mercredi 31 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 16

Tim demanda grâce après quelques échanges seulement.
— Tu dois persévérer et endurer, répliqua Percival.
L'adolescent encaissa encore deux chocs avant de perdre son arme. C'était trop physique pour lui, surtout après une longue journée où il n'avait pas ménagé sa peine.
— Reprends-la, exigea le chevalier.
Tim secoua la tête.
— Je n'en peux vraiment plus.
— Si tu renonces aussi vite, il n'est pas surprenant que tu sois si chétif.
L'adolescent fut piqué au vif. Il faisait des efforts. Toute la journée, il s'était donné à fond alors même que Guillemin l'avait poursuivi de son hostilité et il fallait encore qu'il essuie des reproches.
Au XXIème siècle, aussi, il n'accordait qu'un temps limité aux exercices pour se muscler, parce qu'il était moulu après avoir servi de punching-ball vivant à Harvey, Côme et Lisle et qu'il était las d'avoir étudié. Comme tout un chacun, il avait besoin de se détendre. C'était agréable de se défouler dans un jeu vidéo où il pouvait pulvériser d'un clic furieux de souris ses adversaires sans faire de mal à personne.
— Je n'ai pas exactement été oisif, aujourd'hui.
— Moi non plus. J'ai déjà accompli de nombreux exercices à cheval et avec mon armure sur le dos.
Et elle pesait son poids, Tim l'avait lu dans plusieurs bouquins.
— Mais vous avez l'habitude, vous ! protesta-t-il néanmoins.
— Encore faut-il la prendre.
Tim se baissa courageusement pour récupérer son arme, mais ne parvint pas à la soulever, ses bras le trahissant.
Percival prit pitié de lui.
— Tu as raison, il vaut mieux y aller en douceur. Tu n'es point accoutumé à ton nouveau métier. Va donc dormir. Nous reprendrons demain.
Tim aurait bien tenté une fois encore de retrouver son époque en allant derrière la tapisserie, mais sentant qu'il était congédié, il ne voulut pas s'imposer et s'en fut.
Cette nuit-là, il rêva que le chevalier l'embrassait encore et encore et il se réveilla avec une érection douloureuse. Pas moyen cependant d'y faire quoique ce soit vu comme il était entouré. Heureusement qu'il n'avait pas mouillé ses vêtements dans la mesure où il n'avait que ceux qu'il portait sur le dos.

mardi 30 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 15

Il s'endormit sans peine en dépit de la promiscuité avec des étrangers.
Bernon le secoua pour le réveiller et ce fut reparti pour de longues heures de labeur. Guillemin l'avait décidément pris en grippe et il ne cessa de critiquer son travail. Tim ne pétrissait ni ne coupait comme il faut. Malgré ses efforts, il ne semblait rien faire correctement et c'était déprimant.
— Je me débrouille vraiment si mal que cela ? demanda-t-il à mi-voix à Bernon en fin d'après-midi.
— Tu n'es point doué, mais il exagère.
Cela rassura un peu Tim et l'aida à supporter l'acharnement du sous-chef jusqu'au soir. C'était tout de même triste la manière dont il semblait attirer les tourmenteurs. Pour le moment, au moins, ce n'était que verbal.
Bien qu'il soit éreinté, Tim n'alla pas se coucher sur sa paillasse et partit comme convenu rejoindre Percival dans sa chambre. Il avait pris garde à bien mémoriser le chemin la veille et n'eut pas trop de peine pour y parvenir.
Le cœur battant, plein d'impatience, il toqua à la porte. Il avait beau se répéter que c'était la perspective de s'entraîner qui le rendait si content, il savait que c'était celle de le revoir.
Le chevalier brun lui ouvrit et le gratifia d'un sourire.
— Tout se passe bien pour toi en cuisine ?
— Ça va, dit Tim, jugeant que se plaindre d'entrée de jeu ne se faisait pas.
— Mettons-nous à l'ouvrage de suite, à moins que tu aies changé d'avis.
Percival lui tendit une épée de bois et l'invita à parer ses coups.
— Cela t'obligera à exercer tes bras et tes jambes à la fois, expliqua-t-il, comme Tim la prenait d'un air dubitatif.
Il vint rectifier la posture de l'adolescent qui se sentit tout chose à son contact à son grand désarroi. Trop vite cependant, Percival s'écarta. Le séduire n'était à priori pas au programme. Tim n'aurait pas dû le regretter. Ce qu'il voulait c'était devenir fort, pas perdre son pucelage.
Percival s'empara à son tour d'une épée de bois et l'attaqua.
Le premier coup bien que lent et retenu envoya des vibrations dans le corps Tim quand il le bloqua.
Les gestes précis et mesurés de Percival montraient sa maîtrise et son aisance du maniement d'une arme. S'il avait voulu le frapper lui et non le bout de bois, il y serait parvenu sans difficulté.

lundi 29 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 14

Il entra dans une pièce surchauffée où s'activaient des gens comme des abeilles dans une ruche. Il n'était pas sûr de savoir à qui s'adresser.
Prenant garde à n'être dans les jambes de personne, il s'avança et finit par repérer  celui qui dirigeait tout ce petit monde, distribuant les ordres d'un ton sec. Il le rejoignit, mais ne l'interrompit pas.
— Que veux-tu céans ? s'enquérit finalement l'homme autoritaire au petit ventre replet, en se tournant vers lui.
— Je quête du travail, répondit Tim, tentant d'imiter le phrasé de l'époque.
Avec Percival, il avait simplement fait attention  à ne pas employer de termes trop modernes, mais il s'agissait ici de faire bonne impression.
Le chef des cuisines l'interrogea, voulant savoir d'où il sortait et connaître son expérience.
Tim demeura vague et obtint, à son grand soulagement, la chance de faire ses preuves parce que l'un des aides s'était cassé le bras en se battant pour une fille avec un des gardes du château.
Un coin de table lui fut aussitôt attribué, et son boss le confia aux bons soins du garçon qui s'y activait, un certain Bernon qui avait l'air d'être dans ses âges.
C'était un bavard qui eût tôt fait de mettre Tim au parfum sur toutes les tâches qui allaient lui échoir. Il lui raconta même quelques croustillants ragots sur les habitants du château.
Tim eut la bêtise de s'étonner en apprenant qu'ils préparaient le déjeuner. Bernon se gaussa de lui : une collation de bon matin, c'était bon pour les malades et les vieillards ! Il se moqua aussi du "patois" de Tim. Percival, lui, avait eu l'élégance de ne pas railler son langage différent. Bernon n'était cependant pas un mauvais gars, car il l'aida volontiers à se dépatouiller avec les antiques ustensiles. Les couteaux du Moyen-Âge n'étaient pas si différents que cela des modernes, mais Tim était habitué aux commodes épluches-légumes.
Un des sous-chefs qui se révéla porter le nom de Guillemin le houspilla. A ses yeux, que Tim soit nouveau n'excusait pas sa lenteur.
La journée fut loin d'être une partie de plaisir, sans presque aucune pause, si ce n'est pour casser la croûte et faire un tour aux latrines dont la puanteur dégoûta l'adolescent. Tim se sentit épuisé, bien avant que Bernon ne lui montre la salle à côté des cuisines où ils couchaient tous sur des paillasses placées les unes à côté des autres. C'était le contre-coup du décalage horaire, comprit-il, comme il étouffait un bâillement pour la énième fois. Enfin, dans son cas, ce n'était peut-être pas qu'un problème d'heures, mais aussi de siècles !

vendredi 26 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 13

Pour Tim, c'était le matin, il n'était donc pas le moins du monde fatigué. Il regarda Percival s'allonger sur le lit, notant qu'il plaçait son épée à son côté. N'y avait-il pas une légende arthurienne comme ça ?
Avec agacement, l'adolescent se rendit compte que puisqu'il n'était pas question de bouger avant l'aube, il aurait pu se dispenser de changer de vêtements de suite. Percival s'était cependant bien gardé de le décourager. Sans doute avait-il vu dans son déshabillage, une occasion de parvenir à ses fins. Eh bien, c'était raté ! Tim ne pouvait toutefois nier qu'il avait bien failli céder. Percival était peut-être un poil arrogant, mais pas méchant, il était même aimable, dans tous les sens du terme.
Tim contempla longuement le chevalier endormi. S'il avait été dans la peau du prince de la Belle au Bois Dormant, nul doute qu'il serait allé l'embrasser.
Il se força à détourner les yeux pour s'intéresser à la tapisserie. Comme il n'avait rien de mieux à faire, il renfila ses habits modernes, se concentra et tenta très fort de réintégrer son époque, mais rien n'y fit, et quand la lumière du jour filtra à travers le voilage qui recouvrait l'unique et étroite fenêtre de la chambre, il était toujours là.
Constatant que Percival commençait à remuer, il remit en vitesse les chausses et la tunique.
Le chevalier s'étira, le salua, se leva et lui fit signe de le suivre.
Ils traversèrent des couloirs sombres, croisant quelques hommes et femmes dont certains étaient richement vêtus.
Les habits prêtés par Percival étaient entre-deux. La fabrique était de qualité, mais usée et les couleurs passées. C'était aussi bien, sinon, personne n'aurait compris que Tim brigue une position de marmiton.
Ce furent les bonnes odeurs de pain et de légumes qui signalèrent à l'adolescent qu'ils étaient presque arrivés.
— Si tu n'es point embauché, reviens me voir ce soir, nous aviserons. Autrement, je t'attends demain, dans ma chambre, à la nuit tombée pour ton entraînement, déclara Percival avant de tourner les talons.
Tim faillit courir après lui. C'était dans la chambre du chevalier qu'il était apparu, c'était là-bas qu'il avait laissé son jeans, ses baskets, son sweat-shirt et son sous-pull et d'une façon bizarre, il représentait son lien avec son époque. Il avait du mal à croire qu'il était en train de chercher à se dégoter un job au XIVème au lieu de tenter à tout prix de regagner le XXIème.

jeudi 25 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 12

Tim resta interdit. Il n'avait rien fait pour effrayer Lubin. C'était sa faute sans l'être.
— Vous ne devriez pas avoir trop de peine à retrouver un autre partenaire, finit-il par affirmer.
Évidemment, il se doutait que c'était plus facile à dire qu'à faire. C'était l'inconvénient d'appartenir à une minorité. Mais le noble chevalier avait beaucoup d'atouts dans sa manche.
— En attendant, je suis bon pour l'abstinence, soupira Percival. Or, je suis incapable d'être chaste.
La nuance entre les deux échappaient à Tim. Un dictionnaire lui aurait été bien utile, en ligne ou même sur du bon vieux papier. A défaut, il interrogea son interlocuteur.
— Quelle est la différence entre les deux ?
— Je ne peux m'empêcher d'avoir des pensées d'ordre sexuelles, même quand je renonce à la pratique.
— Vous pouvez toujours vous masturber.
Tim, lui, ne s'en privait pas, quoiqu'il ne le fit pas non plus très souvent, de peur que sa mère le surprenne. Pas question de gâcher de l'eau sous la douche ou de vider des boîtes de mouchoirs !
— C'est bon pour les jouvenceaux ! Tant qu'à désobéir aux préceptes de l’Église je préfère ranger mon épée dans un fourreau.
L'image amusa Tim, puis il se souvint de la manière dont l'impressionante verge de Percival avait pénétré le corps du blond Lubin et l'excitation monta en lui.
— Je suis prêt à me rendre aux cuisines, affirma-t-il, pour couper court à cette discussion sur le sexe.
— Alors que ton membre est érigé ?
Et merde, pourquoi fallait-il que Percival l'ait remarqué, une fois de plus ?
— Cela va se calmer tout seul.
— Je pourrais t'y aider, répliqua le chevalier en s'humectant les lèvres.
C'était un obsédé. Charmant, mais bien trop insistant, à la limite du harcèlement. A sa décharge, il avait été interrompu en pleine action.
— Je n'ai pas envie de sexe sans sentiments.
Sa curiosité avait été toutefois plus forte en ce qui concernait le baiser. Mais à ce moment-là, il croyait dur comme fer qu'il allait repartir. Il avait voulu emporter un souvenir de l'aventure.
Il s'attendait à ce que Percival lui jette ses contradictions à la figure, mais le chevalier s'inclina légèrement devant lui.
— Je le conçois. Il faudra toutefois patienter jusqu'aux premiers rayons du soleil pour que je te guide. C'est la pleine nuit et je vais prendre un moment de repos. Si tu t'étends à mes côtés, je promets de ne point t'importuner.

mercredi 24 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 11

— Qui t'a ainsi roué de coups ? Est-ce pour cette raison que tu cherches refuge au château ?
Tim masqua son corps meurtri en enfilant hâte les vêtements moyenâgeux avant de répondre d'un ton amer :
— En quoi cela vous importe-t-il ?
Percival mit la main sur son cœur.
— Je suis un chevalier. J'ai juré de protéger les faibles.
— Je préférerai apprendre à me défendre seul, rétorqua Tim.
— Voilà parler en homme, répondit Percival avec un sourire approbateur.
— Vous accepteriez de m'entraîner, que je devienne fort ? voulut aussitôt savoir l'adolescent.
Percival prit la demande en considération avant de répondre.
— Eh bien, je suppose que je pourrais, tant que je suis au château, même si j'ai de nombreuses obligations remplir envers le seigneur des lieux.  Je ne peux toutefois point te cacher cela  ne va point être aisé, malingre comme tu es.
— Super ! s'écria Tim avec enthousiasme. Je ne sais pas encore comment je pourrais vous remercier…
— Je crois avoir été clair sur ce que j'escompte de ta part.
— Mais je ne vous plais même pas physiquement ! Votre dégoût ne m'a pas échappé, il y a un instant quand j'étais quasi-nu ! s'exclama Tim, sans réfléchir.
— Que me contes-tu là ? Ce qui m'a horrifié, ce sont les mauvais traitements qui t'ont été infligé. Je n'ai point pour habitude d'embrasser les gens que je juge repoussant. De surcroît, je m'arrête moins aux apparences qu'à l'âme et l'aperçu que j'ai eu de la tienne à travers notre échange est des plus attirantes.
Le cœur de Tim s'emballa dans sa poitrine. Finalement, il était peut-être bien train de rêver, un chevalier du XVIème siècle ne pouvait pas être en train de le complimenter de la sorte. Sans compter qu'être transporté dans un autre temps par le biais d'un simple souhait tenait du délire pur.
Et pourtant, c'était réel. Cela montrait juste que Percival était un beau parleur. Tim n'allait pas se faire avoir et tomber amoureux pour si peu.
— C'est comme ça que vous avez convaincu votre écuyer de coucher avec vous ?
— C'est ma queue qui l'a persuadé, s'esclaffa Percival. Les mots n'ont été nécessaires que pour apaiser sa crainte de la damnation, ajouta-t-il en reprenant son sérieux. Maintenant qu'il t'a pris pour une engeance du malin apparut pour nous confondre, je ne vais hélas plus pouvoir compter sur lui pour me satisfaire,  conclut-il, sombrement.

mardi 23 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 10

Cependant, quand il souleva paupières, il était toujours au même endroit.
— Certains passages ne s'ouvrent que d'un côté, déclara Percival comme l'adolescent retournait à ses côtés, partagé entre inquiétude et soulagement.
En vérité, il n'avait pas vraiment envie de retrouver l'affreux trio, des camarades et des professeurs indifférents, mais il savait qu'il devait rentrer, autrement sa mère serait folle d'inquiétude. Et puis, il n'était pas naïf, le Moyen-Âge, ce n'était pas que l'amour courtois et la vie de château, c'était aussi le bûcher pour les sodomites, la peste…
En attendant de réussir à réintégrer son époque, il allait néanmoins devoir se débrouiller dans celle-là. Il y avait bien la proposition faite un peu plus tôt par Percival, mais Tim ne se sentait guère une vocation de marmiton.
— Vous ne me prendriez pas à votre service, comme page ou écuyer ou je ne sais quoi ?
— Je regrette, mais tu es trop vieux pour être page et j'ai déjà Lubin pour porter mon écu.
Tim soupira. Il avait essayé, au moins.
— Vous êtes toujours d'accord pour me prêter des habits et me conduire aux cuisines ?
— Oui, un moment de patience.
Percival alla fourrager dans le coffre au pied du lit dont il sortit le nécessaire.
Tim récupéra les vêtements qu'il lui tendait. Il ôta ses baskets, puis ses chaussettes, et allait remonter son sous-pull et sweat-shirt quand il croisa le regard de Percival qui ne le quittait pas. C'était gênant.
Tim n'était pas prude, mais il ne tenait pas à exhiber ses bleus.
— Tournez-vous, s'il vous plaît.
— Je ne serais donc point autorisé à jouir de la vue… soupira Percival.
Il accéda toutefois à sa demande après avoir récupéré ses chausses.
Pour les renfiler, il souleva sa tunique, dévoilant un fessier ferme et musclé qui distrait Tim de son propre habillage.
C'est par conséquent, en slip que Percival le vit en se retournant, sans s'enquérir de si l'adolescent avait fini, et quelque chose comme du dégoût se peignit sur ses traits.
Tim se sentit honteux et déçu : Percival ne tenterait plus désormais de le mettre dans son lit.

lundi 22 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 9

— Tu ne pars plus, Tim ?
C'était toujours au programme, mais sans aller jusqu'à se laisser "fourrer la rondelle", l'adolescent avait bien envie de profiter d'être en présence d'un homme qui lui plaisait.
— Vous ne voudriez pas me donner un baiser d'adieu avant ?
Il s'attendait plus ou moins à essuyer un refus. Il savait bien qu'il était un garçon malingre et avait parfaitement compris que le noble personnage qui lui faisait face l'avait rangé dans la catégorie des pauvres gens.
Il ouvrit des yeux ronds quand Percival s'agenouillant à ses pieds, lui prit les mains, les retourna et embrassa le creux de la paume de chacune.
— Tu as la peau bien trop douce pour un vilain.
Tim faillit prendre ombrage de l'appellation avant de se rappeler que c'était le terme désignant les paysans libres du Moyen-Âge par opposition aux serfs.
— Serais-tu un clerc ? continua Percival, en se remettant debout.
Tim fouilla dans sa mémoire, mais ne retrouva pas la signification exacte du mot. Il ignora la question pour en revenir au baiser.
— J'en voulais un sur la bouche, avoua-t-il.
— Je te taquinais, car tu as un cœur de jouvencelle, répliqua Percival, en prenant le visage de l'adolescent en coupe dans ses paluches rugueuses.
Ses lèvres se pressèrent contre celles de Tim, douces et fermes à la fois avant que sa langue ne les écarte pour se mêler à la sienne, prolongeant le baiser qui finit, hélas, par s'achever.
Tim n'avait jamais imaginé que cela puisse être si intense et excitant. Il n'était pas prêt de l'oublier.
— Alors, c'était à ta convenance ?
— Oui, merci. Grâce à vous, je saurais quel effet ça fait d'être embrassé.
— Ce n'était point ton premier tout de même, tu as au moins seize ans ou dix-sept printemps, ce me semble.
C'est vrai qu'au Moyen-Âge, c'était déjà vieux puisqu'on était considéré adulte à quatorze ans et que l'espérance de vie était largement inférieure.
— Ce n'est pas si facile quand on n'est pas attiré par les filles, se justifia Tim.
— Cela n'empêche point de s'entraîner avec, mais je commence à comprendre que tu n'es point fait de ce bois-là. Je suis d'autant plus flatté que tu aies jeté ton dévolu sur ma personne. Je pourrais t'initier à davantage de choses.
Tim se retint de justesse de réclamer un autre baiser. Il le salua de la tête, se dirigea résolument vers la tapisserie, se faufila derrière, ferma les yeux et visualisa le musée.

vendredi 19 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 8

— Je veux bien admettre que tu ne me cherches point noise. Est-ce un autre dont tu dois rapporter faits et gestes ?
Tim secoua la tête. Percival se trompait depuis le début en croyant qu'il était un espion à la solde de quelqu'un. Ce n'était cependant pas comme s'il pouvait lui dire la vérité. Il l'aurait alors pris pour un sorcier ou un fou, ce qui n'aurait certes pas arranger ses affaires.
Le brun qui avait peu à peu desserré son emprise sur lui le relâcha complètement et Tim se surprit à regretter le poids de sa main sur son épaule, même s'il lui avait fait mal en le maintenant avec fermeté afin de prévenir une éventuelle fuite.
— Te serais-tu faufilé au château dans l'intention de dénicher une place ? Il y en a peut-être en cuisine. Je peux t'y mener, mais tu vas aux devants d'ennuis avec ton accoutrement inhabituel, entre tes chausses à la bordure de fer et tes poulaines à la couleur si vive. Mieux vaut que tu en changes.
Même si c'était une opportunité de découvrir le Moyen Âge de visu, Tim ne tenait pas à rester. L'aventure était par trop fantastique et les probabilités qu'elle tourne mal trop élevées. Avec de la chance, en retournant derrière la tapisserie et en souhaitant très fort se retrouver au musée, il rentrerait à son époque. Malgré tout, il fut sensible à l'amabilité dont faisait preuve Percival maintenant que le malentendu avait été dissipé. Lui aussi avait mal jugé l'homme en le rangeant dans la même catégorie que ses tourmenteurs du lycée.
— Merci, c'est gentil, mais je vais essayer de repartir comme je suis venu.
Tim se tourna vers la tapisserie derrière laquelle il s'était mystérieusement retrouvé. Il fut étonné  de constater qu'elle ne représentait pas le Don d'Amour, mais une quelconque scène de chasse et en conçut un certain malaise. Il avait plus ou moins attribué à la tapisserie son transport dans le passé.
— Aurait-tu découvert quelque passage secret ? demanda Percival.
— En quelque sorte…
Tim fit un pas vers la tenture et Percival l'imita.  L'adolescent s'immobilisa et le regarda. Le brun  était vraiment bien charpenté. Sa tunique ne masquait en rien sa musculature.
Tim aurait aimé être aussi baraqué que lui. Harvey, Côme et Lisle auraient alors réfléchi à deux fois avant de se moquer de lui. Percival n'avait toutefois pas que sa robustesse pour lui, sa figure aux traits bien distinctifs possédait un charme troublant. Tim s'imagina en suivre les contours du bout des doigts : le nez busqué, le menton marqué...
Percival lui sourit de toutes ses dents joliment de travers, comme s'il avait deviné le cours dangereusement glissant que prenaient ses pensées.

jeudi 18 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 7

— Vraiment, je ne sais ni pourquoi ni comment, je me suis retrouvé dans cette chambre. Je n'avais aucunement l'intention de vous couper dans votre élan avec votre Lubin, surtout que j'adorerai faire l'amour un jour avec un autre garçon. 
Le brun baissa lentement son épée, sans relâcher son emprise de l'épaule de Tim pour autant. L'adolescent commençait d'ailleurs à avoir mal.
— Quel est ton nom ?
— Tim. Et vous ?
— Tu prétends ne pas me connaître, moi, sire Percival ?
Cela faisait vraiment très chevalier de la table ronde, à une lettre près.
— Enchanté.
Enfin, pas vraiment, mais assurément, toute la situation avait quelque chose de surnaturelle.
Percival plissa les yeux.
— Tes frusques ne sont point une engeance du Malin, mais il faut avouer qu'elles sont curieuses, déclara-t-il en se rapprochant de Tim dont il se mit à palper le tissu du jeans au niveau de la hanche.
Il se pencha carrément sur la fermeture éclair dès qu'il l'eut repéré, passant le doigt sur les dents métalliques.
Il avait quasiment le nez sur son slip. Le pénis de Tim, à sa grande gêne, se mit à grossir et se raidir.
Il espéra de toutes ses forces que Percival ne s'en rendrait pas compte, mais c'était sans doute trop demandé, vu comme il avait été exaucé au musée, en souhaitant être ailleurs.
Le brun se redressa et le gratifia d'un sourire aux dents délicieusement de travers.
— Tu n'as point menti sur ton goût pour la gent masculine. Tu es sûr de ne pas vouloir…
— Oui ! s'écria Tim, l'empêchant de terminer.
Il aurait voulu se cacher dans un trou de souris. Et son membre qui n'en finissait pas de durcir, indépendamment de sa volonté, ce traître !
— Ma parole, tu es pire qu'une pucelle. Je n'ai jamais forcé personne.
Être traité de pucelle quand on est un garçon valait bien les "femmelette" et "efféminé" dont le gratifiaient Côme, Harvey et Lisle, mais Tim ne jugeait pas cela vraiment insultant. Cela ne pouvait l'être que pour ceux qui considéraient les femmes comme des inférieurs, ce qui n'était pas son cas. Il fut surtout bien content d'apprendre que son interlocuteur n'était pas un violeur en puissance.
Percival continua :
— Je conçois que la damnation éternelle puisse effrayer, mais il y a pire pêché que celui de la chair.
— C'est vrai, répondit Tim.
Il était de cet avis, surtout quand l'amour était de la partie. Ce qui était méprisable, c'était de maltraiter les autres en abusant de sa force. Le moyenâgeux personnage remonta dans son estime.

mercredi 17 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 6

La désertion de son partenaire acheva de mettre en rogne le brun. Il reporta toute son attention sur Tim, au grand désarroi de l'adolescent. La situation devenait déplaisante, pour ne pas dire angoissante. Au moins avec Côme, Lisle et Harvey, il savait à quoi s'attendre. Vivement que ce rêve érotique moyenâgeux qui avait viré au cauchemar se finisse !
— Maudit sois-tu pour avoir interrompu mon plaisir ! Il me faudra des trésors de persuasion pour que Lubin accepte à nouveau de partager ma couche, tout cela parce que tes guenilles sortent du commun !
Dommage que lui, il lui faille plus que quelques bouts de tissus pour prendre peur.
— Je suis désolé. Je voulais pas vous déranger, je vous assure.
— Et tu veux me faire accroire que c'est pur hasard si tu t'es égaré derrière cette tapisserie ? Me prendrais-tu pour un fol ?
Tim sentit la pointe de l'épée de l'homme piquer la chair de son cou et il frémit.
 — Mais non ! Je suis comme vous, vous savez, j'aime les hommes.
Le brun inclina la tête de côté.
— Tu me laisserais donc te fourrer la rondelle ?
Tim ne saisit pas de suite ce qu'il voulait dire. La suggestion comme la formule était osée. Il préférait assurément être embroché de la sorte que par une épée, mais tout de même passer immédiatement après un autre le répugnait. Et puis, c'était sa première fois. Il n'avait pas envie d'être juste un trou. Il ne pouvait tout de même pas répondre qu'il souhaitait qu'ils apprennent à mieux se connaître avant. Le brun était plutôt séduisant, avec ses cheveux mi-longs qui encadraient sa mâchoire carrée, son nez busqué.
— Que nenni, ce me semble, à ton silence… Maintenant, parle !
Tim sentit comme une légère piqûre. L'inconnu lui avait entaillé la peau. La douleur comme les gouttes de sang qui perlaient étaient par bien trop réelles.
L'adolescent clôt les yeux. C'était impossible. Et pourtant, avant de se retrouver là, il était au musée, pas dans son lit. Il avait choisi de nier tellement c'était incroyable, mais il était peut-être bel et bien à une autre époque, sans doute celle de la tapisserie du Don d'Amour, soit le XIVème siècle.
— Point la peine de prier ! Regarde-moi !
Tim obtempéra. L'homme était un noble, probablement un chevalier, habitué à ce qu'on lui obéisse à en juger à sa propension à donner des ordres à tout bout de champ. Son arrogance n'était pas si éloignée de celle de l'infernal trio. Il avait échangé trois affreux modernes contre un ancien, la différence de taille étant que ce dernier était gay. Et il se méprenait sur son compte. Sûrement, ils pouvaient discuter.

mardi 16 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 5

— Qui t'a mandé céans ? gronda le brun d'un ton menaçant, le maintenant par l'épaule pour l'empêcher de fuir.
Il était trapu, à peine plus grand que Tim, mais puissant. Il était musclé de partout. Son expression de colère avec ses yeux marrons plissés était intimidante, en revanche sa tunique rouge qui masquait – de façon décevante –  son membre viril - lui faisait comme une robe. Sa manière de parler aussi était cocasse, à la limite du compréhensible.*

[note aux lecteurs : pour être exact, ce personnage devrait s'exprimer en ancien français, mais ce serait assez pénible à lire, il emploiera donc simplement un français aux tournures anciennes.]
 — Personne, répondit l'adolescent sans pouvoir réprimer un sourire nerveux.
— Lubin, mon épée.
Le blond quitta le lit, attrapa prestement un fourreau sur le sol et l'apporta au brun.
Tim songea que c'eût été un bon moment pour se réveiller, mais cela ne se produisit pas.
Le brun dégaina sa lame, la pointa sur sa gorge et répéta sa question.
— Messire, il nous a vus, nous encourrons le bûcher, intervint le dénommé Lubin.
C'est vrai que la sodomie n'était pas très bien vue au Moyen-âge, enfin dans la seconde partie, parce que Tim qui s'était renseigné sur l'histoire de l'homosexualité avait découvert avec surprise qu'elle était plutôt bien tolérée au XIème et XIIème siècle d'après certains.
— La parole de cet insolent gueux contre la nôtre ? Point besoin de craindre en faveur de qui la balance penchera.
Tim qui avait retenu son souffle sous la menace de l'arme se remit à respirer. Le tuer n'était à priori pas au programme.
Le brun exigea une nouvelle fois qu'il réponde, mais Lubin s'emmêla encore :
— Monseigneur, il a de drôles de chausses et souliers…
Tim baissa les yeux sur ses baskets orangées, puis son jeans bleu dont la braguette était toujours ouverte pour son plus grand embarras. Ses vêtements n'avaient rien de spécial.
— Que m'importe son accoutrement, cesse de me couper, qu'il nous révèle l'identité de son maître !
— Ce doit être le Malin, lâcha le blond avant de se signer. Je regrette, sire. Je n'aurais point dû pêcher avec vous, ajouta-t-il en enfilant un espèce de collant.
— Ne sois point sot !
Lubin secoua la tête et s'en fut à toutes jambes non sans toutefois refermer la porte derrière lui.

lundi 15 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 4

Alors que Tim était plongé en pleine confusion, il entendit des voix étouffées sans saisir le sens de ce qui était dit. Il ne savait comment il avait pu atterrir derrière cette tenture, mais il y avait apparemment d'autres personnes dans la pièce.
Il fit deux pas de côté et passa prudemment la tête hors du tissu pour avoir une meilleure idée d'où il se trouvait.
En face de lui, sur le mur opposé, une grosse bûche flambait dans une imposante cheminée.  Il étira le cou. Au fond, sur une estrade, il y avait un grand lit à baldaquin aux lourds rideaux bleus mal fermés.
Il y aperçut deux hommes à moitiés nus. L'un blond était à quatre pattes, fesses en l'air. L'autre, brun, tenait dans sa large main son énorme verge en érection.
Tim fut incapable de se détacher de ce spectacle. Il était évident qu'il s'était endormi quelque part, dans sa chambre ou sur un banc du musée. Cette scène ne pouvait qu'être née d'un de ses fantasmes, il n'y avait pas d'autre explication logique. Ce qui était bizarre, c'était à quel point tout semblait réel, les halètements des deux inconnus, l'odeur du feu de bois, la dureté du mur contre lequel il était adossé... Jamais son imagination ne l'avait conduit à une chambre moyenâgeuse, à jouer le voyeur. Le plus fou qu'il ait rêvé jusqu'alors, c'est d'être embrassé par le séduisant acteur d'une série télévisée.
Il aurait aimé avoir une meilleure vue de l'ébat des deux hommes, et il faillit s'approcher, mais quelque chose le retint au dernier instant. Il n'était pas bien certain d'être vraiment endormi dans le petit appartement cubique où sa mère et lui vivait. Après tout, il avait cru être au musée...
Son pénis durci par l'excitation était désagréablement à l'étroit dans son jeans. Il tenta de l'ajuster, puis finit par ouvrir sa braguette pour le libérer, ne pouvant résister au désir de se toucher tandis que le blond à quatre pattes gémissait sous les coups de boutoir de son partenaire.
Ce dernier s'immobilisa soudain et Tim se demanda s'il avait joui.
— Monseigneur, ne vous arrêtez point, geignit le blond d'un ton plaintif.
— Tais-toi, lui intima le brun. Quelqu'un nous épie, ce me semble.
Tim se rencogna en hâte dans sa cachette, la main toujours dans son slip. Hélas, c'était trop tard, il avait été repéré et en un éclair, il fut tiré avec brutalité devant la cheminée.

vendredi 12 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 3

Dès que Tim fut fors de vue, il bifurqua, s'engouffrant dans une salle au hasard. Il n'avait pas vraiment d'idée précise sur ce qu'il allait faire. Les professeurs n'apprécieraient pas s'il disparaissait pour le reste de la visite, mais la perspective de rejoindre le groupe pour se retrouver à la merci de Harvey, Côme et Lisle le rendait malade.
Autour de lui, il y avait du monde, d'autres élèves, d'autres guides. Il chercha des yeux un endroit où se cacher et regarda enfin les œuvres d'art qui l'entouraient.
Une tapisserie où un homme richement vêtu tendait un petit cœur rouge à une femme assisse entourée d'animaux l'interpella. Il s'approcha pour lire la notice. "Le don d'amour." Il aurait bien aimé avoir un prétendant à ses pieds, plutôt que se rouler en boule par terre pendant que le trio le piétinait joyeusement.
Il ferma les yeux, au bord du désespoir. Il avait besoin d'aide. Seul, il ne s'en sortait pas. Il n'avait hélas personne vers qui se tourner, pas l'ombre d'un chevalier servant… Il aurait aimé pouvoir se projeter dans le futur, à un moment où il aurait fini le lycée. A l'université, sûrement, ce serait mieux. Excepté qu'Harvey, Côme et Lisle n'étaient pas les seuls connards de la planète terre. Les homophobes, il en existait partout, à toutes les époques, dans toutes les couches de la société.
Si Tim avait pu remonter le temps, il aurait menti quand ce camarade avait demandé quelles filles de la classe lui plaisaient, mais s'il était chétif, il n'était pas poule mouillée pour autant, pas du genre à prétendre être autre que ce qu'il était, alors il s'était montré honnête, et avait déclaré préférer les garçons. Harvey, Côme et Lisle qui l'asticotaient déjà sur son physique d'asperge n'avaient alors plus connus de limites. Si seulement il avait été fort, eu un allié… Il était fatigué d'être courageux, d'endurer, à être gay sans avoir ne serait-ce embrassé un seul garçon de sa vie, à être maltraité encore et encore. Ce qu'il lui fallait c'était un miracle.
Tim serra les poings et souleva lentement les paupières. A sa grande surprise, il n'était plus là où il se tenait un instant plutôt, devant la tapisserie dans la lumineuse salle du musée. Il était sous un épais tissu et un mur de pierres s'était matérialisé dans son dos. Il déglutit, ne comprenant pas. Il referma les yeux, les rouvrit, répéta l'opération à plusieurs reprises, mais rien ne changea. Il ne se pinça cependant pas pour vérifier qu'il ne rêvait pas - Harvey aimait trop le tourmenter de la sorte.

jeudi 11 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 2

Côme ne trouva rien de mieux que de s'asseoir à côté de lui dans le bus. Ce cochon commença par cracher un chewing-gum sur l'une de ses baskets et lâcha ensuite un gros jet de salive sur son jeans, au niveau de la cuisse avant de se mettre à lui piquer le flanc avec un crayon taillé en pointe, tout en lui débitant les insultes habituelles comme quoi il était une sale tafiole, un petit pédé qui ne rêvait que de se faire enculé et qui finirait en enfer.
Tim ne réagit à rien. Il avait déjà tout essayé avec Harvey, Côme et Lisle. Leur demander d'arrêter d'une voix ferme et posée les avait fait rire, les supplier de le laisser tranquille aussi. Tenter de répliquer à leurs coups n'avait eu d'autre conséquence que de les rendre plus méchants. Essayer de comprendre pourquoi ils agissaient de la sorte avait été également un échec. Les ignorer ne fonctionnait pas non plus, mais prétendre qu'ils n'étaient pas en train de le harceler aussi bien moralement que physiquement était tout ce qu'il lui restait. Il ne savait cependant pas comment il allait survivre jusqu'à la fin du lycée.
Une fois au musée, les trois affreux l'entourèrent, le forçant à demeurer en queue du groupe où ils pouvaient l'embêter en toute impunité.
Les professeurs de français et d'histoire-géo, à l'origine de la visite, étaient malheureusement du genre à juger que c'était la faute de Tim si Harvey, Côme et Lisle étaient indisciplinés, comme si c'était lui qui les poussaient à se comporter comme des cons ! Ils se débrouillaient pourtant fort bien seuls.
Tim traversait les salles du musée du Louvre sans rien voir et sans rien entendre d'autres que les mots cruels du trio. Il aurait tout donné pour être ailleurs, n'importe où.
Il leva le bras avant qu'ils ne puissent l'en empêcher et demanda précipitamment :
— Excusez-moi, monsieur, mais j'ai besoin d'aller aux toilettes. C'est urgent.
Il reçut un regard agacé et l'autorisation avec la recommandation de se dépêcher de les rejoindre dans la salle suivante.
Tim partit sans attendre de voir si les trois  brutes demandaient eux aussi à soulager leur vessie afin de lui emboîter le pas. Lui avait bel et bien une envie pressante : celle de leur échapper. Il s'éloigna dans la direction des WC avec toutefois la ferme intention de ne pas y aller. Il doutait que l'eau des cuvettes y soit plus culturelle que celle du lycée.

mercredi 10 janvier 2018

Un Chevalier au XXIème siècle - 1

Tim n'avait rien contre les musées, mais dans le cadre d'une sortie de classe, c'était une toute autre histoire.
Au quotidien, sa vie au lycée était déjà synonyme d'enfer avec ce trio d'idiots qui n'avait apparemment pas d'autres loisirs que de lui pourrir l'existence, tout ça parce qu'il était gay et chétif. La combinaison était fatale et il aurait aussi bien fait de se peindre une cible rouge sur le front plutôt que d'avouer sa véritable nature.
Il ne comptait plus le nombre de fois où Harvey, Côme et Lisle l'avaient insulté et frappé. Ses autres camarades préféraient ne pas s'emmêler. Les garçons devaient craindre que le défendre implique qu'ils soient de ce bord-là, quant aux filles, elles étaient sans doute soulagées qu'ils soient occupés à le tourmenter plutôt qu'à les draguer comme les gros lourds qu'ils étaient. Il ne pouvait leur en vouloir. Il aurait dû être capable de s'en sortir seul, mais à trois contre un, le combat n'était pas équitable, surtout en opposant trois costauds à un malingre.
Il aurait aimé devenir fort et les envoyer tous au tapis, mais ce n'était pas comme si sa mère qui l'élevait seule depuis le jour de sa naissance avait les moyens de lui payer des cours d'autodéfenses ou autre. C'était d'ailleurs aussi parce qu'elle avait assez de tracas comme cela pour joindre les deux bouts qu'il lui avait tu ses ennuis et n'était pas allé se plaindre à l'administration. De toute façon, il n'était pas certain que cela aurait changé quoique ce soit. Il était impossible qu'aucun des professeurs ne soient rendus compte qu'il y avait un problème vu le nombre de fois où Tim s'était retrouvé avec la tête mouillée parce que l'infernal trio le lui avait foutu dans les toilettes…
Bref, il en était réduit à avoir une serviette dans son sac à dos et à tenter de se muscler dans sa chambre avec les moyens du bord, sans grand résultat. Il faut dire qu'il avait souvent trop mal pour s'entraîner correctement. Il avait beau se faire discret, se faufiler à la sortie des cours, se cacher aux récréations, Harvey, Côme et Lisle parvenaient toujours à le coincer à un moment ou à un autre et ne l'épargnaient pas. Ils évitaient les coups trop visibles, au visage, mais le cognaient avec enthousiasme sur le reste du corps. Tim avait toute une palette de bleus violacés, verts et jaunes sur le torse et le dos. C'était presque un chef d'œuvre. Toujours est-il que les jours de sport, Tim portait par avance les habits adaptés, évitant les vestiaires où il mettait tous les garçons mal à l'aise. C'était ridicule et il regrettait tous les jours de ne pas avoir gardé secrète son homosexualité. Il n'avait pas alors pensé qu'il deviendrait la proie de pareilles brimades. Il avait été trop naïf. Il faut dire qu'à sa décharge, sa mère l'avait bien pris et lors de sa dernière année de collège, quand il l'avait annoncé, il n'y avait pas eu de souci non plus. Mais voilà, le lycée, c'était une autre faune. Et maintenant, il lui fallait affronter une sortie au musée…