mardi 30 juin 2015

Contes modernes - 78

— Je sais que vous avez été brûlé dans l'exercice de votre métier. J'ai d'ailleurs rencontré l'enfant que vous avez sauvé ce jour-là, mais si vous pouviez me raconter...
— Non, gronda l'ancien pompier.
Cela s'annonçait mal, songea Cain.
— C'est douloureux pour vous de vous en souvenir ?
— Évidemment ! A qui cela-t-il peut faire plaisir de se rappeler un moment où il s'en est pris plein la tronche, hein ?
Angel flanqua un coup de poing rageur dans la table, ce qui fit sursauter Cain. Sous l'effet de la colère, son hôte devenait effrayant.
— Vous n'avez pas tort... souffla-t-il.
— Question suivante !
— Pierrot vous est très reconnaissant, de même que ses parents. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
— Ça m'arrange qu'ils me commandent plein de jouets, autrement, ils sont lourds. Si cela n'avait pas été moi, cela aurait été un de mes collègues. J'aurais préféré qu'ils ne cherchent pas à me contacter.
— Pourquoi ?
Angel baissa les yeux, puis les releva, pleins de défi.
— C'est pour ça que je ne voulais pas de ces questions, merde...
Cain devina ce qu'il se refusait à dire. Une part d'Angel regrettait d'être aller sauver le petit garçon car il avait payé le prix fort. Il était moins défiguré que d'autres, mais le vivait plus mal. Sa moitié intacte montrait à quel point il avait été séduisant autrefois.
— Je ne suis pas obligé de mettre tout ce que vous me dîtes dans le dossier.
— Encore heureux !
— Vous auriez préféré que quelqu'un d'autre que vous sauve Pierrot ?
Angel émit un petit bruit désabusé.
— C'est ça. Pourquoi posez-vous des questions dont vous avez déjà les réponses ?
— Parce que je ne les ai pas. Ce ne sont que des hypothèses. Tout le monde est différent. C'est à cause de vos brûlures que vous vivez à l'écart ?
— Là encore, vous gaspillez votre salive !
— Le dernier grand brûlé que j'ai interrogé le fait par désir de tranquillité.
— Tsst ! Ça pue le mensonge, ça ! C'est pénible d'être regardé comme un monstre de foire, comme quelqu'un déguisé toute l'année pour Halloween !
Sa voix était comme le grondement d'une bête blessée.
Cain poursuivit :
— Cela fait combien de temps que vous avez emménagé ici ?
— Presque dix ans. Je n'ai pas tenu plus de quelques mois en société après ma sortie de l'hôpital. Pitié, curiosité, dégoût, je me suis vite lassé !
— Vous ne voyez jamais personne ici ?
— Oui. Le moins possible en tout cas. Je me fais livrer et je me suis arrangé avec le postier pour qu'il récupère les commandes de jouets que je dois envoyer devant la maison.

1 commentaire:

Jeckyll a dit…

Super épisode merci, on ressent bien la peine, la colère d'Angel

Cain n'est pas au bout de ses peines avec lui ^^'

vivement la suite en tout cas :)