jeudi 31 octobre 2013

Le garçon fée - 93

– Mais n'est-ce pas ma sauveuse des toilettes ! Tu t'es enfuie comme si tu avais un sorcier à tes trousses cette fois-là... Tu sais, tes lèvres n'auraient pas pourries si je t'avais embrassé, quand bien même mes cheveux sont bruns!
Zibulinion qui n'était pas encore tout à fait redescendu de son petit nuage après que Folebiol l'ait tenu dans ses bras, n'apprécia pas du tout ce brutal retour à la réalité et encore moins que Charboige le malmène alors même qu'il était sous son illusion de fée blonde.
Il riposta :
– Cela m'est égal que tu aies les cheveux noirs comme des plumes de corbeau, c'est ta manière de te moquer des gens, le problème !
– Ah oui ? Prouve-le donc que cela ne te gêne pas que je sois brun.
– Et comment ? Tu n'as pas de filles à faire danser plutôt que de m'embêter ?
– J'ai terminé ma liste... Tu n'as qu'à passer le reste de l'après-midi avec moi. Tu n'as pas grand chose à perdre ceci dit, pas même ta réputation, vu qu'en tant que 12ème année, tu ne seras plus là l'année prochaine.
Cela fit réaliser à Zibulinion que son choix d'illusoire uniforme de 12ème année avait été une erreur. Il n'avait aucune envie de se recréer une illusion depuis le début. Bien sûr, il aurait pu y renoncer, mais c'était vraiment trop confortable de ne pas détonner au milieu des autres fées. Et puis, ni la directrice ni Relhnad ne lui avaient interdit de continuer...
– Je redouble, alors si. Mais ça ne signifie pas pour autant que je veux rester avec toi et tes sarcasmes.
– On attend de moi que je sois mauvais et je n'aime pas décevoir.
– Je ne vois pas en quoi donner raison aux gens peut aider...
– Tu dis ça, mais tu es comme les autres et tu m'as d'office catalogué de sale type.
– Tu te comportes comme tel ! Je ne vois pas le rapport avec tes cheveux, pour moi, tu es beau comme tous les garçons de cette école !
Excepté lui-même, compléta mentalement Zibulinion.
Charboige perdit son expression moqueuse et déclara :
– Merci du compliment. Puisque je suis à ton goût et que tu seras encore à Valeiage l'année prochaine, pourquoi tu ne deviendrais pas ma petite amie ?
Zibulinion crut avoir une hallucination auditive.
Son incrédulité dut être visible, car Charboige lui redemanda s'il ne voulait pas être sa petite amie.
– Mais pourquoi ? balbutia Zibulinion.
– Parce que tu es une fille adorable et que j'aime ton sens de la répartie. Et tu me trouves séduisant, donc...
Si Charboige avait su qu'il avait devant lui celui qu'il avait surnommé « la chouette »... Toujours est-il que le fée brun déformait ses propos, il avait juste dit qu'il était agréable à regarder. Zibulinion faillit répéter que pour le caractère, ce n'était pas ça, avant de se dire que Charboige avait l'air tout à fait sincère dans sa proposition et qu'il fallait mieux la décliner sérieusement.
– Je regrette, mais je suis amoureu...se de quelqu'un d'autre.
– Il doit avoir des tonnes de prétendantes et n'en avoir rien à faire de toi alors que je suis disponible. Cœur à prendre, quoi !
Zibulinion ne savait pas comment se dépêtrer de Charboige. C'était flatteur, mais en même temps, il croyait qu'il était une fille de 18 ans, jolie de surcroît... La situation était définitivement inconfortable.
– Tu ne vois pas que tu embarrasses Noinilubiza ?
L'intervention provenait de Waltharan qui était arrivé, un verre à la main.
– Non, mais merci de m'apprendre son prénom, rétorqua Charboige. C'est toi qui déranges, ne me fais pas croire que tu as déjà fait danser toutes les filles qui ont eut l'idiotie de te choisir comme partenaire, ajouta-t-il d'un ton mauvais.
– Pas encore, non. Cependant, j'ai bien le droit de faire une pause pour boire, répliqua Waltharan.
Zibulinion décida que c'était le bon moment pour prendre la poudre d'escampette. Waltharan comprendrait. En tant que Noinilubiza, il avait déjà aidé le fée des plantes de la même manière à la bibliothèque.
Il se faufila à travers la masse de fées sans un regard en arrière. Il crut tout de même entendre que cela tournait à la dispute entre Charboige et Waltharan, mais peut-être n'était-ce que son imagination...

mercredi 30 octobre 2013

Le garçon fée - 92

L'adolescent passa à sa troisième partenaire. Elle était très grande pour une fée de 10ème année et dépassait Zibulinion de trois bonnes têtes, mais autrement, elle était ravissante comme tout avec ses longs cils, ses yeux bleu pailleté et sa blondeur sans faille.
Elle aussi, il lui demanda pourquoi et elle répondit d'une voix un brin aiguë :
– J'en avais envie.
– Vraiment ?
– Mais oui, je t'assure.
Zibulinion la rangea dans la catégorie des filles qui, non répugnées par son physique, étaient curieuses. Bizarrement, cependant, aucune question ne vint. Zibulinion qui ne savait que dire, se concentra sur ses pieds et ceux de la fille. Elle avait quelque chose de bizarre indépendamment de sa taille, mais il n'aurait su dire quoi.
Au bout d'un moment, sans qu'ils aient échangés un mot de plus, il passa à la quatrième et dernière fée.
Elle était belle, une fée modèle qui révéla de suite à Zibulinion qu'elle l'avait choisi comme partenaire uniquement parce qu'elle adorait danser et qu'elle comptait bien qu'il ne la laisse pas tomber au bout de trois malheureux tours de piste, ce qui était en général
le cas comme les garçons avaient beaucoup de filles sur leur liste.
Cela n'arrangeait pas Zibulinion qui voulait vite s'éclipser et se parer de son illusion féminine afin de ne pas rater son tour de danse avec Folebiol en tant que Noinilubiza. Il fit néanmoins un effort. C'est la fée modèle qui elle-même fini par le libérer en maugréant qu'il valsait aussi bien qu'un porte-manteau !
Zibulinion se dépêcha de filer aux toilettes et revint sous les traits de la fée blonde aux yeux noisettes au pas de course. C'était inutile, car il dut patienter presque une demi-heure avant que Folebiol n'appelle son nom.
Quand l'adolescent aux boucles fauves posa la main sur sa taille, Zibulinion frémit, quand ses doigts se refermèrent sur les siens, il se sentit tout heureux. Il se laissa guider par Folebiol, espérant que ce dernier ne se rendrait pas compte que c'était en fait avec un garçon qu'il dansait. Folebiol ne chercha pas à parler, ce qui arrangea Zibulinion qui avait la gorge nouée par l'émotion. Il était dans les bras de Folebiol. Par le biais d'une tromperie, mais ce n'était pas grave.
Folebiol annonça que c'était fini au bout de quelques minutes à peine à la grande déception de Zibulinion qui se retint de justesse de protester et mendier un délai supplémentaire.
Folebiol lui sourit et appela une nouvelle fée. Zibulinion, encore tout remué, se rendit compte qu'il avait soif, et alla récupérer un verre qu'il remplit à la mini-fontaine.
Une fois son verre plein, il se retourna vers la piste de danse et tomba nez à nez avec Charboige qui avait sûrement lui aussi l'intention de se servir à boire.

mardi 29 octobre 2013

Le garçon fée - 91

Tout le monde étant enthousiaste par la fête et les vacances toutes proches, le dortoir fut en effervescence tôt le matin.
Zibulinion qui n'avait pas réussi à s'endormir avant une heure avancée de la nuit - le sort d'apaisement ne devant plus faire effet - se réveilla à cause du remue-ménage.
Dans le lit d'à côté, Folebiol s'étirait, sa chemise de nuit remontée jusqu'à mi-cuisses. Zibulinion détourna les yeux, les joues enflammées, il ne s'y habituait pas, cela l'excitait toujours autant.
Zibulinion qui comptait se rendre à la bibliothèque après le petit déjeuner vit ses plans contrecarrés par Zurmmiel et Joathilde qui voulaient qu'il les accompagne pour la chasse au trésor, même s'il n'avait pas le droit de les aider. Zibulinion put d'autant moins refuser qu'il savait qu'il ne serait plus dans la même classe qu'eux l'année prochaine et ne partagerait plus leurs repas. Or, les deux enfants étaient importants pour lui.
La chasse au trésor se révéla amusante à suivre. Zurmmiel se débrouillait comme un chef pour décoder les énigmes emmenant au message suivant. Il ne fut cependant pas le premier à atteindre le trésor : un paquet d'ornements pour baguette.
A midi, le réfectoire n'était rempli qu'au deux tiers, les élèves de 5ème, 6ème, 7ème et 8ème années étant dans une autre salle spéciale pour leur banquet.
Enfin, vers 14 heures, ce fut l'heure de rejoindre la salle de bal. Zibulinion fut impressionné par sa grandeur, ses larges fenêtres aux longs rideaux de velours chatoyants, son plafond et son sol composés d'une myriade d'étoiles qui se chevauchaient les unes les autres. Le long du mur, il y avait une série de chaises molletonnées si richement décorées qu'on aurait dit des trônes. Un coin de la pièce était occupée par une table en demi-cercle recouverte de verres en cristal, avec au centre une mini-fontaine où s'écoulait une eau limpide.
Les feuilles affichées dans le réfectoire avaient été transférées dans la salle de bal. Plusieurs professeurs étaient présents. Bastopod, mais aussi Korganole, la professeur d'élégance ainsi que la professeur de musique. Pas de Relhnad en vue, en revanche.
Petit à petit la salle se remplit avec les fées de 9ème, 10ème, 11ème et 12ème année. Il restait toutefois encore beaucoup de place pour circuler.
Comme Zibulinion s'en étonnait à voix haute, Charboige se moqua de lui:
– Qu'est-ce que tu crois, la chouette, elle est magiquement agrandie.
A ce moment, un air de valse retentit. Bastopod et Korganole effectuèrent un tour de piste et incitèrent les garçons à appeler les noms de leur liste dans l'ordre où ils avaient été notés.
La première partenaire de Zibulinion se révéla être une fée de 10ème année un peu ronde, avec de bonnes joues. Zibulinion découvrit ainsi qu'il n'était pas l'unique fée à ne pas être un poids plume.
Zibulinion la prévint de son inexpérience de la danse, ce à quoi elle répondit :
– Ce n'est pas grave.
– Je peux savoir pourquoi tu m'as choisi ? demanda Zibulinion, manquant de justesse d'écraser le gros orteil de sa partenaire.
– Comme ça, dit-elle d'un ton embarrassé. En comparaison avec toi, je fais jolie, ajouta-t-elle d'une petite voix.
Après cet aveu, Zibulinion eut tôt fait de passer à la seconde fille. C'était une fée magnifique de 11ème année aux grands yeux menthe à l'eau, aux ailes blanches poudrées d'or et aux longs cheveux noirs comme le charbon.
Zibulinion lui posa la même question qu'à la première.
– Je fais partie du club « Fées autrement » et je trouve que tu aurais ta place parmi nous, seulement Charboige s'y refuse.
– Le club existe vraiment ?
– Eh bien... il n'y a pas de clubs officiels à Valeiage. Toujours est-il que notre club est composé des sept fées brunes de l'école, d'une aux cheveux rouge vif et d'une aux ailes ridiculement petites.
– Et c'est Charboige qui l'a crée ?
– Non, mais en tant que garçon, il a eu le privilège d'en devenir le chef. J'espère le convaincre de t'inclure.
– Il ne m'apprécie pas et c'est mutuel, préféra préciser Zibulinion.
– C'est dommage...

lundi 28 octobre 2013

Le garçon fée - 90

– Bien. Relhnad vous vous occuperez de lui apprendre le sort de lecture rapide une fois tous les élèves repartis chez eux pour les vacances.
Le professeur de sorts acquiesça. Zibulinion, croyant l'entretien terminé, commença à se rapprocher de la porte.
– Je n'ai pas terminé. Zibulinion, laissez votre oiseau et le reste ici. Ne vous vantez pas de vos trois spécialités. Cela causerait trop de remous. Et taisez pour le moment votre passage en 10ème année. Ce n'est pas encore sûr. Compris ?
– Oui, madame, répondit Zibulinion.
Il attrapa l'oiseau d'une main et après lui avoir lissé quelques plumes, l'invita à se poser sur le bureau de la directrice, pendant ce temps Relhnad se débarrassait de la taie d'oreiller pleine de pièces et se dépêtrait de la plante.
Enfin, ils quittèrent le bureau de la directrice. Zibulinion se sentait dépassé par tout ce qu'il venait d'apprendre. Il était content, mais ne pouvait se défaire d'une inexplicable angoisse.
– Cela va aller ? demanda Relhnad, sa belle voix emplie de sollicitude.
Zibulinion, le regard fixé sur le bout de ses sandales, hocha la tête.
– Prêt pour le bal demain après-midi ?
Zibulinion opina, même si niveau danse, ce n'était pas ça.
– Secoué ?
– Oui...
– Que dirais-tu d'un petit sort d'apaisement ?
Zibulinion n'était pas certain de vouloir. Faisant confiance au professeur de sorts, il accepta néanmoins.
Du bout de sa baguette, Relhnad toucha brièvement le front et le cœur de Zibulinion qui eut l'impression qu'un grand poids lui était ôté.
Tout allait bien. Avoir trois spécialités ne changeait rien. Il irait avec les fées de bois, avec Folebiol. Il n'aurait qu'à bouquiner durant la fin de l'hiver. Et puis de toute façon, avant cela, il y avait le bal.
– Merci monsieur.
Décidément, il était de plus en plus redevable envers Relhnad. Levant les yeux vers lui, Zibulinion remarqua que le professeur de sorts avait l'air épuisé.
– Ça va, monsieur ?
Relhnad ne lui répondit que par un doux sourire que Zibulinion ne sut interpréter. Il n'osa cependant pas insister et il y eut un silence.
– Te voilà nouveau soucieux... Laisse-moi te rassurer. Demain, il n'y paraîtra plus. J'ai juste dépensé une énorme quantité magique. Ce n'est pas exactement de tout repos de se téléporter aussi loin et de revenir encombré.
Zibulinion éprouva un fort sentiment de culpabilité, même s'il n'était pas directement responsable.
– Pardon monsieur... Vous avez vu quelqu'un chez moi ?
– Ta sœur par alliance. Je lui ai remis le mot pour ta mère et lui ait exposé la raison de mon débarquement intempestif.
Après quoi, Relhnad s'excusa auprès de l'adolescent et s'éloigna sur ses deux pieds sans user de la plus petite once de magie.
Zibulinion décida de ne pas perdre de temps et plutôt que de s'appesantir sur tout ce qui s'était passé dans le bureau de la directrice, gagna la bibliothèque pour s'attaquer aux manuels de 5ème année.
Pour le bal, ce n'était pas très grave qu'il n'ait pu s'entraîner à danser, en restant à la théorie. Quant à la tangibilité de son illusion... Ce n'était pas encore ça, mais ce n'était pas trop grave. Au fond, Folebiol n'avait aucun moyen de se douter que derrière la fée blonde aux noisettes se cachait son ami. Et il lui restait encore demain matin.
– Ah ! Tu te cachais-là ! Qu'est-ce que tu fabriques encore à étudier ? Les examens sont passés, l'année est finie ! Demain, c'est retour à la maison pour un mois de vacances sans le plus petit devoir à faire !
Le cœur de Zibulinion rata un battement devant le sourire de Folebiol. Ce dernier referma d'un geste autoritaire le livre ouvert sur la table de Zibulinion et l'attrapa par les mains pour l'obliger à se lever de sa chaise.
– Viens donc t'amuser !
Zibulinion crut que sa poitrine allait exploser et se laissa entraîner. Il aurait voulu que jamais plus Folebiol ne le lâche, mais une fois dans le couloir, son ami le libéra.
– Je suis content de t'avoir trouvé, parce que ces derniers mois, tu as tendance à disparaître je ne sais où dans l'école, au lieu d'être au dortoir ou à la bibliothèque... déclara Folebiol.
Zibulinion marmonna un « hum hum » gêné. C'est parce qu'il était caché sous une illusion qu'il demeurait introuvable.
– Tu es toujours tracassé par le fait que tu n'as pas d'expérience de la danse ?
– Un peu, reconnut Zibulinion.
S'il avait évidemment fantasmé que Folebiol se proposerait de lui montrer quand il lui en avait parlé, il s'était vite calmé sur le sujet, se consolant en songeant qu'en tant que « Noinilubiza », il danserait avec lui.
– Je te l'ai déjà dit, contente-toi de ne pas leur écraser les pieds, et ne t'occupe pas de suivre le rythme de la musique.
– J'essayerai...
– Tu regrettes de ne pas plutôt participer à la chasse au trésor qui se déroule le matin vu que techniquement tu es en première année ?
– Non, ça va. C'est Zurmmiel qui est le plus déçu dans l'affaire.
Tout en bavardant des trois évènements à venir, Zibulinion ne pouvait s'empêcher de penser à ce que lui avait dit la directrice sur son éventuel passage en 10ème année, sur ses trois spécialités, son choix des bois, sur les trois objets et sa baguette... Il aurait aimé pouvoir se confier à Folebiol, seulement la directrice lui avait recommandé de tenir sa langue...

vendredi 25 octobre 2013

Le garçon fée - 89

– Tu es un cas particulier. Le professeur Bastopod a eu l'honnêteté de me confier que dans un premier temps, il avait exclu Zibulinion  qui perturbait son cours rien qu'en étant là. Enfin, vu que tu es capable d'exécuter un sort de 12ème année, quand bien même tu as de grandes lacunes, je suppose que le mieux est de te mettre dès l'année prochaine avec des camarades de ton âge.
Zibulinion n'en crut pas ses oreilles. Lui qui croyait pas plus tard que la veille être obligé de repiquer sa première année, la directrice parlait de le propulser en 10ème année, ce qui revenait à lui faire sauter 8 classes d'un coup.
La directrice poursuivit, comme pour tempérer la joie incrédule qui devait se lire sur le visage de l'adolescent :
– Bien sûr, cela nécessitera que vous sacrifiez vos vacances afin d'étudier le programme des années que vous ne ferez pas et avant la rentrée, le 21 mars prochain, je me chargerai de vérifier votre niveau. Si je ne vous juge pas à la hauteur, je vous mettrai dans une année inférieure.
– Merci madame.
Il se moquait bien de perdre ses vacances. Étudier à l'arrache-pied ne lui faisait pas peur. Rejoindre les fées de son âge était inespéré. Peut-être qu'il pourrait se retrouver dans la même classe que Folebiol.
– Bien. Il reste à régler le problème de votre spécialité. Relhnad, pouvez-vous ramener le pot, le nid et la pièce du dortoir ?
– Ils ne sont pas là-bas, intervint Zibulinion comme le professeur de sorts commençait à agiter sa baguette. Je les ai laissés chez moi.
– En voilà une façon d'en prendre soin ! s'écria la directrice. L'un des trois à quand même dû se développer malgré vous, ajouta-t-elle.
Zibulinion voulut expliquer ce qui avait motivé son choix, mais déjà la directrice continuait :
– Relhnad, je vous charge d'aller les chercher. Attendez un instant que je vous retrouve l'adresse et que je rédige un mot pour sa mère.
Le professeur de sorts inclina la tête en signe d'assentiment.
Un tiroir d'un des meubles scintillants de la pièce s'ouvrit, un classeur à la couverture brillante en sortit, vola jusqu'au bureau de la directrice qui feuilleta ses pages à une vitesse fabuleuse avant de s'arrêter sur une qu'elle dupliqua magiquement.
Relhnad attira le papier à lui d'un léger mouvement de baguette.
D'une main hâtive, la directrice griffonna un mot, le scella dans une enveloppe rosée que le professeur de sorts récupéra comme précédemment avant de s'éclipser pour accomplir sa mission.
Zibulinion déglutit. Il était maintenant seul avec la directrice qui l'interrogea aussitôt :
– En attendant son retour qui ne saurait tarder, dîtes-moi, que savez-vous faire d'autre, hors connaissances de première année ?
L'adolescent parla de sa lecture des manuels de 2ème, 3ème et 4ème année.
La directrice qui semblait peiner à le croire lui posa quelques questions sans nul doute pour vérifier s'il les avait vraiment lus.
Zibulinion évoqua ensuite la deuxième illusion qu'il avait créée et se retrouva contraint de lui montrer qu'il pouvait paraître être une charmante petite fée.
Il tut le sort de nettoyage, mais mentionna qu'il pouvait agir consciemment dans ses rêves, sans préciser bien sûr ce qui avait motivé son apprentissage. Il était inutile de mettre Neyenje dans l'embarras.
Pour finir, il lista les quelques sorts qu'il avait appris dans le livre qu'il s'était procuré à Noël.
– C'est tout ? demanda la directrice quand Zibulinion se tut.
L'adolescent acquiesça déçu que ce soit sa seule réaction.
Avant qu'un silence pesant ne s'installe, Relhnad réapparut, l'oiseau bleu niché sur le sommet de son crâne, une taie d'oreiller débordante de pièces dans une main et le pot dans l'autre, la plante enroulée autour de son cou comme une écharpe.
Il n'était pas ridicule, même ainsi, mais le tableau formé était savoureux et Zibulinion qui était extrêmement tendu depuis tout à l'heure fut pris d'un fou rire nerveux.
La directrice, elle, parut suffoquée.
– Désolé du délai, tout ce petit monde n'était pas évident à transporter, dit Relhnad.
La directrice se racla la gorge et redevint sereine. Cependant, son excitation était palpable.
– C'est impressionnant.
– Oui, même en tenant compte qu'il a seize ans et non sept comme on l'a traditionnellement quand on reçoit ça, approuva Relhnad tandis que l'oiseau au plumage arc-en-ciel s'envolait  vers l'épaule de l'adolescent.
– Cela ne fait pas ça d'habitude ? osa demander Zibulinion.
– Ce genre de développement ne se produit qu'en cours de 5ème année, moment où se décide la spécialité, répondit le professeur de sorts.
– Et pas pour la plante, les pièces et l'œuf en même temps, précisa la directrice.
– Tu as en toi la capacité d'être une fée des plantes, des bois et des rêves. C'est si rare que certains considèrent que c'est une légende, annonça Relhnad.
– Ne lui montez pas la tête, professeur Relhnad, coupa la directrice.
Zibulinion peinait à croire ce qu'il entendait. Il était impossible qu'il soit si extraordinaire que ça.
– Il n'empêche qu'il peut choisir sa spécialité.
– C'est vrai. C'est nécessaire pour déterminer sa classe. Que souhaitez-vous, Zibulinion ?
L'adolescent n'hésita pas trente secondes :
– Les bois.
Avec ça, il pourrait être avec Folebiol. Enfin, s'il étudiait sérieusement et parvenait contre toute attente à passer directement en 10ème année. C'était délirant, mais grisant.

jeudi 24 octobre 2013

Le garçon fée - 88

Alors qu'il s'attendait à être convoqué à tout instant, Zibulinion ne le fut qu'à la fin des examens, par le biais d'un avion en papier durant le dîner au réfectoire.
« Rendez-vous demain matin à 8 heures devant mon bureau. Signé Relhnad. »
Une fois de plus, aucun raison n'était donnée, mais il n'était pas difficile de deviner pourquoi cette fois.

Le lendemain, dès que Zibulinion arriva, Relhnad, encore plus resplendissant que d'habitude si c'était possible, dans une robe bleu ciel bordée d'argent sur le bas, les manches et le cil, ses cheveux d'or ruisselant sur ses épaules, lui demanda de le suivre, daignant préciser qu'ils se rendaient chez la directrice.
Zibulinion, sans comprendre pourquoi la convocation n'émanait pas d'elle à la base, ne fut pas fâché d'être accompagné.
La secrétaire de la directrice minauda quelques minutes avec Relhnad avant de les introduire dans le bureau à l'éblouissante décoration.
– Fais-moi voir ta fameuse illusion et ensuite montre-moi ta baguette.
Pas un bonjour, pas un sourire, rien. Zibulinion obéit néanmoins à l'ordre de la directrice dont la robe scintillait de milles feux.
Puisant du courage dans la présence du professeur de sorts, Zibulinion, en dépit de sa nervosité, parvint à activer son illusoire apparence de fée blonde.
La directrice resta impassible. En revanche, quand Zibulinion lui donna sa baguette, sa bouche s'arrondit dans un eau parfait et ses yeux se mirent à briller.
– Vous ne m'aviez pas précisé professeur Relhnad ce qu'il avait fait à sa baguette.
– En effet, mais je n'avais vu que le début de la métamorphose. Et cela me semblait impossible. Mais votre réaction me confirme que c'est bien de ça dont il s'agit...
La directrice tourna et retourna le bâtonnet dans laquelle les paillettes tourbillonnaient et finalement le rendit comme à regret à l'adolescent.
– Dissipez l'illusion, ordonna-t-elle.
Zibulinion s'exécuta, angoissé, se demandant où tout cela le conduisait, ne comprenant pas en quoi son sort d'embellissement de baguette était si incroyable que ça.
– Il est doué, n'est-ce pas ? déclara Relhnad.
– Oui, vous aviez raison. Je n'ai cependant jamais mis votre parole en doute. Mais j'ai préféré prendre le soin d'interroger vos collègues avant d'organiser cette entrevue.
– Ils ont dû remarquer son potentiel.
– Certains, oui, d'autres non, Zibulinion ayant séché leurs cours. Enfin, du moins le croyais-je. Une petite enquête m'a prouvé que non, que c'était eux qui l'avaient refusé. Je vous dois d'ailleurs des excuses à ce propos, Zibulinion, même s'il est évident que vous auriez dû venir vous en plaindre au lieu que votre absence de résultats dans ses matières ne me révèle un problème.
– Tu aurais aussi pu reporter le souci à ton chef de dortoir ou à un professeur, glissa Relhnad.
Zibulinion garda silence parce qu'il ne pouvait pas leur expliquer à quel point c'était embarrassant d'être rejeté pour son physique.

mercredi 23 octobre 2013

Le garçon fée - 87

Afin de maîtriser parfaitement son illusion et n'ayant pas oublié la mise en garde de Relhnad sur les risques que son illusion ne passe pas le test du toucher, Zibulinion décida d'étudier pour la rendre en quelque sorte tangible. Folebiol ne devait pas deviner que c'était son ami Zibulinion avec lequel il était en train de danser.
Cependant, comme il fallait aussi réviser pour les examens qui auraient lieu pas plus tard que la semaine suivante, il divisa ses efforts, se consacrant le matin avant le petit déjeuner à son illusion et le restant des heures libres de sa journée à ses révisions.
Cela faisait cinq jours qu'il s'entraînait dans les toilettes quand, agacé que cela ne marche pas et que sa main soit toujours aussi large et ses doigts toujours aussi épais au toucher en dépit de son illusoire apparence féminine, il gagna la bibliothèque pour consulter à nouveau le livre sur les illusions dans lequel il avait cru trouver son bonheur. Avait-il mal recopié le sort ?
Zibulinion compara ce qu'il avait écrit avec ce qui était imprimé dans le livre. C'était pareil. Il soupira. Peut-être qu'il avait mal prononcé ? Il matérialisa sa baguette pour recommencer et Relhnad apparut comme sorti du néant.
– Bonjour monsieur, murmura Zibulinion, se rendant compte que dans son impatience à réussir - le bal approchait - il avait manqué de prudence.
– Bonjour. Tu veux bien me montrer ta baguette ?
Zibulinion serra fort le bâtonnet de verre dans sa main jusqu'à ce que ses phalanges blanchissent. Relhnad allait-il le reconnaître ? Depuis la dernière fois, sa baguette avait changé, s'étant enrichie de multiples nouvelles paillettes qui flottaient dans son corps de verre. Cependant, ce n'était pas une grosse différence comparée à sa métamorphose originelle.
Il secoua la tête et en deux mots magiques, la fit disparaître.
– Cela a le mérite d'être clair. Tu sais, je suis revenu plusieurs fois à cette heure matinale parce que je voulais absolument percer ton illusion, non en t'en dépouillant, mais en voyant à travers... Sauf que futé que tu étais, tu ne te montrais plus. La prochaine fois, pense à inclure ta baguette dans ton illusion, Zibulinion. En attendant, toutes mes félicitations.
Relhnad ne semblait pas vraiment surpris et aucunement réprobateur que ce soit Zibulinion qui se cache derrière l'illusion de la fée blonde aux yeux noisettes.
L'adolescent baissa la tête. Il regrettait que son secret n'en soit plus un. Sans doute ne pourrait-il pas danser dans les bras de Folebiol...
Relhnad reprit :
– Je m'étais douté de ton potentiel le jour où je t'ai obligé à utiliser tes pouvoirs en t'insufflant les miens. J'ai supposé que tu pratiquais de la magie bien au-delà de celle que tu apprenais en 1ère année en examinant ta baguette. Maintenant, j'en ai la confirmation. Je vais parler à la directrice. Tu n'as rien à faire en 1ère année, ni en 2ème ou en 3ème d'ailleurs...
C'était positif, mais Zibulinion avait gardé un mauvais souvenir de son passage dans le bureau de la directrice. Il l'imaginait bien refuser de croire Relhnad. Ce qui était peut-être aussi bien... Zibulinion se sentait perdu.
– On se revoit en cours tout à l'heure, ajouta le professeur avec un sourire et il disparut d'un seul coup de baguette.

mardi 22 octobre 2013

Le garçon fée - 86

Après cette rencontre, Zibulinion n'osa plus retourner dans la bibliothèque le matin très tôt, même sans illusion, craignant trop de recroiser le professeur de sorts et d'être soumis à de nouvelles questions ; et il préféra traîner dans les couloirs.
Il renonça au confort de son illusoire apparence en tant que Noinilubiza pendant la plus grande partie du mois de janvier, avant de se dire qu'il n'y avait quand même pas grands risques qu'il retombe sur Relhnad et de recommencer à se cacher dessous.

Début février, en dépit des examens finaux qui s'approchaient, l'ambiance de l'école se fit moins sérieuse. Il faut dire que  pour marquer la fin de l'année scolaire se tenaient trois évènements : une chasse aux trésors pour les 1ère, 2ème, 3ème et 4ème année, un banquet pour les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème année et un bal pour les 9ème, 10ème, 11ème année et 12ème année.
Pour le bal, le nombre de garçons étant ridicule par rapport à celui des filles, il y avait un système de listes.
Dans le réfectoire, de grandes feuilles blanches furent affichées, chacune surmontée par le nom d'un garçon écrit en lettres d'or. Les filles qui souhaitaient danser s'inscrivaient dessus, libres de choisir le partenaire de leurs rêves. Les garçons, eux, se voyaient dans l'obligation de faire danser quiconque ayant écrit son nom sur leur feuille. Ils étaient en revanche libres en ce qui concernait la durée de la danse.
Zibulinion constata avec surprise qu'il y en avait une à son nom. Son âge avait dû l'emporter sur son statut de 1ère année, comme pour le dortoir. Un détail de taille n'avait pas été pris en compte : Zibulinion n'avait pas appris à danser. Toutefois, il supposait pouvoir se débrouiller.
Au fur et à mesure des jours, les feuilles blanches se remplirent. Cependant, celle de Zibulinion ne s'orna que de quatre noms. Charboige, en dépit de ses cheveux noirs et de son mauvais caractère, avait été choisi comme partenaire de danse par un joli petit nombre de fées. Pour Neyenje, dès la fin de la première semaine d'affichage, il fallut rajouter des feuilles supplémentaires. Folebiol avait aussi son petit succès. Là où le bât blessait pour lui, c'est que Lavicielle n'avait marqué son nom nulle part.
Devant son chagrin, Zibulinion repensa à usurper l'identité de Lavicielle, mais y renonça. Indépendamment du fait que c'était interdit, et risquait d'entraîner d'affreux quiproquos, cela nécessitait de capturer les traits de la jeune femme et les intonations de sa voix avec une grande exactitude. Même si Zibulinion savait une tonne de choses sur elle à force d'écouter Folebiol lui en parler, cela lui semblait insuffisant pour créer une illusion crédible. En revanche son alter ego féminin Noinilubiza pouvait s'inscrire.
Une fois qu'il aurait fait danser les quatre fées, il s'éclipserait et reviendrait sous l'apparence de la fée blonde aux yeux noisettes et aux ailes translucides afin de tournoyer dans les bras de Folebiol. Une petite tromperie qui ne ferait de mal à personne.

lundi 21 octobre 2013

Le garçon fée - 85

Relhnad descendit d'un coup vers le sol, récupéra le livre et le rendit à Zibulinion qui le remercia dans un murmure.
– Je regrette de t'avoir fait peur.
– Non, c'est bon.
– Tu as du mal à dormir pour être debout si tôt ? Il existe des sorts de sommeil, au besoin...
– J'aime la calme du matin.
Ce n'était pas un mensonge. Indépendamment du fait qu'il préférait éviter Folebiol à moitié dénudé le matin, car cette vue l'excitait et qu'il avait peur que quelqu'un s'en aperçoive, Zibulinion appréciait d'avoir la bibliothèque pour lui seul. Il pouvait rêver que tous ses livres magnifiquement reliés lui appartenaient.
– C'est vrai que c'est agréable.
La conversation aurait dû s'arrêter là, en toute logique, mais Relhnad continua, le transperçant de ses yeux bleus pailletés d'argent :
– Je peux savoir pourquoi tu te caches derrière une illusion ?
Les mots restèrent coincés dans la gorge de Zibulinion, et son première mouvement fut de fuir.
Relhnad l'immobilisa d'un sort et reprit :
– Premier cas de figure : tu n'appartiens pas à l'école. Sauf que normalement, des sorts de protection contre les intrus permettent d'éviter que des personnes étrangères à l'école s'y introduisent. Deuxième cas de figure : tu n'aimes pas ta vraie apparence ou ton âge... ou ton sexe.
Les hypothèses émises par Relhnad prouvaient qu'il ne savait pas qui il était au juste. Zibulinion, son cœur tambourinant dans sa poitrine, se demanda s'il pourrait garder son identité secrète.
– Je suis de l'école. Je ne fais rien de mal.
– C'est vrai qu'il n'y a pas de règle interdisant de se parer d'une illusion. Cependant, ce n'est ni banal ni anodin de faire ça.
– C'est pour m'entraîner.
Quelques semaines plus tôt Zibulinion avait failli tout révéler à Relhnad, mais c'était contraint par les circonstances. Il n'en avait jamais eu vraiment envie.
– Une troisième possibilité à laquelle je n'avais pas songé. Admettons. Simple mise en garde : si tu fais ça pour séduire quelqu'un, il y a de grands risques que la personne s'en rende compte au toucher ou au goût, à moins que tu ne travailles encore ton illusion qui a, je le reconnais, la particularité d'être complètement opaque.
– Merci monsieur, souffla Zibulinion, et constatant qu'il pouvait à nouveau bouger, il s'éloigna en vitesse de peur que Relhnad ne l'interroge davantage.
L'adolescent n'avait l'intention de séduire quiconque avec cette apparence. Sauf que c'est vrai qu'il aurait aimé que Folebiol s'intéresse à lui. Hélas, être une fille ne suffisait pas. Il aurait fallu devenir Lavicielle...

vendredi 18 octobre 2013

Le garçon fée - 84

Pour Noël, Zibulinion reçut un petit sac rempli de poudre des fées, de quoi acheter deux ou trois livres féériques. Il s'en réjouit et s'empressa d'aller faire un tour à la librairie des fées où il resta longtemps devant les rayonnages à hésiter entre différents manuels de sorts. Son âge posa encore problème au moment de l'achat, car l'un des livres qu'il avait fini par choisir contenait des sorts avancés pour des fées ayant déjà terminés leur scolarité. Zibulinion sut négocier l'affaire en prétendant vouloir offrir le bouquin en question et cela fonctionna, la vendeuse ne se donnant pas la peine de vérifier magiquement s'il mentait ou pas.
Entre les soins à sa plante, ses pièces, son oiseau, sa lecture des ouvrages empruntés à la bibliothèque de Valeiage, sa mise au point de son illusion de petite fée, et ces nouveaux livres, Zibulinion n'eut pas le temps de s'ennuyer et pour une fois, il fut même content de ne pas avoir à participer au réveillon des parents de Victor, car comme chaque année depuis que Victor s'était remarié avec sa mère,   le reste de la famille passaient le nouvel an là-bas sans lui. D'habitude, cette exclusion le peinait, même s'il comprenait qu'il n'avait pas vraiment sa place chez les parents de Victor, mais cette année, cela l'arrangeait.
L'un dans l'autre, les vacances furent vite terminées et Zibulinion regagna l'école de Valeiage. Il avait du mal à réaliser que dans six semaines à peine,  sa première année à Valeiage serait achevée. Il s'était passé tellement de choses depuis sa rentrée en mars dernier. Il était tombé amoureux, avait été embrassé pour la première fois, avait appris qu'il était capable de faire de la magie...
Oui, sa première année serait bientôt terminée. Le souci, c'était que pour passer en deuxième année, c'était mal parti.
Cependant, maintenant qu'il avait achevé son illusion de fée de sept ans, il avait au moins une petite chance.

Dès le lendemain de la rentrée des classes, le mardi, Zibulinion, une fois le cours de littérature achevé, partit se parer de son illusion de petite fée, altéra sa voix et se rendit en cours de musique, espérant passer inaperçu. Il put se joindre au chœur sans craindre d'en briser l'harmonie et à aucun moment la professeur de musique ne vint lui demander ce qu'il faisait là. Zibulinion savoura sa victoire, dissipa l'illusion aux toilettes et gagna le réfectoire pour manger avec Zurmmiel et Joathilde. La petite fille lui parla aussitôt de la « nouvelle » et Zibulinion réalisa qu'il avait été naïf en pensant que son illusion lui permettrait de s'incruster en salle de classe.
Les professeurs ne remarqueraient peut-être rien, mais les élèves, eux, oui. Pas forcément tout de suite, bien sûr - Zurmmiel, lui, n'avait pas prêté attention à la « nouvelle » mais il finirait pas être repéré.
Cela amena Zibulinion à réfléchir que même s'il parvenait à participer aux examens sous cet aspect de fillette, les professeurs n'allaient pas gentiment noter une copie au nom de Zibulinion alors qu'ils refusaient qu'il assiste à leurs cours.
Obnubilé par la maîtrise du sort d'illusion, il en avait oublié de songer concrètement à comment cela se passerait s'il parvenait à ses fins. Et la conclusion, c'est qu'il avait fait tout ça pour rien, tout ses efforts en pure perte ! Il ne restait que la satisfaction d'avoir réussi à créer des illusions parfaites et le plaisir de pouvoir se fondre dans la masse des jolies fées, petites ou grandes.

Le lendemain matin, à l'aube, Zibulinion toujours atterré par sa propre bêtise, se para quand même de l'illusion de fée adolescente blonde aux yeux noisettes avant de se rendre à la bibliothèque - une façon comme une autre de ne plus être tout à fait lui-même et de ne plus penser aux problèmes liés à sa véritable apparence.
Il venait de prendre un livre sur les végétaux, et se dirigeait vers une table de travail, quand il eut la surprise de voir le professeur de sorts qui volait devant une étagère, faisant du sur-place pour regarder les livres situés tout en haut.
C'était si inattendu que Zibulinion lâcha le bouquin qu'il tenait. Celui-ci tomba sur le plancher avec un bruit mat qui brisa le silence de la bibliothèque déserte à cette heure.

jeudi 17 octobre 2013

Le garçon fée - 83

Avant les vacances d'hiver, vers la fin décembre, il n'y avait pas d'examens afin que tout le monde puisse profiter des fêtes de fin d'année en toute tranquillité.
Dans le bus qui les ramenait chez eux, Zurmmiel se plaignit que son anniversaire ne soit jamais proprement fêté parce que c'était le jour de Noël.
Zibulinion tiqua. Les deux parents du petit garçon étaient des fées, il l'avait vu de ses propres yeux. Cela signifiait que sa mère lui avait menti sur les anniversaires. Une coutume humaine, hein... Quel idiot il avait été ! Sa mère ne considérait pas que sa naissance méritait d'être souhaitée. Il le savait déjà pourtant. Il ne répondait pas à ses attentes. Elle l'aurait voulu plus beau, plus doué. Quant à son père... Si sa mère ne lui avait pas raconté n'importe quoi, il ne croyait même pas que Zibulinion soit son fils, sûrement parce que lui aussi avait été déçu dès l'instant où il l'avait vu...
– Ce n'est pas pire que moi qui suis né le 1er janvier ! Au fait, Zibulinion, c'est quand ton anniversaire, toi ? demanda Folebiol.
– En octobre.
– Mais pourquoi t'as rien dit avant et pourquoi tu n'as pas organisé de fêtes durant les vacances d'automne ? attaqua Zurmmiel.
Zibulinion pâlit.
– Ma mère... Elle n'est pas trop anniversaire, dit-il, puis il s'efforça de changer de sujet parce que cela lui faisait mal.

En rentrant chez lui, le cœur gros, Zibulinion pensait que comme toutes les fois précédentes, il ne verrait personne avant le lendemain matin.
Il sursauta donc quand Alysielle poussa la porte de sa chambre.
– Bonsoir. Je voulais te féliciter. On dirait que tu feras une très bonne fée des plantes, dit-elle en montrant les feuilles qui montaient jusqu'au plafond.
Zibulinion fut surpris qu'elle l'ait vue. Elle ne rentrait presque jamais dans sa chambre. Souvent elle envoyait un de ses papillons pour le chercher et point barre. Autrement, elle la nettoyait magiquement sans y mettre les pieds.
– Merci...
L'adolescent ne savait pas quoi dire d'autre. Devant le compliment de sa mère, il se voyait mal la confronter au sujet des anniversaires. Sûrement, s'il continuait à faire des efforts, sa mère finirait peut-être par considérer que son jour de naissance méritait une petite célébration...
– Je ne suis pas du genre à venir mettre mon nez dans tes affaires, mais j'ai entendu des bruits bizarres avant hier et je me suis permise d'entrer, c'est là que j'ai remarqué ta plante.
En dépit de l'absence de soins, cette dernière n'avait pas bougé et était toujours aussi haute et verte. Quant au bruit, cela devait être le drôle d'oiseau...
– Et toi, c'est quoi...
Zibulinin s'interrompit. Il n'avait pas réussi à deviner la spécialité de sa mère, ne reconnaissant chez elle aucunes des caractéristiques des trois et n'avait jamais osé lui poser la question avant. C'était l'occasion, mais il hésitait encore.
Alysielle s'énerva :
– Eh bien quoi ? Termine ta question, gros bêta !
Zibulinion se jeta à l'eau :
– Je me demandais quelle était ta spécialité à toi ?
– Les rêves ! Mais je trouve que cela ne me correspond pas. J'aurais préféré les bois. Hélas, le choix ne nous appartient pas. Bref, il est tard. Bonne nuit !

mercredi 16 octobre 2013

Le garçon fée - 82

La serre était située au rez-de chaussé, au bout d'un fort long couloir carrelé. Une fée se tenait devant la pièce toute en verre où l'on apercevait des plantes de toutes les couleurs. Elle ne les autorisa à entrer qu'une fois que Waltharan eut expliqué que sa mère l'avait envoyé chercher une feuille d'onstulus. Il fallait croire qu'être le fils de la professeur de flore avait ses avantages.
Une fois à l'intérieur, Zibulinion murmura :
– On a pas vraiment le droit d'être ici...
– Non, mais j'y ai mes entrées. Ma mère m'a même donné la clef. Je n'en abuse pas, mais cela me fait un bien fou d'être entouré de végétaux.
A mesure qu'ils se promenaient dans les allées de la serre, Waltharan saluait les plantes. Certaines réagissaient en fleurissant.
Soudain, l'une d'elle tendit une de ses branches et une des larges feuilles vint se glisser dans la main de Zibulinion qui sursauta.
– Pour une fée des bois, tu sembles plaire aux plantes.
– Vraiment ?
C'était peut-être sa véritable spécialité, songea Zibulinion.
– Oui, tu dois faire partie de ces fées chanceuses qui oscillent entre deux et sont libres de choisir selon leur goût.
Zibulinion avait lu que c'était peu fréquent, mais que cela pouvait arriver. Il secoua la tête, car il ne croyait pas être dans ce cas-là.
– Tu as plus de succès que moi, plaisanta-t-il.
– Normal. Ma grand-mère est une dryade. C'est pour cela que c'est si fort chez moi. Toutes mes sœurs sont également des fées des plantes.
– Merci de m'avoir fait entrer dans la serre.
– Tout le plaisir est pour moi. Tu te sens mieux ?
Zibulinion hocha la tête. C'était apaisant d'être au milieu de cette végétation luxuriante et sympathique de découvrir un autre Waltharan. Cependant, comme Zibulinion craignait de finir par trahir son identité, il dit qu'il avait à faire.
Après que Waltharan ait ramassé une feuille d'onstulus par terre, ils quittèrent la serre et se séparèrent.
– A la prochaine ! lança Waltharan derrière le dos de Zibulinion.

Après cette nouvelle rencontre, Waltharan aborda plusieurs fois « Noinilubiza » à la bibliothèque, le plus souvent se contentant d'étudier à la même table que lui, enfin « elle », échangeant parfois quelques mots, l'interrogeant entre autres sur ses goûts. Zibulinion jouait le jeu, se sentant parfois un brin coupable de tromper Waltharan ainsi, tout en étant fasciné de voir qu'en tant que « Noinilubiza », il devenait plus proche de Waltharan que sous sa véritable identité.
En revanche, Dame Nature soit louée, sous son apparence de fille,  il n'avait pas recroisé le chemin de Charboige après l'affaire dans les toilettes. Il faut dire que depuis, il évitait celles de cet étage-là, quitte à perdre du temps.

mardi 15 octobre 2013

Le garçon fée - 81

Zibulinion écarquilla les yeux. Charboige s'approcha de lui. Zibulinion recula d'un pas, et contournant le fée brun, sortit en toute hâte des toilettes. Charboige n'était pas net. En même temps, il semblait tout à fait crédible que certaines fées lui crachent dessus en public, et cherchent ses faveurs en privé... Mais franchement, brun ou pas, il avait un sale caractère.
Zibulinion se réfugia à la bibliothèque où Waltharan encerclé par trois fées en 8ème année, se précipita vers lui.
– Ah ! Tu es arrivée ! Comme prévu, tu m'aides pour mon devoir ?
Zibulinion comprit de suite que Waltharan voulait se débarrasser de ses « accompagnatrices » et acquiesça. Son appartenance en 12ème année, n'étant que le fruit de son illusion, il serait bien incapable de lui donner un coup de main, mais il pouvait lui servir de prétexte...
Ils s'installèrent à une table l'un à côté de l'autre tandis que les trois fées, déçues, les regardaient de loin.
– Merci, murmura Waltharan.
– De rien, mais ne compte pas sur moi pour ton devoir parce que j'ai des choses à lire.
– Oui, pas de soucis. C'est naturel. Alors, comment tu t'appelles ? Moi, c'est Waltharan.
Zibulinion avait eu le temps de songer à une réponse. Son vrai prénom à l'envers, plus un « a » très féminin...
– Noinilubiza.
– Enchanté, dit Waltharan, puis il fit apparaître de quoi écrire et un polycopié, et se plongea dans une intense réflexion, tortillant pensivement son unique mèche blanche autour de son index.
Zibulinion savait qu'il aurait dû se lever pour prendre un livre, mais l'incident dans les toilettes se rejouait sans arrêt dans son esprit, surtout la fin avec un Charboige amer, plein de mépris, prêt à l'embrasser pour payer la dette qu'il croyait avoir envers lui, enfin « elle. »
Au bout de quelques minutes, Waltharan, leva la tête vers lui et demanda ce qui n'allait pas. Comme Zibulinion ne se résolvait pas à lui répondre, Waltharan suggéra qu'ils se rendent à la serre de l'école. Lui, cela l'apaisait toujours quand il avait du vague à l'âme.
Zubilinion ne l'avait jamais vue. Il la croyait inaccessible aux élèves. Ayant définitivement besoin de se changer les idées, il accepta.
En chemin, Waltharan l'interrogea sur sa spécialité.
Encore une colle pour Zibulinion qui commençait à comprendre que se cacher derrière une illusion, cela revenait à créer une personne à part entière et pas seulement une apparence.
– Fée des bois, répondit-il.
C'est ce qu'il souhaitait être, parce qu'ainsi, il aurait le sentiment d'être plus proche de Folebiol.
– Quant à moi... Notre destination a dû te permettre de deviner ma spécialité.

lundi 14 octobre 2013

Le garçon fée - 80

A la mi-novembre, quarante fées dont Neyenje partirent à l'école des sorciers. Folebiol n'avait pas été sélectionné et en éprouvait une certaine déception, Charboige aussi vu sa férocité envers Zibulinion. C'est vrai que vu ses excellents résultats, cela semblait injuste... Waltharan non plus ne faisait pas parti des élus, sauf que lui s'en moquait. Une de ses sœurs qui y avaient été, quatre ans auparavant, lui avait raconté son séjour là-bas et à l'entendre, c'était cauchemardesque. Les sorcières et sorciers n'étaient peut-être pas laids comme des poux, en revanche ils étaient aussi mal aimables que des portes de prison. L'école elle-même se posait là comme manoir hanté avec des murs en pierre grises et nues à l'extérieur comme à l'intérieur, un sol noir et poussiéreux, des toiles d'araignées partout et des crapauds dans tous les coins.
Durant cette période, Zibulinion commença à s'entraîner à créer une illusion de fillette. Comme il faisait trop froid pour se rendre dans les bois, il passait beaucoup de temps enfermé aux toilettes pour ses tests, ce qui n'était pas très amusant, même si tout était toujours étincelant de propreté.
Durant un après-midi pluvieux et venteux, alors qu'il s'y trouvait, se débattant pour faire disparaître une partie de son corps, il entendit des fées se mettre à râler.
– Dégage, fausse fée !
– Va ailleurs !
– J'ai le droit de pisser où je veux, riposta une voix masculine.
– Tu es dégoûtant avec tes cheveux noirs ! Mêmes les mots que tu utilises sont dégueulasses !!
– Et puis quoi encore, ce ne sont que des besoins naturels... C'est vous les sales blondasses !
C'était Charboige, réalisa Zibulinion.
– Tu le prends comme ça, très bien...
– Tant pis pour toi !
La joute verbale dégénérait. Zibulinion mit la main sur le loquet, le souleva, prêt à intervenir quand il se dit qu'il aurait plus d'impact sous son illusion féminine. Sinon, il risquait juste d'être pris également pour cible. Il se dépêcha de l'activer ainsi que le sort d'altération de voix tandis que de l'autre côté de la porte, les deux fées usaient également leur magie. Il y eut un cri étouffé et un bruit de chasse d'eau.
– Ça t'apprendra !
Zibulinion sortit et les interpella. Les deux fées, en neuvième année à en croire la couleur de leur robe, qui se tenaient devant la porte ouverte d'une cabinet, préférèrent prendre la fuite. Elles devaient savoir qu'elles avaient été trop loin.
Charboige qui avait la tête dans les toilettes, se redressa, le visage ruisselant, les épaules trempées. Une grande colère pouvait lire sur son visage.
Zibulinion se dit que le sort de nettoyage pouvait aussi servir dans ces cas-là et il l'exécuta.
Charboige fut surprit et marmonna un merci sans se départir de son air sombre.
– Ça va ? demanda Zibulinion.
L'adolescent avait presque pitié de Charboige, tout en étant pas complètement fâché de son malheur. C'est parce qu'il avait jeté de l'huile sur le feu que cela avait dérapé.
– Ouais. Je ne sais pas comment j'ai pu me faire avoir par un stupide foulard magique. Un bête bâillon ! Il n'y aura pas de prochaine fois, ça je le garantis !
– Tu aurais pu éviter ça, si tu...
– Si rien du tout ! Hors de question que je m'écrase devant ses imbéciles ! Je suis fier de mes cheveux bruns ! Toi, tu as une crinière jaune comme les autres, sans saveur ! Vous vous ressemblez toutes !
S'il avait su... Zibulinion ne put retenir un sourire amusé.
Charboige reprit, narquois :
– Alors, comment veux-tu être remerciée ? Par un baiser ou plus ? A l'abri des regards indiscrets, en tout les cas, je parie, parce que cela te ferait mal d'être vue avec moi, n'est-ce pas ?

vendredi 11 octobre 2013

Le garçon fée - 79

– Désolé, monsieur. Zurmmiel a été étonné parce que j'ai une nouvelle baguette.
Relhnad demanda à la voir. Zibulinion hésita, craignant que le professeur devine que sa baguette était toujours la même, puis la tendit. Relhnad la fit tourner dans sa main albâtre et la reposa sans mot dire sur la table de l'adolescent. Il conseilla à tous les élèves de s'habituer aux changements de baguettes qui étaient plus que normal vu leurs âges : leurs goûts allaient évoluer avec le temps, les poussant vers d'autres décorations et leurs premiers bâtonnets s'user. Après quoi, il reprit le fil de son cours. 


Zibulinion pendant deux jours à l'heure du dîner s'attendit à recevoir une convocation de Relhnad qui ne vint pas. A priori, le professeur de sorts n'avait rien vu dans la baguette de Zibulinion qui vaille la peine d'en discuter.
Zurmmiel et Joathilde se montrèrent en revanche curieux, voulant savoir quand et comment l'adolescent se l'était procurée. L'adolescent mentit et raconta l'avoir acheté durant les dernières vacances sans avoir osé s'en servir jusque là. Les deux enfants le crurent et admirèrent sa nouvelle baguette.
Après coup, Zibulinion regretta de ne pas leur avoir dit la vérité. Il craignait en parlant, finir par trahir son autre secret.
Il n'avait pas encore repris son illusoire apparence féminine depuis qu'il avait peiné à la dissiper, mais il avait envie de recommencer, car c'était agréable de ne pas attirer l'attention. 

Durant le week-end, il retenta. Cette fois, il n'y eut pas l'ombre d'un souci et Zibulinion passa de plus en plus de temps caché son sous illusion de jolie fée blonde.
Même le matin, quand il se levait aurores pour éviter de dévorer Folebiol des yeux quand il s'habillait, Zibulinion prit l'habitude d'activer le sort d'illusion.


Un après-midi, il faisait tranquillement ses devoirs quand des éclats de voix lui firent lever la tête.
C'était Waltharan. Une fée ravissante était accrochée à son bras, battant des cils, une autre, tout aussi adorable était collée à lui.
– Lâchez-moi à la fin ! Étudier en paix, c'est trop demandé ?!
– Tu es si cool quand tu te mets en colère...
Zibulinion baissa les yeux vers son livre, puis comme Waltharan ne se dépêtrait pas des deux filles qui semblaient sourdes à son besoin de calme, il lança :
– Vous dérangez avec votre boucan ! Si vous ne voulez pas travailler, allez ailleurs.
Les deux fées piquées au vif, délaissèrent Waltharan pour venir dire ses quatre vérités à Zibulinion.
– C'est pas parce que tu es une fée de 12ème année que tu as le droit de faire la loi !
L'adolescent se dit qu'il aurait sans doute mieux fait de ne pas s'emmêler. Voyant que Waltharan qui s'éclipsait, il supporta les reproches des deux fées pendant quelques minutes pour finir par leur donner raison, ce qui les coupa dans leur diatribe. Elles se rengorgèrent, fières de l'avoir emporté sur « l'enquiquineuse », avant de constater la disparition de Waltharan.


Quelques jours plus tard, Zibulinion, toujours sous son apparence de fée blonde, sentit qu'il était regardé. Craignant que son secret n'ait été percé à jour, il chercha à repérer qui l'observait et découvrit que Waltharan était assis juste en face de lui.
Zibulinion replongea aussi sec dans son livre, se rassurant : il n'y avait pas de raison que l'adolescent se soit rendu compte de quoique ce soit. Et pourtant, l'intensité avec laquelle il le regardait empêchait Zibulinion de se concentrer sur ce qu'il lisait.
Il envisageait de changer de place quand Waltharan lui adressa la parole:
– Je crois que je t'avais mal jugée la première fois. Tu avais peut-être une bonne raison d'attendre devant notre dortoir. Tu as un frère qui y réside peut-être ? Oh et merci pour l'autre fois, tu m'as sauvé de deux pots de colle.
– De rien, elles m'empêchaient de lire.
– Moi aussi, désolé... Tu es tellement concentrée que c'est impressionnant. Tu as mis un moment à te rendre compte que j'étais là. Tu t'appelles comment ?
Zibulinion qui n'avait pas réfléchi à un nom pour son illusion féminine fut bien embêté.
– Quelle importance ? répliqua-t-il pour gagner du temps.
– Tu m'en veux de t'avoir crié dessus la première fois qu'on s'est rencontré ?
– Euh... Non.
– De te déranger dans ta lecture, alors ? J'espère que tu me diras ton nom la prochaine fois qu'on se verra, dit Waltharan en se levant de sa chaise.
Zibulinion ne répondit rien. La situation était très étrange. C'était bizarre de refaire connaissance avec Waltharan comme s'il était une autre personne.

jeudi 10 octobre 2013

Le garçon fée - 78

Zibulinion décida que puisqu'il avait été capable de créer une illusion si géniale qu'elle trompait même le professeur de sorts, il devait être à même de s'en débarrasser. Il retourna dans les toilettes, s'aspergea le visage d'eau, inspira à fond, expira, et prononça les mots pour rompre l'illusion le plus distinctement possible, le cœur battant à cent à l'heure. Enfin, cela fonctionna.
La tension de Zibulinion retomba d'un coup, le laissant épuisé comme s'il avait couru un marathon. Il gagna le dortoir où tout le monde dormait.
Mais son absence avait été remarquée. Le lendemain matin, Folebiol lui demanda ce qui lui était arrivé, ce qui fit plaisir à Zibulinion qui prétendit avoir oublié l'heure à la bibliothèque.
Juycylli le punit :
– Tu as dépassé le couvre-feu sans raison valable. Comme lire est un plaisir pour toi, je t'interdis d'ouvrir un livre pendant trois jours, sauf en cours.
Zibulinion aurait pu tricher et lire sous son apparence féminine, mais il éprouvait le besoin de faire une pause avec ça après ses difficultés de la veille et en profita pour pratiquer les sorts qu'il connaissait par cœur.
Comme il pleuvait des cordes dehors, Zibulinion s'entraînait gentiment dans un couloir désert quand sa baguette lui brûla la paume de la main.
Surpris, il la lâcha et elle roula sur le sol. Son bout tordu se redressa. Elle parut se vider de l'intérieur et le marron cuivré finit par disparaître. Le bâtonnet s'était métamorphosé en verre. Zibulinion, les yeux écarquillés, se baissa pour récupérer la baguette qui avait repris sa température normale, mais ne ressemblait plus du tout à celle qu'il avait acheté.
Zibulinion s'empressa de l'utiliser pour effectuer un nouveau sort. Une fleur apparut sans problème. La baguette marchait toujours. Son sort d'embellissement devait être responsable du changement. Il avait fonctionné avec un temps de retard, voilà tout. Zibulinion s'en réjouit et reprit son entraînement.
Au bout de cinq sorts, il constata que quelques paillettes d'argent flottaient désormais à l'intérieur du bâtonnet de verre : la mutation de sa baguette n'était à priori pas terminée et était probablement à l'origine de son incapacité temporaire à se défaire de son illusoire apparence la veille.


Jeudi, en cours de sorts, Zurmmiel qui était assis à côté de l'adolescent poussa une exclamation de surprise quand il vit la baguette de Zibulinion.
Relhnad qui était en train d'expliquer l'exécution d'un nouveau sort, se tut et s'approcha de leur table.
– Que se passe-t-il ? Vous ne comprenez pas ce qui est dit ?
Son ton était aimable, mais quelque chose dans sa posture permit à Zibulinion de deviner que Relhnad était agacé.
Avant de l'avoir vu excédé quelques jours auparavant, il aurait cru se faire des idées, mais maintenant il commençait à se rendre compte que si Relhnad était merveilleusement beau et extraordinairement gentil, il n'en restait pas moins un fée comme les autres avec ses moments d'énervements et de découragements.

mercredi 9 octobre 2013

Le garçon fée - 77

Neyenje embrassa les deux jeunes filles l'une après l'autre sur la bouche et leur souhaita bonne nuit.
Zibulinion posa brièvement le bout des doigts sur ses propres lèvres. Il avait oublié que Neyenje distribuait les baisers facilement, que cela ne représentait pas grand chose pour lui... Il avait été vraiment bête de se sentir un tant soi peu spécial parce que Neyenje l'avait embrassé.
Neyenje lui adressa un beau sourire.
– Tu m'attendais ?
Sans se soucier de la réponse, Neyenje se pencha et gratifia Zibulinion d'un très léger baiser avant d'ajouter :
– Maintenant, il est l'heure d'aller se coucher. Dépêche-toi de gagner ton lit avant d'avoir des ennuis.
Zibulinion voulut le retenir, mais Neyenje avait déjà disparu dans le dortoir. Zibulinion réalisa alors qu'il avait compté sur le jeune homme pour le sortir du pétrin, excepté que ce joli cœur ne lui en avait pas laissé le temps. Lui non plus n'avait pas compris que la fée blonde aux yeux noisettes n'était qu'une illusion derrière laquelle se cachait Zibulinion et ce, alors même qu'il l'avait embrassé !! Il était d'ailleurs culotté de faire ça sans même être certain que la fille était là pour lui et pour ça !
Zibulinion secoua la tête. Cela ne servait à rien qu'il reste traîner là. Aller à l'infirmerie ? C'était la fin de son secret et puis, à quoi bon ? La dernière fois qu'il avait eu un souci, l'infirmière n'avait rien pu faire. Celui qui l'avait guéri, c'était Relhnad. Bien sûr ! C'était lui qu'il fallait consulter. A coup sûr, il saurait briser l'illusion. L'adolescent fila en direction du bureau du professeur de sorts.
Une fois devant, il se dit qu'à cette heure tardive, il ne devait plus y être, mais après avoir essayé une dernière fois de mettre fin à l'illusion sans soucis de se cacher, il toqua quand même, n'ayant rien à perdre.
La porte s'ouvrit sur un Relhnad toujours aussi beau, mais aux traits tirés qui déclara d'une voix lasse :
– Vous me pistez jusqu'à mon bureau, maintenant...
C'était comme un écho à Waltharan.
– Je... commença Zibulinion, prêt à exposer son problème.
– Tu devrais être à ton dortoir. Ce n'est plus l'heure de poser des questions dont la réponse ne t'intéresse pas ni de me jeter des sorts pour me séduire.
Relhnad matérialisa sa baguette, la fit tourner et Zibulinion se retrouva devant ce qui ressemblait fort à l'aile de l'école où se trouvaient les dortoirs des filles. Relhnad l'avait magiquement téléporté, comprit l'adolescent vaguement nauséeux à cause du brutal déplacement. Il s'était débarrassé d'« elle » avec efficacité. C'était là un nouveau visage du professeur de sorts, un Relhnad excédé par ses élèves qui le poursuivaient de leurs assiduités. Être trop beau avait peut-être aussi des inconvénients. Zibulinion n'y avait jamais réfléchi. Tout cela ne résolvait hélas pas son problème. En tout les cas, Relhnad n'avait à priori pas vu à travers son illusion qui décidément était sans faille. En même temps, il l'avait expédié si vite ailleurs...

mardi 8 octobre 2013

Le garçon fée - 76

Après un travail de recherches, Zibulinion opta pour un sort d'altération de voix moins coûteux en énergie magique et beaucoup moins compliqué qu'une voix illusoire.
Son objectif atteint, Zibulinion repartit en quête d'une manière d'embellir sa baguette magique. Comme il ne trouvait rien qui ne le satisfaisait vraiment dans les manuels de décorations de baguettes, il mit le nez dans d'autres livres jusqu'à tomber sur un bouquin de plusieurs siècles qui lui donna l'idée de combiner différents sorts.
Ensuite, à l'abri des regards, dans les bois, malgré la pluie, il lança le sort qu'il avait mis au point sur sa baguette. Un halo orangé entoura le bâtonnet marron cuivré, vira au jaune, au marron, puis au violet avant de s'éteindre sans que la baguette n'ait changé d'un poil. Zibulinion, déçu, prit son apparence de fille et rentra à l'école pour consulter de nouveaux livres sur les baguettes.
Il y était toujours quand la cloche du dîner sonna. Zibulinion fila dans les toilettes mixtes. Seulement, une fois enfermé au cabinet, il ne put rompre le sort d'illusion. Il essaya avec et sans sa baguette. Rien ne fonctionnait. Il commença à paniquer. S'il avait dépensé tout son énergie magique pour la journée, l'illusion n'aurait-elle pas dû se dissiper d'elle-même ? Avec son sort expérimental sur sa baguette avait-il commis une grosse bêtise ? Zibulinion, de plus en plus angoissé, s'efforça encore et encore de briser l'illusion.
Comme il n'y arrivait pas et qu'il étouffait coincé entre les quatre murs du cabinet, il ressortit. Il avait raté le repas, ce qui n'avait rien de dramatique vu qu'il avait l'appétit coupé par l'angoisse. C'était à présent l'heure de regagner le dortoir, sauf qu'il n'avait pas sa place dans celui des garçons tant qu'il était parée de son illusoire féminine et qu'il doutait pouvoir entrer dans celui des filles où de toute façon aucun lit ne l'attendait.
Les pas de Zibulinion le portèrent malgré tout à son dortoir. Il ne savait pas où aller, ni que faire. Quelques filles rôdaient également, rendant la présence de Zibulinion sous son apparence féminine moins incongrue. Hélas à mesure que les garçons regagnaient leur dortoir, le nombre de filles s'amenuisait.
Le cœur de Zibulinion cogna plus fort dans sa poitrine à mesure que Folebiol se rapprochait en compagnie des quatre autres garçons de leurs âges. Zibulinion se prit à espérer qu'il le remarque, qu'il trouve qu'« elle » était ravissante, ou qu'il le reconnaisse, mais Folebiol ne lui accorda même pas un regard et, même si c'était idiot, Zibulinion en conçut une grande tristesse.
Finalement, il n'y eut plus que lui, la fausse fille, devant le dortoir des garçons. Waltharan en le voyant s'écria :
– C'est pas possible, ça ! Même à cette heure-ci, vous êtes toujours à l'affût ! Il faudrait songer à trouver d'autres centres d'intérêts que la chasse aux garçons !
Son éclat surprit Zibulinion qui était en train de se creuser la cervelle pour trouver une solution. Il savait que Waltharan n'appréciait pas que les filles lui courent après, car il ne l'avait jamais caché, y compris à ces dernières qui ne se décourageaient pas. Pas toutes, en tout cas.
– Je ne suis pas là pour... protesta Zibulinion.
– C'est ça, et moi, je suis le roi des anges ! jeta Waltharan avant de s'engouffrer dans le dortoir.
Lui aussi, il n'y avait vu que du feu. Il n'avait pas reconnu Zibulinion, ce qui confirmait à l'adolescent que l'illusion féminine qu'il avait créée, était parfaite. Le problème, c'est qu'il aurait aimé qu'elle cesse de l'envelopper à présent...
Neyenje, une fée à chaque bras, apparut. Cela devrait être bientôt l'heure de l'extinction des lampes.

lundi 7 octobre 2013

Le garçon fée - 75

Les premières tentatives de Zibulinion échouèrent complètement, les suivantes se révélèrent catastrophiques : ses illusions ne ressemblaient à rien d'humain.
Malgré le temps qui fraîchissait, Zibulinion passait des heures dans la forêt à essayer. Cependant, avant les examens d'automne, il délaissa à contrecœur les sorts d'illusions pour réviser ses cours de deuxième année. Si ses tentatives n'aboutissaient pas, il valait quand même mieux qu'il ait de bonnes notes aux matières auxquelles il était autorisé à participer et en particulier en sort. Zibulinion ne voulait surtout pas décevoir Relhnad, le professeur sans qui la magie lui serait restée une chose inaccessible. Le cours de sorts était d'ailleurs l'un des rares cours où il se montrait encore attentif même s'il avait du mal à s'ôter de la tête son projet de se créer une apparence illusoire.

Durant les vacances d'automne, Zibulinion ne vit aucun des amis fées, même pas en rêve. Neyenje semblait avoir renoncé pour de bon, ce qui soulageait Zibulinion, tout en l'attristant un peu. Tania avait été déçu que l'adolescent n'ait pas invité d'amis, et avait essayé de faire pression sur Alysielle pour inviter Folebiol avec qui elle avait soit-disant sympathisé. Cependant, Alysielle ne s'était pas laissée circonvenir. Zibulinion n'en avait pas été fâché, car en dépit de son envie de passer du temps avec Folebiol, il ne tenait pas à ce que Tania se l'accapare comme la dernière fois. Elle n'avait que treize ans et Folebiol ne voyait que Lavicielle, mais quand même...
Par ailleurs, Zibulinion était fort occupé entre son apprentissage des sorts d'illusions, et ses soins à sa plante, ses pièces et son oiseau qui, Dame Nature soit louée, n'avaient pas bougé en son absence.
Durant toutes les vacances, Zibulinion, muni de sa liasse de notes et d'un petit miroir ovale acheté dans un magasin on ne peut plus ordinaire, s'escrima sur les sorts d'illusions. Au fur et à mesure de ses efforts, alors qu'il n'avait qu'astiqué un brin les pièces, arrosé la plante et caressé la tête de l'oiseau au plumage arc-en-ciel, le nombre de pièces augmenta, la plante poussa jusqu'à atteindre le plafond pourtant haut de sa chambre et l'oiseau grandit.
L'acharnement de Zibulinion paya la veille de la rentrée des classes quand son miroir lui renvoya le reflet d'une fée aux yeux noisettes en forme d'amandes, au teint laiteux, à la chevelure blonde, au nez mutin, à la bouche rose pâle et aux ailes lisses et translucides.
L'adolescent n'eut plus qu'à la dissiper à l'heure du dîner familial. Durant le repas, son contentement fut remarqué. Victor déclara que décidément l'école des fées plaisait à Zibulinion et que cela avait peut-être été une erreur de ne pas l'y envoyer plus tôt. Alysielle qui n'aimait guère être critiquée, même légèrement, riposta qu'elle n'était pas de cet avis. Zibulinion n'intervint pas dans la dispute, et ne précisa donc pas que ce n'était pas tant l'école qui lui plaisait que la magie en elle-même.

Le lendemain, Zibulinion rayonnait toujours. Dans le bus, Zurmmiel lui en voulut presque : pour lui, reprendre le chemin de l'école n'avait rien d'enthousiasmant. Folebiol aussi avait l'air tout content et si Zibulinion s'imagina un instant que c'était de le voir, il se morigéna vite : c'était la perspective de revoir Lavicielle qui devait réjouir son ami.
Dès qu'il put, Zibulinion se para de son illusion de fée adolescente habillée de l'uniforme vert des 12ème année, puis se promena dans l'école. Personne ne se retourna ou ne le regarda. Il n'était qu'une fée parmi d'autres : un confortable anonymat qui le changeait agréablement. Nul ne semblait se rendre compte que la fée blonde aux yeux noisettes n'était qu'une illusion derrière laquelle se dissimulait Zibulinion. L'adolescent demeura toute le reste de l'après-midi ainsi, ne brisant l'illusion dans les toilettes qui étaient mixtes que pour aller dîner au réfectoire.
Le jour suivant, il recommença. La seule manière  de s'entraîner, c'était de répéter le sort et de maintenir l'illusion. Le mardi, le seul cours où il n'était pas exclu était celui de littérature, aussi étudia-t-il à la bibliothèque sous son illusoire apparence féminine quasiment toute la journée, sans que nul ne s'intéresse à lui. Enfin à « elle. »
Le jeudi, en cours de sorts, Zibulinion se demanda ce que penserait Relhnad de son illusion, s'il le féliciterait ou s'il n'y verrait que du feu.
Le vendredi, une fée le bouscula par mégarde dans le couloir, devant la bibliothèque et s'excusa. Zibulinion s'empressa de dire que ce n'était pas grave et la fée le regarda bizarrement avant de lui conseiller d'aller à l'infirmerie, car sûrement, elle avait pris froid. Cet incident permit à Zibulinion de se rendre compte qu'il lui restait encore un détail de taille à maîtriser pour que l'illusion soit parfaite : sa voix.
Zibulinion s'attela à ce nouveau défi avec philosophie. De toute façon, il ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin, dans le futur, il espérait créer une illusion de petite fée pour assister à tous les cours de première année sans exception.

vendredi 4 octobre 2013

Le garçon fée - 74

Les sorciers repartis, Zibulinion fut si absorbé par ses recherches qu'il en devint distrait en cours. Il avait beau avoir pris de l'avance durant  les vacances d'été, son attitude rêveuse lui valut des remontrances de certains professeurs. Bastopod, le professeur d'histoire menaça de l'exclure à nouveau, la professeur de littérature le fit sortir dans le couloir parce qu'il n'avait pas  réagi quand elle l'avait interrogé et celle de vol qui avait été impressionnée par ses progrès à la rentrée, se fâcha parce qu'il ne suivait pas ses instructions à la lettre.
Zibulinion persista. Il avait réuni une liasse de notes colossale, recoupant des informations de différents livres et se sentait désormais prêt à passer à la pratique. Cependant, avant de se lancer, il aurait aimé acheter un miroir de poche afin de voir si ses tentatives fonctionnaient. Utiliser les glaces de la salle d'eau commune était impensable car personne ne devait savoir ce qu'il trafiquait. N'ayant pas la patience d'attendre les prochaines vacances pour s'en procurer, il se mit en tête de se rendre au village non loin de l'école, et comme il ne savait pas où il était situé exactement, il demanda à Folebiol un après-midi s'il pouvait l'y accompagner.
– C'est presque à une demi-heure de vol, tu sais. Il faut un minimum d'endurance.
– C'est bon, je devrais m'en sortir, je vole beaucoup mieux.
– Qu'est-ce que tu veux faire là-bas ? Cela n'a rien de palpitant : un café, un restaurant, une librairie, un magasin de vêtements, une boutique de décorations pour baguettes et quelques maisons.
– C'est juste comme ça, mentit Zibulinion.
– Je t'avoue que je manque de motivation, surtout que j'ai une tonne de devoirs...
Zibulinion n'insista pas, il ne voulait surtout pas ennuyer Folebiol.
Il tenta sa chance auprès de Waltharan qui déclina. Au village, il était impossible de se cacher des filles et il n'avait aucune envie de se faire harceler.
En désespoir de cause, le samedi matin, Zibulinion demanda à Neyenje qui refusa clair et net.
– Laloréa ferait des histoires. J'ai déjà trois rendez-vous de prévus. Mais si tu as besoin de quelque chose pour ta baguette qui, je l'ai remarqué, et toujours dépourvu du plus petit ornement, je pensais prendre un ruban pour mon bébé, donc, si tu veux...
Zibulinion secoua la tête. Il ne pouvait se résoudre à parler du miroir.
Ultimement, il commença sans, à l'abri des regards, dans les bois. Il ne voyait pas son visage, mais il pouvait voir les effets sur le reste de son corps... Il découvrit que c'était encore plus ardu que prévu.
Plus l'illusion différait de l'apparence réelle, plus c'était compliqué. Sans compter qu'il avait du mal à s'imaginer mince et séduisant avec un nez droit et des yeux moins ronds, et se voyait encore moins convaincre quiconque qu'il était arrivé à le devenir sans magie. De toute façon, être un garçon complètement différent, c'était attirer l'attention vu le peu de garçons fées qu'il y avait à Valeiage. La conclusion était qu'il fallait mieux se cacher sous une apparence féminine, de préférence dans ses âges, car paraître plus petit, cela revenait à rendre invisible une partie de son corps, ce qui représentait un niveau de difficulté supplémentaire. Hélas, se créer des seins tenait du cauchemar... Enfin, prendre le visage de quelqu'un d'autre, en plus d'être prohibé, était tout aussi délicat. Zibulinion avait bien sûr caressé la possibilité de devenir le sosie de Lavicielle pour que Folebiol le regarde amoureusement, mais il l'avait repoussée.

jeudi 3 octobre 2013

Le garçon fée - 73

Zibulinion qui s'était toujours efforcé jusque là d'étudier les matières dont il avait été exclu par les professeurs, les mit de côté pour fouiner dans la bibliothèque afin de dénicher tous les livres qu'il pouvait sur les sorts d'illusions et sur des techniques avancées pour améliorer sa baguette.
Plongé dans ses fouilles, il se replia sur lui-même et ne prêta pas attention aux préparatifs du festival de magie qui agitaient l'école.
Ce fut Zurmmiel qui lui rappela qu'ils n'auraient pas cours de la semaine. Zibulinion en fut presque contrarié. Cette interruption dans ses recherches lui déplaisait et il faillit se rendre quand même à la bibliothèque.
Finalement, la curiosité l'emporta et il alla avec le reste de l'école assister à la cérémonie d'accueil organisée pour les élèves sorciers de Daroilak.
D'un bus tous ce qu'il y a de plus ordinaire descendirent des adolescents tout de noir vêtus avec des chapeaux pointus, accompagnée d'un professeur au nez crochu.
Aussitôt, des fées de dixième années jouèrent un morceau de musique tandis que des fées de onzième année s'envolaient dans les airs pour entamer un gracieux ballet. Au même moment des fées de douzième année projetèrent des gerbes de lumières dans le ciel pendant que des neuvième année jetaient des pétales de fleurs multicolores sur les invités. C'était grandiose, excessif et cela semblait plus contrarier les sorciers qu'autre chose.
La directrice prononça un chaleureux discours de bienvenue et annonça le programme du festival : pièce de théâtre, concert, ballet, banquet, concours de cuisine, de chant, de beauté, de vol, arène de combat contre des créatures magiques.
L'accompagnatrice des 40 sorciers et sorcières, tortilla son nez crochu et présenta ses élèves à grands renforts de qualificatifs élogieux. Il y avait autant de filles et de garçons qui, sans être des modèles de beauté comme les fées, n'avaient rien à voir avec les affreux portraits qu'on dressait d'eux dans les manuels d'histoires féériques. Au fur et à mesure, chaque adolescent enfourchait son balai, et montait dans les airs, perturbant le ballet féerique, poussant des cris qui masquaient la musique.
Pendant une semaine, une ambiance folle régna. Les fées s'efforçaient d'emporter chaque concours organisé face à des sorciers qui s'acharnaient également à gagner, mettant un point d'honneur à en prime gâcher les distractions prévues à leur intention, tout cela sous un vernis de cordialité.
Le dernier soir du festival, au dortoir, cela pestait ferme contre les sorciers et contre Charboige qui avait eu le malheur de perdre contre une sorcière le concours de vol.
– Ailes contre balai, ce n'est quand même pas la mer à boire ! D'accord, t'as des ailes grises comme la poussière, mais franchement !
– Un vrai fée n'aurait pas échoué ainsi !
Zibulinion, bien que ne portant pas Charboige dans son cœur, trouva l'accusation injuste. Waltharan n'avait reçu le quart de ses reproches pour avoir échoué au concours de cuisine.  Il intervint, mais personne ne l'écouta, trop occupés à disputer Charboige. Zibulinion le plaignit, comprenant mieux pourquoi le fée brun éprouvait le besoin de se moquer de lui. Ce n'était qu'un retour de ce qu'il subissait des autres fées.

mercredi 2 octobre 2013

Le garçon fée - 72

A son arrivée à l'école, Zibulinion eut la désagréable surprise de se voir remettre une enveloppe rouge liserée d'or : une convocation formelle de la directrice. Même si cela allait lui faire manquer le cours d'histoire, Zibulinion ne put s'en réjouir. Folebiol lui glissa quelques mots rassurants que Juycylli anéantis en précisant que la couleur rouge était synonyme de problèmes.
Pendant que tous les autres élèves prenaient le chemin des cours, Zibulinion, une fois sa robe rose réglementaire enfilée, se rendit au bureau de la directrice en s'aidant du plan de l'école.
Il sut qu'il ne s'était pas trompé de route, en voyant le décor se faire de plus en plus somptueux. Les rideaux en dentelles accrochés aux fenêtres étaient de véritables oeuvres d'art, de même que les peintures aux murs et les tapis au sol.
La gorge nouée, il remit sa convocation à une fée majestueusement vêtue qui lui ouvrit d'un coup de baguette magiques les portes en bois finement ouvragées derrière laquelle se trouvait le bureau de la directrice.
En entrant, Zibulinion fut un instant ébloui par la brillance de la pièce qui étincelait de toutes parts avec ses cristaux, ses ors et ses argents. Quand ses yeux s'habituèrent, il repéra la directrice qui lui tournait le dos, regardant par la fenêtre.
Quand elle se tourna vers lui, Zibulinion se figea.
– Vos résultats sont inacceptables, attaqua-t-elle. Vous négligez certaines matières où vous ne vous donnez même pas la peine d'assister aux cours. Aux premiers examens, je n'ai rien dit, mais comme vous persistez dans cette attitude déplorable, je suis obligée de prendre le temps de vous mettre les points sur les i.
Zibulinion tenta timidement de faire valoir que c'était les professeurs qui l'avaient refusé, mais la directrice ne voulut pas le croire.
– Si ce que vous prétendez est vrai, comment expliquez-vous que vous ne soyez pas venu vous en plaindre ? Non, tout cela ne sont que de pitoyables excuses de votre part. J'ai parlé à vos professeurs et vous séchez sans scrupule. J'ai conscience que votre situation d'adolescent au milieu d'enfants n'est pas évidente, mais ce n'est pas une raison pour vous montrer capricieux. D'ici la fin de l'année, vous avez intérêt à cesser de privilégier  vos matières préférées et d'accorder votre attention à toutes, où je me verrai contrainte de vous faire redoubler.
Zibulinion essaya encore de se justifier. Ce fut peine perdue et il repartit anéanti du bureau de la directrice. Jamais il ne monterait de classe dans ses conditions. Il n'y avait aucun moyen de convaincre les professeurs qui ne voulaient pas de lui de l'accepter, à part peut-être celle de baguette, excepté qu'il refusait de renoncer à son bâtonnet marron cuivré tordu. Il aurait fallu qu'il puisse le rendre méconnaissable et sans toutes ses décorations artificielles. Lui-même avait besoin d'une autre apparence. Et pour cela, seule la magie était possible : un sort d'illusion que nul ne détecterait. Cela semblait impossible, mais Zibulinion se sentait si désespéré qu'il était prêt à tout tenter.
Depuis que les sœurs de Waltharan avaient voulu le gratifier d'un sort d'illusion, cela le travaillait.

mardi 1 octobre 2013

Le garçon fée - 71

Comme il n'y pouvait rien, il se mit à astiquer les deux pièces et continua à étudier, testant des sorts de deuxième année. Pratiquer la magie lui était plus facile depuis que Relhnad lui avait réappris de zéro. Par ailleurs, qu'il maîtrise deux sorts normalement hors de sa portée, lui avait donné confiance en lui. Peut-être qu'en fin de compte, il n'était pas si faible et si nul que ça en magie...
Le nombre de pièces augmenta, nuit après nuit, et Zibulinion tranchant que cela devait être positif, étudia davantage. Il aurait aimé s'acheter d'autres livres de sorts, mais sa tentative pour obtenir davantage de poudre des fées pour en acheter, échoua, aussi se contenta-t-il de ce qu'il avait, apprenant tous les sorts du manuel de deuxième année.
A la fin des vacances, il pouvait remplir trois pots de confiture avec ses pièces, sa plante avait si bien grandi qu'elle était plus haute que lui et son œuf avait éclos, laissant place à un adorable oiseau duveteux aux plumes de l'arc-en-ciel qui bizarrement ne mangeait pas, ne buvait pas et ne salissait rien. Ultime point marquant : en voulant s'entraîner à voler, Zibulinion s'était cogné au plafond. Cela n'avait plus rien à avoir avec les quelques centimètres péniblement grappillés en cours de vol.
La veille de la rentrée des classes, alors que Zibulinion cauchemardait qu'il était perdu dans les couloirs de Valeiage aux lampes à moitié éteintes, Neyenje apparut. Zibulinion, non préparé à sa venue, ne parvint à prendre les rennes de son rêve qu'après avoir été embrassé.
– Je venais chercher ta réponse, mais tu as accepté mon baiser, donc...
– Neyenje ! Tu me prends toujours par surprise ! Et pour le moment, c'est non. Je préfère rêver de celui que j'aime. Sans magie.
Mine de rien, c'était pénible d'agir consciemment dans son rêve alors qu'on était paisiblement endormi dans son lit.
– Je retenterai ma chance plus tard, alors... répliqua Neyenje avant de disparaître.

Le lendemain matin, Zibulinion prit son sac, mais laissa les pièces qui ne cessaient de se multiplier, la plante devenue intransportable et l'oiseau arc-en-ciel qui avait une fâcheuse tendance à gazouiller pour un oui ou un non derrière lui.
Il salua Laloréa et Neyenje qui était assis à côté d'une autre fée, et opta pour un siège au fond où il eut le bonheur d'être rejoint par Folebiol et Zurmmiel quand ces derniers grimpèrent à bord.
– Tu es si content que ça de retourner à l'école ? bougonna Zurmmiel qui n'aurait clairement rien eu contre des vacances d'été encore plus longues.
Zibulinion ne pouvait en effet s'empêcher d'être heureux de retrouver Folebiol en chair et en os après tous ses jours sans le voir.
– Arrête donc de grogner ! s'exclama Folebiol. D'ici trois semaines débutera le festival de magie et les neuvième, dixième, onzième et douzième années affronteront des sorciers de l'école Daroilak.
– C'est à toi que cela plaît puisque tu vas pouvoir participer, grommela Zurmmiel sans se départir de son air renfrogné.
– Plein de cours vont sauter, tu seras également gagnant. Avoue que si cela ne te réjouis pas plus que cela, c'est que les sorciers t'effraient !
– Non, c'est pas vrai !
Vu ce que Zibulinion avait lu sur eux dans les manuels d'histoire, il y avait de quoi pourtant : laids à faire peur, dangereux à souhaits avec leur sortilèges destructeurs et leur goût pour le chaos. Pendant des siècles, ils avaient été en guerre avec les fées jusqu'à finalement les choses se stabilisent et qu'il soit établi que la magie noire ne pouvait exister sans la blanche des fées et vice et versa.
– C'est un événement exceptionnel ? intervint Zibulinion, plein de curiosité.
– Non, c'est une tradition. Chaque année 40 sorciers de Daroilak viennent à Valeiage pendant une semaine en septembre et en deux mois plus tard, c'est 40 fées qui se déplacent à Daroilak. Cet échange a pour but d'en mettre plein la vue aux sorciers !