mardi 31 mars 2015

Contes modernes - 22

Dillon rentra par les transports en commun, rêveur. Jamais il n'aurait imaginé pareil déroulement à sa soirée.
A leur retour, Vivianne le tira sans ménagement du sommeil.
— Il a fallut que tu l'accapares ! Comment as-tu pu oser ? Une chance unique pour Violetta ou Virginia et tu l'as gâché !
Elle continua sur le même ton pendant plusieurs minutes avant de le laisser. Dillon se moquait des reproches injustifiés de Vivianne : il allait revoir Vic.

Rien ne put entamer la bonne humeur de Dillon les jours qui suivirent. Il se rendit à un centre de dépistage anonyme qui avait l'avantage d'être gratuit. Pour un résultat fiable, il y avait 3 mois de délai, mais Dillon prit la nouvelle de façon positive : Vic envisageait une relation sur la durée.
Dillon envoya un CV et une lettre de motivation pour devenir homme de ménage. Ce n'était pas vraiment son job de rêve,  et surtout dans ce cas, à quoi bon ses études ? Mais au moins, il était doué pour cela. Des années d'expérience qui lui avaient lui-même valu d'être considéré comme un « maniaque de la propreté. » Il pensait tout le temps à Vic, toutes les paroles qu'ils avaient échangées, leurs baisers, le moment où leurs corps s'étaient unis...
Le jour du rendez-vous, Dillon épousseta en fredonnant, tout guilleret. Vivianne lui reprocha  de lui casser les oreilles, comme si son bonheur retirait quelque chose au sien.
En fin d'après-midi, Dillon reçut une réponse décevante pour le poste d'homme de ménage. Faire le ménage chez lui ne le qualifiait pas. Il lui était recommandé de passer un CAP agent de propreté et d'hygiène.
Il ne se laissa pas abattre par la nouvelle grâce à la perspective de sa soirée avec Vic.
Le rendez-vous étant à vingt heures, Dillon s'occupa tôt des courses pour le repas du soir pour Vivianne, Virginia et Violetta et se lança tôt dans la préparation du dîner.
— Mais enfin, pourquoi es-tu déjà en cuisine ? s'étonna Vivianne.
— Je sors ce soir.
— Voir qui ? Tu n'as pas d'amis.
C'était douloureusement vrai. Avant Vic, personne ne l'avait jamais invité. Dillon ne sut quoi répondre.
— Eh bien, que vas-tu donc faire ?
Aucun brillant mensonge ne vint à Dillon. Même s'il prétendait sortir pour rencontrer du monde, cela ne plairait pas à Vivianne.
— Je vais dîner avec Vic Sanders, avoua-t-il, espérant que peut-être Vivianne, comme elle appréciait ce dernier, ne dirait rien.
Grave erreur.
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?! s'écria-t-elle. Pourquoi n'avons-nous pas été invitées nous aussi ? Qui d'autre sera présent ?
Elle fit une courte pause, grimaça et s'emporta :
— Ah ! Non, ce n'est pas vrai ! Il est comme toi. Un des ses affreux sodomites ! Dis-toi bien que c'est hors de question ! Si tu y vas, pas la peine de revenir !
Elle le menaçait de le renvoyer à la rue. Cela fit peur à Dillon. Il savait maintenant ce que c'était. Il ne voulait pas y retourner, pas recommencer à errer.

lundi 30 mars 2015

Contes modernes - 21

— Tu n'es pas doué, glissa Vic quand Dillon eut libéré sa bouche.
— Désolé.
— Non, c'est moi. J'aurais pu éviter de te le faire remarquer.
Dillon faillit avouer que c'était ses premiers baisers, que tout son expérience se résumait à la masturbation, mais finalement se contenta d'ôter sa veste, son cœur battant à cent à l'heure à l'idée d'être étreint par l'homme qui lui faisait face.
— Garde-la. Nous avons le temps, certes, mais de le faire dans les règles de l'art. J'ai quand même des bougies à souffler et des cadeaux à déballer.
Dillon se rappela de la bouteille choisie par Vivianne qu'il avait empaqueté avec soin et dont les avait débarrassés l'homme qui les avait introduit.
Tout ce que Dillon avait offrir, lui, c'était son corps.  Il était plein d'appréhension, mais aussi de désir. Il défit la boucle de sa ceinture et le bouton du pantalon avant de le baisser d'un geste résolu, en même temps que le caleçon, libérant son érection.
La main de Vic se referma à la base de son membre et remonta. Dillon était sûr à présent qu'il allait se réveiller d'un instant à l'autre sur le canapé du salon. Mais la main redescendit et une autre se plaqua sur ses fesses tandis que la bouche de Vic venait mordiller son oreille, arrachant un gémissement à Dillon.
Le jeune homme toucha l'entrejambe de Vic et sentit la chaleur que dégageait le sexe de ce dernier à travers le tissu. Il batailla avec la ceinture et la braguette à boutons, perturbé par les caresses de Vic qui finit par avoir pitié de lui et acheva le travail, faisant glisser le pantalon et le slip sur ses hanches.
Dillon effleura le pénis durci de Vic avant de le caresser, puis de faire rouler les bourses entre ses doigts.
Avec une hardiesse qu'il ne se connaissait pas, embarrassé par ses vêtements descendus, il trottina jusqu'au lit, posa les mains dessus ainsi que les genoux, gardant les fesses levées dans une position d'invite on ne peut plus explicite.
— Je prends un préservatif et du lubrifiant et je suis à toi.
Un claquement de tiroir de plus tard, Dillon sentit un doigt humide tracer le contour de son anus, appuyant doucement jusqu'à s'insinuer à l'intérieur. C'était une esquisse torture.
Il sentit ensuite la virilité de Vic frotter contre sa raie, puis finalement se presser contre son orifice et enfin, en lui.
Les mains de Vic s'emparèrent de son pénis et se mirent à aller et venir dessus, au même rythme qu'il bougeait à l'intérieur.
C'était bien plus satisfaisant que de se masturber et Dillon ne tarda pas à jouir. Vic s'activa encore un peu avant de pousser un léger râle.
Après une courte pause, il se dégagea. Dillon, bras et jambes faibles, resdescendit du lit. Il avait sali la couette avec son sperme.
Vic lui tendit une boîte de mouchoirs. Dillon essuya son sexe à la va-vite, remonta à la hâte son caleçon et pantalon et s'empressa de frotter la couette. Même en mettant un peu d'eau, ce ne serait pas formidable.
— Où ranges-tu les housses de couettes ? Je vais te la changer.
Vic le fixa, interloqué.
— Tu es un maniaque de la propreté ? C'est sur le dessus. Je ne suis même pas sûr de me coucher dedans ce soir... Je demanderai à ce qu'elle soit changée demain.
— Je peux le faire, murmura Dillon embarrassé.
Ce n'étant pas tant qu'il était un fanatique de la propreté qu'il avait l'habitude de s'occuper du ménage.
— Retournons plutôt à la fête.
— Je vais rentrer.
— Déjà ?

Moins d'une demie-heure s'était écoulée et il était encore tôt, mais Vic allait à coup sûr se consacrer à ses autres invités et Dillon ne se voyait pas rester debout dans un coin. Assis éventuellement, et encore...
— Je ne suis plus en état d'aller danser, répondit-il.
Les yeux bleu de Vic pétillèrent et il lui adressa un beau sourire.
— Tu es amusant... Cela te tente de revenir pour dîner en tête-à-tête d'ici quelques jours ?
Dillon accepta, ne croyant pas à sa chance. Il avait honnêtement pensé que les choses allaient s'arrêter là. C'était déjà assez incroyable comme ça que cet homme fascinant l'ait embrassé et ait couché avec lui.
Ils discutèrent du jour et de l'heure en regagnant l'étage où se déroulait la fête.
— N'hésite pas à faire les tests. Je te montrerai les miens, dit Vic juste avant qu'ils ne replongent dans la foule et ses bruits.
Vic fut aussitôt interpellé et Dillon, après l'avoir observé encore un petit moment de loin, s'en fut.

vendredi 27 mars 2015

Contes modernes - 20

Dehors, sur le balcon, le vent d'octobre soufflait fort. Dillon serra les bras contre son torse tandis que Vic s'excusait de ne pas avoir pensé à ce détail.
— Le paysage en vaut la peine, déclara Dillon en toute sincérité.
La ville s'étendait en effet sous leurs yeux, scintillant de centaines de petites lumières.
— Tu veux que j'aille nous chercher des manteaux ?
Dillon secoua la tête. Pas question de déranger son hôte.
— J'ai froid aussi, précisa Vic.
Et, se mettant dans le dos du jeune homme, il l'enveloppa de ses bras.
Personne n''avait plus étreint Dillon ainsi depuis la mort de sa mère. Cette chaleur l'émut et sa vue se brouilla. Il ferma les paupières et abandonna sa tête en arrière sur l'épaule de Vic. Une bouche exigeante recouvrit alors la sienne. Dillon, en dépit de sa surprise, entrouvrit spontanément les lèvres et la langue de Vic s'insinua en lui.
C'était donc ça un baiser.
Le jeune homme poussa un léger soupir quand Vic le relâcha et rouvrit les yeux. Vic le regardait. Dillon sourit. Vic ne le trouvait pas répugnant, il l'avait embrassé. Qu'il l'aime, comme lui, n'était bien sûr pas envisageable...
— Rentrons, dit Vic avec brusquerie.
Ils repassèrent devant le lit. S'imaginant quel effet cela lui ferait d'y être caressé, Dillon marqua un temps d'arrêt devant qui n'échappa pas à Vic.
— Je ne t'ai pas fait monter pour coucher avec toi... Je reconnais toutefois que j'avais bien l'intention de te séduire. Après, si tu en as envie, c'est différent. Cependant, pas de fellations ou rapports non protégés sans que tu aies fait des tests de dépistage pour les MST.
Dillon resta interdit. Vic ne s'était-il donc pas rendu compte qu'il était totalement sous son charme ? Pas besoin de le séduire, c'était déjà fait, presque depuis le moment où il l'avait aidé à enfiler sa chaussure. Par ailleurs, la notion de séduction avait un côté romantique qui contrastait étrangement avec le pragmatisme des propos. Vic pouvait bien taxer son oncle de franchise, il était bâti sur le même modèle.
Vic se rapprocha et l'embrassa à nouveau. Sous l'effet de sa bouche qui goûtait à la sienne, Dillon se sentit à l'étroit dans son pantalon.
— Personne ne va s'étonner si ton absence se prolonge ? demanda-t-il d'une voix altérée.
Il avait envie que Vic le touche davantage. Sa peau le brûlait. Et, puisque Vic voulait miraculeusement bien de lui, il se moquait du reste. C'était maintenant ou jamais. La vie était pleine d'imprévus, tout pouvait basculer, il le savait depuis la mort de sa mère, le débarquement de Vivianne et ses filles le lui avait confirmé et son passage dans la rue le lui avait rappelé à la dure.
— Cela a  beau être mon anniversaire, beaucoup de gens ne sont là que pour le buffet et se faire voir. Enfin, il y en a aussi qui sont venus pour me faire plaisir. Cependant, la fête devrait durer jusqu'au petit matin, donc, non, ce n'est pas un problème.
Dillon, lui, n'était pas supposé dépasser minuit selon les exigences de Vivianne. Il avait toutefois encore  deux  heures devant lui... Il s'essaya à donner un baiser.

jeudi 26 mars 2015

Contes modernes - 19

— J'espère qu'il ne t'a pas trop gêné. Il est très franc... Cela me fait vraiment plaisir de te revoir, dit Vic.
— Moi aussi, s'empressa d'enchérir Dillon.
— Tu crois que ta belle-mère et tes deux sœurs vont me tenir rigueur de leur avoir faussé compagnie ?
— Non. C'est moi qui serait tenu pour responsable.
— Ta belle-mère ne te mène pas la vie trop dure ?
— Pas plus qu'avant...
Vic l'emmenait loin du monde et des bruits de la fête.
— Elle semble effectivement n'en avoir que pour ses filles. A l'entendre Violetta et Virginia sont deux précieuses princesses.
— Où va-t-on ? osa demander Dillon alors qu'ils débouchaient dans un couloir quasi-désert.
— Te montrer la vue des étages supérieurs. Je suis certain que cela te plaira. C'est aussi l'occasion de discuter un moment au calme.
Le cœur de Dillon manqua un battement. Il espérait ne pas se tromper, mais il lui semblait que Vic s'intéressait à lui. Au moins un minimum en tout cas.
Vic appela l'ascenseur, puis l'invita à entrer dans la cabine. Cette dernière était spacieuse et il y avait à l'aise de la place pour dix personnes.
— Au fait, et ton père, il n'a pas fait de difficultés ?
— Eh bien, Vivianne lui a tout caché que j'étais gay, comme le fait qu'elle m'avait mis à la rue, répondit Dillon tandis que les portes se refermaient.
— Compliquée ta famille...
— J'espère bientôt la quitter. Enfin, dès que j'aurais réuni assez d'argent.
— Tu as trouvé un travail ?
— Non... Se vendre, c'est un métier.
Le bleu des yeux de Vic s'assombrit.
— Qu'est-ce que la prostitution vient faire là-dedans ?
Dillon déglutit. Il n'était pas habitué à parler avec les autres et c'était avec ce genre de formules maladroites qu'il avait planté son entretien.
— Je voulais dire que mettre en valeur ses compétences était une capacité indépendante de celles nécessaires pour l'emploi auquel on postule.
Leur arrivée au seizième et dernier étage coupa la conversation.
Vic la relança, tout en avançant dans le couloir brillamment éclairé au sol marbré.
— A propos d'argent, combien ta belle-mère t'avait-elle donné avant de te jeter dehors ? Comme tu ne m'avais pas prévenu, cela a mis à mal mon argumentation.
— Deux cent euros, souffla Dillon.
— Et elle a osé se vanter de sa générosité ! Plus le temps passe et plus je me dis que ce n'était pas forcément te rendre service que de négocier ton retour auprès de cette femme...
— Vous m'avez aidé.
— Tu peux me tutoyer, tu sais.
— D'accord...
Vic ouvrit une porte et la lui tint. Dillon franchit le seuil et se retrouva dans une jolie entrée comprenant un meuble bas et un imposant porte-manteau en bois. Dillon hésita à enlever ses chaussures, puis, comme Vic l'incitait à le suivre, il ne prit pas la peine de le faire.
Ils traversèrent une chambre à coucher blanche à la moquette rouge contenant un immense lit à la couette noire ornée de signes chinois colorés. Le regard de Dillon s'y attarda. Vic, lui, se dirigea droit vers la baie vitrée aux volets baissés. D'une simple pression sur un discret interrupteur sur le mur, il les ouvrit.

mercredi 25 mars 2015

Contes modernes - 18

Durant la semaine, il eut enfin un entretien où il étrenna son costume, mais ce fut un échec, non pas à cause de la tenue, mais parce qu'il bafouilla et s'emmêla les pinceaux. Travailler ne lui faisait pas peur, mais se vendre, ça, il ne savait pas.
   

Finalement, ce fut le soir de la fête qui avait lieu au domicile de Vic Sanders. Ce n'était toutefois pas une petite soirée intime, confinée dans un luxueux appartement. Tout l'immeuble semblait appartenir à Vic Sanders. C'est un employé qui les introduisit, mais Vic ne tarda pas à apparaître, se faufilant dans la foule avec aisance, adressant au passage un mot aux gens.
Violetta, Virginia et Vivianne le saluèrent dans un bel ensemble, le remerciant pour son invitation. Dillon, lui, resta muet, dévorant des yeux Vic qui portait un costume noir et une chemise blanche au col déboutonné.
— Merci à vous d'être venus, déclara Vic. Dillon, je suis content de te revoir. Suis-moi, j'aimerai te présenter à quelqu'un, ajouta-t-il.
Il l'attrapa d'autorité par l'épaule.
— Peut-être pourrions... commença Vivianne, désireuse à ne pas en douter de s'incruster.
— Le buffet est là-bas, coupa Vic en pointant du doigt une masse de gens derrière lesquels on apercevait une longue table. A plus tard, assura-t-il.
Dillon n'eut que le temps de voir trois visages désappointés avant que Vic ne l'entraîne. Ils slalomèrent entre les invités jusqu'à un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux poivre-sel qui ressemblait beaucoup à Vic : même nez aristocratique, même yeux bleus brillants, même forme de visage.
— Mon oncle Jim Sanders, voici Dillon, annonça Vic.
Jim Sanders puisque c'était son nom leva le verre qu'il tenait à la main en guise de salut.
Vic ne put aller plus loin dans les présentations, un beau jeune homme basané en jeans et t-shirt noir le sollicita. Vic s'éloigna, abandonnant Dillon auprès de son oncle.
— Tu es Dillon, donc, reprit Jim.
— Oui...
— Ta belle-mère t'avait mis à la rue à cause de ton homosexualité, et Vic a réussi à la convaincre de te reprendre, c'est ça ?
— Oui, confirma Dillon avec gêne, se demandant ce que Vic avait au juste raconté à son oncle.
— Après ou avant qu'il ait montré sa carte de visite ?
— Après, souffla Dillon.
— Mon neveu est naïf parfois.
Jim Sanders avait-il deviné que Vivianne ne s'était laissée attendrir que par intérêt ? Dillon, mal à l'aise, ne sut quoi répondre.
Jim reprit :
— Si elle te claque à nouveau la porte au nez, tu es le bienvenu chez moi, mais comme je n'ai rien d'un bon Samaritain, seulement si tu réchauffes mon lit.
Vic revint vers eux à ce moment-là et sans doute avait-il entendu la dernière partie de la phrase, car il protesta, le regard sombre :
— Mais qu'est-ce que tu racontes, oncle Jim ?
— Je fais des propositions indécentes à ton invité, répliqua Jim tranquillement.
— Je ne te l'ai pas présenté pour cela, objecta Vic.
— Dommage, rétorqua Jim.
Dillon ne savait où se mettre. Personne ne l'avait jamais approché ainsi. C'était flatteur, mais surtout dérangeant dans la mesure où l'oncle de Vic avait présenté cela comme un marché.
— Trouve-toi quelqu'un d'autre, déclara Vic. Viens Dillon, j'ai quelque chose à te montrer. A bientôt, oncle Jim.
— Amuse-toi bien, répondit Jim avant de boire une gorgée de son verre.

mardi 24 mars 2015

Contes modernes - 17

Quand elles rentrèrent, discutant bruyamment de la soirée, Dillon se réveilla en sursaut et tendit les oreilles, désireux d'entendre parler de Vic. Cependant, elles s'extasiaient sur la finesse  des plats du buffet et la munificence des lieux, sans mentionner leur hôte.
Comme elles passaient dans le salon, juste derrière le canapé, Dillon se redressa. Il avait envie de les interroger au sujet de Vic.
— C'était bien ? demanda-t-il à la place, de peur de trahir l'intérêt exclusif qu'il portait à celui qui les avait invitées.
— Il sera temps de parler demain. Tu peux te rendormir, répondit Vivianne sèchement.
Violetta refit est un couplet sur la grandeur de la salle et le raffinement des mets qui provenaient d'un traiteur réputé. Virginia enchaîna sur la classe et l'élégance des invités et notamment sur le costume noir agrémenté d'un nœud papillon bleu roi de Vic Sanders.
— Il n'a pas arrêté de nous parler de toi. Il était déçu de ton absence, conclut-elle.
Vivianne la rabroua :
— Suffit ! Il était effectivement désappointé que tu n'aies pas eu l'amabilité de venir, Dillon. Je lui ai expliqué que tu étais malade.
— Il fête son anniversaire mi-octobre, et nous sommes tout les quatre les bienvenus, annonça Virginia, incapable de contenir son excitation.
— Je compte bien le faire tomber dans mes filets cette fois, intervint Violetta.
— L'occasion sera plus propice. Ce ne sera pas formel, comme ce soir, assura Vivianne.
— Je pourrai venir, alors ? ne put s'empêcher de lancer Dillon, sans trop y croire.
— Nous verrons, répondit Vivianne froidement. Allons, nous coucher maintenant.
 

Le lendemain Vic Sanders téléphona pour prendre des nouvelles de Dillon qui se retrouva à prendre la communication devant une Vivianne mécontente.
— J'ai appris que tu étais malade. Enfin, ça, c'est la version de ta belle-mère. Tes sœurs étaient plutôt d'avis que tu avais honte de venir en jeans et t-shirt.
Comme Vivianne était là, à écouter, Dillon ne pouvait rétablir la vérité.
— C'est compliqué, fut tout ce qu'il trouva à dire.
— Je compte sur toi pour ma soirée d'anniversaire, à moins que tu ne sois vraiment cloué au lit avec une fièvre de cheval. Aucun costard exigé !
— J'aimerai vraiment venir, assura Dillon.
— Formidable ! Et sinon, tout se passe bien avec ta famille ?
— Ça va...
— Bien. A très bientôt.
Il raccrocha. Dillon reposa lentement le combiné, heureux de l'avoir entendu. Même au téléphone, l'assurance de Vic se sentait.
Dillon était déterminé à la revoir encore une fois, cette fête d'anniversaire était une chance
inespérée qu'il ne voulait laisser passer. Vivianne était réticente, mais elle finit par se résoudre à ce que Dillon y aille pour sauvegarder les apparences. Elle réalisait qu'il aurait été curieux qu'il soit encore malade. Elle ne voulait toutefois ni qu'il porte ses habits usuels ni débourser un centime pour lui en acheter de nouveaux, alors elle lui intima de se débrouiller. Elle posa aussi comme condition qu'il ne reste au plus tard que jusqu'à minuit.
Dillon accepta et s'arrangea finalement du mieux qu'il put avec un vieux costume gris de son père dont il allongea les manches de veste et le pantalon à l'aide des chutes d'une jupe anthracite. Ce n'était pas les mêmes teintes, mais cela faisait comme des bordures et ne rendait pas trop mal.

lundi 23 mars 2015

Contes modernes - 16

Les invitations arrivèrent au courrier le surlendemain. Elles étaient nominatives. Vivianne s'extasia sur le papier luxueux. Violetta et Virginia s'enthousiasmèrent à l'idée de faire les magasins pour acheter de nouvelles robes. Dillon, lui, se réjouit silencieusement de cette occasion de revoir Vic. Vivianne cependant l'informa assez vite qu'il était hors de question qu'il vienne :
— Tu nous ferais honte avec tes nippes.
— Je pourrais arriver après vous, suggéra Dillon.
Tant pis s'il se payait l'affiche avec son jeans usé aux genoux, son sweat-shirt au col mangé et ses chaussures à bordures en fourrures trouvées dans les poubelles, pourvu qu'il puisse le voir encore une fois.
— Ça ne marcherait pas, contra Violetta. Notre hôte sait que tu es avec nous.
— Même si tu parvenais à avoir une tenue correcte, je ne tiens pas à ce que tu nous accompagnes, déclara Vivianne.
Cela avait le mérite d'être clair.
Pour la première fois depuis qu'il avait réintégré l'appartement grâce à Vic, Dillon osa discuter. Cela déplut à Vivianne.
— Tu ferais mieux de te concentrer sur ta recherche d'emploi au lieu de ne songer qu'à t'amuser. Ton père et moi, nous n'allons tout de même pas te loger et te nourrir à ne rien faire jusqu'à tes trente ans.
« Ne rien faire » était définitivement de trop et, à vingt-trois ans, Dillon avait encore de la marge. Cependant, le pire dans tout ça, c'est que lui aussi souhaitait ne plus dépendre d'eux et ne plus avoir à risquer de se retrouver sans toit parce qu'il avait le malheur de déplaire à Vivianne. Seulement, pour toutes les annonces qu'il trouvait, deux années d'expériences étaient demandées, or comment les avoir si nul ne lui donnait la chance de débuter ?
— Maman, tu exagères. Il aide pour le ménage et les lessives. Sans lui, c'était le souk, intervint Virginia.
— La saleté, il s'y connaît, oui, reconnut Vivianne d'un ton qui ne déguisait pas son mépris.
Le double sens de ses propos n'échappa pas au jeune homme. Elle le trouvait dégoûtant. Mortifié, Dillon n'insista plus.
Ne pouvant toutefois tout à fait renoncer, il se demanda comment obtenir des habits corrects. Il savait coudre, c'était d'ailleurs lui qui faisaient les ourlets des jupes, robes et pantalons de Vivianne, Violetta et Virginia, mais il n'était pas capable de se confectionner un costume... Il songea aussi à emprunter des habits dans l'armoire de son père, mais renonça. Ils n'avaient pas du tout le même gabarit. Son père n'était pas très grand et un peu fort, là où  le jeune homme était maigre et élancé.
Dillon finit donc par renoncer, tentant de se persuader que c'était pour le mieux, même s'il était triste.
    Ce fut dur malgré tout de regarder les trois femmes se pomponner et se préparer à partir à la soirée.
Après leur départ, Dillon replongea dans les offres d'emploi. Il n'avait toujours eu aucune réponse. Son profil ne semblait intéresser personne ou bien c'était ses lettres de motivations qui clochaient. Il finit par se coucher sur le canapé, le  cœur lourd et mit longtemps à s'endormir.

vendredi 20 mars 2015

Contes modernes - 15

La veille de la venue de Vic Sanders, Vivianne emmena ses filles chez l'esthéticienne et la coiffeuse. Elles avaient déjà dévalisé les magasins au préalable, achetant de nouvelles tenues et chaussures assorties. Dillon, lui, avait eu une longue liste de courses à faire et un menu compliqué à préparer.
Le matin, Vivianne enjoignit ses filles à se montrer charmantes et recommanda à Dillon d'être pour ainsi dire transparent.
Comme elle insistait lourdement, Dillon, plongé dans la préparation des soufflés fromage-épinards, promit. Il ne voulait pas retourner à la rue. Tant qu'il n'avait pas décroché de job et mis suffisamment d'argent de côté pour se payer un loyer, il était obligé d'être conciliant. Hélas, pour le moment, il n'avait reçu aucune réponse à toutes ses candidatures. Ni oui, ni non, rien.
 
Quand Vic Sanders arriva, Dillon était encore au cuisine. Il aurait bien tout lâché pour aller le voir, mais il devait surveiller la cuisson des soufflés afin que ces derniers ne soient pas tout aplatis.
Quand il put enfin se rendre au salon, il vit Vic, un verre à la main, installé sur le canapé, encadré par Virginia et Violetta, toutes pimpantes et souriantes. Vivianne lui tendait des biscuits apérifs.
— Dillon ! Tu as l'air en forme, commenta Vic.
— Tu aurais pu venir saluer monsieur Sanders plus tôt, commenta Vivianne avec une parfaite mauvaise foi.
Dillon ne répliqua pas, même si l'envie l'en démangeait. Il avait trop à perdre.
— Appelez-moi, Vic, je vous en prie.
— Oh, que c'est aimable à vous, répondit Vivianne, tout sourire.
Elle monopolisa la conversation, se débrouillant pour soutirer des informations à Vic sur son travail et ses finances, tout en mettant en valeur les atouts de ses filles. Elle était douée pour les mondanités, elle l'avait toujours été. Quand il s'agissait de paraître, elle n'avait pas son pareil.
Une fois qu'ils furent passés à table, Dillon fit le service, soutenu par Violetta et Virgina, chose rare. Vic complimenta la nourriture et Vivianne prétendit sans vergogne que c'était ses filles qui avaient tout préparé. Ni Violetta ni Virginia ne démentirent, même si la seconde jeta un regard gêné à son frère par alliance.
Au cours du repas, Vic s'adressa à plusieurs reprises à Dillon, mais toujours Vivianne répondit pour lui ou se débrouilla pour détourner l'attention de Vic si bien que quand ce dernier manifesta qu'il était temps pour lui de partir, Dillon avait tout au plus pu lui dire deux mots. En dépit des manigances de Vivianne pour caser ses filles, il était content car il avait pu en apprendre plus sur lui, mais si c'était plus sur son travail que d'autre chose.
— J'espère que nous aurons le plaisir de vous recevoir à nouveau, répéta Vivianne comme Vic enfilait son manteau.
— Ce serait plutôt à moi de vous recevoir... J'organise prochainement une soirée pour fêter la réussite du lancement du nouveau produit PMDTX.
— Nous serons ravies de venir.
— Alors, je vous ferai envoyer les invitations avec tous les détails. A bientôt.

Couvertures Le Garçon fée II et III et Au Zoo Interpanétaire

Mes exemplaires de tests sont commandés ! 
Une fois que je les aurais reçus, il reste évidemment encore de la relecture à faire pour éliminer les dernières erreurs qui pourraient encore se cacher. 
En attendant, voici les couvertures (susceptibles de modifications au niveau des couleurs si elles rendent mal à l'impression)

jeudi 19 mars 2015

Contes modernes - 14

Avec ça, Dillon fut de retour à l'appartement comme s'il n'était jamais parti. Des choses avaient cependant changé. Lui, d'abord : il se savait désormais sur un siège éjectable. Le nouveau canapé reflétait d'ailleurs parfaitement cet état : ses pieds en dépassaient et en raison de son étroitesse, il s'était retrouvé par terre à plusieurs reprises.
Vivianne était plus froide et plus hautaine avec lui qu'auparavant. Elle ne s'adressait à lui que pour lui assigner une corvée ménagère. Dans les listes de courses, les carottes ne figuraient plus jamais, de même que tout les fruits et légumes de forme phallique. Elle aurait aussi dû éliminer les bouteilles, notamment certains shampoings, si elle avait vraiment voulu lui ôter toute possibilité de se masturber, ce que Dillon s'était bien gardé de lui faire remarquer. Il ne voulait plus jamais aborder ce sujet avec elle. Il n'était plus question qu'il se masturbe dans l'appartement.
En parallèle avec le grand nettoyage dont on avait besoin l'appartement, Dillon se relança dans la recherche d'emplois, multipliant les envois de candidatures. Le souvenir de Vic Sanders le hantait dans toutes ses occupations. Son sourire, son assurance, le moment où il l'avait aidé à enfiler la chaussure... Sans cesse, il y pensait et il finit par comprendre qu'il était tombé amoureux. Il avait envie de le revoir désespérément. Il ne se faisait cependant guère d'illusion : Vic Sanders, même s'il préférait à priori les hommes, ressentait, au mieux, de la pitié à son endroit.

A mesure que les jours s'écoulaient, les rapprochant du dîner avec Vic Sanders, les raisons qui avaient motivé Vivianne à se ranger à son avis concernant Dillon se firent plus claires. Vic Sanders était le PDG d'une boîte d'informatique montante, PMDTX, dont le luxueux costume ne laissait guère de doute sur sa réussite. Vivianne comptait qu'il épouse une de ses filles. Elle souhaitait pour elles le meilleur, ce qui impliquait, selon elle, un riche mari. C'était d'ailleurs pour cela que Violetta et Virginia, malgré leur manque d'intérêt pour l'informatique, étaient inscrites dans une coûteuse école d'ingénieur.
Dillon faillit l'informer que Vic Sanders était gay, mais finalement s'abstint, craignant que sa belle-mère n'annule tout. Virginia qui avait fini par comprendre au milieu de tous les mensonges de Vivianne que c'était Dillon qui le premier avait fait connaissance de Vic Sanders émit l'hypothèse qu'il soit gay lui aussi, mais Vivianne contre argumenta avec une telle conviction que Dillon se demanda presque si ce n'était pas lui qui avait mal interprété les propos de Vic sur sa sexualité. Il n'avait pas dit qu'il était gay après tout, juste parlé de « préférences sexuelles. » Peut-être faisait-il alors référence à des goûts particuliers tels l'échangisme ou le fétichisme...

mercredi 18 mars 2015

Contes modernes - 13

Vic Sanders les salua, les gratifia encore d'un sourire éclatant, et il quitta l'appartement.
— File te laver, toi et tes affaires ! Après tu feras le ménage de fond en comble ! Je veux que tout brille ! s'écria aussitôt Vivianne.
Dillon acquiesça. Il était soulagé d'avoir à nouveau un toit au dessus de sa tête. Tant pis si Vivianne le traitait sans la moindre considération. Ce n'était que temporaire, avec une adresse, ses chances d'obtenir un emploi étaient meilleures.
Dans la salle de bain, des moisissures noires s'étaient installées entre les carreaux et le miroir au-dessus du lavabo était si sale qu'on y voyait trouble. Il le nettoya en premier et découvrit son visage et ses cheveux châtains comme gris de poussière. Rien de plaisant à regarder.
Il se doucha, se frottant énergiquement. C'était un bonheur de sentir l'eau chaude ruisseler sur tout son corps. C'était presque jouissif. Il ignora cependant sa légère excitation. Il ne s'était plus masturbé depuis le jour où il avait été jeté dehors en partie à cause de cela. Cela lui avait coûté trop cher, mais cela lui manquait.
La douche prise, il dut remettre des habits d'une propreté douteuse. Cela lui répugnait, mais il n'avait rien d'autre à se mettre.
En sortant de la salle de bain, il tomba sur Vivianne qui s'apprêtait à sortir :
— Que tout son propre quand je serais rentrée, déclara-t-elle.
Un tour rapide de l'appartement apprit à Dillon que cela risquait d'être difficile. Il y en avait pour des jours à tout nettoyer. Il y avait une montagne de linge à sale et en venir à bout promettait d'être long. Les lits étaient défaits dans les chambres, l'évier débordait de vaisselle dans la cuisine, les vitres étaient ternies et tout était poussiéreux, partout.
Si Dillon n'avait pas manqué à Vivianne, ses capacités ménagères, oui.
A leur retour, Violetta et Virginia se précipitèrent sur lui. Elles ne le laissèrent cependant pas placer un mot.
— C'est vrai que tu es homo ? demanda Violetta.
— Que tu étais parti vivre avec ton petit copain ? enchaîna Virginia.
— En tout cas, c'est bien que tu sois de retour parce que sans toi, c'est dur de gérer les lessives, déclara Violetta.
— Tes bons petits plats nous manquaient, enchérit Virginia.
Son père, quand il rentra exceptionnellement ce soir-là, à 21h30, s'étonna de sa présence :
— Alors, finalement, ta collocation avec ta copine n'a pas fonctionné ?
Vivianne vint aussitôt accaparer son père et Dillon n'eut pas à répondre. Elle avait menti à ses filles comme au père de Dillon. 

mardi 17 mars 2015

Contes modernes - 12

— Merci beaucoup de me recevoir.
— Mais de rien, monsieur Sanders, même si j'avoue ne pas bien comprendre ni le but de votre visite ni votre lien avec Dillon, répondit Vivianne.
— Je viens de le rencontrer ce matin. Sans doute allez-vous trouver que je me mêle ce qui ne me regarde pas, mais nous avons un peu parlé lui et moi et...
Vivianne le coupa :
— Je ne sais pas ce qu'il vous a raconté, mais je ne l'ai mis à la porte sans ressources ! Je suis une bonne chrétienne ! Vous a-t-il seulement dit dans quelle situation je l'ai surpris, en train de se sodomiser avec une carotte au beau milieu du salon ?
Dillon aurait voulu mourir. La honte, ce n'était pas grand chose par rapport au froid et à la faim, mais c'était douloureux aussi. Même si Vic Sanders avait laissé entendre qu'il était gay, cela ne voulait pas dire qu'il allait trouver cela formidable de se masturber avec des légumes, surtout que Vivianne avait présenté les choses de la façon la pire possible. Dillon croisa le regard bleu lumineux de Vic Sanders, plein de reproches lui sembla-t-il, et se plongea aussitôt dans la contemplation de ses chaussures à bordures fourrées trouvées dans les poubelles.
— Il y a de quoi être choqué, en effet, et il ne m'avait pas précisé avoir reçu quoi que ce soit de votre part, répondit Vic Sanders.
La gorge de Dillon se serra. Il n'aurait pas dû le suivre et croire aux miracles. Il recula d'un pas.  

Vivianne fit un laïus contre les homosexuels. Vic Sanders l'écouta, puis déclara :
— Tout de même, c'est de votre beau fils dont il s'agit. Vous avez le droit de ne pas apprécier, de refuser qu'il fasse quoi que ce soit de sexuel sous votre toit, mais vous pourriez lui laisser le temps de quitter le nid familial correctement.
Vivianne mentionna à nouveau la carotte et son choc. Dillon se demanda pourquoi il restait là, à subir ça, mais il le savait très bien : Vic Sanders. L'homme le fascinait de plus en plus. Ce n'était pas tant son physique, même s'il avait un sourire séduisant, que sa façon d'être.
— Et si vous l'aviez retrouvé en train de baiser une citrouille, ça aurait été pareil ou mieux ?
Dillon n'en crut pas ses oreilles. Vivianne parut suffoquée et Vic Sanders en profita pour continuer : d'abord, il s'excusa de sa grossièreté, puis cita un passage de la Bible sur le pardon et enfin suggéra à Vivianne d'accueillir à nouveau Dillon sous son toit.
Comme Vivianne gardait le silence, Vic Sanders reprit, après un regard à sa montre :
— Bien sûr, ce n'est pas facile pour vous, mais cela ne l'est pas non plus pour lui. Mais pourquoi ne pas lui donner une autre chance ? Si vous le souhaitez, nous pourrions encore en discuter plus tard, mais il va falloir que j'aille à mon travail... ce qui me fait penser que je ne vous ai pas donné ma carte.
Il la sortit de la poche de sa veste et la tendit à Vivianne qui la prit et se fit soudainement plus aimable :
— Vous savez, je suis contente que vous l'ayez ramené, car je regrettais de m'être laissée guider par mon indignation première.
— Vraiment ? Tout est bien qui finit bien alors.
— Parfaitement, et d'ailleurs monsieur Sanders, pour vous remercier, je souhaiterai vous inviter à dîner le week-end prochain. Seriez-vous libre?
— Ce n'est pas nécessaire...
— J'insiste. Vous nous feriez plaisir, n'est-ce pas Dillon ?
Le jeune homme acquiesça, même si l'attitude mielleuse de Vivianne ne lui disait rien qui vaille.  Il voulait revoir Vic.
— Je suis pris la semaine prochaine...
— Dimanche dans quinze jours, alors ?
— C'est entendu. Je dois vous laisser à présent.

lundi 16 mars 2015

Contes modernes - 11

Il y eut un silence, puis Vic Sanders lui demanda son âge, s'il avait des frères et sœurs, depuis combien de temps il vivait avec sa belle-mère, ses études... Dillon répondit du mieux qu'il put aux questions, sans en poser en retour. Il éprouvait pourtant de la curiosité envers Vic Sanders, mais ne se sentait pas en position de l'interroger.
Quand le taxi arriva, le chauffeur se montra réticent à ce que Dillon monte dans sa voiture, mais Vic Sanders le convainquit en lui donnant d'office de quoi nettoyer les sièges arrières de son véhicule.
Dillon était affreusement gêné, mais il pouvait rien faire. Il n'aimait pas la crasse, mais ce n'était pas comme s'il avait pu s'offrir le plaisir d'une douche chaude ces derniers mois et il n'avait pas non plus les moyens de rembourser Vic Sanders.
Durant le trajet, ce dernier continua à chercher à en apprendre plus sur la famille de Dillon qui parla de Violetta et Virginia, les deux filles de Vivianne. La ressemblance des prénoms amusa Vic.
— Et avec moi, te voilà en présence d'un nouveau « Vi. »
Dillon hocha la tête. C'était si étrange que quelqu'un s'intéresse à lui.
Le taxi les arrêta au pied de l'immeuble. Vic Sanders descendit et paya tandis que Dillon sortait à son tour. Il avait comme un nœud dans l'estomac et une furieuse envie de faire demi-tour. Une petite voix en lui lui murmurait que cela ne pouvait pas bien se passer. Cependant Vic Sanders l'enjoignit à lui montrer le chemin et Dillon obéit. Vivianne risquait de refaire une scène. Insulterait-elle Vic Sanders ? Dillon suggéra qu'ils prennent l'escalier plutôt que l'ascenseur, histoire de retarder la confrontation. Vic Sanders ne discuta pas, mais  grimpa les marches quatre à quatre et incita Dillon à se dépêcher.
A la porte de l'appartement, Vic Sanders sonna  sans hésiter. Il respirait l'assurance et la classe. Vivianne ouvrit, habillée avec élégance, mais un peu échevelée.
— Vous avez oublié quelque chose, les filles ? Oh, pardon, monsieur, ajouta-t-elle avant de voir Dillon et de se crisper.
Vic lui adressa un beau sourire, se présenta et demanda à entrer pour lui parler au sujet de Dillon. Le jeune homme s'attendait à ce qu'elle refuse aussi sec, mais après avoir jaugé Vic Sanders du regard, elle l'invita à venir s'asseoir dans le salon, s'excusant du désordre. Elle n'adressa en revanche pas un mot à Dillon qui resta sur le seuil, indécis. Vic Sanders qui l'avait déjà franchi lui fit signe de la main et Dillon mit timidement un pied à l'intérieur, puis deux avant de refermer la porte. Vivianne, sans se préoccuper de lui, était en effet déjà partie dans le salon qui était dans un état indescriptible : des vêtements sales traînaient par terre, des miettes constellaient la moquette, la corbeille à papier débordait.
Le canapé avait changé. Il était désormais noir, étroit et petit. Vivianne le dégagea prestement en ôtant une pile de magazines et deux robes de chambre qui avaient été négligemment jetées dessus.
Vic s'installa, Vivianne fit de même. Dillon resta debout. Il n'était pas à son aise, pas du tout.

lundi 2 mars 2015

Contes modernes - 10

Il le regarda s'approcher de lui, halluciné. L'homme brun, dans la trentaine, le nez aristocratique, arrivé devant Dillon, posa à terre la chaussure bordée de fourrure et déclara avec un éblouissant sourire :
— Je crois que c'est à toi. Coup de chance pour toi elle n'a pas souffert du passage des voitures. Elle a dû passer entre les roues.
— Merci, murmura Dillon, en tentant de remettre le pied dedans, sans se baisser, se refusant à quitter l'inconnu des yeux.
L'homme s'agenouilla et l'aida avant de se redresser.
— Elle est un peu grande, non ?
Dillon hocha la tête, incapable de prononcer un mot. C'était tellement incongru que cet homme élégant se soit donné la peine de récupérer sa chaussure, de la lui ramener et de mettre un genou sur le trottoir dans son élégant costume pour le lui enfiler.
— Pardonne-moi ma curiosité déplacée, mais pourquoi tu es à la rue ?
Dillon garda le silence. L'homme ne bougea pas, le fixant de ses yeux bleus brillants.
Dillon, n'ayant de toute façon rien à perdre, répondit finalement sans entrer dans les détails :
— Je suis gay.
— Une médiation extérieure pourrait donc peut-être arranger les choses.
— Mon père n'en a jamais rien eu à faire de moi et ma belle-mère ne veut plus me voir.
— Admettons que tu aies raison. Cela te dérangerait que je t'accompagne et que je leur parle ?
— Mais pourquoi feriez-vous cela ? demanda Dillon, ne pouvant s'empêcher de songer que l'homme en face de lui était fou.
Non seulement il avait ramassé sa chaussure, mais il ne s'était pas contenté de lui rendre, non, il avait touché sa cheville pour lui remettre le pied dedans et engagé la conversation avec lui.
— Quand j'étais adolescent et que j'ai annoncé à mes parents mes préférences sexuelles, cela a mal tourné et je suis parti en claquant la porte, assurant que je saurais m'en sortir seul. En fait de débrouillardise, je me suis assez vite réfugié chez mon oncle maternel auxquels mes parents avaient toujours reproché ses mœurs libres. Il est bi. Eh bien, mon oncle m'a ramené au bout de quelques jours et nous a obligé à discuter calmement, ce qui a permis de tout dénouer. Je lui en suis éternellement reconnaissant. Depuis quand tu es dehors ?
— J'ai été mis à la porte il y a soixante-huit jours. J'ai essayé une fois de rentrer, mais...
— Ça n'a pas marché, termina pour lui l'homme. Allons-y !
— Maintenant ?
— C'est la bonne heure, tu ne crois pas ? Le matin, tôt. Ils ne sont peut-être pas encore partis travailler.
— Mon père doit être en déplacement.
— Et ta belle-mère ?
— Elle a un job à temps partiel.
L'homme sortit de la poche de son costume un mobile et appela un taxi.
Dillon ne savait trop comment réagir. L'inconnu avait tout décidé tout seul et lui se faisait entraîner presque malgré lui. La rencontre avait un côté trop beau pour être vraie, pile au moment où il était au bout du rouleau, ses derniers sous en poche.
— Et si elle ne veut rien entendre ? avança-t-il.
L'homme haussa les épaules.
— Il ne faut pas partir perdant comme ça. C'est le meilleur moyen d'arriver nulle part.
Dillon se tut, n'osant plus rien dire. Même si cela n'aboutissait à rien, c'était agréable que quelqu'un se soucie de son sort, même pour quelques minutes...
— Au fait, je m'appelle Vic Sanders et toi ?
— Dillon Grisan.
— Enchanté.


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PAUSE : Je suis malade... j'avais par ailleurs prévu de faire prochainement la pause.  
Retour le 16 mars pour la suite des Contes modernes.