jeudi 28 février 2019

Chocolat blanc - 44

Quand Kembou retrouva Wyatt à la gare, il le salua de façon empruntée, trahissant une nervosité que son ami ne partageait apparemment pas.
Wyatt lui raconta comment il avait essayé de se coucher dès minuit malgré le monde et le bruit et comment il était tombé sur deux invités éméchés de ses parents en train de fricoter sur son lit. Il était reparti discrètement et avait dû attendre qu’ils aient fini leur affaire. Et c’était comme ça qu’il s’était retrouvé à changer ses draps à une heure du matin.
Kembou compatit et finit par se détendre en écoutant son ami.
Son stress revient cependant à tout allure  devant l’immeuble où se trouvait le studio de Wyatt.
Il monta les escaliers lentement et inspira à fond avant de passer le pas de la porte.
— On se prend un chocolat chaud ? demanda Wyatt. J’ai déniché une recette inratable… Non, parce qu’avec la poudre de cacao, c’était toujours trop amer.
— Je n’ai pas soif, souffla Kembou. Mais vas-y, n’hésite pas à t’en préparer un.
Wyatt le regarda et s’humecta les lèvres. Il était irrésistible, ses yeux bleu-verts posés sur lui, sa bouche brillante, mais Kembou n’osa pas l’embrasser, même s’il en mourait d’envie. Et puis, parce qu’il s’en voulait de son manque de courage, il pencha son visage vers Wyatt qui eut un mouvement de recul.
Kembou eut l’impression que ses peurs se réalisaient.
— Viens dans la cuisine, dit Wyatt.
Kembou le suivit en traînant les pieds et s’assit sur une chaise tandis que son ami sortait une tasse et une casserole du placard.
Wyatt se tourna vers lui et dut remarquer à quel point Kembou était malheureux, car il s’approcha et effleura soudain ses lèvres d’un baiser aussi léger qu’un papillon avant de récupérer une bouteille dans le réfrigérateur comme si de rien n’était.
Le cœur battant à cent à l’heure, ne sachant plus ce que Wyatt attendait de lui, Kembou l’observa en silence  placer une casserole sur le feu, verser le lait, y plonger deux barres de chocolat et mélanger avec une cuillère.
Enfin, son ami s’installa en face de lui, une tasse fumante entre les mains.

mercredi 27 février 2019

Chocolat blanc - 43

Il allait fermer sa boîte de réception, quand il remarqua qu’il avait un nouveau message, un de Wyatt, il cliqua dessus avec impatience.

Cher Kembou,

J’aurais des milliers de choses à te dire et te demander, mais je préfère le faire de vive-voix.
Pourrions-nous nous rendre ensemble à mon studio, le 1er janvier ? Nous pourrions y discuter tranquillement…

En attendant, je t’envoie le début de mon roman – je n’ai pas encore tapé tout ce que j’ai écrit, mais… j’ai envie d’avoir ton avis.

A très bientôt,
Wyatt


Kembou ouvrit sans tarder la pièce jointe et sans se soucier de Rokia qui lui conseillait d’aller se coucher, il lut.
Wyatt avait une sacrée imagination et était doué avec les mots.
Kembou, arrivé à la fin du document, fut frustré : il voulait la suite.

Cher Wyatt,

Je serais ravi de te retrouver pour le premier jour de la nouvelle année.
Comme  tu sais, ce n’est pas notre truc de réveillonner, mais toi, ne seras-tu pas épuisé après la grande fête qu’organisent tes parents ?
Quant à ton histoire, cela démarre très bien. J’ai hâte que tu m’envoies la suite.


Kembou hésita. Il avait l’habitude de conclure par une formule neutre, mais il avait besoin de marquer que leur relation avait changé.

Je t’embrasse,
Kembou


Il avait bien failli déposer un baiser sur ses lèvres plutôt que sur le sommet de son crâne. Seulement, il n’avait pas pu, pas en pleine rue.

Les derniers jours de l’année lui parurent long en dépit de deux mails de Wyatt comportant la suite de son roman.
Une part de lui craignait d’avoir rêvé la déclaration de son ami ou pire qu’il lui annonce que c’était une erreur.

mardi 26 février 2019

Chocolat blanc - 42

                                                          *
Kembou avait le cœur battant. Il m’aime. Il m’aime.
Il n’en revenait pas. Il avait envie de chanter, danser et crier, tout à la fois.
Il avait été heureusement surpris de le voir à la sortie du magasin, mais son plaisir s’était dissipé dès qu’il avait remarqué à quel point Wyatt avait l’air triste et troublé.
Il avait craint que quelque chose ne soit arrivé à un membre de sa famille et il avait voulu le consoler.
Et là, Wyatt s’était déclaré.
Kembou qui s’était tellement tourmenté en pensant que Dominique était le garçon à l’origine des étranges « et si » de Wyatt avait un éprouvé un bonheur intense.
C’était lui dont Wyatt était tombé amoureux. Dominique le lui l’avait laissé entendre à demi-mot, mais il n’avait pas voulu le croire.
Lui n’avait eu qu’à dire qu’il ressentait la même chose.
Il n’avait pas vraiment été étonné d’apprendre que les parents de Wyatt étaient homophobes. Il les avaient toujours trouvé pompeux et snobs. Il leur en voulait d’avoir cause du chagrin à Wyatt, mais il leur était aussi reconnaissant car ils avaient poussé son ami dans ses bras.
Il rentra à l’appartement familial. Sa mère, son frère et ses sœurs l’avaient attendus pour dîner. Il s’excusa de son retard et, rayonnant de bonheur, mangea de bel appétit.
— Tu as eu une promotion ou quoi ? demanda Rokia.
— Moi, je parie qu’il a rencontré la fille de ses rêves, intervint Astou.
— Non et non, répliqua Kembou, amusé par leurs hypothèses.
— Tu as gagné au loto ? proposa Malia.
Ils élaborèrent différentes théories, certaines franchement extravagantes et Kembou les rejeta toutes en riant.
Rokia finit par s’agacer : il voulait savoir pourquoi Kembou était aussi content, surtout après toutes ses semaines à avoir été obligé de supporter sa mauvaise humeur.
Kembou ne se fâcha pas, mais ne répondit pas non plus, ce qui énerva son aîné.
Leur mère intervint pour calmer le jeu :
— Allons, quelle importance, tant que Kembou va bien.
Rokia lâcha enfin l’affaire.
En vérité, Kembou mourait d’envie de leur annoncer la bonne nouvelle – ses sentiments pour Wyatt étaient payés de retour – mais il avait trop peur qu’ils ne se réjouissent pas pour lui.
Comme il avait envie de partager cela avec quelqu’un, il écrivit dans la soirée un bref mail à Dominique qui lui en envoya un presque aussitôt en retour – il avait internet sur son téléphone et était prévenu quand il recevait un message. « Je le savais. J’espère que tout ira bien pour vous deux. »

lundi 25 février 2019

Chocolat blanc - 41

Le souvenir du dégoût de sa mère et de la colère de son père à l’idée qu’il puisse être comme Dominique l’empêcha de se laisser aller à la joie.
Il se détacha lentement de l’étreinte de Kembou et lui rapporta d’une voix hachée les propos blessants qu’avaient eu ses parents.
— Ils en tiennent une couche, maugréa Kembou.
— Je ne les comprends pas et savoir qu’ils cesseraient de me considérer comme leur fils s’ils savaient…
Wyatt ne réussit à pas finir.
— Malgré tout, je suppose que je devrais les remercier, dit Kembou.
— Hein ?
— Grâce à eux, tu t’es déclaré…
La déplaisante scène avait en effet eu une conséquence positive.
Wyatt éternua et frissonna.
— Il faudrait mieux que tu ailles te mettre au chaud. Il y a un café à deux pas d’ici, proposa Kembou.
C’était tentant.
— Non, il vaut mieux que je rentre. Pas envie que mes parents me posent des questions.
— D’accord, je te raccompagne. Enfin, pas jusqu’à ta porte, parce que si j’ai bien suivi, je ne suis pas vraiment le bienvenu chez toi.
Kembou enleva son bonnet et l’enfonça sur le crâne de Wyatt qui protesta pour la forme, tout en appréciant l’attention.
Ils attrapèrent un bus au vol.
Wyatt aurait aimé en savoir plus sur ce que ressentait Kembou à son égard, mais pas quand tout le monde pouvait les écouter. Cela attendrait. Ce qui comptait, c’est qu’il l’aimait.
Kembou s’arrêta à l’entrée de la rue.
Wyatt n’avait aucune envie de le quitter. Il le fallait pourtant.
Ils se regardèrent et se sourirent, et puis Kembou récupéra son bonnet et déposa un rapide baiser sur le sommet de la tête de Wyatt qui en resta interdit.
— A bientôt ! lança Kembou en s’éloignant.
Wyatt toucha du bout des doigts l’endroit où son ami l’avait embrassé, puis se dépêcha de rentrer.
Ses parents étaient sortis voir des amis. Son absence ne les avait pas troublés le moins du monde.
Marina qui papotait au téléphone lui fit un vague geste de la main.
Wyatt aurait pu profiter plus longtemps de la compagnie de Kembou.

dimanche 24 février 2019

Chocolat blanc - 40

Il arpenta les rayons du supermarché en long et en large et en vain. Kembou devait être dans une partie du magasin inaccessible aux clients. Wyatt s’acheta une tablette de chocolat histoire de donner un sens à sa venue et aussi parce qu’en manger le réconforterait.
En passant à la caisse, il constata qu’il était tard et que l’heure de fermeture approchait.
Il sortit et attendit donc dans le froid, même en sachant que les probabilités de rater Kembou étaient élevées : ce n’était pas comme s’il y avait une seule sortie à ce vaste magasin. Cela aurait été certes plus pratique si son ami avait eu un portable.
La chance était toutefois avec lui. Il achevait de savourer un carré de chocolat quand Kembou passa la porte, le repéra aussitôt et le rejoignit à grandes enjambées pressés.
— Tu as l’air frigorifié, déclara-t-il en enveloppant son ami d’un regard inquiet.
Wyatt ne put nier. Il avait eu beau garder le plus possible les mains dans ses poches et remonter le col de son manteau, il était glacé. Sa colère envers ses parents avait cessé de lui tenir chaud. Il était surtout malheureux à présent.
Des larmes brûlantes lui échappèrent. Cela faisait pourtant des années qu’il n’avait pas pleuré.
Kembou lui passa un bras par dessus l’épaule et l’attira contre lui. Son corps dégageait une chaleur réconfortante.
— Je t’aime, lâcha Wyatt.
Il n’avait pas prévu de lui dire comme ça, à l’improviste, sans préparation aucune.
Kembou avait déclaré qu’il resterait son ami que Wyatt quel que soit le sexe de la personne dont il tomberait amoureux, mais cela ne signifiait pas qu’il apprécierait d’être l’objet de l’affection de Wyatt.
Kembou le serra plus fort contre lui au point que les lèvres de Wyatt se retrouvèrent dans le cou de son ami.
— Moi aussi, murmura Kembou.
Wyatt arrêta de respirer un instant et son cœur s’emballa, puis un doute l’assaillit. Était-il bien clair qu’il ne s’agissait pas d’amitié ?
Kembou passa tendrement les pouces sur ses joues  pour effacer ses larmes. Non, à priori, ils étaient bien sur la même longueur d’ondes.
— Plus qu’un ami ? demanda Wyatt pour être parfaitement certain.
Kembou opina.
Wyatt en oublia presque la discussion avec ses parents qui l’avait bouleversé. Après toutes ses nuits sans sommeil à s’interroger sur la manière dont Kembou réagirait à ses sentiments, apprendre qu’ils étaient réciproques était incroyable.

vendredi 22 février 2019

Chocolat blanc - 39

— Tu n’es pas comme lui, tout de même ? demanda sa mère avec une moue dégoûtée.
— Il ne manquerait plus que cela ! Pas notre fils ! s’exclama son père.
Wyatt se représenta ce qu’il arriverait s’il dévoilait à cet instant son amour pour Kembou : le visage horrifié de sa mère, la fureur de son père qui réclamerait la clef du studio, le renierait et le jetterait dehors, l’obligeant à se réfugier chez Kembou où Rokia n’accepterait sa présence que s’il se mettait à genoux...
Le tableau ne plaisait pas à Wyatt. Il n’eut aucun scrupule à mentir.
— Qu’est-ce que vous allez imaginer là ? Il y a des gars qui laissent faire tout le travail et lui, c’est un bon binôme, c’est tout.
Ses parents se calmèrent un peu.
— Ce n’est pas ton ami ? insista sa mère.
Wyatt chercha à se rappeler ce qu’il avait pu à raconter à ses parents au sujet de Dominique… Pas grand-chose en vérité vu qu’ils s’intéressaient surtout à ses résultats.
Il demanda pardon à Dominique en son for intérieur.
— Non, répondit-il en la regardant droit dans les yeux.
Ils le crurent et se détendirent.
Son père fit son laïus habituel pour l’encourager à bien étudier et avoir de bonnes fréquentations.
Wyatt, même s’il bouillonnait intérieurement, l’écouta, un sourire plaqué sur ses lèvres.
Enfin, ses parents retournèrent à leurs occupations respectives.
Wyatt monta dans sa chambre où il eut vite la sensation d’étouffer. Il comprit qu’il avait besoin de s’aérer sous peine d’exploser. Il dévala l’escalier à toute vitesse, manquant de de bousculer sa sœur.
Il s’excusa, mais cela ne suffit pas à Marina qui râla. Il n’était pas en état de supporter ses humeurs, aussi  la coupa-t-il :
— Je sors faire une course. Informe les parents.
— Préviens-les toi-même, répliqua-t-elle.
Wyatt en était incapable. Il était dans un état tel qu’il risquait de leur dire leurs quatre vérités et de tout perdre. Cela suffisait bien que Marina soit au courant.
Il enfila ses chaussures et son manteau, ne  prenant pas la peine d’enfiler gants, bonnet et écharpe dans son impatience à partir.
Il marcha longtemps, la conversation avec ses parents tournant en boucle dans sa tête, et décida en chemin de se rendre au magasin où travaillait Kembou. Il n’était pas sûr d’arriver à le voir, mais il en avait besoin, alors il tenta sa chance.

vendredi 15 février 2019

Malade !

Le prochain épisode est donc décalé au 22 février 2019 ! Désolée.
Au programme, la fin de la confrontation avec les parents de Wyatt... et une petite visite à Kembou.

jeudi 14 février 2019

Chocolat blanc - 38

Les vacances, enfin. Exceptées que c’était celles de Noël, jamais reposantes entre les réunions familiales où tout le monde se querellait plus ou moins autour de repas durs à digérer et la grande fête du Nouvel an organisée par ses parents. Sans compter qu’un des professeurs avait trouvé judicieux de leur coller un devoir en binôme entre les pattes. Il aurait pu faire comme les autres et leur accorder un répit, mais non !
Wyatt réintégrait pour la période la maison familiale, ce qui n’avait rien de déplaisant. Il y avait un côté nostalgique et il serait plus près de Kembou, quand bien même il ne savait plus trop sur quel pied danser avec lui en ce moment. Lui avouer ses sentiments, les garder pour lui ? Il hésitait toujours.
Il eut tôt fait de déchanter devant sa chambre d’enfance vidée de ses affaires préférées, l’accueil froid de sa sœur et la relative indifférence de ses parents.
Il n’aurait pourtant pas dû s’étonner qu’ils sortent au restaurant le soir de son retour. Il en éprouva néanmoins de la tristesse. Si c’était pour manger seul - Marina préférant grignoter devant la télé - il aurait tout aussi bien pu rester dans son studio.
Il faillit téléphoner à Kembou – et tant pis s’il tombait sur Rokia – avant de se rappeler que son ami fêtait aujourd’hui l’anniversaire de Malia.
A la place, il contacta Dominique pour fixer une date pour achever leur maudit devoir. Ils se décidèrent pour le 29. Dominique avait un oncle à visiter qui habitait justement dans le coin des parents de Wyatt.
Noël se passa comme prévu avec des cadeaux à côté de la plaque et une digestion difficile. Wyatt n’avait en revanche certes pas anticipé la réaction de ses parents après avoir croisé Dominique.
— Tu m’expliques comment cela se fait que tu fréquentes ce travelo ? attaqua son père, juste après le départ de son ami.
Wyatt, choqué par la violence du propos, en resta muet.
— J’ai cru que c’était une fille, au début, commenta sa mère, d’un air pincé.
— D’abord, ce noir que nous avons toléré, maintenant ce dégénéré… Wyatt, tu me déçois ! s’écria son père, le visage empourpré.
Le sentiment était mutuel.
— Je ne vois pas ce qui te dérange, réussit à répliquer Wyatt.

mercredi 13 février 2019

Chocolat blanc - 37

— Et tu envisagerais de sortir avec un garçon ?
Depuis toujours Wyatt avait aimé le jeu des « et si... » et des « imagine que... »
Et si tu avais un super pouvoir, imagine que nous soyons dans une navette spatiale… Mais là, c’était bien trop spécifique. Forcément, il  avait un but...
— Tu comptes répondre positivement à Dominique ?
Involontairement, son ton était monté, trahissant un énervement qui n’était jamais que le reflet de sa jalousie dévorante.
Wyatt se braqua.
— Pourquoi tu t’énerves comme ça ?! Tu as un problème avec les homosexuels ou quoi ? Je croyais que tu avais fini par sympathiser avec lui.
— Non ! D’ailleurs, je suis…commença-t-il.
Gay. Le mot lui resta dans la gorge. Pourquoi était-il si dur à prononcer ?
— ...désolé de m’être emporté, termina-t-il. Je me demandais juste où tu voulais en venir avec ton petit scénario.
Wyatt lui colla la manette dans la main.
— Jouons encore. Tu pourras te défouler virtuellement.
C’était une porte de sortie à une conversation qui avait tourné à l’aigre, mais Kembou ne put s’empêcher de noter que Wyatt avait esquivé sa question au sujet de Dominique. Et il fallait qu’il sache, sinon, il allait se torturer avec cela jour et nuit. Si la réponse était non, cette douleur à sa poitrine s’envolerait. Si c’était oui, alors il lui faudrait tenter de recoller les morceaux de son cœur brisé.
— Tu peux tomber amoureux de qui tu veux, fille ou garçon, lâcha-t-il d’une voix étranglée. Je resterai toujours ton ami, ajouta-t-il.
Wyatt le regarda d’une façon étrange, ferma brièvement les yeux, les rouvrit et eut un curieux sourire.
— Et si plutôt que de continuer à se bastonner, on se faisait un petit jeu musical ?
Kembou hocha la tête. Il ne se faisait pas confiance pour parler pour le moment.
Wyatt n’avait toujours pas nié son envie de se mettre en couple avec Dominique. Il ne l’avait pas confirmé non plus et insister pour savoir serait déplacé.
Wyatt partit chercher les tam-tam à brancher sur la console.
A ce jeu, il le battait presque toujours. Il avait le rythme dans la peau.
Ils jouèrent et Kembou perdit encore plus lamentablement que d’habitude parce qu’il n’avait pas la tête à cela.
Son esprit tournait en boucle sur la discussion qu’ils venaient d’avoir et ce qu’elle impliquait. Il était à peu près sûr que Wyatt n’était pas gay, mais Dominique avait un physique androgyne…
Quand vint l’heure de partir, il savoura la brève étreinte de Wyatt et quitta les lieux le cœur lourd. Il aurait bientôt des cernes comme son ami.

mardi 12 février 2019

Chocolat blanc - 36

Kembou était content. Wyatt l’avait invité à venir alors même qu’il était occupé depuis des semaines. Cela tombait bien, car c’était un samedi où il ne travaillait pas, autrement, cela aurait été compliqué, surtout que les horaires des transports en commun, le dimanche, ce n’était pas tip-top.
Kembou effectua le trajet avec aise. Il commençait à le connaître et savait ce qu’il y avait au bout.
Quand Wyatt lui ouvrit la porte, il fut frappé par la pâleur de son ami, ses cheveux ébouriffés et ses yeux cernés. Il résista vaillamment à l’envie de caresser ses joues blanches.
— Hé ! Ça va ? Tu nous couverais pas quelque chose ?
— Je ne dors pas très bien ces derniers temps.
Ça, c’était évident.
— Toujours une tonne de devoirs ?
— Oui, j’ai pris du retard, d’ailleurs.
Et pourtant, il lui avait proposé de venir. Kembou éprouva un soupçon de culpabilité : il ne voulait pas empêcher son ami d’étudier. D’un autre côté, il était clair que Wyatt avait besoin de repos et de détente.
Ils jouèrent donc à la console et après plusieurs parties, Wyatt, l’air de rien, sortit un truc énorme :
— Tu ferais quoi si un garçon t’avouait qu’il t’aimait ? Tu serais dégoûté, embêté,  enchanté… ?
Kembou se demanda aussitôt si Dominique avait parlé. Pourtant, il avait promis qu’il serait aussi muet qu’une tombe. A moins qu’il n’ait déclaré sa flamme à Wyatt, mais non, cela ne collait pas. Ils avaient échangé quelques mails et Dominique lui avait assuré que même s’il était attiré par Wyatt et qu’il avait eu envie de sortir avec, son cœur n’était pas pris. Maintenant, cela n’empêchait pas Wyatt de se mettre à éprouver des sentiments pour lui… Et merde !
— Kembou, toujours avec moi ? demanda Wyatt en agitant ses longs doigts minces devant ses yeux.
Si le garçon était Wyatt, Kembou aurait été ravi, mais ce n’était pas la question.
Un type normal aurait sûrement été horrifié, mais Kembou, lui, ne l’était pas. Enfin, comme avait dit une fois Wyatt, la normalité n’était jamais qu’un ensemble de critères arbitraires fabriquées de toutes pièces par la société...
— Oui, oui. Je réfléchissais à ta colle. Ce n’est pas comme si les sentiments se commandaient. Je veux dire, on peut travailler dessus, mais ce n’est pas comme si l’on pouvait s’empêcher de les ressentir, donc, cela ne me dérangerait pas.

lundi 11 février 2019

Chocolat blanc - 35

Wyatt peina à se remettre au travail et ne ferma presque pas l’œil de la nuit.
Le lendemain matin, Dominique ne manqua pas de remarquer sa mine de papier mâché.
— Qu’est-ce qui t’arrive ?
— J’ai juste mal dormi.
Dominique pencha la tête sur le côté.
— Cela n’aurait pas rapport avec Kembou par hasard ?
— Tout n’est pas lié à lui, grommela Wyatt, même s’il avait raison.
Seulement, il ne voulait pas lui expliquer ce qu’il avait découvert sur ses sentiments, pas tant qu’il avait décidé s’il en ferait part ou non au principal intéressé. Et puis annoncer qu’il était pansexuel risquait de donner de faux-espoirs à Dominique. Enfin, pas vraiment, vu qu’il lui confierait dans la foulée son amour pour Kembou. Toujours est-il qu’il préférait garder cela pour lui pour le moment.
— Si je peux faire quoi que ce soit pour toi, en tout cas, n’hésite pas.
Wyatt le remercia, touché par son soutien.
Se concentrer en cours se révéla une gageure et Wyatt fut bon pour emprunter les notes de Dominique à la fin de la journée.
Ce dernier les lui passa, sans chercher à savoir ce qui le perturbait.
Son absence de curiosité faillit pousser Wyatt à dévoiler ce qu’il avait sur le cœur, mais il rentra finalement chez lui, tout en continuant à se prendre la tête tout seul.
Rien ne l’obligeait à se déclarer à Kembou. Leur relation lui convenait comme elle était, si on exceptait qu’il ne le voyait pas assez. En même temps, l’idée qu’il se mette en couple avec quelqu’un le rendait malade tandis qu’il avait des papillons dans le ventre à la perspective de le serrer contre lui et d’essayer de l’embrasser.
Le problème, c’est qu’il doutait que Kembou soit enchanté d’apprendre qu’il l’aimait ainsi. Cela risquait de sonner le glas de leur amitié. Se taire semblait plus sage. Tant que Kembou ne rencontrait personnage, rien n’avait besoin de changer. Et pourtant que Wyatt le veuille ou non, depuis que leurs chemins avaient divergé, qu’ils étaient géographiquement éloignés, leur relation avait pris un visage nouveau. Dans la vie, rien n’était immuable.
Au bout du compte, il était perdu, de quoi regretter avoir pris conscience de la véritable nature de ses sentiments.

vendredi 8 février 2019

Chocolat blanc - 34

Wyatt noircit plusieurs lignes, en ratura certaines, remplaça différentes expressions. Plus il avançait, plus il était absorbé dans l’histoire, plus il était dans la peau des personnages et ces derniers commençaient à n’en faire qu’à leurs têtes. Cela ne correspondait plus à son idée initiale, mais les mots coulaient d’eux-mêmes.
Son héros à la peau blanche était jaloux, non pas que son ami est une fiancée, mais de la fille elle-même. Ils se disputaient et la vérité sortait toute nue : il l’aimait, mais pas uniquement comme un ami.
Le stylo tomba des mains de Wyatt. Ces deux personnages-là, il les avait basés sur Kembou et lui. Bien sûr, ce n’était pas eux, pas vraiment, mais tout de même.
Il voulut barrer la déclaration, l’effacer et revenir à ce qu’il avait prévu d’écrire à l’origine, mais il en fut incapable. Il ne pouvait trahir les sentiments de son personnage. Ils étaient authentiques.
Tout ça, c’était à force de fréquenter Dominique. Il l’avait perturbé avec sa théorie que Kembou et lui, étaient plus que des amis. Il ne pouvait toutefois nier que quand il imaginait Kembou avec une fille, cela lui déplaisait et cette possessivité à l’égard de son ami n’était pas normale. Il le voulait rien que pour lui. Il avait même été légèrement contrarié d’apprendre que Kembou et Dominique s’échangeaient des mails dans leur coin, ce qui était ridicule puisque c’est plus ou moins lui qui les avait mis en contact et qu’il avait espéré qu’ils deviennent amis.
Wyatt relut le cri du cœur de son personnage et songea à son propre cas. Il n’était pas gay, il n’était pas bi et pourtant, il aimait Kembou. Il ne le désirait pas, mais quand il le touchait, c’était naturel.
Wyatt repoussa le cahier et retourna à son ordinateur, espérant qu’internet l’aiderait à comprendre ce qu’il ressentait.
Il s’égara dans des forums, dans des témoignages de gens, lut plein d’articles de toutes sortes sur l’hétérosexualité, l’homosexualité et la bisexualité et n’en sortit guère plus avancé jusqu’à ce qu’un terme lui parle : la pansexualité qui impliquait de pouvoir être attiré par des individus de n’importe quel sexe ou genre.
Il avait beau avoir une préférence sexuelle pour les filles, aimer quelqu’un du même sexe que lui ne lui posait pas de problème. Il était même tombé amoureux s’en sans rendre compte, tout simplement parce qu’il n’avait pas considéré que ce soit possible.

jeudi 7 février 2019

Chocolat blanc - 33

Wyatt se leva si brutalement de sa chaise qu’elle chuta avec fracas. Il ne prit pas la peine de la relever. Il en avait par dessus la tête des devoirs, des leçons et examens, il en avait sa claque des langages informatiques et - c’était officiel - il détestait l’électronique. S’il ne se lassait pas de travailler en binôme avec Dominique, efficace et agréable, les travaux de groupe était un cauchemar, certains se laissant honteusement porter.
Il voulait des vacances, du temps pour écrire sans se soucier de l’heure, pour voir Kembou autrement qu’en coup de vent.
Il ne l’avait jamais vu qu’une fois de plus depuis sa visite surprise où il s’était montré assez froid avec Dominique, qui, bizarrement, ne lui tenait pas grief. Son nouvel ami lui avait assuré que Kembou avait de bonnes raisons pour son comportement. Il n’avait pas daigné lui dire lesquelles. Wyatt avait préféré ne pas trop réfléchir à la question et quand Kembou l’avait visité, il avait préféré jouer et rire avec lui sans lui chercher des poux pour son attitude de la dernière fois.
Il avait fait part de quelques idées à Kembou, le genre que ses parents qualifiaient « d’élucubrations » et son ami y avait réagi avec son sérieux et son pragmatisme habituel. Ses quelques heures passées en sa compagnie avaient été heureuses et bien trop courtes. Kembou lui manquait de façon plus aiguë qu’il ne l’aurait cru.
Ces derniers temps, il avait failli à plus d’une reprise tout envoyer valser pour aller surprendre à son tour son ami. La perspective de croiser Rokia et les risques d’avoir de mauvais résultats  qui lui auraient valu les foudres de son père l’avaient retenu.
Wyatt s’étira. Il avait besoin d’une pause, c’était clair. 15H30, trop tard pour une sieste, trop tôt pour un goûter. Cela ne l’arrêta pas pour autant. Il avait mangé à midi à peine de toute façon.
Il cassa une barre de chocolat de la tablette et la savoura longuement.
Il retourna ensuite devant son ordinateur, ce qui l’obligea à remettre la chaise en place, mais lança un jeu qu’il arrêta vite. Il était fatigué des écrans. Il bouquina un moment, puis l’inspiration pour écrire lui vint.
Il ferma le livre et reprit son cahier d’écriture. Les aventures du garçon blanc recueilli par une tribu africaine n’étaient pas restées tout à fait au point mort. Les deux enfants avaient atteint l’âge de douze ans et les fiançailles du fils du chef avec une fille d’une tribu voisine allaient être célébrées.

mercredi 6 février 2019

Chocolat blanc - 32

Kembou pivota.
— Tu ne lui diras rien, promis ?
— Bien sûr que non, c’est à toi de le faire, déclara Dominique en rejetant ses cheveux en arrière d’un geste fier.
— Je ne sais pas si j’en aurais le courage…
— Tu dois être au courant qu’il n’a pas mal pris ma déclaration et crois-moi d’expérience, avouer son attirance à un mec hétéro peut fort mal tourner.
Dominique se remit en marche et Kembou lui emboîta le pas, en ne pouvant s’empêcher d’admirer la manière dont il ne faisait pas de mystère de son orientation sexuelle. Il se demandait si Dominique avait toujours été aussi flamboyant et à l’aise.
— Cela fait des années maintenant que je lui cache… Être son ami, c’est déjà formidable.
Cela lui suffisait, même si c’était parfois très dur et ce, dans tous les sens du terme.
— Tu as envie d’être témoin à son mariage ?
Kembou eut un frisson d’horreur. Il avait surtout envie d’attraper le voile de l’imaginaire fille toute vêtue de blanc et l’entraîner hors de la mairie ou de l’église.
— Si Wyatt est heureux…, parvint-il à marmonner.
— Tu devrais penser à ton propre bonheur. Et honnêtement, cela m’étonnerait qu’une fille supporte à quel point toi et lui vous êtes proches…
— Pas autant que toi, maintenant que je travaille tandis que vous étudiez ensemble.
Sa jalousie absurde ressortait, incontrôlable. Dominique ne l’envoya pas promener comme il le méritait.
— J’ai arrêté de compter le nombre de fois où il parlait de toi parce qu’un truc lui rappelait quelque chose que vous aviez partagé. Et Kembou par ci, Kembou par là… Je suis content de pouvoir mettre enfin un visage sur ton nom, d’ailleurs, même si je ne t’imaginais pas du tout ainsi.
— Non ? Toi, tu corresponds bien au portait qu’il a dressé de toi…
— Déjà, je ne savais pas que tu étais noir et je te voyais plus grand et plus musclé.
— Désolé de te décevoir, grommela Kembou.
— Ne le sois pas. Tu n’es certes pas aussi extraordinaire que t’a dépeint Wyatt, mais tu n’es pas mal du tout dans ton genre. Et tu es plutôt cool maintenant que tu as cessé me foudroyer du regard pour un oui, pour un non. Que nous soyons du même bord ne gâche rien. Je suis certain que nous allons bien nous entendre.
Kembou était d’accord avec ça, aussi quand leurs chemins bifurquèrent, il lui fila son adresse mail, précisant qu’il n’avait pas de mobile.
Dominique ne s’écria pas, comme beaucoup, que c’était rare de nos jours et lui donna son numéro en plus de son mail, l’invitant à le contacter quand il le voulait.

mardi 5 février 2019

Chocolat blanc - 31

Kembou demeura tard à l’appartement de Wyatt dans l’espoir que Dominique ne s’en aille avant lui et qu’il ait un moment seul avec son ami, mais finalement, il lui fallut partir.
Comme s’il avait donné le signal du départ, Dominique annonça qu’il allait lui aussi rentrer – Kembou lui aurait volontiers tordu le cou. Pourtant, au cours de l’après-midi, il avait été obligé de reconnaître que Dominique était sympathique, ni prétentieux ni capricieux : quand il avait fait la pause en même temps que Wyatt, il avait toujours pris soin d’inclure Kembou dans la conversation, même quand elle portait sur leurs cours et professeurs d’école d’ingénieur.
Wyatt dit simplement au revoir à Dominique et comme la dernière fois, serra brièvement Kembou dans ses bras. La différence de traitement ravit Kembou, puis la porte se referma et il se retrouva en tête à tête avec Dominique.
— Tu habites où ? demanda Kembou afin de déterminer jusqu’où leurs trajets étaient identiques.
Dominique lui expliqua en détail et Kembou ne fut pas fâché d’apprendre que leurs chemins se sépareraient rapidement.
Ils étaient encore dans le hall de l’immeuble quand Dominique lança :
— Tu es amoureux de lui, n’est-ce pas ?
Kembou ralentit le pas malgré lui et son cœur s’affola dans sa poitrine. Comment Dominique avait-il réalisé en aussi peu de temps ce dont Wyatt ne s’était pas aperçu depuis des années ? Sûrement parce qu’il avait dévoré son ami des yeux tout en montrant la jalousie qu’il ressentait à l’égard de Dominique.
— Hein ? Mais qu’est-ce que tu racontes ?
— Tu devrais le lui dire, répliqua Dominique comme si Kembou ne venait pas de prétendre n’avoir pas compris de quoi il parlait.
— Nous sommes amis, déclara Kembou dans un murmure, sans trop savoir s’il niait être homosexuel ou s’il se justifiait de garder pour lui ses véritables sentiments.
Il sortit dans la rue, talonné par Dominique.
— Vous êtes plus comme un couple platonique, même si de toute évidence, toi, tu le désires.
Kembou s’arrêta brusquement.
Dominique qui n’avait apparemment pas prévu qu’il pile net, le heurta dans le dos.
Ils s’excusèrent dans un bel ensemble.
Dominique pouffa. C’est vrai que c’était quand même la troisième fois de la journée.
Kembou déglutit nerveusement. Deux options s’offraient à lui : soit il envoyait Dominique promener et continuait à le jalouser, soit il le prenait pour confident et devenait ami avec lui.

lundi 4 février 2019

Chocolat blanc - 30

Wyatt n’avait pas changé de manière de manger. C’était un spectacle toujours aussi érotique.
Kembou s’agita sur sa chaise.
— Hum… Divin, ce riz… J’oublie toujours le mien de la casserole et après, c’est gluant au possible, expliqua Wyatt entre deux bouchées.
— Pour ma part, j’ai toujours tendance à le sortir trop tôt, avoua Dominique qui ne paraissait pas plus ému que cela face à l’air extatique de Wyatt.
— Pourquoi vous ne mettez pas un minuteur ? demanda Kembou.
— Je ne l’entends jamais, répliqua Wyatt, avant de se délecter d’une nouvelle fourchetée.
— J’ai tendance à ne me préparer à manger que quand je meurs de faim, du coup, je n’attends jamais qu’il sonne, répondit Dominique.
Au moins, il n’y avait pas de risque qu’il touche le cœur de Wyatt en passant par son estomac.
Le plat principal fut vite fini et ils s’attaquèrent au dessert.
Dominique jeta son dévolu sur un yaourt blanc, Kembou sur une crème à la vanille et Wyatt sur une mousse au chocolat qu’il savoura d’une façon obscène.
Kembou, de plus en plus à l’étroit dans son jeans, fut incapable de s’empêcher de le regarder et parvint tout juste à répondre à la question de Dominique sur comment il avait appris à cuisiner.
Le repas achevé, il passa son tour pour débarrasser le temps de recouvrer son calme.
Le dernier verre lavé, Wyatt lui proposa de jouer à la console pendant que Dominique et lui bossaient sur leur devoir.
Kembou pouvait difficilement refuser. Il se retrouva donc par terre pendant qu’ils s’installaient au bureau et se montraient studieux.
Toutefois, ce qui se passait à l’écran et le sort de son personnage ne l’intéressaient guère par rapport au tableau que formaient Wyatt et Dominique. Ils avaient beau ne pas être collés comme dans son imagination, ils étaient bien trop proches à son goût.
Il n’aurait pas cru désirer un jour étudier plutôt que s’amuser à se castagner virtuellement, mais les faits étaient là.
A plusieurs reprises, ses yeux rencontrèrent ceux de Wyatt qui, chaque fois, lui sourit.
A un moment, laissant Dominique travailler, son ami le rejoignit pour un petit combat, puis repartit devant son ordinateur.

vendredi 1 février 2019

Chocolat blanc - 29

Qu’ils soient rouillés depuis l’été n’expliquait pas tout. Le personnage de Kembou rendait mollement les coups de celui de Wyatt qui finit par le battre avec une combinaison de mouvements pas particulièrement élaborée. Or, Wyatt ne gagnait presque jamais à ce jeu.
Kembou se frotta le haut du crâne.
— Je n’aurais pas dû venir. Je suis en trop, déclara-t-il, en commençant à se lever.
Wyatt le retint en posant une main ferme sur sa cuisse.
— Pas du tout. Cela me fait plaisir que tu aies fait tout ce chemin pour qu’on se voit. Mais tu n’es pas plus « en trop » que Dominique. Donne lui sa chance, tu veux bien ? Il a un sens de l’humour extra.

                                                          *

Wyatt aurait pu lui demander de décrocher de la lune quand il le touchait ainsi. Kembou aurait voulu qu’il garde sa paume là pour toujours, ses doigts à quelques centimètres de son sexe qui s’éveillait, ce qui était dangereux.
— Oui, pardon. Je ne suis pas habitué à te partager, tenta-t-il te plaisanter.
Ce n’était que trop vrai, bien sûr. Et dans sa jalousie, il se comportait comme un parfait idiot, battant de froid Dominique alors que ce dernier s’était montré cordial. Il faut dire que c’était irritant que ce dernier soit si à son aise chez Wyatt, allant jusqu’à ranger des courses qu’ils avaient fait ensemble...
— Super ! s’écria Wyatt avant de se mettre debout, rompant le contact.
Ils gagnèrent la cuisine.
— On a fini ! lança Wyatt.
— Déjà ? s’étonna Dominique.
— Il faut croire que nous n’étions pas d’humeur, répondit Kembou d’un ton plus sec qu’il n’avait prévu.
— On se mange un bout ? suggéra Wyatt.
Kembou n’avait pas vraiment faim, mais il était midi.
Il accepta de concert avec Dominique.
Leur synchronisation était cocasse à en croire le large sourire de Wyatt et la lueur brillant dans ses yeux bleu-verts.
— Nous sommes sur la même longueur d’ondes, se força à dire Kembou.
— En effet, confirma Dominique en lui jetant un regard curieux.
Ils étaient à l’étroit dans la petite cuisine, chacun voulant faire sa part dans la préparation du repas alors même qu’il était clair que ni Wyatt ni Dominique n’étaient très doués dans ce domaine. Cependant, après s’être heurtés un bon nombre de fois, ils finirent par réussir à se caser tous les trois autour de la planche qui servait de table, des assiettes fumantes devant eux.