vendredi 29 janvier 2010

Le Suivant du prince - 56

Il mit ses genoux sur le coussin qui recouvrait le banc et se pencha en avant pour regarder dehors. Au milieu d'arbres majestueux, courait une petite rivière. C'était splendide et Demian regretta ne pas avoir l'autorisation de s'y promener. Il aurait aimé marcher à l'ombre des arbres, les pieds nus. Alors qu'il rêvassait à la fenêtre, Demian se retrouva tout à coup les fesses à l'air. Surpris, il voulut se retourner, mais une poigne de fer l'en empêcha. Tout alla ensuite très vite. Quelque chose de dur et chaud se frotta entre la raie de ses fesses, puis une violente douleur le traversa comme si on lui enfonçait une épée dans le corps. Il cria encore et encore, essayant de se soustraire à la douleur. Enfin, il fut relâché et il croisa le regard triomphal de Carlito.
– Pourquoi ? gémit Demian tandis qu'un liquide visqueux mêlé de sang coulait le long de sa jambe.
– Par plaisir, dit tranquillement Carlito en remontant son pantalon.
Puis il s'emporta et d'une voix mauvaise, il ajouta :
– Ton frère et toi, vous n'auriez jamais dû quitter votre fange. Vous n'êtes que deux voleurs ! Ton frère n'a pas gagné le concours du Suivant, c'est le prince qui l'a nommé. Il a pris la place qui revenait de droit à mon cousin !! Vous avez dû agiter vos sales culs terreux pour obtenir ce que vous vouliez.
– Pourquoi... répéta Demian faiblement.
La tête lui tournait et il entendait à peine ce que lui disait Carlito.
– Si tu veux tout savoir, c'est moi qui ait révélé aux autres que tu étais le frère du Suivant du prince. Et si je me suis montré gentil avec toi, c'est que je voulais que tu comprennes ce que c'est d'être trahi.
Carlito attrapa Demian par le menton.
– Tu devrais être content d'avoir eu l'honneur d'être mon partenaire sexuel. Ah ! Si tu voyais ta mine défaite, c'est un régal.
Demian fit un mouvement vif de la tête, obligeant Carlito à le relâcher, puis il se recroquevilla sur le banc. Il venait seulement de réaliser qu'il avait été violé. Par un homme cette fois. Il se faisait horreur. Pourquoi était-il incapable de se défendre ? Pourquoi ? Le sexe était une chose affreuse, ignoble et dégoûtante. Il avait pressenti qu'il ne fallait pas faire confiance à ce garçon aux cheveux rouges et aux yeux dorés, mais finalement, il s'était laissé berner par quelques mots d'amitié. Au fond, ce qui lui était arrivé était sa faute. Sa faute. Il se faisait horreur.
Carlito voulut l'obliger à se lever, mais Demian s'accrocha désespérément au banc.
– Si tu veux rester prostré là toute la journée, grand bien te fasse !
La voix de Carlito sembla très lointaine à l'adolescent. Que Carlito parte, qu'il s'en aille... Demian se sentait tellement mal... La place de Suivant du Prince, les yeux dorés pleins de haine... Tout était confus dans sa tête... Il perdit connaissance.

jeudi 28 janvier 2010

Le Suivant du prince - 55

Le matin de la journée où ils avaient quartier libre, Demian resta indifférent à l'effervescence qui régnait dans le dortoir. Il était fatigué et, à part dormir, il ne voyait pas au juste ce qu'il allait faire de sa journée. Aussi, quand Carlito vint lui proposer de lui faire visiter le château, il accepta volontiers. Qui sait, avec beaucoup de chance, il croiserait peut-être Youri ou Léo au détour d'un couloir...
– Je ne savais pas qu'on avait le droit de se balader dans le château.
– Qu'est-ce que tu peux être idiot ! Nous sommes des futurs pages, nous avons le devoir de connaître les lieux, déclara Carlito. Évidemment, on ne peut pas aller partout, mais il y a beaucoup de zones autorisées, ajouta-t-il.
– Je comprends.
Carlito eut un sourire en coin qui semblait signifier que Demian ne comprenait rien à rien...
– Suis le guide, alors.
En disant ces mots, Carlito posa négligemment sa main sur l'épaule de Demian. Cette manie qu'avait Carlito de le toucher pour un oui ou pour non continuait à embarrasser l'adolescent, mais désireux de ne pas se fâcher avec son seul allié, il la supportait.
Avec aisance, Carlito le promena dans les dédales du château, lui faisant monter et descendre des escaliers, parcourir des couloirs. Très vite, Demian fut complètement perdu. Cela devait faire une bonne heure qu'ils se baladaient dans le château quand Carlito suggéra qu'ils fassent la pause. Demian qui en avait plein les jambes fut immédiatement d'accord. Ils s'assirent donc sur un large banc recouvert d'un somptueux coussin de velours rouge qui se trouvait sous une petite fenêtre dans une charmante alcôve.
– Tu aimerais voir à quoi ressemble le parc du château ? demanda Carlito.
– Oui, beaucoup. On a le droit d'y aller ?
– Non, c'est interdit. Du moins tant qu'on est pas officiellement devenus pages ou qu'on n'est pas accompagné par le Grand Page Shaham. Je te proposais juste d'ouvrir la fenêtre pour que tu puisses voir le parc d'ici.
– Pardon, je n'avais pas compris...
– Oui, je m'en doute, l'interrompit Carlito. Allez, relève-toi que je l'ouvre.
Au moment de regarder par la fenêtre, Demian fut ennuyé. Il n'y avait pas de place pour se tenir debout entre le banc et la fenêtre et il craignait de salir le coussin de velours rouge s'il grimpait dessus avec ses chaussures. Il voulut les retirer.
– Qu'est-ce que tu fous ? demanda Carlito.
L'adolescent fit part de ses inquiétudes à son camarade qui rétorqua d'un ton péremptoire :
– T'as pas besoin d'enlever tes chaussures pour autant. Tu n'as qu'à poser tes genoux sur le coussin. Comme ça, tu n'abîmeras rien et tu pourras admirer la vue.
Demian se sentit bête de ne pas y avoir pensé et il suivit le conseil de Carlito.

mercredi 27 janvier 2010

Le Suivant du prince - 54

– Ne fais pas cette tête. Comme tu peux voir, moi, je ne te fais pas la gueule pour autant, déclara Carlito tout en passant une main consolatrice et caressante dans le dos de Demian.
L'adolescent rougit, gêné qu'un quasi inconnu le touche aussi familièrement. Carlito avait l'air aimable, mais la façon qu'il avait de le dévisager le mettait mal à l'aise. Il acquiesça et rentra le dos, se dérobant au contact de son camarade.
– Que fait-on cet après-midi ?
– Course à pieds ! Les pages ont besoin d'avoir le pied léger. Les journées sont toujours partagées entre cours barbants et sports variés.
Demian grimaça. Les activités physiques n'avaient jamais vraiment été son fort et ce n'était pas avec les intellectuelles qu'il avait pouvoir briller vu le peu de choses qu'il savait. En y réfléchissant bien, il n'avait rien de ce qu'il fallait pour devenir page. Avec angoisse, l'adolescent se demanda s'il parviendrait au bout de la formation.
A la fin de sa première journée, Demian était épuisé et malheureux. Il n'avait fait preuve ni d'endurance ni de rapidité à la course, ce qui lui avait valu les quolibets de ses camarades. Le soir, au réfectoire, il avait dû essuyer des réflexions désagréables et on lui avait fait un croche-pied. Il se serait lamentablement étalé par terre si Carlito ne l'avait pas rattrapé.
En se couchant dans le lit qui lui avait été assigné dans le dortoir, Demian souhaita très fort que les choses se passent mieux le lendemain... Hélas, elles empirèrent. Quelqu'un avait réussi à savoir qu'il était le frère du Suivant du Prince et que, comme lui, il était un Sans-Guilde. L'hostilité de ses camarades augmenta d'un cran. Après les semaines paradisiaques au manoir des Lyonn, le choc était rude. Néanmoins, avec les Boulgs, il avait été habitué à être en bute aux commentaires déplaisants, aussi ne se laissa-t-il pas abattre. Avec le temps, peut-être que ses camarades se lasseraient... En attendant, chaque fois qu'il faisait une erreur, il devait essuyer des quolibets. Même Carlito, le seul à lui apporter un peu de soutien, se joignait aux moqueries. Le jeune homme aux yeux dorés avait tendance à souffler le chaud et le froid, mais comme Demian n'avait pas d'autre allié parmi les pages en formation, il avait fini par abandonner les préventions qu'il avait à son égard.

Entre le manque d'amabilité de ses camarades et la difficulté qu'il avait à suivre les cours, les neuf premiers jours de la formation parurent interminablement longs à Demian. De nouveau, comme autrefois à l'auberge des Boulgs, il se sentait fiévreux et malade. Il fut donc heureux d'apprendre que tous les dix jours environ, les pages en formation avaient le droit à une journée de repos. Ce jour-là, ils étaient libres de faire ce qu'ils voulaient, à condition d'être rentrés à la tombée de la nuit au dortoir. Demian aurait aimé profiter de cette journée pour rendre visite à son frère et à Léo, seulement, il ne savait pas comment les retrouver...

mardi 26 janvier 2010

Le Suivant du prince - 53

Les appréhensions de Demian n'étaient pas infondées. Sans qu'il comprenne pourquoi, les autres pages en formation lui firent un accueil glacial. Durant toute la matinée de cours, il sentit des regards hostiles posés sur lui. A l'heure de midi, dans le réfectoire où le Grand Page Shaham l'avait présenté le matin même à ses camarades, il fut refoulé à de nombreuses tables. Il n'y avait pas de place pour lui. A l'une d'entre elles, l'un des jeunes hommes ricana, puis déclara :
– Vu ton joli petit minois, il ne faut pas être elfe pour deviner comment tu as convaincu le Chevalier Lyonn de te prendre... à son service.
Ce qu'il voulait dire au juste par là échappa à Demian. Néanmoins, le commentaire l'attrista. Ce n'était pas parce que Léo l'appréciait qu'il l'avait choisi comme page : il ne faisait qu'obéir à un ordre princier. Cela, il ne pouvait cependant pas le dire. Léo lui avait d'ailleurs fortement déconseillé de mentionner qu'il était le frère du Suivant du prince.
Déboussolé, Demian s'était éloigné, presque décidé à renoncer à manger quand une voix l'avait interpellé :
– Viens là, il y a une place libre.
L'adolescent s'empressa de venir s'asseoir auprès du garçon aux cheveux roux tirant sur le rouge qui l'avait appelé.
– Merci, souffla-t-il.
– De rien. Je me nomme Carlito.
– Pourquoi l'as-tu invité à notre table ? demanda soudain avec agressivité l'un des adolescents.
– Et pourquoi pas ? rétorqua Carlito d'un ton sec.
L'autre se tassa sur sa chaise et ne répliqua rien.
– Pourquoi tout le monde semble m'en vouloir ? demanda timidement Demian à voix basse à la seule personne qui faisait preuve d'un peu d'amabilité envers lui.
Carlito sourit, mais dans ses yeux dorés comme un fauve prêt à se jeter sur sa proie s'allumèrent une lueur moqueuse qui fit regretter à Demian d'avoir posé la question.
– Je vais t'expliquer, va... Il y a trois types de pages : les pages du château, les pages affectés à une famille et les pages attachés au service d'une seule personne. La dernière catégorie est la plus enviable.
Demian se rappela alors que le Grand Page Shaham en l'introduisant auprès de ses camarades, avait précisé qu'il était destiné à servir le Chevalier Lyonn à la fin de sa formation.
– Oh, murmura-t-il.
– Tu n'es pas le seul à avoir déjà un maître alors que tu n'es encore qu'en formation, je te rassure. Seulement, le chevalier Lyonn n'est pas n'importe qui et la rumeur veut qu'il ait toujours refusé d'avoir un page à son service jusqu'ici.
Les épaules de Demian s'affaissèrent. Il connaissait désormais l'origine de l'hostilité de ses camarades, mais ne voyait pas comment remédier à la situation : il était hors de question qu'il renonce à devenir le page de Léo.

lundi 25 janvier 2010

Le Suivant du prince - 52


Chapitre X : La formation de page

Léo Lyonn recommanda avec chaleur Demian au Grand Page Shaham auprès duquel il le laissa. En quittant la pièce, Léo était partagé entre le soulagement et le regret. D'un côté, il serait loin des charmes tentateurs du gamin, de l'autre, il n'était pas prêt de le revoir. Le message de Aldrick qui l'avait rappelé à la Cour était sobre, mais la nouvelle de la présence du centaure au château du prince avait fini par atteindre le manoir des Lyonn et Léo se doutait qu'il allait être fort occupé. Cependant, même sans cela, les chevaliers n'avaient aucune raison d'aller rendre visite aux pages en formation. Rien qu'avoir amené Demian lui-même au bureau de Shaham risquaient de provoquer des rumeurs de favoritisme. Léo haussa les épaules, il aurait difficilement pu faire autrement... Il avait rempli le rôle que le prince lui avait assigné, l'adolescent devrait s'en sortir seul à présent, ce n'était plus son affaire. Le front de Léo se plissa. Il ne pouvait pas s'empêcher de se faire du soucis pour Demian. Il s'était pris d'affection pour le gamin durant les quelques semaines qu'il avait passé avec lui. Il faut dire qu'être regardé avec adoration était agréable... Allons, il ne fallait plus y penser. Cette cohabitation avec Demian était terminée.
Avec tristesse, Demian regarda la porte se refermer sur Léo. Quand il avait appris qu'il allait falloir quitter le manoir des Lyonn, il avait été catastrophé. Là-bas, c'était le paradis. Là-bas, il s'était senti plus en forme que jamais. Certes, il avait dû énormément étudier et bien souvent, il avait eu l'impression que sa tête allait exploser, mais en même temps, il était traité avec beaucoup de gentillesse par les serviteurs du manoir et par leur seigneur, Léo. Il ressentait plus que de la reconnaissance à l'égard de ce dernier. Il avait du mal à définir ce qu'il éprouvait pour lui, mais une chose était sûre, à ses côtés, il n'avait plus peur de rien, plus rien ne lui semblait impossible. A l'idée qu'il n'allait plus pouvoir le voir facilement, son cœur se serrait douloureusement dans sa poitrine. En même temps, c'était mieux d'être au château du prince Aldrick VII plutôt que seul au manoir des Lyonn. Ici, il serait près de Léo et de son frère. Il avait hâte de revoir ce dernier, mais il avait compris que ce serait diablement compliqué... Youri devait être en permanence avec le prince tandis que Demian passerait son temps dans le quartier des pages. Il dormirait au dortoir des futurs pages, mangerait avec eux et devrait apprendre tout ce qu'il faut pour devenir un page... Ce n'est qu'à la fin de sa formation qu'il pourrait être affecté au service de Léo et être à même de voir régulièrement son frère.
La voix du Grand Page Shaham qui formait depuis plus de vingt ans les pages du château interrompit le fil des pensées de Demian.
– Tu as bien compris ?
L'adolescent s'en voulut de ne pas avoir été plus attentif. Il ne voulait pas que Léo regrette de l'avoir recommandé...
– Je suis désolé, je n'ai pas écouté ce que vous disiez, avoua-t-il d'une toute petite voix.
En faisant cet aveu, Demian s'attendait à ce que Shaham se fâche, mais au lieu de ça, le vieux bonhomme éclata de rire.
– Je le sais bien, va ! C'est bien que tu sois honnête, c'est une qualité précieuse pour un page...
Surpris, Demian se contenta de redire :
– Je suis désolé.
– A partir de maintenant, ouvre grand tes oreilles au lieu de rêvasser. Un page doit être attentif aux ordres qu'on lui donne et les accomplir à la lettre. Compris ?
– Oui.
– Suis-moi. Tes camarades ont dû finir d'engloutir leur petit déjeuner et il est temps que le cours commence.
Demian emboîta le pas du vieux, non sans inquiétude. Shaham semblait être un brave homme, mais l'adolescent avait peur de rencontrer ceux dont il allait désormais partager le quotidien.

vendredi 22 janvier 2010

Le Suivant du prince - 51

Après le premier rapport de Mell concernant la drogue, le centaure et le jeune prêtre, il avait fallu convaincre le Conseil qu'il était indispensable de mettre Kilim et Galad dans une même cellule sans révéler que le prêtre soignant avait besoin de sa dose de sperme de centaure sous peine de perdre l'esprit. L'histoire de la drogue n'aurait pas joué en leur faveur. Cela aurait diabolisé encore plus le centaure et fait du jeune prêtre sa chose. Pour expliquer cette réunion de Kilim et Galad, Aldrick n'avait pas pu non plus franchement admettre qu'il voulait protéger la vie des deux prisonniers en les faisant garder en un seul lieu par des hommes de confiance. Au final, il avait dû mentionner l'attaque nocturne qui s'était produite durant la première nuit que Kilim et Galad avaient passée au château et faire valoir qu'il ne pouvait accepter qu'on bafoue ainsi son autorité. La négociation avait été longue et difficile. La situation était explosive à la Cour comme dans la capitale. Évidemment, dans ses circonstances, il était impossible d'accorder une laboratoire de recherches à Kilim, chose que Aldrick regrettait profondément. Il était en effet convaincu que l'origine du sentiment de supériorité des Equiliens se trouvait dans cette drogue contenue dans leur sperme qui leur permettait de réduire facilement les humains en esclavage. Si les humains développaient une résistance à la drogue, les centaures perdraient de leur superbe. La découverte de l'existence de cette drogue et la possibilité d'en trouver le remède constituaient une chance inespérée de modifier les rapports entre Equiliens et Astriens. Hélas, dévoiler cette théorie présentait trop de risques. En apprenant l'existence de cette drogue, un vent de panique risquait de souffler sur le royaume d'Astria et cela, il fallait à tout prix l'éviter. Cependant, Aldrick était persuadé qu'il était fondamental de commencer à chercher au plus tôt un remède contre cette étrange drogue, aussi avait-il ordonné à Mell de s'atteler à la tâche. Mell avait protesté qu'il était un prêtre soignant et non un prêtre chercheur, mais il avait fini par accepter.
Bien que Aldrick eut énormément de choses à gérer, il finit par demander à Youri ce qui n'allait pas. Une nuit, après un long conciliabule avec Mell, au lieu de gagner son lit et dormir quelques heures, il s'assit sur celui de Youri, réveillant le jeune homme qui s'était assoupi.
– Un problème ? demanda Youri en se redressant précipitamment dans son lit.

– Des tonnes... mais c'est le tien qui m'intéresse.
– Je... Je... Je n'en ai pas.
C'était un mensonge si évident que Aldrick qui était fatigué s'énerva et dit un peu sèchement :
– Je n'ai pas de temps à perdre, alors, vide ton sac.

Youri pâlit et murmura :
– J'ai le sentiment de ne servir à rien... et puis mon frère me manque.
Si la première partie de la phrase fit plaisir à Aldrick, la seconde en revanche l'agaça : son frère, toujours son frère ! Il ne pensait donc qu'à ça ! Toujours du même ton sec, il déclara:
– Tu seras heureux d'apprendre que je vais rappeler Léo à la Cour et que par conséquent ton frère reviendra avec lui. Il a eu un peu moins d'un mois de cours intensifs, mais il devra se débrouiller avec ça pour suivre la formation de page. Avec un centaure à la Cour, je ne peux plus me passer plus longtemps des services de mon frère de lait.
Les traits de Youri s'illuminèrent et il sourit. Aldrick ressentit un curieux pincement de cœur, mais il décida d'analyser plus tard ce qu'il signifiait. Pour l'heure, il n'avait qu'une envie : dormir !


(Fin du chapitre 9)

jeudi 21 janvier 2010

Le Suivant du prince - 50

Pour finir, le prince suspendit la réunion avec une habileté qui emplit Youri d'admiration.
– Nous sommes tous ici en tant que représentant de notre Guilde. Or, il me semble que les avis que j'ai entendu jusqu'ici vous sont très personnels. Je compte pour ma part mener l'enquête auprès des nobles dès demain matin afin de savoir ce qu'ils souhaitent.
Aldrick avait trouvé la faille. En se réunissant aussi rapidement, les membres du Conseil des Douze n'avaient pu décemment s'enquérir de ce que pensaient les gens qu'ils étaient censés représentés. Cela faisait pourtant parti de leur devoir. Le Représentant des prêtres ouvrit la bouche pour protester, mais finalement se ravisa, voyant que personne d'autre ne semblait prêt à contredire le prince. Un à un, les membres du Conseil se levèrent et sortirent de la salle où il ne resta bientôt plus que Rudolf, Aldrick et Youri.
– Voilà qui va nous donner un peu de temps, votre Altesse.
– C'était le but, cher Rudolf, déclara Aldrick en faisant rouler ses épaules pour chasser la tension qui s'y était accumulée.
– Quelle est la suite des opérations, votre Majesté ?
– Convaincre le maximum de nobles de l'intérêt de garder notre centaure en vie. Il faudrait également trouver un moyen de neutraliser d'une façon ou d'une autre le Représentant des Prêtres. Ce dévot est bien trop sanguinaire à mon goût.
En les écoutant parler, Youri se rendit compte avec tristesse qu'il était incapable de les aider à améliorer la situation. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était suivre partout le prince comme une ombre muette. Le rôle de Suivant du Prince était limité quand, comme lui, on n'avait aucune expérience en politique.

Les jours se mirent à défiler à une vitesse incroyable. Le prince et son Grand Chambellan coururent dans tout les sens, recevant des gens à toute heure du jour et de la nuit... Aldrick argumentait auprès des nobles, complotait contre le Représentant des Prêtres, se débrouillait avec le Représentant des Voleurs pour que la population entende des discours en faveur des Equiliens pour contrebalancer la propagande contre les centaures... Jour après jour, les cernes sous les yeux outremer du prince s'agrandissaient et Youri se sentait de plus en plus inutile. Avant que l'arrivée du centaure et les conséquences qui en avaient découlé, il était isolé à la Cour en raison de ses basses origines et de son rôle qui l'obligeait à ne pas quitter le prince d'une semelle. Cependant, Aldrick, Rudolf ou Mell échangeaient toujours quelques mots avec lui. A présent, ils étaient trop occupés pour le faire et Youri avait l'impression d'être devenu transparent. Il n'était pas du genre bavard, mais, auparavant, chez les Boulgs, il avait toujours discuté le soir avec son frère. Ce dernier lui manquait. La mine sombre de Youri n'échappa pas à Aldrick, mais il n'avait pas le temps de s'en occuper. Il avait trop de décisions urgentes et importantes à prendre.

mercredi 20 janvier 2010

Le Suivant du prince - 49

– Je... On conserve son libre-arbitre, mais chaque fois que l'on est en manque, on est prêt à tout pour avoir sa dose.
– Une fois la drogue obtenue, est-ce que l'on reprend ses esprits ?
– Pas immédiatement, hélas.
– Je vois. Combien de temps peut-on passer sans sa dose ?
– Et ne pas complètement perdre la tête ? Trois jours tout au plus.
Mell avait encore des questions, mais il préféra les garder pour le lendemain. Kilim semblait déjà fort embarrassé d'avoir avoué sa dépendance et Mell ne voulait pas pousser le jeune homme dans ses derniers retranchements en l'interrogeant plus en détails sur les effets de drogue et sur ses relations avec le centaure.
– Je vais vous laisser, mais je reviendrai demain, déclara-t-il en se levant.
Bien que le soulagement du jeune homme soit évident, il retint tout de même Mell :
– Vous soumettrez ma requête au prince pour le laboratoire de recherche, n'est-ce pas ?
– Je lui ferais un rapport bien sûr, mais ne comptez pas trop dessus, car vous êtes fort mal perçu au château.
– Comment cela ?
– La rumeur veut que vous soyez arrivé à la Cour sur le dos d'un centaure. Vous avez dompté un « démon », ce qui signifie que vous êtes pire que lui. Nombreux sont ceux qui aimeraient vous voir tout deux exécutés.
L'incrédulité, la tristesse et la colère se peignirent successivement sur les traits de Kilim.
– Galad ne doit pas mourir, déclara-t-il d'une voix sourde.
– Pourquoi ? demanda doucement Mell.
– N'est-ce pas évident ? Sans lui, je ne pourrais pas étudier la drogue et découvrir de quoi m'en libérer !
Était-ce vraiment la seule raison ? Mell en doutait. Après tout, si Kilim était mis à mort avec le centaure, le désir de trouver un remède à la drogue n'aurait pas de sens. Même si le jeune prêtre chercheur ne voulait pas l'admettre, le sort du centaure ne lui était pas indifférent.
Mell quitta Kilim et essaya dans la foulée de voir le prince afin de lui faire un rapport de ce qu'il avait appris, mais évidemment, ce ne fut pas possible. La réunion exceptionnelle du Conseil des Douze qui avait démarré pourtant en début d'après-midi durait encore...

Youri étouffa un bâillement. La nuit était tombée et les membres du Conseil continuaient à débattre du devenir du centaure sans parvenir à se mettre d'accord. Le Représentant des Prêtres désirait que cette créature hybride soit brûlée tandis que le Chef des Armées voulait qu'on le coupe en morceaux qu'on mettrait en exposition à la frontière pour montrer aux centaures ce qu'ils risquaient en s'aventurant dans le royaume d'Astria. Certains Représentants du Conseil n'avaient pas d'opinions bien déterminées, d'autres comme le représentant des Artistes défendait le centaure avec passion. Sans cesse le Grand Chambellan devait taper dans son petit gong pour rappeler à l'ordre les membres du Conseil.

mardi 19 janvier 2010

Le Suivant du prince - 48

En fin d'après midi, après avoir rassuré quelques nobles et quelques serviteurs sur leur état de santé, Mell partit faire la connaissance de Kilim. Le jeune prêtre chercheur l'accueillit fraîchement. Après avoir lu la lettre du prince, il la déchira en petits morceaux, puis se mura dans le silence. Mell ne chercha pas à le convaincre à tout prix de parler, il se contenta de s'installer confortablement dans un fauteuil, puis il attendit. Au bout de deux heures, le jeune homme roux prit finalement la parole :
– J'espérais n'avoir à dire ces mots qu'au prince... Mais puisque cela semble impossible... Quand je me suis rendu à Equilia, je pensais naïvement pouvoir étudier de près les centaures. Cependant, nous avons subi le même sort que toutes les autres délégations envoyées là-bas. Nous sommes tous devenus esclaves des centaures... Ils ont une façon bien particulière de soumettre les humains à leur volonté. Le fouet, les chaînes, les insultes ne sont que des cruautés supplémentaires. Ils nous privent de notre libre arbitre au moyen d'une drogue.
La voix de Kilim mourut ; il se frotta nerveusement le front, puis reprit son récit :
– Après y avoir goûté une fois, on ne peut plus s'en passer. On ferait tout pour en avoir. Tout. Ce qui est terrible, c'est que plus on lutte pour ne pas en prendre, plus on perd l'esprit jusqu'à devenir des coquilles vides qui ne vivent plus que pour faire les basses besognes des centaures.
Kilim se tut. Mell, songeant à ce que son fils lui avait rapporté sur la drogue et l'attitude de Kilim vis-à-vis du centaure, fut obligé de constater que le jeune prêtre était loin d'avoir tout dit. Il risqua une question :
– Avez-vous une idée de ce qu'est cette drogue ? Est-ce que les centaures eux-mêmes y sont sensibles ?
Le jeune homme roux éclata de rire. C'était un rire de dément qui fit frissonner Mell, cependant, il ne dura pas et la réponse arriva :
– Cette drogue est contenue dans le sperme des centaures. Elle ne leur fait aucun effet.
A quarante-huit ans, Mell pensait être à l'abri des surprises, mais il se trompait. Si Kilim n'avait pas eu l'air aussi sérieux, il aurait cru à une blague. Il se racla posément la gorge et demanda :
– L'esclavage est donc d'ordre essentiellement sexuel ?
– La majorité des centaures ne sont pas attirés par les viles créatures que nous sommes. Aucun rapport sexuel n'est nécessaire. Il suffit d'en ingérer un peu d'une façon d'une autre pour devenir esclave à vie.
– Vous pensez qu'il n'y a pas de remède, de moyen de se libérer de cette addiction ?
– Si ! Et je voulais à l'origine raconter tout ça au prince afin qu'il me confie un laboratoire de recherche et des crédits afin que je puisse la trouver !
– Je comprends. Au fait, vous ne l'avez pas précisé, mais que se passe-t-il quand vous avez régulièrement votre « dose » de drogue ?
Kilim s'empourpra violemment et Mell s'en voulut de ne pas avoir formulé avec plus de tact sa demande.

lundi 18 janvier 2010

Le Suivant du prince - 47

Chapitre IX : Eaux troubles

Avant de quitter sa chambre, Mell lissa rapidement la robe verte des prêtres soignants et passa une main fatiguée dans ses cheveux blancs mêlés d'argent. Au château de Aldrick VII, la vie n'était jamais de tout repos : complots, agissements peu conventionnels du prince régnant... Seulement, le dernier événement en date qui agitait la Cour était vraiment spécial. A côté de ça, le choix du prince de faire d'un jeune homme aux origines modestes son Suivant n'était rien. Le centaure était arrivé hier, mais de nombreux nobles étaient déjà venus consulter Mell, demandant s'il n'y avait pas de risques d'attraper d'étranges maladies. Les gens éprouvent souvent de l'inquiétude face à l'inconnu... Mell accéléra le pas. Son fils ne l'avait sûrement pas invité à son atelier de modelage pour prendre le thé. Pel n'aimait guère en effet être montrer ses œuvres inachevées. Cela devait avoir un rapport avec le centaure.

Quand Mell pénétra dans la pièce qui servait d'atelier à son fils, il fut, comme toujours impressionné par le talent de ce dernier. Des bustes, des têtes, des mains, des corps débordaient des étagères, envahissant tout l'espace. Des outils jonchaient le sol et au milieu du désordre, Pel était en train de modeler une tête de femme d'après un portrait de sa mère. Une douleur aiguë transperça le cœur de Mell au souvenir de sa femme décédée six ans plus tôt dans un stupide accident de carrosse. En silence, il regarda les mains de Pel façonner l'argile rouge. Finalement, son fils dut sentir qu'il était observé et arrêta son ouvrage.
– Père ! Vous voilà !
– Me voici, en effet. Tout va bien ?
Pel secoua la tête et lui expliqua à voix basse la mission que lui confiait le prince. Mell se sentit bien vieux tout à coup.
– Je vois, dit-il quand son fils eut fini.
– Tu acceptes de t'en charger, bien sûr ?
– Je suis comme toujours honoré de la confiance que me porte sa Majesté...
– Même si parfois, tu t'en passerais bien, conclut Pel à sa place.
Mell sourit un peu tristement. Autrefois, c'était sa femme qui aurait terminé sa phrase.
– Donne-moi la lettre du prince qui doit délier la langue de ce jeune homme ainsi que celle qui me permettra d'entrer là où il est tenu enfermé et je lui rendrai visite dans la journée.
– Là voilà, déclara Pel en la sortant promptement de la poche de sa blouse.
– Merci.
– Si tu n'arrives pas à voir le prince, n'hésite pas à me communiquer les dernières nouvelles, je transmettrai...
– Entendu.
Mell serra brièvement l'épaule de son fils, puis il s'en fut. Dans les couloirs, tout le monde ne parlait que du centaure et de l'homme roux qui avait débarqué en même temps que lui au château. Ici et là, Mell entendit les gens dire que pour avoir chevauché une créature démoniaque, il fallait être diabolique soi-même... Ce genre de commentaires ne surprenait guère Mell, mais elle ne l'arrangeait pas : en passant du temps avec Kilim, il allait être, à coup sûr, être à son tour, traité de démon.

vendredi 15 janvier 2010

Le Suivant du prince - 46

Le petit salon était vide, le bureau également, mais la chambre ne l'était pas. Le Grand Chambellan achevait de s'habiller, mais son époux était nu, allongé avec abandon sur le lit. Youri ne put s'empêcher de noter qu'il ne ressentait pas la plus petite excitation en voyant Pel ainsi. Le débarquement inattendu de Youri et de Aldrick fit sursauter Pel qui rabattit l'édredon sur lui. Rudolf, quant à lui, s'empourpra violemment. Malgré son âge, il avait l'air d'un gamin pris en faute. Youri vit les traits de Aldrick se détendre : sa mauvaise humeur s'estompait.
– C'est agréable de constater que vous n'êtes pas parfait... déclara-t-il.
– J'espère que votre Altesse me pardonnera mon retard, répondit Rudolf.
– Toi et ton époux avez mal choisi votre matinée, mais je ne saurais vous en vouloir. Lisez-donc plutôt les dernières nouvelles...
Le Grand Chambellan prit connaissance des messages reçus par le prince, les replia avec soin, puis les redonna.
– Nous risquons des émeutes dans les prochains jours, dit-il enfin.
– En effet. Je n'avais pas du tout pensé que les choses dégénéraient comme ça. Pas aussi vite, en tout cas.
– Quelques personnes sont très remontées contre les centaures. Il n'est pas difficile d'inquiéter la population.
– Je suppose que le mieux est de se rendre à se fichu Conseil et d'avoir ensuite des entretiens particuliers avec tous les représentants. Il faut bien sûr aussi que je pressente les nobles afin de me faire une idée sur les pro et les anti-centaures.
– Tâchez de ne pas révéler votre propre position, votre Altesse.
Aldrick se massa les tempes.
– C'est une évidence. Je vais tout de même essayer de faire valoir que même si les centaures sont démoniaques, il est stupide de faire exécuter sans attendre le seul centaure que nous ayons eu vivant entre les mains.
– L'histoire de la drogue doit rester entièrement secrète.
– Oui... Ce qui me fait penser qu'il faudrait s'occuper de l'addiction de Kilim.
L'époux du Grand Chambellan qui était resté silencieux jusque là, intervint :
– Mon père pourrait peut-être se charger de ça.
– Je comptais en effet confier à Mell cette délicate mission. Ce qui m'ennuie, c'est que je n'aurais pas le temps d'écouter Kilim et de lui dire d'accorder sa confiance à votre père, répondit Aldrick.
– Écrivez-donc une lettre et marquez-la du sceau de votre bague, suggéra Rudolf.
– Je peux transmettre vos instructions à mon père, ajouta Pel.
– Faisons ça comme ça, dit Aldrick en se mordant soucieusement la lèvre.
En voyant ça, une vague de chaleur parcourut le bas ventre de Youri qui réalisa avec effroi que ce qu'il avait aperçu la nuit dernière avait transformé durablement sa façon de voir le prince. Il avait toujours trouvé Aldrick agréable à regarder, mais à présent, il était devenu désirable. Espérant que personne n'avait rien remarqué, Youri inspira à fond et s'efforça de penser aux problèmes qui se profilaient à l'horizon.

jeudi 14 janvier 2010

Le Suivant du prince - 45

– Schard, au rapport !
Le capitaine se mit au garde à vous, puis répondit avec promptitude :
– Les prisonniers n'ont pas tenté de s'évader, mais des hommes non identifiés nous ont donné l'assaut à deux reprises dans la nuit, j'ai donc pris la liberté de faire appel à des renforts, votre Majesté.
– J'apprécie votre initiative. Savez-vous ce que cherchaient ces hommes ?
– Ils voulaient massacrer, je cite, « la créature démoniaque » qui se trouvait derrière cette porte, votre Altesse.
Le visage de Aldrick trahit brièvement sa surprise, mais il se reprit vite :
– Schard, pour la sécurité du centaure, vous l'emmènerez dans les prisons du sous-sol. Vous le mettrez bien entendu dans une cellule confortable. Le prêtre doit demeurer ici sous bonne garde.
– Bien, votre Majesté.
Séparer le centaure de son compagnon ne se fit pas sans difficulté. Quand il eut comprit ce que les soldats cherchaient à faire, Galad leurs donna de puissants coups de sabots. Sans l'intervention de Kilim, il ne se serait jamais laissé faire :
– Va donc avec eux.
– Mais...
– Fais-le pour moi.
Sans enthousiasme, le centaure devint coopératif et se laissa emmener. C'était à se demander qui était l'esclave, qui était le maître dans leur relation...
Aldrick allait s'adresser à Kilim quand deux pages débarquèrent tout essoufflés. Ils avaient des messages urgents à transmettre au prince. Ce dernier les prit, les lut et repartit au pas de course après avoir ordonné aux soldats restants de veiller sur le prêtre. Avant que les portes de la suite des Éléphants d'or ne se referment, Youri jeta un coup d'œil en arrière et nota que Kilim était sur le point d'exploser. C'était compréhensible, quand on songeait que tout ce qu'il voulait, c'était parler au prince et que visiblement ce n'était pas prêt d'arriver. Youri rattrapa Aldrick et osa intervenir :
– Pourquoi ne pas prendre le temps de l'écouter ?
Le prince ralentit son pas et répondit à voix basse :
– Hier, j'avais le temps, mais je craignais entendre des mensonges et aujourd'hui, je ne l'ai plus. Je ne pensais pas que la rumeur de la présence du centaure se répandrait aussi vite. L'une des missives que j'ai reçu vient du représentant des Voleurs, il me prévient que la population s'agite. Quant à l'autre, c'est une lettre d'un noble obsédé par les chevaux qui me demande l'autorisation de bavarder avec le centaure.
Youri grimaça. Le caractère inquiétant du premier message ne lui échappait pas. Le second, à côté, était ridicule, mais pas moins gênant. D'autres demandes de ce genre allaient parvenir au prince, le noyant sous une masse impressionnante de courrier indésirable.
– Je vois que tu comprends. Maintenant, dépêchons-nous, déclara Aldrick.
Youri le suivit sans discuter. Cela ne lui déplaisait pas de se dégourdir les jambes. L'activité physique lui manquait, car bien souvent, le rôle de Suivant l'obligeait à rester debout, immobile, à côté du prince. Le plus dur était alors de ne pas bâiller !
Aldrick s'arrêta devant la suite du Grand Chambellan qui était gardée par deux hommes et demanda à passer. Ils obéirent immédiatement et Youri plaignit les occupants de la suite : cela ne devait pas être agréable de savoir que le prince pouvait entrer partout et à n'importe quel moment.

mercredi 13 janvier 2010

Le Suivant du prince - 44

La position de Suivant du prince n'avait rien d'une sinécure, songea Youri. Il fallait subir toutes les humeurs du prince, ses bonnes comme ses mauvaises. Aldrick venait de recevoir un mot du représentant des Prêtres par l'intermédiaire d'un page qui l'avait fortement contrarié et il tempêtait :
– Ah ! Il peut toujours courir pour me voir avant la réunion exceptionnelle du Conseil ! Réunion dont je ne savais même pas l'existence ! Où est passé Rudolf ? Il est déjà dix heures du matin ! Il aurait déjà dû me prévenir, ce...
Habitué à filtrer les remarques désagréables des Boulgs depuis sa plus tendre enfance, Youri n'entendit pas les propos peu aimables que tenaient Aldrick à l'encontre de son Grand Chambellan. Il resta également impassible quand le prince lui reprocha d'un ton acerbe d'être mal coiffé. Calmement, il attrapa un peigne et disciplina ses mèches rebelles.
– La réunion est à 13 heures. Si j'avais su ça, je n'aurais pas organisé un repas avec des nobles de la Cour connus pour être pacifistes.
L'arrivée d'un nouveau page avec une nouvelle missive interrompit le monologue de Aldrick. Le prince prit le message et renvoya sans ménagement le page. Youri avait déjà remarqué que Aldrick détestait quand les choses ne se déroulaient pas selon ses plans, or, vu ce qu'il lui avait confié au réveil, il était clair que rien ne se passait comme prévu. Ses yeux bleus outremer avaient pris la couleur d'un ciel d'orage, ses sourcils étaient froncés et son front était plissé comme une vieille pomme, mais cela n'empêchait pas Youri de se souvenir du prince qu'il avait vu la nuit précédente.
– Ah ! Et maintenant, c'est le chef des Armées qui veut un entretien en privé, avant la réunion bien sûr ! Comme si j'avais le temps de les prendre tous à part, un par un... ou alors, il faudra m'expliquer l'utilité d'une réunion du Conseil...
Quand un nouveau page débarqua, Aldrick récupéra le pli, mais ne l'ouvrit pas. Il le jeta avec emportement sur le bureau, puis il sortit en coup de vent de ses appartements. Youri emboîta le pas du prince et faillit se prendre la porte. Aldrick s'était presque mis à courir dans les couloirs, aussi Youri dut faire de même pour ne pas le perdre de vue. C'était un autre inconvénient de la position de Suivant : il fallait accompagner le prince en toutes circonstances sans avoir peur du ridicule. Avec un brin d'amusement, le jeune homme remarqua que les gens se retournaient sur leur passage. Quand Rudolf Hautcœur apprendrait cette attitude indigne d'un prince, nul doute qu'il ne serait pas ravi. L'étrange comportement du prince allait susciter bien des rumeurs... Youri ne découvrit leur destination que quand Aldrick arrêta sa course. Ils étaient arrivés devant la suite des Éléphants d'or où le capitaine Schard et des soldats étaient toujours en faction. Youri remarqua de suite que les soldats étaient beaucoup plus nombreux que la veille et que l'un deux avait un immense œil au beurre noir. La chose n'échappa pas non plus au prince.

mardi 12 janvier 2010

Le Suivant du prince - 43

*
La première chose que constata Rudolf en ouvrant les yeux, c'est que le soleil était déjà haut. Hier soir, il avait cherché en vain à persuader les membres du Conseil des Douze qu'il n'était pas nécessaire d'organiser aussi rapidement une réunion spéciale pour le centaure. Il savait que le prince voulait avoir du temps libre pour mener lui-même l'interrogatoire du noble Galad. Résultat, il avait veillé fort tard et ne s'était pas réveillé à l'heure habituelle. La deuxième chose que remarqua Rudolf, c'est que le corps nu de son époux, Pel, était pressé contre lui. Contre sa cuisse, il sentait le sexe en érection de son cher et tendre. Rudolf tourna la tête vers lui : Pel était réveillé et le couvait des yeux. Il ne faisait aucun doute que Pel avait envie de faire l'amour. Seulement, Rudolf devait se lever. Certes, il n'était pas pressé d'annoncer au prince que ce dernier serait obligé de présider le Conseil aujourd'hui, mais c'était son devoir. Quand la main droite de Pel se glissa dans le pantalon de son pyjama de soie bleue, Rudolf lui retint le poignet.
– Pas ce matin. Je devrais déjà être debout.
– Je m'en doute, mais j'aimerai bien passer un peu de temps avec toi. Malgré mes efforts pour rester éveillé, je dormais quand tu m'as rejoint à je ne sais quelle heure de la nuit ! Tu n'as même pas dîné avec moi.
– La présence du centaure bouleverse la Cour.
Rudolf voulut sortir du lit, mais Pel l'attrapa par le bras, l'empêchant de se lever.
– Reste, souffla-t-il.
Son regard d'or se fit suppliant. Rudolf baissa les yeux pour ne plus voir le visage éploré de Pel. Cependant, c'était une erreur vu la nudité de son époux. Avec lenteur, Pel écarta les jambes, se caressant les hanches, puis les cuisses. Fasciné par le spectacle, Rudolf ne se rendit pas immédiatement compte qu'il était de nouveau libre de ses mouvements. Il secoua légèrement la tête, se disant qu'il était capable de résister. Mais avec Pel, ce n'était pas vrai. Depuis le premier jour où il l'avait rencontré, il en avait été incapable. Selon les usages, il n'aurait pas dû épouser un homme dont il aurait pu être le père. Il avait longtemps lutté contre les sentiments qu'il éprouvait pour le jeune homme, mais il avait perdu, car Pel avait décidé que le Grand Chambellan serait sien. Rudolf sourit : plutôt que de perdre du temps à résister, il allait céder. Cela ne serait pas la fin du monde s'il était un peu en retard. Le prince ne se privait pas de l'être quand cela l'arrangeait ! Il captura les lèvres de son époux et leurs langues s'unirent dans un baiser passionné. Sa main descendit et remonta sur le pénis de Pel et son propre sexe se durcit. Avec impatience, Rudolf ôta son pyjama. Pel haletait doucement. Il aurait pu prendre un air triomphal - il avait réussi à retenir son mari - mais il n'était pas du genre à se réjouir de ce genre de victoire. Il se contentait de profiter de la présence de l'homme qu'il aimait et qu'il voyait trop peu à son goût.
*

lundi 11 janvier 2010

Le Suivant du prince - 42

Cette nuit-là, Youri se réveilla en sursaut, après avoir rêvé de centaures aux pénis gigantesques devant lesquels des hommes et des femmes se prosternaient. Dans l'obscurité de la chambre du prince, des bruits curieux se faisaient entendre. Le jeune homme entrouvrit le rideau de son lit à baldaquin. Dans la pénombre, il constata que le rideau du lit du prince n'était pas fermé : Aldrick nu, était assis sur un homme, la tête rejetée en arrière. Youri referma promptement le rideau. Cependant, c'était trop tard, il avait vu et rien ne l'empêchait pas d'entendre les gémissements des deux hommes. La scène entre Kilim et Galad ne l'avait pas excité le moins du monde, mais cette brève image de Aldrick au corps luisant et cambré, le troublait. Son pénis avait commencé à s'allonger. Youri avait envie de se toucher... Non, il aurait aimé faire glisser sa main sur la peau albâtre du prince. Il le désirait. C'était la première fois de sa vie qu'il ressentait ça à l'égard de quelqu'un. Il inspira et expira, cherchant à se calmer. Un cri plus fort que les autres résonna alors dans la pièce. Il y eut ensuite quelques murmures, le grincement d'une porte et enfin, le silence revint. Avec un soupir, Youri se dit qu'il n'oserait jamais demander au prince si ce dernier était toujours intéressé pour le « lécher », « caresser » et « chevaucher »... D'une part, c'était peu probable, d'autre part, Youri ne connaissait rien aux choses du sexe, aussi il n'arriverait jamais à procurer pareil plaisir à Aldrick... Les choses étaient bien comme elles étaient. Amicales, simples. Son désir n'était sans doute que temporaire...
Se sentant plus seul que jamais, Youri se renforça sous la couette moelleuse. Avoir son frère à ses côtés l'aurait réconforté. Il avait hâte de le revoir et de lui parler.

Le lendemain matin, Aldrick fut réveillé par la lumière du soleil qui pénétrait dans la pièce. Youri qui n'avait pas perdu son habitude de se lever tôt depuis qu'il était au château ouvrait souvent les tentures de la chambre princière. Cela n'aurait pas été dérangeant si Aldrick avait eu le réflexe de clore ceux de son lit... Seulement, il n'y pensait que rarement. Il ouvrit un œil, puis deux et constata que Youri attendait patiemment qu'il se réveille, assis sur un fauteuil, le gros pavé du Manuel du Suivant sur ses genoux. Il n'avait pas encore pris le temps de se coiffer et ses mèches blondes en bataille lui entouraient le visage d'une façon comique. Toutefois, au lieu d'avoir envie de rire, Aldrick ressentit une pointe de désir. Contrairement à ce qu'il espérait, sa partie de jambes en l'air nocturne n'avait pas calmé son envie de caresser l'ancien garçon d'auberge. La performance de Chriss de Bergac avait pourtant été satisfaisante. S'empaler sur son sexe dressé avait été jouissif... Hélas, tout cela ne suffisait pas à rendre Youri moins attractif. Un bref instant, Aldrick imagina le jeune homme à genoux devant lui, lui disant « je ferais tout ce que vous voulez », mais il eut honte de cette pensée. Nul homme ne méritait d'être privé de sa volonté à cause d'une drogue... Il fallait absolument s'occuper de Kilim et du centaure. Rudolf allait normalement dû s'arranger pour lui libérer du temps. Il voulait interroger Galad à part avant de questionner Kilim. Séparer le centaure et le prêtre serait également un moyen de voir ce qu'il se passait quand Kilim était en manque... Aldrick se leva d'un bond : la journée s'annonçait chargée !

vendredi 8 janvier 2010

Le Suivant du prince - 41

– Jamais... A ce propos, quel besoin avais-tu d'étaler tes sentiments devant tout le monde ?
– Parce que sans eux, je ne serais pas ici et toi, non plus.
– Ah ! Si seulement cet idiot qui porte la couronne avait bien voulu nous consacrer plus de temps, je pourrais déjà être en train de commencer des recherches pour me libérer de cette fichue addiction !
– En attendant, si nous faisions l'amour ?
– L'amour, l'amour ! Il n'en est pas question entre nous. Je te « supplie » de me prendre parce que je perds toute volonté à cause de cette maudite drogue.
– Je t'aime.
Kilim tourna le dos au centaure sans rien lui répondre. Le silence retomba dans la pièce.
Pendant un long moment, il ne se passa plus rien et Youri sentit l'ennui le gagner. Puis, brusquement, l'attitude de Kilim changea du tout au tout. Il vint se mettre face au centaure et se prosterna devant lui.
– Maître Galad, je ferais tout ce que vous voulez...
Les épaules du centaure s'affaissèrent. D'une voix triste, il coupa le petit discours qu'allait faire le jeune homme :
– Déshabille-toi et mets toi à genoux devant moi.
Kilim s'exécuta prestement.
– Prends dans ta bouche mon sexe d'homme.
– Merci maître, répondit Kilim et immédiatement, il entra en action.
De façon étonnante, dans les poils de la robe du centaure, juste en dessous de son torse d'homme, un pénis se cachait.
Youri entendit Aldrick s'exclamer d'une voix étouffée :
– Les centaures ont donc deux membres virils !
Youri cessa de regarder l'étrange scène qui se déroulait dans la pièce en dessous pour jeter un coup d'œil au prince.
– Nous ne devrions pas rester là, murmura Youri.
A la place de Kilim, Youri n'aurait supporté que des inconnus le voit ainsi s'humilier sous l'emprise d'une drogue... Le jeune homme glissa sa main sur le trou qui permettait au prince de les observer. Aldrick se redressa. Sous son pantalon, on devinait un début d'érection. Youri détourna les yeux, gêné.
– Tu as raison. Nous en avons assez appris pour aujourd'hui. Cette histoire de drogue m'intrigue au plus au point...
Youri se sentit soulagé que le prince cède aussi vite. Il voulait continuer à respecter l'homme qui l'avait tiré de la misère. Si Aldrick avait insisté pour jouer aux voyeurs, il aurait baissé dans son estime.
Ils quittèrent le passage secret pour regagner à la vue de tous les appartements du prince. Là, Aldrick fit appeler son Grand Chambellan afin de lui rapporter les propos qu'ils avaient entendus et d'émettre des hypothèses sur la drogue qui rendait les humains esclaves des centaures.

jeudi 7 janvier 2010

Le Suivant du prince - 40

Une fois que l'étrange procession eut quitté la salle du trône, Aldrick demanda à son Grand Chambellan :
– Que pensez-vous de cette affaire ?
– Votre Majesté, c'est, une fois de plus, conduite de manière peu protocolaire. Bien que les appartements des Éléphants d'or soient adaptées à la situation, une véritable prison eut été plus judicieux. Les intentions de ce Galad et de Kilim sont pour le moins obscures.
– Annulez-donc la suite des audiences. Je vais aller espionner nos « invités ». C'est à mon avis la méthode la plus rapide pour savoir s'ils sont pacifiques.
– Vous pourriez charger un espion professionnel...
– Non, l'affaire est trop délicate et trop importante. Je ne veux nul intermédiaire. Un Astrien anti-centaure aurait tôt fait de me rapporter un complot...
– Je me charge de prévenir que les audiences sont terminées pour aujourd'hui.
Rudolf s'inclina et sortit. Le prince se tourna alors vers son Suivant. Avec agacement, il nota que ce dernier lui semblait toujours terriblement attractif. Mais c'était sans doute parce qu'il était frustré sexuellement. Quelle stupidité d'être resté abstinent !
– Youri ?
– Oui ?
– Suis-moi. Nous allons emprunter un passage secret et nous nous retrouverons juste au-dessus de la chambre des Éléphants d'or.
–Le centaure et son compagnon ne se douteront-ils pas qu'ils sont espionnés ?
– Je ne sais pas... Nous verrons bien.
Aldrick se leva, alla palper une paroi qui pivota. Il s'engouffra alors dans le sombre tunnel, Youri sur ses talons.

Quand ils furent arrivés à bon port, Youri s'installa à l'endroit que lui désignait Aldrick et regarda dans la pièce en dessous. Il sentait que le prince n'était pas bien disposé à son égard, mais il ne savait pas comment arranger les choses. Peut-être aurait-il dû accepter d'être « léché», « caressé » et « chevauché » ? Seulement, il était impossible qu'il parvienne à satisfaire le prince vu son inexpérience totale. Que ce dernier ait envie que Youri partage sa couche était tout bonnement incompréhensible ! Le jeune homme préféra mettre de côté le problème pour se concentrer sur les occupants de la chambre des Éléphants d'or. Le centaure avait une une chevelure noire mi-longue qui se mariait avec le poil charbon de sa robe. De façon curieuse, il n'y avait pas une trace d'inquiétude sur son visage brun. Pourtant, il se trouvait aux mains des ennemis de sa race. L'homme aux cheveux roux, Kilim, tournait comme un lion en cage, visiblement ennuyé de se trouver là.
– Faisons l'amour... déclara soudain Galad d'une voix grave.
Kilim arrêta net de marcher. Se tournant vers le centaure auquel il décocha un regard furieux, il répliqua :
– Non !
– D'ici un moment, tu vas me supplier. Faisons-le maintenant.
Cet échange était pour le moins curieux, songea Youri. Dans la salle du trône, il avait constaté que si le regard d'ébène du centaure posé sur Kilim était plein de tendresse, ce dernier semblait détester son compagnon.

mercredi 6 janvier 2010

Le Suivant du prince - 39

– Capitaine ? s'enquit Aldrick d'un ton interrogateur.
– Cela me semblait à peine possible, votre Majesté, balbutia Schard. Ils n'ont pas arrêté de nous filer entre les doigts.
Kilim intervint :
– Comme vous le savez, votre Altesse, les centaures ne sont pas vraiment bienvenus au royaume d'Astria. Je ne pouvais pas prendre le risque que nous soyons lynchés par quelque populace vindicative ou capturés par quelque zélé personnage qui n'aurait pas eu le bon goût de nous conduire auprès de vous. Nous avons donc voyagé de nuit, en évitant le plus possible d'entrer en contact avec qui que ce soit.
– Vous êtes en train de me dire que ce centaure vous a accompagné volontairement ?
– Vous voyez bien que c'est une histoire à dormir debout ! s'exclama le capitaine.
Aldrick ne lui donnait pas vraiment tort. Cependant, les faits étaient là : un centaure captif se trouvait dans son château et un homme envoyé à Equilia avait réussi à regagner son pays.
Le centaure, resté jusque là silencieux, se mit alors à parler :
– Je suis en effet venu de mon propre chef. Je pense que la haine entre les hommes et les centaures n'a pas lieu d'être. J'ai accompagné Kilim par amour pour lui.
Kilim jeta un regard si noir au centaure que Aldrick en frémit. L'amour que portait le centaure au prêtre chercheur ne semblait pas réciproque.
– Quel est ton nom et quelle est ta position à Equilia ? demanda Aldrick.
– Mon nom est Galad, je suis le fils aîné de la noble famille des Noirark.
Galad parlait bien l'Astrien, nota Aldrick. Discuter avec le centaure allait indéniablement se révéler intéressant et certainement utile pour arranger les choses avec le royaume d'Equilia. En même temps, était-il certain que Galad et Kilim soient là dans des intentions pacifiques ? C'était un peu trop beau pour être vrai. N'y avait-il pas quelque tour magique des elfes là-dessous ? Galad était-il un vrai centaure ? Kilim n'était-il pas un sosie ? La situation était inédite et diablement compliquée. Il fallait se montrer prudent.
– Cher Galad et cher Kilim, vous devez être fatigués par votre voyage. Il est déjà tard aujourd'hui. Je serais enchanté de converser avec vous demain.
Si le centaure resta de marbre à ces mots, Kilim se renfrogna. Toutefois, il n'osa pas exprimer à haute voix son déplaisir.
Aldrick poursuivit, cette fois à l'intention du capitaine Schard et ses hommes :
– Vous conduirez nos invités dans la suite des Éléphants d'or. Vous retirez les fers du noble Galad et vous resterez ensuite à leur porte afin de veiller à ce qu'ils ne manquent de rien.
Ces appartements étaient connus pour leurs petites fenêtres qui empêchaient toute tentative de fuite. Ce que les gens ne savaient pas, c'est qu'on pouvait facilement espionner ses occupants par des trous dans le plafond.
– Bien, votre Altesse, répondit Schard.

mardi 5 janvier 2010

Le Suivant du prince - 38

Le garde de la porte refusait l'entrée à un groupe. Il n'était pas spécialement rare que les gens se disputent pour avoir en premier une audience avec le prince, mais il était plus étonnant que la chose ait lieu alors qu'une audience était encore en cours. Diligent et efficace comme toujours, Rudolf quitta son poste à la gauche de Aldrick pour aller régler le problème.
Quand il revint vers le trône, la nouvelle qu'il apporta laissa Aldrick bouche bée. D'un geste, il congédia le duc Archimop qui fut bien obligé de s'incliner. Alors qu'il sortait, une étrange procession entra dans la salle : six gardes entouraient un centaure qui avait des chaînes aux pattes et aux bras tandis que leur capitaine tenait par le bras un jeune homme qui avait été bâillonné. Le duc ouvrit de grands yeux : un centaure prisonnier, cela ne s'était jamais vu ! Il était déjà arrivé que les Astriens capturent des centaures, mais ces derniers s'étaient toujours suicidés. On avait beau prendre toutes les précautions pour qu'ils n'y parviennent pas, nul centaure vivant n'était resté plus de quelques heures prisonnier des humains. En somme, aujourd'hui était un jour historique. Aldrick sentit que Youri se rapprochait de lui dans le but de le protéger. Sa colère à l'égard du jeune homme descendit d'un cran. Après tout, il avait bien le droit de ne pas vouloir avoir des rapports sexuels avec lui...
Le capitaine fit la révérence :
– J'espère que sa Majesté voudra bien pardonner mon intrusion pour le moins cavalière.
– L'affaire étant d'importance, je vous en suis grée, capitaine Schard.
– Votre Altesse nous avait envoyé près de la frontière d'Equilia afin de résoudre le mystère de cet homme qu'on avait vu sur le dos d'un centaure, et nous avons fini par mettre la main sur cette légende vivante.
– Où les avez-vous capturés ?
– Peu avant les portes de la ville de votre Majesté, répondit Schard avec gêne.
Aldrick se désintéressa du capitaine pour regarder l'homme qui avait réussi l'exploit de monter sur le dos d'un centaure. Il avait de long cheveux roux qui lui descendaient jusqu'aux fesses et de grands yeux verts qui lui mangeaient une partie du visage. Il lui rappelait quelqu'un. Il le scruta un moment et enfin, cela lui revint... Il s'agissait d'un jeune prêtre chercheur exalté qui avait tenu à tout prix à se joindre à la dernière expédition envoyée à Equilia, il y avait des années de cela. Il devait avoir à présent vingt-six ans et avait beaucoup changé.
– Ôtez le bâillon du prisonnier, capitaine.
– Je préfère prévenir votre Altesse que cet homme a l'insulte facile.
– Un rescapé du pays des centaures mérite plus d'égard. Bienvenue en Astria, cher Kilim.
Le capitaine ayant finalement dénoué le foulard qui empêchait le rouquin de parler, ce dernier put répondre :
– Je suis honoré que sa Majesté se souvienne de moi. Le capitaine Schard n'a hélas pas voulu me croire quand j'ai dit que nous nous rendions de plein gré auprès de son Altesse.

lundi 4 janvier 2010

Le Suivant du prince - 37


Chapitre VIII : Du sexe, un prince
et un centaure


Aujourd'hui était la journée dédiée aux audiences. Aldrick devait donc écouter des doléances très diverses d'individus de toutes les Guildes. Là, le duc Archimop lui racontait la même histoire que le comte Lopil lui avait servi une heure plus tôt, excepté que les rôles avaient été inversés : le comte Lopil ponctionnait plus d'eau que nécessaire dans la rivière qui bordaient leurs propriétés respectives sans se soucier de l'écologie et des besoins de son voisin... Aldrick ayant déjà décidé que le plus simple serait de séparer ladite rivière en deux, il ne consacrait qu'une faible partie de son attention aux doléances du duc Archimop. Il pensait surtout au jeune homme qui se tenait debout à sa gauche, légèrement en retrait. Quand la veille au soir, il avait annoncé que Demian avait été retiré des griffes des Boulgs et qu'il était arrivé au manoir des Lyonn, il avait espéré profiter de la reconnaissance que Youri n'allait pas manquer d'exprimer pour réussir à le mettre dans son lit. Cependant, comme depuis des semaines, ses subtiles allusions n'avaient rien donné. Et pourtant, la joie et la reconnaissance de Youri étaient évidentes. Finalement, Aldrick avait réalisé que la fois où il avait obtenu un baiser, il l'avait demandé en des termes claires et explicites, aussi avait-il retenté la chose.
– Est-ce que je peux te lécher, te caresser et te chevaucher ?
Le front de Youri s'était plissé et il avait demandé comme s'il ne comprenait pas:
– C'est-à-dire ?
– Est-ce que je peux coucher avec toi ?
– Ah... Je suis certain que le prince peut trouver bien mieux que moi. Je n'y connais rien.
Avec le recul, Aldrick se rendait compte qu'il aurait peut-être dû répliquer « c'est bien pour ça que je veux faire ça avec toi, espèce d'idiot! » Cependant, cela n'aurait sans doute rien changé. L'ancien garçon d'auberge ne voulait pas de lui et cela froissait terriblement son orgueil. Il avait été rejeté, une fois de plus... « Je n'y connais rien » n'était qu'une excuse, c'était évident ! Et dire qu'il s'était abstenu de mettre qui que ce soit dans son lit ces dernières semaines afin de parvenir à séduire Youri ! Il s'était privé pour rien ! C'était décidé, dès ce soir, il ferait appeler quelqu'un dans sa chambre. Que Youri reste puceau toute sa vie ou qu'il perde son innocence avec une femme de chambre ne le regardait pas ! Mieux, il s'en moquait !
Un discret toussotement de son Grand Chambellan rappela Aldrick à la réalité. Le duc Archimop avait fini de se plaindre et attendait le bon vouloir du prince.
– Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure à votre voisin, le comte Lopil, je pense que le plus simple est de couper cette rivière en deux. La source étant sur les terres de la Couronne, le partage sera équitable.
La solution ne semblait pas plaire au duc, mais au moment où il allait protester, il y eut du remue-ménage à la porte.

Manga Yaoi en janvier 2010

Bonne année 2010 à tous et à toutes ! Qu'elle soit pleine de bonheur... et de boy's love!

Cette année, je compte bien continuer à écrire du boy's love et j'espère, outre la poursuite du Suivant du Prince, vous proposer quelques surprises...

Cette année, j'inaugure également une petite rubrique où je parlerai des mangas yaoi qui sortent en France.

Planning de Janvier 2010 :

Déjà, il y a la sortie du 4ème numéro du Be x Boy Magazine... et la parution d'une série qui en est issue en volume relié :

Silent Love Tome 1 de Hinako Takanaga. Une série mimi tout plein qui rappelle qu'il est important de communiquer...


A part ça, No Money (Okane Ga Nai) de Hitoyo Shinozaki et Tohru Kousaka continue son petit bonhomme de chemin avec la sortie du tome 4. Le pauvre Ayase continue à en voir de toutes les couleurs !


Pour ceux qui aiment les histoires érotiques et légères, Not ready ?! Sensei de Kazuma Kodaka sort le 6 janvier. C'est toujours amusant de voir les mangakas et leurs assistants mis en scène.


Fragments d'amour Tome 2 de Duo Brand, jamais lu. Ceci dit, c'est de la fantasy, alors ça change des histoires lycéennes comme Tendre voyou Tome 2 de Mei Sakuraga qui sort également ce mois-ci.

Sinon, il y a 2 titres que j'aime beaucoup qui paraissent ce mois-ci :

Love Pistols Tome 3 de Tarako Kotobuki, au début, j'ai eu des difficultés avec les dessins, mais l'aspect déjanté de l'histoire avec des hommes qui tombent enceinte m'a conquise.
Love Mode Tome 4 de Yuki Shimizu, mon boy's love préféré de tout le temps. Je l'ai en anglais et en japonais et j'hésite à me le racheter, non pas en français, mais en japonais, en version deluxe.

Ce n'est pas du yaoi, mais on trouve, à priori, des tendances homosexuelles dedans :
The day of revolution tome 1 de Miyiko Tsuda où un garçon découvre qu'il est en fait une fille et est poursuivi par les assiduités de ses anciens amis.
Horror Collector tome 1 de Lee So Young, un manwha avec 2 collectionneurs d'objets pour le moins étranges.