lundi 17 juillet 2017

Le petit triton - 1

Ondin, les mains crispées sur le manche du poignard, secoua la tête. Il ne pouvait pas le faire. C'était impossible. Planter cette lame dans le corps de l'homme qu'il aimait, lui ôter la vie, le priver de son souffle.
Quoiqu'en disent ses sœurs et en dépit du sacrifice de leurs chevelures, mieux valait pour lui de mourir, devenir écume et se fondre dans la mer. Est-ce qu'Eric regretterait Ondin ne serait-ce qu'un peu une fois qu'il aurait disparu ? Non, pour lui, il n'était qu'un jeune homme muet et maladroit qui l'amusait avec ses impairs. Eric allait se marier avec la jeune fille qui l'avait sauvé, du moins le croyait-il...
Comment Ondin en était-il arrivé à cette horrible situation ? Et il se rappela...


— Nous sommes des créatures de l'eau et eux de l'air, c'est normal.
Sa grand-mère lui parlait des âmes immortelles que les humains possédaient et qui faisaient défaut aux sirènes qui, elles, se transformaient en écume à leur mort, au lieu de monter au ciel.
Ondin voulut savoir comment en obtenir une et sa grand-mère lui expliqua qu'il fallait se faire aimer d'un homme, mais que c'était impossible car leurs queues de poissons aux brillantes écailles n'étaient guère prisées par ces êtres qui évoluaient sur deux bâtons.
Quand le petit triton eut l'âge de quitter les profondeurs pour visiter la surface, il resta en admiration devant la beauté de ses deux membres, alors il retourna encore et encore sur les crêtes des vagues pour contempler les humains.
Il les regardait parfois marcher sur le rivage, mais le plus souvent se déplacer sur des bateaux que la mer soit d'huile ou agitée. Parmi les marins, il y avait un homme brun pas particulièrement beau en comparaison avec les tritons et les sirènes, mais qui avait de magnifiques jambes et surtout un cœur compatissant : il avait fait libérer un dauphin capturé malencontreusement dans un filet de pêche. Et ce n'était pas n'importe lequel, c'était Flap, l'ami de toujours de Ondin.
Dans l'espoir de le revoir, Ondin était monté à la surface un nombre incalculable de fois au mépris des risques de se faire attraper et de finir dans quelque cirque humain comme monstre de foire.
Ses tentatives furent le plus souvent vaines et ce n'était jamais la troisième fois qu'il parvenait à le voir quand le vent se leva. Le ciel s'obscurcit d'un coup, le soleil caché par d'épais nuages noirs. La pluie se mit à tomber de plus en plus forte. Sur le pont du bateau, les humains s'activaient en tout sens, leurs voix se perdant dans le bruit des vagues furieuses et du vent mugissant.

2 commentaires:

Jeckyll a dit…

Un premier épisode génial qui pose les bases ^^

J'adore la façon dont commence l'histoire par la fin :)

Merci c'est un de mes autres contes préféré et je vais aussi prendre plaisir à le lire que celui du Beau et de La Bête, vivement la suite

Illyshbl a dit…

J'ai hésité à débuter par la fin, mais en même temps, quand j'ai commencé à écrire le conte, c'est la première scène qui m'est venue, alors voilà... :)