vendredi 29 mai 2015

Contes modernes - 56

Le lendemain soir, Jim revint quand même. Même si leurs sentiments n'étaient pas au diapason, il n'avait aucune intention de le quitter. Il se retint même de poser des questions à Ariel sur ce qui s'était passé avec Cain.
Le jeune homme lança le sujet de lui-même :
« Je suis désolé pour hier. Cain ne m'avait jamais rendu visite auparavant comme ça, sans me donner au moins un coup de fil. Il était bouleversé, c'était une évidence. Il s'est en effet passé un truc avec la personne grièvement brûlée qu'il interviewait. »
— Comment ça ?
« Je ne sais pas s'il voudrait que j'en parle. »
— Eh bien, ne le fais pas dans ce cas, répondit Jim.
Il avait voulu sa réplique désinvolte, mais son ton sec trahit son agacement. Il y eut un silence pesant entre eux avant qu'Ariel n'écrive finalement :
« Tu as fini de lire le roman de Cole Sorière que je t'ai prêté ? »
— Dévoré même.
Jim sourit, même si une part de lui était triste. Il se demandait si Ariel ne se leurrait pas lui-même en prétendant que Cain n'était qu'un ami pour lui.
Mû d'une impulsion subite, Jim reprit la parole et déclara :
— Je t'aime.
Ariel n'écrivit pas un beau « moi aussi » dans son carnet qu'il mit de côté pour l'embrasser. Tout en savourant sa bouche sur la sienne, Jim ne put s'empêcher de penser que c'était une façon d'éviter de répondre.

 
L'été s'acheva et Ariel reprit son poste à la piscine. Axelle n'y travaillant pas, Jim prit l'habitude d'y aller régulièrement afin de voir Ariel, même en journée. Il était complètement mordu du jeune homme, même si l'inverse n'était hélas pas vrai. Ariel ne paraissait en effet pas le moins du monde troublé par sa présence, il restait concentré sur son job. Nager à la piscine ne posait pas de problème à Jim : il n'y avait ni vagues ni méduses. Cependant, celui qui était comme un poisson dans l'eau, c'était bien Ariel...
Un coup de fil de Vic demandant à Jim s'il comptait finalement s'installer au bord de la mer lui fit réaliser qu'il devait agir. Il allait bien falloir qu'il rentre chez lui à un moment ou à un autre. Certaines affaires ne pouvaient pas se régler par mail ou au téléphone. Rien ne s'opposait vraiment à ce qu'il réside ici toute l'année durant, auprès d'Ariel, mais pas à l'hôtel, ce qui impliquait donc d'organiser son déménagement.

jeudi 28 mai 2015

Contes modernes - 55

Ils se mirent à faire l'amour régulièrement, ce qui souleva un problème inattendu : le jeune homme voulait également le pénétrer et Jim y était réticent. Il ne l'avait jamais été. Cela ne l'avait jamais tenté.
« Tu te prives de quelque chose »
— Je ne crois pas non. Cela ne me dit vraiment rien.
Ariel argumenta :
« L'inverse ne te dérange pas pourtant. »
— En effet, mais c'est différent, tu en as envie, toi, me semble-t-il.
Jim avait du mal à comprendre comment Ariel pouvait le désirer ainsi. Il savait bien sûr que certains couples alternaient les positions, mais lui ne se voyait pas être enlacé comme ça. Ce n'était pas que cela mettait en danger sa virilité ou quoi que ce soit. Ariel n'était pas moins masculin parce que Jim le pénétrait. Cela ne l'attirait pas tout simplement.
Ariel changea de sujet ce dont Jim lui fut reconnaissant. Et, par la suite, le jeune homme roux ne tenta nullement d'inverser les rôles, ce qui n'empêcha pas Jim d'y repenser.
Ce n'était hélas pas la seule ombre au tableau : d'un côté, Ariel voulait que Jim retourne se baigner dans la mer, ce qu'il refusait, de l'autre Jim tenait à exposer les dessins d'Ariel qui n'était pas d'accord.
Heureusement, Ariel n'insistait pas lourdement sur le sujet, suggérant juste de temps à autre à Jim de venir nager avec lui. Jim, pour sa part, ne revenait à la charge au sujet d'une exposition des œuvres d'Ariel que quand un dessin ou une peinture de ce dernier lui semblait trop magnifique pour n'être vu que par les proches du jeune homme.
L'un dans l'autre, ils s'entendaient bien. Ils partageaient une même passion pour l'art et, après lecture, Jim avait été conquis par la plume de Cole Sorière, dont il empruntait peu à peu les livres.

    
La fin août arriva. Il étaient très débraillés quand la sonnette retentit. Jim suggéra à Ariel de l'ignorer, mais la personne à la porte se fit insistante et le jeune homme, malgré Jim qui l'enjoignait à ne pas s'en occuper, rajusta ses vêtements en vitesse et alla ouvrir.
C'était Cain qui remarqua de suite la chemise ouverte de Jim et voulut partir, s'excusant de débarquer à l'improviste.
Jim eut un sourire ravi qu'il eût tôt fait de perdre, Ariel attirant son ami à l'intérieur.
Luttant contre l'impression désagréable qu'Ariel lui préférait Cain, Jim se mit à reboutonner sa chemise.
— Je vais rentrer, déclara-t-il, même s'il n'avait pas vraiment envie de partir.
Ariel ne le retint pas, ce que Jim regretta. C'était comme la confirmation qu'il tenait plus au jeune homme que l'inverse.

mercredi 27 mai 2015

Contes modernes - 54

Quand Cain fut enfin parti, Jim qui avait fait bonne figure jusque là ne put se contenir plus longtemps.
— Ne prétends pas que tu es insensible à son charme, explosa-t-il.
Ariel écrivit calmement en retour :
« Il est comme un frère pour moi. »
— Vous n'avez aucun lien du sang.
« Ça ne change rien. Je ne l'ai jamais considéré ainsi. Nous avons grandi ensemble. Et il est hétéro. »
— Tu ne semblais même plus savoir que j'étais là. J'aurais tout aussi bien pu ne pas y être.
« Désolé, ce n'était pas mon intention. D'habitude, quand il y a du monde, c'est moi qui me retrouve à faire tapisserie et je déteste ça. Ce n'est vraiment qu'un ami. »
— Frère ou ami, je suis jaloux quand même, grommela Jim, même si les mots d'Ariel apaisaient l'énervement qui avait grandi en lui au cours de la soirée.
« Cain est extra. Dans notre enfance, quand il a su que j'étais muet, il a proposé que nous communiquions par écrit tous les deux. Nous étions comme des espions échangeant des messages top secrets... Mais je préfère les bruns poivre-sel aux yeux bleus pétillants. »
Là-dessus Ariel se nicha contre lui et l'embrassa de telle façon que Jim en oublia tout.

Un soir, ils franchirent tout naturellement le cap. Avec une même impatience, ils se déshabillèrent : t-shirt et chemise tombèrent en tas sur le sol, suivis de jeans et pantalon sur-mesure...
Sur le canapé-lit déplié, ils se caressèrent. La peau bronzée d'Ariel était brûlante, ses yeux verts brillants de plaisir et sa respiration forte. Son souffle, c'était sa voix et il n'y avait pas besoin d'autre chose.
— Tu veux bien que je te pénètre ?
Ariel hocha la tête.
Jim qui gardait sur lui depuis quelques temps deux préservatifs et même un petit tube de lubrifiant les récupéra en hâte. Avoir attendu pour coucher avec lui le rendait fébrile. Ils s'embrassèrent encore à perdre haleine, leurs mains fiévreuses glissant sur leurs corps.
Quand Jim s'enfonça en lui, les yeux du jeune homme se fermèrent et il se mordit la lèvre comme pour s'empêcher de crier, ce qui était étrange puisqu'il ne pouvait émettre un son, tout son plaisir s'exprimant dans sa respiration saccadée.
— Tu as mal ?
Ariel referma ses belles jambes sur les reins de Jim comme pour l'inciter à aller plus au fond.  Rassuré, Jim se mit à aller et venir dans le corps chaud et offert. Il imprima un rythme de plus en plus rapide jusqu'à ce qu'il jouisse dans un râle. Ariel dont les halètements s'étaient fait plus forts éjacula en même temps.
Le souffle changeant d'Ariel valait mieux que des cris de plaisir, conclut Jim, repensant à certains possiblement feints de ses partenaires.
Pleinement satisfait, il déposa un léger baiser sur les lèvres d'Ariel. Ils restèrent étendus l'un contre l'autre dans un doux silence, puis s'essuyèrent de concert.
« Tu veux te doucher ? »
Jim déclina et prit Ariel dans ses bras. Tout ce dont il avait besoin, c'était lui. Secrètement, il espérait qu'il en soit de même pour Ariel, mais ne demandait rien, craignant une réponse négative.

mardi 26 mai 2015

Contes modernes - 53

Jim prit l'habitude d'attendre Ariel au pied de chez lui plutôt que d'aller à la plage. Y croiser Axelle eut été dérangeant. Il craignait qu'elle ne  lui fasse une scène, voire peut-être ne cherche à se venger d'Ariel si elle se rendait compte qu'ils sortaient à présent ensemble. Le jeune homme avait en effet confirmé les propos de Cain : Axelle le trouvant à son goût, lui avait fait du rentre-dedans et avait été très désappointée qu'il soit gay et ne soit par conséquent par le moins du monde attiré par sa petite personne. Pour les cheveux, elle l'avait vraiment pris par surprise alors qu'il était concentré sur les baigneurs dans la mer. Il avait senti bien sûr, mais c'était trop tard, elle avait déjà coupé à moitié sa queue de cheval et il n'avait plus eu qu'à achever le travail.
Parfois il mangeait chez Ariel des repas fort simples : le jeune homme avait tendance à faire cuire des pâtes, du riz, des haricots verts agrémenté d'une viande rouge ou blanche - jamais de poisson, Ariel les aimant trop pour ça.
Parfois, Jim l'amenait au restaurant, commandant pour lui après que le jeune homme lui ait pointé du doigt le plat qu'il souhaitait sur le menu. Entre deux coups de fourchettes, Ariel écrivait dans son carnet. Il pouvait en quelque sorte « parler » la bouche pleine, là où Jim devait attendre d'avoir mastiqué. Ils avaient de longues conversations, Jim parlant, Ariel écrivant. Parfois, ils se promenaient dans les rues en silence, s'arrêtant le temps qu'Ariel note ce qu'il avait à dire, puis reprenant leur marche. Ce n'était vraiment pas un problème pour Jim qu'il soit muet.

Peu de temps après qu'ils se soient mis ensemble, Ariel invita Cain à partager un de leur dîner. Jim en fut plutôt content, car c'était grâce au journaliste en herbe qui s'était mêlé des affaires de son ami qu'ils étaient désormais en couple. A peine le seuil franchi, Cain s'en félicita d'ailleurs, chose qu'Ariel le lui reprocha avant de malgré tout de le remercier.
Regarder le carnet à deux se révéla délicat et Jim toucha du doigt pour la première fois les problèmes que pouvaient causer le mutisme d'Ariel. Tant qu'ils n'étaient que tous les deux, cela allait, mais avec une tierce personne, cela compliquait les choses. Le fait que les deux jeunes hommes n'aient que deux ans d'écart, se connaissent depuis toujours et soient très complices n'arrangeait rien. Ariel oubliait parfois de montrer ce qu'il avait écrit, rendant la conversation fragmentée et laborieuse si bien que Jim ne tarda pas à se sentir comme la troisième roue du carrosse. Impossible de ne pas être jaloux en les voyant si proches. Tant de jeunesse et de beauté, cela n'aurait pas dû être permis.

lundi 25 mai 2015

Contes modernes - 52

Jim le serra contre lui avec force : pas question qu'Ariel le lui échappe. Il lui caressa le dos sans cesser d'explorer sa bouche. Ils avaient envie l'un de l'autre et il était tentant d'en profiter. Cependant, comme Jim voulait quelque chose de sérieux, aller trop vite semblait une mauvaise idée...
— Alors, comme ça, je te plais ?
Ariel hocha la tête et se dégagea pour reprendre son carnet.
« Tu veux bien me promettre que tu ne regarderas plus ce que j'ai écrit sans mon autorisation ? Cette phrase ne t'était pas adressée, même si elle te concernait. »
— Oui. Je te dois des excuses d'ailleurs. Je voulais juste regarder les dessins, mais en me reconnaissant...
Ariel leva la main pour lui faire signer d'arrêter de parler et nota :
« Même pour ça. »
Jim soupira.
— D'accord, d'accord. Mais tu sais, je ne regrette pas ma curiosité, sinon, j'en serais encore à me demander si tu n'es pas trop jeune pour moi, si j'ai une chance de te séduire.
« J'ai 25 ans. »
— Quarante-et-un pour ma part. Ce qui nous fait seize ans d'écart.
« Cela ne me gêne pas. Mes parents ont 12 ans de différence, pour moi, c'est la norme. »
Cela rassura à moitié Jim. Sans trop y croire, il l'avait espéré un peu plus âgé que ça.
— Qu'est-ce qui t'a plu chez moi ?
« Ton regard sur la mer. »
La réponse interloqua Jim. Il y eut un silence avant qu'Ariel ne se remette à écrire :
« Je t'avais repéré bien avant que je ne te sorte de l'eau. Tu es un bel homme. »
— Merci... Je préfère cependant te prévenir que je ne vois plus la mer de la même façon depuis ma noyade.
Ce n'était pas vraiment le genre de Jim de dévoiler ses faiblesses, mais il se sentait en confiance avec Ariel. Il était sûr que ce dernier ne se moquerait pas de lui.
« Tu as peur désormais ? »
Jim acquiesça.
« C'est dommage, cependant, c'est aussi bien d'avoir conscience qu'elle est dangereuse. »
— En attendant, je ne suis pas prêt de retourner m'y baigner !
« Un soir ou bien durant mon jour de congé, je pourrais aller nager avec toi. »
— J'y réfléchirai, répondit prudemment Jim avant d'embrasser à nouveau Ariel pour échapper au tour inconfortable que prenait la conversation.
Il comprenait bien que le jeune homme voulait l'aider, mais ne se voyait vraiment pas remettre un pied dans les vagues avant longtemps. 

lundi 11 mai 2015

Pause, maladie, Contes modernes en livres

Ci-dessous l'épisode 51 de Contes modernes
Sinon, j'ai été malade ces derniers jours, ce qui n'a pas posé de problème, car j'avais de l'avance dans l'histoire, seulement là, je suis toujours épuisée, et j'éprouve donc le besoin de faire la pause.
Cela me permettra également de prendre un peu de recul pour Sauvetage Silencieux afin de développer cette variante de La Petite Sirène comme il se doit.

Autrement,  les contes étant liés entre eux, mais relativement indépendants, je me suis dit qu'une publication en livres au fur et à mesure, par contes, pouvait être sympa.

Normalement, en plus du conte que vous avez pu lire, dans le livre, vous aurez l'autre point de vue. Celui de Vic pour une Chaussure perdue, celui d'Ariel pour Sauvetage Silencieux...

Voilà, une première version de la couverture du 1er conte, une Chaussure perdue :


Rendez-vous le 25 mai pour la suite de Sauvetage Silencieux !

Contes modernes - 51

Ariel récupéra une épaisse pochette sur le bureau qu'il posa ouverte sur la table basse. Jim commença à regarder. La plupart des dessins provenait de feuilles de carnets recollées ensuite sur des papiers cartonnés. Ariel avait un don : ses croquis comme ses aquarelles étaient d'un réalisme sublime, tout en ayant une âme. Ils discutèrent longuement d'art, Ariel écrivant ses réponses à une vitesse qui dénotait d'une longue pratique.
A sa demande, Ariel lui sortit ensuite un livre de Cole Sorière dont les œuvres occupaient une belle place dans sa bibliothèque. Le bonhomme était prolifique.
Arrivé à la dernière page de son carnet, le jeune homme écrivit qu'il allait aux toilettes, puis qu'il en chercherait un autre.
Jim abandonné à lui même ouvrit le carnet achevé et le feuilleta pour regarder ses dessins. Il n'avait pas eu l'intention de lire les paroles d'Ariel, mais se reconnaissant dans un crayonné remarquablement détaillé, ses yeux dérivèrent sur les mots qui étaient écrit en face.
« Il me plaît. »
« Je ne le lui dirai pas. Ça ne sert à rien. »
Ariel revint à cet instant. Jim referma le carnet, se sentant un peu coupable de son indiscrétion, tout en étant ravi de ce qu'il avait appris et se leva pour l'embrasser.
Ses lèvres avaient un goût salé. Le jeune homme le repoussa à deux mains. Jim en fut surpris. Ariel n'avait-il pas écrit qu'il était attiré par lui, ne l'avait-il pas dessiné ?
Le jeune homme récupéra un nouveau carnet, attrapa le crayon resté sur la table et écrivit :
« Je ne veux pas pas commencer de relation amoureuse. »
— Avec moi en particulier ou en général ?
« Tout le monde finit par se lasser que je ne puisse parler qu'un crayon à la main. »
C'est vrai que c'était particulier. Écrire prenait plus de temps qu'un échange de vive-voix, mais Jim s'y était habitué de suite. Ariel maniait son crayon avec efficacité et son écriture était facile à lire.
— Tu pourrais au moins me donner une chance.
Ariel secoua la tête.
— Nous contenter de coucher ensemble ? suggéra Jim en même temps qu'une petite voix en lui le prévenait que cela ne lui suffirait pas. Le jeune homme roux le fascinait trop pour cela : son coup de crayon, ses mouvements gracieux, ses sourires, sa simplicité...
Ariel refusa d'un signe de tête.
Jim ne poursuivit pas dans cette voie parce qu'il voulait quelque chose de profond et non de purement sexuel.
— Soyons amis, tenta-t-il.
Ariel lui fit encore non.
C'était vraiment difficile de négocier avec lui. L'autre fois sur la plage, pour son cadeau, cela avait été pareil.
— Pourquoi ?
« Parce que je ressens plus que ça. »
Jim laissa échapper un grognement frustré. Ariel se dérobait à lui avec une logique qui ne tenait pas la route.
— Que proposes-tu alors ? Que nous fassions comme si nous ne nous étions jamais rencontrés ? Cela ne me convient pas du tout. D'accord, tu es muet, et moi, j'ai quinze ans de plus que toi, mais puisqu'on est attiré l'un par l'autre, ne pourrait-on au moins essayer ?
Ariel se mordit la lèvre et écrivit d'une main hésitante :
« J'ai beau faire, cela se termine toujours mal. Dès qu'il s'agit de voir du monde. Et dans l'intimité aussi, pendant l'amour, comme je ne peux émettre aucun son. »
— Tu es sorti avec des imbéciles, voilà tout.
Ariel lui sourit et Jim, l'attrapant par les épaules, captura sa bouche. Cette fois, le jeune homme se laissa faire.

vendredi 8 mai 2015

Contes modernes - 50

Jim lut la réponse du jeune homme :
« Je fais un métier que j'aime, sauveteur l'été, maître-nageur en piscine le reste de l'année. »
— Mais ça ne paye pas très bien, non ?
« C'est correct. »
— Il n'y a rien qui te fait envie ? Un ordinateur dernier cri, une télé à écran géant ?
« Ce que je préfère, c'est nager, dessiner et lire. »
Rien de tout cela ne coûtait cher.
— Je pourrai acheter quelque chose pour un de tes proches. Par exemple un appareil photo pour ton petit ami journaliste ?
Jim comprit en même temps qu'il la formulait que sa proposition était ridicule. C'était au jeune homme qu'il voulait faire plaisir. Au fond, sa question trahissait surtout son désir de savoir si Ariel était célibataire ou pas.
« Cain est un ami. Je n'ai pas de petit copain. »
Jim se serait volontiers porté candidat, mais il n'était un cadeau pour personne et surtout pas un jeune homme. Il offrirait donc un bouquin à Ariel.
— Quel type de livres aimes-tu lire ?
« Des histoires fantastiques. Mon auteur favori est Cole Sorière. »
— Tu as tous ses livres ?
« Oui, mais le prochain, Moi et mon fantôme, sort à la fin du mois. »
Ariel avait compris le souhait de Jim et lui donnait la possibilité de le lui acheter.
Jim aurait dû se satisfaire de cela, seulement le jeune homme lui plaisait trop pour cela.  Il revint à la charge :
— Je ne te forcerai pas à les exposer, mais j'aimerai voir d'autres de tes dessins.
Ariel parut hésiter, mais accepta devant son insistance. Il lui donna son adresse et l'invita à passer chez lui le surlendemain, ce qui lui laisserait le temps de sélectionner ce qu'il jugeait digne d'être montré.
Jim offrit de le ramener chez lui en voiture, mais Ariel refusa. Jim le regarda s'éloigner pour aller s'habiller avant de rentrer et comprit qu'il était tombé amoureux.

Il arriva bien bien avant l'heure du rendez-vous. Quand Ariel apparut dans la rue, en jeans et t-shirt, son cœur se mit à faire des bonds dans sa poitrine. C'était comme s'il était revenu à l'époque de ses premiers émois.
— Bonsoir.
Ariel lui répondit d'un sourire et lui fit signe de le suivre.
L'immeuble dans lequel il vivait était vieillot. La peinture était défraîchie et l'escalier de bois grinçait à chaque marche – il n'y avait en effet pas d'ascenseur.
L'appartement d'Ariel était pourvu d'une minuscule entrée bleue claire où étaient accrochés de très jolies aquarelles de poissons. La pièce principale qui faisait office de chambre et de salon avait des murs bleu-verts ornés de nombreux dessins marins : bateaux, coquillages...
En guise d'ameublement, il y avait un canapé gris qui devait faire office de lit, une table basse en verre, un bureau avec des pots de crayons, de feutres et de pinceaux, et des étagères pleines de bouquins à l'exception d'une planche où était glissée un ordinateur portable. Aucune télévision à l'horizon en revanche. Les portes étant ouvertes, Jim aperçut une kitchenette et une salle d'eau blanche avec douche, lavabo et des toilettes.
Toujours par gestes, Ariel l'invita à s'asseoir, puis s'assit à côté de lui et extirpa son carnet de la poche arrière de son jeans.
« Que veux-tu boire ? »
— Qu'est-ce que tu as ?
« De l'eau, plate ou gazeuse. Du sirop. Du jus de pomme. »
— Pas d'alcool ?
« Je ne bois pas, désolé. Cain a peut-être laissé une bière dans le frigo... »
— Non, c'est bon. Je n'ai pas soif de toute façon. Je suis venu pour tes œuvres.
Et pour son sourire.
— Tes aquarelles de poissons dans l'entrée sont remarquables, ajouta-t-il après un silence.

jeudi 7 mai 2015

Au Zoo Interplanétaire, le livre est disponible


Le livre Au Zoo InterplanétaireAu Zoo Interplanétaire comprend 299 pages dont un court bonus inédit coûte 12€ et est en vente sur The Book édition
 
Il est aussi disponible en version numérique, en PDF.

Le roman a été prépublié sur le blog du 21 mai 2014 au 16 février 2015. 

Résumé : Merwan mène une vie tout ce qu'il y a de plus ordinaire jusqu'au jour où il est kidnappé et se réveille nu dans une cage. Derrière les barreaux évoluent d'étranges créatures... 

Pour information, tous les livres crées à partir de maintenant sur Thebookedition auront un prix de fabrication moins cher, entraînant bien entendu un prix de vente moins cher. 
Pour les anciens livres, il y a une manœuvre à faire, mais je pense m'en occuper petit à petit afin que les prix de tous mes livres baissent à terme.

Contes modernes - 49

Jim lui rendit son carnet.
— Désolé, j'ai agi de façon puérile. J'avais vraiment envie de voir tes dessins. J'aime les arts. Je suis propriétaire de plusieurs galeries. Je peins aussi, mais sans grand génie.
Ariel récupéra son bien, le feuilleta et cachant une page d'une main, lui montra un coquillage si bien détaillé que l'on aurait presque dit une photo en noir et blanc.
— Merci, dit Jim.
Ariel lui sourit. C'était décidément un grand silencieux.
— Et pas seulement pour le dessin, ajouta Jim, frissonnant en repensant au moment où il était devenu le jouet de la mer.
Ariel tourna les pages de son carnet, reprit son crayon et nota quelque chose qu'il mit ensuite sous les yeux de Jim.
« De rien. »
— Tu as une extinction de voix ?
Ariel secoua la tête et écrivit :
« Je suis muet. »
Il n'était pas sourd pourtant. Or, à la connaissance de Jim, à moins d'être sourd, on n'était pas muet, sauf traumatisme. Jim se retint de poser la question, mais laissa échapper malgré tout :
— Depuis longtemps ?
« Je suis né ainsi. »
Jim exprima son étonnement et Ariel, par écrit, reconnut que c'était en effet rare.
— C'est pour cela que tu n'as rien dit quand Axelle s'est attribuée le mérite de mon sauvetage ?
« Si j'avais écrit, j'aurais relâché ma vigilance. »
— Pourquoi ne pas l'avoir fait un peu plus tard ?
« Vous sortiez avec elle. Vous aviez l'air heureux et je n'ai pas osé. »
— Un bonheur bâti sur une pile de mensonges ne vaut pas grand chose. C'est fini entre nous. Quand je pense qu'elle a été jusqu'à te couper les cheveux...
Maintenant que Jim était tout près de lui, il voyait des mèches irrégulières et rebelles sur le bas de son cou.
« C'est elle qui a téléphoné au secours. Moi, je ne peux pas. »
— C'est ton bouche à bouche qui m'a sauvé, pas le personnel de l'hôpital. J'aimerai te prouver ma reconnaissance d'une façon ou d'une autre.
« Inutile. »
Que pourrait-il lui offrir ? Jim réfléchit.
— Ton mutisme, aucune opération, même coûteuse, ne pourrait te guérir ?
« Je ne crois pas. »
— J'ai les moyens de payer les meilleurs médecins.
« Mes parents m'ont déjà amené à des tas de spécialistes. Je ne veux plus. »
Jim ne voulait pas recommencer comme avec Axelle en l'invitant à dîner, même s'il n'aurait rien eu contre que le jeune homme se jette dans ses bras. Il l'attirait davantage qu'Axelle, muet ou pas.
— Et si tu me montrais d'autres de tes œuvres ? Peut-être pourrais-je en faire exposer certaines ?
« Je n'y tiens pas. »
Ariel ne lui facilitait pas la vie.
— Qu'est-ce qui te ferait plaisir alors ?
Le jeune homme d'une main rapide écrivit :
« J'ai déjà tout ce qu'il me faut. »
— Ah oui ?
C'est vrai qu'Ariel était jeune, bien fait de sa personne,  talentueux et avait un ami qui était là pour lui. Cain était d'ailleurs peut-être même son amoureux et Jim éprouva une soudaine jalousie à l'égard de l'étudiant en journalisme. Tout à l'heure, quand il était assis sur lui, Ariel n'avait eu qu'une réaction physiologique, pas un réel désir pour lui.

mercredi 6 mai 2015

Contes modernes - 48

Il ne mit pas longtemps à repérer la tête rousse du jeune homme encore dans son maillot de bain vert pomme,  qui était assis dans le sable, en retrait de la mer.
Jim s'approcha doucement, sur le côté. Le jeune homme dessinait quelque chose dans un carnet. Jim eut le temps d'apercevoir un superbe crayonné avant que le jeune homme qui avait remarqué sa présence ne referme son carnet, rangeant le crayon dans l'attache prévue à cet effet.
— Bonsoir. Pardon de te déranger. Ton ami Cain est venu me voir et m'a tout raconté... C'est vraiment toi qui m'a tiré de l'eau ?
Ariel acquiesça.
— Je peux savoir pourquoi tu n'as pas rétabli la vérité de toi même ?
Ariel secoua négativement la tête. Il n'avait à priori pas envie de parler.
Jim essaya quand même de lancer un autre sujet :
— Ton croquis au crayon était très réussi. Si tu en as d'autre dans ton carnet, tu voudrais bien me les montrer ?
Ariel fit non de la tête.
Jim fut déçu. Il embêtait le jeune homme, c'était une évidence. Pourtant, il aurait aimé avoir des explications et pouvoir lui exprimer sa reconnaissance. Mais peut-être que c'était ce qui embarrassait le jeune homme qui ne l'avait sauvé que parce que c'était son job. Quant aux dessins, c'est vrai que certains artistes étaient de grands timides et que les convaincre de s'exposer était parfois délicat, là où d'autres acceptaient avec joie et empressement.
Jim s'excusa de l'avoir interrompu dans son activité et esquissa un pas pour s'éloigner, mais finalement mû d'une impulsion subite, il fit quelque chose de totalement inapproprié : il arracha des mains du jeune homme le carnet et prit la fuite avec.
Il voulait voir. C'est vrai qu'Ariel avait bien le droit de ne pas souhaiter montrer ses dessins et même de ne pas lui donner d'explications,  c'est Jim qui lui était redevable et justement, exposer les œuvres du jeune homme, si elles en valaient la peine, pouvait être une bonne façon de le récompenser.
Ariel lui courut aussitôt après et quelques instants plus tard, Jim se sentit attraper par l'épaule.
Jim résista, tentant de se dérober et sans qu'il comprenne vraiment comment, se retrouva à plat ventre dans le sable. Il roula sur le côté, prêt à se relever et reprendre la course, mais Ariel l'en empêcha en s'asseyant sur lui pour le coincer.
Jim, à présent sur le dos, tendit le bras en arrière pour garder hors de portée le carnet. Il savait qu'il agissait comme un gamin. Cela lui rappelait les fois où il avait joué avec Tori, excepté que ce n'était pas sa petite nièce, mais un beau jeune homme qui était à califourchon sur lui.
Ariel était assis pile au niveau de son entrejambe, légèrement essoufflé d'avoir couru. Comme il ne voulait pas donner à Jim la possibilité de s'enfuir, il essayait de récupérer son carnet en se penchant sur lui. Ce faisant, il se tortilla et Jim eut une érection que le jeune homme ne put rater. Entre le pénis durci et brûlant de Jim et lui, il n'y avait guère que l'épaisseur d'un slip, d'un léger pantalon et d'un maillot de bain.
Au lieu de se lever précipitamment, comme Jim s'y attendait, Ariel s'immobilisa et le tissu de son maillot de bain se tendit, son pénis se dressant : il était excité lui aussi.
Leurs yeux se rencontrèrent et Ariel se remit debout, le libérant, le carnet momentanément oublié.
— Tu es gay ?
Ariel hocha la tête en se mordant la lèvre.
— Je suis bi. Pas besoin d'être embarrassé, d'accord ?
C'était presque des mots inutiles vu leurs réactions respectives quand Ariel s'était retrouvé à califourchon sur lui.
Les yeux rivés au loin sur la mer,
le jeune homme acquiesça.

mardi 5 mai 2015

Contes modernes - 47

Le soir même, après un dîner au restaurant, dans son studio, avant qu'elle ne l'embrasse, il lui annonça qu'il souhaitait mettre fin à leur relation.
— Pourquoi ? gémit-elle. Tu as été parlé à Cain, c'est ça, hein ? Ne crois pas un mot de ce qu'il a pu te raconter ! C'est pour se venger parce que je n'ai pas voulu de lui !
Cain avait raconté un truc similaire, excepté que dans sa version, c'était Ariel qui aurait rejeté la jeune fille. Jim cependant se moquait de tout cela.
— J'y songeais depuis un moment. Je t'apprécie, mais...
Elle le coupa, ses yeux améthystes débordant de larmes :
— Je t'en supplie, ne me quitte pas ! Je changerai, je serai tout ce que tu veux.
— C'est inutile. Sois-toi même.
— C'est moi qui t'ai sauvé, pas Ariel ! Moi qui ai appelé les secours !
Elle s'était trahie d'elle-même. Elle n'aurait pas dû savoir autrement ce que Cain lui avait dit.
— Cela ne change rien. J'ai un dernier cadeau pour toi, déclara-t-il en lui tendant l'écrin.
Elle l'ouvrit et ses traits s'illuminèrent. Le magnifique collier séchait ses larmes de crocodile, preuve supplémentaire de sa culpabilité. Quelqu'un de sincèrement amoureux, aurait refusé le collier ou du moins ne l'aurait pas mis autour de son cou avec autant d'empressement, préférant continuer à le faire changer d'avis.
Jim, cependant, ne chercha pas à la confronter. Elle nierait jusqu'au bout. S'il l'avait gâtée, c'est qu'il l'avait bien voulu et elle avait donné de sa personne, se montrant globalement une compagne agréable. Au moins il ne lui brisait pas le cœur.
Comme si elle se rappelait soudainement qu'il était encore là, elle reprit un air affligé.
— C'est beau, mais comment peux-tu croire que m'offrir un tel cadeau pourra me consoler ? Je t'aime.
Sa jolie voix vibrait de sincérité. Au lieu de devenir médecin, elle aurait dû se lancer dans une carrière d'actrice. Dommage pour elle qu'elle ait oublié un instant son rôle, ébloui par les émeraudes.
— Je vais te laisser à présent, déclara Jim, fatigué de toute cette comédie.
Elle chercha à le retenir, mais il finit par lui échapper et quitta le studio, se sentant plus léger.

Il laissa passer quelques jours, puis prenant soin d'arriver après 19h30 pour ne pas croiser Axelle, mais en espérant qu'Ariel serait encore là, il se rendit à la plage.

lundi 4 mai 2015

Contes modernes - 46

— Vous vous trompez. Quand elle m'a ranimé, j'ai aperçu en contre-jour la personne qui m'a sauvé et elle avait les cheveux longs.
Cain attendit que la serveuse ait posé la boisson de Jim devant lui avant de répondre :
— Axelle les lui a coupés sous prétexte que leur chef de poste aurait dit que cela posait problème pour les sauvetages. Entre nous, elle aurait pu commencer par les siens.
Si Axelle ne portait pas Cain dans son cœur, la réciproque semblait vraie.
— Pourquoi aurait-elle fait une chose pareille et pour l'y aurait-il autorisé ?
— Elle l'a pris en traitre. Il est super concentré quand il surveille les baigneurs. Quant au motif, je ne suis pas dans sa tête, mais Ariel avait repoussé ses avances.
— Votre histoire ne tient pas debout. En fait de me poser des questions, vous êtes venu tester à quel point je suis crédule ?
— Je vous assure que je prépare vraiment un article de fond sur les sauvetages, même si j'avoue que je m'intéresse plus aux incendies qu'aux noyades. Cependant, il vaut mieux que j'ai plus de matière que moins. Mais je reconnais que c'est mon amitié pour Ariel qui m'a amené à vous aborder.
Cain l'avait mené en bateau, oui ! Jim l'aurait sûrement planté-là, beaux yeux ou pas, si le jeune homme n'avait pas sorti à ce moment de son sac à dos une queue de cheval rousse.
Les cheveux avaient l'air authentique et non synthétique. Jim les toucha.
— Admettons que ce soit vrai. Pourquoi votre ami n'a-t-il pas rétabli la vérité de suite au lieu de laisser Axelle prendre tout le mérite pour elle. Il était présent quand elle a déclaré m'avoir sauvé.
— C'est compliqué. Je pense que c'est à vous de le découvrir.
— Et les motivations d'Axelle dans tout ça ? demanda Jim, plus pour tester son interlocuteur qu'autre chose, car il les devinaient déjà.
— Avec votre Rolex au poignet, pas dur de deviner que vous roulez sur l'or. D'ailleurs, votre Porsche n'est pas mal non plus, même si elle n'a dû apprendre son existence que plus tard.
— Et vous que gagnez-vous dans l'affaire ?
— Le plaisir de rétablir la vérité. C'est aussi ça le journalisme. Dévoiler les scandales au grand jour !
— Et en maquiller d'autres.
— Je crois en la liberté de la presse.
— C'est faire preuve de naïveté.
— Peut-être.
Cain était passionné, cela se sentait. Cela donnait envie de le croire, même si toute l'affaire était fort étrange.
— Vous éprouvez de la reconnaissance envers la personne qui vous a sauvé ? reprit Cain.
— Indépendamment de son identité ? Oui, énormément.
— C'est pour cette raison que vous sortez avec Axelle ?
— Non ou plutôt pas uniquement. La reconnaissance, ça ne suffit pas.
Cain avait sorti un carnet et prenait des notes. Il était repassé en mode interview.
— Qu'avez-vous ressenti en pensant que vous alliez mourir ?
— J'ai pensé que mes galeries d'art me survivraient.
— Vous me croyez à propos d'Ariel ?
— Je ne sais pas trop, avoua Jim.
Même en s'étant interrogé sur l'influence de son compte en banque sur l'attachement que lui portait Axelle, il avait du mal à la croire capable de lui avoir menti à ce point.
— Je ne vais pas abuser de votre temps davantage monsieur. Merci d'avoir répondu à mes questions et de ne pas avoir rejeté la vérité en bloc.
Jim voulut lui payer sa consommation, mais le jeune homme refusa et s'en fut.
Jim but son café pensivement et quitta à son tour les lieux.
Après avoir réfléchi en arpentant les rues de la ville, il en vint à la conclusion, que mensonge ou pas, il allait rompre avec Axelle. Qu'elle soit sincère ou sorcière, il ne parvenait pas à l'aimer. Il lui acheta un collier d'émeraudes, un ultime cadeau pour adoucir sa peine.

vendredi 1 mai 2015

Contes modernes - 45

Quelques jours plus tard, alors que Jim faisait monter Axelle dans sa Porsche, le jeune homme aux yeux vert clair courut vers eux.
— Excusez-moi, monsieur ! Je m'appelle Cain Landy. Je suis étudiant en journalisme et j'aurais aimé vous interviewer au sujet de votre sauvetage.
S'il n'avait pas été aussi agréable à regarder, Jim lui aurait sûrement opposé un refus immédiat. Sa noyade n'était pas un souvenir qu'il lui plaisait de remuer. Axelle ne lui en parlait heureusement jamais.
— Pourquoi pas, mais dans quel but ?
— C'est pour un article de fond sur les rapports entre les gens secourus et leurs sauveteurs. Je ne vous cacherai que c'est un travail qui sera noté par mon école, mais c'est moi qui en ait choisi le sujet.
— Dans ce cas, vous aurez sûrement aussi envie d'interroger la jeune femme ici présente.
Cain Landy, puisque c'était son nom, eut un curieux sourire.
Axelle intervint :
— Je ne veux pas, moi ! Les journalistes déforment toujours les propos !
Ce n'était pas faux et Jim se sentit soudain réticent à se prêter au jeu des questions, même si elles lui étaient posées par un jeune homme d'une beauté confondante.
— Vous me rendriez vraiment service. Nous pourrions faire ça dans un café dans les jours qui viennent, déclara Cain Landy.
— Arrêtez de nous embêter ! s'emporta Axelle sans raison.
Cain l'ignora et tendit une carte de visite à Jim.
— N'hésitez pas à m'appeler pour que nous fixions cela.
Jim acquiesça en l'empochant, appréciant que le jeune homme lui laisse le temps de la réflexion. Cain les salua et partit.
Axelle se mit aussitôt à pester contre lui :
— C'est un ami d'Ariel. Son arrogance est déplaisante. On croirait qu'il se prend pour la huitième merveille du monde !
Le jugement parut bien sévère à Jim.
— Tu devrais déchirer sa carte, continua-t-elle.
— Je la garde pour le moment.
— C'est idiot ! s'insurgea-t-elle, argumentant pour tenter de le dissuader de donner suite.
Sa véhémence à ce qu'il ne contacte surtout pas Cain Landy intrigua Jim.
Comme elle insistait, Jim, sans lui promettre qu'il n'irait pas, il lui laissa entendre qu'il y avait peu de chance qu'il le fasse afin qu'elle le laisse tranquille. Au fond de lui, il était pourtant décidé à accepter.

Il téléphona à Cain dès le lendemain et d'un commun accord, ils décidèrent de se retrouver le matin même.
C'est Cain qui choisit le lieu : un minuscule café défraîchi dans lequel Jim ne serait jamais entré s'il n'y avait pas été invité.
Quand Jim arriva, le beau jeune homme était déjà installé à une petite table carrée en contreplaqué, une tasse fumante devant lui.
Jim se commanda également un café et alla s'installer en face de lui. Le côté hypnotique des yeux vert pâle du jeune homme le frappa.
— Merci d'être venu, déclara Cain.
— Je vous en prie. Maintenant, je ne suis pas sûr de vous être utile. J'étais inconscient quand j'ai été récupéré et même l'identité de ma sauveteuse m'était inconnue jusqu'à ce que j'aille me renseigner.
— Sauveur, vous voulez dire.
— Non, c'est la jeune femme qui était avec moi, hier, qui m'a porté secours.
— Certainement pas, c'était Ariel.