vendredi 12 février 2016

Contes modernes - 216

— A vingt-trois ans, tu ne devrais pas te laisser dicter ta conduite par ta mère pour tes cheveux comme au sujet des sorties.
— Ah...
— Je suis prêt à te protéger de tous les dangers de l'extérieur.
Ray ne l'accusa pas de fanfaronner, se contentant d'une petite moue dubitative des plus charmantes. Mael ne pouvait lui donner tort de le soupçonner d'en être incapable : s'ils étaient photographiés par des paparazzis, il n'aurait guère de moyen de le prémunir de la tourmente qui en résulterait.
Il reprit :
— Ta mère n'a pas le droit de te garder enfermé comme elle le fait.
— Non ?
— A moins d'être malade, les enfants sont supposés aller à l'école où j'ai bien l'impression que tu n'as jamais mis les pieds. Sans compter que tu as largement dépassé l'âge de la majorité.
— École ? Âge de la majorité ? Je ne comprends pas...
Elle l'avait gardé dans l'ignorance de tellement de choses...
Elle n'avait pas été jusqu'à prétendre que le reste du monde avait été détruit qu'il n'y avait plus qu'eux deux – scénario digne d'un film catastrophe – qui aurait pu justifier l'enfermement de Ray, mais le résultat était le même.
Mael tâcha de lui expliquer les deux concepts.
Ray l'écouta avec attention, puis s'inquiéta que ces enfants mis tous ensemble ne se refilent leurs microbes en permanence.
Encore une peur qu'elle lui avait instillé ! Mael n'y tint plus et il se lança dans une grande tirade sur le fonctionnement du monde.
Ray le regarda fixement, ses grands yeux écarquillés par l'incrédulité. Il faut dire que les propos de Mael devaient contredire bon nombres de sa génitrice.
— C'est faux, balbutia finalement Ray en secouant la tête, profitant d'une pause.
Pour lui, le menteur ne pouvait être que Mael.
— Je conçois que tu aies du mal à me croire et je ne peux t'y obliger. Réfléchis-y juste. Seuls les criminels et les fous sont enfermés, les autres circulent en liberté. Si tu n'as rien fait de mal et que tu as la santé, il n'y a aucune raison que tu ne quittes jamais cet appartement. Et si c'est le poids de tes cheveux qui t'en empêchent, alors coupe-les !
Ray se tordit les mains. Mael réalisa qu'il le poussait trop dans ses retranchements. Il mettait sens dessus dessous son univers sans délicatesse aucune.
— Désolé, je vais te laisser...
— Mais vous reviendrez ? le coupa aussitôt Ray.
Sa demande soulagea Mael. Même si le jeune homme était bouleversé par les révélations qu'il venait de lui faire sur comment les choses se passaient, il souhaitait le revoir. Il en aurait eu le cœur brisé si Ray lui avait intimé de ne plus revenir.
— Si tu veux bien, avec plaisir.
— Même si je ne suis pas forcément d'accord avec ce que vous dîtes, j'apprécie votre compagnie, assura Ray.
Mael aimait toutes ses réactions. En un sens, c'était grâce à sa mère qu'il était ainsi, si franc et si pur... La vie qu'elle lui imposait n'en était pas moins terrible. Cependant, le libérer contre son gré n'aurait eu que peu de sens. Il fallait que Ray veuille de lui-même quitter sa cage pour affronter l'extérieur. Tout n'y était pas rose ou blanc, mais tout n'était pas aussi affreux que la mère du jeune homme lui avait dépeint.
Mael repartit par la fenêtre sous l'œil inquiet de Ray.

1 commentaire:

Jeckyll a dit…

Mael est trop mignon dans sa façon de vouloir "forcer" Ray à découvrir ce monde inconnu pour lui ^^

Merci pour l'épisode, en attendant de lire la suite avec grand plaisir je te souhaite un très bon week-end :)