vendredi 29 novembre 2013

Le garçon fée - 114

Comme il n'avait plus le moindre espoir de rompre ne serait-ce qu'un peu l'isolement dans lequel il était enfermé, Zibulinion se réfugia dans les études pour ne pas sombrer. Ayant des difficultés énormes pour s'endormir, il se mit à lire jusqu'à des heures avancées de la nuit, profitant que dans sa chambre solitaire, il n'était plus question d'extinction des lampes. Il eut tôt fait de dévorer les manuels de 11ème et 12ème années.
Il prépara les examens avec acharnement,  s'entraînant même à voler dans les bois. Il pratiquait sort sur sort, au point qu'un soir, dans sa chambre, l'extrémité supérieure de sa baguette magique se mit à briller intensément. La forme arrondie du bâtonnet de verre se déforma et une pointe apparut, suivies de deux autres, jusqu'à ce qu'une étoile entière se dessine.
En cours de baguette, la professeur qui depuis des semaines faisait comme s'il n'existait pas, vint à sa table, le regard comme aimanté par le bâtonnet de verre surmonté d'une étoile.
– Elle est belle... murmura-t-elle, l'effleurant d'un doigt.
Après quoi, elle retourna à son bureau et commença le cours, l'air de rien.
Zibulinion était d'accord avec elle sur la beauté de sa baguette, seulement il ne comprenait toujours ce qu'elle avait d'extraordinaire. La baguette de Neyenje aussi était jolie, de même que celle de Folebiol. Ni la directrice ni Relhnad ne le lui avaient expliqué ce que la sienne possédait de spéciale, au point que la professeur de baguette cesse de l'ignorer pendant une minute.

Les examens eurent lieu et chacun reprit le chemin de chez lui. Zibulinion quitta l'atmosphère pesante de l'école pour celle tout aussi étouffante de l'appartement familial.
A peine une semaine après son retour, Alysielle lui reprocha de trop coller Rozélita à laquelle il venait de proposer de l'aide pour ses devoirs. Victor enchérit et Tania en rajouta une couche pour faire bonne mesure. L'injustice de la chose fit exploser Zibulinion. Il passait presque tout son temps dans sa chambre, n'assistant même plus à tous les repas, parce qu'il récupérait magiquement de quoi se sustenter dans le réfrigérateur et les placards de la cuisine, grossissant parce qu'il ne parvenait pas à manger très équilibré dans ses conditions. Ça, c'était trop !
– Mais qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? Que j'aille chez mon père - peut-être qu'il voudra bien de moi au final ? Que je disparaisse de la surface de la terre ?!
– Comment oses-tu nous parler sur ce ton ? Espèce d'ingrat ! s'emporta Alysielle.
Zibulinion, pour la première fois de sa vie, tint tête à sa mère. Il n'en pouvait plus d'être considéré comme un pestiféré partout.
– Pourquoi tu me laisses pas au moins rencontrer mon père ?! S'il voulait bien de moi, ça t'ôterait une sacré épine du pied, non ?!
Alysielle s'empourpra de colère.
– Si cela avait été possible, je t'aurais confié à lui depuis longtemps déjà. Tu veux aller le voir, très bien, si cela te chante, voilà son adresse...
Elle matérialisa un petit carton qu'elle lui jeta violemment à la figure, le blessant au visage et ajouta :
– Cela ne donnera strictement rien. Rien, tu m'entends ?! Enfin, à ton tour d'essuyer une déception après toutes celles que j'ai vécues à cause de toi ! Maintenant, file dans ta chambre !
Zibulinion ramassa l'adresse tombée sur ses genoux, et obéit non sans faire un crochet dans la salle de bains pour désinfecter la coupure sur sa joue.
Ce n'est qu'en regagnant sa chambre qu'il réalisa qu'il aura pu se soigner d'un sort. Il n'avait pas encore les bons réflexes. Il faut dire que les soins étaient l'apanage des fées des rêves et qu'il n'avait pas encore lu les manuels des matières dédiées à cette spécialité vu qu'il avait choisi d'étudier avec les fées des bois.
Décidant mentalement qu'il se lancerait là-dedans à son retour à Valeiage, il contempla longuement l'adresse de son père. Il n'en revenait pas de l'avoir obtenue. Maintenant qu'il l'avait, il se sentait étrangement terrifié à l'idée de l'utiliser et de rendre visite à ce père inconnu.

jeudi 28 novembre 2013

Le garçon fée - 113

Zibulinion retourna bravement en cours. Son isolement se poursuivait. Son cœur se serrait chaque fois qu'il apercevait Folebiol et Lavicielle ensemble. Pour se défaire de cette souffrance et s'efforcer de passer à autre chose, il décida de contacter Neyenje en rêve pour savoir si jamais ce dernier voulait encore de lui, même s'il l'ignorait comme les autres et avait aidé à Paokkolo à lui interdire l'accès au dortoir le jour de son expulsion. Il y avait une chance que Neyenje veuille bien communiquer par ce biais, puisque personne ne serait témoin de leurs échanges.
Zibulinion se renseigna sur la méthode pour infiltrer les rêves d'autrui. Sa première tentative fut la bonne. Les yeux clos, couché sur son lit, sa baguette sous son oreiller, il prononça le sort et se sentit aspiré dans un tunnel brumeux dont il ressortit quelques instants plus tard. Il vit très brièvement Neyenje endormi, ses cheveux blond pâle épars et puis, soudain, il se retrouva sur une plage de sable blanc au bord d'une mer turquoise, sous un soleil radieux. A quelques mètres de lui, un groupe de fées riaient. En s'approchant, Zibulinion reconnut Neyenje qui sirotait un cocktail dans une chaise longue, entouré de fées féminines et masculines dont les minuscules maillots de bain ne cachaient rien de leur plastique parfaite. Zibulinion se sentit franchement déplacé dans sa chemise de nuit. Il vint cependant se mettre en face de Neyenje dont le sourire se délita.
– Hé ! Tu n'as rien à faire dans mon rêve !
– Pardon, je voulais savoir... Tu n'es jamais revenu me rendre visite comme ça...
– Non. Je ne suis pas retourné dans tes rêves. Tu ne jurais que par Folebiol, j'étais occupé. Ou bien tu étais trop loin, inaccessible pour ce moyen de communication. Et pour finir, tu as été assez stupide pour te déclarer et proclamer à la face du monde que tu aimais les garçons. Je n'ai aucune envie d'être mis dans le même panier que toi. Il y en aurait pour raconter que c'est pour cacher mes véritables préférences sexuelles que je sors avec des tonnes de filles à la fois. Je ne veux pas être catalogué, j'apprécie autant les filles que les garçons fées. Dans ses conditions, ma proposition d'être ton petit ami ne tient plus.
Neyenje était d'autant plus effrayant quand il était fâché qu'il était généralement affable.
– Même pas en rêve ? osa malgré tout demander Zibulinion.
– J'avais suggéré que tu deviennes mon petit ami en rêve pour te convaincre de franchir le pas dans la réalité. En rêve, comme tu peux le constater, je peux avoir qui je veux, y compris toi, si je le souhaitais, parce que je sais manipuler à ma guise la matière onirique.
– Pourrais-je au moins revenir bavarder avec toi ?  murmura Zibulinion, en dépit de la peine que lui causait Neyenje.
Le jeune homme aux longs cheveux blond pâle secoua la tête.
– Cela ne va pas être possible. Je veux rêver tranquillement et puis à l'école, il y a toujours un risque que quelqu'un se rende compte qu'on communique par ce biais. Tu laisses une empreinte magique sur moi en faisant ça et je tiens à ma réputation.
Après quoi, Neyenje fit signe à un des fées qui se tenait à ses côtés d'approcher, et l'embrassa à pleine bouche avant de glisser la main dans le maillot de bain de ce dernier.
Zibulinion se rétracta précipitamment du rêve, et se réveilla en sueur dans son lit, déprimé.

mercredi 27 novembre 2013

Le garçon fée - 112

Folebiol avait l'air si heureux. Lavicielle aussi rayonnait. Oublié le professeur de sorts ! Ne l'aimait-elle plus ? Ou bien lassée d'un amour à sens unique, elle avait cédé à la requête de Folebiol ? Le résultat était le même : ils étaient ensemble. Tandis que Zibulinion était seul. Seul. SEUL. Toujours mis à l'index. Toujours différent.
Sa solitude était en effet complète depuis que Waltharan ne lui adressait plus la parole. C'était normal après qu'il lui ait révélé que celle qu'il aimait, Noinilubiza, n'était qu'une illusion derrière laquelle il se cachait. Il n'y avait plus que Relhnad pour lui parler, mais c'était un professeur et même en dormant au même étage, ils ne se croisaient presque jamais et ne faisaient que se saluer.
A l'école comme chez lui, Zibulinion n'était pas à sa place. Il aurait donné cher pour être comme tout le monde et pas juste de manière illusoire.
Zibulinion fila à sa chambre, se jeta sur le lit et y resta jusqu'au soir à ressasser de sombres pensées. C'était vain et inutile de faire ça, et bouquiner eût été une meilleure activité, mais il n'en avait pas l'énergie.
Il avait l'impression de se tenir debout sur un rocher aux arrêtes aiguisées battu par une mer en furie aux vagues violentes et un vent déchaîné sous un ciel orageux déversant une pluie torrentielle.


Il ne se leva pas non plus le lendemain. Il avait vaguement faim, mais pas la plus petite envie de prendre le risquer de croiser Folebiol et Lavicielle. Il n'avait pas le courage non plus de se rendre en cours, alors, il ne bougea pas.
La nuit tomba sans qu'il eût quitté sa chambre, si ce n'est pour aller aux toilettes. Il ruminait toujours, se disant que son existence n'avait pas de sens et qu'il aurait mieux fait de disparaître plutôt que d'embarrasser sa mère et d'ennuyer et blesser les gens avec ses sentiments et ses illusions, quand Relhnad poussa la porte et entra.
– Tu es malade ? s'enquit-il de sa voix enchanteresse.
Zibulinion qui était étalé à plat ventre sur son lit, se redressa pour regarder le professeur de sorts qui était, comme d'habitude, d'une beauté éblouissante, ses cheveux d'un blond lumineux cascadant sur ses épaules, ses yeux d'un bleu profond pailleté d'argent.
– Non, avoua-t-il, partagé entre le modeste plaisir que quelqu'un se soucie encore de lui et le sentiment d'être plus vilain que jamais comparé à Relhnad.
– Alors, tu aurais pu assister à mon cours.
– Je ne voulais voir personne. Et de toute façon, qu'est-ce que cela change pour vous...? soupira Zibulinion.
Relhnad s'approcha du lit.
– Je pense au contraire que tu souhaitais que quelqu'un vienne te rendre visite. Qu'est-ce qui ne va pas ?
Devant la gentillesse de Relhnad, Zibulinion craqua et vida son sac. Il raconta tout : sa mère qui ne l'accepterait jamais comme il était, Folebiol qui ne l'aimerait jamais, Waltharan qu'il avait trompé avec son illusion...
Relhnad l'écouta avec attention et ne prit la parole qu'une fois que l'adolescent se fut tu :
– Renoncer à certaines choses fait partie de la vie, mais n'abandonne jamais l'idée d'être heureux.
Le professeur de sorts quitta la chambre là-dessus.
S'être confié avait soulagé Zibulinion et la simple phrase de Relhnad l'amena à réfléchir qu'au fond, tous ses problèmes provenaient du fait qu'il n'admettait pas sa situation actuelle. C'était dur d'être rejeté pour avoir été sincère sur ses sentiments, mais cela ne servait à rien de se morfondre sur ce qui aurait dû être ou pu être.
Folebiol ne serait jamais son petit ami, mais au moins, il avait tenté le coup. C'était pareil pour sa mère, même s'il avait échoué à la satisfaire, il avait essayé. Il devait s'efforcer d'aller de l'avant. Trouver quelqu'un d'autre à aimer, un autre parent à rendre fier. Sa petite sœur ou son père si jamais il parvenait à apprendre son identité. Hélas, tout ça était plus facile à dire qu'à faire... Mais rien que le penser était un premier pas.

mardi 26 novembre 2013

Le garçon fée - 111

– Désolé, je suis très pressé, affirma Zibulinion avec force.
– Dis plutôt que tu n'as pas le temps pour moi et mes cheveux bruns, rétorqua Charboige.
Voilà qu'il recommençait encore. Il avait beau prétendre en être fier, il complexait dessus.
– Mais non, ce n'est pas ça. Ce n'est vraiment pas le bon moment, déclara Zibulinion, et plutôt que de convaincre Charboige, se remit à courir.
Le fée brun le poursuivit, demandant à ce qu'ils fixent un rendez-vous. Zibulinion se précipita dans les premiers toilettes venus, s'enferma dans un cabinet et dissipa l'illusion. Charboige, entré à sa suite, appela « Noinilubiza. » Zibulinion tira la chasse et sortit. Le fée brun l'ignora, occupé à essayer d'obtenir l'attention de l'illusoire fée blonde. Zibulinion s'en fut. Charboige pourrait attendre longtemps qu' « elle » ressorte. Comprendrait-il la vérité ? Zibulinion s'en moquait désormais. Son illusion féminine avait perdu son charme parce qu'avec, il avait causé de la peine à Waltharan.
Il n'en dormit pas de la nuit, rejouant la scène avec la fée des plantes dans sa tête, encore et encore. N'aurait-il pas mieux fait de se taire ? Il avait vraiment agi n'importe comment, une fois de plus. Au fond, les gens avaient raison de le fuir. Il ne cessait de décevoir ceux qui lui accordaient leur amitié. Folebiol, pour commencer, puis Waltharan. Qui d'autre, ensuite ? Le professeur de sorts ? Sans compter qu'il avait aussi désappointé sa mère et la directrice de Valeiage.
Le lendemain, à la fin du repas de midi, Waltharan, ses yeux bleu-vert marqués par de larges cernes, vint voir Zibulinion, comme d'habitude, sans se soucier des commentaires que cela suscitait et l'attrapant par le bras, l'entraîna jusqu'aux toilettes, le poussa dans un cabinet et referma la porte sur eux.
Mettant les mains sur le mur, de chaque côté du visage de Zibulinion, il déclara à voix basse, plein de mépris :
– C'est toi, hein, « Noinilubiza » ? J'ai réfléchi et je n'ai vu que toi comme garçon pour faire ça. La similitude entre vos prénoms m'a alors frappé.
– Je...
– Transforme-toi ! coupa Waltharan impérieusement.
La colère glaciale du fée des plantes paralysait Zibulinion.
– C'est moi, mais... Pardon.
– Je me moque de tes excuses. Fais-le nécessaire pour qu'« elle » apparaisse.
– Mais pourquoi ?
– Ne discute pas ! Agis !
Zibulinion protesta encore et soudain Waltharan fit de la magie. Une plante grimpante épineuse vint s'enrouler autour du pied droit de Zibulinion et commença à remonter le long de sa jambe, sous son uniforme, le piquant.
L'adolescent comprit enfin que pour une raison ou une autre Waltharan avait besoin de le voir en quelque sorte se métamorphoser devant lui, et il s'exécuta, n'appliquant toutefois pas le sort d'altération de voix.
L'expression de Waltharan se fit douloureuse.
– Tu n'étais qu'une fleur empoisonnée. Tu as dû bien rire de moi. Quand je pense que j'allais t'inviter à mon anniversaire, non pas une, mais deux fois... Tu croyais peut-être me faire douter de ma sexualité ?! Les autres ont raison de dire que tu n'es qu'un tordu qui n'a rien à faire parmi nous ! Ils m'ont mis en garde et je ne les ai pas écoutés...
– Je t'assure que je ne voulais pas...
– Tais-toi. J'aimerais planter milles épines dans ta chair, mais tout ce que tu mérites, c'est que je t'ignore. C'est ce que j'aurais dû faire depuis que cela s'est su que tu étais gay. Ne m'approche plus, sous une apparence ou une autre !
Waltharan déverrouilla la porte, sortit et la claqua. Sa plante grimpante se craquela et tomba en morceaux. Zibulinion, les jambes tremblantes, glissa le long du mur. Même s'il n'avait eu que ce qu'il méritait, cela ne l'empêchait pas que cela soit douloureux. Il avait touché le fond. Du moins le croyait-il, jusqu'à ce dans le courant du mois de juin, un midi, Zibulinion voit Folebiol assis à côté de Lavicielle, leurs deux visages tout proches. S'était-il déclaré à elle comme il l'avait écrit dans sa lettre quelques semaines auparavant ? Le doute tarauda Zibulinion jusqu'à ce qu'il en ait la confirmation : ils se tenaient par la main à la bibliothèque. Zibulinion fit aussitôt demi-tour. Cette vue lui était insupportable.

lundi 25 novembre 2013

Le garçon fée - 110

– Pendant longtemps, j'ai cru que je ne trouverai jamais une fille calme, sérieuse et pas obnubilée par les garçons au point de leur donner la chasse, puis je t'ai rencontré. Je t'ai mal jugé d'abord, avant de faire ta connaissance et de tomber amoureux de toi, si parfaitement inconsciente de ton charme.
Parce que sa beauté n'était qu'illusoire et qu'il n'était pas une fille... Zibulinion se rendit compte qu'en repoussant encore et encore le moment de révéler à Waltharan que lui et Noinilubiza ne faisaient qu'un, il était arrivé à un point où le fée des plantes serait davantage blessé s'il lui apprenait la vérité.
– Je t'apprécie énormément, mais je ne t'aime pas, dit-il, désireux de décourager Waltharan.
– Donne-moi une chance, je t'en conjure, tu ne le regretteras pas.
Et voilà qu'il insistait comme Charboige et comme Neyenje à l'époque où il s'intéressait à lui. Les garçons fées ne savaient-ils pas accepter un refus ? Et lui, n'était-il pas pareil à espérer encore que Folebiol ne change d'avis alors qu'il avait été formel qu'entre eux c'était impossible?
Waltharan renoncerait assurément à lui, s'il lui disait tout, mais alors, Zibulinion serait complètement isolé.
– Je... commença-t-il, hésitant.
Waltharan lui prit les mains, les monta à ses lèvres et embrassa le bout des doigts de Zibulinion, le troublant.
– L'amitié peut être un tremplin à l'amour, glissa le fée des plantes entre deux légers baisers.
Si seulement.... Mais entre deux garçons de même sexe, les chances que cela fonctionne étaient pratiquement nulles.
Zibulinion aurait aimé prendre la fuite, et se dégager eût été aisé, cependant, le nœud du problème - son illusoire apparence de fée blonde et son absence d'honnêteté avec Waltharan - n'aurait pas été résolu pour autant. Devait-il garder le silence ou non ?
– Je ne suis pas une fille, murmura-t-il enfin.
Waltharan éclata de rire.
– Tu crois tromper qui ? Tout en toi est féminin, ton cou de cygne, ta bouche délicate comme un bouton de rose, ta petite poitrine...
Waltharan lâcha les mains de Zibulinion et sans détour palpa le torse et l'entrejambe de ce dernier.
Pris par surprise, Zibulinion ne se déroba pas. Sur le visage de Waltharan, il put lire une incrédulité mêlée d'horreur. Comme le fée des plantes prolongeait l'examen, le corps de Zibulinion réagit malgré lui. Alors, l'adolescent s'arracha aux palpations et s'enfuit, bousculant quelques pots de fleurs sur son passage. Il fonça hors de la serre comme une flèche, et remonta le couloir au pas de course, le visage brûlant de honte. Comment avait-il pu être excité comme ça alors que le pauvre Waltharan réalisait pleinement que la fille dont il était tombé amoureux était en fait un garçon ?
Zibulinion évita de justesse quelques fées et à bout de souffle, s'arrêta et se retourna. Waltharan ne l'avait pas suivi.
– Noinilubiza.
Zibulinion sursauta et fit volte-face. C'était Charboige. A deux reprises depuis la rentrée des classes en mars, il l'avait aperçu de loin, alors qu'il était sous son illusion de fée adolescente, mais il s'était toujours débrouillé pour l'éviter, Waltharan l'ayant prévenu que le fée brun comptait embrasser « Noinilubiza » quand il la reverrait. Seulement, aujourd'hui, l'affronter semblait inévitable, excepté qu'après la scène avec Waltharan, Zibulinion s'en sentait incapable.

vendredi 22 novembre 2013

Le garçon fée - 109

Zibulinion n'avait pas plus choisi d'être attiré par les garçons que son apparence physique. Il s'était toujours efforcé d'être moins laid pour sa mère, de devenir meilleur en magie. Mais même si elle avait été contente, elle était restée insatisfaite. Il ne serait jamais beau, jamais aussi bien qu'elle voulait et il n'en pouvait plus. Peut-être que ce fameux père qui ne le considérait pas comme son fils, avait quitté Alysielle car lui aussi était las de ne pas répondre à ses exigences. Peut-être qu'il le comprendrait, lui. Peut-être qu'elle avait menti aussi là-dessus et que son père le reconnaîtrait.
– Tu as perdu ta langue, gros bêta !? Aucune fée, fille ou garçon ne voudra jamais de toi de toute façon ! Même avec un humain, c'est loin d'être gagné.
– Je sais. Je peux aller me coucher maintenant ?
Alysielle fut suffoqué et s'écria :
– C'est tout ce que tu trouves à dire ?
Zibulinion hocha la tête.
– Oh ! File dans ta chambre, je ne veux plus te voir une minute de plus!
Après plus de deux mois d'absence, c'était douloureusement risible, mais Zibulinion s'exécuta.

Les vacances se déroulèrent dans une ambiance pesante. Victor était limite hostile, Tania encore plus moqueuse et Alysielle l'ignorait franchement. Au milieu, Rozélita ne savait pas comment se comporter.
Certains jours, Zibulinion, plutôt que de venir manger à table avec tout le monde, récupérait en douce des choses dans la cuisine - biscottes, fruits, biscuits - et grignotait dans sa chambre. Autrement, il lisait et étudiait avec acharnement. Il n'avait rien de mieux à faire. Il n'avait pas été à la hauteur aux examens de printemps, trop perturbé par sa mise à l'écart et il comptait se rattraper à ceux d'été.

A son retour de l'école, comme prévu, ses résultats aux examens de printemps étaient faibles : peu d'étoiles, et pas beaucoup de lunes. Son isolement se poursuivit. Seul Waltharan, fidèlement, continuait à lui adresser les paroles sans se soucier des rumeurs que cela générait. Zibulinion en venait à se détester de ne pas lui avouer la vérité sur « Noinilubiza » mais il avait trop peur de le perdre. Folebiol ne lui reparlerait toujours pas, Neyenje l'évitait consciencieusement, il n'avait plus que Waltharan.
Rongé par la culpabilité, que ce soit en tant que lui-même ou sous son illusoire apparence féminine, il bavardait avec lui régulièrement.
Cependant, même en sachant que Waltharan s'intéressait à « Noinilubiza », il fut surpris quand,  au calme de la serre normalement interdite aux élèves, l'adolescent à la crinière noisette agrémentée d'une mèche blanche se mit à genoux devant elle, enfin lui, et lui offrit son cœur en lui tendant une unique et superbe rose rouge.

jeudi 21 novembre 2013

Le garçon fée - 108

Une semaine après sa déclaration, la situation de Zibulinion était toujours aussi catastrophique. Même Zurmmiel et Joathilde ne lui parlaient plus. Les pas de Zibulinion le ramenèrent à l'endroit où il avait avoué son amour. Il était mélancolique au possible.
A peine était-il arrivé qu'un oiseau fondit sur lui et déposa un message entre ses mains. Zibulinion le déplia, intrigué, et lut :
Cher Zibulinion,
Je tiens à ce que tu saches que je ne voulais pas que la chose se répande. Seulement, c'était un coup de massue pour moi et j'ai éprouvé le besoin de m'épancher. Je n'avais pas prévu que mon confident en parlerait à un autre et qu'en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, tout le dortoir ait été mis au parfum. Je suis toujours ton ami, mais pour le moment, je ne peux te le montrer. Il faut que je digère l'affaire et je ne veux pas que les gens s'imaginent que nous sommes un couple. En tout les cas, tu as été courageux de me dire tes sentiments et je vais prendre exemple sur toi et me déclarer à Lavicielle.
Ton ami, Folebiol.

 
Zibulinion serra le papier contre sa poitrine. C'était précieux de savoir que Folebiol n'avait pas voulu ce qui s'était passé et qu'il ne le détestait pas, même s'il gardait ses distances. Il s'accrocha à ce bout de papier jusqu'aux vacances de printemps.
Dans le bus du retour, Waltharan, le seul élève de Valeiage à encore parler à Zibulinion, lui tint compagnie. Zibulinion lui en était reconnaissant, mais sa culpabilité vis-à-vis de lui augmentait de jour en jour, quand bien même le fée des plantes ne mentionnait pas Noinilubiza quand il était avec lui. A la différence de Folebiol, il n'était pas du genre à s'étendre sur celle qu'il aimait. Toujours est-il que Zibulinion abusait de la confiance de Waltharan en le fréquentant en parallèle sous une fausse identité.

A peine Zibulinion fut entré dans l'appartement, accompagné de Rozélita, Alysielle déboula. Elle s'agenouilla pour embrasser sa petite fille et l'envoya retrouver Victor dans le salon. Zibulinion, habitué à passer après sa sœur ne s'en formalisa pas. Cependant, il sentit la colère de Alysielle quand elle se tourna vers lui, juste avant qu'elle n'explose :
– Tu ne peux jamais rien faire comme les autres bien sûr ! Tu te crois obligé de te distinguer en mal. Déjà que tu es vilain, il fallait en plus que tu ailles t'amouracher d'un autre garçon ! Et dire que j'étais si contente quand la directrice m'avait annoncé que tu avais en toi les capacités d'être une fée des bois, des plantes et des rêves. Cela compensait un peu tes yeux ronds, ton nez recourbé comme un bec, ta grosseur, voilà ce que j'ai pensé. Mais non, tu ne fais que me décevoir depuis le jour de ta naissance. J'aurais dû mieux choisir ton père, enquêter davantage sur ses ancêtres et je ne me serais pas retrouvée avec toi, un espèce de boudin fripé gay, même pas fichu d'avoir une seule spécialité. Tu es un touche à tout bon à rien !
Pour une obscure raison qu'il ne s'expliquait pas, Zibulinion n'avait pas imaginé que la directrice rapporterait à sa mère son amour pour les garçons. Il rentra la tête dans les épaules. Il n'avait rien à répliquer. Tout ce qu'il comprenait, c'est que sa mère ne serait jamais fière de lui.

mercredi 20 novembre 2013

Le garçon fée - 107

– Elle s'appelle Noinilubiza ? souffla Zibulinion d'une voix interrogative.
– Oui, mais comment le sais-tu ? Tu la connais ?
Zibulinion se demanda s'il ne ferait pas mieux de lui révéler que c'était lui, mais il n'osa pas. Waltharan venait de lui dire que Noinilubiza lui plaisait, assurément, il serait déçu et lui retirait aussitôt son amitié comme tous les autres garçons fées.
– Au bal, je vous ai entendus, toi, Charboige et elle.
– C'est vrai que nous n'étions pas très discrets. Charboige insistait pour qu'elle devienne sa petite amie, sans même savoir comment elle s'appelait. Elle a profité que j'occupais son attention pour filer. Après son départ, j'en ai profité pour mettre en garde Charboige afin qu'il ne marche pas sur mes plate-bandes, mais il a maintenu qu'il l'embrasserait la prochaine fois qu'il la verrait. Nous en serions peut-être venus aux mains si Bastopod n'était pas intervenu pour me rappeler que j'avais encore des filles à faire danser. C'est vraiment une coutume idiote que de nous forcer à virevolter aux bras de quiconque le désire. Tu ne crois pas qu'ils pourraient nous laisser choisir nos partenaires ? Bref, ne te tracasse pas pour moi.
– Merci, répondit Zibulinion, gêné de penser que son illusoire apparence féminine ait réussi à séduire Waltharan.
« Noinilubiza » avait assurément plus de succès que lui entre Charboige et Waltharan. Cependant, ce n'était pas dur vu sa côte de popularité actuelle. Il était le sujet de toutes les conversations, mais pas en bien.

Vendredi soir, quand il retrouva Waltharan à la bibliothèque en tant que Noinilubiza, il eut du mal à soutenir le regard bleu-vert de Waltharan. Il était conscient qu'il jouait honteusement sur les deux tableaux, mais il avait peur de révéler la vérité. Il avait déjà assez donné avec les aveux et leurs conséquences.
Waltharan ne se comportait pas comme un amoureux transi, mais maintenant que Zibulinion savait à quoi s'en tenir, il remarquait certains détails qui prouvaient que l'adolescent à la crinière noisette agrémentée d'une mèche blanche le, enfin la, considérait plus que comme une simple amie.
Au moment de se séparer, Waltharan insista pour qu'ils fixent un rendez-vous régulier pour se voir au minimum une fois par semaine, parce qu'il ne voulait plus compter seulement sur le hasard et qu'il regrettait d'ailleurs l'avoir trop fait, manquant de ne plus jamais la revoir, ce qui aurait été dommage, puisqu'il voulait mieux la connaître. Ce qu'il ignorait, c'est que Noinilubiza n'existait pas, du moins, pas vraiment. Malgré tout, Zibulinion accepta. Cela faisait du bien d'être un, enfin une, fée comme les autres, sans le plus petit souci au monde.

mardi 19 novembre 2013

Le garçon fée - 106

A l'intérieur, les murs étaient revêtus de lambris marqueté, de même que le plafond où était accroché un globe lumineux diffusant une lumière solaire du plus bel effet. Autrement la pièce était vide.
Relhnad le rassura :
– Je vais te chercher des meubles. Tu as des préférences ? Bois, métal, mousse ?
– Ce que vous trouverez.
Zibulinion ne s'en moquait pas vraiment, seulement compte tenu de ce qui lui arrivait, il ne parvenait pas à s'y intéresser et ne souhaitait pas donner de tracas supplémentaires au professeur de sorts. Ce dernier en faisait déjà bien assez pour lui. Il le traitait avec sa gentillesse habituelle, comme s'il n'avait pas été au courant que Zibulinion avait osé se déclarer à un autre garçon fée et que c'était pour cette raison qu'il était exilé à l'étage des professeurs. Qu'en pensait-il, au fond ? Zibulinion lui aurait bien demandé, mais il craignait la réponse.
– Je reviens vite, déclara Relhnad avant de disparaître.
Zibulinion attendit, ruminant faute d'avoir autre chose à faire.
Relhnad débarqua avec un lit qui ressemblait à une coque de barque renversée, repartit, revint avec une petite table ronde dorée perchée sur un large pied et une lampe de chevet en forme d'étoile. Il s'éclipsa encore plusieurs fois, ramenant successivement une étagère en fer argentée, un fauteuil en mousse, un matelas, des draps, un oreiller, un coffre, un bureau, une chaise en bois et pour finir le sac de Zibulinion avec toutes ses affaires.
– Je te laisse achever ton installation, conclut-il, un brin essoufflé et il laissa l'adolescent.
Zibulinion se força à ranger ses vêtements dans le coffre et à disposer ses livres dans l'étagère, puis il s'étendit sur le lit, éteignit les lumières et ne bougea plus. Il aurait aimé revenir en arrière, avant sa stupide déclaration et se trouver au dortoir.

Le lendemain, toutes les fées le battaient toujours de froid. Le soir, en quittant le réfectoire où Zibulinion avait mangé au bout de la table, accablé par son isolement et les remarques désagréables qu'il entendait à son sujet, il fut interpellé par Waltharan qui lui courait après, une moustache de chocolat au lait aux lèvres :
– Zibulinion ! Attends-moi ! Ça va ? Tu dors où maintenant ?
– A l'étage des professeurs.
– Une chambre pour toi tout seul, le luxe !
L'enthousiasme de Waltharan parut déplacé à Zibulinion. En même temps, il était le premier élève à lui adresser à la parole autrement que pour l'insulter depuis qu'il avait été expulsé du dortoir, alors, il lui pardonna. Après tout, c'était une façon positive de considérer les choses, même si lui, il le percevait comme une exclusion.
– Je te donne ma place volontiers, soupira-t-il.
– Moi, je n'aurais rien contre, mais il y en aurait beaucoup pour râler. Tu as une douche pour toi tout seul ?
– Non, la salle d'eau est partagée.
Il l'avait utilisé le matin, mais n'y avait croisé, Dame Nature soit louée, ni Relhnad ni Bastopod.
– Dommage ! Pour une douche rien qu'à moi, j'aurais signé de suite.
Quelques fées passèrent à côté d'eux dans le couloir, les montrant du doigt avec un total sans gêne. Zibulinion s'inquiéta immédiatement pour la réputation de Waltharan.
– Tu n'as pas peur qu'en traînant avec moi, les gens se fassent des idées ?
– Je m'en moque. Au contraire, tant mieux si je perds quelques admiratrices au passage.  La seule fille qui m'intéresse n'est pas du genre à s'imaginer que je suis gay, juste parce que je te fréquente.
Zibulinion fut surpris que Waltharan qui fuyait toujours la compagnie des filles en ait une en vue.
– C'est une fille de ta classe ?
– Non, c'est une redoublante de 12ème année.
Il ne devait pas y avoir trente-six fées redoublantes en 12ème année avec lesquelles Waltharan bavardait volontiers...

lundi 18 novembre 2013

A travers les âges, le livre est disponible

A travers les âges est désormais disponible en livre. Il comprend 260 pages dont un chapitre bonus et coûte 11,69€.

A un moment, il était question qu'une artiste réalise ma couverture, mais cette personne est désormais très occupée, aussi, j'ai finalement décidé de sortir le roman. Si vous êtes allergiques à la couverture pour laquelle j'ai opté, sachez que peut-être un jour (mais rien n'est moins sûr), il y aura une autre version.

Acheter A travers les âges 

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Résumé : Le nouveau professeur d'histoire de Dake prétend qu'ils se connaissent depuis la préhistoire, qu'ils sont des âmes sœurs qui, à travers les âges, se croisent et s'aiment... Et si, aussi fou que cela paraisse, c’était vrai ? Dake a la troublante impression de l'avoir déjà rencontré... 

Le pilote du roman a été publié sur le blog en avril 2012 et repris d'octobre à mai 2013.

Extrait
– Nous nous sommes rencontrés pour la première fois, il y a environ 40 000 ans, j'étais un néanderthalien appelé Iol et toi un homo sapiens autrement dit homme de Cromagnon, répondant au nom de Kuma, appartenant au clan des Trois Silex.
Ayant noté la date et les noms, M.Toukka se tourna vers l'adolescent, l'enveloppa d'un regard pénétrant et commença son récit.
En quelques mots, Dake oublia la pluie qui battait aux carreaux, la salle de classe à la peinture fatiguée, le professeur et jusqu'à son nom...

Il s'appelait Kuma. Il revenait de la chasse, les bras et les jambes fatigués, mais fier de la viande que lui et ses compagnons rapportait au clan.

Le garçon fée - 105

Zibulinion quitta le bureau de la directrice. Il avait raté le premier cours du matin, celui de biologie. Assister au suivant, celui de géographie des espèces ne lui disait rien et c'est en traînant les pieds qu'il gagna les salles, suivi par des chuchotis des fées qu'il croisait dans les couloirs et les escaliers.
Quand ses premières camarades de classe arrivèrent, Zibulinion déglutit. Quelques unes ricanèrent, certaines l'insultèrent. Une lança : « On n'est pas assez bien pour toi, peut-être ?! Tu t'es déjà regardé dans un miroir, boudin ? » Quant à Folebiol, il passa à bonne distance de lui, apparemment fasciné par ses pieds.
Dans la salle, personne ne se mit à côté de lui. Ses camarades allèrent même jusqu'à éviter les tables avoisinantes de la sienne. Enfin, la professeur l'ignora quand il leva le doigt pour poser une question.
A midi, au réfectoire, il fut exilé en bout de table, entouré de chaises vides.
En cours de sorts, le schéma se répéta. Relhnad, cependant, fut égal à lui-même et interrogea Zibulinion, sans relever le froid que cela jetait.
Durant le cours de vol, la professeur interdit à l'adolescent de voler avec les autres pour qu'il réfléchisse à lui-même et à ses actes. Ce fut une véritable torture pour Zibulinion que de n'avoir rien à faire à part penser à l'impossible situation dans laquelle il s'était embarqué. A un moment, il crut que Folebiol lui jetait un regard désolé, un tour de son imagination, sans nul doute, puisque ce dernier l'évitait comme tout le monde.
Zibulinion sauta son dîner et après un brève passage à la bibliothèque peuplée de regards critiques, il rejoignit à l'aide du plan de l'école, la tourelle où résidait les professeurs qui le souhaitaient.
La directrice n'ayant pas précisé où il dormirait exactement, Zibulinion resta interdit devant les multiples portes. Deux professeurs qu'il ne connaissait pas passèrent devant lui comme s'il n'existait pas et il n'osa pas leur demander et puis soudain Relhnad sortit du néant et fut en face de lui.
– Tu n'es pas au bon endroit. Ici, c'est réservé aux professeurs femmes. Pour les hommes, c'est au-dessus. Viens !
Le professeur de sorts ouvrit une des portes dévoilant un escalier en colimaçon aux marches de bois et à la rambarde de fer décorée de fleurs aux pétales bleu ciel. Zibulinion le suivit, plein de gratitude envers ce professeur qui décidément, lui venait toujours en aide.
Ils débouchèrent sous le toit de la tourelle et se retrouvèrent face à cinq portes toutes plus différentes les unes que les autres : il y en avait une en bois clair, une en verre opaque, une métallique, une qui semblait constituée d'un amas de feuilles, et une en or.
– Seulement deux pièces sont occupées, et encore, l'une ne l'est qu'à moitié. Comme tu sais, il n'y a que moi, Bastopod et Yapolong comme professeurs de sexe masculin à Valeaige. Si je réside ici, Yapolong vit au village avec sa femme. Quant à Bastopod, il a beau avoir sa chambre à l'école, il dort le plus souvent chez sa fille qui habite également au village. La porte d'or conduisant à la salle de bain, tu as le choix entre la pièce près de l'escalier ou celle entre moi et Bastopod, expliqua Relhnad, en pointant les portes du doigts.

Zibulinion ne portant pas le professeur d'histoire dans son cœur opta pour le battant en  bois clair qui l'attirait de toute façon davantage que le métallique.

vendredi 15 novembre 2013

Le garçon fée - 104

Zibulinion lut une bonne partie de la nuit, incapable de dormir. Dès qu'il fermait les yeux, il se mettait à ruminer les derniers évènements. C'est d'épuisement qu'il s'endormit, le livre ouvert devant lui en guise d'oreiller. Au petit matin, au réveil, il fut catastrophé de découvrir qu'il avait corné quelques pages. Il se rassura en se disant qu'un sort pour arranger cela devait exister. Mais y en avait-il un pour lever le poids qui pesait sur sa poitrine et desserrer l'étau qui broyait son cœur ?
Zibulinion en cherchait un quand la cloche du petit déjeuner retentit. Ayant sauté son dîner hier soir, il avait un peu faim, aussi se rendit-il au réfectoire, escomptant que les autres garçons fées soits revenus à de meilleurs sentiments. Utopique espoir ! Au niveau de la table des 10ème années, l'hostilité générale le frappa de plein fouet. Folebiol avait le nez dans son bol et les filles murmuraient entre elles en le pointaient du doigt.
La nouvelle de sa déclaration d'amour et de sa sexualité non traditionnelle s'était répandue comme une traînée de poudre. Zibulinion tourna les talons.
Comment avait-il pu imaginer ne serait-ce que quelques minutes que la situation allait magiquement s'arranger ? Il n'avait pas utilisé sa baguette... Non, à moins d'user d'un puissant sort d'oubli sur toutes les personnes de l'école désormais au courant, il allait devoir assumer ses propos. S'il avait pu remonter dans le temps, il aurait gardé le silence. Il avait tout gâché. Non, il n'avait pas pu se contenter de l'aimer en silence et de profiter de sa présence en tant qu'ami à ses côtés, il s'était cru obligé de révéler à Folebiol son amour. Quel idiot ! Quel naïf, il avait été ! Il savait bien pourtant que c'était mal d'être attiré par un garçon comme lui...
Une fée adulte se matérialisa soudain à ses côtés et jeta à ses pieds une enveloppe d'un rouge sanglant avant de s'envoler plus loin. Zibulinion la ramassa et l'ouvrit. C'était une convocation immédiate dans le bureau de la directrice. Aucun délai ne serait souffert. L'adolescent aurait dû s'y attendre, mais cela l'acheva. Quelles étaient ces chances que cela se passe bien avec la directrice ? Nulles. Le ton impératif du message, la couleur de l'enveloppe, tout indiquait qu'elle n'était pas contente.
Et, comme prévu, elle l'accueillit les sourcils froncés d'une fureur contenue.
– Il m'a été rapporté que vous vous étiez permis de proférer des insanités à l'un de vos camarades. De l'amour entre deux fées de même sexe, il ne saurait en être question, vous m'entendez ?
Zibulinion ne pipa mot, ce qui n'empêcha pas la directrice de continuer un ton indigné :
– Vous êtes une source perpétuelle de problèmes depuis que vous avez mis les pieds dans cette école. Que Dame Nature me pardonne, mais vous ne ressemblez à rien ! Vous n'avez pas suivi d'instruction digne de ce nom jusqu'à l'année dernière et vous vous amusez à faire des sorts avancés dans consulter personne, un vrai danger public ! Et maintenant ça ! Alors qu'il y a déjà si peu de garçons fées ! Aucune sexualité déviante n'a de place dans nos murs et je ne sais ce qui me retient de vous renvoyer, si ce n'est que vous avez en vous la capacité d'être une fée à la fois des bois, des plantes et des rêves... Vos camarades ne veulent plus de vous dans le dortoir et je les comprends. Vous mettre avec les filles est tout aussi impensable, quand bien même, vous ne vous y intéressez pas comme vous le devriez. Si un sort pouvait vous guérir de cette attirance absurde, je m'en servirai volontiers. Comme il n'existe pas, je souhaite que vous réalisiez à quel point vous êtes dans l'erreur. Et pour le moment, vous dormirez à l'étage des professeurs. Compris ?
Zibulinion acquiesça. Défendre sa position était inutile. Tout le monde ou presque semblait d'avis que son amour pour Folebiol n'avait pas de sens et qu'il devait être traité comme un pestiféré.

jeudi 14 novembre 2013

Le garçon fée - 103

Il erra dans les couloirs, n'arrivant pas à penser clairement, puis finalement se réfugia aux toilettes et prit l'apparence de la fée blonde aux yeux noisettes. Depuis la rentrée, il n'avait pas éprouvé le besoin de se cacher derrière cette illusion, tout à sa joie de pouvoir en permanence demeurer aux côté de Folebiol, en classe, au dortoir, aux repas... Mais là, ne plus être lui-même, voilà tout ce qu'il aurait souhaité et son illusoire apparence féminine l'y aidait.
Il se rendit ensuite à la bibliothèque, l'endroit qu'il préférait à Valeiage. On n'était pas très loin de l'heure du couvre-feu, et il n'y avait presque plus personne. Zibulinion s'enfonça dans les rayonnages et attrapa un livre au hasard. En se dirigeant vers les chaises et les tables de travail, il aperçut Waltharan qui lisait. Son premier réflexe fut de se cacher, puis il se rappela qu'il était à l'abri derrière son apparence de fée blonde.
Waltharan leva les yeux de son livre et vint le rejoindre :
– Noinilubiza ! Je suis content de te voir. Je ne t'ai pas recroisé depuis le bal et la dispute avec Charboige qui m'a incidemment appris que tu redoublais, ce qui m'a d'ailleurs étonné compte tenu du temps que tu passes à la bibliothèque. Je te guette depuis la rentrée sans succès et je commençais à croire qu'il m'avait raconté n'importe quoi. A dire vrai, ton redoublement ne me désole pas le moins du monde puisque cela me donne l'occasion de profiter de ta compagnie cette année encore.
– Pardon de t'avoir laissé te débrouiller avec lui...
– Tu m'as aidé à plus d'une reprise à échapper à des filles trop collantes, alors c'était un plaisir de te rendre la pareille.
C'était bizarre de parler ainsi avec Waltharan comme s'il ne venait pas de se faire virer du dortoir comme un malpropre. Est-ce que Waltharan était là avec les autres ? Zibulinion ne se rappelait pas l'avoir vu, mais il y avait eu tant de visages scrutateurs et réprobateurs autour de lui...
– Tu as l'air bien songeuse. Un souci ?
– Désolé. Je suis fatigué.
– C'est vrai qu'il est tard. Pour ma part, j'ai préféré déserté mon dortoir parce que c'était le bazar.
– Que se passait-il ?
La question était idiote, parce qu'il connaissait la réponse, mais il était curieux de savoir ce que pensait Waltharan de toute l'affaire.
– Eh bien... Tu en entendras sûrement parler à tort et à travers demain, mais il se trouve que l'un des garçons de notre dortoir s'est amouraché d'un autre. Quand je suis parti, l'indignation était générale, et son expulsion prompte et immédiate était au programme comme si cela ne faisait pas plusieurs mois qu'il était parmi nous.
– C'est ridicule, oui...
– J'ose espérer qu'ils se seront calmés quand je reviendrai et aussi qu'ils auront changé d'avis.
– Cela m'étonnerait... laissa échapper Zibulinion qui savait parfaitement à quoi s'en tenir et qui en souffrait.
– Cela ne me donne pas envie d'y retourner, mais si je veux prendre une douche avant l'extinction des lampes, il faut que j'y aille... Dis Noinilubiza, que dirais-tu qu'on se retrouve à la bibliothèque après le dîner vendredi soir ?
Zibulinion accepta, sûr que se cacher sous son illusion féminine serait préférable durant les jours pénibles qui s'annonçaient.
En attendant, il était réconfortant de se dire qu'à priori Waltharan ne validait pas la façon dont il avait été éjecté du dortoir...

mercredi 13 novembre 2013

Le garçon fée - 102

L'adolescent aux cheveux fauves parut perplexe.
– Drôle de déclaration d'amitié, répliqua-t-il en grimaçant.
Zibulinion hésita à faire machine-arrière, et  prendre la perche qui lui était tendue. Il choisit cependant de nager, quitte à se noyer.
– D'amour, corrigea-t-il.
Folebiol le regarda comme s'il ne l'avait jamais vu de sa vie, puis secoua la tête de gauche à droite.
– Tu plaisantes, hein ? Je suis un garçon et toi aussi.
– Je sais, lâcha Zibulinion d'une voix étranglée.
Il voyait bien que Folebiol prenait ça mal. Malgré tout, il ne chercha pas à tourner la chose à la blague. Pour lui, c'était extrêmement sérieux de mettre son coeur à nu devant son ami, celui qu'il aimait depuis un an déjà.
– Tu es mon ami Zibulinion. Tu n'as jamais été et ne sera jamais un potentiel amour.
Zibulinion baissa la tête, acceptant la sentence.
– Je ne peux pas croire que tu me vois ainsi... reprit Folebiol. Tu... Je...
Sans achever sa phrase, l'adolescent aux cheveux fauves partit à tire-d'aile.
Zibulinion couvrit son visage de ses mains et se mit à pleurer en silence. Il le savait depuis le début pourtant que cela ne pouvait pas se terminer autrement. Evidemment que Folebiol n'allait pas lui répondre « un jour, moi aussi, je t'aimerai de la même façon » ou « tant pis, restons bons amis ! »
L'adolescent, ses larmes séchées, ne trouva pas l'énergie de bouger pendant un long moment. Ce n'est que quand le ciel commença à s'assombrir qu'il se décida à regagner l'école.

Quand il entra dans le dortoir, il fut surpris de voir tous les garçons réunis au centre de la pièce qui discutaient ensemble.
Il s'approcha et fut effaré en entendant qu'il était question de lui et de sa déclaration d'amour à Folebiol. Il ne s'était pas attendu à ce que son ami raconte ça à quiconque. Ce n'était pas son genre et puis cela ne concernait personne d'autre qu'eux.
Un des garçons repéra Zibulinion et en un éclair, tous l'encerclèrent et une avalanche de commentaires l'assomma. Ils étaient indignés, dégoûtés, horrifiés, catastrophés, furieux, réprobateurs. Zibulinion chercha Folebiol dans la masse qui l'entourait, mais en vain. Il croisa en revanche le regard de Neyenje qui détourna aussitôt les yeux.
Tout le monde l'accablait et Zibulinion ne savait que faire. Etait-ce vraiment si affreux d'aimer quelqu'un du même sexe que lui ?
– Silence ! cria finalement Paokkolo, le nouveau chef de dortoir, usant de sa baguette pour que sa voix couvre le brouhaha général.
Zibulinion espéra qu'il allait le défendre et tomba de haut quand Paokkolo annonça :
– Nous sommes tous d'accord, j'ai l'impression, sur le fait que Zibulinion ne peut demeurer avec nous au dortoir et nous reluquer sans scrupule. Je vais m'en référér à qui de droit. Maintenant,  dégage, tu n'as pas ta place parmi nous ! Tu fais honte aux fées et tes ailes devraient t'être arrachées !
Les garçons le poussèrent dehors sans ménagement et la porte fut claquée avec violence derrière lui.
Paokkolo la rouvrit un instant pour jeter :
– N'essaie pas de revenir en douce, Neyenje et moi allons mettre en place une barrière de protection.
Le rejet de Folebiol, toutes les critiques qui lui avaient été balancées à la figure, son expulsion forcée, l'abandon de Neyenje et sa participation active pour l'exclure du dortoir... Tout ça c'était trop pour Zibulinion. Ses yeux restèrent secs, mais c'est le coeur en miette qu'il s'éloigna.

mardi 12 novembre 2013

Le garçon fée - 101

Un peu plus d'un mois après la rentrée des classes, un mercredi après-midi, alors que Zibulinion et Folebiol étaient dans le bois attenant à l'école pour écouter le pépiement des oiseaux, l'adolescent aux cheveux fauves remit sur le tapis le sujet qu'il affectionnait le plus : Lavicielle et le fait qu'il n'était plus dans la même classe qu'elle, ce qui le faisait énormément souffrir. Il ne pouvait désormais plus que l'apercevoir au réfectoire et compensait en parlant d'elle encore davantage qu'avant.
Zibulinion compatissait avec lui. Il aimait, lui aussi, sans espoir de retour et lui aussi, avait connu le chagrin de ne pas pouvoir être beaucoup avec celui qu'il chérissait. Cependant, en secret, il ne pouvait s'empêcher de se réjouir que Lavicielle ne soit pas avec eux. Il n'était  pas certain qu'il aurait pu supporter de voir Folebiol la dévorer des yeux d'un air enamouré en salle de classe. Il faut dire que rien que l'entendre chanter les louanges de Lavicielle à la moindre occasion, était douloureux.
Ce jour-là, son chagrin prit cependant le pas sur sa compréhension des sentiments de Folebiol.
– Je sais que tu ne veux pas te déclarer à Lavicielle parce qu'elle est amoureuse du professeur de sorts et que tu penses que tu n'as aucune chance, mais tu ne crois pas que tu devrais le faire plutôt que de continuer à l'adorer de loin ? Une fois qu'elle t'aura dit non, tu pourras aller de l'avant...
En prononçant ses mots, Zibulinion se rendit compte qu'ils s'appliquaient aussi à son propre cas. Tant qu'il taisait à Folebiol ce qu'il ressentait vraiment pour lui, il continuerait à s'accrocher à l'infime espoir qu'un jour peut-être avec beaucoup de chance, son amour trouverait un écho chez Folebiol.
– Tu as raison, mais y mettre fin, je crois que je ne peux m'y résoudre...
Zibulinion eut un pauvre sourire. Folebiol et lui était dans une situation semblable, excepté que Zibulinion partait avec le double handicap d'être un garçon et de ne pas être attirant pour un sou.
Néanmoins, Zibulinion prit son courage à deux mains et décida d'appliquer le conseil qu'il venait de donner à son ami. Lavicielle, quand bien même son coeur était pris, répondrait peut-être oui si Folebiol lui avouait sa flamme. Et dans son cas, Folebiol, gentil comme il était, ne le détesterait sûrement pas, même après qu'il ait confessé qu'il éprouvait pour lui plus que de l'amitié.
Zibulinion déglutit bruyamment et rougissant jusqu'aux oreilles, déclara :
– Tu devrais vraiment transmettre à Lavicielle ce que tu ressens. Même si elle te rejette... Moi aussi... Je vais... Je t'aime Folebiol.

lundi 11 novembre 2013

Le garçon fée - 100

Le premier cours était sur les soins à prodiguer aux animaux des bois. La professeur laissa entrer Zibulinion avec les autres, cependant, durant le cours, elle le fixa désagréablement. Durant les cours suivants, les autres professeurs regardèrent également beaucoup l'adolescent, mais pas de façon aussi dérangeante.
Cependant, si Zibulinion fut perturbé, ce ne fut pas tant à cause de ça, qu'en raison de sa proximité avec Folebiol dont il partageait la même table.
Être si près de lui tout le temps était formidable, mais terriblement troublant et dans ses conditions, se concentrer sur les cours était délicat, ce qui était gênant, car Zibulinion, quand il parvenait à écouter, réalisait qu'il lui manquait des informations pour pleinement comprendre ce qui était expliqué.

Le soir venu, Zibulinion était épuisé. Un mois en solitaire à vivre à son rythme lui avait fait oublier ce qu'était la vie en collectivité : le bruit, le monde, les horaires stricts... Sans compter qu'être observé comme une bête curieuse ne lui avait certes pas manqué et ni les professeurs ni les élèves ne se privaient de le faire.
Son nom était sur toutes les lèvres. Son cas particulier l'année dernière - un adolescent tout rond avec les petits de premières années - le restait cette année : il était désormais celui qui ne ressemblait pas à une fée et qui avait sauté huit classes.
En revenant de sa douche express, Zibulinion vit Folebiol allongé dans le lit à côté du sien, se souvint qu'il s'était masturbé dedans quelques semaines plus tôt, excité par l'odeur de Folebiol qui imprégnait les draps. C'est le visage écarlate qu'il s'allongea sur son propre matelas.
– Ça  va ? demanda Folebiol.
– Oui, balbutia Zibulinion, en essayant de retrouver son calme.

Durant sa première semaine en 10ème année, l'adolescent fut soulagé et content de n'être refoulé à aucun cours. Même Korganole, la professeur d'élégance l'accepta, exigeant toutefois qu'il se mette au fond de la classe et se fasse tout petit, et croyant bon de le prendre à contre-exemple chaque fois que l'occasion se présentait. Heureusement Folebiol, une fois le cours terminé, avait cassé du sucre sur le dos de Korganole, aidant Zibulinion à digérer les humiliations répétées que lui avaient fait subir la professeur.
Au cours de baguette, la professeur qui n'était pas la même que celle qu'il avait eu en première année, mais qui était tout aussi blonde et belle, s'empara de sa baguette en début de cours et l'examina longuement, apparamment fascinée par les multiples paillettes qui flottaient dans le bâtonnet de verre parfaitement droit, anciennement marron cuivré et un brin tordu. Elle ne la reposa sur la table de Zibulinion qu'à contrecœur et la couva des yeux après cela, si bien que Zibulinion dut se retenir pour ne pas la soustraire à son regard.
Il y avait en gros les mêmes matières qu'en première année, mais la répartition horaires était différente pour laisser de place à des nouveaux cours tels la biologie et la communication avec les animaux et les créatures magiques à laquelle était consacrée pas moins de quatre heures par semaine. Par ailleurs, certaines matières avaient désormais un angle spécifique : le cours de soins étaient exclusivement centrés sur les animaux, oubliés les fées et les humains !
Au niveau des devoirs à faire, la quantité était nettement supérieure et Zibulinion peinait, mais s'accrochait. Même si être avec Folebiol le distrayait, cela le motivait également.

En parallèle, Zibulinion tenta d'apprendre pourquoi Rozélita l'avait ignoré lors de leurs retrouvailles au niveau des bus. La croiser se révéla difficile dans la mesure où ils n'étaient pas dans la même année et elle l'esquiva sans peine en l'apercevant à la sortie du réfectoire. Finalement, Zibulinion se tourna vers Joathilde qui, étant en 2ème année, partageait le même dortoir que sa petite soeur.
La petite fille lui ramena un mot de Rozélita qui, d'une écriture maladroite, lui expliquait que leur mère lui avait interdit de montrer qu'elle le connaissait parce qu'il était hors de question que cela se sache qu'ils étaient de la même famille. Elle ajoutait qu'elle était désolée et qu'elle avait amené sa poupée Zibulinia avec elle. Elle terminait en concluant que Joathilde voulait bien leur servir de messagère pour qu'ils puissent quand même communiquer.
Zibulinion comprit avec tristesse que sa mère, quand bien même il avait des affinités avec les bois, les plantes et les rêves et était passé en 10ème année, continuait à avoir honte de lui.
Cette découverte douloureuse fut atténuée par la suite de sa correspondance avec sa soeur. Alysielle, d'après Rozélita, était enchantée que Zibulinion soit doué en magie et ait sauté autant de classe d'un coup. Elle comptait fêter ça durant les vacances de printemps quand l'adolescent rentrerait. Il n'était en effet pas question qu'il rentre plus tôt alors même que Rozélita, elle, retournait à la maison chaque week-end. Ce point-là, Zibulinion eut de la peine à l'accepter, même si cela se justifiait par le jeune âge de sa petite soeur.

vendredi 8 novembre 2013

Le garçon fée - 99

Le matin du 21 mars, Zibulinion fut debout à l'aube. Il tâcha d'étudier, mais en pure perte, car il ne parvenait pas à se concentrer. Il descendit finalement jusqu'à l'ère où les bus déposaient les élèves et attendit en agitant les ailes.
La promenade au village lui avait donné des courbatures et lui avait rappelé que les connaissances livresques n'étaient pas tout. Il s'agissait aussi de se préparer aux cours de vol.
Enfin, les premiers bus arrivèrent et des fées en descendirent. C'était étrange de voir tout à coup autant de monde après un mois ou presque en tête-à-tête avec lui-même, les fées invisibles qui lui avaient préparé ses repas et son linge ne comptant pas.
Dès que Zibulinion eut repéré Folebiol qui sortait d'un bus, il se précipita vers lui.
– Zibulinion ! s'écria Zurmmiel qui était à côté de son grand frère.
– On te croyait malade ! s'exclama Folebiol.
Neyenje qui émergeait du bus suivi de Laloréa lança :
– Ton absence était au cœur de nos conversations durant le trajet... Mais comment cela se fait que tu portes l'uniforme de 10ème année ?
– La directrice a considéré que j'y serais plus à ma place. J'ai bûché tout l'hiver pour ça, répondit Zibulinion avec fierté.
– Heureusement qu'elle ne t'a pas propulsé directement en 12ème année, maugréa Laloréa.
– Moi, j'aurais voulu que tu sois en 2ème année, bougonna Zurmmiel.
Soudain, Rozélita fut là. Zibulinion avait oublié que les premiers pas à l'école des fées de sa petite sœur était pour cette année. Heureux de la revoir, il lui ouvrit grands les bras. Cependant, au lieu de s'y jeter, elle fit comme si elle ne l'avait pas vu et se mit à bavarder avec une autre fillette. Zibulinion n'eut pas le temps de creuser l'affaire. La fée conductrice commençait à rassembler les premières années et incitait les autres à rejoindre leurs halls d'accueil.
Comme Zibulinion se rendait au même endroit que Folebiol, il put continuer à discuter avec lui. Il lui confia que sa spécialité était les bois et qu'il serait donc avec lui, ce qui réjouit l'adolescent aux cheveux fauves.
– Il faut croire que choisir ton lit dans la section des fées des bois t'a prédestiné à en devenir un !
Dans le hall, une fée leur rappela rapidement les règles de l'école, répartit les élèves par classe et leur communiqua leurs emplois du temps.
Après quoi, la directrice fit une apparition éclair et demanda à tous les élèves de 10ème année de bien vouloir accueillir Zibulinion parmi eux, mentionnant qu'il était doué et que c'est pour cela qu'il rejoignait directement leurs rangs.
Zibulinion devint le point de mire de l'assemblée, ce qui lui donna envie de disparaître sous terre.
Une fois au dortoir, il fut entouré par tous les garçons, Charboige compris. Personne n'en revenait qu'il soit passé en 10ème année, lui qui était en 1ère année un mois plus tôt.  Ce fut le nouveau chef de dortoir, un certain Paokkolo qui tapa dans ses mains et souligna qu'ils devaient tous se dépêcher de se préparer, enfiler leur uniforme si ce n'était pas déjà fait et gagner leur salle de classe.

jeudi 7 novembre 2013

Le garçon fée - 98

Le village était constitué d'un amas de chaumières toutes plus proprettes les unes que les autres. Cela faisait très village de livres d'images. Pas de murs lézardés ou de chaumes affaissés. C'était comme si tout venait d'être bâti.
Zibulinion s'avança timidement à la recherche de la boutique de vêtements. Il osa interroger une fée qui arrosait un géranium à sa fenêtre. Celle-ci le détailla de la tête aux pieds avant de lui répondre que c'était quatre maisons plus loin, à gauche du puits. Zibulinion la remercia et suivit ses indications.
Assis sur le bord du puits à côté d'une fée ravissante aux yeux pervenches et à la robe d'un blanc aussi laiteux que sa peau, il reconnut le professeur de minéralogie qu'il salua de loin.
Yapolong lui lança :
– Nous ne sommes pas encore le 21 que je sache !
La directrice ne l'avait à priori pas encore mis au parfum...
– Je viens pour acheter mon uniforme.
– Il y a de meilleures boutiques pour ça, commenta Yapolong.
L'adorable fée aux yeux pervenches se racla discrètement la gorge et le professeur de minéralogie la présenta aussitôt : c'était son épouse.
Cette dernière, d'un charmant sourire, lui souhaita de bons achats. Clairement, elle préférait rester en tête-à-tête avec son mari plutôt qu'il bavarde avec un de ses élèves.
Zibulinion prit congé et entra dans la boutique où flottaient suspendues dans les airs des robes de toutes les couleurs dans le désordre le plus total. La vendeuse eut quelque embarras à mettre la main sur un uniforme de 10ème année dans lequel Zibulinion pouvait entrer. Cependant, elle ne se permit pas de critiquer le tour de taille de Zibulinion qui ne répondait pas à la morphologie habituelle des fées. Elle s'excusa et se chargea même d'une petite retouche magique. Même ainsi, cela n'avait rien à voir avec le confort de la robe sur-mesure réalisée par la mère de Laloréa et que cette dernière avait payée en guise d'excuse pour son sort d'amplification qui avait prolongé le mutisme qu'avait infligé la professeur de musique à Zibulinion. Le coût n'était pas le même non plus. Il n'y eut en revanche pas de soucis avec les chaussures.
En ressortant, Zibulinion se demanda si au lieu d'acheter un uniforme où il se sentait mal à l'aise, il n'aurait pas mieux fait de se vêtir d'une illusion tandis qu'il portait dessous de confortables pantalons. Enfin, maintenant que c'était fait, autant le mettre, ce serait autant d'énergie magique économisée.
Zibulinion, se rappelant qu'il y avait une librairie poursuivit son tour du village. Il ne tarda pas à la trouver arborant la glorieuse pancarte « Au bonheur des pages. » Il poussa la porte et fut déçu de constater qu'il n'y avait que quatre étagères et une table en chêne pleines de livres. Surmontant sa déception, il s'intéressa quand même aux livres qui s'y trouvaient.
Une fée portant un chignon et une paire de lunettes eut tôt fait d'apparaître et de s'enquérir de ce qu'il cherchait.
– Je regardais...
La fée eut un drôle de petit rire.
– Ici, il n'y a que des manuels scolaires au programme et les derniers romans fées parus. Autrement, il faut commander. Je peux tout avoir assez rapidement.
Zibulinion aurait bien demandé le livre pour fabriquer des sorts qu'il avait repéré dans la bibliographie d'un autre à la bibliothèque de l'école, seulement il n'avait pas sur lui le papier sur lequel il avait noté la référence - ce qui n'était pas très grave, car il aurait éventuellement pu le faire venir jusqu'à lui - et surtout, il n'avait pas assez de poudre des fées.
Il se dit que c'était bon à savoir et ne tarda pas à ressortir et reprendre le chemin de l'école, évitant le puits pour ne pas déranger la femme de Yapolong.
A son retour à Valeiage, Zibulinion écrivit une lettre à sa mère. Il en avait rédigé plusieurs, mais n'avait pu les envoyer, la fée chargée du courrier étant en congé. Cependant, cette dernière reviendrait bientôt, en même temps que tout le monde. L'isolement de Zibulinion allait se terminer. Il avait hâte. Plus que trois jours avant de revoir Folebiol et de lui annoncer qu'il allait être avec lui en 10ème année.

mercredi 6 novembre 2013

Le garçon fée - 97

Le 18 mars, trois jours avant la rentrée des classes à l'école des fées, alors que Zibulinion mangeait dans l'immense réfectoire vide, la directrice vêtue une robe de mousseline étincelante apparut entourée d'un halo doré. L'adolescent manqua de s'étouffer. Il faut dire que cela faisait plus de trois semaines qu'il n'avait vu quelqu'un, passant tout son temps à étudier pour pouvoir intégrer la 10ème année comme il aurait dû s'il avait été à l'école des fées de Valeiage depuis ses 7 ans et non ses 15. La directrice lui dit de se dépêcher de terminer son repas qu'il aurait dû finir en ce début d'après-midi (sauf que Zibulinion absorbé par sa lecture ne s'était rendu que tardivement au réfectoire) et le prévint qu'elle allait l'interroger pour vérifier son niveau. L'appétit coupé par l'examen surprise et la présence de la directrice, Zibulinion peina à finir son assiette et renonça à son dessert.
– J'ai fini, balbutia-t-il.
La directrice s'assit en face de lui et le soumit à un feu nourri de questions auxquelles Zibulinion ne sut pas toujours répondre à son grand désarroi. Il n'avait, après tout, pu appliquer le sort de mémorisation que sur les manuels de 9ème année.
Après ce qui sembla une éternité à Zibulinion la directrice arrêta enfin. Zibulinion, respirant à peine tellement il était stressé, attendit le verdict.
– C'est bon, dit-elle. Clairement vous avez de grosses lacunes, mais absorber en un mois, huit années d'apprentissage est utopique. Cependant, vous en savez suffisamment pour parvenir à suivre en cours de 10ème année. Je compte sur vous pour continuer à étudier et rattraper peu à peu votre retard.
– Oui, madame.
– Tiens, prends ça.
Zibulinion récupéra le petit sac en velours rouge qu'elle lui tendait.
– C'est de la part de ta mère pour que ton uniforme. Achète-le donc au village.
– Je n'y suis jamais allé... commença Zibulinion.
– Avec un plan, tu n'auras aucune peine, coupa la directrice avant de repartir comme elle était venue.
Sans la bourse devant lui, Zibulinion aurait pu croire avoir rêvé tout la scène.
Il s'empressa de mettre la main sur un plan pour se rendre au village, dressa l'itinéraire et partit à l'aventure. Ce n'était pas vraiment son truc, mais il avait passé son temps enfermé et l'acquisition de l'uniforme symboliserait son passage en 10ème année.
Il n'avait pas volé depuis un moment et était rouillé. Après un faux départ, il décolla et s'éleva doucement dans les airs. D'abord, il resta à deux mètres au-dessus du sol, puis s'enhardit et monta davantage, fasciné que ses ailes parviennent à le porter si haut, lui à qui la professeur de vol avait dit qu'il y avait peu de chance qu'il puisse véritablement voler un jour, près d'un an plus tôt.
Le ciel était d'un bleu limpide, le soleil doux et la brise légère. Tout annonçait le printemps. Zibulinion, par prudence, avait choisi de suivre la route qui serpentait entre les arbres plutôt que de couper par la voie des airs, sûr que les indications « sommet du grand chêne » et « cime des trois cyprès » ne lui suffiraient pas.
Au bout d'un moment qu'il battait des ailes, il commença à fatiguer, aussi atterrit-il sur la route et termina le chemin à pieds.

mardi 5 novembre 2013

Le garçon fée - 96

A son réveil, vers midi passé, sa tête était toujours douloureuse et il ne put strictement rien faire de la journée. C'est à peine s'il quitta son lit. Il avait le sentiment d'être abandonné et en même temps, il savait qu'il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même de ne pas avoir écouté le professeur de sorts. Tout de même, c'était dur qu'il n'y ait personne qui semble se soucier qu'il ne bouge pas du dortoir et n'aille pas manger.
Le lendemain, cela allait mieux, même si ce n'était pas encore ça. Incapable de lire, Zibulinion s'ennuya ferme. Il aurait aimé être chez lui, dans sa chambre, entouré de ses affaires, sa mère et sa petite sœur de l'autre côté de la porte, à portée de voix. Sans compter qu'il se languissait de Folebiol.
Il fallut encore trois jours avant qu'il puisse lire plus de quelques lignes normalement, sans que sa vue se brouille. Zibulinion réalisa alors que temps gagné avec le sort avait été au final perdu.
Ce constat combiné avec le mal de crâne carabiné qu'il avait subi et l'inactivité forcée à laquelle il avait été contraint, l'aida à ne plus se laisser emporter par le plaisir que lui procurait le défilement rapide des pages.
Zibulinion avait beau être bien occupé avec toutes ses lectures, il se sentait parfois vraiment très seul, aussi envisagea-t-il de contacter Neyenje en rêve. Cependant, une rapide recherche sur le sujet lui apprit que si la distance était trop grande entre les deux individus souhaitant communiquer par ce biais, cela ne pouvait pas fonctionner. La question de Neyenje « Tu pars loin ? » prenait tout son sens.
Comme lire ne permettait évidemment pas de tout retenir, Zibulinion, en parallèle avec son étude des manuels de 7ème année, chercha s'il existait un sort favorisant la mémorisation. Au bout de quelques jours, frustré de ne pas trouver, il se demanda s'il n'y avait pas moyen de le créer et tout en continuant à avancer dans le programme de 7ème année, il enquêta sur la question. Il dénicha la référence d'un livre dans la bibliographie d'un autre, mais le fameux bouquin n'était hélas pas dans la bibliothèque de l'école. Il le nota pour plus tard.
Il était plongé dans les manuels de 8ème année quand il tomba finalement sur le sort de mémorisation dans un ouvrage dans les étagères destinées au 12ème année. Il prit le temps d'apprendre le sort, en dépit de son extrême complexité avant de se lancer dans le programme de 9ème année.
Même si la solitude était dure à supporter, les jours filaient et Zibulinion voyait le bout du tunnel.
Bientôt, il aurait parcouru tout ce qu'il aurait dû apprendre en huit longues années et il pouvait sérieusement espérer que la directrice le propulse en 10ème année avec Folebiol.

lundi 4 novembre 2013

Le garçon fée - 95

Zibulinion se réveilla tout excité le lendemain, l'oreiller ayant toujours l'odeur de Folebiol, mais ne craqua pas. C'était le matin et l'école n'était pas vide... Il y avait au minimum encore une fée pour préparer le repas, une pour nettoyer et aussi le professeur de sorts qui devait lui enseigner le sort de lecture rapide.
L'adolescent s'arracha à son lit, quittant à regret l'oreiller de Folebiol et se prépara. Au réfectoire, un petit déjeuner léger avait été laissé à sa disposition. Il l'avala en hâte, décidément inconfortable dans cette immense pièce aux chaises et aux tables vides. Il gagna ensuite le bureau de Relhnad dont il trouva la porte ouverte.
Le professeur de sorts lui sourit chaleureusement et une partie du malaise de Zibulinion s'évanouit. Cela faisait du bien de voir quelqu'un dans cette école désertée.
– Si tu n'étais pas arrivé dans quelques minutes, je t'aurais rejoint. Si tu veux t'asseoir... offrit Relhnad, en montrant d'un geste gracieux la chaise en face de son bureau.
Zibulinion s'y installa et écouta attentivement les explications de Relhnad.
Le sort de lecture rapide n'était pas complexe, il était même assez facile à appréhender, le souci était qu'il ne fallait pas en abuser sous peine de maux de tête terribles.
– Pas plus de 1000 pages par jour, recommanda une nouvelle fois Relhnad, quand Zibulinion, les yeux brillants à la perspective de tous les livres qu'il allait pouvoir dévorer, réussit le sort parfaitement après de deux petites heures d'entraînement.
Quand ils se quittèrent, Relhnad répéta à l'adolescent de ne pas trop forcer, s'attardant jusqu'à ce que Zibulinion lui promette qu'il se montrerait raisonnable.
Le départ de Relhnad laissa un grand vide que Zibulinion combla en allant mettre en pratique le sort qu'il venait d'apprendre à la bibliothèque.
Durant la semaine qui suivit, il découvrit que lire les bouquins de façon magique était grisante pour lui qui adorait la lecture. En à peine 1 heure, il pouvait terminer trois épais manuels.
Cet après-midi là, même le souvenir de Relhnad lui rappelant de ne pas trop s'en servir ne l'arrêta pas et il s'enfila tous les livres de 6ème année en une journée. Seulement, le soir venu, il crut que sa tête allait exploser.
Il avait si mal qu'il se traîna à l'infirmerie, mais bien évidemment, elle était fermée. Les fées qui s'en occupaient devaient être en vacances. Zibulinion renonça à se doucher et s'allongea directement. Même les paupières closes, les lettres continuaient à danser devant ses yeux et ce qu'il avait lu tourbillonnait dans son esprit à un rythme endiablé telles des feuilles mortes prises dans une tempête.
Le sommeil le fuit jusqu'à l'aube où les nerfs à vifs, il sombra enfin.

vendredi 1 novembre 2013

Le garçon fée - 94

Après réflexion, Zibulinion quitta la salle de bal et n'y revint qu'après avoir fait disparaître l'illusion qui l'enveloppait.
La curiosité le poussa à retourner à la mini-fontaine, mais Charboige et Waltharan n'y étaient plus.
Même en fouillant la foule du regard, Zibulinion ne les vit pas et, ayant repéré Folebiol, il se mit à le suivre des yeux. Dans quelques heures à peine, l'adolescent aux cheveux fauves serait parti et Zibulinion ne pourrait plus le voir pendant un long mois.

Aux alentours de 17h30, Bastopod et Korganole annoncèrent la fin du bal. Il y eut du remue-ménage car Neyenje n'avait pas fait danser toutes celles qui s'étaient inscrites sur sa liste, mais les professeurs rappelèrent les fées qui s'agitaient à l'ordre et invitèrent tout le monde à rassembler ses affaires et à rejoindre les bus qui les reconduiraient dans leurs foyers respectifs.
Zibulinion, dans le dortoir, resta debout, les bras ballants tandis que les autres garçons fourraient pêle-mêle dans leurs sacs ce qu'ils souhaitaient ramener chez eux. Il se sentait mélancolique à l'idée que lui seul allait demeurer derrière.
– Pourquoi tu ne ranges rien ? s'étonna Folebiol au bout d'un moment.
N'ayant pas le droit de dire la vérité, Zibulinion, répondit qu'il avait été convoqué par le professeur de sorts et que par conséquent, il ne rentrait pas avec les autres.
– Tu sais pour quelle raison ?
Zibulinion secoua la tête.
– Ce n'est pas cool ça. Enfin... Tu me raconteras ? On se voit pendant les vacances ?
Zibulinion aurait adoré dire oui.
– Ah... Je ne serais pas chez moi.
– Hé ! C'est vrai ça ?
Neyenje était arrivé sans crier gare, se mêlant à leur conversation comme si de rien n'était.
– Oui, confirma simplement Zibulinion.
– Et moi qui voulais te rendre visite pendant les vacances... Je suis déçu. Tu pars loin ?
Zibulinion regretta une fois de plus ne pouvoir avouer qu'il demeurait à l'école. Il se contenta de hocher la tête.
Neyenje et Folebiol l'auraient probablement questionné davantage si Juycylli ne l'avait pas involontairement sauvé en chassant tout le monde dehors.
Avant de partir à son tour, le garçon de 12ème année ne dit en revanche rien à Zibulinion, preuve qu'il avait dû être prévenu d'une façon ou d'une autre.
Zibulinion hésita à rejoindre ses amis et les accompagner au bus afin de voler quelques minutes supplémentaires avec Folebiol, mais ultimement renonça. Il ne tenait pas à proférer de nouveaux mensonges. Il attendit un long moment, immobile, dans le dortoir déserté, déprimant en songeant que bientôt tous les élèves auraient quitté l'école.
Après un gros soupir, Zibulinion finalement prit le chemin de la bibliothèque. Le mieux qu'il avait à faire, c'était d'étudier. Il n'y avait pas un chat comme quand il se levait à l'aube. Il s'empara d'un des manuels de 5ème année et lu jusqu'à ce qu'il réalise que l'heure du dîner venait de passer sans que la cloche ne sonne. Il se rendit tout de même au réfectoire, se demandant s'il y aurait un repas pour lui.
Il eut tôt fait de constater qu'une assiette l'attendait à la table des premières années. Il s'assit devant et commença à manger, mal à l'aise dans cette immense salle vide.
De retour au dortoir, un terrible sentiment de solitude s'abattit sur lui. C'était rare qu'il n'y ait pas au moins un autre garçon présent.
Zibulinion regarda le lit de Folebiol, le cœur lourd, s'assit dessus, puis s'allongea, posant sa tête sur l'oreiller. La taie blanche était imprégnée de l'odeur de Folebiol : un mélange de miel et d'écorce de pin gorgée de sève. Demain, sûrement, après le passage de la fée de ménage, elle ne sentirait plus que le propre. De même que les draps dans lesquels Folebiol avait dormi.
Zibulinion savait qu'il n'aurait pas dû, mais mû par un désir qui le dépassait, il se déshabilla entièrement et se glissa sous la couette de Folebiol, plongeant le nez dans la taie. Excité au-delà de toute expression, il frotta son pénis contre le drap de plus en plus vite, ses gémissements étouffés dans l'oreiller, jusqu'à la jouissance.
Il réalisa alors, brûlant de honte, qu'il venait de se masturber dans le lit de son ami. Il usa aussitôt d'un sort de nettoyage sur le drap pour faire disparaître toute trace de son méfait et alla  se doucher.
Il se lava longuement, comme s'il pouvait ainsi effacer son sentiment de culpabilité.
Cependant, au moment de se coucher, il ne put résister à l'envie d'inverser son oreiller avec celui de Folebiol. C'était un peu comme dormir avec lui. C'était juste pour cette nuit. L'odeur aurait tôt fait de s'estomper et puis la literie serait bientôt nettoyée... En attendant, c'était délicieusement réconfortant.