lundi 30 novembre 2009

Le Suivant du prince - 22

Chapitre VI : La difficile position de Suivant du Prince

Quand Youri reprit conscience, son environnement le surprit. Le lit sur lequel il était allongé était recouvert d'une tenture dorée, le matelas était moelleux et les draps étaient d'une douceur incroyable. Assis auprès du lit, un homme vêtu de la robe vert amande des prêtres soignants sommeillait. Il devait avoir entre quarante-cinq et cinquante ans. Youri, la bouche sèche et le cœur battant, se redressa dans le lit. Où était-il ? La dernière chose dont il se rappelait, c'était le son des trompettes qui mettaient fin à ses espoirs de gagner le concours. Le prêtre se réveilla au moment où le jeune homme tentait de se lever.
– Il vaut mieux que vous restiez couché, vous avez perdu beaucoup de sang et êtes resté inconscient une journée entière, dit-il d'une voix douce.
Youri se souvint de la lame et de l'homme qui avait attaqué Al dans les tranchées. D'un coup d'œil, il constata que sa blessure avait été bandée avec soin.
– Où suis-je ? murmura-t-il.
– Vous êtes au château du prince Aldrick.
La surprise rendue Youri muet. Le prêtre ne développa pas plus le sujet, et lui tendit un verre d'eau que le jeune homme prit avec gratitude. Jamais il n'avait bu d'eau aussi bonne : elle était parfumée et très légèrement sucrée. Quand il eut terminé de boire, le prêtre reprit le verre et déclara :
– Je vais aller prévenir qui de droit que vous êtes réveillé.
Dès que l'homme fut sorti de la pièce, Youri essaya de sortir du lit. Il se sentait extrêmement faible et il eut du mal à se mettre debout. La richesse des meubles et des objets qui l'entouraient augmentait sa sensation de vertige. Prudemment, il se recoucha et ferma les yeux. Il avait beau retourner la situation dans sa tête, il ne voyait pas comment il était arrivé là. Peut-être rêvait-il ? Sans s'en rendre compte, il glissa dans le sommeil.

Quand il rouvrit les yeux, le prêtre avait regagné son chevet. Derrière la porte, on entendait des éclats de voix :
– Vous ne pouvez pas traiter le représentant des Commerçants avec autant de légèreté, surtout après ce que vous avez fait hier...
– Enfin Rudolf, ce n'est pas comme si je l'avais abandonné sans explications... il peut bien patienter une demi-heure !
Deux hommes débarquèrent dans la pièce. L'un avait de longs cheveux noirs qui lui descendaient jusqu'au creux des reins, l'autre avait les cheveux bleus coupés court. Quand ce dernier arriva tout près du lit, Youri le reconnut avec étonnement. C'était Al. Un Al aux cheveux bleus et à la tenue princière, mais c'était bel et bien Al.
– Alors, comment va le blessé ? demanda-t-il.
– Très faible, encore, votre Majesté, répondit le prêtre.
Youri comprit alors que « Al » était le diminutif de « Aldrick » et que l'ouvrier était en fait le noble prince Aldrick. Le jeune homme passa un doigt sur ses lèvres, se rappelant le baiser qu'il avait reçu de Al, et décida qu'il devait délirer : il n'était pas au château de Aldrick VII, il n'était pas en présence du prince...

vendredi 27 novembre 2009

Le Suivant du prince - 21

– Capitaine, laissez-moi me charger du cas.
C'était Léo, son frère de lait. Sa venue était une véritable bénédiction, songa Aldrick. Normalement, sa taille gigantesque et sa réputation, pousseraient le capitaine de s'écraser...
– Chevalier Lyonn, il me semble que ce n'est pas de votre ressort.
Voilà un capitaine qui serait rétrogradé. Tant de bêtises, tant d'incompétence, ce n'était pas possible ! A se demander comment il avait obtenu son poste !
– Vous avez raison...
Le capitaine se rengorgea, fier de lui, mais Léo poursuivit :
– Seulement, aux dernières nouvelles, en tant que membre de la noblesse, j'ai tout à fait le droit de vous donner des ordres.
L'homme perdit de sa superbe.
Léo, considérant que le problème était réglé, ignora le capitaine pour demander ce qui s'était passé. Aldrick s'empressa d'expliquer la situation.
– Capitaine, je vous suggère d'emprisonner l'homme qui se trouve à vos pieds. Je me charge des soins de l'autre, déclara Léo.
Au moment où le capitaine s'éloignait avec ses hommes et l'agresseur de Aldrick, le garçon d'auberge s'évanouit. Léo Lyonn le rattrapa de justesse, puis il appela un page pour qu'il fasse venir un prêtre et un carrosse.

– Et je t'assure, j'ai failli commettre un meurtre tellement ce capitaine était obtus, déclara Aldrick à son frère de lait tandis qu'un prêtre désinfectait et pansait avec efficacité la plaie du jeune homme.
– Ce n'eût pas été une grosse perte, mais heureusement que je suis arrivé, cher Al.
Le prêtre jusque là penché sur le corps du blessé, se releva et s'inséra dans leur conversation :
– Messieurs, j'ai donné les premiers soins, mais la blessure est plus profonde qu'il n'y paraît et ce jeune homme a perdu beaucoup de sang. Il lui faudra du temps et du repos pour se remettre.
– Merci pour votre peine, répondit Léo en tendant quelques pièces d'argent à l'homme qui les accepta avec une courbette avant de se retirer.
Après cela Aldrick et Léo portèrent avec précaution le corps inanimé de Youri à l'intérieur du carrosse et ils prirent la direction du château.
– Au fait, comment se fait-il que tu aies apparu si opportunément ? demanda le prince quand ils furent installés à l'intérieur.
– Ce cher Rudolf m'a simplement demandé de venir te chercher. Je te rappelle que tu dois accueillir ton nouveau Suivant qui se dirige en ce moment vers le château.
– Oh... Oh.
– Ne me dis pas que tu avais oublié...?
– Ne deviens pas un second Rudolf, j'en ai déjà assez d'un !
– Ce n'est pas pour te faire la morale...
– Bien. Tu vois ce jeune homme sur la banquette en face de nous ?
– Le Sans-Guilde ?
– C'est un garçon d'auberge, et il fait parti de la Guilde des Ouvriers, mais passons... Il m'a évité une blessure mortelle sans savoir qui j'étais, ce sera lui mon Suivant.
– Je crois que ce cher Rudolf va avoir une crise cardiaque, déclara Léo avec un large sourire.

(Fin du chapitre 5)

jeudi 26 novembre 2009

Le Suivant du prince - 20

Contrairement à ses attentes, les gardes n'arrivèrent pas assez vite pour séparer les combattants. Ils cueillirent à la sortie de la tranchée Youri qui avait réussi à mettre hors d'état nuire l'agresseur d'Aldrick, puis l'un des plus jeunes gardes alla, sur ordre de son supérieur, tirer le corps de l'autre homme impliqué dans l'histoire. Pendant ce temps, le garçon d'auberge, malgré le sang qui coulait le long de son bas, essayait de négocier avec les gardes pour qu'ils le laissent terminer le parcours. Le fait que Youri veuille à toutes forces continuer, permit à Aldrick de réaliser que le jeune homme ne savait pas qu'il était le prince. Les gardes refusèrent bien sûr, car ils étaient de leur devoir de tirer cette agression au clair. Comme c'était l'autre homme qui avait perdu connaissance et que sa tenue était celle d'un artiste, ils avaient l'impression que le coupable du combat était Youri. Il faut dire que ce dernier avait vraiment piètre allure et que le sang qui maculait sa pauvre tunique déchirée, lui donnait un air impressionnant. Aldrick essaya d'expliquer que c'était lui qui avait été attaqué à l'origine, mais il ne réussit pas à se faire entendre. Voyant que les gardes n'avaient même pas la présence d'esprit d'appeler une prêtre pour soigner Youri, Aldrick allait dévoiler sa royale identité quand des trompettes annoncèrent que l'ultime épreuve s'était terminée. Il ne restait que seize candidats à départager. Le garçon d'auberge, déjà pâle à cause du sang qu'il perdait, devint encore plus blanc : ses espoirs s'envolaient. Dans la foule, le brouhaha était à son comble Les gardes se laissèrent distraire. Eux aussi, ils avaient envie de savoir quel allait être l'heureux élu. Il y eut un roulement de tambour, puis le nom du candidat gagnant ainsi que sa guilde fut cité. C'était un commerçant. Dans son for intérieur, Aldrick se réjouit : si cela avait été un Noble, le faire renoncer au prestigieux poste de Suivant du Prince eut été quasiment impossible, mais avec un commerçant, négocier ne serait pas trop difficile. Youri méritait d'être son Suivant et il le serait. Si le jeune homme avait su qu'il était le prince, Aldrick n'aurait pas envisagé de rendre inutile le concours qu'il avait organisé, mais là, cela s'imposait. Si le garçon d'auberge était capable de s'interposer entre un poignard et un homme qu'il ne connaissait que depuis quelques jours, faisant ainsi preuve d'altruisme et de bravoure, il était certain qu'il saurait protéger son prince avec autant de fougue.
Une fois l'issue du concours connue, les gardes revinrent à la charge. Aldrick perdit alors patience :
– Vous êtes bigleux ou quoi, il perd tout son sang ! Je doute qu'un cadavre vous aide à connaître les tenants et les aboutissants de l'affaire !
Le capitaine de la garde n'apprécia évidemment pas la remarque.
– Je ne vous permets pas de me dire comment faire mon travail, monsieur. Je ne comprends d'ailleurs toujours pas bien votre rôle dans l'histoire.
Aldrick allait se jeter sur le capitaine pour l'étrangler quand une voix familière l'empêcha de faire cette bêtise.

mercredi 25 novembre 2009

Le Suivant du prince - 19

Pour que les candidats ne soient pas tous les uns sur les autres, il fallait, pour commencer, courir jusqu'au poteau de départ du parcours. Le premier arrivé devait grimper, utiliser la corde enroulée au faîte et franchir un bassin rempli de poissons carnivores. Le prince fut volontairement l'un des trois derniers. Youri faisait, hélas, parti du lot. Aldrick constata que le garçon d'auberge avait de larges cernes.
– Allez, courage ! lui glissa-t-il à mi-voix.
– Merci, répondit le jeune homme en se mettant à grimper avec agilité au poteau.
Celui qui avait conçu le parcours s'était arrangé pour permettre aux candidats de se doubler dans certains passages, mais les occasions étaient peu nombreuses. Avec inquiétude, Aldrick se demanda si Youri parviendrait à temps à la fin du parcours. Lui, il fallait absolument qu'il n'y arrive pas, sous peine de subir les foudres de son Grand Chambellan ! Toutefois, traîner la patte n'était pas si évident que ça, car derrière lui, il y avait un autre candidat qui ne méritait sans doute pas d'y rester et, devant lui, le garçon d'auberge se retournait de temps à autre pour vérifier sa progression. Le jeune homme semblait avoir oublié que Aldrick lui avait dit ne pas tenir spécialement à gagner.
Ils étaient en train de ramper dans une tranchée boueuse recouverte d'épais fils de barbelés, quand Aldrick sentit l'homme qui était derrière lui se rapprocher. Sans doute lassé par son allure d'escargot, il avait dû décider de le doubler. Aldrick continuait à avancer en se collant contre la paroi droite de la tranchée afin de donner la possibilité au dernier candidat de le dépasser, quand un cri d'avertissement lui fit comprendre que l'homme avait d'autres intentions en tête.
– Al ! Attention !
Aldrick aperçut l'éclat d'une lame de poignard. Il roula sur le côté, évitant le coup. Youri qui l'avait prévenu, avait fait volte-face et était revenu vers eux avec une rapidité étonnante. Il tira Al vers lui, le protégeant de son corps. La lame du poignard entra dans sa chair. Il laissa échapper une brève plainte, mais enfonça son poing dans le visage de l'agresseur. Le garçon d'auberge mettait une énergie si farouche à le défendre que Aldrick se demanda si Youri connaissait sa véritable identité et espérait gagner quelque chose dans l'affaire. Si un candidat était au courant, pourquoi pas lui ? Le prince se morigéna. Ce n'était pas le moment de penser à ça et de s'en agacer. Il aurait aimé aider Youri, mais l'étroitesse de la tranchée et les fils de barbelés au-dessus rendaient délicat tout intervention directe. Le mieux était de ramper hors de la tranchée tout en appelant la garde. C'est ce que le prince fit, bien qu'il se sente lâche de s'éloigner ainsi de la zone de combat.

mardi 24 novembre 2009

Cicatrices - Le livre est disponible !

Et voilà, le livre de Cicatrices est disponible à la vente :

Acheter Cicatrices
Comme d'habitude, le livre se veut une version améliorée de ce que vous avez pu lire sur le blog : la chasse aux fautes a été réalisée avec soin et avec l'aide de Shakounette que je remercie chaleureusement, la ponctuation a été revisitée, des tournures de phrases ont été arrangées...

Le livre coûte 12,69€, contient 235 pages dont 10 pages de textes inédits :
- une scène « coupée » illustrant une des manies de Liam qui consiste à ne jamais laisser traîner la vaisselle (2 pages)
- la 1ère rencontre au bar vue par Liam (4 pages)
- la rencontre au bar du chapitre 7 vue par Liam (2 pages)
- Si le héros de Cicatrices avait été Jack... (2 pages)

Bonne lecture !

Le Suivant du prince - 18

Le garçon d'auberge avait gagné sa participation aux épreuves de demain. Il n'avait bien sûr presque aucune chance de l'emporter vu son score global, mais s'il parvenait à faire partie des 11 finalistes, alors une place de choix l'attendrait au château. Comme il est toujours bon de s'entourer d'hommes valeureux, le prince avait en effet prévu de récompenser ceux qui participeraient à la dernière épreuve en leur proposant un poste au château. Aldrick avait préféré garder la chose secrète pour éviter que le nombre de candidats de départ soit encore plus élevé qu'il ne l'avait été et puis aussi, parce qu'il aimait les surprises !
Le prince se leva de son fauteuil, s'étira, se frotta les yeux, puis sonna pour qu'un page vienne récupérer les copies. Un autre page se chargerait d'établir la liste de ceux qui s'étaient qualifiés pour les épreuves du troisième jour. Une fois qu'il eut confié le paquet de copies, le prince se plongea avec bonheur dans son moelleux lit à baldaquin. Le réveil demain serait difficile... mais il tenait à assister aux ultimes épreuves.

La foule était en effervescence le lendemain. Aujourd'hui, on saurait qui serait nommé Suivant du Prince. De nombreux participants repartirent la mine basse après qu'un page leur ait signifié qu'ils ne s'étaient pas qualifiés. Quelques uns protestèrent, prêts à faire un esclandre, mais la présence menaçante des gardes du château les calmèrent assez vite. Finalement, un coup de trompette retentit et l'épreuve de saut en hauteur commença. Tout ceux qui ne sautait pas un mètre en trois essais étaient éliminés. Bien qu'il ait l'air soucieux et fatigué, le garçon d'auberge s'en tira avec les honneurs. Aldrick qui avait eu du mal à sortir du lit, était arrivé tard et n'avait pu lui parler, aussi n'avait-il pas lui demander la raison de sa triste mine. Le prince ne put pas plus discuter lors de la seconde épreuve en deux parties qui se déroulait immédiatement après. Il s'agissait en effet d'une course d'endurance suivie d'une course de rapidité. Ceux qui ne couraient pas sans discontinuer durant une demie-heure ne pourraient montrer leurs talents à cette seconde course. Si le garçon d'auberge sut faire preuve d'endurance, ce fut en revanche limite pour la course de rapidité. Youri arracha de justesse la vingt-cinquième et dernière place qui permettait de participer à l'ultime épreuve. Des pages distribuèrent aux 25 candidats restants un pichet d'eau et un morceau de sucre, mais, durant cette pause, il n'y eut pas de bavardages, car chacun reprenait son souffle. Trop vite un roulement de tambours annonça le début de la troisième et dernière épreuve du concours : un parcours d'obstacles. Le but était d'arriver au bout le plus rapidement possible. Ceux qui mettaient plus de quinze minutes seraient éliminés. Il n'y aurait alors plus qu'à comparer l'ensemble des prestations qu'avaient effectuées les candidats restants pour déterminer le gagnant. Aldrick décida qu'il était temps que sa participation s'arrête. Il prendrait tout son temps pour franchir les multiples obstacles et le tour serait joué !

lundi 23 novembre 2009

Le Suivant du prince - 17

Chapitre V : Agilité et danger

Aldrick étouffa un bâillement. Il avait insisté pour noter lui-même les questions qui portaient directement ou indirectement sur le sujet du Suivant du Prince. Si les réponses à ses questions ne lui convenaient pas, il éliminait les participants du concours, et ce, même si le reste de la copie était bon. Oui, sur le moment, cela avait semblé une excellente idée au prince, mais, plusieurs heures s'étaient écoulées, et il doutait à présent du bien fondé de sa décision. Il avait gardé pour la fin la copie de Youri. C'était sa récompense personnelle, mais ladite récompense tardait à arriver. Quand il repensait au garçon d'auberge, le goût de ses lèvres lui revenaient à la mémoire, accompagné d'une montée de désir. Aldrick était sûr que Youri, avec un bon bain et des vêtements corrects, serait tout à fait séduisant. Cependant, même avec une épaisse couche de crasse, il était attirant... L'ignorance totale de ce dernier pour les choses sexuelles, le rendait terriblement attractif. C'était rare à vingt ans. Le prince eut la tentation de faire appeler un noble dont il appréciait les charmes afin de calmer le désir qu'il éprouvait, mais il se retint. Il fallait qu'il aille au bout de ses fichus copies. Certaines réponses étaient insipides, d'autres franchement ridicules... Derrière, une ou deux copies, on devinait l'homme qui sait ce qu'il faut répondre, mais qui ne serait pas à capable de mettre en applications ses propos. Bien que le prince n'ait pas envie de tomber sur un autre Quentin du Pic, il n'élimina pas ses candidats. Il comptait sur les épreuves de demain pour ça.
Il devait être aux alentours de trois heures et demie du matin quand il put enfin lire la prose du garçon d'auberge. Il eut d'abord le déplaisir de constater que la note attribuée à ses autres réponses était fort basse. Or, cette note aurait de l'importance si Youri restait en lice... Al se rencogna dans son fauteuil princier et s'attaqua à la partie qu'il devait corriger :
Quelles sont les qualités d'un bon serviteur ?
Un bon serviteur doit connaître sa place, être loyal, fidèle et accomplir son travail sans se plaindre.
C'était un peu court, mais juste, Aldrick poursuivit sa lecture :
Quel est le rôle du prince ?
Le prince doit veiller sur ses sujets, les protéger des menaces extérieures comme intérieures, en veillant à ce qu'ils vivent en harmonie. Il doit faire respecter la justice.
C'était maladroit, cependant, ce n'était pas faux. Aldrick lut rapidement les réponses aux trois questions suivantes avant d'en arriver à la partie qui l'intéressait vraiment :
Que feriez-vous si vous vous retrouviez seuls avec le prince en face d'une bande de brigands qui demande lequel d'entre vous est le prince ?
Ne sachant pas si on tuerait le prince pour ce qu'il est ou moi pour n'être qu'un pauvre serviteur, je pense que je ferai signe à sa Majesté afin que nous déclarions tous deux que nous sommes princes. Au pire, nous rencontrerions ensemble la mort, mais du moins, nous ne serions pas séparés. Rester avec le prince permettrait de peut-être trouver un moyen de l'aider à s'échapper.
Le style de Youri laissait à désirer, mais Aldrick trouva que le fond était excellent. Ce n'est pas lui qui se serait enfui comme l'avait fait Quentin du Pic...

vendredi 20 novembre 2009

Le Suivant du Prince - 16

Demian était encore plus pâle que d'habitude. Alors que la veille, il avait pressé Youri de questions sur le concours, sautant de joie en apprenant que son frère s'était qualifié pour les épreuves suivantes, il resta immobile, le saluant du bout des lèvres.
– Il paraît que tu t'es fait mal ? Qu'est-il arrivé au juste ? demanda Youri en essayant de masquer son inquiétude.
D'une voix éteinte, Demian murmura :
– J'étais chargé d'un paquet de bûches pour les fourneaux de la cuisine, mais je n'allais pas assez vite au goût de M.Boulgs qui m'a houspillé pour que j'accélère. Résultat, je n'ai pas regardé où je mettais les pieds et j'ai marché sur un clou.
Maudit soient les Boulgs qui n'avaient pas acheté de chaussures à Demian sous prétexte que celui-ci passait trop de temps, malade, au fond de son lit ! Ils n'avaient évidemment pas non plus appelé un prêtre spécialisé dans les soins... Youri se précipita sur son frère, souleva la couverture du lit et regarda le pied de ce dernier. Un chiffon sale, maculé de sang entourait le pied de son frère. Youri redescendit quatre à quatre les escaliers et alla faire bouillir de l'eau dans la cuisine heureusement désertée à cette heure avancée de la nuit. S'il avait croisé, les Boulgs, le jeune homme savait qu'il n'aurait pu s'empêcher de dire ce qu'il pensait de leur négligence ! Il remonta une bassine d'eau chaude et se mit à nettoyer la blessure de son frère. La plaie était affreuse et s'était infectée. Un sentiment d'impuissance terrible envahit Youri. Finalement, il opta pour une solution barbare. Si un clou avait fait ça à Demian, un autre clou, celui-là chauffé à blanc pourrait peut-être réparer partiellement les dégâts. Le jeune homme redescendit une fois de plus, cette fois pour récupérer une pince et un gros clou dans l'écurie, puis il revint au chevet de son frère. Ce dernier était épuisé et fiévreux, mais quand Youri lui expliqua ce qu'il allait faire, Demian sourit bravement. Youri alluma un petit feu dans leur cheminée, attrapa le clou avec la pince et le fit chauffer. Ensuite, avec plus de calme qu'il n'en ressentait, il appliqua le clou sur la plaie de son frère qui poussa un seul cri avant de perdre connaissance. Le cœur de Youri se serra, mais il termina l'opération. Après cela, il déchira un bout du drap de lit afin de bander proprement la plaie. Enfin, avec délicatesse, le jeune homme passa un peu d'eau sur le front du blessé et lui humecta les lèvres. Demian reprit alors ses esprits et lui sourit faiblement. Youri se demanda si cela valait vraiment la peine qu'il retourne sur la grand place le lendemain : ses chances de l'emporter étaient si minces, ne fallait-il pas mieux rester auprès de son frère ? Comme s'il avait deviné le cours de ses pensées, Demian déclara :
– Ne laisse pas cet incident t'empêcher d'y retourner demain. Promets-moi que tu iras.
Youri se coucha dans le lit aux cotés de son frère, lui serra gentiment la main et promit. Ce n'était qu'une journée de plus. Demian la passerait en sécurité dans son lit. Les Boulgs n'auraient pas la cruauté de l'en faire sortir alors qu'il ne pouvait pas marcher. Youri ferma les yeux et, épuisé, il s'endormit profondément.

(Fin du chapitre 4)

jeudi 19 novembre 2009

Le Suivant du Prince - 15

Chaque candidat devait déclamer un poème différent, mais d'une longueur similaire afin que nul ne soit avantagé. Il y avait beaucoup plus de spectateurs que ce matin, car cette fois, il y avait quelque chose à voir ! La foule pouvait tourner en ridicule les participants qui avaient le malheur de buter sur un mot ou de prendre un ton inapproprié au sujet du poème. Elle huait et applaudissait tour à tour. Al, en revanche, se contentait de pointer ce qui était bien et ce qui n'allait pas chez les déclamateurs. Youri ne mit pas longtemps à comprendre, qu'une fois de plus, il cherchait à l'aider. Cela rassura le jeune homme qui avait craint que Al soit fâché par ce qu'il avait dit après le baiser. Finalement, ce fut au tour de Youri de passer à la casserole. Son nom fut appelé, on lui tendit un poème et il dut aller devant les trois juges, deux femmes et un homme d'un certain âge. Depuis le début, il avait décidé qu'il prendrait le temps de déchiffrer le poème dans son intégralité avant de commencer à lire. Il fut rappelé à l'ordre, puis on lui demanda s'il avait perdu sa langue, Youri se lut alors d'une voix douce le poème d'amour sur lequel il était tombé :

Rencontre

Ils étaient tout deux, tristes et solitaires
Quand leurs routes se croisèrent.
Ils se trouvèrent au bord du chemin,
Tombèrent amoureux et se prirent la main.

Les yeux dans les yeux, ils se regardèrent,
Et puis s'embrassèrent sans songer à demain.
Dans l'herbe douce, ils se couchèrent,
Et s'aimèrent jusqu'au matin.

Mais être ensemble n'était pas leur destin,
Un dernier baiser, ils se levèrent,
Un ultime regard, ils se quittèrent,
Leur brève idylle avait déjà pris fin.

Sa lecture terminée, Youri laissa la place à Al. Sachant le travail qu'il l'attendait à l'auberge, le jeune homme ne put rester pour écouter son ami. Il le reverrait demain. Youri courut sur le chemin du retour, se doutant que les Boulgs ne seraient pas enchantés de le voir rentrer aussi tard. Hier, il avait manqué seulement l'après-midi, mais là, il avait été absent presque toute la journée. La femme de l'aubergiste l'accueillit avec une gifle retentissante tandis que son époux se plaignait de Demian :
– Ton paresseux de frère n'a même pas été fichu de faire ton boulot quelques heures ! Il a trouvé le moyen de se blesser au pied comme un idiot ! Et je n'ai rien pu en tirer de bon !
Youri se retint de monter à toute vitesse voir la blessure de son frère et d'évaluer sa gravité. Sa longue pratique des Boulgs lui avait appris que c'était le genre de chose qu'ils ne toléraient pas. Leurs intérêts et leurs petites personnages passaient avant ceux des deux orphelins.
– Je vais me mettre à l'ouvrage dès maintenant.
Cette affirmation calma immédiatement M.Boulgs. Sa femme, elle, fut, comme toujours plus difficile à satisfaire :
– Tu ne comptes pas retourner à cette folie de concours demain, j'espère ?
– J'irai, mais si j'ai échoué les épreuves d'aujourd'hui, je ne ferai que l'aller-retour.
La femme de l'aubergiste se contenta de ricaner tandis que son mari donnait tout un tas d'ordres à Youri. Ce dernier accomplit avec rapidité et efficacité toutes les tâches demandées, mais ce n'est que tard dans la nuit qu'il put regagner la chambre qu'il partageait sous les combles avec son frère.

mercredi 18 novembre 2009

Le Suivant du Prince - 14

– Tu veux dire que tu n'as pas de préférence ?
– Ni les hommes ni les femmes ne m'attirent spécialement.
– Vraiment ?
Le ton de Al était si incrédule que Youri ne put s'empêcher de rire.
– Est-ce vraiment si extraordinaire ?
– Eh bien... Tu es la première personne asexuée que je rencontre... Tu es toujours puceau, alors ?
– Oui.
La conversation avait vraiment pris un tour étrange, mais le jeune homme n'éprouvait pas d'embarras. Al s'humecta les lèvres et une lueur curieuse brilla dans ses yeux.
– Tu as quel âge au juste ?
– Vingt ans. Et toi ?
– Vingt neuf... Dis, tu n'as jamais été embrassé, ne serait-ce qu'une fois ?
– Jamais.
– Puis-je le faire ?
Youri écarquilla les yeux. Il était certain que Al ne devait avoir aucun mal à trouver des partenaires. C'était un bel homme mince au nez droit, aux grands yeux couleur océan et aux lèvres fines dont le visage albâtre était entouré de façon harmonieuse par de courtes boucles noires. En comparaison Youri était tout sauf attractif : il n'avait pas besoin d'avoir passé beaucoup de temps devant le miroir pour savoir que sa tenue était misérable, que ses yeux et ses cheveux étaient ternes...
– Pourquoi ?
Al leva les yeux au ciel.
– Ai-je besoin d'une raison ?
– Eh bien...
– Oui ou non ?
Le ton était impérieux et Youri était curieux. Pas seulement de savoir pourquoi Al voulait lui donner un baiser, mais aussi par l'expérience en elle-même. En même temps, il ne voulait pas qu'on rit de lui à ses dépens. Finalement, ce qui le décida, c'est l'amabilité constante dont avait fait preuve Al depuis qu'il l'avait abordé. Il haussa les épaules, comme indifférent, puis déclara :
– Fais comme tu veux.
A peine eut-il achevé ses mots que Al se pencha en avant et posa sa bouche sur la sienne. Une langue se glissa entre ses lèvres entrouvertes et des sensations inconnues firent frissonner le corps de Youri. Quand Al s'écarta, le jeune homme en ressentit une pointe de regret. La chose était très agréable, décida-t-il en son for intérieur.
– Alors ? demanda son compagnon.
– Alors, je n'aurais plus qu'à me faire embrasser par une femme pour pouvoir comparer et connaître ma préférence...
L'air sombre de Al fit comprendre à Youri qu'il l'avait vexé. Cependant, avant qu'il n'eut le temps de rattraper sa malheureuse phrase, Al suggéra un peu sèchement qu'ils retournent sur la place pour assister aux prestations des autres participants. Le jeune homme approuva, quelque part soulagé que la curieuse parenthèse du baiser soit refermée.

mardi 17 novembre 2009

Le Suivant du Prince - 13

S'approcher des différents stands de vendeurs venus sur la grand place faire leurs affaires, parut difficile à Youri. Sentir et voir autant de bonnes choses à manger sans pouvoir y goûter avait tout du supplice de tantale, mais il était désireux de rester en compagnie de Al, aussi le suivit-il. Travaillant comme un forcené chez les Boulgs, il n'avait jamais eu l'occasion de se faire des amis, et bien que cela ne lui ait jamais manqué - il avait son frère - il réalisait à présent à quel point cela aurait pu être agréable d'en avoir un comme Al. Ce dernier commanda deux énormes sandwichs au poulet à un stand, deux galettes au fromage à un autre et acheta deux brownies fondants à un troisième. Youri se dit qu'il avait un appétit d'ogre avant de comprendre que son compagnon lui destinait la moitié de ses achats. Qu'on lui fasse ainsi la charité déplaisait au jeune homme, mais Al sut le mettre à l'aise :
– Je n'aime pas manger tout seul. Vas-y prends.
Après une légère hésitation, Youri décida de mettre sa fierté de côté. Si son estomac se mettait à gargouiller lors de la lecture de son poème, cela serait du plus mauvais effet.
– D'accord, dit-il en débarrassant Al d'une galette, d'un sandwich et d'un brownie.
En s'éloignant de la place pour trouver un coin tranquille pour s'asseoir, Youri s'attaqua à son repas. Al fit de même si bien que quand enfin, ils dégottèrent un banc public libre, ils ne leur restaient plus que leur dessert.
– Tu vois, il suffisait que tu commences à manger pour retrouver l'appétit.
Youri sentit le sang lui monter au visage. Cela lui apprendrait à raconter des mensonges.
– Je n'avais pas de quoi me payer un repas, avoua-t-il finalement avec gêne.
Al ne commenta pas, se contentant de mordre à pleine dents dans son brownie. Ce n'est qu'après l'avoir fini qu'il demanda :
– Montre-moi ton numéro, je crois que je passe juste après toi pour le poème.
Youri essuya machinalement sa main sale sur son pantalon poussiéreux, puis sortit de sa poche le numéro qu'on lui avait donné un peu plus tôt. Al mit le sien à côté.
– On dirait, en effet, murmura Youri.
Al le désarçonna ensuite avec une question qui sortait de nulle part :
– Tu préfères les hommes ou les femmes ?
– Tout dépend pourquoi, répondit-il prudemment, ne sachant au juste ce que Al entendait par là.
– Je ne parlais pas en général, mais dans le cadre très spécifique de la chambre à coucher.
Youri ne s'était jamais posé la question. Les femmes et les hommes qu'il croisait n'avaient jamais suscité son intérêt. Il se réveillait parfois le matin avec une érection douloureuse, mais jamais il n'avait éprouvé de désir pour qui ce soit.
– Je ne sais pas, dit-il avec honnêteté sans chercher à cacher son inexpérience totale.

lundi 16 novembre 2009

Le Suivant du Prince - 12

Trois heures plus tard, un page à l'air pincé arracha à Youri sa copie inachevée. L'épreuve était terminée, mais il n'y avait pas le temps de souffler, la dictée allait commencer de suite. En raison de la nature des épreuves, nul ne saurait s'il était exclu du concours avant le lendemain : il fallait bien que les copies soient corrigées avant qu'il soit possible de déterminer ceux qui avaient réussi ou non l'examen. Le texte de la dictée était pour le moins étrange. Afin de maintenir une certaine équité entre les candidats, chaque Guilde avait le droit à sa phrase. Cela donnait un ensemble assez incohérent. Youri eut du mal à suivre le rythme, mais y parvint tout de même : depuis ses dix ans, il n'avait presque plus jamais écrit, mais les trois heures passées à gratter l'avaient de nouveau familiarisé avec l'exercice. Quand enfin la dictée fut finie, Youri fit lentement tourner son poignet afin de chasser la douleur qui s'y était logée.
Avant que les participants ne s'égaient dans la nature pour manger, des pages distribuèrent des numéros. La déclamation de poèmes se feraient à tour de rôle, aussi était-il inutile de revenir immédiatement sur la grand place. Le passage de Youri se ferait tard dans l'après-midi, mais pas suffisamment pour qu'il prenne le risque de retourner à l'auberge des Deux Cygnes où les Boulgs l'empêcheraient probablement de repartir, persuadés qu'il perdait son temps. En revanche, il allait devoir se passer de repas, car il n'avait pas d'argent. Il était affamé, mais il n'avait pas d'autre choix que de supporter les gargouillements de son estomac. Il n'était guère habitué à sauter des repas, car si les Boulgs ne leur avaient jamais versé aucun salaire à son frère et lui, ils ne les avaient non plus jamais laissés mourir de faim. Certes, le pain était sec et bien souvent, le repas était composé de restes de clients qui n'avaient pas terminés leurs assiettes, mais au moins, ils avaient toujours eu le ventre plein.
– On va s'acheter un sandwich ? proposa soudainement Al, tirant Youri de ses pensées.
Trop honteux pour avouer qu'il n'en avait pas les moyens, le jeune homme mentit :
– Je n'ai pas faim.
Al haussa un sourcil plus que dubitatif.
– C'est parce que tu as raté les épreuves ? demanda-t-il finalement.
Youri grimaça. Il préférait ne pas y penser. Ce qui était écrit, était écrit, il ne pouvait désormais plus rien y changer.
– Certaines questions semblaient directement en rapport avec le rôle de Suivant du Prince, alors j'y ai accordé un soin tout particulier, mais je n'ai pas eu le temps de répondre à tout.
Al eut un sourire satisfait, comme s'il était au courant de quelque chose qu'il ne dirait pas.
– Je suis sûr que tu seras qualifié. En attendant, viens avec moi, je vais m'acheter un petit casse-croûte.

vendredi 13 novembre 2009

Le Suivant du Prince - 11

Chapitre VI : De l'épée à la plume

Les épreuves du deuxième jour du concours angoissaient terriblement Youri. C'est la peur au ventre qu'il se rendit sur la grand place où avait lieu les épreuves. Hier, il s'en était tiré de justesse à l'épée et ce, seulement, grâce à l'aide providentielle du mystérieux Al. Youri doutait que celui-ci soit forgeron, comme ce dernier l'avait prétendu - il avait la main trop blanche et trop douce - mais ne se préoccupait guère de savoir pourquoi il avait menti. Ce qui comptait, c'est qu'il avait passé l'épreuve grâce à lui. En revanche, aujourd'hui, Youri serait seul face à sa copie : il devrait répondre aux questions de culture générale et résoudre les différents exercices sans filet. Puis, il serait obligé de se dépatouiller avec ses maigres connaissances en orthographe pour la dictée. Enfin, il y aurait le poème qu'il faudrait déclamer sans butter sur les mots et en sachant donner le ton juste... C'était quasiment mission impossible songea le jeune homme tandis qu'un page le conduisait jusqu'à sa table. La gorge de Youri se serra en voyant les feuilles de papier blanc, la plume et le petit encrier. Bravement, il s'assit et regarda en direction des spectateurs. Ces derniers étaient évidemment peu nombreux ce matin : qui a envie de voir gratter des gens penchés sur un pupitre pendant des heures ? Tous les candidats n'étaient pas encore présents et Youri sentait l'impatience le gagner quand une voix amicale l'interpella :
– Hey Youri ! Content de voir que tu aies réussi à rester dans la course.
Le jeune homme tourna la tête et constata que Al avait pris place sur le pupitre qui était à côté du sien. Seule une petite allée les séparait pour les empêcher de copier. Les grands yeux outremer de Al pétillaient. Sa présence diminua étrangement le stress de Youri.
– Merci encore pour hier.
– Ce n'était rien.
Ils échangèrent quelques mots, puis un gong retentit. Une fois que les bavardages se furent éteints, un page, à l'aide d'un porte-voix fait en corne, expliqua les conditions et la durée de l'épreuve pendant que les sujets étaient distribués. De nouveau le gong se fit entendre. Youri se mit immédiatement à déchiffrer les questions. Au début, il constata avec soulagement qu'il connaissait les réponses, puis en avançant dans la lecture du sujet, il s'aperçut que la difficulté se faisait croissante. Malgré lui, il jeta un coup d'œil à Al. La plume de ce dernier filait déjà sur le papier et Youri ne put s'empêcher d'envier son aisance. Il poursuivit sa laborieuse lecture du sujet, décidé à évaluer la tâche qu'il attendait avant de se lancer.

mardi 3 novembre 2009

Pause

J'avais prévu de faire la pause un peu plus tard que ça, mais pour des raisons indépendantes de ma volonté - oui, je sais, la formule est clichée - je la commence dès aujourd'hui.

Il n'y aura donc pas de nouveau épisode avant le vendredi 13 novembre.

Mais promis, après cette pause, je reviendrai avec plein de beaux épisodes du Suivant du Prince !

lundi 2 novembre 2009

Le Suivant du Prince - 10

Le prince se mit alors à donner des instructions brèves à Youri, une sorte de cours en accéléré sur les manières de bloquer, de feinter et d'attaquer.
– Pourquoi tu m'aides ? demanda le garçon d'auberge entre deux coups d'épée.
– Parce que tu m'es sympathique et que je participe juste pour m'amuser.
Cette déclaration surprit visiblement le jeune homme qui faillit perdre son arme.
– Tu n'as pas envie de gagner ?
Aldrick eut un bref rire : il imaginait la tête de son Grand Chambellan s'il emportait la victoire. Devenir son propre Suivant, voilà qui ne manquerait pas de piquant ! Néanmoins, organiser ce concours avait un coût, et même pour s'amuser, il n'était pas question d'en arriver là...
– En tout cas, pas contre toi, répondit-il en parant avec aisance une attaque du jeune homme.
– Comment se fait-il que tu en saches autant sur le maniement des épées ?
– Je travaille dans une forge, mentit Aldrick. Et maintenant, concentre-toi ! ajouta-t-il.
Youri se tut et continua à mettre en œuvre les conseils que Aldrick lui donnait. Le combat ne pouvait durer trop longtemps, aussi le prince finit-il par laisser son arme voler dans les airs. Cela ferait une victoire pour le garçon d'auberge... Après, c'était à lui de jouer ! A lui, de se débrouiller !
– Bonne chance ! murmura-t-il à Youri juste avant qu'un nouvel adversaire leur soit attribué.
Gagner était facile pour Aldrick, aussi prit-il un malin plaisir à faire durer plus que nécessaire l'ensemble de ses duels.
Avec cette épreuve, c'était la première journée du concours qui se terminait. Le prince aurait aimé attendre que les résultats soient donnés afin d'être certain que le garçon d'auberge n'ait pas été éliminé, mais il devait se mêler à la foule afin de regagner le château. Il préférait utiliser un chemin qu'à l'aller : c'était plus prudent.
Quand Aldrick entra dans le petit salon princier par une porte dérobée, le visage inquiet de Rudolf Hautcœur fut la première chose qu'il vit.
– Votre Altesse ! Enfin, vous voilà ! déclara le Grand Chambellan avec un soulagement évident.
– Je suis revenu aussi vite que j'ai pu.
– Je me faisais du souci et j'ai envoyé votre frère de lait à votre recherche.
Aldrick imagina le pauvre Léo courbé en deux dans le passage secret qu'il avait emprunté un peu plus tôt. Il allait être de mauvais poil à son retour, songea-t-il avec amusement.
– Ce n'était pas nécessaire. Pas plus que cela ne le sera demain.
– Vous ne comptez tout de même pas participer à toutes les épreuves... Si ?
– C'est mon intention, en effet. Et maintenant, si vous le voulez bien, je vais aller prendre un bon bain chaud.
– Comme il plaira à votre Altesse, répondit le Grand Chambellan en s'inclinant.
Il allait se retirer quand Aldrick le rappela :
– Rudolf ! Embrassez bien votre époux, pour moi.
Le Grand Chambellan s'empourpra, fit une nouvelle courbette, puis disparut. Le prince éclata de rire. Ce cher Rudolf était vraiment trop facile à taquiner !

(Fin du chapitre 3)