tu me tiens la main ! Sinon, je ne vais pas être capable de savoir si je parle au mur ou si tu es juste devant mon nez !
Il avait raison, hélas, songea Al, soudain plein de tristesse. Mais il fallait mieux mettre les choses au point dès maintenant...
– C’est comme ça que je suis. Tu es sûr que tu veux vraiment être mon petit ami?
– Certain, répondit Beckett et d’un geste vif, ses bras se refermèrent sur la taille de Al.
– Comment...?
– Je me suis repéré à ta voix, mais je dois admettre que j’ai eu de la chance. Cependant, avec de l’entraînement, je suis sûr que j’y arriverai à tout les coups !
Les grands yeux anthracites de Beckett pétillaient de contentement. Il était adorable et clairement déterminé à ce que son rendez-vous manqué ait, au bout du compte, une conclusion heureuse. Al renonça à le décourager. L’adolescent l’acceptait, tout invisible qu’il était, et il n'allait pas gâcher cette chance.

FIN DU PILOTE

Rendez-vous lundi pour le cinquième et dernier pilote Le Baiser de la gargouille !

jeudi 26 avril 2012

Rendez-vous manqué - 6

– Tu ferais mieux de me laisser me rhabiller.
– Vous avez froid, tout nu ?
– Non, je ne suis pas frileux et l’appartement est bien chauffé.
– Vous pouvez rester comme ça alors, ça ne me gêne pas.
– Tu es un peu bizarre...
– Pas plus que vous !
– Tu veux vraiment devenir mon petit ami alors que tu ne sais même pas à quoi je ressemble ? Si cela se trouve, je suis un vieux bedonnant et grisonnant.
L’adolescent pressa la main de Al contre sa joue.
– Vous n’avez pas la voix de quelqu’un d’âgé. Et vous n’êtes pas ridé. De toute façon, ce qui m’importe, c’est que vous êtes gentil.
Al eut envie de lui dire qu’il ne pouvait pas le savoir, mais se tut. Après tout, il avait bien failli lui abandonner son parapluie...
– Cela ne t’intéresse pas de connaître mon âge?
– Si, bien sûr. J’ai envie de tout savoir à votre sujet.
– Il n’y a pas grand chose à dire. J’ai vingt ans. Je suis invisible la majeure partie du temps et j’occupe mes journées en bouquinant et en regardant des films.
– Vous ne travaillez pas ?
Al aurait pu s’énerver, mais il préféra en rire. Beckett avait l’art de poser des questions bêtes, mais il le faisait sans mauvaises intentions.
– Un employé invisible ? Je ne crois pas que beaucoup de patrons apprécieraient. A part un dirigeant de cirque peut-être.
Beckett fit glisser la main de Al de sa joue à sa bouche et déposa un baiser dans sa paume.
– Cela ne doit pas être évident d’être invisible. Une fois qu’on a joué quelques bons tours, cela doit même être pénible.
Personne ne l’avait jamais plaint. Jusque là il avait été traité de monstre ou vu comme une curiosité. Certains garçons lui avaient envié son état qui lui permettait de pouvoir s’infiltrer en toute sérénité dans les vestiaires des filles ! Un privilège bien maigre par rapport aux désagréments que lui causaient sa maladie. Faire les courses dans les magasins sans provoquer d’évanouissements ou de cris était tout bonnement impossible ! Heureusement, on pouvait désormais tout acheter en ligne sans avoir jamais personne à rencontrer.
– Et si tu me parlais de toi ?
L’adolescent remit la main de Al sur sa joue avant de répondre :
– J’ai récemment fêté mes dix-sept ans. Je vais au lycée Odyssée. J’ai un frère, deux sœurs et un labrador. J’adore les animaux et la natu...
Beckett ne termina pas sa phrase. Al était en train de redevenir visible et il était dans le plus simple appareil.

mercredi 25 avril 2012

Rendez-vous manqué - 5

– Je crois que ce n’est pas ma journée, ajouta Beckett avec un soupir.
Cette déclaration jointe à son air éploré poussa Al à réagir :
– Tu sais, tout invisible que je sois, je suis un homme et toi aussi. Or, nous étions bien partis pour coucher ensemble. Tu vois où le bât blesse?
Beckett se frotta l’arrière du crâne, ébouriffant au passage ses cheveux bruns.
– Non. Nous étions chacun en train de donner à l’autre ce qu’il cherchait. Du sexe. De l’amour.
– Que ce soit homosexuel ne te dérange pas ? insista Al comme l’adolescent ne semblait pas comprendre, allant même jusqu’à parler d’amour alors qu’ils venaient à peine de se rencontrer.
– Ah. C’est vrai. Cela ne m’a pas empêché d’adorer sentir vos lèvres contre les miennes.
Beckett acceptait les choses avec une simplicité déconcertante. C’était d’ailleurs sans doute pour cela qu’il lui avait couru après dans le parc. Une personne invisible lui avait parlé. Point à la ligne.
– Nous sommes des étrangers l’un pour l’autre, objecta encore Al.
– Oui, vous avez raison. Nous devrions apprendre à nous connaître avant d’aller plus loin, afin de démarrer notre couple sur des bases saines.
Al demeura bouche bée. Beckett était tout bonnement incroyable. Il avait d’abord cru qu’il était sa Félicité, il avait ensuite tranquillement suivi une créature invisible jusqu’à son logis, enfin il avait admis avoir aimé être embrassé par un autre homme et osé parler d’amour entre eux. L’adolescent était naïf et simple, le genre à se faire avoir sans cesse par les autres, comme avec cette fille qui l’avait laissé poireauter dans le parc. Il apparut soudain à Al qu’il avait observé Beckett pendant une bonne heure, depuis le moment où il s’était assis sur le banc avec son bouquet. Dès le début, l’adolescent avait accroché son regard, quelque chose dans sa posture, dans son visage qui laissait transparaître toutes ses émotions, dans son obstination à rester alors qu’il devenait de plus en plus évident que celle qu’il attendait, ne viendrait pas. A postériori, Al se rendait compte que l’adolescent lui avait plu de suite. C’était pour ça qu’il lui avait adressé la parole malgré sa maladie d’invisibilité, qu’il l’avait invité et finalement embrassé. Al s’approcha à nouveau du fauteuil et caressa la joue de Beckett qui lui captura aussitôt la main.
– Je vous ai, je ne vous lâche plus ! s’exclama l'adolescent d’un ton joyeux.

mardi 24 avril 2012

Rendez-vous manqué - 4

 –Vous avez une petite amie, vous ?
– Non, répliqua Al avec plus de sécheresse qu’il n’aurait voulu, agacé par ce qui lui semblait être une question idiote.
– Désolé, murmura Beckett.
– Non, c’est moi. C’est juste que je suis moi aussi fatigué de ma solitude. Moi aussi j’aimerai avoir quelqu’un à qui me confier, quelqu’un pour me réconforter et m’embrasser.
Machinalement, les yeux de Al se portèrent sur la bouche pâle de Beckett qui était surmontée d’une moustache de chocolat. Al l’en informa. Beckett sortit une langue rose et la passa au-dessus de ses lèvres avec une lenteur qui avait quelque chose de sensuel. Al déposa sa tasse par terre, et se leva du pouf.
– Et si on s’embrassait ?
Puis, sans attendre de réponse, sans réfléchir, il se pencha et pressa ses lèvres contre celles de Beckett qui les entrouvrit spontanément. Al qui n’avait jamais embrassé personne, mais avait beaucoup observé les autres le faire, parfois même de très près en été, introduisit sa langue dans la bouche de l’adolescent et l’explora avec ferveur. Il ne s’écarta que quand le souffle lui manqua. Les grands yeux anthracites de Beckett papillonnèrent et il effleura ses propres lèvres comme s’il avait du mal à réaliser ce qui s’était passé, mais il ne partit pas en courant, offusqué qu’un homme invisible lui ait volé un baiser.
– Vous voulez bien recommencer ? demanda-t-il timidement.
Al obtempéra. Dans un coin de sa tête, il se morigénait. Faire ça avec un autre garçon, ce n’était pas bien. Et, en même temps, il ne s’était jamais senti aussi vivant qu’en cet instant béni où il goûtait à la douce chaleur des lèvres de Beckett. Il l’embrassa encore et encore jusqu’à son corps le brûle et qu’il réalise qu’il voulait plus, beaucoup plus. Il glissa ses mains sous le haut de l’adolescent qui ne se déroba pas. Sa peau était chaude sous les doigts invisibles de Al, signe qu’il était également excité. Al retira ses vêtements en hâte, disparaissant tout à fait aux yeux de l’adolescent... Il commença ensuite à déboutonner le jeans de Beckett, puis comprenant qu’il ne pourrait plus s’arrêter s’il continuait, il s’écarta. Ce n’était pas raisonnable. Il ne savait rien de Beckett, pas même son âge. Il n’aurait pas dû éprouver autant de désir pour quelqu’un du même sexe.
– Où êtes-vous ? s’inquiéta alors l’adolescent, en agitant les bras devant lui.
Al resta hors de sa portée, ne sachant pas quelle conduite tenir.

lundi 23 avril 2012

Rendez-vous manqué - 3

– Infusion, thé ou chocolat ? proposa Al.
L’adolescent opta pour la dernière boisson chaude offerte et suivit son hôte invisible dans la cuisine à peine plus large qu’un couloir qui était juste en face du vestibule. Sur la petite table fixée au mur, il restait les reliefs du repas de midi - une assiette sale, un verre avec un fond d’eau et des miettes. Al se dépêcha de nettoyer le tout avant de se mettre à préparer deux tasses de chocolat chaud.
Le regard scrutateur de Beckett commençant à le gêner sérieusement, il déclara :
– Va donc t’installer dans le salon. Je te rejoins de suite.
L’adolescent, sans discuter, quitta la cuisine, ouvrit la porte à gauche derrière laquelle se cachait la salle de bains, la referma, tenta sa chance à droite et poussa une exclamation.
Al qui terminait de verser le lait chocolaté dans les tasses s’empressa de gagner à son tour le salon.
– Un problème ? demanda-t-il, inquiet.
Beckett secoua vivement la tête et déclara :
– Non, non, désolé. J’ai été impressionné par le nombre de dvds et de bouquins que vous possédez.
Tous les murs de la pièce étaient en effet recouverts de hautes étagères pleines à craquer. Al profitait de la somme généreuse que ses parents lui allouaient chaque mois. Il aurait bien sûr préféré qu’ils lui consacrent du temps, mais il n’avait pas eu voix au chapitre. Comme il ne sortait pas souvent dehors, ses livres et ses films commandés sur internet l’occupaient.
Al ne possédait qu’un fauteuil dans lequel il incita Beckett à s’asseoir pendant que lui-même, après avoir posé les tasses sur la moquette grise du salon, ôtait une pile de magazines du pouf installé au pied du fauteuil. Il donna ensuite une des tasses à l’adolescent, lui effleurant les doigts par mégarde. Beckett sursauta.
– Vous êtes vraiment là et invisible, murmura-t-il.
– C’est une maladie extrêmement rare, expliqua Al.
L’adolescent se contenta d’un léger hochement de tête avant de boire une gorgée de son chocolat chaud. Al fit l’effort de relancer la conversation.
– Alors, cette Félicité que tu attendais, tu es vraiment triste qu’elle ne soit pas venue ? 
Beckett laissa redescendre la tasse au niveau de ses genoux.
– Oui. Mais c’est normal. Elle est jolie. Elle a dû recevoir une invitation qui l’a intéressée plus que la mienne.
– Elle aurait pu te prévenir au lieu de te laisser attendre. Un texto, cela ne coûte pas grand chose.
– C’est ma faute. Je me suis imaginé que je lui plaisais. C’est tout.
Beckett semblait amer et résigné.
– Si tu l’aimes vraiment, bats toi pour la séduire!
– Je la trouve attirante, mais je dois admettre que j’en ai surtout assez d’être seul. J’ai envie d’avoir quelqu’un à embrasser...
Al comprenait ça parfaitement. Sauf que lui, avec sa maladie, il avait été obligé de renoncer. Comment quiconque pouvait être attiré par quelqu’un qui était littéralement transparent ?
– C’est normal.

vendredi 20 avril 2012

Rendez-vous manqué - 2

– Que...? balbutia l'adolescent.
Ses grands yeux anthracites bordés de longs cils s'écarquillèrent sous l'effet de la suprise.
– Tu es trempé, tu vas attraper froid. Tu ferais mieux de quitter ce banc et te mettre à l'abri, déclara Al.
L'amoureux oublié chassa les mèches brunes mouillées qu'il avait devant les yeux pour mieux voir son interlocuteur, mais ce fut peine perdue, car il n'y avait que du vide là où aurait dû se trouver le visage de Al. Il battit des paupières et blanchit.
Al soupira et décida de donner à l'adolescent son parapluie et de partir. Il avait été stupide de l'aborder. Il savait comment les gens réagissaient quand ils le voyaient. Un instant, il lui avait semblé qu'ils pouvaient réunir leurs deux solitudes, mais cela n'avait été qu'une illusion. Ses propres parents pensaient qu'il était un être étrange et effrayant... Après avoir posé son parapluie ouvert sur le banc, il commença à s'éloigner dans le parc qui avait été déserté en même temps que la pluie s'intensifiait. Il entendit alors des pas précipités derrière lui et une main s'aggripa à sa veste en coton.
– C'est toi, Félicité ? Il t'est arrivée quelque chose ?
Al se retourna, muet d'étonnement. L'adolescent ne croyait tout de même pas qu'il était sa belle métamorphosée en une créature invisible à la voix masculine ?! Il avait l'air si plein d'espoir qu'Al hésita presque à lui avouer la vérité.
– Désolé, mais non. Je m'appelle Al, dit-il enfin.
– Moi, c'est Beckett, déclara l'adolescent, l'air déçu. Je ne veux pas vous prendre votre parapluie, ajouta-t-il en le tendant vers lui.
– J'habite tout près, répliqua Al sans faire un geste pour le récupérer.
Là-dessus, l'adolescent éternua bruyamment et Al s'entendit l'inviter à boire une boisson chaude chez lui. C'était si rare que quelqu'un lui court après, si précieux que quelqu'un lui réponde...
Beckett eut un moment d'hésitation, mais il accepta. Marchant côte à côte sous le parapluie, leurs chaussures chouinant sur le trottoir martelé par la pluie, ils échangèrent quelques mots sur le temps de chien, puis terminèrent le court trajet en silence.
Al introduisit ensuite son invité dans son appartement où il l'enjoignit à se débarasser de ses chaussures et de son manteau. Beckett replia le parapluie et s'exécuta pendant que Al faisait de même. C'était la première fois que quelqu'un d'autre que ses parents pénétrait dans son domaine et il se sentait nerveux. Beckett semblait également mal à l'aise et il regardait bouger les vêtements de Al, le front plissé.

jeudi 19 avril 2012

Rendez-vous manqué - 1

Sous la pluie fine qui s'était mis à tomber, l'adolescent au bouquet de tulipes assis sur le vieux banc en fer forgé aux planches de bois écaillées situé au pied du réverbère, était l'image même de l'amoureux éconduit. Malgré tout, il inspirait de la pitié à Al. Se faire poser un lapin n'était jamais agréable pour personne. Le cadre romantique choisi avec soin n'abriterait pas les amours du jeune inconnu qui allait sûrement, d'une minute à l'autre, rentrer se mettre à l'abri après avoir jeté son bouquet qui commençait à pendouiller tristement dans la poubelle qui se trouvait à quelques mètres du banc.
L'amoureux oublié par sa belle n'avait pas remarqué qu'il avait un témoin à ses malheurs, car après avoir guetté longtemps l'allée du parc où aurait dû surgir celle qu'il attendait, il semblait à présent fasciné par les lacets oranges de ses baskets. Cependant, même sans ça, il n'aurait sûrement pas repéré le promeneur solitaire qu'était Al, car le jeune homme avait tendance à se fondre dans le décor. Ce n'était pas tant le choix de ses habits - il n'en portait d'ailleurs bien souvent pas - qu'en raison d'une maladie extrêmement rare qui le rendait pour ainsi dire invisible aux yeux des autres. Sa peau   pâlissait jusqu'à en devenir translucide et même transparente, et là, il disparaissait. Ses vêtements paraissaient alors flotter seuls dans le vide comme par magie. Sa famille ne s'était jamais habituée à sa maladie qui avait empiré avec le temps jusqu'à ce qu'il ne soit visible et normal que quelques minutes par jour. Dès ses quinze ans, Al avait été amené à vivre seul dans un appartement loué par ses parents. Officiellement, il était  censé fréquenter le lycée du quartier, mais dans les faits, il n'y mettait pas les pieds. Il n'aimait pas passer pour un monstre de foire. Il préférait encore, à la belle saison, ôter ses vêtements qui le trahissaient et venir écouter en douce les cours et les bavardages de ses camarades alors que tout le monde le croyait absent. Voilà pourquoi, à vingt ans, il était encore lycéen.
Al qui observait toujours l'amoureux abattu depuis l'ombre des arbres qui entouraient le banc et le réverbère, le vit soudain lever son visage vers le ciel et lancer en l'air son bouquet dont les fleurs se répandirent autour de lui en un éphémère feu d'artifice. Cependant, même après ce geste qui prouvait qu'il avait admis que sa bien-aimée ne viendrait plus, l'adolescent resta prostré sur le banc. Al sortit du couvert des arbres à pas lents sachant que le jeune inconnu risquait fort de crier au fantôme ou de chercher le "truc" puiqu'il avait ce jour-là des vêtements dur le dos. Mais l'amoureux trop absorbé par son triste sort ne se rendit même pas compte que quelqu'un approchait. Il ne sursauta que quand Al mit son parapluie noir au-dessus de sa tête.

mercredi 18 avril 2012

A travers les âges... 3

M.Toukka eut un nouveau sourire et le cœur de Dake se serra inexplicablement. Et si le nouveau professeur d'histoire disait vrai ? Cela aurait expliqué l'impression de l'avoir déjà rencontré, l'étrange attraction qui l'empêchait de tourner les talons et de le laisser délirer seul. Et surtout, malgré sa grande déclaration sur sa non-homosexualité, il ne pouvait nier que M.Toukka lui plaisait. Lui qui n'avait jamais été attiré par personne, fille ou garçon, il se sentait bizarrement remué par un vieux de trente ans à lunettes !
- Je te propose un marché. Tous les jours, après tes cours, pendant une semaine, je te raconterai une histoire qui nous est arrivée, et si tu refuses toujours d'y croire passé cette période, je ne t'importunerai plus.
Dake avait envie de protester qu'il avait mieux à faire après les cours, mais il n'en fit rien. D'abord, parce que c'était faux et ensuite, parce qu'il était de plus en plus intrigué.
- Elle remonte à quand, notre "vraie" première rencontre d'après vous ?
- A la préhistoire. Tu portais la peau d'un ours que tu avais tué toi-même quelques lunes plus tôt. Nous étions également tous les deux de sexe masculin, cette fois-là. Cela n'a pas toujours été le cas, mais vue la situation présente, je privilégierai les périodes où il en a été ainsi.
- Comme vous vous voulez, marmonna Dake.
Il commençait déjà à croire M.Toukka. Tout son être respirait la conviction et son regard l'enveloppait d'amour.
L'adolescent reprit avec un brin d'ironie :
- Franchement, plutôt que d'opter pour du charabia, je suis étonné que vous n'essayiez pas plutôt de m'embrasser ou quelque chose dans ce goût-là...
C'était de la provocation mêlée de curiosité. Lui qui jusque là n'avait jamais été intéressé par les baisers et tout le tralala éprouvait soudain le désir d'en apprendre plus sur le sujet.
- Ce n'est pas comme si tu étais un amnésique dont je devais éveiller la mémoire. A chaque vie, un corps différent. Ce sont les souvenirs de ton âme qui m'intéresse. Je ne tiens pas à perdre ma place en t'embrassant dans un couloir qui n'est peut-être pas si désert qu'il en a l'air. A dire vrai, je ne commence pas toujours par te parler de nos vies antérieures, mais vient toujours un moment où j'aborde le sujet, car partager ses souvenirs avec toi m'est précieux. Et puis quand nous sommes tout les deux de même sexe, cela t'aide habituellement.
- Je plaisantais. Vous êtes toujours aussi sérieux quand vous fabulez, monsieur ?!
- Te conquérir est une affaire trop importante pour être pris à la légère. Notre bonheur futur en dépend, mon cœur.
Le mot doux fut comme une caresse pour Dake. C'était infiniment intime. Il lui semblait avoir déjà entendu quelqu'un l'appeler comme cela. Dans une autre vie... Dake s'ébroua. Non et non, c'était du délire ! Il fallait qu'il fuit à toutes jambes loin des propos extravagants de M.Toukka, mais ses deux pieds étaient fermement enracinés dans le sol.
- Je promets de vous écouter pendant une semaine... à partir de demain, s'entendit dire l'adolescent comme dans un rêve.
- Alors, à demain, mon cœur.
Dake planta ses yeux dans ceux du professeur d'histoire, songeant qu'il était fou d'accorder le moindre crédit à cette absurde histoire de vies antérieures et d'âme sœur.
- Tu sais, j'ai déjà essayé l'histoire du baiser dans une autre vie, mais je n'ai ni oublié la gifle retentissante qui a suivi et ni les longues semaines que j'ai perdu pour mon audace. Néanmoins, si tu continues à me regarder comme ça, je ne suis pas certain de résister plus longtemps à la tentation.
Dake fit volte-face et s'éloigna non sans jeter plus d'un regard en arrière sur le professeur d'histoire. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un le troublait. Vies antérieures ou pas, il allait écouter M.Toukka. Ce serait assurément plus palpitant que de traîner seul chez lui devant le poste de télévision.

FIN DU PILOTE

Oui, il était court...! A demain pour le pilote de Rendez-vous manqué !

mardi 17 avril 2012

A travers les âges... 2

Dake récupéra son sac à dos qu'il avait laissé à sa place quand il avait été interpellé. Dans l'intervalle, M.Toukka acheva de fermer son élégante sacoche en cuir noir. L'adolescent commença à le guider dans le couloir jaune du lycée, se sentant ridicule à pointer des évidences. Ils étaient descendus d'un étage et se tenaient au milieu d'un nouveau couloir peint cette fois de bleu quand soudain M.Toukka jusque là plutôt silencieux, demanda de but en blanc tel un magicien sortant un lapin de son chapeau :
- Tu crois aux vies antérieures ?
Dake resta interloqué, puis éclata de rire. Son hilarité calmée, il se rendit compte que le nouveau professeur d'histoire avait été très sérieux en posant la question et qu'à présent une ombre de tristesse voilait son regard.
- Je suppose que c'est non, reprit-il d'un ton déçu.
- Vous y croyez, vous ?
- En effet, mais j'ai un avantage sur la plupart des gens, je me souviens de mes vies passées.
Dake se dit que M.Toukka était bon pour l'asile, mais il se garda de prononcer ce jugement à haute voix. Ce n'était pas sa place en tant qu'élève de le lui dire. Ses cours d'histoire avaient dû lui monter à la tête...
- Pourquoi vous me racontez ça ?
- Il est judicieux de ta part de poser cette question qui est plus que bienvenue... Il se trouve que dans chacune de mes vies passées, je retrouve mon âme sœur avec laquelle je vis un amour passionné, même si parfois contrarié avec elle. Or, dans cette vie, c'est toi. Je te reconnaîtrai entre mille.
Dake n'y tient plus.
- Faudrait vous faire soigner, monsieur !
Le nouveau professeur était gravement atteint. C'était confirmé.
- Oui, tu me l'as souvent dit. Te convaincre, vie après vie à travers les siècles, n'est jamais une sinécure.
- Bah, ne cherchez pas à me baratiner ! Je suis ni barjot, ni homo !
Dake aurait dû planter là le nouveau professeur et ne plus perdre son temps à écouter son délire, mais quelque chose de plus fort que lui, le retenait. L'impression de connaître M.Toukka. Son sourire mystérieux. Ses yeux gris emplis de tristesse.
- Oui, ça aussi, tu me l'as répété à de nombreuses reprises. Maintenant, il ne me reste plus qu'à trouver comment t'amener à me croire.
- Vous n'y arriverez pas, alors ne vous fatiguez pas ! Vous feriez mieux de garder pour vous vos histoires à dormir debout.

lundi 16 avril 2012

A travers les âges... 1

En cette fin de matinée ensoleillée, dans la salle de classe, le volume sonore était plus fort que d'habitude. Dans quelques minutes, la cloche allait sonner et le nouveau professeur d'histoire ferait son apparition. Il venait remplacer Mme Mitano partie en congé maternité. Dake s'en moquait comme de sa première chemise. Cependant, "l'évènement", d'après la majorité de ses camarades de classe, méritait d'être discuté en long et en large.
Le remue-ménage se calma toutefois à l'arrivée du professeur principal qui était accompagné du nouveau. C'était un homme d'une trentaine d'années aux cheveux noirs coupés court, aux yeux gris et au nez fin surmonté d'une élégante paire de lunettes dorée. Il était vêtu d'un costume cravate marron sans génie. Une rumeur déçue parcourut les élèves. Les garçons avaient bien entendu espéré que ce serait une jolie femme tandis que les filles avaient escompté un jeune professeur séduisant et non quelqu'un d'aussi commun. Dake qui était avachi sur sa chaise, se redressa et lissa le col froissé de son uniforme bleu marine. Il avait le sentiment d'avoir déjà vu quelque part cet homme sans pour autant parvenir à le remettre. Pendant que le professeur principal introduisait M.Toukka, Dake eut l'impression que le nouveau professeur le regardait avec une attention particulière, pas comme s'il avait été juste un des quarante élèves présents. Et pourtant, Dake n'avait rien de spécial. C'était un adolescent brun aux yeux noirs à la peau mate et à l'air renfrogné. Peut-être l'était-il d'ailleurs plus que la moyenne vu que peu de choses parvenait à susciter son intérêt en règle générale.
Finalement, le professeur principal abandonna le nouveau professeur à ses élèves sans que Dake ait réussi à se souvenir d'où il connaissait M.Toukka. Ce dernier commença à faire l'appel et quand Dake répondit à son nom, M.Toukka lui adressa un curieux sourire. Pendant tout le cours, Dake, au lieu d'écouter, essaya en vain de replacer le nouveau professeur, mais la cloche sonna sans qu'il eut réussi à retrouver où il l'avait déjà vu. Fichue mémoire !
Agacé, Dake commença à rassembler ses affaires non sans jeter de fréquents coup d’œil au professeur d'histoire. Le nouveau professeur l'interpella soudain, et Dake n'eut d'autre choix que de se rendre à son bureau pour voir ce qu'il voulait pendant que le reste de ses camarades s'égayaient hors de la salle de classe.
- Votre professeur principal n'a pas eu le temps de me faire visiter le lycée en raison de ses nombreuses occupations. Auriez-vous l'obligeance me montrer les lieux ?
- Pourquoi moi ? demanda Dake en grimaçant.
Il n'avait pas de bonnes raisons de refuser. Le cours d'histoire était le dernier de la journée, il n'appartenait à aucun club, et n'avait rien prévu de particulier. Bien sûr, il aurait pu mentir, mais ce n'était pas dans ses habitudes. Enfin, il avait envie de se rappeler où il avait déjà pu croiser M.Toukka.
- Pourquoi pas toi ? répliqua le professeur.
Ce n'était pas un homme spécialement attirant, mais son sourire avait quelque chose de troublant qui emplissait Dake d'une étrange nostalgie.
- Bon. Je vais vous faire un tour, bougonna-t-il.
- Merci, répondit M.Toukka en ajustant ses lunettes sur son nez.

vendredi 13 avril 2012

Super Amoureux - 7

Soudain, la porte de son appartement s'ouvrit et Bruno réapparut. Amélien se redressa, surpris par ce retour inopiné.
- Désolé. J'ai dû m'absenter.
Bruno avait une trace noire sur la joue droite et sentait la suie. Et il avait les mains intactes après avoir frappé violemment deux personnes et attrapé la lame d'un cutter... Amélien n'avait pas cherché à comprendre ou analyser dans les toilettes de la librairie, trop sous le choc pour ça. Mais là, à tête reposée, aussi incroyable que cela lui paraissait...
- Tu es Myster Man, balbutia-t-il.
Bruno parut extrêmement embarrassé. Il ne nia ni ne confirma, ce qui était plus parlant qu'un aveu.
- Mais tu es si normal... murmura Amélien. C'est pour ça que je te trouve craquant, laissa-t-il échapper dans son désarroi.
- Désolé de te décevoir sur ce point. Je n'aurais pas dû revenir chez toi, mais cela m'ennuyait que tu crois que je sois parti comme ça alors que je t'avais dit que je resterai. Et tu n'avais vraiment pas l'air dans ton assiette à t'imaginer que tu me dégoûtais.
- Je n'ai fait que penser ça... Ne me dis pas que tu peux lire dans les pensées !? Déjà tout à l'heure...
Amélien avait du mal à en revenir. Dieu merci, il était assis, sinon, il se serait cassé la figure.
- Pas complètement non. Mais j'entends très bien quand les gens tournent leurs pensées vers moi.
Amélien déglutit. Si c'était vrai - ce qui était dur à croire - cela signifiait que Bruno savait qu'il était attirant, qu'il avait envie de coucher avec lui et qu'il s'était masturbé sous la couche !
Bruno s'empourpra.
- ça, je ne le savais pas. J'étais parti pour l'incendie.
Amélien s'affola. Il ne pouvait pas s'arrêter de penser. Oh ! Mon Dieu ! Oh ! Mon Dieu ! Peut-être qu'il était devenu fou ! Peut-être qu'il rêvait ! Toujours est-il qu'il continuait à trouver Bruno attirant, tout anormal qu'il soit ! Alors que c'était la panique dans la tête d'Amélien, Bruno s'approcha et posa timidement les lèvres contre les siennes avant de reculer d'un pas, les joues en feu.
Amélien écarquilla les yeux.
- Mais je croyais que tu... Pourquoi tu... ?
- Tu ne m'as jamais été indifférent. Mais tu n'arrêtais pas de penser à quel point j'étais "délicieusement normal" alors que c'est loin d'être mon cas, alors je ne voulais pas essayer de commencer quelque chose avec toi et te tromper. Mais puisque tu as découvert tout seul qui j'étais, ce n'est plus pareil.
Amélien inspira et expira, cherchant à reprendre pied. Bruno l'appréciait plus que comme simple collègue. Bruno était Myster Man et avait d'étranges pouvoirs.
- Tu es un extraterrestre ?
- Non, et je ne suis pas non plus un robot ou le fruit d'un expérience de laboratoire. Je suis né comme ça.
- Dans les journaux et à la télévision, ils disent ça. Ils prétendent aussi que tu peux voler.
- Je suis juste particulièrement fort et capable d'entendre certaines pensées.
- Myster Man, hein. A dire vrai, je ne croyais pas à leur charabia, mais tu es plus extraordinaire quelque part. Je suppose que tu veux que ta véritable identité reste secrète...
- Tout juste. Je tiens à mener la vie la plus normale possible compte tenu de ma situation.
- Nous sommes sur la même longueur d'ondes sur ce point. Je vais avoir du mal à digérer tout ça. En même temps, j'ai surtout envie de retenir que tu m'as embrassé.
- Et tu auras raison, c'est le point essentiel.
Rêve ou pas, folie ou pas... Amélien décida de profiter de la situation. S'emparant de la bouche de Bruno, il l'explora d'une langue aventureuse. Bruno se laissa faire et Amélien, les doigts accrochés à ses épaules, approfondit encore le baiser. Soudain, il fut repoussé avec douceur.
- Désolé. Mais il faut que j'y aille. Quelqu'un en détresse pense à Myster Man.
Bruno, les lèvres gonflées par le baiser qu'il venait d'échanger et les joues rouges, était vraiment à croquer. C'était vraiment dommage qu'il doive y aller, mais en même temps, songea Amélien, ils avaient le temps, leur relation ne faisait que commencer... 

FIN DU PILOTE 


Rendez-vous normalement lundi pour le début d'A travers les âges !

jeudi 12 avril 2012

Super Amoureux - 6

Amélien, Bruno sur ses talons, entra dans l'immeuble, prit l'ascenseur, longea un couloir mal éclairé et ouvrit la porte de son appartement, un deux pièces aux couleurs éclatantes. Bruno s'installa sur le canapé rouge vif tandis qu'Amélien fouillait dans son frigo et ses placards.
- J'ai de la bière blonde, de la limonade, du jus de pêche et du sirop à la menthe. Que préfères-tu ?
Il se sentait vaguement con à jouer aux hôtes alors que tout ce dont il avait envie s'était de se laver.
- Une limonade. Au fait, tu peux aller te doucher, si tu veux. Après ce qui t'est arrivé, c'est normal.
Il lisait dans les pensées ou quoi ? se dit Amélien en déposant un grand verre de limonade sur la table basse en face du canapé devant son invité.
- Tu es certain que cela ne te dérange pas ?
- Oui. Je ne suis pas pressé. Vas-y. Je t'attends.
Il était vraiment extra. Amélien lui aurait bien sauté au cou pour le remercier, mais Bruno n'aurait sans doute pas apprécier. Il se retint donc et alla récupérer des vêtements propres dans l'armoire à glace de sa chambre avant de disparaître dans la minuscule salle de bain saumon. Il fit couler l'eau chaude longtemps, puis se savonna avec soin, frottant énergiquement pour faire disparaître jusqu'au souvenir de ce qui s'était passé. Enfin un peu mieux, il se mit à penser à Bruno qui était assis dans la pièce à côté et à ses grandes et belles mains. Amélien craqua. Il glissa les mains sur son torse et s'agaça les tétons. Ensuite, il se prit ses bourses dans une main, sa verge de l'autre et se caressa en s'imaginant que c'était Bruno. Sous l'eau chaude qui ruisselait toujours, il éjacula dans un gémissement et se lava rapidement avant de sortir enfin de la douche. Il se sécha, s'habilla en hâte - un t-shirt turquoise assorti à ses yeux, un pantalon azur et un papillon bleu dans ses cheveux mouillés - et gagna le salon. Le canapé était vide. Bruno avait dû partir. Un coup d’œil à la pendule orange lui apprit qu'il avait passé près de quarante minutes dans la salle de bain et la désertion de son invité lui parut normale, bien que décevante. C'était sa punition pour avoir pris le temps de se masturber en utilisant Bruno qui n'avait rien demandé. Amélien se laissa tomber sur le canapé, attrapa le verre vide posé sur la table basse et le contempla pensivement. A l'heure qu'il était, le patron devait avoir viré Loïc. Cependant, il resterait Bruno qui l'avait vu dans une position humiliante... Mais compréhensif et sympa comme il était, il ne s'amuserait pas à lui rappeler. Décidé à se changer les idées, Amélien alluma la télévision. A l'écran, une présentatrice, la bouche en cœur, rapportait un flash info spécial sur Myster Man. Le justicier masqué dont raffolait sa sœur venait d'intervenir dans un incendie et avait sauvé d'une mort certaine une fillette et son petit frère restés coincés. Amélien zappa, mais les autres chaînes ne parlaient que de ça.

vendredi 6 avril 2012

Petit mot pour prévenir que je ne pourrais pas poster avant environ une semaine. Mardi soir, après orage, perte d'internet dans mon nouveau logis. Sans compter que je suis tombée malade et rester longtemps hors du lit m'est diffcile... La suite de Super Amoureux dès que possible !

lundi 2 avril 2012

Super Amoureux - 5

Bruno semblait de plus en plus mal à l'aise. Amélien s'en voulut.
– La police, le patron ne va pas aimer ça, se justifia-t-il. Et puis, il risque de penser que c'est moi le problème. Après tout, si je n'étais pas gay, que je ne l'affichais pas avec mes barrettes, cela ne serait pas arrivé. C'est ma faute.
– Bien sûr que non ! Tu as le droit de mettre ce que tu as envie dans tes cheveux et d'aimer qui tu veux.
Oui, même toi, soupira intérieurement Amélien, en passant une main lasse sur son front.
– Hé ! Mais tu es blessé ! s'exclamant Bruno en lui prenant la main.
Amélien avait oublié. La blessure n'était que superficielle et le sang avait séché.
– Ah, oui... Le cutter... Toi, tu ne l'es pas, en revanche...
Bruno ne releva pas. Entraînant Amélien jusqu'au lavabo, il lui fit couler de l'eau froide dessus.
– Pour la police, c'est toi qui vois. Mais si tu ne fais rien, tu vas devoir supporter Loïc au boulot.
Bruno était vraiment gentil et sérieux... Amélien, lui, avait préféré éviter de penser à ce qui était pourtant loin d'être un détail.
– Tu as raison.
Son corps se mit à trembler malgré lui. Bruno le prit par l'épaule et l'entraîna hors des toilettes où Dorian et Loïc gisaient toujours, complètement sonnés.
– Ne t'en fais pas. C'est moi qui vais téléphoner au patron et lui expliquer, d'accord ?
– Et la librairie... Les clients...
– Ne t'inquiète pas. Quand je suis revenu de ma pause, j'ai trouvé la boutique fermée.
Amélien resta sans bouger, appuyé contre le montant d'une étagère pleine de livres pendant que Bruno appelait. Rentrer chez lui, prendre une longue douche, boire chocolat chaud et tout oublier...
– C'est bon. Il arrive. Il va s'occuper des deux affreux dans les toilettes. Dès qu'il sera là, je te raccompagne chez toi, OK ?
Amélien, perdu dans ses pensées, sursauta.
– Je préfère partir tout de suite.
– Tu es sûr ?
Bruno était vraiment plein de sollicitude. Une crème. Mais bon, il ne fallait pas se leurrer. S'il avait été un tant soit peu intéressé par sa petite personne, il aurait réagi en le voyant à demi-nu...
– Oui, merci.
Amélien se dépêcha de récupérer ses affaires aux vestiaires, salua Bruno d'une voix faible et partit. Il avait du mal à croire tout ce qui s'était passé. Mais entre sa coupure et son anus irrité, il n'y avait pas moyen de nier la réalité de sa mésaventure.
Il n'était plus qu'à deux pas de chez lui, quand Bruno apparut soudain à son côté.
– C'est bon, le patron a pris les choses en main. Je ne veux pas t'imposer ma présence, mais ça m'ennuyait que tu rentres tout seul après tout ça, alors je t'ai rattrapé.
Bruno n'était même pas essoufflé, nota Amélien qui le remercia pour sa sollicitude, même s'il était partagé entre le contentement de le revoir aussi vite et l'envie d'être seul pour se remettre de ses émotions.
– Je suis presque arrivé chez moi. Si tu veux, je t'offre un verre. Je dois bien ça à mon sauveur.
Amélien l'avait invité sans trop y croire, sans trop savoir s'il voulait que Bruno accepte ou refuse. Il espérait encore vaguement que le jeune homme soit bi et qu'il n'ait pas été dégoûté par la scène des toilettes. Un frisson le parcourut.
– Sauveur, il ne faut pas exagérer. Mais c'est d'accord pour le verre surtout que ce n'est pas la première fois que tu m'invites.