lundi 31 décembre 2012

Découverte dérangeante - Nouvelle

Cette nouvelle est disponible en version papier dans le recueil Le Baiser et plus encore en vente sur Thebookedition.

BONNE ANNEE 2013
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Tetsu referma précipitamment la fenêtre du navigateur internet. Il était choqué au-delà de toute expression. Comment oublier l'image de ce mec musclé qui bandait comme un malade alors qu'un autre avait planté son engin dans son cul ? Tetsu rouvrit le navigateur. Au fond, le plus horrible, ce n'était pas l'image en elle-même, mais le fait que ce site soit présent dans l'historique du navigateur internet de l'ordinateur qu'il partageait avec son père. Tetsu aurait aimé croire que c'était une erreur. Après tout, dès fois, même sans le vouloir, on cliquait parfois au mauvais endroit et on se retrouvait sur un site porno sans l'avoir voulu. Seulement, là, l'historique indiquait clairement que de nombreuses pages du site avaient été visitées. Tetsu avait du mal à croire que son père puisse consulter ce genre de site. Cependant, vu qu'il vivait seul avec son père depuis maintenant bientôt dix ans, il voyait mal qui d'autre pouvait s'être servi de l'ordinateur pour se rendre sur des sites pornos gays. Son père lui aurait-il menti toutes ses années sur la raison du départ de sa mère ? Était-ce parce que son père était gay qu'elle était partie ? Tetsu se mordit la lèvre. Il ne pouvait pas garder le silence sur sa découverte. Il allait mettre les choses au clair avec son père. Peut-être que ce dernier perdait les pédales avec la crise de la quarantaine... ou alors cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas eu de femme dans sa vie. Tetsu se demanda s'il avait fait preuve d'indélicatesse en invitant sa copine Rumi à dormir à la maison ces derniers temps, ne se privant pas de faire l'amour avec elle. Peut-être qu'il aurait mieux d'économiser pour se rendre avec elle dans des Love Hotel. C'est vrai, son père n'avait jamais ramené personne sous le toit familial... Bon, en même temps, Tetsu ne lui avait jamais demandé de se faire moine. Toutefois, il était reconnaissant à son père de ne pas avoir amené femme après femme à la maison... Ceci dit, de temps à autre, il avait bien ramené des amis à la maison... Est-ce que par hasard ils avaient fait des choses comme sur le site ?!
– Je suis rentré !
Son père était là. Il était de retour plus tôt que d'habitude et Tetsu ne put s'empêcher de le regretter. Il ne se sentait pas prêt à affronter son père, pas maintenant. L'image du mec embroché par un autre était encore trop fraîche dans son esprit. Néanmoins, Tetsu alla dans l'entrée pour l'accueillir. Ce dernier avait déposé sa mallette, retiré sa veste et ses chaussures et était en train de déserrer sa cravate. Tetsu décida de se jeter témérairement à l'eau.
– Pa', je peux savoir pourquoi tu consultes des sites porno pour homo ?
Lui qui s'attendait à ce que son père démente le fait, eut la mauvaise surprise de le voir rougir comme un gamin pris la main dans le sac.
– C'est pas vrai ! s'exclama Tetsu, horrifié par cet aveu muet.
– Je suis désolé.
– Tu es gay ?
– Oui. Je suis désolé. J'aurais préféré que tu l'apprennes autrement, mais... c'est vrai.
– Depuis quand ? C'est à cause de ça que maman est partie en réalité ?
– Je suis gay depuis longtemps. Ceci dit, je ne t'ai jamais menti, ta mère nous a quittés parce qu'elle était tombée amoureuse d'un autre homme, pas parce qu'elle soupçonnait ma préférence pour les hommes.
– Comment te croire alors que tu me cachais ça ?!
– Je peux te montrer la lettre qu'elle a laissée en partant...
– Qu'est-ce que ça prouverait ? Si ça se trouve, elle avait découvert le pot aux roses... Tu me dégoûtes.
Tetsu regretta avoir prononcé ces mots en voyant le visage attristé de son père. Il était allé trop loin... Cependant, c'était dur à accepter. Le plus difficile, au fond, ce n'était pas que son père soit gay, mais qu'il l'ait soigneusement caché toutes ses années. Tetsu se sentait amer, car il s'était toujours cru proche de son père.  Par ailleurs, bien qu'il n'ait rien contre les homosexuels, il avait du mal à accepter que son père en fut un.
– Je suis désolé, répéta simplement son père.
– Moi aussi... mais je vais m'habituer à l'idée.
En voyant le visage de son père s'éclairer, Tetsu  sut qu'il avait trouvé les bons mots.
– Je ferais attention à bien vider l'historique du navigateur internet.
– J'imagine que tu avais juste oublié cette fois.
Son père se racla la gorge, embarrassé.
– En effet.

 Après ça, Tetsu opta pour la politique de l'autruche et ne fit plus allusion aux préférences sexuelles de son père. Ce dernier n'en reparla pas non plus et c'est pourquoi, quand il remit le sujet sur le tapis un soir au dîner, près de six mois plus tard, Tetsu fut plus que surpris.
– Je voudrais te présenter mon... comment dire... petit ami.
Tetsu laissa tomber le beignet de morue qu'il tenait entre ses baguettes et resta bouche bée pendant une bonne minute.
– Cela t'ennuie ?
Devant l'air triste de son père, Tetsu s'efforça de remettre de l'ordre dans ses idées.
– Non, non. Tu le connais depuis quand ?
– Quatre mois et trois semaines.
Tetsu grimaça. Ce n'était peut-être pas parce que son père avait fait plus attention qu'il n'avait plus trouvé de sites porno gays dans l'historique du navigateur internet de l'ordinateur.

Le jour de la rencontre avec le petit ami de son père arriva bien trop vite au goût de Tetsu. Toutefois, il n'y avait pas moyen de s'y soustraire sans peiner son père, aussi, il le suivit bravement dans l'entrée de la maison pour accueillir leur invité.
Cependant, les mots de bienvenue restèrent bloqués dans la gorge de Tetsu quand il vit le petit ami de son père. Il avait imaginé un homme d'âge mûr au crâne dégarni, pas un jeune homme de son âge qu'il connaissait de vue et dont les dents blanches étaient dignes d'une publicité pour dentifrice. Hakuba avait quelques cours en commun avec lui à l'université. Les filles le surnommaient « la gravure de mode » et pouffaient quand elles le voyaient. Qu'est-ce qu'un type de son âge doté d'un tel physique pouvait bien faire avec son père ? Tetsu trouvait que son père était cool, mais il ne fallait pas se leurrer, c'était un homme de quarante-et-un ans somme toute assez banal. Taille moyenne, traits anguleux, cheveux grisonnants... Certes, il était pas mal conservé, mais c'était tout.
Pendant que Tetsu songeait à tout ça, son père avait fait s'asseoir la « gravure de mode » dans le salon et lui avait servi un verre. L'air heureux de son père faisait plaisir à voir et en même temps, Tetsu se sentait gêné de lui découvrir un tel visage.
– Ah ! Tetsu, où étais-tu passé ? Hakuba vient de me dire qu'il t'avait déjà croisé à  l'université. Je savais déjà que vous étiez dans la même, mais je ne m'étais pas douté que vous aviez des cours en commun.
Tetsu esquissa un sourire qui se transforma en grimace. Cela n'avait pas l'air de déranger plus que ça son père de sortir avec quelqu'un qui devait avoir le même âge que son fils.
– Comment vous êtes vous rencontrés ? demanda-t-il d'une voix étranglée.
Son père parut embarrassé.
– Ce n'est pas très intéressant, répondit-il en détournant le regard.
Hakuba eut un large sourire plein de sous-entendus et Tetsu trouva qu'à la réflexion, il était préférable de ne pas avoir de détails, ce qui ne l'empêchait de continuer à se demander ce que monsieur « la gravure de mode » trouvait à son père. Il craignait que son père ne soit en train de se faire avoir d'une manière ou d'une autre.
L'occasion d'interroger Hakuba sur la question se présenta quelques minutes plus tard quand son père partit vérifier où en était la cuisson du repas dans la cuisine.
– Tu as un truc pour les vieux ? attaqua Tetsu.
– Il faut croire. Mais c'est surtout que Yoshio est spécial.
Tetsu qui avait l'habitude d'appeler son père « papa » fut gêné par cet emploi du prénom de ce dernier sans autre forme de politesse dans la bouche d'un jeune homme de son âge. Il fronça les sourcils.
– Vous avez près de vingt ans de différence d'âge. C'est énorme, souligna-t-il.
– Dix-sept pour être exact. J'ai trois ans de plus que toi.
Tetsu eut un geste de la main désinvolte, signifiant ainsi que cela ne changeait rien et poursuivit son interrogatoire.
– Tu fais quoi en dehors de l'université ?
– Je travaille pour payer mes études.
Il avait besoin d'argent, tout commençait à s'expliquer...
– Quoi, comme boulot ?
– Barman. Yoshio est adorable quand il a trop bu.
Un détail que Tetsu se serait passé d'apprendre.
– Tu tiens vraiment à mon père ? demanda-t-il avec brusquerie.
– Est-si difficile à croire ? répliqua Habuka.
Tetsu aurait bien continué à l'interroger, mais le retour de son père l'en empêcha.
Durant le reste de la soirée, Tetsu les observa avec attention, vaguement dégoûté par moment de voir son père se comporter comme un adolescent énamouré. Enfin Hakuba repartit après les avoir remerciés pour le dîner.

– Alors ? demanda son père avec un soupçon d'inquiétude dans la voix..
– Alors, tu aurais pu me prévenir qu'il était dans mes âges, répondit Tetsu sans cacher son agacement.
– J'avais peur de ta réaction. J'ai pensé que le plus simple était que tu fasses sa connaissance.
– Ce n'était pas une bonne idée, clairement pas. D'ailleurs, je ne vois pas pourquoi tu tenais tant que ça à me le présenter.
– Parce que vous comptez beaucoup pour moi tous les deux et que j'aimerais qu'Hakuba vienne habiter ici le mois prochain. Son bail se termine et son loyer grève son budget...
– T'es en train de te faire avoir dans les grandes largeurs, coupa Tetsu. Il en veut à ton fric, c'est évident, ajouta-t-il avec véhémence.
– Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
Tetsu leva les yeux au ciel.
– Il est beau, jeune et galère pour payer ses études. Quoi de mieux qu'une bonne poire pour l'entretenir ?
Le visage de son père se ferma comme une huître, mais Tetsu continua, enfonçant le clou. Il était résolu à faire descendre son père de son petit nuage rose. Il le fallait, pour son bien. Son père écouta sa diatribe jusqu'au bout avant de contre-attaquer :
– Je ne dis pas que tu as tort de penser ça, mais je me demande pourquoi tu me prends pour un idiot. J'ai beau aimer Hakuba, je ne suis pas aveugle. Je suis au courant que j'ai quarante-et-un ans et lui vingt-quatre, qu'il est séduisant et moi, assez peu remarquable, mais par contre, je ne suis pas particulièrement riche, or, il ne fait aucun doute qu'avec sa gueule d'ange, il pourrait se trouver mieux que moi et facilement. J'ai envie de vivre avec lui sans attendre parce que je l'aime et que je suis assez âgé pour savoir que la vie passe vite. Ceci dit, je peux comprendre que cela ne te plaise pas et si tu veux déménager, je suis prêt à te payer le loyer d'un appartement.
Tetsu réalisa alors qu'en voulant protéger son père d'une éventuelle déception future,  il lui avait fait plus mal qu'autre chose.
– Désolé... commença-t-il.
– Non, c'est de ma faute. Tout ça est trop soudain pour toi, c'est normal. Cela ne fait pas si longtemps que ça que tu sais que je suis gay. N'en parlons plus pour le moment.
Là-dessus, son père, l'air las, monta à l'étage.

       Dès le lendemain, à la fac, Tetsu partit en quête de Hakuba. Il voulait savoir s'il avait vraiment eu tort de mettre en garde son père. Or, le seul moyen de vérifier, était d'interroger la « gravure de mode » plus en détails sur ses intentions.
Tetsu parvint à le coincer à la fin d'un cours qu'ils avaient en commun.
– Tu es au courant que mon père veut que tu viennes habiter à la maison ?
– Ah, il t'en a déjà parlé ? répondit Hakuba sans paraître plus surpris que ça.
– Je peux savoir pourquoi tu veux vivre avec mon père et moi ?
– Oh, toi, je n'y tiens pas, mais tu fais parti du lot.
– Et en ce qui concerne mon père ? insista Tetsu comme Hakuba ne disait rien de plus.
– J'ai hâte. Cela me plaît l'idée de pouvoir l'embrasser et le caresser tous les jours.
Tetsu s'étrangla à moitié. Il revoyait les images du site porno gay.
– Mais qu'est-ce que tu trouves à mon père ? Avec ta tête, tu peux avoir qui tu veux...
– Je veux Yoshio. Je n'ai pas envie d'être avec des gens qui ne sont intéressés que par mon aspect extérieur. Je ne suis pas un accessoire qu'on montre et dont on se vante.
– Et qu'est-ce qui te fait penser que mon père n'est pas comme ça ?
Hakuba eut un sourire resplendissant et se mit à raconter à un Tetsu moitié dégoûté, moitié fas-ciné comment il avait rencontré son père.
– Yoshio était déjà soul quand il a débarqué dans le bar où je travaille. Il m'a dit qu'il n'avait jamais vu un barman avec quatre yeux et deux nez et a raconté tout un tas de trucs sans queue ni tête avant de s'endormir sur le comptoir. A l'heure de la fermeture, mon patron m'a chargé de m'occuper de lui. Seulement, il me plaisait, alors plutôt que de le mettre dans un taxi, je l'ai ramené chez moi et je lui ai fait des trucs que tu n'as sûrement pas envie d'entendre. Ceci dit, ne va pas t'imaginer que je l'ai forcé à faire quoi que ce soit, il avait beau être à moitié dans les vapes, il s'accrochait à moi, ne voulant surtout pas que je m'arrête. Je peux te dire qu'au petit matin, il a halluciné en me voyant. Il croyait avoir fait un rêve érotique. Il était si charmant à regretter d'avoir été trop dans les brumes de l'alcool pour bien se souvenir. Il ne s'attendait à rien de plus. Il a même pris la peine de me remercier de l'avoir enlacé, expliquant que les jeunes hommes qu'il rencontrait, s'attendaient à avoir la position de dominé avec des hommes de son âge et que résultat, il se retrouvait toujours dans la position du dominant.
– Dominé, dominant ?
– Autrement dit, celui qui se fait enculer et celui qui encule, répliqua crûment Habuka.
Tetsu changea vite de sujet.
– Pourquoi avait-il tant bu ?
– Parce qu'il s'était fait méchamment rembarré par un type de son âge en essayant de le draguer.
– T'es vraiment sérieux pour mon père ?
– Oui, je suis mordu. Je l'aime.
Tetsuya soupira. Hakuba semblait sincère. Il faudrait qu'il s'y fasse. Son père était gay, la « gravure de mode » aussi et ils formaient un couple qui allait vivre sous le même toit que lui. Il le supporterait quelques temps et puis il déménagerait. Il y songeait déjà depuis un moment. Rumi lui en parlait depuis longtemps, mais lui, il n'avait jusque là pas eu envie de quitter sa maison d'enfance et de laisser son père seul. Cependant, s'il l'empêchait de mener sa vie, c'était autre chose. Maintenant, le temps d'organiser son départ et de ne pas donner l'impression à son père qu'il le rejetait lui et son compagnon, il accepterait la cohabitation pour une durée limitée.
– Je suppose que je n'ai plus rien à objecter puisque vous êtes amoureux l'un de l'autre.
– Mon emménagement d'ici un mois ne te posera pas de problème, alors ?
Tetsu haussa les épaules.
– Je ferai avec. Je ne compte pas vivre cent quatre vingt ans avec mon père et toi.
– J'espère bien, répondit Hakuba en le gratifiant d'un beau sourire.
En retour, Tetsu grimaça. Habuka devait déjà imaginer tous les trucs sexuels qu'il pourrait faire avec son père après son départ de la maison.

FIN

lundi 24 décembre 2012

Quelque chose de beau et violent - Nouvelle

Cette nouvelle est disponible dans le recueil à thème Les Artistes  en vente sur Lulu (une oeuvre collective du groupe Deviantart Romans Francophones que gère KirakaFD)

JOYEUX NOËL !
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Jason adorait créer. Il aimait modeler la glaise pour façonner des formes bizarres et magnifiques, couvrir de peintures colorées des toiles et des cartons d'un blanc immaculé, poser des mots alambiqués sur les lignes d'un cahier, jouer avec les sons pour composer de mystérieuses mélodies, mouvoir ses membres pour conter d'étranges histoires... Il aurait voulu que son corps entier ne soit plus que création. Souvent, on lui donnait le nom d'artiste, de manière péjorative, mais de toute façon, même dans son sens dénué de préjugés, il ne se reconnaissait pas dans le terme. Pourtant, il fallait bien accepter cette étiquette : il était en effet quelqu'un créant des œuvres d'art doublé d'un marginal et c'était toujours mieux que de s'entendre appeler « parasite vivant aux crochets de ses parents », car hélas, aucune de ses créations lui permettait d'assurer sa subsistance. Il était trop touche-à-tout pour atteindre l'excellence dans quoi que ce soit, même si certaines personnes appréciaient ses œuvres - parfois, il vendait un de ses tableaux ou une de ses figures en glaise. Son père et sa mère ne lui reprochaient heureusement pas son incapacité à faire autre chose que créer au lieu de prendre un travail normal et routinier ; tout au plus, ils lui demandaient pourquoi il ne se spécialisait pas dans un domaine. Sûrement, il pourrait être un bon musicien, s'il y consacrait tout son temps... Jason ne trouvait rien à leur répondre. C'était comme ça, l'inspiration le prenait et le poussait tantôt dans les mots, tantôt dans les sons, tantôt dans les pinceaux, tantôt dans la danse... Ils soupiraient devant son silence, mais ils lui pardonnaient. « C'est un artiste » se plaisaient-ils à répéter. Face au regard social, ce mot les protégeait. Jason avait 27 ans, était toujours dépendant de ses parents, mais il avait une excuse.
Jason, lui, se voyait comme un créateur. Quand il n'était pas occupé à créer, il se promenait au hasard dans les rues, s'inspirant du spectacle du monde. D'un sac plastique à la dérive qui s'accrochait aux branches d'un arbre, il tirait un poème, d'un chant d'oiseau, il sortait un morceau de musique et d'une bribe de conversation, naissait toute une pièce de théâtre. Malgré tout, il éprouvait parfois de la frustration. Il aurait aimé créer quelque chose de beau et violent, quelque chose qui aurait marqué les esprits, quelque chose qui lui aurait donné le sentiment d'avoir sa place sur Terre. Depuis sa petite enfance, bien trop souvent, il avait l'impression d'être en complet décalage avec les autres et le quotidien, tel un extraterrestre égaré sur la mauvaise planète. Il était à part, mais n'en tirait aucune fierté. Il ne parvenait simplement pas à s'intégrer. Les autres semblaient insensibles à la beauté des feuilles mortes collées au trottoir, à la douceur du sifflement du vent, et ils préféraient regarder la télévision plutôt que d'inventer des histoires. Jason s'était retrouvé à jouer tout seul dans la cour de récréation, avec, pour unique compagnie, les univers imaginaires qu'il créait, et les années passant, cela n'avait guère changé. Sa relative solitude ne lui pesait cependant pas. Il s'était fait deux amis sur le tard, à l'université, et cela lui suffisait. Néanmoins, même vis-à-vis d'eux, il se sentait toujours comme déphasé. Et, son désir de créer quelque chose de beau et violent le taraudait, sans jamais qu'il parvienne au résultat espéré malgré de nombreux essais.


Des éclats de voix interrompirent le fil des pensées de Jason qui s'arrêta de marcher, intrigué. Cela provenait de l'entrée d'un chantier, en face. Plein de curiosité, il traversa la rue. Deux personnes furent à moitié projetées sur lui. Il s'écarta de justesse tandis que les deux adolescents, sans se soucier de lui, se retournaient vers celui qui les avait malmenés.
– T'as pas à nous traiter comme des malpropres ! On sait nos droits ! clama l'un.
– Sale con ! s'écria l'autre.
L'homme qui portait un casque jaune enfoncé sur la tête et était vêtu d'un t-shirt bleu sans manches et d'un pantalon maculé de plâtre, les toisa avec sévérité.
– C'est pas un terrain de jeu, ici, c'est un chantier interdit au public. Maintenant, déguerpissez !
– Sinon quoi ? répliqua l'adolescent qui l'avait insulté.
– Vous allez prendre la baffe que vous méritez comme les mioches mal éduqués que vous êtes.
Jason fut frappé par la rage qui transparaissait dans la voix de l'ouvrier. L'homme était à la fois beau et violent, comme l'œuvre qu'il souhaitait concevoir. A la place des deux garçons, il n'aurait pas demandé son reste, mais jeunes et téméraires qu'ils étaient, ils ne bougèrent pas.
– Vous avez pas le droit !
– Pas plus que vous n'avez celui de vous balader sur le chantier en fumant, rétorqua l'ouvrier en faisant jouer les muscles de ses bras.
Cette fois, les deux adolescents, après quelques commentaires désobligeants supplémentaires, choisirent de battre en retraite.
– Vous, circulez, y a plus rien à voir, grommela l'ouvrier.
Jason comprit que c'était à lui qu'il s'adressait.
– Pardon, murmura-t-il, se reprochant la curiosité déplacée qui l'avait amenée là.
L'ouvrier fronça soudainement les sourcils, fit un pas vers lui et se pencha pour le regarder de plus près, donnant l'occasion à Jason de le détailler également. Les traits de l'homme et le vert clair de ses yeux lui rappelaient quelqu'un. Fouillant dans ses souvenirs, il retrouva qui.
– Mathieu ? dit-il d'un ton interrogateur au moment où l'ouvrier demandait, une incertitude semblable dans la voix, « Jason ? »
Ils avaient été dans la même classe en primaire, durant trois années, et ne s'étaient jamais revus jusqu'à aujourd'hui. Ils n'avaient pas été amis, mais Mathieu avait été l'un des rares camarades de Jason à chercher à l'inclure dans la classe, sans jamais se moquer de lui. Une fois même, il avait tenté de jouer avec lui, s'efforçant d'entrer dans l'un de ses univers imaginaires. Il n'avait, hélas, jamais souhaité renouveler l'expérience. Jason avait malgré tout gardé un bon souvenir de ce camarade. Cependant, les dix-sept ans qui s'étaient écoulés n'avaient pas facilité le processus de reconnaissance. Si Jason avait poursuivi son chemin sans s'excuser, ils seraient probablement passés l'un à côté de l'autre.
– Ça alors ! Je me suis toujours demandé ce que tu étais devenu.
La voix de Mathieu avait perdu ses inflexions agressives. Jason le regretta presque. Le mélange de beauté et de violence qui avait excité son imagination avait disparu.
– Moi aussi, déclara-t-il en retour, même si ce n'était pas complètement vrai.
Dans son esprit, l'idée commençait à germer qu'il pourrait peut-être convaincre son ancien camarade de classe de poser pour lui dans une attitude menaçante.
– Il faut que je retourne bosser, mais on pourrait aller se boire un pot ce soir ?
Jason opina. Il était libre. En deux temps, trois mouvements, ils eurent fixé un rendez-vous dans un bar que Mathieu fréquentait régulièrement, puis ils se séparèrent.
Son imagination en ébullition, Jason prit aussitôt le chemin de chez lui. Seulement, il lui était difficile de dessiner de mémoire ce qui n'avait été qu'un moment fugitif... Jason, après quelques tentatives infructueuses froissées en boule et balancées sans pitié sur le sol, partit en quête de ses photos de classe et passa la fin de l'après-midi à se souvenir. Il ne lui restait plus grand-chose de cette époque lointaine : quelques bribes éparses, quelques images brouillées.


Le soir arriva vite. Sur le trajet du bar, Jason chercha des arguments pour convaincre Mathieu de lui servir de modèle, mais n'aboutit à rien de très concluant. La proposition était délicate à formuler et, même si cela flatterait peut-être son ancien camarade, rien ne disait qu'il accepterait. Mathieu l'attendait à côté de la porte du bar, sous le néon rouge, près d'un groupe de fumeurs. Sans son casque, la beauté rude de ses traits apparaissait de manière encore plus évidente. Il avait troqué son t-shirt sans manches poussiéreux contre une chemise qui cachait, hélas, ses bras musclés et bronzés. Le fixer sur du papier ne serait pas suffisant, le modeler s'imposait. D'une façon ou d'une autre, il fallait que Jason le persuade.
Ils se saluèrent et entrèrent. A l'intérieur, c'était sombre, éclairé par de discrètes lumières orangées. Seul le bar était brillamment éclairé, laissant voir un choix incroyable de bières : tous les types possibles et imaginables semblaient réunis là.  Il y avait des bouteilles et des canettes de tailles, de couleurs, et de formes différentes alignées les unes à côté des autres sur une haute étagère.
– J'aurais peut-être dû te demander si tu aimais ça, déclara Mathieu, comme Jason trahissait son étonnement.
– Je n'en bois pas souvent, mais j'apprécie, affirma Jason.
Il n'avait pas en tout cas pas détesté les trois qu'il avait bues dans sa vie, même s'il n'était pas très porté sur l'alcool.
Ils commandèrent et partirent s'asseoir avec leurs bouteilles dans un coin. Il était encore tôt et il y avait pas mal de places libres.
– Alors, quoi de neuf ? demanda Mathieu.
– Tu tiens vraiment à ce que je te détaille ce que j'ai fabriqué durant les dix-sept dernières années ?
– Je crois me rappeler que tu aimais raconter des histoires, répliqua Mathieu.
– Exact. Créer est une passion chez moi. Je passe tout mon temps à cela. Cela ne nourrit pas son homme, malheureusement. Je suis encore chez mes parents.
L'aveu coûtait à Jason, mais il savait que le cacher ne faisait qu'augmenter sa gêne. Pour se donner contenance, il avala une longue gorgée de bière.
– Ce n'est pas pénible d'être toujours chez eux ?
– Tant que je ne serai pas devenu riche et célèbre, je n'ai guère de solution... Parlons plutôt de toi...
– Eh bien, je n'ai jamais été fait pour les études. J'ai poussé tout de même jusqu'au bac, pour faire plaisir à mes parents, mais j'étais attiré par les métiers du bâtiment, alors je me suis orienté là-dedans. Mais dis-moi, qu'est-ce que tu crées ?
Jason but avant de répondre.
– A peu près tout. J'écris, compose, peins, dessine, danse, modèle, chante...
– Impressionnant ! Un véritable artiste !
Jason siffla le reste de sa bière et, sous prétexte d'aller s'en commander une autre, évita de commenter. Qu'est-ce qu'il pouvait détester ce terme... Cependant, quand il revint, muni cette fois d'une canette, Mathieu l'interrogea :
– Tu as un problème avec l'appellation d'artiste ?
Jason retomba lourdement sur sa chaise.
– Cela ne me correspond pas. Laissons ça. Tu ne voudrais pas poser pour moi ?
Mathieu s'étrangla sur sa gorgée de bière.
– Quoi ?
– Pas nu, si c'est ce qui t'inquiète...
– Pourquoi moi ?
Jason tenta de lui expliquer tant bien que mal, puisant du courage dans sa boisson. Quand il eut fini, Mathieu, l'air dubitatif, conclut qu'il avait besoin d'y réfléchir.
La conversation dériva sur d'autres sujets et ils évoquèrent des souvenirs de primaire. Jason avalait bière après bière, bien qu'à la quatrième, Mathieu lui ait conseillé de s'arrêter. Il ne l'avait pas écouté. Sa tête devenait de plus en plus légère et cette perte progressive de contact avec la réalité était confortable. Jason avait la sensation de flotter sur un nuage.
Égaré dans les brumes de l'alcool, il entendit Mathieu grommeler qu'il allait devoir le ramener chez ses vieux. Jason protesta, il n'avait pas besoin d'être raccompagné. Il se mit debout avec difficulté, le sol tanguant sous ses pieds. Mathieu l'attrapa sous le bras et le soutint, en râlant.
Dehors, l'air frais de la nuit revigora Jason, sans dissiper son impression que tout était bizarrement penché. Il dédia une longue ode à la lune et au profil sombre de Mathieu. Son ancien camarade était de plus en plus renfrogné.
– Tu es vraiment violemment beau, soupira Jason.
– Ça suffit maintenant ou je vais croire pour de bon que tu me fais des avances ! Entre ta demande pour que je sois ton modèle, ton poème et ton compliment, j'ai de quoi m'interroger sur ce que tu veux qu'il se passe entre nous. Je n'avais l'intention de te le dire vu les réactions de certaines personnes, mais, tu sais, je suis gay.
L'information ne dégrisa pas Jason. Les lampadaires s'embrassaient dans cette rue, tellement ils ne tenaient pas droit...
– Pour que tu poses pour moi, je suis prêt à tout.
– Et ça veut dire quoi ça ? Que tu veux bien coucher avec moi juste pour ça ?
– Oui, oui.
Mathieu eut un grognement dubitatif et agacé.
– Je me demande pourquoi je cherche à avoir une conversation sensée avec quelqu'un qui est rond comme une pelle. Passe-moi tes clefs, s'il te plaît.
Jason fouilla ses poches. Le monde tournoyait.
– C'est curieux, j'ai deux trousseaux...
Mathieu lui arracha des mains, se débrouilla pour dégoter la clef qui ouvrait la porte, puis il le poussa à l'intérieur sans ménagement et l'abandonna après lui avoir lancé un « bonne nuit » qui trahissait son énervement.
Jason peina à gagner son lit, mais après s'être cogné à tous les murs, il parvint à destination. Dieu merci, sa chambre se situait au rez-de-chaussée.


Le lendemain, au réveil, Jason eut l'impression que quelqu'un s'amusait à jouer du tambour dans sa tête. Une douche le rafraîchit, sans le soulager de son horrible mal de crâne. Devant sa mine de déterré, ses parents s'inquiétèrent et Jason avoua qu'il avait trop bu la veille. Évidemment, cela ne plut pas à sa mère qui lui fit des remontrances. Jason les subit sans piper mot. A son âge, il aurait dû avoir le droit de prendre une cuite, mais, en même temps, il était vrai qu'il s'était comporté comme un idiot. Son ancien camarade était fâché et cela l'attristait.
Par petits bouts, la soirée lui était revenue. Mathieu était gay et lui, il avait affirmé vouloir coucher avec lui pour qu'il devienne son modèle. Il avait honte. Néanmoins, le plus embarrassant, c'était de songer qu'il en avait vraiment envie, et pas juste pour créer une œuvre d'art belle et violente à l'image de son ancien camarade de classe. Mathieu devait être encore plus magnifique, brûlant de désir, dans toute sa nudité. Seulement, il l'avait quitté, furieux, et à raison. Pourquoi Jason avait-il cru bon de s'enivrer ? Il fallait qu'il lui présente des excuses pour son comportement. Ils ne s'étaient tout de même pas retrouvés pour ne plus jamais se revoir...
D'un pas décidé, Jason prit le chemin du lieu de travail de Mathieu, en essayant d'ignorer les martèlements qui ne cessaient sous son cuir chevelu.
Arrivé à l'entrée du chantier dont les bruits augmentaient ses maux, il hésita. Il ne savait pas comment lui dire qu'il regrettait son comportement, tout en exprimant son attirance pour lui. Il demeurait là, immobile, à se poser des questions quand un ouvrier l'aperçut et lui demanda s'il pouvait le renseigner. Jason expliqua qu'il venait parler à Mathieu et aussitôt, l'homme partit le chercher.
Mathieu ne tarda pas à se montrer. Il lui décocha un regard furibond. Casque ou pas casque, il était splendide.
– Je n'ai pas le temps pour tes conneries d'artiste, déclara-t-il de suite, avec violence.
Un coup de poing dans l'estomac n'aurait pas fait plus de mal à Jason qui, le souffle coupé, bafouilla ses excuses. Mathieu ne s'adoucit pas pour autant.
– Super, maintenant, bye-bye, j'ai du boulot !
– Tu ne veux pas qu'on se revoie ?
Jason n'avait pas envie de renoncer comme ça. Il pressentait qu'auprès de Mathieu, il trouverait la place qui lui avait toujours fait défaut, qu'enfin, il appartiendrait à ce monde dans lequel il vivait en marge depuis si longtemps.
– Une fois a suffi. Je ne souhaite pas poser pour toi, point barre, décréta Mathieu, le visage dur, en croisant les bras sur son torse.
– Je comprends et je ne te le demanderai plus. Mais je tiens à ce qu'on reste en contact, que l'on soit amis... et même plus.
Les derniers mots n'avaient été qu'un murmure, mais les traits de Mathieu se détendirent. Il plongea son regard clair dans celui de Jason, comme s'il cherchait à y lire les tréfonds de son âme, puis lui répondit avec un sourire d'une beauté déroutante :
– Finalement, comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, j'accepte d'être ton modèle. Ou tout ce qui fera plaisir à ton imagination de créateur.

FIN

lundi 17 décembre 2012

Durant les fêtes...

C'est bientôt les fêtes, c'est un peu la course, et c'est pourquoi, l'histoire A travers les âges reprendra le 3 janvier...

Ceci dit, lundi 24 décembre, en guise de cadeau de Noël, sera postée la nouvelle "Quelque chose de beau et violent" qui a été tout récemment publiée dans le recueil à thèmes Les Artistes du groupe Deviantart Romans Francophones que gère KirakaFD  - le recueil est disponible à la vente sur Lulu (les bénéfices, s'il y en a, sont reversés au groupe)

Le lundi 31 décembre, pour finir l'année en beauté, je mettrai en ligne une autre nouvelle, tirée celle-ci de mon recueil Le baiser et plus encore.

Sinon, Lykandré et Rendez-vous manqué seront bientôt disponibles sur Thebookedition. Je ne manquerai pas de vous prévenir de cette double sortie !

A travers les âges - 34

Comme dans les thermes publiques, il y avait un vestiaire où déposer ses vêtements. Titus se dévêtit, dévoilant un corps harmonieux et tendit  au Gaulois ses affaires pour qu'il les plie, ce  qu'il fit aussitôt. Il avait l'habitude de le faire pour Quintus Petronus qu'il drapait par ailleurs souvent dans sa toge.
Ewen se déshabilla ensuite à son tour. Les yeux brillants de Titus lui rappelèrent qu'il désirait coucher avec lui, mais, comme il était hors de question de remettre son habit comme une vierge effarouchée,  il laissa son maître le caresser du regard. Avec un peu de chance, ce qu'il verrait le dégoûterait... Ewen comprit qu'il s'illusionnait en remarquant que le pénis du jeune homme sous le triangle de boucles couleur fauve, grossissait et se dressait lentement, mais sûrement.
– Tu es très poilu, commenta Titus d'une voix voilée.
Ewen le savait et, l'examen devenant trop embarrassant, il déserta le vestiaire et passa dans le tepidarium. Titus franchit le seuil juste après lui.
– Je peux te frotter le dos avec le strigile, si tu veux.
Et voilà que maintenant, il inversait les rôles, jouant l'esclave alors qu'il était le maître ! Cela énerva Ewen. Avec difficulté, il contint sa colère et déclina polimment la proposition.
Titus se renfrogna, mais n'insista pas. Chacun s'occupa donc de râcler sa peau avant de s'immerger dans le bassin d'eau tiède. Ewen se perdit dans la contemplation des poissons en mosaïques qui recouvraient les murs. Il ne voulait pas savoir si le jeune homme aux cheveux fauve était toujours excité.
Il ne traîna pas longtemps et se rendit dans le caldarium. Il aurait dû attendre que Titus initie le mouvement, mais il craignait qu'en s'attardant, le jeune homme finisse par lui ordonner de faire des choses sexuelles, en dépit de ce qu'il avait affirmé plus tôt.
Dès que le jeune homme le rejoignit dans le bain chaud, Ewen repartit pour le tepidarium et il fila ensuite dans le frigidarium où il resta même quand Titus arriva. L'eau froide calmerait les ardeurs du jeune homme, c'était obligé.
Il se trompait. Quand Titus ressortit du bassin, son sexe était raide et gonflé, comme s'il avait été une incarnation vivante du dieu Priape.
Ewen sortit également de l'eau et ils regagnèrent le vestiaire.

– Touche-moi, Ewen...
Ce n'était pas vraiment un ordre, mais plutôt une supplique. Le Gaulois le perçut. Il opta pour un compromis. Il attrapa une serviette et essuya les gouttes d'eau qui perlaient sur le corps de Titus. Le cou, les épaules, les bras, le torse, le bas-ventre... Titus Fulvius, les yeux mi-clos, se mordit la lèvre dans une expression sensuelle qui troubla Ewen. Les hommes ne l'intéressaient pas, pas comme ça, mais il y avait quelque chose de beau et doux dans ce visage qui ne semblait désirer rien d'autre que d'être caressé. Néanmoins, Ewen acheva de sécher Titus, sans poser ne serait-ce qu'un doigt sur lui.

vendredi 14 décembre 2012

A travers les âges - 33

Mog s'approcha et lança d'un ton mordant :
– Tu as ensorcelé le maître, dirait-on, mais ne compte pas que cela dure !
Les conflits entre esclaves, Ewen en avait vécu beaucoup et il comprenait que Mog ne soit pas enchanté de se retrouver à le servir alors qu'il venait tout juste de débarquer dans la domus et qu'il aurait dû avoir un statut inférieur au sien ! Il quitta le banc pour être à hauteur d'yeux de son interlocuteur et protesta :
– Je n'ai rien fait du tout. Je n'y peux rien si Titus Fulvius ne tourne pas rond.
Mog lui décocha un regard glacial.
– C'est un jeune homme brillant. La graine de folie, c'est toi. Va nettoyer les latrines et apprends ta place !
Ewen s'inclina. Si Mog s'attendait qu'il se plaigne au maître, il se trompait.
Sans perdre de temps à admirer les mosaïques du sol et des murs, il accomplit la tâche qui lui avait été assigné en dépit de son inexpérience - Quintus Petronus ne possédait pas de latrines privées. Il partit ensuite à la recherche de Mog qui vérifia son travail et le valida à contrecoeur. L'esclave grisonnant se débrouilla ensuite pour briser le collier de Ewen avant de l'envoyer couper du bois. Et, une fois que le Gaulois eut fini, il l'emmena dans une des jolies chambres décorées. Deux tuniques à manches longues propres, mais certainement pas neuves, étaient posées sur le gros coffre en bois, au pied d'une l'étroite couche. Mog les lui désigna, jeta un « dépoussière la pièce » et partit, tirant le rideau derrière lui d'un coup sec.
Ewen se débrouilla pour trouver tout seul un balai et un chiffon. Le nettoyage terminé, il se changea et s'assit par terre. Les deux chaises en bois sculptées étaient trop belles pour lui, de même que le lit.  Ne rien faire en pleine journée était inhabituel. Ewen songeait à retourner voir Mog pour qu'il lui attribue une autre corvée, quand Titus Fulvius débarqua.
– J'ai peine à croire que ces dalles soient confortables ! s'exclama-t-il, et il vint tendre une main au Gaulois pour l'aider à se remettre debout.
Ewen hésita, mais la prit. Titus le tira d'un mouvement vif. Ewen qui ne s'y attendait pas, tomba presque sur le jeune homme. Ce n'est que de justesse qu'il retrouva son équilibre et évita la catastrophe.
Titus, le nez plissé, et l'air vaguement dégoûté, déclara :
– Je ne sais pas si tu as faim, mais, avant toute chose, tu as besoin d'un bon bain !
Ewen, loin de se vexer, se réjouit à l'idée d'aller aux thermes. Il ne savait pas où étaient les plus proches et les moins chers dans ce quartier, mais il était sûr qu'un des esclaves de la maison voudrait bien le renseigner.
– Je vais te tenir compagnie, suis-moi, ajouta le jeune homme aux cheveux fauves.
Effaré, Ewen en déduisit qu'ils allaient utiliser les bains de la domus.

jeudi 13 décembre 2012

A travers les âges - 32

Dans la salle de manger, trois lits disposés en U encadraient une table ronde vide. Par la petite fenêtre sans vitre qui donnait sur la cuisine, Titus ordonna qu'un repas soit apporté.
– Mais ce n'est pas l'heure  ! protesta une voix féminine.
Ewen s'attendit à ce que le maître rabroue l'insolente, mais il n'en fut rien.
– C'est vrai. Tant pis, j'attendrai. Allons au jardin.
Ewen n'eut d'autre choix que d'emboîter le pas de Titus.
Le jeune homme, malgré son encombrante toge, se déplaçait avec souplesse et fluidité. Sur le chemin, il montra le quartier des esclaves, les latrines, les thermes, les trois pièces destinées aux invités, et sa chambre qui contenait un grand lit - Titus ne croyant pas comme la plupart des Romains que dormir allongé fut néfaste - et qui était décorée de deux larges peintures murales érotiques : sur l'une, un jeune homme vêtu d'une peau d'ours était pénétré par un autre, nu et à l'allure bestiale, tandis que sur l'autre, une femme grecque accueillait en elle, un gaillard couvert de cicatrices.
Dans le vaste jardin entretenu avec soin, deux sculptures de pierre représentant les mêmes couples, cette fois simplement enlacés, encadraient un banc de marbre blanc. Titus s'y assit et tapota la place à côté de lui. Ewen s'installa à ses côtés, veillant à garder un espace raisonnable entre eux. Le jeune homme aux cheveux fauve réduisit l'écart à néant et colla sans vergogne sa cuisse contre celle du Gaulois.
– C'est mon endroit préféré.
Ewen resta muet. Il ne savait pas comment se comporter avec ce drôle de nouveau maître qui agissait si étrangemment vis-à-vis de lui. Qu'attendait-il de lui ?
Titus reprit :
– Tu n'es pas bavard. Un mort serait plus causant que toi !
Il soupira et demanda :
– Tu crois à la réincarnation ?
Ewen avait entendu un druide affirmer que les âmes ne meurent  jamais et qu'elles passent d'un corps à un autre, mais celui de son village natal parlait juste de passage dans un monde différent et il était plus en accord avec le second.
– Non.
– Le contraire eut été trop simple...
Sur ces entrefaites,  Mog arriva. S'il fut surpris de la proximité du Gaulois et de son maître, il n'en laissa rien paraître.
– Lucius Inferus est là et insiste pour vous consulter à propos d'une affaire importante.
– Lucius ? Je ne l'attendais que demain. Cela ne m'arrange pas, mais je vais y aller. Si tu veux bien m'excuser, Ewen...
Le Gaulois avait l'impression de rêver. Il n'avait plus l'habitude d'être considéré comme quelqu'un qui comptait. Il toucha son collier en métal, puis son épaule qui avait été marquée au fer rouge - les preuves qu'il était pourtant bel et bien un esclave.
Ses gestes n'échappèrent pas à Titus qui venait de se lever du banc. Il souleva la courte manche de la tunique en lin d'Ewen et effleura le tatouage du bout des doigts tout en murmurant quelques mots indistincts. Il se tourna ensuite vers Mog :
– Débrouille-toi pour que le « bijou » au nom de Quintus Petronus lui soit retiré, envoie quelqu'un lui acheter des vêtements et loge-le dans la chambre la plus proche de la mienne.
Mog acquiesa et Titus s'éloigna.
Ewen, lui, rabattit sa manche. Son nouveau maître était un mystère ambulant, et avait la peau aussi douce qu'un bébé !

mercredi 12 décembre 2012

A travers les âges - 31

– Quel est ton nom ?
– Ewen.
– Depuis combien de temps es-tu un serviteur ?
Esclave, rectifia mentalement Ewen.
– Vingt ans.
Titus Fulvius ne dit plus rien, se contentant de dévisager de la tête aux pieds Ewen qui se sentait de plus en plus mal à l'aise. Quel était le but de cet examen ? Envisageait-il de le revendre et cherchait-il à estimer sa valeur ? Quand Titus Fulvius ouvrit à nouveau la bouche, ce fut pour congédier Mog qui quitta immédiatement les lieux.
– Tu te rappelles de moi ? demanda alors Titus, en adressant à Ewen un sourire éblouissant.
– C'est la première fois que je vous vois, répliqua Ewen, le front plissé.
Cette couleur de cheveux ocre orangé ne pouvait s'oublier, pas plus que l'aspect félin du jeune homme en face de lui.
– Pas exactement, non, soupira son nouveau maître. Tu as la mémoire désespéremment courte.
Ewen n'apprécia pas la critique, mais il avait appris à garder sa place. Les lèvres closes, l'air neutre, il regretta en son fort intérieur que Titus Fulvius se révèle arrogant.
– Aimes-tu avoir un homme dans ton lit, Ewen ?
Cette question personnelle embarrassa le Gaulois. Quintus Petronus ne s'était jamais intéressé à lui. Il n'avait pas plus remarqué sa brève romance avec une des jeunes femmes esclaves de la maison que son chagrin quand cette dernière était morte de maladie.
– Non, répondit-il.
– Tu devras pourtant t'y habituer.
A cette affirmation de Titus Fulvius, Ewen réalisa que ce dernier souhaitait coucher avec lui et il écarquilla les yeux, incapable de cacher sa surprise. Il savait bien sûr que les maîtres avaient souvent des relations sexuelles avec leurs esclaves hommes ou femmes, mais à quarante ans révolus, il pensait d'autant plus être à l'abri de toute concupisence qu'il n'avait jamais rien eu de bien attirant, même dans sa jeunesse : il était trapu et son nez cassé lors d'un combat avec un ami d'enfance était tordu.
– Eh bien, tu ne protestes pas ? s'étonna le jeune homme à la crinière fauve.
– Vous êtes mon maître désormais. Je ferai ce que vous m'ordonnerez de faire...
Quoiqu'il lui en coûtât, songea Ewen. Il n'était pas homophile...
Titus Fulvius grimaça.
– Cela ne m'intéresse pas, si c'est par pure obéissance, mais je compte bien parvenir à mes fins. Quoi qu'il en soit, je suis content de t'avoir retrouvé.
Ewen resta interdit. Ce que Titus Fulvius disait n'avait guère de sens : il semblait ne pas avoir toute sa tête. Cependant, mieux valait qu'il soit fou que de devenir sur le champ son jouet sexuel.
– Allons-nous restaurer dans le triclinium. Je te ferai ensuite visiter le reste de ma demeure.
Ewen ne bougea pas de suite, tellement il n'en revenait pas. Voilà que son nouveau maître le traitait comme un invité !

mardi 11 décembre 2012

A travers les âges - 30

Ewen détestait sa condition d'esclave, mais après vingts années passés à l'être, soit la moitié de sa vie, il s'y était habitué et avait  même fini par s'attacher à son maître, Quintus Petronus, un vieux bonhomme aimable et insouciant. Seulement, voilà, c'était fini. Le vieux bonhomme avait trop joué aux dés et il   avait tout perdu, tout, jusqu'à son dernier esclave, Ewen. Si le coup était dur pour Quintus, il l'était tout autant pour Ewen. De son nouveau maître, il ne savait rien, hormis son nom : Titus Fulvius. A quarante ans, ce changement de vie qui s'annonçait ne disait rien à Ewen. Cela lui rappelait, la première fois où sa vie avait basculé, quand il avait été constitué prisonnier au cours d'une bataille contre les Romains, et qu'il avait cessé d'être un homme libre. Il se frotta le dessus de sa lèvre. De cette période lointaine, il avait uniquement conservé sa moustache blonde comme un épis de blé mûr. Elle montrait qu'il était un Gaulois aussi sûrement que le sceau au fer rouge qu'il avait  sur l'épaule, pour avoir essayé de s'enfuir, la toute première année... L'autre marque de sa condition d'esclave et sa désobéissance originelle, c'était le collier de métal autour de son cou sur lequel était gravé le nom de Quintus. Sûrement le nouveau propriétaire le lui ôterait pour lui en mettre un à son nom. Comme il était arrivé à l'endroit indiqué par Quintus Petronus, Ewen tira sur les rênes. Le bruit des roues sur les pavés s'adoucit et la charrette pleine des derniers objets de valeurs de son ancien maître s'immobilisa tout à fait. L'âne poussa un hennissement content et agita les oreilles. Ewen contempla l'endroit où il allait vivre. Titus louait, comme tout les riches romains, l'avant de sa domus à deux marchands, l'un d'amphores, l'autre de tissus. La porte en bois de la maison elle-même était de toute beauté. Ewen épousseta sa tunique de chanvre qui lui descendait jusqu'aux genoux, quitta le siège du conducteur et alla frapper. Un homme grisonnant vêtu d'un habit de lin  l'introduisit dans le vestibule, après s'être enquis de son identité. Il lui dit qu'il s'appelait Mog, lui expliqua que le maître l'attendait dans l'atrium pour faire sa connaissance, puis commanda à d'autres serviteurs de décharger la charrette.
Ewen suivit Mog dans le couloir qui menait à la pièce centrale de la maison. Des mosaïques représentant des animaux recouvraient tous les murs. Titus Fulvius était fortuné, cela ne faisait pas de doute. Dans l'atrium, d'élégantes statues entouraient le bassin devant lequel un homme en toge aux cheveux fauves se tenait de dos. Mog annonça que le nouvel esclave était arrivé et l'homme se retourna. Il était beau, jeune et doté d'un regard gris pénétrant. Ewen se courba brièvement en deux, puis se redressa, se demandant quel genre de personne était son nouveau maître.

lundi 10 décembre 2012

A travers les âges - 29

Les dernières heures de la journée traînerent en longueur. Dake avait du mal à tenir en place sur sa chaise. L'inactivité lui était d'autant plus inssupportable qu'il avait en tête les longues chasses auxquelles il consacrait son temps, des siècles auparavant.
Il fut le premier à avoir rangé ses affaires et à sortir de la salle de classe. Il traversa le couloir qui se remplissait d'élèves au pas de course et dévala les escaliers, mais, en approchant de sa destination finale, il ralentit l'allure, plus aussi certain que ce soit une bonne idée d'entendre une nouvelle histoire. Malgré tout, il continua à avancer.
La porte de la salle 236 était grande ouverte et des élèves en franchissaient le seuil au compte-goutte. Cela devait être les derniers. Dake attendit sur le côté, puis, comme M.Toukka n'apparaissait pas, il risqua un coup d'oeil à l'intérieur. La classe était vide à l'exception du professeur d'histoire, installé à son bureau qui expliquait quelque chose à une adolescente, ce qui agaça Dake. Une petite voix en lui, lui souffla qu'il était jaloux, mais il l'étouffa. M.Toukka faisait son travail et il était méritoire de sa part qu'il accorde du temps à ses élèves alors que son cours était terminé. Après tout ce n'était pas comme s'il racontait à tout le monde qu'il les avait connus dans une vie antérieure, et qu'ils s'étaient aimés.
Enfin, l'adolescente s'en alla, et aussitôt, Dake entra. M.Toukka se leva de son bureau.
– Je suis content que tu aies changé d'avis.
Embarrassé, Dake ne releva pas et demanda :
– On reste ici pour parler de notre deuxième rencontre ?
– Oui, il est inutile d'aller ailleurs, puisque, par chance, personne ne l'utilise à cette heure.  Cependant, nous allons sauter la deuxième fois où nous nous sommes croisés, car tu étais une femme et je pense qu'il est mieux de se concentrer sur celles où nous étions deux hommes comme maintenant. Mais si tu es motivé, nous y reviendrons, bien sûr.
Dake rentra la tête dans les épaules. Combien de vies avaient-ils partagées au juste ? Il ne savait honnêtement pas s'il était préférable de se rappeler avoir été une femme ou un homme homosexuel...
– Faîtes comme vous voulez.
– Je tiens à te dire que cela me fait très plaisir que tu te souviennes, une fois que je t'ai raconté, même si après, pour toi, cela a l'air plus pénible.
C'était moins évident que de pouvoir tranquillement lui balancer à la figure qu'il délirait avec son homme de Cromagnon et son néanderthalien, ça c'était certain !
Dake prit place à la table du premier rang, et posa son sac sur la chaise voisine. M.Toukka, après un soupir, s'empara d'une craie et écrivit en lettres capitales sur le tableau noir « époque galloromaine » « 54 avant JC » « Ewen » et « Titus Fulvius » avant de finalement commencer à raconter.

vendredi 7 décembre 2012

A travers les âges - 28

Hélas, aucune émission ne parvint à le captiver suffisamment pour vider son cerveau et pendant le repas, en écoutant sa mère lui parler de ses problèmes au travail, Dake se surprit à regretter la soupe d'Olliana. Quant à sa nuit, elle fut agitée et peuplée de rêves très réels où Iol et Kuma s'embrassaient à perdre haleine, allongés sur un tapis de feuilles mortes.
Le lendemain, il se rendit au lycée en traînant les pieds, hésitant à sécher le cours d'histoire. Cependant, faire l'école buissonnière, ce n'était pas son truc, aussi, il se résigna à revoir M.Toukka.
Durant la matinée, sa mémoire continua à le travailler. Les bruits de la classe et la voix des professeurs ne l'atteignirent pas. Il entendait en boucle Iol, en particulier le dernier « à dans une lune » qu'il avait prononcé. Les regrets de Kuma de ne pas avoir eu le courage de quitter son clan le taraudaient comme s'ils avaient été siens, ce qui était le cas, en un sens...
Puis, ce fut l'heure du cours d'histoire. M.Toukka lui adressa un regard, un seul, qui remua Dake. Les yeux gris, c'était l'unique point commun visible qu'il avait avec Iol. Pas de cheveux épais et hirsutes, pas de menton rentré, pas de membres massifs et musclés, et à priori, pas d'énorme sexe... Se rendant compte qu'il fixait l'entrejambe de M.Toukka,  Dake piqua du nez dans son cahier. Cela ne tournait plus rond chez lui, tout ça à cause de ses idioties de vies antérieures. Il ne voulait certainement pas se souvenir de plus. La période préhistorique était déjà assez dure à digérer et, en même temps, s'en tenir désormais une simple relation d'élève-professeur avec M.Toukka, n'était-ce pas une grosse bêtise ? Il aurait aimé passer plus de temps avec Iol, et le néanderthalien, c'était aussi M.Toukka. Il n'allait quand même pas répéter la même erreur qu'il avait commise autrefois... Kuma n'avait pas quitté son clan par peur de l'inconnu et lui, en refusant d'en apprendre plus sur leur passé commun, agissait de façon similaire. Maintenant, il ne restait plus qu'à se débrouiller pour dire à M.Toukka qu'il était d'accord pour entendre au moins une histoire de plus.
Dès que la cloche sonna, Dake se précipita vers le bureau du professeur, sans se soucier de l'étonnemment que son empressement suscitait chez ses camarades.
– Monsieur, j'aurais des questions à propos du livre que vous m'avez prêté, débita-t-il à toute vitesse, appréhendant un peu la réaction de M.Toukka après son comportement de la veille.
Le professeur eut un sourire très doux qui illumina son visage banal et déclara :
– Il me semble M. Tomahé que si je vous réponds maintenant vous risquez de vous mettre en retard pour le cours suivant. Cependant, vous pouvez toujours venir me voir en fin de journée, à 18h, je serai en salle 236.
C'était une manière à peine voilée de lui donner rendez-vous. Dake acquiesça. 

jeudi 6 décembre 2012

A travers les âges - 27

– Mon coeur... ça va ?
– Ne m'appelez pas comme ça ! Sale menteur !
Dake attrapa son sac, se leva de sa chaise, et sortit en trombe de la salle. Il fut cependant obligé de s'arrêter très vite. Les souvenirs et le récit de M.Toukka tournoyaient à toute vitesse dans son cerveau. Tout étourdi, il se retint en s'appuyant au mur. Il étouffait dans son uniforme marine.
Il crevait d'envie de voir le visage de brute d'Iol, mais il était mort et enterré depuis des milliers d'années et plus jamais il ne pourrait sentir ses caresses. Dake serra les poings. Tout cela ne le concernait pas et pourtant, tout était frais dans son esprit... Tout était mélangé. Le chagrin d'avoir perdu Iol, sa colère contre ce dernier et contre M.Toukka se confondaient.
Le professeur d'histoire le rejoignit et posa une main légère sur son épaule qui rappela à Dake la fois où Iol l'avait ainsi touché pour l'empêcher de défaire sa litière...
– Pourquoi dis-tu que je mens ? Tu ne parviens pas à croire ce que je t'ai raconté ? Que tu t'appelais Kuma et moi Iol, il y a des siècles de cela... ?
– Vous ne m'avez pas dit la vérité... Vous m'avez forcé à coucher avec vous ! Lâchez-moi, maintenant ! s'écria Dake, en s'écartant.
M.Toukka ne fit rien pour le retenir. Il regarda autour d'eux avec inquiétude, mais il était tard, et il n'y avait personne dans le couloir mal éclairé.
– Te souviens-tu ? demanda-t-il d'une voix hésitante. Jamais auparavant, tu ne t'es rappelé de ce que nous avons vécu ensemble...
– C'est pas une raison pour me faire gober des bobards ! coupa l'adolescent.
– Ce n'était pas mon intention, j'ai juste édulcoré les choses. C'est déjà assez compliqué comme ça, sans en rajouter, mais... pardon.
Dake déglutit. Iol avait exprimé des regrets pour son acte, et lui, en tant que Kuma, l'avait excusé. Toute cette affaire était terminée. Hélas, dans ses pensées, c'était le chaos.
M.Toukka reprit :
– Est-ce que toutes nos vies antérieures te sont revenues ?
– Non, juste celle-là et c'est suffisant. Ne comptez pas sur moi pour apprendre la suite !
Un éclair de tristesse traversa les yeux gris de M.Toukka.
– En es-tu certain, mon coeur ? Je ne me suis pas toujours comporté comme une bête sauvage et nos histoires ne se sont pas toutes terminées tragiquement.
Pour toute réponse, Dake pivota sur lui-même et s'éloigna. Tout ça, c'était trop pour lui. Il n'aurait pas dû savoir comment chasser alors qu'il détestait la vue du sang, pas dû connaître la douleur et le plaisir d'être ravagé par un autre homme alors qu'il ne se masturbait même pas...
– Ne souhaites-tu pas que je te raccompagne vu ton état ?
Dake accéléra le pas, ignorant la question de son professeur. Il allait rentrer chez lui, manger, regarder la télé, se coucher et tout oublier. Il regrettait la curiosité qui l'avait poussé à écouter M.Toukka. Tout ça, c'était trop perturbant à son goût.

mercredi 5 décembre 2012

A travers les âges - 26

Ce qu'il y trouva, fit couler ses larmes, lui qui ne pleurait jamais. Un crâne volumineux et aplati aux orbites vides avec un large trou pour le nez et un tas d'ossements brisés reposaient en désordre sur le sol. Cela ne pouvait être qu'Iol. Il examina les traces autour et s'efforça de reconstituer ce qui s'était passé. Cela avait dû se produire peu après leur dernière rencontre. Iol avait eu à priori la malchance de croiser le chemin de non pas un, mais deux redoutables prédateurs. Sans aucun doute, il s'était battu, défendant sa vie et son refuge, avait perdu, et avait été dévoré jusqu'à la dernière miette...
Sur la surface de la pierre qui servait de toit à l'abri, Kuma découvrit des peintures qui le représentaient. Il se frotta les yeux, essuyant ses larmes. Peu importait ses regrets et son chagrin, c'était trop tard. Tout était fini. Il creusa la terre caillouteuse de ses mains pour enterrer ce qui restait d'Iol et lui offrir un semblant de cérémonie funéraire. Le trou achevé, il déposa les os dedans, gardant le crâne pour la fin. Il caressa la surface lisse une ultime fois, et s'en sépara. Avant de recouvrir l'ensemble, il récupéra un minuscule morceau du squelette et le serra dans sa paume. Il l'accrocherait autour de son cou sur une lanière en cuir. Il le garderait jusqu'à sa mort.
Il redescendit la montagne et regagna le camp, le cœur lourd de regrets. Si seulement, il avait fait le choix de suivre Iol. Si Seulement... Il dut s'excuser d'avoir manqué la chasse. Olliana le sauva cependant d'une correction certaine, en expliquant que c'était sa faute, qu'elle avait perdu son collier préféré lors de la cueillette et qu'elle avait insisté pour qu'il le lui retrouve. C'était elle qui avait été punie, elle à qui Kuma avait tout avoué sur Iol et lui, elle qu'il avait fini par épouser à la fin de l'hiver. Olliana n'hésitait pas à parler d'Iol, le ranimant le temps d'une conversation. Kuma en éprouvait autant de joie que de chagrin.
Les saisons avaient filé. Il était devenu père d'une petite fille, puis d'un petit garçon. Il avait vieilli. Mais sans faute, à chaque automne, il avait gravi la montagne au crépuscule et s'était recueilli sur la tombe de Iol.

– Dake. Dake, mon cœur...
L'adolescent revint au présent. Il n'avait même pas remarqué le moment où M.Toukka avait terminé son récit. D'ailleurs, l'avait-il seulement écouté ? Il avait plutôt l'impression de s'être souvenu d'un temps lointain où il avait porté le nom d'Iol. Dehors, la pluie avait cessé et le ciel s'était obscurci. Dake s'ébroua.
Il porta machinalement la main à son cou, cherchant un bout d'ossement qui ne s'y trouvait pas... La sensation d'un homme le pénétrant lui revint... La brutalité d'Iol, quand il l'avait pris la première fois... Et enfin, les mots de M.Toukka évoquant Iol, Kuma et le clan des Trois Silex. Cet enfoiré avait gravement enjolivé les choses. Il l'avait violé, oui... Et il était mort, seul, comme un pauvre idiot et non pas comme un brave... Dake se prit la tête entre les mains. Une douleur sourde lui vrillait les tempes.

mardi 4 décembre 2012

A travers les âges - 25

Le jeune homme avait fini par mentionner une fois la jeune fille lors d'une de ses rencontres avec Iol. Ce dernier s'était mis en colère, laissant transparaître sa jalousie. Kuma s'était énervé, puis excusé. Il ne voulait pas qu'ils se quittent fâchés. Il aurait eu trop peur de ne pas retrouver Iol, une lune après. Ils s'étaient à nouveau unis, en guise de réconciliation, profitant du fait que la nuit tombait plus tard.
Kuma n'avait plus jamais prononcé le prénom d'Olliana durant les trop rares et trop courts moments passés avec Iol. L'été s'était achevé, sans qu'il soit contraint de se marier, son amitié avec Olliana ayant dû sembler de suffisamment bon augure à Wuélé. La jeune fille et lui discutaient sans faute ensemble en fin de journée, après la chasse.
C'était elle qui avait fait un soir remarquer à Kuma qu'un an s'était écoulé depuis l'épisode du tigre aux dents de sabre. Un an qu'Iol était apparu dans la vie de Kuma, le changeant à tout jamais. Le jeune homme n'avait pas confié à Olliana qu'il voyait encore l'étranger une fois par lune, mais dès fois, il avait le sentiment qu'elle l'avait deviné.


Quand le moment de revoir Iol revint, Kuma partit dans la montagne. Il n'était pas encore prêt à se détacher de son clan, mais il commençait à s'y résigner et voulait faire part à Iol de la grande nouvelle. Au printemps prochain, cela ferait une année que lui et Iol se fréquentaient en cachette et il ne voulait plus continuer à imposer cette vie solitaire à Iol.
Cependant, quand Kuma arriva à l'amas de rochers, près du bosquets d'arbre, en bas de la pente, Iol n'apparut pas. Il attendit un moment, puis commença à grimper. Quelque chose avait dû retarder Iol. Ce n'était jamais arrivé. C'était anormal. De plus en plus inquiet, en dépit de la lumière déclinante, il monta de plus en plus haut. Il appela Iol en vain. Seul le vent lui répondit, renvoyant le prénom en écho. Finalement, la nuit étant là, il rebroussa chemin, décidé à revenir aux premières lueurs de l'aube.
Le trajet de retour dans l'obscurité fut d'autant plus angoissant qu'il se faisait du soucis pour Iol. Dans sa tente, il ne dormit pas. Iol était-il parti, lassé qu'il ne se décide pas à l'accompagner ? Était-il blessé, quelque part dans la montagne ?
Dès que ciel se fut vaguement éclairci, troquant son habit noir piqué d'étoiles pour un gris sombre, Kuma quitta le campement. Il ne s'était jamais rendu dans l'abri de Iol, mais ce dernier avait tout de même fini par révéler son emplacement à force qu'il insiste pour savoir. C'était non loin du sommet, près d'un gros rocher en forme d'oiseau. Le jeune homme savait qu'il risquait de ne pas être rentré à temps pour la chasse, mais tout ce qui comptait, c'était qu'il retrouve Iol. Il monta tout droit pour aller plus vite, tout en sachant que c'était plus fatiguant. Une fois dans les hauteurs, il ne repéra pas de suite le rocher oiseau, et même après l'avoir atteint, dénicher l'abri d'Iol - un trou dans la terre surmonté d'une immense pierre plate recouverte de mousse, lui prit du temps.

lundi 3 décembre 2012

A travers les âges - 24


Kuma tenta sa chance auprès du vieux Alguh. Ce dernier connaissait plein d'histoires. Il saurait lui dire. Hélas, malgré les efforts du jeune homme, le vieux n'aborda pas le sujet qui l'intéressait. Les jours se succédèrent avec lenteur. L'absence d'Iol lui pesait et il ne parvenait pas à trouver une solution pour qu'ils soient réunis, sans être obligés de fuir le clan des Trois Silex. Se voir une fois par lune, à la volée, c'était trop peu, et quand la mauvaise saison reviendrait, cela deviendrait difficile. Au coeur de l'hiver, ce serait même probablement impossible.
Une lune plus tard, quand Kuma revit Iol, après qu'ils aient fait l'amour, il lui fit part de ses inquiétudes, sans avouer qu'il avait cherché à se renseigner auprès du chaman et d'un ancien à propos des couples de même sexe. Iol le rassura, ils se débrouilleraient et une fois de plus, ils se séparèrent.
Kuma continua à essayer de savoir si vraiment, Iol et lui n'avaient pas d'avenir possible au sein du clan des Trois Silex. A défaut, il se demandait s'il n'existait pas des clans ouverts à la question. Hélas, le seul autre clan qu'il connaissait, celui du Renard de Feu ne semblait pas l'être plus...
Les semaines passèrent et l'été arriva. Chaque rencontre avec Iol était intense et brève. Des caresses sauvages, quelques phrases, et trop vite, il fallait repartir.
Les journées s'allongeant, de nombreuses fêtes furent organisées. Durant celles-ci, de nombreuses jeunes filles cherchaient à séduire Kuma. Le jeune homme en était embarrassé. Les années précédentes, cela n'avait pas été le cas, car il n'avait pas encore accompli sa chasse initiatique. Mais désormais, il était un parti envisageable et il était très entouré. Plus que ses camarades du même âge, avait-il remarqué. Et, il avait beau être assez fier de son reflet dans la rivière et de ses capacités de chasseur, il n'était pas assez vaniteux pour se croire irrésistible, aussi s'en était-il ouvertement étonné. La réponse lui avait été donnée par une des rares jeunes filles avec laquelle il avait sympathisé, Olliana. C'était Wuélé qui avait fait passer la consigne parce que selon lui, Kuma s'était « égaré » et que « seule une femme saurait le remettre dans le bon chemin. » Kuma avait alors réalisé qu'il avait eu beau tâter le terrain discrètement à propos des couples composés de deux hommes, le chaman avait dû finir par comprendre. Incapable de savoir comment se dépêtrer de la situation, Kuma n'avait rien fait et surtout rien dit à Iol.
Durant les fêtes, Kuma s'était mis à passer de plus en plus de temps auprès de Olliana dont la présence à ses côtés diminuaient les tentatives de séduction dont il était sinon l'objet. Si la compagnie de la jeune fille lui était aussi agréable, c'était qu'elle parlait volontiers d'Iol. Les autres membres du clan paraissaient l'avoir oublié, comme s'il n'avait été qu'un caillou qui avait effleuré la surface de l'eau du camp avant de disparaître. Olliana, elle, se souvenait, car, sans Iol, elle aurait été dévorée par un tigre aux dents de sabre et serait morte.

samedi 1 décembre 2012

A travers les âges - 23

Les jours qui suivirent, Kuma, malgré une façon de marcher inhabituelle, se comporta le plus normalement qu'il put. Iol lui manquait, mais la routine du clan le réconfortait. Les rumeurs s'éteignirent rapidement et Golo finit par se montrer à nouveau aimable avec lui, mais sans pour autant qu'il reparle du mariage avec sa nièce, au grand soulagement du jeune homme. 

Quand une lune se fut écoulée, Kuma, dans le crépuscule, s'aventura dans la montagne. Il n'eut pas à chercher longtemps. Iol, descendu à sa rencontre, sortit de derrière un tas de rochers situé en bas de la pente et le serra contre lui avec force avant de recouvrir ses lèvres de sa bouche. C'était un baiser exigeant qui coupa le souffle du jeune homme. Iol l'entraîna ensuite vers un bosquet d'arbres tout proche, l'adossa contre un large tronc, se mit à genoux devant lui, remonta l'unique habit de Kuma, une simple tunique en peau de renne qui descendait jusqu'à ses genoux, caressa les cuisses dénudées, glissa une main dans l'entre-jambe et vint taquiner d'un doigt préalablement léché l'anus du jeune homme. Kuma le sentit entrer et bouger en lui, et rapidement, ses jambes faiblirent et se dérobèrent sous lui. Iol se releva, souleva le jeune homme et l'appuya contre l'écorce. Là, il le pénétra. Kuma s'agrippa aux épaules d'Iol, accompagnant du mieux qu'il pouvait les mouvements de ce dernier. Être ainsi unis après cette longue séparation lui était précieux.
Mais trop vite, l'étreinte s'acheva. La tunique retomba et Iol enjoignit Kuma à regagner le camp des Trois Silex. Le jeune homme protesta. Ils n'avaient même pas échangé trois mots. Comment allait Iol ? S'était-il déniché un abri ? Ne sentait-il pas trop seul ? Iol lui répondit simplement de ne pas s'inquiéter pour lui. Kuma demanda alors s'il ne voulait vraiment pas revenir vivre avec le reste du clan. A cette question, Iol en opposa une autre : Kuma ne souhaitait-il pas partir avec lui ? Le jeune homme se sentit une fois de plus partagé. Devant son air indécis, Iol lui dit de se dépêcher de rentrer avant qu'il ne fasse tout à fait nuit et lui donna rendez-vous dans une lune. Kuma suggéra de raccourcir le délai, mais Iol refusa. Les risques de se faire découvrir seraient dans ce cas trop élevés, selon lui. 

Kuma repartit, le cœur et le corps endoloris et réussit à regagner sa tente sans se faire voir. Iol et lui avaient passé trop peu de temps ensemble à son goût. Cependant, il lui était difficile de tout abandonner pour lui. Sûrement, il y avait un moyen d'être avec Iol sans laisser derrière lui tous les gens qu'il connaissait. Dès le lendemain soir, il alla consulter Wuélé, essayant de savoir, si le chaman était véritablement opposé à un couple constitué de deux hommes, mais il ressortit tout étourdi de la tente enfumée du chaman sans être plus avancé. Il avait évité de l'interroger directement, se débrouillant pour être dans le vague et l'hypothétique, et Wuélé l'avait renvoyé en lui conseillant de venir avec une question claire et précise la prochaine fois, un comble quand on songeait que les réponses qu'il donnait étaient souvent mystérieuses.

jeudi 29 novembre 2012

Projets : suites et nouvelles idées

A défaut de vous offrir un nouvel épisode aujourd'hui, voici une liste avec résumés des histoires boy's love que j'ai envie d'écrire un jour, si possible...

Nouveaux romans (à plusieurs volumes, si tout va bien) :
1) Âme en peine (Une nouvelle mort)
Simon Dalès n'a pas peur de la mort, loin s'en faut, mais il ne se doute pas de ce qu'il y a de l'autre côté...

2) Zombi, vampire, et garou (Zombi et co)
Il n'a pas de nom, il ne se rappelle plus de rien depuis qu'il s'est réveillé dans le cimetière adjacent au manoir de Blackbone, au milieu des tombes. Les autres zombies non plus ne savent rien de lui, mais ils l'ont accueilli comme l'un des leurs. Leur quotidien paisible est bouleversé par l'arrivée du nouveau propriétaire du manoir, un vampire, et sa suite qui comprend entre autres un majordome loup-garou et un jardinier squelette..

3) Le prisonnier et l'armoire à glace (11 Royaumes)
Dans un monde où coexistent 11 royaumes tous plus différents les uns que les autres, la paix fragile explose quand le roi de Barbarium se met en tête de conquérir le monde en començant par son plus proche voisin.
Lanceval, un ouvrier, est fait prisonnier avec bon nombre gens de son village pour travailler dans une mine sous l'oeil de gardes baraqués. L'un d'entre eux, Oswen est particulièrement impressionnant.

4) Un fée parmi les fées
Les fées, c'est bien connu, sont de jolies femmes ailées. Ce n'est pas le  cas de Zibulinion qui est né fée, mais qui a le double handicap d'être un garçon et de ne pas avoir un physique très avantageux. Voilà pourquoi il est désespéré quand il se retrouve contraint et forcé de quitter l'école normale pour celle des fées. Toutes ses camarades sont des filles (ou presque), et tous ses professeurs (ou presque), sont des femmes, toutes plus belles les unes que les autres.

Suites des nouvelles pilotes (au moins quelques épisodes supplémentaires, voire plus)  :
1) A travers les âges (qui est en cours !)
Le nouveau professeur d'histoire de Dake prétend qu'ils se connaissent depuis la préhistoire...
2) Le Baiser de la gargouille
Naoko se retrouve avec Kaseigan, l'homme gargouille sur les bras... Qui est-il, d'où vient-il, et pourquoi a-t-il besoin que Naoko l'embrasse régulièrement ?
3) Super amoureux
Avoir un petit ami super héros, ce n'est pas de tout repos, surtout quand il peut lire dans vos pensées...
4) L'île du miroir
Orangel et Mitsu filent le parfait amour, mais les mystères de l'île les rattrapent.

Suites de romans achevés :
1) Almort (suite de Mémoire Etoilée)
2) Chveuil ou Méroé (je n'ai pas déterminé qui serait le héros du 2ème livre et ou s'il y en aurait un troisième (suite de Lykandré)
3) L'échange (suite du Suivant du prince)
Place à la nouvelle génération. L'heure est venue de renforcer les liens entre le royaume des elfes, celui des centaures et celui des humains. Chacun des héritiers des royaumes doivent se rendre chacun leur tour à la cour des différents royaumes.
+ possibilité d'une histoire antérieure Le prêtre et le centaure

Contes et recueils de nouvelles :
1) Si Cendrillon était un homme... et autres contes
2) Contes de fées revisités, un second recueil avec un angle différent
3) Le manoir des fantasmes : à mi-chemin entre un roman et une nouvelle

Autres textes possibles (dont vous ne verrez pas forcément la couleur) :
1) Prophétie d'Ici (une de mes premières histoires boy's love à retravailler, fantasy - 80 pages qui traînent dans un coin depuis des années)
2) Trois frères, trois amours : histoires d'amour de trois frères jumeaux
3) Le triangle à deux côtés : deux triangles amoureux étroitement liés
4) Le boy's love dont vous êtes le héros... : possibilité de choisir certaines répliques pour amener à des fins différentes.

mercredi 28 novembre 2012

A travers les âges - 22


Il avait couru après Iol pour des aveux inutiles et une étreinte partagée et non imposée... Kuma regarda une dernière fois Iol, son visage de brute, ses membres massifs, son regard gris.
– Fais attention à toi, déclara-t-il, puis il commença à s'éloigner avec lenteur, se demandant s'il faisait le bon choix.
Iol le rejoignit immédiatement.
– Je vais m'installer dans la montagne. Tu n'auras qu'à venir me rendre visite, une fois par lune.
Son offre était en partie contradictoire avec ce qu'il avait dit auparavant, mais Kuma se garda bien de lui faire remarquer. Leurs lèvres se joignirent, puis le jeune homme poursuivit sa descente, tournant dans sa tête les excuses qu'il adresserait à Golo.
Son corps lui rappelait à chaque pas la vigueur avec laquelle Iol s'était enfoncé en lui. Avant de regagner le camp, il fit un crochet à la rivière pour se laver.
Quand il atteignit les premières tentes, une des femmes qui ne savait pas qu'il n'avait pas accompagné le groupe de chasseurs, s'inquiéta de son retour prématuré. Il la rassura aussitôt. Il n'était pas allé avec les autres, et il n'avait rien. Il avait juste essayé de retenir l'étranger qui avait décidé de partir et échoué. C'était un demi-mensonge qui fut gobé instantanément. Il le resservit tout au long de l'après-midi auprès de ceux qui s'étonnaient de sa présence au campement. La plupart des membres du clan n'était pas fâché que l'étranger ait fini par reprendre la route. Certes, il s'était montré gentil, les avait occupés pendant l'hiver avec ses histoires, mais il était différent d'eux.
Golo, quand il rentra de la chasse, disputa Kuma qui ne s'était pas montré et n'avait prévenu personne, si bien que le groupe avait perdu du temps à l'attendre. Il le menaça de ne plus lui donner la main de sa nièce. Le jeune homme en profita pour dire qu'il préférait ne pas se marier, ce qui augmenta la fureur du chef des chasseurs. Son poing frappa le ventre de Kuma qui se plia en deux. Le jeune homme ne riposta pas, autant parce qu'il ne voulait pas envenimer les choses que parce qu'il n'était physiquement pas au mieux de sa forme. Il déclara l'avoir mérité et se retira dans sa tente où un terrible sentiment de solitude s'abattit sur lui. Iol, avait-il déniché un abri dans la montagne ? Le retrouverait-il vraiment dans une lune ?
Le lendemain, il se présenta tôt pour la chasse, bien que le bas de son dos le fasse encore souffrir. Golo fut froid avec lui, les autres chasseurs aussi. Sa défection, la veille, était encore fraîche dans les esprits et il avait manqué de respect à Golo et à sa nièce. Kuma obéit au doigt et à l'oeil. Il s'agissait de se faire tout petit et de ne plus occasionner de remous. Le départ de l'étranger qui coincidait avec l'affaire du mariage semblait avoir mis la puce à l'oreille de certains et les langues allaient bon train. Tout ce que le jeune homme pouvait espérer c'est que nul ne devinerait la vérité.

mardi 27 novembre 2012

A travers les âges - 21

Iol ôta son habit, puis défit celui du jeune homme avant de lécher les petites plaies dues aux épines qui parsemaient son corps. Il y avait quelque chose de tendre et troublant à ces soins et Kuma caressa en retour le large dos de Iol. Ils s'embrassèrent encore. Les doigts du jeune homme se perdirent dans les poils du torse de son compagnon. Son désir grandissait, mêlé d'appréhension. Le pénis d'Iol lui semblait énorme contre sa jambe où il se frottait. Soudain, Iol empoigna ses cuisses, soulevant son bassin et d'une poussée, le pénétra. Le jeune homme se mordit les lèvres pour ne pas crier. Même s'il avait accueilli en lui de son plein gré, c'était douloureux. Le précédent assaut était trop récent. Iol allait et venait sauvagement, sa main glissant et remontant sur la virilité de Kuma. A la souffrance, se mêlaient des sensations plaisantes qui prirent petit à petit le dessus jusqu'à ce que la jouissance l'emporte. Iol éjacula juste après lui, puis roula sur le côté. Ensemble, leurs épaules se touchant, ils contemplèrent le passage des nuages. Le soleil était à présent haut dans le ciel. Il avait raté le départ pour la chasse, songea Kuma. Il avait tout oublié, trop préoccupé par Iol. Il entendait déjà les reproches de Golo et il soupira. Il n'avait plus la force de bouger. Mais quand bien même il en aurait été capable, il n'en avait pas envie. La brise printanière avait beau être fraîche sur son corps nu et endolori, il aimait sentir Iol à ses côtés.
Ce dernier, au bout d'un moment, se mit sur pieds et se rhabilla. Il aida ensuite le jeune homme à se mettre debout.
– Veux-tu venir avec moi ? proposa-t-il.
Faire ça, cela signifiait quitter le clan des Trois Silex, tous les gens qu'il connaissait depuis sa naissance, pour errer avec lui dans la nature, sans protection, seuls.
– Tu ne souhaites pas rentrer ?
Iol secoua la tête et déclara :
– Je ne tiens pas à assister à ton mariage.
– Nous pourrions continuer à nous voir en cachette.
– Quand ? La journée quand tu traques des animaux ?  La nuit alors que tu devrais dormir auprès de ta femme ? Nous serons forcément découverts, un jour ou l'autre.
Que répliquer à cela ? Ils n'avaient jamais autant parlé, n'avaient jamais été aussi intimes, mais la situation semblait bloquée. Kuma ne voulait pas abandonner son clan, même pour Iol, et celui-ci n'avait pas l'intention de rester pour vivre ce qu'il avait déjà vécu - la trahison et le bannissement - ou même pire.
– Je ne suis pas obligé d'épouser qui que ce soit.
Evidémment, convaincre Golo serait délicat, mais rien n'interdisait à un homme de demeurer célibataire.
Iol ne changea pas d'avis. Même comme ça, ils ne pourraient pas garder leur relation secrète très longtemps.
– Mais si nous faisons attention...
Iol balaya l'objection de Kuma.
– Il suffit d'un fois, d'une personne, de l'ombre d'un soupçon.
Ils n'allèrent pas réussir à se mettre d'accord, comprit le jeune homme, le coeur serré. La séparation était inéluctable.

lundi 26 novembre 2012

A travers les âges - 20

Kuma ne le savait pas vraiment lui-même, car même si Iol revenait avec lui au camp, ils ne pourraient pas être ensemble. Cela lui semblait néamoins préférable à ne plus jamais le voir. Et d'ailleurs, que croyait donc Iol ? Qu'il voulait le ramener pour se plaindre de lui au chef du clan et le faire lyncher pour ce qu'il lui avait fait ? Comme s'il oserait parler à quiconque de son incapacité à se défendre, du plaisir qu'il avait ressenti malgré tout...
Iol, en l'absence de réponse, pivota sur lui-même et se remit à grimper avec l'agilité d'un mouflon. Kuma l'appela sans obtenir de réaction. Il le suivit, pestant contre son corps courbaturé qui le ralentissait.  Il ne voulait pas qu'Iol parte, il avait encore des questions à lui poser : pourquoi avait-il préféré ne pas dormir à ses côtés durant l'hiver, pourquoi avait-il été si embarrassé de l'avoir pris dans ses bras, la première nuit...?
Dans son désir de ne pas se laisser distancer, il se prit le pied dans une racine et s'étala de tout son long. Il poussa un cri, un seul, de surprise. Il essaya ensuite de se dépêtrer de l'amas de ronces dans lequel il était tombé, mais les plantes épineuses s'accrochaient à lui, lui griffant la peau. Quand enfin, il parvint à se relever, il vit Iol qui redescendait le flanc de la montagne pour se porter à son secours.
Kuma lui jeta au visage ses dernières interrogations avant même qu'il ne fut arrivé jusqu'à lui, sans se soucier des goutelettes de sang perlant sur ses membres.
Une lueur d'espoir apparut dans les yeux gris d'Iol. Les questions du jeune homme trahissaient ses sentiments. Toutefois, tant qu'il ne les verbalisait pas, le doute subsistait.
Iol vint se mettre juste devant Kuma et expliqua qu'il avait été gêné de l'enlacer dans son sommeil parce qu'il l'avait fait, machinalement, en le prenant pour son ancien amant avec qui les choses avaient si mal tournées, et que dans les grottes, il s'était tenu à l'écart pour ne pas montrer qu'ils dormaient pelotonnés l'un contre l'autre, comme un couple, à tout le clan.
Sa tirade achevée, Iol tendit la main vers visage égratiné du jeune homme, sur le point d'effleurer le bord blessé de sa lèvre. Kuma retint son souffle. Iol ramena son bras le long de son corps, secoua la tête, et se détourna.
Le jeune homme comprit que s'il ne lui révélait pas ce qu'il éprouvait pour lui, il s'en irait pour de bon, et tout serait fini. Alors, il lui avoua qu'il l'aimait.
Iol, en un instant, fut sur lui et s'empara de sa bouche avec avidité. Kuma répondit à son baiser, mais avec plus de douceur. Iol attrapa ensuite la main du jeune homme et le tira vers les hauteurs, jusqu'à une pente herbeuse où il l'allongea. Il était clair comme de l'eau de roche qu'il souhaitait lui faire l'amour. Kuma n'était pas certain de vouloir, mais il ne le repoussa pas. Ce serait peut-être l'unique occasion.

vendredi 23 novembre 2012

A travers les âges - 19

C'était le plus long discours qu'Iol lui ait jamais tenu, et il n'expliquait pas tout, cependant, il appaisa Kuma. Iol regrettait. Il l'aimait. Une information essentielle qui lui permettait de mettre enfin un nom sur ses propres sentiments. Ce n'était pas l'amitié, pas de la fascination pour les différences de l'étranger, mais l'amour qui le poussait à vouloir demeurer aux côtés de Iol. C'était pour cela qu'il ne s'était jamais occupé de la seconde litière et c'était la jalousie de ne plus être spécial pour Iol qui l'avait taraudé tout l'hiver... Il avait été aveugle parce qu'être le compagnon d'un autre homme était inconcevable pour lui. Iol n'avait pas rêvé son attachement pour lui. Cela n'excusait pas son comportement pour autant, car ce qu'il avait pris de force, Kuma aurait fini par lui donner avec le temps. Patience et douceur les auraient amener à s'unir... Le jeune homme ne dévoila néanmoins pas la réciprocité de leurs sentiments. Ce serait la punition d'Iol tant que le jeune homme n'aurait pas tout tiré au clair.
– Pourquoi fuis-tu ?
– Comment supporter ton regard, celui que tu braques sur moi maintenant, après t'avoir...
La voix de Iol s'éteignit et il n'acheva pas sa phrase.
– C'est lâche d'agir ainsi, de ne pas  rester subir les conséquences de ton acte. Et puis, où vas-tu ? Tu retournes dans ton clan ?
Iol eut un rire triste.
– Non, je n'y suis pas le bienvenu. J'en ai été chassé pour avoir couché avec un homme qui a prétendu que je l'avais forcé pour éviter d'être aussi banni. C'était faux. Comme moi, les femmes ne l'attiraient pas.
Le mystère de l'errance solitaire de Iol était levé, et c'était à pleurer tellement c'était ironique quand on songeait à leur actuelle situation, le pire étant que Kuma se sentait jaloux. Dans le même temps, il réalisa que même s'il pardonnait Iol,  le problème de leur relation restait entier. Pour Golo, l'affaire était conclue, Kuma allait épouser sa nièce, et même sans cela, ce n'était pas comme si Wuélé tolèreraient qu'ils se marient, l'étranger et lui. Il n'y avait pas de couple composé de deux mâles dans le clan des Trois Silex, il n'y en avait jamais eu ou plutôt, personne n'en avait jamais parlé.
Comme le jeune homme, perdu dans ses réflexions, gardait le silence, Iol reprit :
– Tu peux me cogner, si tu veux. Je me laisserai faire.
Kuma soupèsa la proposition. D'un côté, Iol le méritait, de l'autre, cela ne changerait rien.
– Rentre avec moi, répliqua-t-il, enfin.
Iol parut déconcerté.
– Pourquoi ? demanda-t-il, comme un écho lointain à celui prononcé par Kuma, un peu plus tôt.

jeudi 22 novembre 2012

A travers les âges - 18

Quand Kuma revint à lui, Iol n'était plus là. La peau de tigre avait été soigneusement repliée et posée à côté de sa tête. Il le lui offrait en guise d'excuse, c'était une évidence. Le jeune homme se mit debout, fit un pas et grimaça,  le bas de son dos était tout endolori et marcher se révélait pénible. Il réajusta son vêtement, et serrant les dents, il quitta la tente. Il voulait absolument retrouver Iol, car il lui devait des explications. Le soleil se levait tout juste à l'horizon et le clan était encore au trois quart endormi. Kuma regarda autour de lui, indécis, se demandant où Iol était parti, s'il allait revenir... Il avança avec  lenteur dans le camp, le fouillant des yeux. Il était à la fois fâché et anxieux. Iol n'avait quand même pas osé s'enfuir comme un lâche, sans un adieu, abandonnant derrière lui, un « pardon » et une peau de bête !
Une fois arrivé en bordure du campement, le jeune homme s'arrêta. Iol avait pu prendre n'importe quelle direction. Vers la forêt, vers la rivière... Tout était possible et sans savoir, il n'y avait aucune chance de le rattrapper.
Le vieux Alguh devant lequel il était passé quelques minutes auparavant, s'approcha alors de lui, et l'interrogea. Il était curieux de savoir où il allait à cette heure matinale avec sa « drôle de démarche. » Kuma lui avoua qu'il cherchait l'étranger. Alguh lui dit qu'il l'avait aperçu dans l'aube encore grise au pied de la montagne. Sans attendre, sans même un remerciement, Kuma fonça. Courir lui faisait mal, mais il n'avait pas le choix s'il voulait qu'Iol ne lui échappe pas.
Grimper fut encore plus douloureux. Le jeune homme ne renonça néanmoins pas et à mi-pente sa peine fut recompensée par la vue du dos d'Iol qui progressait vers les hauteurs. Il hurla son prénom dans le vent. La silhouette solitaire se tourna vers lui, s'immobilisa, et enfin, dévala les mètres qui les séparaient. Finalement, l'un face à l'autre, ils se regardèrent.
– Pourquoi ? demanda simplement Kuma.
Il était prêt à l'écouter, mais, si la réponse ne le satisfaisait pas, il le frapperait.
D'un ton hésitant, écorchant les mots, Iol déclara :
– Parce que je t'aime... que je croyais que tu avais aussi des sentiments pour moi, vu ton insistance à ce que nous partagions la même couche, même après que je t'y ai enlacé à plusieurs reprises, que je suis tombé de haut en me rendant compte qu'il n'en était rien, que je ne t'aurais jamais, que tu allais te marier, que tu n'étais pas comme moi. Pour me venger des faux espoirs que tu m'avais donné, je me suis imposé à toi, pardon... J'ai réalisé immédiatement après combien c'était cruel, que tu n'étais pas en faute, que tu n'avais rien sous-entendu ou promis, que c'était moi qui avait tout interprété de travers, pardon.

mercredi 21 novembre 2012

A travers les âges - 17

Même après que le ciel soit devenu noir et que la lune ait fait son apparition, il ne revint pas.  Chez Kuma, l'énervement avait laissé place à l'inquiétude. Se promener de nuit était dangereux. Il aurait dû lui dire que Golo avait décidé de tout sans le consulter, qu'il n'avait pas envie de se marier et qu'il souhaitait continuer à vivre avec lui dans la même tente. Alors, il n'y aurait pas eu de dispute et il aurait pu profiter une dernière fois de la chaleur de Iol.
Alors que ces pensées traversaient son esprit, une ombre entra. Kuma qui guettait, allongé sur sa couche, hésita : devait-il prétendre être endormi ou interpeller Iol et tout lui avouer ? Le temps qu'il se décide, il sentit Iol se glisser à ses côtés. Cependant, au lieu de lui tourner le dos, comme toujours, il le prit dans ses bras et le pressa contre son corps avec force. Cette brutale étreinte laissa le jeune homme, interdit. Jamais Iol ne l'avait enlacé autrement qu'involontairement jusqu'à cet instant. Et, soudain, la bouche de Iol s'écrasa sur la sienne, en ce qui ressemblait à s'y méprendre à un baiser. Kuma voulut se libérer, mais Iol le tenait trop bien. C'est en vain qu'il essaya de se soustraire à ses lèvres. En désespoir de cause, il mordit la langue qui s'était enroulée autour de la sienne et le baiser s'acheva dans un goût de sang. Cependant, le jeune homme n'eut pas le loisir de crier, une main le baillonna aussitôt, tandis que l'autre s'infiltrait sous son vêtement en peau d'ours. Pourquoi Iol agissait-il ainsi ? Kuma ne le reconnaissait plus. Il était à nouveau l'étranger au regard sombre, celui qui avait étranglé un tigre sans se servir de la moindre arme. Comme le jeune homme se débattait à nouveau, Iol le plaqua sur la litière, coinçant ses bras dans son dos, puis s'assit sur son ventre, lui coupant le souffle. Ses doigts se refermèrent ensuite sur son pénis, montant et descendant, sans douceur. C'était horrible et excitant.
Iol cessa de lui frotter le sexe, le laissant dur et dressé, lui écarta les cuisses et entra son pouce dans son anus. Kuma se raidit. Il comprenait enfin ce que l'étranger désirait. « Je ne suis pas une femme » protesta-t-il, mais ses mots furent rendus inintelligibles par la paume d'Iol collée sur sa bouche. Kuma s'agita encore, maudissant le poids de l'étranger et sa propre faiblesse. Le doigt bougeait en lui, ondulant comme un serpent. Des frissons parcourent le corps du jeune homme. Il ressentait du plaisir quand bien même il ne le souhaitait pas. Iol changea brusquement de position et en un instant, il pénétra Kuma. La douleur fut fulgurante, mais les coups de boutoir qui suivirent, la chassèrent en partie. Iol ôta sa main et recouvrit à nouveau les lèvres de Kuma des siennes. Le jeune homme gémit. Il aurait dû planter ses dents dans cette langue avide qui le tourmentait, mais il lui semblait que son corps ne lui appartenait plus, tremblant sous l'effet de sensations dont il n'avait jamais imaginé l'existence. Il en voulait à Iol, et pourtant, malgré lui, il se mit à accompagner les mouvements de ce dernier et ils jouirent dans un même râle.
Iol se détacha de Kuma qui était tout étourdi et pantelant, puis il murmura à son oreille « pardon » suivi de mots que le jeune homme ne parvint pas à saisir avant de sombrer dans l'inconscience, épuisé par ce qui s'était passé.