vendredi 29 septembre 2017

Remplacement Standard - 36

                                                   *
 Ethan ne savait trop comment interpréter l'échange qu'il avait eu la veille avec Jonas. Il lui avait semblé que ce dernier souhaitait garder le contact, même après que son remplacement soit fini. A moins qu'il n'ait pris ses désirs pour des réalités. De toute façon, pour sa santé mentale, il valait mieux qu'à la fin de ces sept jours supplémentaires, il ne le revoie plus. Autrement, il finirait par trahir ses sentiments et la situation deviendrait horrible. Jonas l'accuserait de s'être rincé l'œil à ses dépens et autres stupidités… Cependant, s'il ne se trompait pas, Jonas lui avait offert son amitié, et cela lui faisait plaisir parce que cela signifiait qu'il ne considérait pas seulement comme le nounou doué pour les corvées ménagères et le soin aux enfants.
Mais évidemment, il ne pouvait envisager qu'une relation amicale avec Ethan et rien de plus. Il était hétéro, marié et fidèle. C'était vraiment parce qu'il s'attardait au bureau qu'il ne rentrait pas tôt à la maison. Il lui avait brièvement traversé l'esprit que cela pouvait parce qu'il fréquentait une autre femme, mais rien n'était venu corroborer cela. Pas de longs cheveux accrochés à ses vêtements, pas d'haleine alcoolisée,  de parfum féminin attaché à lui, de coups de fil faits à part…
Non, si Jonas trompait sa femme, c'était avec son boulot. Il fallait voir la façon passionnée dont il en parlait.
Ethan regarda l'horloge de l'entrée. Il fallait qu'il se bouge. Les tâches ne manquaient pas avant de retourner chercher Gui et Gaëlle pour le repas de midi.
Dans la buanderie, le panier à linge sale débordait à nouveau. Comme le tonneau des Danaïdes, il ne semblait jamais devoir se désemplir malgré les machines à laver que faisait tourner quotidiennement Ethan. A l'inverse, le réfrigérateur, le congélateur et le placard dans la cuisine avaient tout de paniers percés. Il fallait sans cesse les remplir au risque de manquer. Gilbert, en pleine croissance, avait un solide coup de fourchette. Heureusement que l'adolescent restait le midi à la cantine de son collège, plus éloigné que l'école primaire des deux petits, sinon, ce n'est pas deux fois par semaine qu'il aurait fallu faire les courses… Enfin, cette tâche-là était pour demain.
Une fois qu'il eut plié, repassé et rangé le linge sec sur l'étendoir, Ethan accrocha le mouillé de la machine qui venait de sonner et enchaîna sur du rangement. Il prépara ensuite le repas afin que les enfants puissent se mettre les pieds sous la table, puis prit le volant.
Niveau assurance, il n'était plus très sûr d'être couvert, puisque techniquement, il n'utilisait plus la voiture dans le cadre de son travail, aussi cela le stressait davantage. En même temps, il n'y avait pas de raison qu'il ait d'accrochage, excepté que c'était toujours le bazar à la sortie de l'école…

jeudi 28 septembre 2017

Remplacement Standard - 35

Les enfants collèrent le nounou tout le dimanche jusqu'au soir.
Quand ils furent tous couchés, Jonas remercia encore Ethan d'être resté.
— Vos enfants sont adorables, ce n'est vraiment pas un souci.
— Et moi ?
La question lui avait échappé. Quelque chose ne tournait pas rond chez lui.
Ethan se mordilla la lèvre avant de répondre :
— Vous n'entrez pas dans la catégorie des conjoints insupportables, car il en existe. Certains sont pires que leurs rejetons poisons.
— Je vois que toutes les familles ne trouvent pas grâce à vos yeux.
— La réciproque doit être vraie.
— Vous êtes pourtant doué dans votre partie.
— Mais mes manières diffèrent de la personne que je remplace.
— Hum. Vous ne gardez jamais aucun contact avec les familles dont vous vous êtes occupé ?
— L'entreprise l'interdit.
C'était peut-être pour cela qu'Ethan n'avait relevé aucune des tentatives de Jonas pour approfondir leurs liens.
— Mais pourquoi ? Elle n'a pas à s'immiscer dans vos fréquentations.
— C'est vrai.
Jonas ne pouvait se contenter de cette réponse sobre. Ou bien la semaine s'écoulerait sans que rien ne change et il se retrouverait au même point que ce matin, à un au revoir définitif qui ne lui plaisait pas du tout.
Les quinze jours passés lui avait permis de comprendre que bien souvent Ethan gardait un calme de façade alors qu'il bouillonnait intérieurement.
Il laissa tomber le vouvoiement. Encore une façon subtile de montrer qu'il souhaitait qu'ils deviennent proches.
— Et tu respectes toujours cette règle ?
— Elle a le mérite d'éviter certaines complications.
Jonas insista.
— Telles que... ?
— J'ai des collègues qui ont eu des avances de maris dont elles remplaçaient l'épouse.
Jonas grimaça. Certains avaient des problèmes avec la fidélité. Enfin, cela n'avait rien à voir avec leur cas à eux. Ils étaient tout les deux des hommes.
— C'est une bonne façon de refuser, reprit Ethan.
Jonas n'osa pas poursuivre. Il lui semblait que le nounou venait de lui opposer une fin de non recevoir, même s'il n'avait rien demandé clairement.
Il n'allait quand même pas en faire une maladie. C'était normal qu'Ethan ne veuille pas d'ennuis avec l'entreprise qui l'employait. C'était son droit de ne pas vouloir être ami avec Jonas.

mercredi 27 septembre 2017

Remplacement Standard - 34

                                                 *
Jonas était certes contrarié que Gwen ne rentre pas comme prévu, mais à peine triste et il n'était pas seulement soulagé que le nounou prolonge son séjour, mais heureux.
Les deux semaines en sa compagnie avaient été plus qu'agréables, et ce n'était pas juste à cause de la maison bien rangée, des chaussures alignées dans l'entrée, des chemises impeccablement repassées et des bons petits plats qu'elle que soit l'heure à laquelle il rentrait du travail, c'était aussi sa manière de s'occuper des enfants – une oreille attentive pour Gilbert, des jeux avec Gui, de la couture avec Gaëlle – et surtout leurs bavardages dans la cuisine et la chambre en soirée.
Ethan s'enquérait toujours du bon déroulement de sa journée et de ses projets et l'écoutait avec attention, quand bien même il ne comprenait pas tout.
C'était un homme charmant. Jonas l'appréciait vraiment beaucoup, trop sans doute puisqu'il n'éprouvait aucune hâte à ce que Gwen revienne.
Ethan ne donnait pas l'impression de ne faire que son job. Il semblait s'être attaché à eux. Ce qui n'empêchait pas qu'il était payé pour veiller à leur bien-être. Il se chargerait ensuite d'une autre famille, puis encore d'une autre. Jonas et ses enfants faisait partie d'une longue liste et Ethan finirait par les oublier.
Jonas grimaça du tour que prenait ses pensées. Il était ridicule de sa part de vouloir être spécial aux yeux d'Ethan.
En tout les cas, cela lui faisait plaisir qu'il ait accepté de demeurer sept jours de plus sans s'accorder guère plus qu'un court instant de réflexion.
Jonas allait pourvoir jouir de sa compagnie une semaine supplémentaire. C'était court, surtout vu la rapidité avec laquelle s'étaient écoulées les deux précédentes.
Ne plus jamais le revoir après cela l'attristait. Offrir son amitié de façon explicite avait un côté puéril. Ce genre de choses se faisait de façon naturelle, sauf qu'ils n'avaient pas fait connaissances dans des circonstances traditionnelles.
Toujours est-il qu'il avait essayé de la jouer subtil et qu'Ethan n'avait pas compris, à moins qu'il n'ait fait exprès de ne saisir aucune des perches qu'il lui avait tendu.
Il avait maintenant un délai supplémentaire pour réussir à ne plus être que le mari de celle qu'il remplaçait et établir un lien amical.
Jonas n'avait guère d'amis. Deux potes du lycée et deux de l'école d'ingénieur dans laquelle il avait étudié et c'était tout. Il s'entendait bien avec certains collègues, mais pas au point de les fréquenter hors du bureau.
Lui et Ethan étaient sur la même longueur d'ondes. Bien sûr, le métier d'Ethan ne devait guère lui laisser le loisir de fréquenter ses amis ou même d'avoir une copine, mais ça aurait été vraiment dommage de ne pas garder un lien…
Ce matin, il avait été prêt à le laisser partir, le cœur lourd, mais il n'avait aucune envie qu'Ethan sorte de leur vie pour toujours et était bien décidé à ne pas gâcher cette opportunité.

mardi 26 septembre 2017

Remplacement Standard - 33

— Votre mère ne rentrera que la semaine prochaine. Elle est coincée sur une petite île du Pacifique à cause d'une tempête.
Gaëlle fondit en larmes. Gui se rembrunit. Gilbert haussa les épaules.
— Est-ce que vous ne pourriez pas rester une semaine de plus ? demanda Jonas, tout en allant   prendre la fillette dans ses bras.
Les remplacements ne devaient pas durer plus de quinze jours. C'était la limite. Jonas n'avait pas dû faire attention à cela quand il avait consulté le site de l'entreprise.
En cas de besoin d'un nouveau remplacement, c'était un autre employé de l'entreprise qui était assigné. C'était pour éviter la formation de liens trop profonds. Même si dans les faits, quinze jours étaient largement suffisants, songea Ethan.
— Oui, bien sûr, s'entendit-il dire.
Il n'avait pu résister. Il ne pouvait pas les abandonner. Il suffisait qu'il prenne des vacances. Son employeur n'avait pas besoin de le savoir. Il avait bien le droit de faire ce qu'il voulait de son temps libre, y compris poursuivre son rôle de remplaçant !
— Je me charge des formalités administratives, ajouta-t-il.
Ni Jonas ni Gwen ne devaient savoir que cette semaine de plus ne leur coûteraient rien.
— Je remonte ta valise ! s'écria Gilbert d'un ton enthousiasme, en s'exécutant aussitôt.
Gaëlle, les joues encore toutes mouillées, quitta les bras de son père pour s'accrocher à la jambe d'Ethan.
— Nous allons pouvoir terminer le renouvellement de la garde-robe de tes poupées, déclara Ethan, espérant lui rendre le sourire.
Cela fonctionna et la petite commença à parler de tout ce qu'elle souhaitait confectionner avec son aide.
— Puisque tu pars plus, tu viens faire une partie d'Aventuriers du rails avec moi ? demanda Gui.
Il ne perdait pas le nord, celui-là.
— OK. Mais d'abord, j'ai un coup de fil à passer, répondit Ethan.
Il devait poser des congés en urgence.
— C'est vraiment gentil à vous de bien vouloir prolonger votre séjour parmi nous, déclara Jonas.
C'était surtout déraisonnable au possible. Il aurait dû entamer le deuil de cet amour impossible au lieu de prolonger une relation qui ne pouvait aboutir à rien.

lundi 25 septembre 2017

Remplacement Standard - 32

Ses dernières heures avec eux passèrent bien trop vite au goût d'Ethan. Gaëlle et Gui qui avaient été dispensés de leurs cours extrascolaires étaient restés fourrés avec Ethan jusqu'au soir. Jonas, même s'il n'avait pas participé à toutes leurs activités avait mis un point d'honneur à être toujours dans la même pièce qu'eux, comme si lui aussi souhaitait profiter au maximum de sa présence. Du moins, c'est ainsi qu'Ethan n'avait pu s'empêcher de l'interpréter.
Après avoir regardé un film d'animation tous ensemble, Ethan entouré de Gui et Gaëlle dans le canapé, Jonas et Gilbert chacun dans un fauteuil, l'heure du coucher avait sonné.
Ethan avait contemplé une ultime fois Jonas dans sa glorieuse nudité, avait avancé à pas de fourmi dans son roman, trop focalisé sur l'homme qui lisait à ses côtés.
Il n'avait pas réussi à s'endormir et était donc pleinement éveillé quand Jonas l'avait attrapé pour le serrer contre lui.
Ethan, le cœur battant, la respiration saccadé s'était autorisé à recouvrir la main de Jonas de la sienne. Il pouvait bien se permettre cette petite folie, puisque après cela, il ne le reverrait jamais plus.
Le sommeil avait fini par le gagner, en dépit de l'excitation et l'émotion suscités par l'étreinte réflexe du dormeur.
Quand il émergea, Jonas tenait son oreiller entre ses bras. Il se leva sans bruit, se fit intercepter par Gilbert, mais cette fois, se montra ferme et descendit se doucher. Il avait déjà préparé sa valise et son sac la veille et ces derniers l'attendaient dans l'entrée.
Les enfants prirent avec lui leur petit déjeuner tandis que Jonas dormait toujours à l'étage. Ethan vit le moment où il allait partir sans le revoir une dernière fois.
Mais non, alors qu'il remerciait Gaëlle pour le dessin qu'elle avait fait le représentant avec eux tous dans la forêt, Jonas apparut pieds nus et habillé à la va-vite comme la première fois qu'il l'avait rencontré.
— Vous n'alliez pas partir comme un voleur tout de même ! lança-t-il en descendant l'escalier.
— Eh bien, non, mais votre femme ne devrait plus tarder désormais et je suis supposé être parti avant.
— Eh bien, vous êtes plus au courant que moi sur son heure de retour.
— Je ne la connais pas avec exactitude, mais...
— Tu devrais consulter tes messages plus souvent, papa, intervint Gilbert.
— Trop souvent, cela ne sert qu'à perdre son temps et à s'éparpiller, répliqua Jonas.
Il remonta toutefois chercher son téléphone pour voir si Gwen avait envoyé quelque chose et redescendit les traits du visage crispés.

vendredi 22 septembre 2017

Remplacement Standard - 31

L'adolescent réapparut, son mobile à la main, son frère derrière lui. Gui voulait jouer. Il avait une vraie passion pour les jeux de société, ce qui n'était pas le cas des autres membres de sa famille, même si ces derniers lui servaient parfois de partenaires.
— Y a un truc de prévu aujourd'hui ? demanda Gui.
— Judo pour toi, danse pour Gaëlle, répliqua Gilbert, mécontent que son frère et sa sœur est une fois de plus coupé court à son bavardage avec Ethan.
C'était un phénomène récurrent.
— Pour une fois, je peux peut-être ne pas y aller, pour profiter qu'Ethan soit encore là.
— Tu as voulu t'inscrire, tu dois t'y rendre, argua Gilbert.
Les deux frères avaient tendance à se voler dans les plumes. Il fallait chaque fois trouver les bons mots pour les apaiser.
— C'est votre père qui tranchera. De toute façon, ce n'est que dans l'après-midi.

    Ils avaient petit déjeuner et étaient tous en train de jouer au Monopoly quand Jonas arriva dans le salon, rasé de frais, habillé d'un pantalon noir ajusté et d'un pull beige au col rond.
Il plaqua deux gros bisous sur les joues de Gaëlle et ébouriffa les cheveux de Gui et Gilbert. Ethan n'aurait rien eu contre l'un ou l'autre traitement, mais il dut se contenter d'un bonjour chaleureux.
— Mais que vois-je ? Vous n'avez même pas laissé à Ethan le temps de se vêtir et de se doucher !
Avec un soupçon d'embarras, Ethan réalisa qu'il était le seul encore en pyjama. Les trois enfants, eux, étaient habillés.
— Ce n'est pas grave, affirma-t-il.
— Vous êtes sûr ? Parce que si vous voulez je peux vous remplacer pour la fin de la partie…
— Oh, non, pas toi, papa ! s'écria Gui.
— Ouais, tu es trop à cheval sur les règles, enchérit Gilbert.
— Elles ne sont pas là pour faire jolies en même temps. A ne pas les respecter, on dénature l'essence du jeu.
Ce n'était pas faux. Ethan le savait pour avoir été parfois si accommodant que cela devenait du grand n'importe quoi, mais il ne voyait pas non plus l'intérêt de faire pleurer les enfants qui détestaient perdre. L'idéal était un juste équilibre, comme pour tout.
Il défendit son point de vue. Jonas, le sien. Les enfants mirent bien sûr leur grain de sel.
Le résultat des courses fut que Ethan garda sa place tandis que Jonas consultait différents livres dans les étagères à quelques pas d'eux. Pas facile de se concentrer dans ses conditions !

jeudi 21 septembre 2017

Remplacement Standard - 30

Ethan quitta le lit et l'étreinte de Jonas. Il avait le cœur lourd en songeant qu'il n'avait plus qu'une nuit à subir cette douce torture. Gilbert, comme le samedi précédent, devait le guetter, car à peine eût-il quitté les toilettes qu'il fut interpellé.
Ethan insista pour qu'ils aillent au salon afin de ne pas réveiller les autres. L'adolescent grommela, mais accepta. Niveau caractère, il ressemblait pas mal à son père. Ils partageaient le même côté bougon.
Une fois installés dans le canapé, Gilbert s'écria :
— J'arrive pas à croire que tu partes déjà demain, le temps est passé trop vite !
— Tu dois être content à l'idée que ta mère rentre.
L'adolescent haussa les épaules.
— Bof. Elle n'arrête pas de me soûler. Je traîne trop devant l'écran. Je ferais mieux d'être plus sérieux dans mes études et tout… Comme si il n'y avait que ça qui comptait !
— C'est sa manière de se soucier de toi. 
— Ouais, mais j'aimerai bien qu'elle me laisse respirer et tout... Dis, tu voudrais bien me donner ton mail et ton numéro de téléphone, qu'on reste en contact, même après ton départ.
Gilbert avait débité la seconde phrase d'un ton précipité, un peu comme quelqu'un se jetant à l'eau.
Normalement Ethan n'avait pas le droit de faire ça, mais il jugea qu'il pouvait faire une exception. Entre personnes sortant du rang, il fallait se tenir les coudes.
Il acquiesça.
— Tu veux vraiment bien ? demanda Gilbert.
Il devait avoir craint qu'il ne refuse.
— Oui, pas de soucis. Sache cependant que quand je suis en remplacement, je ne suis pas très disponible. Je ne regarde mes messages qu'une fois par jour, le soir.
— Je te promet, j'abuserai pas ! s'écria l'adolescent et il fonça chercher son mobile pour y enregistrer les informations d'Ethan, comme s'il craignait que ce dernier ne change d'avis.
Il n'était pas encore redescendu que Gaëlle pointait le bout de son nez.
Elle se blottit contre lui.
— Je suis contente que maman revienne, mais je voudrais que tu restes avec nous.
Pour Ethan, cela aurait tout eu d'une situation intenable. Il ne voulait surtout pas voir Jonas et sa femme ensemble. Il fut néanmoins touché que la fillette se soit attachée à lui à ce point. Cette petite princesse allait lui manquer, presque autant que son père.
Enfin, il pourrait prendre discrètement des nouvelles d'eux par l'intermédiaire de Gilbert. Évidemment, en gardant un lien, il allait avoir encore plus de mal à oublier Jonas, mais ce n'était pas une raison pour refuser à l'adolescent un interlocuteur susceptible de comprendre ses problèmes.

mercredi 20 septembre 2017

Remplacement Standard - 29

    Le dimanche leur permit d'être rassurés sur la blessure de Gaëlle qui cicatrisait bien. La petite fille en revanche en avait assez d'être coincée au lit, aussi, au grand dam de Gilbert et Gui, Ethan passa une bonne partie de la journée avec elle, Jonas se chargeant du temps restant.
Il lui montra comment coudre des habits – il avait trouvé des bouts de tissus sans doute gardés pour faire des chiffons dans une boîte en  haut d'une étagère de la buanderie.
La petite lui parla beaucoup de sa maman et de son papa, causant involontairement de la peine à Ethan. Il n'avait certes pas besoin qu'on lui rappelle que Jonas était marié et heureux de l'être.
    Et puis le lundi revint. Gaëlle, un beau pansement sur le genou, se rendit à l'école. Elle mourait d'envie de raconter son aventure à sa meilleure amie. Au moment du départ, Ethan prit sur lui pour ne pas ajuster le col de la chemise de Jonas. Au fond de lui, il savait que ce n'était qu'un prétexte pour le toucher. Cette nuit, il serait enveloppé dans ses bras, même si ce n'était que le réflexe d'un Jonas endormi.

    La semaine s'écoula en un clin d’œil, épuisante aussi bien physiquement que mentalement. Gwen avait bien du mérite de gérer la maison, son mari et ses trois enfants. Il comprenait à présent qu'elle ait eu besoin de vacances. Gaëlle comme Gui étaient adorables, mais ils avaient besoin de beaucoup d'attention. Jouer avec eux,  les emmener à l'école, les chercher, préparer les repas, étendre les lessives, plier le linge, le repasser, faire les courses, ranger la maison, passer l'aspirateur et le chiffon… Le rythme était intense.  Il y avait aussi Gilbert dont il était devenu le confident. L'adolescent était terriblement attiré par un garçon de sa classe, et il avait besoin de conseils et surtout d'une oreille attentive. Et enfin, il fallait s'occuper de Jonas et de ses dîners tardifs, même s'il avait fait des efforts pour rentrer avant 21 heures.
Cependant, le plus fatiguant, c'était bien la lutte qu'il avait dû mener contre ses sentiments pour Jonas. Partager son quotidien était un bonheur mêlé de douleur, car ils avaient beau vivre sous le même toit, il était inatteignable.

    Le samedi marquait le dernier jour à passer avec les trois enfants et leur père. Gwen serait de retour le lendemain matin. Ethan partirait juste avant. C'était la règle de l'entreprise.

mardi 19 septembre 2017

Remplacement Standard - 28

Jonas s'empressa de rejoindre la fillette, de la relever et de l'examiner.
Le genou de la petite saignait abondamment, écorché par une pierre pointue.
— C'est grave, papa ? demanda Gaëlle.
— C'est un petit bobo de rien du tout, répliqua son père, mais son visage reflétait une inquiétude certaine.
Ethan fouilla les poches de son blouson en cuir, puis celles de son sac à dos, mais il n'avait ni pansements ni rien. Il s'en voulut de son manque de prévoyance.
Jonas donna aussitôt le signal du retour et ils regagnèrent la voiture très vite, Gaëlle portée comme une princesse dans les bras de son père. 
Et de retour à la maison, Jonas refusant l'aide d'Ethan, s'occupa de nettoyer et désinfecter lui-même la plaie de la petite à qui il fit promettre de se tenir tranquille, le temps que ça cicatrise. Pas de cours de danse cette semaine pour elle.
Ethan se proposa pour lui tenir compagnie, ce qui enchanta Gaëlle. Il savait que c'était un incident qui aurait pu se produire ailleurs, mais il regrettait quand même d'avoir été l'initiateur de la balade. Personne ne lui reprocha cependant quoi que ce soit, si ce n'est lui-même.
Au bout d'un moment, c'est Jonas qui prit sa place aux côtés de la fillette obligée de rester allongée dans son lit.
— Alors, comment ça va, ma princesse ? demanda-t-il en arrangeant l'oreiller dans le dos de Gaëlle.
En le voyant aux petits soins pour sa fille, Ethan réalisa que n'était plus une simple attirance physique qu'il ressentait, c'était l'homme tout entier qui lui plaisait. Jonas avait tendance à être bourru, mais il était tendre aussi. Il était passionné par son travail au point d'en perdre la notion du temps, mais attentif tout de même aux autres.
En un mot comme en cent, Ethan était tombé amoureux de Jonas. Il aurait aimé qu'il en soit autrement, le problème étant qu'en matière de sentiments, on ne décide pas. Et il était voué à en souffrir puisqu'il n'y avait aucune chance pour que son amour lui soit retourné un jour. Il n'était là que temporairement. Il n'avait plus qu'une semaine à passer en sa compagnie et ensuite, il serait obligé de s'efforcer de l'oublier. D'ici là, il fallait surtout qu'il ne laisse rien transparaître de ce qu'il ressentait.

lundi 18 septembre 2017

Remplacement Standard - 27

    Environ deux heures après, fin prêts, ils s'engouffrèrent dans la spacieuse voiture de Jonas. C'était un modèle parfait pour une famille nombreuse.
Ethan, assis à l'avant, indiquant au conducteur comment parvenir à la forêt. Gilbert, Gui et Gaëlle, à l'arrière, parlaient de choses et d'autres d'un ton animé.
Ethan aimait ce genre d'ambiance. Dans certaines familles, c'était plus tendu. Il eut une pensée pour celle qu'il remplaçait. Profitait-elle de ses vacances ? Réalisait-elle la chance qu'elle avait d'avoir d'avoir de tels enfants et un mari comme le sien ? En même temps, c'est vrai que le rythme était dur et que s'occuper de tout ce petit monde n'était pas évident. Jonas n'était pas sans défaut. Sa tendance à rentrer tard du bureau était irritante. Cela obligeait à un deuxième service. Il était impudique aussi. Ce qui était plus troublant que déplaisant.
    Jonas se gara dans le parking forestier et tout le monde descendit. Gaëlle s'inquiéta pour ses bottines, la terre étant humide, et Ethan promit qu'il les lui nettoierait en rentrant. Gilbert se lança sur un des chemins sans attendre, talonné par Gui. Gaëlle leur courut après, bondissant comme un petit cabri, et les deux adultes n'eurent plus qu'à suivre.
Jonas étouffa un bâillement derrière sa main.
— Encore désolé pour le bruit, ce matin. Je sais que vous vous êtes couché tard.
— Ça va, il n'y a pas mort d'homme. Il semblerait pour ma part que j'ai interrompu votre nuit.
Ethan ne protesta pas, ne voulant pas trahir qu'il avait guetté sa venue.
Ils marchaient d'un même pas vif et ils rattrapèrent les trois enfants qui s'étaient arrêtés.
Gaëlle jurait avoir aperçu une souris, mais ses deux frères n'étaient pas convaincu.
La promenade reprit. La petite fille se mit à chanter "Un jour, mon prince viendra…" et poursuivit avec un vers de son cru "et s'il vient pas, tant pis pour lui !" Jonas et lui échangèrent un regard amusé.
Ils n'avançaient pas depuis très longtemps entre les grands arbres, quand Gui réclama qu'ils s'attellent à la construction d'une cabane. Gilbert râla, parce qu'il était motivé pour continuer, mais se prit assez vite au jeu de la récolte de branches.
Ils n'étaient pas loin d'avoir fini de bricoler une sommaire habitation en s'appuyant sur un gros rocher et un tronc, quand Gaëlle s'éloignant pour admirer le résultat de loin, trébucha sur une racine et tomba.

vendredi 15 septembre 2017

Remplacement Standard - 26

Gaëlle entra sur ces entrefaites.
— Je vous ai entendus.
Gilbert monta aussitôt au créneau, s'affolant, mais Ethan réussit à le calmer et il se révéla que la petite fille n'avait pas saisi leurs propos, juste le son de leurs voix.
L'adolescent, mécontent malgré tout de l'arrivée intempestive de sa sœur, chercha à se débarrasser d'elle.
— On discute de trucs importants, laisse-nous !
— Tu arrêtes pas de t'accaparer Ethan ! Moi, je veux jouer avec lui.
— Si tu crois que cela l'amuse de faire danser tes poupées et les habiller…
Ethan jugea préférable d'intervenir. En vérité, même s'il avait failli mourir de honte quand Jonas l'avait surpris, il aimait cela. Il avait toujours eu envie d'en avoir gamin, mais impossible d'exprimer son désir vu comme c'était ostensiblement pour les filles.
— Je ne peux pas me couper en deux, et il semble juste que ce soit chacun son tour…
Gui déboula au même moment, une boîte de jeu dans le bras. Le revers de la popularité, songea Ethan tandis que les trois enfants se chamaillaient à qui mieux mieux pour savoir avec qui il allait passer du temps.
Jonas apparut à son tour dans l'embrasure, la mine sombre. Il était nu, mais tenait une boule d'habits à la main, qui masquait la partie la plus fascinante de son anatomie.
— Pourquoi tout ce raffut ? grommela-t-il.
Il s'était apparemment levé du pied gauche. C'était le boucan des gamins qui avait dû le réveiller. Ethan s'en voulut de ne pas leur avoir intimé le silence. Il aurait dû se douter que le volume sonore perturberait le sommeil de Jonas. Toutes les chambres étaient au même étage, collées les unes aux autres. Il faut croire qu'il ne maîtrisait pas encore parfaitement la maison.
Ethan ouvrit la bouche pour expliquer, mais les enfants le devancèrent et exposèrent tous en même temps la situation à leur père qui râla un bon coup pour les faire taire avant d'interroger Gaëlle.
La petite ayant dévoilé le fin mot de l'affaire, Jonas déclara :
— Pour ne pas faire de jaloux, on va tous se balader ensemble forêt. Mais avant cela, il s'agirait de vous habiller et de petit déjeuner.
La perspective d'une promenade ne parut emballer aucun des trois enfants. Ethan sut cependant argumenter avec succès pour les convaincre entre possibles écureuils, construction de cabane, majesté des grands arbres...
— Vous voulez vous doucher en premier ? offrit Jonas à Ethan.
Il avait remarqué qu'il était encore en pyjama et sa proposition était une délicate attention. Il était chez lui après tout et Ethan n'était pas un invité, mais un employé.
— Non, allez-y. J'irai après.
— OK. Je vous préviens dès que j'ai fini.
Et il s'en fut, dévoilant une paire de fesses des plus appétissantes.
Une nouvelle dispute entre Gilbert, Gui et Gaëlle éclata, évitant à Ethan de se laisser aller à rêvasser.

jeudi 14 septembre 2017

Remplacement Standard - 25

— Hé, ho ! Pourquoi tu ne me réponds pas ?
Tout à ses craintes, Ethan avait oublié.
— Désolé, je dors encore.
— Alors… Tu as quelqu'un ou pas ?
Après le père, c'était au tour du fils de s'enquérir de sa vie amoureuse. Malheureusement, dans le cas de Gilbert, la question trahissait peut-être plus qu'une simple curiosité.
Ethan faillit mentir afin de décourager l'adolescent au cas où il avait effectivement des vues sur lui, mais renonça. L'un des derniers mensonges qu'il avait prononcé lui laissait encore un goût amer à la bouche : ses parents l'avaient tellement harcelé pour l'entendre dire que la thérapie fonctionnait, qu'il ne ressentait plus de pulsions sexuelles envers les hommes, qu'il avait fini par les satisfaire.
— Non, en ce moment, je n'ai personne. Et toi, tu es amoureux d'un garçon ?
Les oreilles de Gilbert rougirent.
— Oui…
Ethan espérait très fort ne pas être l'heureux élu. Si jamais l'adolescent découvrait que c'était son père qui lui plaisait… Il était dans les ennuis jusqu'au cou.
— Comment on peut savoir si une personne est gay ou pas ?
Ethan respira mieux. Si Gilbert s'interrogeait là-dessus, c'est que ce n'était pas lui l'objet de l'affection de l'adolescent.
— Il n'y a pas de recette miracle. D'ailleurs, même interrogé directement, il arrive que la personne concernée nie. Tout le monde ne souhaite pas sortir du placard.
— Mais c'est nul ! Cela veut dire que chacun reste dans son coin !
— C'est vrai, mais tu ne peux exiger des autres qu'ils se dévoilent, si toi-même tu n'es pas prêt à le faire.
— Mais quand même, il doit bien y avoir un truc ! s'insurgea Gilbert.
— Même les gens qui affirment être capables de repérer un gay au premier coup d’œil sont obligés de manifester qu'ils sont intéressés...
— Mais si on dégoûte la personne ?! coupa l'adolescent.
— Gay ou hétéro, montrer à quelqu'un qu'il nous plaît est délicat et le risque d'être rejeté jamais nul. Le mieux est de tâter le terrain au préalable.
— Comment ? s'enquit aussitôt Gilbert.
C'était amusant de le voir passer d'une émotion à l'autre, de la frustration à l'espoir
en un instant.
 — Tu peux tenter de cerner la position de ton interlocuteur sur l'homosexualité en te référant à un fait d'actualité à ce sujet, à une série télé mettant un couple gay en scène ou encore en racontant que tu as vu deux garçons s'embrasser au collège ou dans la rue. Ensuite, suivant la réaction de la personne, tu peux évoquer ton homosexualité et plus tard, ton inclinaison.
— Je ne sais pas si j'oserai, souffla Gilbert en triturant nerveusement le tissu de la manche de son pyjama.

mercredi 13 septembre 2017

Remplacement Standard - 24

                                                          *
Jonas ne s'était pas couché en même temps que lui, mais Ethan ne s'était pas endormi sur ses deux oreilles pour autant : il avait guetté son arrivée dans le lit.
Aux alentours de 7 heures – par la force de l'habitude - il  se réveilla une fois de plus dans les bras de Jonas. Il commençait à s'y habituer, mais cela lui donnait envie de plus. Son pénis était au garde-à-vous et il sentait l'érection matinale de Jonas contre ses fesses. S'ils avaient été un couple, il aurait pu se blottir contre lui ou bien se tourner pour l'embrasser. Il aurait plongé sa langue dans sa bouche, puis il aurait caressé son sexe…
Ethan posa la main sur sa propre verge qui palpitait. C'était une torture d'être dans cette position et de ne pas se toucher. Il se morigéna : il était dans le lit d'un homme marié et hétérosexuel. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était se lever et attendre que cela se calme tout seul ou bien d'aller se satisfaire de sa main aux toilettes.
Il choisit la seconde option. Jonas avait abordé le sujet du sexe avec une facilité confondante la veille. C'est vrai qu'ils étaient entre hommes adultes, mais entre ça et les questions sans fin de Gilbert sur la sodomie, les fellations et tout le toutim, s'adonner à la masturbation était presque une nécessité.
Ethan n'eut pas le temps d'arriver jusque là, Gilbert ouvrit sa porte et l'attira dans sa chambre.
Il voulait pouvoir bavarder en toute tranquillité avant que le reste de la maisonnée soit éveillée. Ils pouvaient en effet difficilement le faire devant Gaëlle, Gui ou Jonas.
Invité par Gilbert, il s'assit sur le lit de l'adolescent qui s'installa à son tour, juste à côté.
— Est-ce que tu as un petit ami ?
Ethan s'inquiéta soudain que Gilbert ne développe à son égard un intérêt bien trop grand.
Il se considérait comme son mentor, c'était pour cela qu'il s'était lancé dans toutes ses explications sur la différence entre porno et réalité avec notamment la nécessité de préparatifs et de préliminaires, car non, les mecs ne mouillent pas du cul et que les préservatifs existent pour protéger des maladies sexuellement transmissibles… Cependant, l'adolescent le voyait peut-être différemment, bien qu'il ait trente-quatre ans, soit vingt ans de plus. Si c'était le cas, il s'était fourré dans un beau guêpier.

mardi 12 septembre 2017

Remplacement Standard - 23

Jonas cita tranquillement sa marque de préservatifs favoris et enchaîna, pour voir si le nounou allait s'énerver pour de bon :
— Avec votre job de remplacement, 24 heures sur 24, cela ne doit pas être facile pour vous d'être en couple.
— En effet, mais cela ne vous regarde pas. Est-ce que je me permets des commentaires sur votre relation avec votre femme et votre vie sexuelle, moi ?
Jonas grimaça. Il l'avait cherché. Il n'avait aucune envie de s'étaler sur la question. Cela faisait tellement longtemps que Gwen et lui n'avaient pas fait l'amour qu'il ne se souvenait plus avec exactitude à quand remontait la dernière fois.
Il aurait trouvé ridicule qu'ils s'imposent un rythme pour cela. Résultat, ces derniers temps, ils ne faisaient plus rien. Ils n'étaient jamais en phase, il était trop fatigué ou bien c'était elle, elle avait ses règles, il avait trop de travail, l'un des enfants étaient malades… Ils avaient toujours une bonne excuse ou une bonne raison.
— C'est vrai, ce ne sont pas mes affaires. Désolé, déclara Jonas.
— Non, c'est moi… Je n'aurais pas dû m'emporter. Tout ça, c'est de l'ordre de l'intime…
Il était charmant à s'excuser ainsi alors qu'il n'était coupable en rien. Il y avait également un côté amusant à ce que chacun prenne le tort pour lui.
— Merci de ce que vous faîtes pour Gilbert, surtout si parler sexe vous met mal à l'aise.
— Ce n'est pas… commença Ethan. Avez-vous prévu une sortie ce week-end ?
Le moins qu'on puisse dire, c'est que le nounou n'avait pas traîné pour changer de sujet. C'était aussi bien comme cela.
— Non. Vous avez une idée ?
— Eh bien, avec la forêt toute proche, j'ai pensé qu'on pourrait se promener. La météo prévoit du soleil. Ce devrait être une belle journée printanière.
— Vous aimez marcher ?
— Pas spécialement, mais la nature, beaucoup.
— Si Gilbert, Gui et Gaëlle sont motivés, pourquoi pas.
Jonas n'était pas très balade, sur ce point il s'accordait avec Gwen. Mais c'était une occasion de passer du temps avec les enfants… et Ethan.
Cela allait bientôt déjà faire une semaine qu'il était parmi eux. Jonas avait peine à y croire tellement le temps était passé vite. Avec culpabilité, il réalisa que Gwen ne lui avait pas manqué. Pire, son absence avait presque été un soulagement : fini les dîners bricolés, les reproches parce qu'il rentrait à pas d'heure, s'y prenait mal avec Gilbert…
Ethan s'occupait de tout à la perfection. La maison reluisait comme un sous neuf. Les chaussures dans l'entrée étaient rangées. Ses chemises étaient impeccablement repassées. Les petits plats qu'il préparait étaient excellents et en plus, il lui tenait compagnie. Oui, l'ambiance familiale s'était nettement améliorée.
Évidemment, à la décharge de Gwen, c'était plus facile pour Ethan de faire un sans faute sur une semaine ou deux, que jour après jour, aux prises avec le quotidien. En passant de famille en famille, le nounou évitait l'usure face aux défauts et manquements de ses membres ainsi qu'une part des problèmes liés à l'entretien d'une maison – appareils capricieux, fuites... Il s'était quand même adapté à eux d'une façon qui forçait le respect.
Gaëlle et Gui l'avaient presque adopté de suite, simplement parce qu'il avait bien voulu jouer avec eux, sa valise même pas défaite et Gilbert n'avait pas mis longtemps à rendre les armes.

lundi 11 septembre 2017

Remplacement Standard - 22

                                                     *
Si Jonas fut surpris de retrouver Gilbert dans la cuisine le mercredi matin, son étonnement ne connut plus de bornes quand le phénomène se reproduisit les deux jours qui suivirent. Il nota aussi qu'en plus de cette ponctualité nouvelle, l'adolescent était plus souriant et moins sur la défensive.
Le vendredi soir, alors qu'il était attablé dans la cuisine pour un dîner en décalé avec le reste de la maisonnée, comme d'habitude, il tenta de savoir par quel miracle le nounou était parvenu à un tel résultat, mais ce dernier resta dans le flou :
— C'est plus facile parfois de se confier à un quasi-inconnu.
Jonas tenta d'en savoir plus, mais Ethan refusa de développer : ses échanges avec Gilbert ne le concernait pas.
— Je suis son père quand même, bougonna Jonas, les reproches de Gwen sur le peu de temps qu'il passait avec ses enfants lui revenant à l'esprit.
— Vous l'avez dit vous-même, l'adolescence est un passage difficile.
— Sûr, les hormones, le sexe…
Jonas s'arrêta. Ce devait être ça. Ce n'était pas vraiment un sujet facile à aborder avec ses parents. Oui, à la tête d'Ethan, il avait visé en plein dans le mille.
— Il s'est trouvé une petite amie ? reprit-il.
Ethan ne répondit pas.
— J'essayerai de lui tirer les vers du nez, continua Jonas. Il est trop jeune pour avoir une relation sexuelle, mais si jamais… Il faut qu'il se protège.
— Non ! Vous le mettriez mal à l'aise ! Il croirait peut-être que j'ai trahi ses confidences ! s'insurgea Ethan, en reposant brutalement la casserole qu'il venait de finir d'essuyer.
Jonas avait déjà vu le nounou gêné, mais c'était la première fois qu'il le voyait se départir ainsi de son calme.
Ethan se détourna, se mettant à réarranger des pommes et des bananes dans la coupe de fruits sur le plan de travail.
— Si cela peut vous rassurer, je lui ai acheté une boîte de préservatifs, reprit-il.
— Bonne idée. Vous avez pris quelle marque ?
Jonas n'aurait pas dû poursuivre la conversation, il voyait bien qu'elle embarrassait Ethan. Les fruits n'avaient certes pas besoin d'être empilés d'une façon plutôt que d'une autre. Il ne savait pas pourquoi il avait envie de prolonger le malaise du nounou. Peut-être parce qu'il était jaloux du lien qu'il avait établi avec son fils, peut-être aussi parce que cela lui permettait de percer le masque d'Ethan…
— Je n'ai pas fait attention. Un truc basique. Des faciles à enfiler.
— Vous n'en avez pas des préférés… ?
— Et vous ? rétorqua Ethan, en faisant volte-face, ses yeux bleu-vert brillant de colère.

vendredi 8 septembre 2017

Remplacement Standard - 21

Ethan eut du mal à se rendormir après cet épisode. Il espérait très fort que l'homme allongé à ses côtés n'était pas homophobe et qu'il prendrait bien la nouvelle de l'homosexualité de son fils le jour où il l'apprendrait, que ce soit parce que Gilbert choisisse de lui révéler  ou qu'il le découvre accidentellement. Il lui souhaitait également une mère compréhensive. Ses parents à lui ne l'avaient pas été. Ils ne l'avaient certes pas jeté à la rue, mais ils lui avaient empoisonné la vie, le forçant à suivre une thérapie pour mettre fin à ses pulsions contre nature. Ethan avait tout fait pour ne plus dépendre d'eux et n'avoir plus rien à leur demander.
    Il émergea juste avant le réveil, mais un peu plus tard que les deux jours précédents. Il ôta en douceur le bras que Jonas avait posé sur lui – décidément, c'était une manie chez lui – et prit une douche ultra courte, ce qui n'empêcha pas Jonas de débarquer alors qu'il était sur le point de sortir de la cabine, nu, évidemment.
— Vous êtes musclé des bras, lança-t-il.
— C'est à force de porter les sacs de courses et les petits bouts, bafouilla Ethan.
Rien que le fait qu'il le regarde le troublait. Il avait quitté le collège depuis vingt ans pourtant !
— Je libère la place, ajouta-t-il.
Ils étaient face l'un à l'autre, tout proches, sans le plus petit vêtement sur eux.
Ethan buta sur le rebord du bac de douche en sortant.
Jonas le soutint, réduisant à néant la distance déjà bien trop faible qui les séparaient. Ils étaient peau contre peau.
Le pénis de Ethan s'allongea légèrement et sa respiration s'accéléra.
— Ça va ?
Ethan opina, se dégageant en hâte. Pourvu que Jonas n'ait rien remarqué.
Mais celui-ci avait d'autres chats à fouetter. Il entra dans la cabine, referma et l'eau se mit à couler.
Ethan lui tourna le dos et s'habilla lentement, en tentant de recouvrer son calme.
Cette fois, Gilbert ne râla pas quand il vint le tirer du lit. Mieux, il se leva et descendit petit déjeuner. Apparemment avoir trouvé un confident, quelqu'un comme lui, le mettait d'excellente humeur.
Au bout du compte, même si satisfaire la curiosité de l'adolescent risquait d'être délicat, seul Jonas allait poser problème à Ethan pour la suite de son remplacement.

jeudi 7 septembre 2017

Remplacement Standard - 20

Gilbert avait un casque sur les oreilles, la main à l'intérieur de son pantalon de pyjama et n'avait pas entendu Ethan ouvrir la porte.
Tout ce qu'il avait à faire était de refermer et leur éviter à tous les deux un moment embarrassant. Certes, il était trop jeune pour visionner ce genre de vidéo, mais Ethan était prêt à être indulgent. Il ne savait que trop bien ce que c'était de se découvrir des désirs différents.
Lui n'avait jamais trop regardé de porno gay. Il n'accrochait pas au côté cru et songer que les participants n'avaient peut-être eu d'autre choix que de tomber dans ce milieu le refroidissait. Il préférait les romans ou les bandes dessinées érotiques.
Hélas, Gilbert se retourna. Peut-être avait-il senti un courant d'air, à moins encore que ce ne soit le reflet de la lumière du couloir sur l'écran…
Son visage pâle et paniqué fit peine à voir à Ethan.
— Je suis tombé dessus par erreur, se défendit-il, s'empressant de clore l'ordinateur et de retirer son casque. Je ne suis pas homo, continua-t-il. Vous ne direz rien à mon père ou ma mère, hein ? enchaîna-t-il.
— Non, pas un mot.
Gilbert ne fut pas rassuré autant par cette affirmation. Il se justifia encore, ne faisant en fait que confirmer qu'il était en plein questionnement sur ses préférences sexuelles. Ethan eut pitié de son désarroi.
— Écoute, ta sexualité ne concerne que toi, que tu sois bi, hétéro ou autre. Personnellement, je suis gay et je n'en fais pas une affaire publique.
Voilà, ainsi, ils avaient chacun un secret l'un sur l'autre et Ethan comptait bien que chacun le garde pour lui.
Gilbert accueillit sa révélation avec une certaine incrédulité et demanda encore avec inquiétude :
— Vous ne parlerez vraiment pas du fait que vous m'avez surpris au beau milieu de la nuit en train de mater des mecs ?
— Non. Ceci dit, tu ferais bien de dormir maintenant.
Gilbert parut désarçonné. Sans l'ombre d'un doute, il avait eu un gros choc en découvrant Ethan dans l'embrasure de sa chambre alors qu'il était occupé à astiquer son engin devant des hommes à poil et n'en revenait pas de s'en tirer à si bon compte.
— Vous n'allez même pas me reprochez de regarder du porno ?
— Tu sais très bien que tu ne devrais pas, alors pourquoi me fatiguerais-je à te faire la leçon ? Mais c'est sûr que tu ferais mieux d'attendre d'être plus âgé, parce que là, j'ai peur que cela te donne une vision erronée du sexe.
— En quoi c'est différent avec la réalité ?
Ethan bailla. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas répondre à l'adolescent, mais il était fatigué.
— Je tâcherai de t'expliquer, mais pour l'heure, nous ferions mieux d'aller nous coucher.
— Promis ?
— Oui, je répondrai à toutes tes questions dans la mesure de mes connaissances.

mercredi 6 septembre 2017

Remplacement Standard - 19

                                                          *
Ethan sentait encore la chaleur de ses doigts sur son poignet et il en était perturbé. Cela lui rappelait son adolescence et ses premiers émois pour d'autres garçons. Il n'avait pas fait la fameuse crise, lui, s'appliquant au contraire à être sage comme une image de peur de trahir sa différence. Hormis ce passage de la conversation avec Jonas, il avait bien pris trop de plaisir à bavarder avec lui dans la cuisine. Et maintenant, ils montaient se coucher ensemble, comme un couple alors qu'ils n'en formaient pas un.
Il se dévêtit en même temps que lui, mais accroupi, se servant du montant du lit comme d'un paravent.
Il voulait éviter de le regarder, mais ne put résister à la tentation et se retrouva à admirer les deux auréoles sombres des tétons de Jonas avant que ce dernier ne se glisse sous la couette.
Comme la veille, Ethan peina à lire – c'était pourtant une histoire accrocheuse – puis à s'endormir alors que la journée avait été loin d'être de tout repos.

    Le mardi se déroula de façon similaire au lundi, mais ce fut plus facile, car il avait pris ses repères, quand bien même il ne maîtrisait pas encore complètement son nouvel environnement. Gaëlle fut un ange, Gui accommodant, Gilbert désagréable au possible et Jonas aimable. Il s'était considérablement adouci depuis le moment où il lui avait ouvert la porte. Il n'y avait plus eu qu'à déplorer un moment de froid quand Ethan avait une fois de plus pas insisté pour que Gilbert petit déjeune.

    Ethan se réveilla aux alentours de deux heures du matin. Jonas l'avait pris dans ses bras. Dommage qu'il n'ait pas enlacé son oreiller comme la nuit précédente. Tout son corps était collé au sien. Il avait même glissé une jambe entre les siennes. C'était trop.
Ethan se tortilla pour se libérer et se leva. Il avait besoin de relâcher la pression. Il se rendit aux toilettes. D'habitude, quand il se caressait, il se concentrait sur ses sensations, mais là, il imagina que c'était la main de Jonas qui enserrait sa verge et ne tarda pas à jouir.
En ressortant, il s'emmêla dans les interrupteurs, se retrouva dans le noir et aperçut un rai de lumière sous la porte de Gilbert. Il s'étonna que l'adolescent n'ait toujours pas éteint à pareille heure. Ce n'était vraiment pas raisonnable. Il faillit faire comme s'il n'avait rien vu, mais ne put. La mère de Gilbert n'aurait pas laissé passer cela et il la remplaçait. C'était son job. Et surtout, l'adolescent avait de vilaines cernes.
Se préparant à se faire mal recevoir, Ethan poussa la porte.
Gilbert était assis sur son siège de bureau en face d'un ordinateur portable à l'écran duquel un jeune homme blond suçant le pénis d'un noir, se faisait sodomiser par un troisième type bronzé.