vendredi 29 avril 2016

Cœur de fantôme - 41

— C'est tentant, mais tu n'es pas qu'un corps, tu es une personne à part entière.
Que Nino ne saute pas à pieds joints sur l'offre plut à Zack, car même si cela l'obligeait à le convaincre, cela montrait que le jeune homme tenait à lui.
— Accepte... intervint Kazuya d'une voix douce, en venant flotter tout près de son oreille tel un démon ou un ange cherchant à conseiller en bien ou mal.
— Même si tu l'habites, il ne sera pas toi... et je te rappelle que nous étions en train de nous disputer.
Nino ne refusait pas que par égard pour Zack qui d'ailleurs était également en quelque sorte en disgrâce. Toutefois, Kazuya ayant plaidé sa cause magnifiquement, il ne doutait guère être pardonné.
— Quoi de mieux qu'une réconciliation sur l'oreiller ? rétorqua Kazuya.
— Mais nous ne sommes toujours pas d'accord à propos de l'exorcisme, protesta Nino faiblement.
— Avoir des opinions divergentes est fréquent dans un couple. De toute façon, les exorcistes ne résolvent pas ce qui retient les fantômes, ils les forcent à passer de l'autre côté. Ce que tu veux faire est différent.
— Tu voudras bien m'aider ? demanda Nino en joignant les mains dans un geste de prière.
— Disons plutôt que mon non n'est plus ferme et définitif.
Cette déclaration contenta Nino qui se tourna enfin vers Zack qui attendait, stoïque, qu'ils aient fini.
— Tu es sûr de toi ?
Zack avait eu le temps de peaufiner son argumentation.
— Certain. Tu es au courant de ce que je ressens pour toi. Je serais aussi gagnant dans l'affaire.
— Alors, c'est oui... Merci de faire ça pour nous.
Zack ne prétendit pas que c'est à cela que servait les amis. Il était content d'avoir enfin réussi à s'immiscer entre eux.
Kazuya n'attendit pas davantage pour le posséder à nouveau.
Zack aperçut un vieil asiatique sévère qui entretenait une certaine ressemblance avec Kazuya et le fantôme fut en lui. Il n'avait plus son mot à dire.
« Détrompe-toi, je suis à l'écoute » lui affirma Kazuya.
Mais il n'en ferait au bout du compte qu'à sa tête, songea Zack avec amertume.
« C'est le principe de la possession. La façon dont je réagirai aux caresses de Nino sera mienne et c'est à ma manière que je l'embrasserai. »
Zack ne serait qu'un spectateur. Un voyeur. Il n'avait pas vraiment réalisé à quoi il s'engageait.
« Ce n'est pas que ta vue qui sera mise à contribution, mais tous tes sens. Que je sois aux commandes ne t'empêchera pas de ressentir du plaisir puisque tu aimes Nino. »
Zack était dubitatif, mais prêt à faire l'expérience.

jeudi 28 avril 2016

Cœur de fantôme - 40

— C'est vrai que j'ai songé à contacter un exorciste pour Kazuya, mais j'ai renoncé immédiatement.
— Va-t-en ! s'exclama Nino.
— Je t'assure... commença Zack avant de se taire, comprenant que cela ne servirait à rien, que Nino ne le croirait plus jamais.
La seule solution pour prouver qu'il était sincère, c'était de laisser Kazuya le posséder et lire en lui. C'était une perspective glaçante, mais bien moins que d'être détesté par Nino.
— Kazuya pourra te le confirmer, déclara-t-il.
Serrant les dents, il ouvrit les bras en grand, comme s'offrant en sacrifice.
Le fantôme comprit qu'il était d'accord pour l'accueillir en lui et en un éclair fut en lui.
Zack eut la chair de poule, il entrevit une jeune femme en kimono portant une ombrelle dans un jardin, Kazuya l'emplit entièrement et ce fut tout.
La voix du fantôme résonna en lui : « Sans lutte, aucun souci. »
Zack dut en convenir. L'absence d'écrasement était limite déroutante. Il ne restait que l'inconfort d'exposer ses pensées intimes à un autre ainsi que la perte de contrôle de son propre corps.
Par sa bouche, Kazuya annonça :
— Il ne ment pas. Il s'est renseigné sur le sujet, mais n'a rien fait de plus. Il savait autrement qu'il te ferait de la peine. Il ne voulait pas non plus agir sans mon autorisation.
— Vraiment ?
Zack se sentit hocher la tête. Le soulagement de Nino transparut sur les traits de son visage.
— Il commence à m'apprécier, précisa Kazuya.
Zack n'aurait pas formulé les choses de cette manière, mais c'était exact.
Nino esquissa un timide sourire.
— C'est normal, tu es formidable.
— Et toi, tu es merveilleux, répliqua Kazuya.
Zack était du même avis que le fantôme. Ce qui le chiffonnait, c'était de constater à quel point ces deux-là étaient amoureux l'un de l'autre et qu'il n'avait pas de place pour lui entre eux... A moins que...
Le fantôme qui percevait tout ses sentiments, lui répondit « ça, tu ferais mieux de lui dire toi-même » avant de sortir de son corps.
Zack fut déséquilibré un instant sans autre désagrément.
— Je suis volontaire pour prêter mon corps à Kazuya pour que vous fassiez l'amour tous les deux.
Le jeune homme brun ne réagit pas tout de suite. Il faut dire que la proposition de Zack était soudaine. Il lui était cependant apparu très clairement au cours de cette seconde possession que c'était son unique moyen d'être plus qu'un ami pour Nino.

mercredi 27 avril 2016

Cœur de fantôme - 39

Ils discutèrent d'exorcisme un moment, ce qui permit à Zack de réaliser que concrètement, c'était délicat à mettre en pratique puisque Nino voyait les fantômes, mais ne pouvait leur parler et savoir ce qui les tourmentait à moins d'être possédé. Or il n'était pas question que le jeune homme se plie au moindre caprice de fantômes peu scrupuleux... Il ne voulut toutefois pas le décourager, préférant égoïstement laisser ce soin à Kazuya.

Ce que Zack n'avait pas prévu, c'est qu'il ne l'emporterait pas au paradis...
A peine deux jours après leur repas, alors qu'il venait tout juste de pousser la porte de la maison délabrée de la rue des Sycomores sur l'invitation de Nino, Kazuya surgit devant lui, furieux et menaçant, ses cheveux en ailes de corbeaux flottant autour de sa tête, un éclat rouge brillant dans ses yeux noirs.
— Comment as-tu pu lui faire miroiter une carrière d'exorciste ?! tonna-t-il, faisant vibrer les murs de la maison.
Nino arriva sur ces entrefaites, dévalant l'escalier à toute vitesse.
— Kazuya, arrête ! Tu lui fais peur !
Zack aurait aimé démentir cette affirmation, mais ce n'était que trop vrai. Se faire posséder par le fantôme n'était peut-être pas le pire qui pouvait arriver...
— Tu avais affirmé qu'on pourrait discuter calmement, continua Nino en s'approchant du fantôme sans soucier de l'air qui semblait crépiter autour de lui.
— Non, ça, c'est ce que toi tu souhaitais... L'exorcisme, c'est trop dangereux !
— Pourquoi tu ne comprends pas ? Plutôt que de devoir composer avec ma vue spéciale, de commettre des impairs parce que je vois des gens invisibles pour les autres, je pourrais m'en servir, me rendre utile !
Nino plaidait sa cause avec passion, toute son attention concentrée sur le fantôme qui ne décolérait pas.
Zack n'avait même pas à se défendre, c'était presque comme s'il n'était pas là, quantité négligeable qui n'avait aucun rôle à jouer dans leur dispute dont il était pourtant l'investigateur involontaire.
— C'est impossible.
— Pas si tu me possèdes, car toi, tu seras en mesure d'apprendre de leur bouche si oui ou non, on peut les aider.
— Cela reste risqué ! T'a-t-il au moins avoué comment il avait eu cette brillante idée d'exorcisme !?
Nino se tourna enfin vers Zack, interrogateur, puis il devina la vérité et ses yeux s'agrandirent d'horreur.
— Non, murmura-t-il, se collant au fantôme comme pour le protéger, le bras de Kazuya se fondant dans le sien.
Zack en voulut au fantôme. A cause de lui, c'était fini. Il avait perdu la confiance du jeune homme. Jamais il ne pourrait gagner son amour. Kazuya cependant n'avait pas l'air de se réjouir. Ses cheveux étaient à présent retombés et ses yeux ne rougeoyaient plus. Ce n'était qu'emporté par sa fureur qu'il avait indirectement révélé que Zack avait projeté de l'éliminer.

mardi 26 avril 2016

Cœur de fantôme - 38

Quand Nino arriva, Zack ne put s'empêcher de songer à Kazuya seul dans la lugubre maison.
Comme d'habitude, le jeune homme ne tarda pas à parler de lui et Zack, plutôt que de tenter de passer à un autre sujet, en profita pour le questionner.
Nino parut ravi de l'intérêt qu'il portait au fantôme.
— Il n'a pas pu accomplir sa vengeance car son frère a vendu la maison et est parti s'installer ailleurs avec la femme que Kazuya aurait dû épouser. Quand Kazuya a été en mesure de posséder quelqu'un, quelque chose comme cent ans plus tard, il a mené l'enquête et découvert que son frère était mort de vieillesse, sans laisser d'enfants. A distance, Kazuya l'avait maudit lui et toute sa descendance pour rien.
Nino, intarissable, poursuivit en expliquant que le fantôme était habité d'une colère dont il ne pouvait se débarrasser, car il ne pouvait plus la déverser sur personne. Sa vie avait été coupée trop tôt, de façon injuste, tout ça parce qu'il avait eu le malheur de naître avant son frère.
— Il était hétéro à la base ?
— Oui, mais il a possédé des hommes et des femmes et avec l'absence de corps, les considérations de sexe ont perdu leur importance pour lui. Pour ma part, je sais depuis longtemps où vont mes préférences. Sans les fantômes, je n'aurais jamais embrassé de filles.
— Pas de doute, ils ont bousillé ta vie, plaisanta Zack.
Lui avait testé de son propre chef, les beaux garçons musclés et sportifs étant supposés aimer les filles... Mais il y a des choses pour lesquelles faire semblant est au bout du compte impossible.
Nino prit sa remarque au sérieux.
— Au début, c'est ce que je pensais. Si seulement ma vue paranormale ne s'était pas réveillée... mais certains fantômes étaient si heureux, si apaisés après avoir pu en finir avec leurs regrets... et puis surtout, sans cela, je n'aurais jamais atterri au 7 rue des Sycomores et jamais rencontré Kazuya.
La jalousie frappa Zack de plein fouet. Ainsi Nino jugeait que toutes les épreuves qu'il avait traversé, être trompé, jugé fou, violé, criminel en valait la peine, tout ça parce qu'au bout, il avait trouvé Kazuya.
Zack s'efforça de faire bonne figure, de chasser le sentiment qu'il ne pouvait rivaliser avec le fantôme. Il abonda dans le sens du jeune homme.
— En somme, c'est plus un don qu'une malédiction. Grâce à toi, au lieu de continuer à errer, plein de fantômes ont pu partir en paix avec eux-mêmes. Tu pourrais peut-être devenir exorciste.
Il avait lancé l'idée comme cela, mais Nino s'enthousiasma. Certains fantômes n'avait pas besoin de grand chose pour passer de l'autre côté : une simple discussion avec un de leurs proches, un endroit à visiter...

lundi 25 avril 2016

Cœur de fantôme - 37

Zack se trouvait pathétique à laisser son rival le consoler, mais ne put s'empêcher de dire :
— Quand vous êtes là, je suis transparent à ses yeux.
— Détrompe-toi. C'est au contraire l'occasion pour lui de se rendre compte de ce que tu as et que je n'ai pas, notamment ton enveloppe charnelle.
Avant que Zack ne puisse faire valoir que tout être vivant possédait la même chose, Kazuya ajouta :
— Il apprécie aussi de pouvoir te parler, car avec moi, c'est inutile.
Le moral de Zack remonta en flèche. Tout connaître de l'autre en le possédant n'était donc pas qu'un avantage... Oui, il faisait le poids contre le fantôme. Il fallait juste qu'il se montre patient.
Mais alors que jusque là le fantôme l'avait agacé, il était désormais obligé de reconnaître que Nino avait raison : Kazuya était gentil. Il l'encourageait à persévérer alors que ce n'était pas dans son intérêt. Sans doute le faisait-il car c'était mieux pour Nino, mais s'il avait été égoïste, il aurait enfoncé davantage Zack afin qu'il renonce.
Comment pareil homme avait-il pu demeurer coincé dans le monde des vivants sous cette forme par désir de vengeance ?
— Et vous ?
— Si tu obtiens l'amour de Nino ? Je tacherai de me réjouir pour lui... et pour toi.
Le fantôme était admirable et dans ce cas, lui prendre Nino faisait de Zack un minable. Ou pas. Le jeune homme appartenait au monde des vivants.
— Merci.
C'est tout ce qu'il pouvait dire. Il ne lui restait plus qu'à s'en aller, mais il ne bougea pas.
Kazuya le regardait.
— Y-a-t-il autre chose dont tu veux parler ?
Zack hésita à l'interroger sur son frère et la manière dont il aurait aimé lui faire payer sa mort, mais il n'osa pas. Nino pourrait toujours le renseigner.
— Non. Au revoir. Et à bientôt, je suppose, ajouta-t-il, sûr que Nino le réinviterait pour une soirée à trois.
Kazuya le salua de la main et disparut comme s'il n'était qu'un mirage.
Zack s'attarda pour laisser un mot à Nino pour l'inviter à un nouveau dîner chez lui. Ayant peine à étouffer son sentiment de culpabilité à l'égard du fantôme, il faillit proposer que Kazuya se joigne à eux pour le début de la soirée. Le problème, c'est que sa venue à son appartement impliquait que Nino soit là sans que Zack puisse interagir avec lui.

vendredi 22 avril 2016

Cœur de fantôme - 36

C'est sûr et certain que Nino serait absent – il faisait la plonge au restaurant ce jour-là – que Zack se rendit au 7 rue des Sycomores pour discuter avec le fantôme.
Par mesure de prudence, il l'appela dans l'entrée, ce qu'il aurait aussi dû faire la dernière fois. Cela lui aurait évité d'assister à quelque chose qu'il n'aurait pas dû. Il ne le regrettait toutefois pas vraiment. Il s'était masturbé en repensant à Nino nu devant la cheminée.
La tête de Kazuya apparut devant ses pieds dans le plancher, lui arrachant un cri d'effroi. Le fantôme sortit complètement, un sourire narquois aux lèvres.
— Je m'attendais à ta visite.
Cela déplut à Zack d'être aussi prévisible.
— Et pourquoi suis-je venu ? répliqua-t-il en croisant les bras.
— A cause de la scène que tu as surpris. Si tu n'es pas content, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même, toi qui te soucies tant des bonnes manières,  tu aurais dû frapper. Sans compter qu'il est de bon ton d'être ponctuel plutôt que d'arriver en avance à une invitation. Mais entre nous, je parie que tu n'es pas fâché, tout au plus jaloux.
Il avait raison sur tout les points et cela énerva Zack. Il aurait donné beaucoup pour lui effacer ce fichu sourire.
— Vous n'avez pas envie d'en finir avec cette demi-vie et passer pour de bon de l'autre côté ? lâcha-t-il tout à trac.
Kazuya parut réfléchir à la question.
— Je ne suis pas sûr. Indépendamment de mon désir de vengeance inassouvi, il y a Nino.
— Vous n'avez pas à vous inquiéter, je m'occuperai de lui.
— Tu n'es pas capable de le protéger...
Zack le coupa :
— D'accord, je ne roule pas sur l'or, mais je ne manque pas de muscles et surtout je l'aime.
— Si tu m'avais laissé finir... J'allais mentionner les menaces surnaturelles.
Zack se sentit idiot. Il ne pouvait boxer un fantôme.
Kazuya continua :
— Le talisman ne fonctionne que tant que je suis de ce monde.
— Comme par hasard, comme c'est commode... Comment pouvez-vous le savoir ? s'énerva Zack.
— J'ai eu le temps d'apprendre des choses en sept cents ans.
— Alors que vous êtes coincé à demeure et incapable de toucher quoi que ce soit ?
— Chasser les gens qui souhaitaient s'installer dans la maison n'a pas toujours été mon activité favorite et pour peu que je possède quelqu'un, je suis libre d'aller où je veux et faire ce qui me plais.
La conversation ne prenait pas le tour souhaité. Zack se laissa aller au désespoir :
— Où en suis-je avec Nino ? Nulle part. Même débarrassé de vous...
— Tu lui es cher. Il ne me cache pas combien il passe de bons moments avec toi.

jeudi 21 avril 2016

Cœur de fantôme - 35

— Notre invité est en avance, annonça Kazuya.
Nino se redressa sur un coude et tourna à demi la tête.
— Oh... Merde ! s'écria-t-il avant d'attraper en hâte ses vêtements posés en tas sur un coin de la couverture.
Zack resta sur le seuil, bras ballants, une érection douloureuse déformant son pantalon. Pourquoi s'était-il imaginé que Nino ne serait pas là ? Peut-être parce que hormis le jour de la promenade, c'était toujours Kazuya seul qui était présent.
Même une fois que Nino fut habillé et l'excitation de Zack calmée, il resta un malaise.
— Allez, commençons la soirée... Je suis sûr qu'un verre fera du bien à tout le monde, dit Kazuya.
La scène de Nino se caressant était encore trop fraîche dans l'esprit de Zack, comme imprimée sur sa rétine. Quand le jeune homme s'était touché dans son appartement, sur son canapé, il n'avait pas été aussi magnifique. Zack s'ébroua.
Nino lui proposa les mêmes alcools que la dernière fois et le servit précipitamment dès qu'il se fut décidé pour un whisky.
Ce fut Kazuya qui fit la conversation, enchaînant anecdote sur anecdote sur la manière dont il avait fait fuir propriétaires et locataires qui avaient tenté d'emménager.
A l'une d'elles, Nino rit. Son embarras s'était dissipé, celui de Zack pas totalement.
En présence du fantôme, après l'avoir vu posséder Nino et lui faire pour ainsi dire l'amour, il était obligé d'admettre qu'il n'était pas en bonne voie pour devenir autre chose qu'un ami, pas tant que Kazuya serait de ce monde. Leur complicité crevait les yeux.

Zack partit tôt. De retour chez lui, empli de frustration, il se mit devant son ordinateur pour faire des recherches sur la manière de se débarrasser d'un fantôme. Nino ne devait pas être le seul à être en contact avec le paranormal.
Zack tomba sur beaucoup de sites qui puaient la blague ou l'arnaque avant d'en trouver un, sobre et sérieux qui expliquait comment les morts étaient parfois retenus dans le monde des vivants par leurs regrets ou leurs désirs de vengeance et hantaient alors les lieux de leurs décès.
L'homme affirmait pouvoir les aider à trouver la paix en les exorcisant. Il suffisait de lui adresser un mail ou de lui téléphoner. Il faisait payer pour ses services, bien entendu, mais les prix affichés n'avaient rien d'exorbitant. La prestation pour les fantômes vengeurs était plus élevée, ces derniers étaient souvent moins enclins à passer de l'autre côté.
Zack ne put se résoudre à contacter l'exorciste. Nino ne lui pardonnerait jamais s'il le faisait. Si Kazuya souhaitait cesser de hanter le monde des vivants, c'était en revanche une autre histoire...

mercredi 20 avril 2016

Cœur de fantôme - 34

Après cette promenade, Zack réussit à persuader Nino de l'accompagner au cinéma non pas pour un film romantique, mais pour un de cape et d'épées, genre qu'affectionnait le jeune homme. Il l'invita également une fois au restaurant, celui où Nino travaillait sur la recommandation du jeune homme. Il le convainquit également de venir au centre sportif où Nino trouva fort amusant les tapis de course.
Chaque moment passé avec lui était précieux. Le jeune homme était de plus en plus à l'aise avec lui et Zack se prit à espérer qu'il supplanterait Kazuya dans son cœur, quand bien même Nino ne manquait jamais de parler de lui.
Zack avait ainsi appris que Kazuya aimait la nature et les animaux, qu'il trouvait que le cinéma était une fort belle invention et qu'il avait été un fervent pratiquant des arts martiaux de son vivant.
Quand Nino proposa une nouvelle soirée à trois, Zack ne trouva aucun prétexte pour refuser. Il se consola en se disant que ce serait l'occasion de voir s'il avait vraiment progressé dans sa conquête de Nino.
Kazuya qui pouvait lire les sentiments du jeune homme devait le savoir. Après, il n'avait aucune raison d'en informer Zack, mais cela ne coûtait rien de demander. Tant pis si le fantôme le trouvait culotté !

C'est dans le but de l'interroger que Zack arriva bien avant l'heure indiquée. Il s'introduisit dans la maison sans s'annoncer et monta à l'étage. Mieux valait attendre et discuter au chaud.
Il poussa la porte de la chambre de Nino et s'arrêta devant le spectacle qui s'offrait à lui. Le feu ronronnait déjà dans la cheminée et Nino était allongé devant dans le plus simple appareil, les flammes se reflétant sur sa peau pâle. Yeux clos, il caressait sa verge d'une main, jouant avec un de ses tétons de l'autre.
Zack se figea, retenant son souffle. Nino était entièrement absorbé parce le plaisir qu'il se donnait. Excepté que ce devait être Kazuya aux commandes.
Le jeune homme passa la langue sur ses lèvres. Ses mains glissèrent sur l'intérieur de ses cuisses. L'une d'elle remonta sur ses bourses, les roulant, l'autre descendit sur le genou. Il reprit son sexe, ses hanches se soulevant et s'abaissant en rythme. L'extase se peignit soudain sur son visage tandis qu'un mince jet blanc retombait sur son bas-ventre.
Kazuya sortit alors du corps de Nino. Il remarqua aussitôt Zack dans l'entrebâillement de la porte.

mardi 19 avril 2016

Cœur de fantôme - 33

— Mon premier était un type qui m'indifférait, déclara Zack.
Il lui semblait que pour le pousser à la confidence, il lui fallait aussi se dévoiler.
— Mais c'était pareil pour lui, n'est-ce pas ?
— Oui, tout était clair entre nous. Ton ancien camarade était un sale type.
— Au moins me suis-je donné volontairement à lui. Pas comme les fois suivantes.
Le pluriel n'échappa pas à Zack. Ce n'était donc pas qu'avec lui que Nino s'était retrouvé à coucher à son corps défendant.
— Fichus fantômes ! s'écria-t-il.
— Pas seulement.
Zack s'arrêta, mais pas Nino et il dut le rattraper.
Tout était paisible autour d'eux. Il n'y avait que le clapotis de l'eau.
— Que s'est-il passé ?
Nino leva les yeux vers lui comme pour lui demander s'il voulait vraiment savoir, puis à mi-voix, il expliqua qu'à l'hôpital psychiatrique, une infirmière avait profité du fait qu'il était assommé par les médicaments.
C'était un crime. Encore un. Mais la victime, c'était cette fois Nino. Non, encore lui, car dans l'affaire du fantôme vengeur, il n'avait été le bourreau que contraint et forcé. Avec tout ce qu'il avait vécu, il était logique que Kazuya ait eu pitié de lui.
— Tu l'as dénoncée ?
— Comment aurais-je pu ? J'ai été possédé peu après, jeta Nino avec emportement avant d'accélérer l'allure.
— Désolé. Ce n'était pas un reproche, assura Zack, forçant le pas pour rester à son niveau.
Nino ralentit.
— Je ne suis pas de bonne compagnie, hein ?
— Je n'en veux pas d'autre.
Il était triste de tout ce qui était arrivé au jeune homme, mais heureux qu'il se confie à lui. C'était la preuve qu'ils se rapprochaient.
Ils marchèrent un moment en silence.
— Et toi, aucun secret embarrassant à révéler ? demanda Nino.
Zack sourit. Pas de doute, ils devenaient intimes.
— A part mon goût pour les comédies romantiques ? Je crains que non.
— Cela n'a rien de honteux. Ma sœur aussi est fan.
— C'est considéré comme un truc de filles. Venant d'un type baraqué comme moi, les gens ont plutôt tendance à se moquer. Ou s'ils savent que je suis gay, ils pensent que c'est lié.
— Je ne sais pas d'où vient ce besoin du monde de tout faire rentrer dans des cases, juger, étiqueter, cataloguer... Ne pourrait-on laisser les  autres être, tout simplement ?
Zack ne put que lui donner raison.

lundi 18 avril 2016

Cœur de fantôme - 32

Le jeudi, jour de repos de Zack, il passa donc prendre Nino en début d'après-midi. Par chance, le temps était ensoleillé et le vent ne soufflait pas. C'était une belle journée d'automne quoique froide.
Il n'eut qu'à saluer Kazuya avant d'emmener Nino à moto au bord du fleuve. Il y avait une jolie petite île au milieu. Il suffisait de traverser le pont.
Ils parlèrent un peu de leur boulot respectif. Nino n'ayant aucun diplôme en poche s'estimait heureux d'avoir quelque chose. Cela avait l'inconvénient d'abîmer les mains et ce n'était pas follement passionnant, mais cela lui allait. Zack, lui, avait choisi cette carrière et aimait ça, même si certains clients manquaient de motivation.
Nino admira le paysage et regretta que Kazuya ne soit pas là. Zack ne releva pas et raconta comment il avait découvert l'endroit.
Ils avançaient au bord de l'eau où des saules pleureurs trempaient leurs branches quand Nino  lança :
— Oh, un pêcheur...
Zack eut beau regarder, il ne vit rien. Le coin était désert.
Il y eut un moment de flottement parce qu'il ne savait comment réagir et Nino souffla en portant la main à son en cou :
— Ah, c'est un fantôme...
— Le talisman ne t'empêche pas de les voir ?
— Non, il me protège des possessions et c'est déjà énorme. Ceci dit, cela ne facilite pas les relations. Se faire des amis tient même du domaine de l'impossible... Enfin, heureusement tu es là.
Cela fit plaisir à Zack, mais le peina aussi, car il voulait être plus.
— Même si je préfèrerai être ton amoureux ?
Nino eut un léger soupir.
— Au moins tes intentions sont claires.
— Quelqu'un ne l'a pas été et t'a blessé ?
— Oui.
— Dis-moi qui que j'aille lui casser la gueule, déclara-t-il d'un ton léger pour pousser Nino à en se confier même s'il n'y était pas enclin.
Il se rendit compte après coup qu'il était sérieux. Il aurait voulu que cette personne paye pour la peine qu'elle avait causée à Nino.
— C'est inutile. C'était un camarade au lycée. Il voulait coucher avec moi, alors il a fait semblant de croire à mes histoires de possessions, mais il m'a laissé tombé après, moi et mes « troubles de la personnalité. »
— C'était avec lui  ta première fois ?
Il se montrait d'une indiscrétion totale et il s'attendait à ce que Nino le lui signifie, comme au zoo, mais le jeune homme acquiesça, le rouge lui montant au visage.

vendredi 15 avril 2016

Cœur de fantôme - 31

Il s'adressa au dos du jeune homme :
— Je sais depuis le début que tu es un drôle de numéro. Ça ne change rien.
Nino se retourna, son nez tout proche du torse de Zack.
— Je ne peux pas le croire... Je ferais mieux d'y aller.
Zack le prit par les épaules et ne lâcha pas prise quand Nino tenta de se libérer. Il n'allait pas le laisser sortir de sa vie comme ça, même s'il était synonyme d'ennuis.
— Je suis content que tu te sois confié à moi.
— Tu veux toujours être mon ami ?
— Et même plus que cela.
— Mais...
— Ce n'est pas possible, car tu as Kazuya. Seulement, lui,  il ne peut te procurer aucune chaleur humaine, répliqua Zack en l'attirant contre lui.
Nino se débattit, se raidit dans ses bras et finalement se laissa aller, appuyant son front sur l'épaule de Zack.
— Je l'aime.
— Et moi je t'aime.
Nino chercha à s'écarter et cette fois, Zack ne l'en empêcha pas.
— Je ne peux t'offrir que mon amitié.
— Je m'en contenterai.
Pour l'instant, ajouta Zack dans son for intérieur.
L'arrivée du livreur de pizzas créa une diversion bienvenue.
Zack proposa qu'ils mangent devant un film pour éviter de se lancer de suite dans de nouveaux sujets potentiellement délicats. Il se rendit compte après coup que cela impliquait de s'installer sur le canapé, mais Nino ne broncha pas et alla s'y asseoir. Zack n'eut plus qu'à l'imiter en veillant à garder une certaine distance entre eux pour ne pas l'effaroucher.
Il lança un film d'action, mais avoua en cours de route être surtout amateur de comédies romantiques. Il pouvait bien lui révéler ce petit secret.
Nino ne se moqua pas, il ne dit pas non plus que cela ne correspondait pas à son image, il suggéra qu'ils en regardent une la prochaine fois quand bien même il n'était pas friand de ce genre de films.
Zack se retint difficilement de l'embrasser.
Il eut le même problème quand Nino fut sur le départ.
— On se revoit bientôt ?
— Tu viens à la maison ?
Zack n'étant pas tenté par une nouvelle soirée avec Kazuya, il reparla de la balade.
Ayant désormais une idée de ce qui le retenait d'accepter, il lui assura qu'il n'avait pas peur de s'afficher avec lui, criminel ou pas.
Comme le jeune homme hésitait encore, il précisa que cela n'avait pas à être un endroit très fréquenté et enfin, Nino fut d'accord.

jeudi 14 avril 2016

Cœur de fantôme - 30

Ce soir-là, Nino opta pour des pizzas. Il en choisit une aux anchois et Zack mentionna son allergie qui avait affolé son père et sa mère et lui avait valu un tour aux urgences de l'hôpital.
— Tu vois encore beaucoup tes parents ? demanda le jeune homme.
— Deux fois par mois environ. Ils habitent dans la ville voisine. Et toi, tu es encore en contact avec les tiens ?
— Non.
Il fallait décidément lui arracher les mots de la bouche.
— Tu leur en veux de ne pas t'avoir cru et de t'avoir envoyé à l'asile ? hasarda Zack.
— Ce n'est pas ça.
— Tu avais peur qu'un fantôme leur fasse du mal ?
— Un peu, mais la vraie raison, c'est que je ne voulais pas retourner à l'hôpital psychiatrique, ce qui n'aurait pas manqué d'arriver.
Zack en profita pour l'interroger à nouveau sur la manière dont il en était sorti.
Nino, sans enthousiasme aucun, déballa l'histoire. A l'asile, un nouveau fantôme l'avait possédé. Il était désireux de se venger de ceux qui l'avaient enfermé là, précipitant sa mort, et pour cela, il avait besoin de sortir, alors il avait dit aux médecins tout ce qu'il fallait pour être libéré. Et après, le temps de mettre en place sa vengeance, il avait joué la comédie aux parents de Nino qui n'y avaient vu que du feu, trop content de retrouver « leur fils » sans se douter que ce n'était qu'un imposteur. Une fois son but atteint, il était parti et Nino aussi.
Au cours de son récit, le jeune homme avait pâli. Zack n'avait pu faire autrement de remarquer qu'il s'était abstenu de détailler la vengeance du fantôme, que ses mains avaient tremblé en l'évoquant. Avait-il dû tuer quelqu'un, contrôlé par le fantôme ?
— Dans la bibliothèque avec un chandelier ? interrogea Zack, incapable de poser franchement la question.
Nino baissa les yeux, se tordit les doigts et murmura :
— Non, avec une clef anglaise. J'ai trafiqué le moteur de la voiture. Ils ont eu un accident et sont morts.
Zack laissa échapper un rire nerveux. C'était un crime. Mais Nino n'était pas coupable.
— Tu n'étais qu'un instrument. Ce n'est pas ta faute.
Nino releva la tête, son visage reflétant son désarroi.
— Kazuya m'a assuré la même chose. Je me sens quand même affreusement coupable. Sans moi, il n'aurait pas réussi. Ils seraient toujours vivants.
— S'ils l'ont fait interner alors qu'il n'était pas fou, peut-être ont-ils eu ce qu'ils méritaient, tenta de le consoler Zack.
— Mais leur petite fille n'y était pour rien. Il s'en moquait et elle a péri aussi. Si jamais un jour, la vérité est découverte, je suis bon pour faire de la prison. Je ne suis pas fréquentable.
Il se leva vivement, renversant dans sa hâte à partir la chaise de la cuisine qui tomba avec fracas sur le carrelage. Zack se mit debout à son tour et le rattrapa à la porte avant qu'il ne tourne la poignée.

mercredi 13 avril 2016

Cœur de fantôme - 29

— Si cela peut te consoler, je parie qu'elle ne vient que pour le plaisir de te voir, déclara Kazuya.
— Je ne suis pas qu'un corps, répliqua Zack avec amertume.
Cela lui avait échappé. Il ne se permettait normalement jamais de se plaindre de sa plastique à quiconque. Mais le fantôme était déjà au courant du fait qu'il avait du mal avec les attentes et les présupposés attachés à son apparence : non, il n'était pas bête, parce que beau et sportif, pas plus qu'il n'était un macho, mais il n'était pas non plus un prince charmant pourfendeur de dragons...
— Moi non plus, dit Nino d'un ton grave.
Un instant, Zack crut qu'il lui reprochait de lui avoir sauté dessus dans son appartement, puis comprit que le jeune homme faisait allusion aux fantômes qui l'avaient utilisé pour en finir avec leurs regrets.
— Le mien ayant pourri depuis longtemps, je ne suis plus qu'un pur esprit. Quoique dans mon cas, pervers serait plus juste.
Il adressa un clin d'œil à Nino qui eut un sourire gêné des plus adorables.
— Et vous, comment s'est passé votre journée ? demanda Zack, se refusant à songer à la vie sexuelle du jeune homme et du fantôme.
— Tranquillement.
A cette réponse laconique, Zack réalisa sa bévue. Kazuya était coincé dans la maison et ne pouvait rien attraper avec ses mains fantomatiques. En l'absence de Nino, à part méditer, il ne devait pouvoir rien faire. Les scrupules du jeune homme à le laisser seul étaient logiques... et en même temps, Kazuya avait vécu près de sept cent ans sans lui, sûrement, il était habitué !
L'un dans l'autre, la soirée se déroula sans encombre. Zack écouta le fantôme raconter comment en jouant l'homme invisible, il avait fait fuir un squatteur en puissance. Il apprit que si l'électricité avait été coupée dans la maison, ce n'était pas le cas de l'eau, ce qui rendait le squat de Nino plus agréable.
En présence de Kazuya, le jeune homme n'était pas en permanence sur ses gardes. Il était plus animé et plus séduisant que jamais.
Le fantôme ne le posséda qu'une seconde fois, le temps d'une seconde gorgée de saké. Zack se laissa aller à en goûter et grimaça comme l'alcool de riz lui brûlait la gorge. Évidemment, cela ne manqua pas d'amuser Kazuya.
Vint le moment de prendre congé. Nino et Kazuya le raccompagnèrent à la porte.
Zack réitéra sa proposition au jeune homme de se balader, mais se vit opposer un nouveau refus.
— Prendre l'air te ferait le plus grand bien, intervint Kazuya.
Nino secoua la tête.
— Sinon, que dirais-tu de revenir dîner à la maison ? offrit Zack, peu désireux que Nino n'accepte de se promener avec lui que parce que Kazuya l'en convainquait.
En toute logique, il aurait dû préférer qu'ils soient à l'extérieur, en public plutôt qu'en tête-à-tête, mais contre toute attente, après avoir quêté du regard l'approbation de Kazuya, Nino déclara qu'il était d'accord.
Il y avait un mystère là-dessous que Zack se promit de résoudre.

mardi 12 avril 2016

Cœur de fantôme - 28

Dans la pièce, deux chaises pas trop abîmées avaient été installées autour d'une minuscule table ronde tachetée et piquetée sur laquelle trois verres dépareillés avaient été posés.
Avant que Zack ne puisse relever cette incongruité – le fantôme ne pouvait pas boire – Nino arriva, échevelé, les joues rosies par le froid de dehors, chargé de deux sacs d'où dépassaient des bouteilles.
— Désolé pour l'attente. Je ne savais pas ce que tu aimais boire, alors j'ai pris différents trucs.
Il sortit du vin rouge et du blanc, du scotch, du whisky,  du saké, de la bière ainsi que du jus d'orange.
Ces efforts pour bien le recevoir étaient touchants. Zack espéra juste qu'il ne s'était pas ruiné. Il ne devait pas gagner des milles et des cents en tant que plongeur.
Quand Kazuya s'introduisit dans Nino, Zack regretta de ne pas avoir posé comme condition à sa venue une absence de possession.
Nino était physiquement différent quand Kazuya l'habitait. C'était subtil, mais indéniable. Le pli de sa bouche, l'éclat dans ses yeux, sa manière de se tenir... Il respirait l'assurance et faisait plus âgé.
Kazuya-Nino prit une gorgée de saké qu'il savoura avec un plaisir évident, expliqua ensuite que le brun supportait mal l'alcool et quitta le corps du jeune homme qui se servit l'unique boisson non alcoolisée qu'il avait acheté. La présence du troisième verre devenait limpide.
Cela signifiait aussi que Nino ne s'enivrerait que si Kazuya le voulait bien... peut-être cèderait-il alors aux avances de Zack qui repoussa aussitôt cette pensée. Coucher avec Nino sous l'emprise de l'alcool ne lui apporterait rien. Il voulait qu'il se donne à lui en toute conscience. Mais c'était à peine s'il le regardait, toute son attention focalisé sur le fantôme qui flottait à présent en position assisse, toujours vêtu de son sempiternel kimono bleu foncé.
A une question de Kazuya, Nino se mit à raconter une dispute entre le chef et un serveur du restaurant où il travaillait et enchaîna sur une affaire de plat cassé qui lui avait valu une remontrance alors même qu'il avait prévenu quelques jours plus tôt qu'il était en train de se fendre.
Kazuya lui adressa quelques mots réconfortants et inclut Zack dans la conversation en l'interrogeant sur sa journée.
Zack se retrouva à parler de cette horripilante bonne femme qui n'arrêtait pas de se plaindre de ne pas perdre un gramme en venant à la gym, mais qui n'utilisait aucune des machines et ne faisait aucun des exercices proposés sous prétexte qu'ils étaient trop fatigants.

lundi 11 avril 2016

Cœur de fantôme - 27

Zack plaignit en son for intérieur les pauvres gens qui avaient dû faire face au fantôme. Cela avait dû être un jeu d'enfant pour lui de les chasser. Même sans compter qu'il pouvait apparaître et disparaître comme bon lui semblait, il était impressionnant au naturel, grand et imposant dans son kimono avec ses cheveux en ailes de corbeaux.
Zack revint à la charge pour leur prochain rendez-vous. Devant le refus de Nino, il insista. Le jeune campa sur ses positions et Zack dut renoncer à la ballade, du moins pour le moment.
— Et une autre sortie ?
— Non... A moins que tu ne veuilles venir à la maison.
La perspective d'une soirée à tenir la chandelle était glaçante.
— Je suis partant, affirma-t-il malgré tout.
Le visage de Nino s'illumina et Zack sut qu'il avait fait le bon choix. Il ne restait plus qu'à espérer que Kazuya ne possède pas le jeune homme à tout bout de champ.

    Quelques jours plus tard, Zack poussa donc la porte de la maison hantée et fut accueilli par Kazuya qui était allongé dans les airs, le coude replié, soutenant sa tête de la main – image même de la détente. Il l'informa que Nino n'était pas encore là, mais qu'il ne tarderait pas.
— Alors cette soirée en tête-à-tête, la dernière fois ?
— Vous l'avez forcément possédé depuis, vous savez tout.
— C'était pour me montrer poli.
Zack marmonna une imprécation et Kazuya rit.
— Qu'y-a-t-il de drôle ?
— Toi. Il est trop facile de te mettre en colère. Je n'ai dit cela que parce que tu m'avais accusé d'impolitesse l'autre fois. Si je te posais la question, c'était pour avoir une réponse. Il est exact que j'ai eu la vision de Nino, mais pas la tienne.
Zack soupira.
— Tout s'est bien passé, si on excepte qu'il n'a pas arrêté de parler de vous et que tout contact avec moi lui est insupportable.
Kazuya se remit en position debout, ses pieds touchant le sol. Il donnait l'illusion d'être vivant.
— Ah ça... Dois-je te rappeler qu'il te trouve séduisant ?
Le fantôme avait en effet mentionné quelque chose dans ce goût-là, mais alors pourquoi le fuir à ce point ?
— Étrange façon de le montrer.
— Il ne veut pas ressentir ça, pas être émoustillé, pas être tenté.  Par amour pour moi.
C'était tout à l'honneur de Nino, mais cela n'arrangeait pas Zack.
— Vous devriez rompre avec lui.
— Pour que tu puisses le consoler ?  Ce serait sans doute la meilleure solution, oui, cependant, c'est un sacrifice que je suis incapable de faire.  A toi d'être convaincant et de l'attirer dans le monde des vivants... Mais je manque à mes devoirs d'hôte. Viens t'installer dans la chambre de Nino, le feu est allumé.
Kazuya flotta dans les escaliers tandis que Zack gravissait chaque marche derrière lui. Au fantôme la facilité, à lui les efforts !

vendredi 8 avril 2016

Cœur de fantôme - 26

La tentation était grande de mettre les pieds dans le plat et Zack se retint de justesse de faire remarquer qu'il n'avait pas la peste : il n'aurait sans doute que réussi à augmenter le malaise de Nino. Il fit donc comme si de rien n'était et offrit une fourchette et un couteau au jeune homme qui affirma d'abord qu'il se débrouillerait avant de finalement accepter.
Pendant un moment, ils ne firent que commenter ce qu'ils mangeaient, Zack hésitant à revenir sur le séjour qu'avait effectué le jeune homme à l'asile.
— Comment occupes-tu ton temps libre ? demanda soudain Nino.
Zack sourit. Enfin, une marque d'intérêt.
— J'aime me promener à pieds ou à moto. Et toi ?
— Avant, j'adorais jouer de la guitare et écouter du rock en boucle.
— Et maintenant ?
— Bavarder avec Kazuya, répondit Nino en s'empourprant.
Ils ne devaient pas faire que parler... Mais avec un seul corps à disposition, faire l'amour devait s'apparenter à de la masturbation...
Le souvenir de Nino se caressant sur son canapé réveilla le désir de Zack. Dieu merci, la table cachait son érection intempestive évitant que le jeune homme ne prenne ses jambes à son cou...
— Cela te dirait qu'on fasse une promenade la prochaine fois ? Je connais plein de coins sympas.
— Je ne sais pas.
— Ne passes-tu pas une bonne soirée ?
— Si...
Zack subodora que le problème était Kazuya. Encore lui.
— Tu as le droit de passer du bon temps sans lui.
— Je n'arrive pas à m'amuser en sachant qu'il est tout seul dans cette maison.
— C'est sûr qu'elle est sinistre. Ce n'est pas un endroit pour vivre.
Zack s'aventurait à nouveau en terrain miné... Nino ne monta toutefois pas sur ses grands chevaux.
— Oui, mais les fantômes ne peuvent s'éloigner de l'endroit où ils sont morts à moins de posséder quelqu'un ou de réussir à passer de l'autre côté.
— Ce n'est pas au Japon qu'il a été assassiné par son frère ?
Nino secoua la tête.
— Ce n'était pas courant à l'époque, mais sa famille s'était implantée à l'étranger dans le but de faire fortune.
— Je vois. Si quelqu'un emménage, vous serez  bien embêtés...
Et Zack bien content, parce qu'il pourrait offrir à Nino d'habiter chez lui.
— Peu de chance que cela arrive. Kazuya effraye tous ceux qui tentent de s'installer.

jeudi 7 avril 2016

Cœur de fantôme - 25

Nino avait des talents de conteur. Zack avait l'impression de vivre l'angoisse de l'adolescent de seize ans, perdant le contrôle de son corps, arraché à ses proches. Le vieux bonhomme n'avait eu aucune pitié pour son jeune hôte dans sa quête pour retrouver son fils désormais âgé. Il ne s'était soucié ni de sa faim, ni de sa peur, ni de sa honte jusqu'à ce qu'il parvienne à ses fins. Le fils, par miracle, avait admis que Nino abritait son père et avait accordé son pardon. Trois jours entiers s'étaient écoulés. Le vieux avait quitté l'adolescent, le laissant totalement désemparé.
Nino était retourné chez lui, auprès de ses parents malades d'inquiétude qui n'avaient bien sûr par cru un mot de son aventure et avaient cherché à lui faire avouer la vérité qu'il leur avait pourtant servi sur un plateau. Ce n'est cependant qu'à la seconde possession qu'il avait été conduit chez le docteur. D'autres possessions entrecoupées de visites chez le psychiatre avaient suivi jusqu'à ce qu'un des fantômes agresse sa sœur. Nino, jugé fou et dangereux avait terminé à l'asile.
— Comment en es-tu sorti ? demanda Zack comme Nino se taisait, oubliant que c'était normalement au tour du jeune homme de lui poser une question.
— Un autre fantôme... murmura Nino en serrant ses bras l'un contre l'autre.
A priori celui-là avait laissé un bien mauvais souvenir au jeune homme.
La sonnette retentit, faisant sursauter Zack. C'était leurs sushis. Il alla réceptionner et payer avant de revenir dans la cuisine où il disposa tout sur la table.
Malgré son envie d'en savoir plus, devant le visage triste de Nino, il décida d'orienter la conversation vers un sujet plus léger : les préférences alimentaires. Lui faisait attention à manger sainement afin de garder la forme. Nino avoua qu'il ne s'en souciait guère.
— Pendant près de quatre ans, tant de fantômes se sont introduits en moi que j'ai oublié qui j'étais et ce que j'aimais. C'est grâce à Kazuya que j'ai redécouvert que j'étais plus salé que sucré.
Aucun sujet n'était anodin avec Nino. Avec lui, tout ramenait aux fantômes. Et à Kazuya. Ce dernier avait beau ne pas être là, il y était quand même.
— Mangeons !
Nino opina. Zack lui montra comment tenir des baguettes. Le jeune homme l'imita, mais mal. Zack lui prit les doigts pour corriger leur position sur les bâtonnets.
Nino ramena aussitôt sa main vers lui, comme s'il s'était brûlé.
Pourquoi lui était-ce aussi insupportable que Zack le touche ? D'accord, ils avaient couché ensemble sans que Nino ne le souhaite vraiment. Mais, après la possession de Kazuya, quand Zack avait manqué de s'écrouler, Nino l'avait soutenu...

mercredi 6 avril 2016

Cœur de fantôme - 24

Lundi, Zack se dépêcha de rentrer. Il avait hâte de revoir Nino. N'étant pas un cuisinier hors pair, il se contenta de disposer sur la table de la cuisine les menus de plusieurs restaurants proposant des livraisons.
Quand le jeune homme sonna, Zack avait troqué le survêtement qu'il portait au centre pour une tenue plus élégante : un jeans noir et un pull vert à col rond assorti à ses yeux par dessus une chemise blanche. Il s'agissait d'être à son avantage.
Il lui ouvrit tout sourire. Il ne lui suggéra pas de s'asseoir sur le canapé pour ne pas aviver de mauvais souvenirs et l'incita à s'installer directement en cuisine pour choisir son menu. 
Nino entra, regardant autour de lui comme s'il n'était jamais venu, puis il lui adressa un sourire, non pas celui qui le rendait si séduisant, mais un moqueur... Il n'en fallut pas plus à Zack pour comprendre que le jeune homme était possédé par son amoureux fantôme.
— Je ne me rappelle pas vous avoir invité, Kazuya, dit-il, grinçant des dents.
— Oh, je ne compte pas rester. J'ai juste accompagné Nino. Votre appartement est petit, mais très propre. J'espère que vous passerez une bonne soirée.
Ce ton condescendant... Zack allait lui dire le fond de sa pensée quand Nino oscilla et déclara :
— Il est parti. Il voulait voir où tu habitais de ses propres yeux, enfin, façon de parler.
— Pas de souci, assura Zack alors même qu'il était furieux.
Nino n'était pas blâmable, mais ce satané fantôme !
Le jeune homme se décida pour un repas japonais. Il n'avait encore jamais eu l'occasion de goûter des plats du pays dont était originaire son amoureux.
Zack cacha son agacement du mieux qu'il put et commanda. Il offrit ensuite à Nino que pour chaque question qu'il poserait, le jeune homme fasse de même. Cependant, invité à commencer, Nino resta muet. Soit il n'osait pas soit il n'avait aucune curiosité à l'égard de Zack – possibilité déplaisante.
Zack se lança donc :
— La première fois que tu as été possédé, comment ça s'est passé ?
— Mal, répondit Nino, puis, sans que Zack n'ait besoin de l'inciter à développer, il évoqua le parc de son enfance et le monsieur moustachu poivre-sel d'une cinquantaine d'années qu'il avait vu devant une statue. Sa mère et sa sœur qui étaient avec lui n'avaient pas compris quand il leur avait faussé compagnie sans explication, le vieux monsieur mort d'une crise cardiaque désirant se réconcilier avec son fils.

mardi 5 avril 2016

Cœur de fantôme - 23

Zack changea de stratégie.
— Tu fais quoi comme boulot ?
— Plongeur dans un restaurant.
Dans ses conditions, sans être proscrit, l'inviter à manger quelque part n'était pas une excellente idée.
— Ça te dirait qu'on aille au cinéma prochainement ?
— Pourquoi ?
Décidément, ça s'annonçait difficile...
— Pour le plaisir de passer un moment ensemble.
— Je suis en couple avec Kazuya.
— Ça ne t'empêche pas d'avoir des amis, répliqua Zack, tout en se disant que se positionner comme un ami n'augurait rien de bon pour le but qu'il visait.
Nino resta sur la défensive.
— C'est vrai, mais je n'ai pas l'impression que c'est ce que tu cherches.
— Peut-être. Mais tu es conscient que toi et ton fantôme vous n'avez pas d'avenir ?
Il s'engageait sur un terrain dangereux et évidemment Nino réagit mal.
— Ce ne sont pas tes oignons. Nous sommes très heureux...
— Mais pour combien de temps ?
Nino parut soudain infiniment triste et Zack s'en voulut. Alors qu'il cherchait à le conquérir, quitte à se positionner en confident, Nino ne lui laissant aucune ouverture, il se retrouvait à se disputer avec lui et à lui causer du chagrin.
Il reprit :
— Écoute, je veux simplement en savoir plus sur toi et qu'on passe du temps ensemble, il est inutile qu'on commence par les trucs qui fâchent, même si j'ai du mal à comprendre à comment tu as pu te mettre en couple avec un fantôme alors que ces derniers t'en font voir de toutes les couleurs.
— Kazuya est très gentil. Il m'a permis de retrouver une vie normale.
Gentil n'était pas l'adjectif que Zack aurait associé au fantôme. Normal n'était pas non plus adapté à Nino qui squattait une maison délabrée et avait une relation amoureuse avec un type décédé depuis sept cent ans... Zack ne releva toutefois pas. Nino se détendait enfin.
— A quand remonte ta première possession ? 
— Ça t'intéresse vraiment ?
Il était vraiment soupçonneux.
— Mais oui...
— Et pas juste parce que tu veux coucher avec moi ?
Avait-il vécu quelque chose dans ce goût-là par le passé ? Kazuya devait le savoir. Le fantôme avait au moins vingt longueurs d'avance sur lui.
— Déjà fait, même si tu n'étais pas toi-même.
— Exact, répondit Nino avant de bailler.
Il était fatigué, réalisa Zack. Lui aussi, d'ailleurs. Il était près de vingt-trois heures.
— Il ne faudrait pas que je t'empêche de dormir, surtout que je bosse demain.
— Dans un centre sportif, c'est ça ?
Qu'il n'ait pas oublié ce détail appris quand il était possédé était un signe positif.
— Oui. On pourrait se retrouver dans les jours qui viennent ici, chez moi, à l'extérieur, ce qui t'arrange.
Il ne pouvait pas être plus accommodant. 

Nino, après réflexion, accepta et ils se mirent d'accord pour lundi soir, Nino ne travaillant pas, chez Zack où ils seraient confortablement installés et pourraient parler en toute liberté de fantômes.
— C'est moi qui ferais la vaisselle, promit Zack comme si c'était pour cela que Nino était réticent à venir manger chez lui et non parce qu'ils seraient en tête-à-tête.
Le jeune homme eut un rire mélodieux. Le cœur de Zack rata un battement. Il était définitivement amoureux.

lundi 4 avril 2016

Cœur de fantôme - 22

— Vous lui évitez d'être possédé par les autres, mais vous, vous entrez en lui quand cela vous chante.
— Comme il m'accueille en lui de son plein gré, cela n'a rien de douloureux.
La similitude avec l'acte sexuel frappa Zack. Il signifia toutefois qu'il n'était pas convaincu par un petit grognement dubitatif.
— Je ne peux te prouver que c'est vrai à moins que tu ne m'autorises à te posséder, décréta Kazuya.
— C'est non ! s'exclama Zack avec virulence.
— Je m'en doutais.
Zack ne fit rien pour relancer la conversation. Il avait encore des tonnes de questions, mais il ne souhaitait pas que le fantôme lui reproche une fois de plus sa curiosité pourtant légitime.
Il entendit le tic tac du réveil posé sur une petite table de bois mangée aux mites.
Quelques minutes s'égrenèrent sans que rien ne bouge si ce n'est les aiguilles dans le cadran.
— Je serai dans la bibliothèque si tu me cherches, annonça Kazuya avant de traverser le mur derrière le lit.
Zack resta un moment à se tourner les pouces, ce qu'il détestait. Il aurait presque eu meilleur compte à rentrer et revenir.
Il finit par entreprendre d'allumer le feu dans la cheminée, jugeant que ce serait plus sympathique si Nino trouvait une chambre chaude à son retour. Il était rompu à l'exercice ayant eu l'occasion de le faire de nombreuses fois dans la maison de vacances de ses parents à la montagne. Une boule de papier journal, quelques brindilles, une allumette, une buche  et le tour était joué. Bientôt le feu flamba.
Il contempla les flammes dansantes avec satisfaction. De lugubre, l'atmosphère devenait presque romantique. Il ne manquait plus que quelques couvertures devant la cheminée. Il n'avait aucune peine à s'imaginer enroulé dedans, Nino niché dans ses bras. Kazuya faisait hélas tache dans le tableau.
Une porte claqua au loin. Nino à ne pas en douter. Zack faillit descendre, mais y renonça, craignant que Kazuya ne soit allé accueillir le jeune homme. Il n'avait aucune envie de les voir ensemble.
Il attendit encore un peu et Nino poussa la porte, ses cheveux bruns décoiffés, vêtu de la même façon que la veille  - veste ajustée et jeans moulant.
— Bonsoir. Kazuya m'a informé de ta visite.
Zack se félicita de ne pas avoir bougé. Il le salua et lui adressa un sourire engageant.
— Si tu te sens encore coupable pour ce qui s'est passé entre nous, il ne faut pas.
Zack espérait surtout que cela se reproduirait avec un Nino pleinement consentant sans qu'aucun fantôme ne soit impliqué.
Il remarqua que le brun gardait ses distances.
— Tu dis ça, mais tu ne veux pas m'approcher.
Nino fit aussitôt un pas dans sa direction, puis s'arrêta. Il y avait presque encore un mètre entre eux.
— Tu veux quoi alors ? demanda-t-il avec une pointe d'agressivité.
— Discuter. Ça ne doit pas être facile pour toi toutes ses possessions, sûrement tu as besoin d'en parler...
Nino secoua la tête.

vendredi 1 avril 2016

Cœur de fantôme - 21

— Quand Nino sera-t-il de retour ?
— D'ici deux bonnes heures. Tu peux l'attendre ici.
Cette voix qui sortait du néant était perturbante.
— Pourquoi restez-vous caché ?
— Pour quelle raison me donnerai-je la peine d'être visible ?
— C'est plus poli.
Un grand rire franc retentit. Zack faillit rire également. Discuter bonnes manières avec un fantôme, c'était n'importe quoi ! Il opta à la place pour un silence digne qu'il brisa lui-même quelques minutes plus tard. Il n'avait rien à faire pour s'occuper jusqu'à ce que Nino arrive. Sans compter que c'était inconfortable de savoir que le fantôme était là sans qu'il puisse pour autant le voir.
— Pouvez-vous me parler de Nino ?
— Ce n'est pas à moi de le faire. Ne compte pas que je t'aide dans ton entreprise de séduction.
Cela n'avait jamais été l'intention de Zack. Kazuya avait le don de l'irriter. Il se mit à arpenter la pièce pour se calmer. Un frisson de froid le parcourut. Il pouvait être imputable à l'absence de chauffage - la cheminée était éteinte et le radiateur hors d'usage – ou à une « collision » avec le fantôme.
Il s'arrêta et tenta une nouvelle question :
— Pouvez-vous au moins me raconter comment vous vous êtes rencontrés et mis ensemble ?
— Toujours aussi curieux...
— Si j'ai bien compris, en me possédant, vous, vous savez tout de moi, se défendit Zack.
Kazuya se matérialisa brusquement, flottant juste au-dessus du lit de Nino en position assisse.
Zack respira tout de suite mieux. C'était plus confortable ainsi. Et dans son genre, il n'était pas vilain à regarder.
— C'est vrai. Aucun de tes amours et aucune de tes coucheries ne m'a échappé C'est dommage que tu n'aies pas réussi à lui avouer tes sentiments.
« Lui » c'était Quentin, un ami qu'il avait volontairement perdu de vue car il était trop douloureux de l'aimer sans espoir de retour. C'était cependant de l'histoire ancienne, sept ans s'étaient écoulés depuis. La seconde fois qu'un homme avait fait battre son cœur, il s'était confessé, mais cela n'avait pas abouti pour autant.
Zack s'ébroua. Ressasser le passé était vain.
Kazuya fit mine de tapoter la couette.
— Vous rêvez... Je ne vais pas m'asseoir à côté de vous !
— A ta guise, si tu préfères rester debout pour écouter... Nino s'est réfugié ici, dans cette maison abandonnée, ne sachant où aller. Le pauvre enchaînait les possessions depuis le réveil de sa vue paranormale, lors de son seizième anniversaire. Il a cru que je squattais les lieux et je me suis amusé à faire semblant d'être vivant jusqu'à ce qu'il comprenne que j'étais un fantôme. Il m'a défié de le posséder pour me libérer du poids de mes regrets ou de ma colère et je l'ai pris au mot. Après avoir découvert les épreuves qu'il avait traversé, j'ai choisi de l'aider en lui montrant comment protéger son intimité en cas de possession et en mettant au point un talisman. Il me plaisait. La réciproque était vraie. Je lui ai permis de lire en moi et nous nous sommes mis en couple, il y a un peu plus d'un an de cela.
Présenter comme ça, le phénomène de possession était positif, c'était une façon de connaître tout de l'autre : son passé, ses sentiments... Mais Zack savait à quoi s'en tenir : c'était d'une grande violence. De Kazuya, il n'avait pratiquement rien appris par ce biais alors que le fantôme n'avait rien manqué des épisodes les moins glorieux de sa vie.
Pour la première fois, Zack se demanda ce que Kazuya pensait de lui, puis décida qu'il s'en moquait. Seul Nino lui importait. Le fantôme n'était qu'une gêne.