vendredi 28 avril 2017

A travers les millénaires - 38

An 3001. Jem avait fêté la veille son seizième anniversaire avec plusieurs autres soldats de la base militaire. Cela avait été sobre, comme toujours, mais recevoir les vœux des uns et des autres était un plaisir, une sorte de petite victoire d'avoir survécu un an de plus dans cette guerre impitoyable contre le saturniens, les uraniens et les végaliens. Il avait eu le droit à une double part de dessert. Pas de cadeaux, bien sûr. Ce n'est pas comme s'il y avait dans les parages des boutiques pour acheter des choses.
Il n'avait d'ailleurs jamais rien reçu pour aucun de ses anniversaires. Sa mère qui l'avait mis au monde par obligation après avoir été inséminée artificiellement, n'avait jamais eu envie de lui offrir quoi que ce soit.
Il s'était pourtant revu recevoir un objet rectangulaire couvert de cuir. Enfin ce n'était pas vraiment lui, mais un autre lui-même. C'était un livre papier. Il n'en avait jamais vu ou entendu parler, mais il avait su ce que c'était. Il avait la certitude d'en avoir manipulé beaucoup et pas juste celui-là. Il en avait même écrit en tant que professeur d'histoire... Comme s'il y avait d'autres métiers que soldat ou mère !
Jem s'agita dans son lit. Il aurait voulu oublier ces images, mais il ne pouvait pas ou plutôt chaque fois qu'il en chassait une, d'autres arrivaient.
Il finit par comprendre que c'était des souvenirs, des choses qu'il avait vécu, mais dans une autre vie. Il s'était battu dans d'autres guerres, entre êtres humains. Et il avait aimé. Des visages se succédèrent dans son esprit.
Il se redressa, troublé. Il avait vécu trop peu d'années pour que sa mémoire de ses vies antérieures lui reviennent les dernières fois. Il n'avait faite que mourir encore et encore sur le champ de bataille. L'acide des entrailles de l'uranien lui explosant à la figure l'avait brûlé alors qu'il n'avait que treize ans. Le végalien l'avait coupé en deux. Il avait explosé, été tué par balle...
Il se mit en position fœtale sous la couverture. Cela faisait des siècles que son chemin n'avait pas croisé celui de son âme-sœur. Hoshi. Un humain transformé en saturnien. Il avait été son animal de compagnie jusqu'à son décès. Après quoi, il avait été empoisonné et enterré avec lui.
Jem déglutit. Il se remémorait de chacune de ses morts avec une acuité affolante. Il avait souffert. Il avait été heureux aussi, plus qu'à présent dans cet univers au goût d'armes et de sang.

jeudi 27 avril 2017

A travers les millénaires - 37

Et puis, ce fut enfin son tour d'être libéré. Hoshi était de retour, sain et sauf. Si Wen avait eu une queue, une véritable, il l'aurait agitée de bonheur. Ses genoux lui faisaient mal à force de frotter sur le sol aussi brillant que granuleux, mais il avançait à bonne allure, impatient qu'ils n'aient plus de public, car alors il saurait si Hoshi l'avait vraiment accepté.
Une fois chez le saturnien, il se mit debout et attendit sagement. Hoshi le regarda, puis réduisit à néant le vide qui les séparait et l'enlaça.
Wen sut que c'était bon. Il posa la tête sur son épaule.
— Tu m'as manqué.
— Toi aussi.
Ils étaient à nouveau un couple. Bien sûr, leur relation était inégalitaire, mais c'était presque un juste retour des choses. Le saturnien, à une époque, avait été son esclave gaulois après tout et il ne l'avait pas libéré.
Ce qui était à redouter, c'était surtout la mort de Hoshi que ce soit sur un champ de bataille ou de vieillesse. Il ne fallait pas se leurrer, les risques étaient élevés et Wen n'avait aucune envie de devenir le chien chien d'un autre saturnien.
— Est-ce qu'il est coutume pour les saturniens de faire des testaments?
— C'est une obligation même.
— Peut-être pourrais-tu demander que ton fidèle animal de compagnie soit enterré avec toi,  comme les rois dans l'Égypte ancienne...
— Mais c'est horrible.
— Ce serait bien mieux que d'avoir un autre maître, mieux que de te survivre.
L'anneau au-dessus de la tête de Hoshi vibra. Wen ne sut comment l'interpréter.
— Est-ce parce que tu sais que tu vas te réincarner que tu es aussi léger avec la mort ? Accordes-tu seulement de l'importance à toutes celles que tu as causées en tant que soldat ?
C'était une accusation terrible, mais Wen n'en voulut pas à Hoshi. Ce dernier avait été transformé en saturnien et se battait en fait contre sa propre espèce. Cependant, grâce à l'identité de saturnien qu'il avait prise, il  protégeait l'humanité d'une autre manière.
— Je déteste tuer et je suis soulagé de ne plus avoir à le faire, même si cela m'oblige à aller à quatre pattes pour le restant de mes jours. Et, à dire vrai, cette guerre qui n'en finit pas, me fait craindre le pire. Peut-être les humains cesseront d'exister. Peut-être allons-nous tous nous auto détruire et ma mort sera finale.
— Pardon, dit Hoshi, avant de coller sa bouche à la sienne. Je ferais comme tu veux, ajouta-t-il et il lui donna un autre baiser.

mercredi 26 avril 2017

A travers les millénaires - 36

Dans la cage où il fut enfermé, il y avait  une soixantaine d'hommes assis, l'air défait et le regard éteint ou hanté. Ils étaient nombreux à porter des marques de coups. Wen aurait aimé échanger avec eux, mais il savait qu'il serait battu s'il parlait, alors il garda le silence. Il se sentait coupable de sa lâcheté, mais il n'était pas là pour tenter d'organiser une rébellion. Il voulait survivre pour être avec Hoshi.
Comme il n'y avait rien à faire, il laissa ses pensées vagabonder. D'abord, il s'évada dans ses vies passées, puis il imagina ce qui se passerait s'ils perdaient la guerre et que les saturniens décidaient de généraliser ce système d'humains de compagnie. Il lui semblait qu'en deux ou trois générations, les humains pourraient perdre leurs langues, et peut-être désapprendre à se tenir debout.
Même si c'était toujours mieux qu'une extinction totale de l'humanité, il préféra mettre cette terrifiante hypothèse de côté pour revenir à la manière dont Hoshi et lui s'étaient quittés.
Puisqu'il lui avait fait l'amour parce qu'il partait combattre, quand – et non si – il reviendrait, ne risquait-il pas de faire machine-arrière ? Wen ne pouvait qu'espérer qu'il n'en serait rien et qu'ils allaient pouvoir être heureux ensemble malgré la folie meurtrière qui s'étaient emparés du monde et ce système pervers d'humains de compagnie.
Il était déprimant d'attendre à ne rien faire au milieu de ces hommes qui n'en étaient plus tout à fait, mais au moins il n'avait plus personne à tuer.
Deux vies de suite à guerroyer, c'était trop. A dire vrai, sa toute première expérience en tant que soldat dans l'antiquité lui avait largement suffi.
Wen s'égara à nouveau dans les méandres du passé. Il avait de quoi faire, tant de beaux souvenirs à se rappeler. Ewen le gaulois l'essuyant à la sortie du bain. La soutane de Théodebert soulevé par le vent... C'était parfait pour s'évader de ce passé déprimant et de cet avenir qui s'annonçait sombre, éclairé toutefois par la présence de Hoshi.

Les jours passèrent longs et sensiblement identiques les uns aux autres, entouré de ces hommes qui avaient été forcés d'endosser le rôle d'animaux. Le silence régnait si ce n'est quelques reniflements, bâillements, soupirs et raclements de gorge. Il y avait aussi les bruits de déglutitions quand les repas étaient servis. Les moments les plus animés étaient quand un « maître » venait chercher son « animal. » Il était visible que certains auraient préféré périr d'ennui entassés dans la cage plutôt que de retourner avec leur propriétaire saturnien.  L'un d'eux avait hurlé et s'était débattu, mais le saturnien avait tiré sur sa laisse d'une main ferme et lui avait donné quelques décharges électriques. Wen assista également à une adoption. Le jeune homme aux longues oreilles et à la peau tachetée de bleus  suivit en tremblant son nouveau maître. Wen souhaita mentalement que ce saturnien-là soit moins sadique. .

mardi 25 avril 2017

A travers les millénaires - 35

Le panneau refermé, Wen s'empressa de se relever et enfila une des tuniques de Hoshi. Les jours précédents, il avait paradé dans sa glorieuse nudité, escomptant donner envie au saturnien de lui sauter dessus, mais sans succès.
Comment avait-il réussi dans les vies précédentes ? Il avait forcé, cajolé, persévéré, patienté... En amour, l'expérience n'était pas si utile que cela. Chaque fois était unique.
— Je t'avais prévenu, déclara soudain Hoshi, brisant le silence qui s'était installé entre eux.
— Oui.
— Tu regrettes ?
— D'être resté avec toi ? Jamais.
— Même si nous ne formons pas un couple, comme tu voudrais ?
— Oui. J'ai bon espoir que tu finisses par m'accepter comme je suis, dit Wen en montrant son corps d'adolescent mince et musclé à la peau citronnée.
— Tu es si jeune...
— Pas tant que cela. Enlace-moi et éblouis-moi.
Hoshi s'avança et lui effleura la joue du bout des doigts comme lui-même l'avait fait, il y a des années de cela, en le sortant de sa cellule. 
Wen retint son souffle tandis que le visage du saturnien s'approchait du sien et enfin, leurs lèvres se joignirent à nouveau. 
Les mains de Hoshi glissèrent sur ses fesses et Wen songea qu'il aurait mieux fait de ne pas se rhabiller.
Une part de lui se demandait pourquoi Hoshi avait enfin décidé de franchir le pas, l'autre s'en moquait, tout au bonheur de leur intimité retrouvée.
Hoshi le fit s'allonger sur la couchette, souleva sa tunique et le caressa franchement, comme un homme désespéré.
— Tu pars en mission demain, n'est-ce pas ? 
Le saturnien plus vrai que nature se figea un instant, puis sans confirmer ni nier, continua à goûter sa peau.
Wen abandonna et profita de l'instant. Le passé avait beaucoup d'importance, l'avenir aussi, mais ce qui comptait, c'était le présent et pour le moment, il était dans les bras de Hoshi.
Quand ils s'unirent enfin, Wen s'accrocha ses épaules comme un naufragé à son radeau et Hoshi lui fit voir des étoiles.

    Le lendemain, il le conduisit à la réserve, et le confia à des mains étrangères après lui avoir ébouriffé les cheveux. Wen voulait croire que ce n'était pas la dernière fois qu'ils se voyaient. Hoshi n'avait pas survécu toutes ses années pour lui être arraché aussi vite après les retrouvailles, pas encore. En même temps, c'était la guerre, cruelle et imprévisible.

lundi 24 avril 2017

A travers les millénaires - 34

— Tu embrasses comme lui, souffla Hoshi tout contre ses lèvres.
— Je suis lui et flatté que tu te souviennes des derniers que je t'ai donné.
— Tu es lui sans l'être, rectifia Hoshi.
Wen soupira.
— Seule l'enveloppe est différente.
— Et pourtant tu n'as eu ni les mêmes parents, ni la même éducation.
— En effet et je suis puceau. Je compte cependant sur toi pour y remédier.
— Toujours pressé de conclure.
— Oui, je n'ai pas changé sur ce point. J'aime unir nos corps et nos âmes. Et toi, tu as toujours tendance à couper les cheveux en quatre.
— Laisse-moi un peu de temps pour m'habituer, d'accord ?
Wen acquiesça, même s'il doutait une fois de plus qu'ils en aient. La longévité des humains de compagnie ne devaient pas être bien longue, même si dans son cas Hoshi prendrait soin de lui et ne s'amuserait pas à le frapper ou l'affamer.
— Merci.
— Tout ce qu'il te plaira, mon cœur.
C'était en quelque sorte la première fois que son âme-sœur était confronté à une autre incarnation de celui qu'il aimait. Dake lui avait confié qu'une fois que la mémoire de leur première rencontre lui était revenue, Iol lui avait manqué terriblement. Ce n'est qu'après qu'il avait réalisé que Noah et Iol ne faisaient qu'une seule et même personne en dépit des apparences.

    Wen ne mit pas longtemps à étouffer, confiné dans les quartiers de Hoshi. Ce dernier désertait la plupart du temps et quand il s'y trouvait, son souci de garder les distances était dur à supporter.
Wen réclama donc une promenade. Hoshi tergiversa, puis céda. Il lui fixa une bandeau orné de petites oreilles velues et une laisse à son collier et ils partirent, Wen, nu et à quatre pattes, Hoshi debout et habillé.
Wen se sentait parfaitement idiot. Renoncer d'une certaine façon à son humanité n'avait rien de plaisant, de quoi réaliser à quel point cela devait être dur pour Hoshi d'être devenu un saturnien alors qu'à la base il était un terrien.
Ils croisèrent d'autres saturniens accompagnés d'humains contraints de marcher sur les mains et les genoux. L'un d'eux obligea un grand gaillard affublé d'oreilles tombantes canines à faire le beau pour un comprimé. Un autre battit le sien, lui donnant de violents coups de pieds dans le ventre. C'était affreux. Wen cependant n'avait pas le droit de demander à rentrer. Hoshi, heureusement, ne tarda pas à le reconduire dans sa pièce après cela.

vendredi 21 avril 2017

A travers les millénaires - 33

— Tu m'expliques en quoi cela consiste au juste d'être un humain de compagnie ? A part avoir un collier, marcher à quatre pattes et être muet comme une carpe...
— Une quoi ?
— C'est un poisson.
— Oh... Il n'y a pas vraiment de règles, mais ton rôle est désormais de divertir et d'obéir. Pas seulement à moi, hélas. Du moins chaque fois que tu quitteras cette pièce ou qu'un autre saturnien y entrera.
La notion de divertissement était floue, mais Wen n'était pas né de la dernière pluie, loin s'en faut, il devinait certains abus sexuels. Hoshi le lui confirma en évoquant des oreilles d'animaux et des queues qui se fixaient bien sûr dans les fesses, façon vibromasseurs.
Le propriétaire saturnien pouvait l'enclencher à sa guise et provoquer des érections à son humain de compagnie, en public si cela lui chantait. Aucune intimité n'était de mise pour rien : bonjour, les humiliations à répétition.
— Et quand tu pars au combat ou en mission, qu'est-ce que je deviens?
— Tu es envoyé dans la réserve. C'est une cage où les humains de compagnie sont envoyés en l'absence de leur propriétaire. Si je meurs, un autre saturnien peut t'adopter.
C'était déprimant, mais Wen tâcha de voir le bon côté des choses. Pour le moment, il était tranquille avec Hoshi.

    Il lui fallut encore plusieurs jours pour se rétablir complètement. Quand il voulut prendre dans ses bras Hoshi, ce dernier se déroba.
— Je suis Waldo et les autres. Tu es Hoshi, mais aussi Kuma... réexpliqua doucement Wen.
— Oui, je me souviens de ce que tu m'as raconté, mais tu n'es quand même pas complètement lui. N'as-tu jamais de nostalgie pour des vies passées ?
— Parfois, certaines sont plus agréables que d'autres, plus douces.
— J'aimerai me souvenir moi aussi, que ce ne soit pas juste des histoires, comme quand je m'appelais Dake. N'y-a-t-il pas moyen que le phénomène se reproduise, que moi aussi tout me revienne ?
Wen aurait aimé que cela soit possible, que son âme-sœur ne soit pas en quelque sorte à chaque fois frappé d'amnésie, mais selon lui, il n'y avait pas de méthode. Dake s'était souvenu quand il lui avait parlé de leur passé commun et souffert de maux de têtes terribles. Il avait aimé cette vie-là. Ils avaient eu leur lot d'épreuves bien sûr à cette époque où l'homosexualité continuait à déranger bien des gens de façon absurde, mais ils avaient été heureux, vieillissant ensemble. En dépit de leur différence d'âge, ils étaient morts dans les mêmes eaux. Dake s'était éteint à 80 ans  et Noah, juste après. Son cœur avait lâché paisiblement dans son sommeil. Ils avaient pu échanger sur leurs existences passées tout au long de leur existence, Dake en possédant comme lui les souvenirs. Leur toute première rencontre aussi l'emplissait régulièrement d'une profonde mélancolie. Ils étaient alors si différents physiquement...
— Wen ?
Il s'ébroua, rappelé au présent par la douce voix de Hoshi.
— Le mieux est de vivre maintenant. Je te raconterai encore tout depuis le début.
—  Mais ce n'est pas pareil...
— La mémoire finira peut-être par te revenir, mon cœur, répliqua Wen et l'attirant à lui, il l'embrassa.
Hoshi, d'abord tendu et réticent, finit par répondre avec ferveur à son baiser.

jeudi 20 avril 2017

A travers les millénaires - 32

Wen essuya un autre interrogatoire tout aussi violent que le premier. Hoshi ne parut pas, mais Wen préférait autant qu'il ne soit pas là pour assister à cela. Il lui faisait confiance.
Et, effectivement, le surlendemain, Hoshi revint et libéra Ghao après moult instructions et indications.
Wen souhaita bonne chance à l'adolescent qui rétorqua que c'était lui qui allait en avoir besoin.
— Je dois m'occuper du système de sécurité, mais j'ai posé ma demande, dit Hoshi à toute vitesse avant de s'éclipser à son tour.
Wen subit encore deux séances musclées durant lesquelles il ne déserra pas les dents en dépit de la douleur. Pas question de donner ce plaisir à ses saturniens sadiques. Ce qui l'aidait à supporter, c'était de se rappeler qu'il avait subi bien pire dans d'autres vies. Hélas, son esprit avait beau être fort, son corps lui résistait mal.
Quand Hoshi vint lui passer un collier autour du cou, Wen ne pouvait plus se lever.
— A moins d'être porté, je ne vais pouvoir aller nulle part.
— Ne parle pas ! lui intima Hoshi. Les animaux ne sont pas supposés le faire. Et débrouille-toi pour avancer à quatre pattes !
— C'est absurde... murmura Wen.
— Tais-toi ! Autrement, je vais être obligé de te punir.
Wen se le tint pour dit. Ils étaient sans doute surveillés. Il ramperait s'il le faut pour sortir d'ici, et pouvoir avoir une véritable discussion avec Hoshi entre quatre yeux. Mais à ce moment-là, les mots n'auraient plus autant d'importance parce qu'il l'embrasserait à perdre haleine. Ce ne serait pas bien dur parce qu'il manquait sérieusement de souffle avec ses côtés cassées.
L'idée lui arracha un sourire ironique et c'est en se traînant sur le sol qu'il suivit Hoshi jusqu'à ses quartiers.
Cela ressemblait beaucoup à ceux des militaires humains gradés avec une couchette, une douche une tablette, mais en plus étincelant. Wen s'effondra par terre. Arriver jusqu'ici l'avait achevé, le baiser devrait attendre et la conversation aussi. Hoshi lui fit avaler plusieurs comprimés de couleurs et de formes différentes.
Wen vécut les jours qui suivirent dans un état délirant avant de reprendre conscience de son environnement. Il était étendu sur une paillasse au pied de la couchette, Hoshi à genoux, lui changeait les patchs qu'il lui avait collé sur le corps.
— Merci d'avoir pris soin de moi.
— Tu as failli mourir. J'ai cru que j'allais te perdre encore.
Wen passa la langue sur ses lèvres craquelées et déclara :
— Il en faut plus pour venir à bout de moi. Et puis nous nous serions retrouvés de toute façon.
— Parce que tu te souviens, que tu me reconnais. Dois-je te rappeler que ce n'est pas mon cas ? Même maintenant, j'ai du mal à croire que tu sois mon Waldo. Tout est différent chez toi, si ce n'est tes yeux...
Wen grimaça. Hoshi n'acceptait pas la situation, pas vraiment. Apparemment, le séduire allait encore être de mise. Enfin, ce n'était pas grave, il avait l'habitude. Excepté qu'il n'était pas encore tout à fait en état.

jeudi 6 avril 2017

Pause

En raison de multiples soucis de santé, le prochain épisode ne sera posté que le 20 avril 2017.

mercredi 5 avril 2017

A travers les millénaires - 31

— Oui, c'est vrai. Une fois qu'ils auront eu le dessus sur vous, c'est l'avenir, selon certains saturniens. D'autres sont plus en faveur de l'esclavage, expliqua Hoshi.
— Ils sont bien optimistes concernant notre défaite, commenta Wen, songeant qu'entre les deux statuts, c'était Charybde ou Scylla.
— Il est question de former une alliance avec les végaliens. J'ai déjà communiqué les détails à Ghao, précisa Hoshi.
— C'est ainsi que tu transmets les informations. Astucieux...
— Es-tu sûr de vouloir être mon humain de compagnie ? Cela implique collier, tatouage et tout.
— Je sais que tu me traiteras bien.
— Oui, mais pas les autres. Ils s'étonneront d'ailleurs que je te prenne comme animal, car je me suis toujours prononcé contre.
— Et ta meilleure couverture, c'est normalement d'être ouvertement un pacifiste, limite sympathisant des humains, c'est cela ?
Hoshi acquiesça et ajouta :
— Il faut que j'y aille à présent. Je ne me suis que trop attardé. Ceux de la sécurité font finir autrement par se rendre compte qu'ils visionnent en boucle les mêmes images.
— Vas-y, dit Wen, s'en voulant d'avoir oublié ne serait-ce qu'un instant que Hoshi risquait gros s'il se faisait prendre, et que cela en serait alors fini d'eux.
Il avait été si heureux de lui parler, de le retrouver inchangé ou presque, d'avoir eu simplement à décliner son identité pour qu'il l'accepte.
Ils échangèrent un dernier regard, le mur coulissa et Hoshi disparut.
Animal de compagnie. Wen en avait vraiment été un, dans une autre vie. Être obligé de faire comme si et en être véritablement un étaient deux choses bien différentes cependant.
— Tu es un dingo de première. Réincarnation et tout le toutim... lâcha Ghao qui avait eu l'amabilité d'observer quelques minutes de silence.
— Tu te répètes, répliqua Wen.
— Mais je te crois.
Wen se demanda s'il ne se moquait pas de lui. Il pouvait compter sur les doigts de la main les fois où les gens avaient accepté qu'ils puissent se souvenir de toutes ses vies antérieures, sans exception.
— Je ne vois pas autrement comment tu pourrais vouloir devenir le toutou d'un saturnien. Parfois, je fais ce rêve où je suis une nana et autour de moi, il n'y a que des trucs qui n'existent plus depuis longtemps, c'est trop bizarre. Cela pourrait être moi quelques siècles plus tôt ?
— Oui. Peut-être. Je rêve parfois de mon passé, mais je souviens de tout, consciemment, tout le temps.
— De quoi te rendre fou, conclut Ghao.
Wen eut un sourire, l'adolescent avait beau avoir perturbé ses retrouvailles avec Hoshi, il lui était sympathique.

mardi 4 avril 2017

A travers les millénaires - 30

— Il faut bien mourir un jour, pour renaître et recommencer... Et soyons honnêtes, personne n'est en sécurité nulle part, pas tant que cette guerre durera. Si ce n'est pas des mains des saturniens, ce sera à cause des végaliens ou des uraniens...
— Tout le monde ne crève pas sur le champ de bataille, protesta Ghao.
Un puzzle d'images des différentes guerres qu'il avait connu se forma dans toute son horreur dans l'esprit de Wen. Épée, obus, pistolets, lasers... Toutes les armes semaient la mort.
— Oui, certains survivent, mais pourquoi ? Pour tuer plus de monde ? De ce que j'ai pu constater, loin de s'améliorer, les choses empirent. La pitié disparaît. Fini de se battre en quelque sorte à la loyale.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Comme moi, tu es soldat depuis deux-trois ans, tu as le même âge que moi, non ? demanda Ghao.
— 17 ans, à quelques millénaires près.
— C'est vraiment toi, Waldo... souffla Hoshi.
— Et je me souviens de tout. Ta peau était plus magnifique qu'un ciel étoilée les dernières fois que nous avons fait l'amour, mon cœur.
Même s'il ne pouvait le toucher, Wen leva ses mains menottées vers le grillage en direction du visage de Hoshi, ce qui lui arracha une grimace de douleur.
Hoshi sortit des cachets blancs et bruns de la poche de sa tunique et se débrouilla pour les leur passer.
— De quoi vous soigner et vous nourrir...
— Ah, enfin, j'en avais assez de vos conneries, grommela Ghao en croquant les comprimés.
— Tu n'as qu'à te boucher les oreilles, rétorqua Wen.
Il n'aurait pas craché contre un peu d'intimité et de liberté.
— Tu tiens vraiment à demeurer sur Saturne ? demanda Hoshi.
— Oui, si c'est pour être auprès de toi jusqu'à la fin de nos jours.
Ghao roula les yeux vers le plafond, soupira bruyamment et jeta :
— Ouais, eh bah, ils risquent d'être courts.
— Je ne t'ai pas demandé ton avis, s'énerva Wen.
Il regretta aussitôt son mouvement d'humeur. Il était stupide de se mettre Ghao à dos, mais à sa décharge, il n'était guère en état de réfléchir après tout ce que l'autre saturnien lui avait fait subir.
L'adolescent ne rétorqua rien et Hoshi, sans se soucier de son interruption, déclara :
— Je devrais te dissuader de rester, mais je n'ai pas envie que tu t'en ailles. Je voudrais passer du temps avec toi, apprendre à mieux te connaître. Et il y a une solution, enfin une option. Je peux te prendre comme animal de compagnie.
— Ce n'était donc pas une rumeur ! s'exclama Ghao qui décidément ne perdait pas une miette de la conversation.
Wen aussi avait eu des échos de cela, mais n'y avait pas accordé crédit. Il s'était apparemment trompé.

lundi 3 avril 2017

A travers les millénaires - 29

— Ce sont eux qui ont commencé. Tu as bien vu dans quel état j'ai récupéré mon fils. Son anneau lui avait été arraché ! Il lui manquait plusieurs doigts ! Non, le temps où nous échangions nos prisonniers intacts contre la chair de notre chair mutilée est révolu.
— Mais c'est l'escalade... argua Hoshi, montrant qu'il était en faveur de la paix.
— C'est eux qui l'ont voulu ! rétorqua le saturnien en assénant un nouveau coup à Wen dans la mâchoire.
C'était douloureux. Le saturnien continua à le brutaliser jusqu'à ce que la douleur fasse perde connaissance à Wen.

Quand il revint à lui, il était de retour dans la cage. L'autre prisonnier était roulé en boule sur lui-même, endormi ou inconscient.
Wen essaya de bouger pour se mettre dans une position plus confortable, et poussa un cri de souffrance. Il comprit que ses efforts étaient inutiles, il avait mal partout.
Hoshi apparut alors, son anneau flottant comme une auréole au-dessus de sa tête. Ghao ouvrit les yeux.
— C'est un des nôtres, Wen, même si on ne dirait pas. Tu as apporté des analgésiques ?
— Oui, et je vais tâcher de vous faire évader bientôt.
Il était toujours loyal aux humains.
— Hoshi, c'est moi... Waldo.
Le faux saturnien se figea. Rien ne pouvait évidemment se lire sur ses traits, mais Wen ne doutait pas qu'il soit en proie à une intense émotion.
Pour la première fois, son âme-sœur le connaissait déjà, l'avait déjà rencontré. Il avait une chance incroyable, bien plus que dans sa vie précédente...
— Je croyais que tu t'appelais Wen, intervint Ghao.
— Aussi, mais j'ai eu d'autres noms. Iol, Waldo, Wen et bien d'autres.
Hoshi tomba à genoux.
— Je te croyais, mais le vivre, c'est autre chose, murmura-t-il. Tu t'es donc réincarné.
— Oui.
— De quoi vous causer tous les deux ? Tu en es où de ton plan d'évasion ?
Ni Wen ni Hoshi ne se soucièrent de Ghao, trop occupés à se regarder.
Ghao grommela. Hoshi se remit debout et lui assura que cela avançait.
— Je ne veux pas partir, prévint Wen.
— Mais tu es taré ! s'écria Ghao.
— Oui, on a dû me le dire un bon millier de fois...
— Il a raison. Tu ne dois pas rester, autrement tu vas être battu, affamé et humilié, déclara Hoshi.