vendredi 29 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 16

Le parc animalier regorgeait de créatures à poils et plumes en tout genre et Cyan ne put que s’extasier face à certaines. Les lapins était tout particulièrement mignons. Ce qui le fit fondre fut surtout de voir Gulrik accroupi pour caresser une de ses adorables boules de poils. Le contraste formé par la force de brute de l’orc et la petitesse de l’animal était tout bonnement irrésistible.
Ils passèrent beaucoup de temps au parc avant de se rendre au temple dont la visite se solda par un échec. Il était fermé pour travaux de rénovation. Et même sans cela, le gardien du temple fit remarquer à Cyan que les orcs n’y étaient de toute façon pas les bienvenus dans la mesure où ils ne croyaient pas à la Déesse. Gulrik ne parut pas fâché, mais Cyan s’en voulut. C’était bien la preuve qu’il n’était pas un bon guide.
Pour ne rien arranger, les statues de la petite place se révélèrent décevantes. Seule consolation, en y allant, ils traversèrent une rue entièrement décorée de splendides mosaïques.
Gulrik voulut ensuite regagner le Caribouc où ils dînèrent avant de monter dans leur chambre. L’orc demanda à nouveau un bain. Cyan en fut surpris. Se laver tous les jours semblait le comble du luxe. Ce qui l’étonna le plus fut que l’orc lui offrit la première place.
— C’est bon, bafouilla-t-il.
— A toi l’honneur, répliqua Gulrik d’un ton tel que Cyan jugea que le mieux était encore d’accepter.
Il se déshabilla et se lava dans un temps record, terriblement conscient de la présence de l’orc qui ne le quittait pas des yeux. Il ne profita guère de l’eau chaude pourtant bénéfique à ses muscles endoloris, sortit et se sécha en deux temps trois mouvements avant d’enfiler sa nouvelle tenue. Il n’avait jamais porté d’habits aussi doux et ajustés.
Quand Gulrik se dévêtit, Cyan fut bien incapable de détourner le regard. Il admira le torse puissant, le pénis épais qui descendait entre les cuisses musclées… Il avait envie de toucher et goûter. Il se lécha les lèvres et serra les poings. Il avait eu sa chance hier. Le moment était passé.
— Tu es sûr de ne pas vouloir que nous prenions du bon temps ensemble ?
La question de Gulrik résonna dans la pièce. Cyan se demanda s’il avait bien entendu.
Il hésita. Rien n’avait changé depuis la veille. Il  était inexpérimenté et risquait d’être un partenaire décevant.

jeudi 28 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 15

Pour le homard, un Gulrik frustré renonça à ses couverts pour briser la carapace du crustacé et accéder à sa chair.
Cyan, lui, n’essaya même pas, se contentant des anguilles qui ne nécessitaient aucun épluchage d’aucune sorte.
— Tu veux y goûter ?
Tout en posant la question, Gulrik lui tendit un morceau entre ses doigts.
Cyan s’empourpra. L’orc ne comptait tout de même pas lui donner comme ça ? C’était embarrassant, surtout en public.
Face à son éloquent silence, Gulrik commença à rétracter sa main avec un air déçu que Cyan ne supporta pas.
Tant pis s’il se ridiculisait devant des inconnus, les moqueries, il connaissait.
Il retint le poignet de Gulrik et attrapa la nourriture entre ses dents. En vérité, il lui aurait volontiers lécher les doigts. Le homard était bon, mais le toucher était délicieux. Seulement, il n’avait pas le droit de le tenir ainsi. Il retira sa main à regret, libérant l’orc qui aurait de toute façon pu se dégager à tout moment.
Au bout du compte, encouragé par Gulrik, Cyan testa tout. Il n’apprécia que modérément la plupart, et c’était du travail de les manger.
— Rien ne vaut de bêtes poissons, déclara l’orc en achevant d’éplucher une ultime crevette.
Cyan avait mal choisi le restaurant.
— Je suis désolé. Vraiment.
— Pourquoi ? Je suis content d’avoir essayé. Je ne suis pas venu à Manchor pour être comme à la maison.
C’était une sage remarque et Cyan réalisa que quand l’orc repartirait chez lui, ce ne serait pas seulement le confort que ce dernier lui procurait qu’il regretterait, mais aussi sa compagnie. Guère plus d’une journée s’était écoulée depuis qu’il l’avait rencontré et pourtant, il s’était déjà attaché à lui.
Gulrik ne le traitait pas comme un égal, mais il avait de la considération pour lui, plus que personne n’en avait jamais eu pour lui de toute son existence.
— Vous êtes prêt à découvrir de nouvelles choses ?
Gulrik hocha la tête et tint la porte du restaurant pour Cyan. Il avait de ses attentions qui n’étaient pas croyables. Cyan avait plus l’impression d’être un compagnon de voyage qu’un guide. Il faut dire qu’il ne connaissait pas la plupart des endroits qu’il montrait à Gulrik, il en avait juste entendu parler en s’activant à la forge ou été passé devant en faisant une commission pour le forgeron.

mercredi 27 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 14

Cyan ne savait pas quoi penser.
Le vieux forgeron qui l’avait employé lui avait fourni de quoi manger, de quoi dormir et s’habiller quand sa tenue ne pouvait plus être reprisée.
Gulrik se montrait plus que généreux. Ce n’était pas des restes qu’il lui donnait, il l’invitait à manger à sa table la même chose que lui, partageait sa chambre et il lui avait acheté des vêtements sans vraie raison, les siens étant encore dans un état correct bien que sales, et des chaussures spéciales qui corrigeaient son boitement, lui permettant de se fondre dans la foule. Ces services de guide pour trois jours ne valaient pas cela. C’était comme si l’orc lui faisait la charité. Cyan n’aurait pas dû accepter et en même temps, c’était si agréable d’avoir enfin de la chance.
Tout ce qu’il pouvait faire pour remercier pour son bienfaiteur, c’était veiller à ce que son séjour à Manchor soit le meilleur possible.
— Où voulez-vous vous rendre maintenant ?
Il n’avait aucune idée de ce qui pouvait intéresser ou non l’orc, aussi mentionna-t-il dans la foulée le parc animalier, le temple et les statues de la petite place.
— Tout semble très bien, mais nous irons après le déjeuner. Une suggestion de restaurant ?
Heureusement qu’à la forge, certains clients étaient bavards.
— L’Hippocampe, près du port, propose des spécialités de la mer.
— Intriguant. Allons-y.
Une fois sur place, Gulrik leur prit une table pour deux, à l’écart, comme s’ils avaient été un couple désireux d’intimité et commanda un vaste nombre de plats, voulant apparemment goûter à tout.
La serveuse, une petite femme blonde, ouvrit de grands yeux face à l’énumération qui n’en finissait pas : moules, huîtres, crevettes, écrevisses, anguilles, homards… Et ils attirèrent bien évidemment l’attention des autres clients. C’était gênant. Cyan décida de se concentrer sur Gulrik. Ce ne fut pas dur vu la tête déconcertée de l’orc face au contenu des assiettes qui étaient posées peu à peu devant eux.
Cyan étouffa un rire involontaire derrière sa main en le regardant vider difficilement une huître qui était ridiculement petite par rapport à la large main de l’orc.

mardi 26 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 13

Ils retournèrent ensuite à la cordonnerie. Cyan retira les bouts de cuir usés jusqu’à la corde qui lui servaient de chaussure pour enfiler la nouvelle paire. Il effectua quelques pas maladroits dedans. Ce devait être déconcertant pour lui de ne presque plus boiter.
Ils quittèrent les lieux.
Gulrik constata avec un soupir que Cyan ne marchait pas vraiment plus rapidement qu’avant, puis se morigéna, c’était normal, il fallait que l’humain s’habitue au changement.
— Nous devrions t’acheter aussi de nouveaux vêtements.
Cyan ralentit.
— Je… C’est trop.
— J’insiste. Une tenue pour part de ton salaire.
— Allons dans une friperie, alors, murmura Cyan.
Gulrik avait les moyens de lui payer des vêtements neufs, mais il concéda ce point à l’humain.
En chemin, Cyan trébucha. Gulrik l’empêcha de tomber en le rattrapant par la taille.
— Ça va ?
Cyan leva ses yeux bleu cristallin vers lui et Gulrik en eut le souffle coupé.
Le tenir contre lui était impossiblement confortable, comme si le fragile humain avait eu sa place dans ses bras.
— Oui. Pardon. Je ne… Les chaussures. Merci.
Son bégaiement possédait un charme inexplicable. Les joues de l’humain étaient à nouveau enflammées comme un appel aux caresses.
Gulrik le relâcha, mais à contrecœur.
Ils se remirent en route.
La boutique de vêtements était tenue par une jeune humaine qui les accueillit froidement, ce qui n’était pas la meilleure façon de traiter les clients.
Gulrik ne laissa pas Cyan la liberté de choisir ses habits. L’humain protesta bien sûr, mais il était hors de question que Gulrik paye pour des affaires ternes et informes quand il y avait une chemise bleu pâle qui rappelait les yeux de Cyan et un pantalon noir moulant.
Ils repartirent avec leurs achats sous le bras.

lundi 25 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 12

— Bonjour ! Que puis-je faire pour vous ? demanda l’orc au comptoir, en léchant ses lèvres d’une manière qui invitait à flirter.
Il n’était pas mal dans son genre avec son nez et ses oreilles percés d’anneaux argentés, mais  Gulrik n’était pas intéressé, il avait d’autres chats à fouetter.
— Je voudrais commander une paire de chaussures particulière, une dont le pied droit aurait une semelle plus épaisse. Ce serait pour lui, précisa-t-il en désignant Cyan qui était resté en retrait près de la porte.
L’humain sursauta.
L’orc au nez et oreilles percés jeta un œil dédaigneux à Cyan et grimaça.
— Pour lui ? Cela vous coûtera cher.
Gulrik ignora la mise en garde du vendeur.
— Je voudrais qu’elle soit fabriquée de suite.
L’orc annonça un montant qui parut raisonnable à Gulrik par rapport au service demandé, même s’il était peut-être gonflé parce que c’était pour un humain.
Cyan blanchit, les tâches marrons-rouges de son visage ressortant davantage sur son teint soudain pâle.
— Ce prix… Ce n’est pas nécessaire…
— C’est un bon investissement dont je bénéficierai. Je suis las que tu te traînes. Ça fait partie de ton salaire.
Cyan n’émit plus d’objections.
L’orc au comptoir appela un employé de l’arrière-boutique qui vint prendre les mesures nécessaires à la fabrication de la paire de chaussures. Ce dernier procéda en grommelant dans sa barbe, à priori pas enchanté d’avoir à s’occuper d’un humain.
Il leur fut ensuite indiqué de revenir en fin de matinée, ce qui leur laissait largement le temps de visiter le musée.
Toutes sortes de choses y étaient exposés – armes, tableaux, bijoux, statues de personnes célèbre avec une section pour les orcs et une pour les humains. Gulrik s’attarda auprès de certaines pièces. Cyan semblait également fasciné comme s’il n’y était jamais venu, ce qui était peut-être le cas, réalisa Gulrik. Ils avaient dû payer le droit d’entrée et l’humain ne devait avoir jamais roulé sur l’or.

vendredi 22 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 11

Dans la rue, Gulrik n’y tint plus :
— Excuse toi et oublions ça.
— A quel sujet ? balbutia Cyan.
— Hier soir.
Cyan leva enfin brièvement les yeux vers lui, sa surprise évidente, les joues aussi rouges que des tomates mûres.
Cette capacité des humains à changer partiellement de couleur était décidément tout à fait fascinante.
— Oh. Ah. Oui. Pardon.
— Bien. Maintenant, dis-moi, quelles merveilles de Manchor comptes-tu me faire découvrir ?
— Nous pourrions faire un tour au musée.
— Parfait.
Cyan boita devant, aussi lent que la veille si ce n’est plus. Ce n’était pas si agaçant que cela dans la mesure où cela donnait l’occasion à Gulrik d’observer partout autour de lui, excepté qu’aujourd’hui, son regard était comme aimanté à son guide. C’était peut-être cruel de sa part de contraindre Cyan à marcher autant. Ce devait être pénible pour lui avec sa jambe trop courte. Une paire de chaussures spéciales avec une talonnette pourrait probablement corriger le problème, ne serait-ce qu’en partie.
— Changement de plan. Emmène-moi d’abord chez le cordonnier.
— D’accord, dit Cyan.
Si seulement il avait pu être aussi accommodant la veille, à l’heure du bain.
— Vous avez un souci avec vos bottes ? s’enquit Cyan après un silence.
Son guide n’était pas un bavard à la différence de la plupart des humains, ne parlant généralement que par nécessité, chose appréciable, aussi la question étonna Gulrik.
Il émit un grognement qui pouvait être aussi bien interpréter comme un oui que comme non. Cyan n’insista pas.
Un moment plus tard, ils entraient dans une boutique empestant le cuir. Comme à l’auberge du Caribouc, c’était un orc qui tenait le comptoir.
Gulrik soupçonna Cyan de délibérément éviter les établissements gérés par les humains. Était-ce parce que l’orc n’aurait pas forcément été aussi bien reçu par des humains ? Il avait bien repéré une devanture avec un panneau où des dessins indiquaient que les chiens comme les orcs étaient interdits, mais  un client semblait être autrement un client… C’était tout même une preuve que même à Manchor, un mur demeurait entre les humains et les orcs.

jeudi 21 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 10

Gulrik était frustré à mort et il en voulait à son guide. L’humain s’était excité tout seul, avait refusé comme un idiot qu’ils prennent du bon temps ensemble alors que de tout évidence, il en avait envie, pour finir par jouir sous son nez sans beaucoup de simulation. Une odeur de sexe flottait maintenant dans la pièce et la verge de Gulrik était plus dure que la pierre. Il aurait pu se soulager en la prenant en main, excepté que c’était ridicule dans la mesure où il avait un partenaire à sa disposition. Il avait beau ne pas être certain que l’humain puisse lui donner satisfaction, il était curieux d’essayer. Pourtant, sûrement, aucun orc qui se respectait se serait abaissé à s’unir à un humain à moins d’y être obligé. Tout cela, c’était la faute de cette pitoyable créature qui l’avait admiré de façon si ouverte. Non pas qu’il n’ait pas l’habitude de tourner les têtes. Les orcs qu’ils soient de sexe féminin comme masculin étaient nombreux à vouloir partager sa couche et ce n’était pas que dû à son statut parmi les siens. Jamais un humain ne l’avait regardé ainsi jusqu’alors. Il n’avait jamais eu l’occasion d’en fréquenter beaucoup en même temps, mais tout de même, il savait leur inspirer crainte, dégoût ou défiance, pas ce désir brut.
Le sommeil échappa longuement à Gulrik, le ronflement léger de Cyan ne faisait qu’augmenter son irritation et sa frustration. Sa dernière pensée consciente fut qu’il n’aurait jamais dû prendre en pitié cet humain que sa propre espèce maltraitait.
Au matin, quand il ouvrit les yeux, il ne put toutefois pas se résoudre à annoncer que ses services n’étaient plus nécessaires. Il n’avait jamais eu besoin de lui. Cependant, tout agaçant et dispensable que Cyan soit, Gulrik était forcé d’admettre qu’il appréciait sa compagnie.
— Bonjour, déclara Cyan, yeux rivés sur le plancher de l’auberge qui n’avait rien de spécial. C’était du bois on ne peut plus ordinaire piqué au vers par endroits.
Gulrik s’habilla sans que l’humain ne daigne lui accorder un regard. Seule sa respiration haletante trahit qu’il était loin d’être indifférent à l’opération.
Durant leur petit déjeuner, Cyan garda le nez dans son bol de lait, ne laissant voir à Gulrik que son crâne brun-roux.
Son attitude était inexplicable. Gulrik n’avait même pas envie de se donner la peine de comprendre et en même temps, cela l’intriguait malgré lui. Ce n’était tout de même pas parce qu’il était gêné d’avoir eu un orgasme devant lui ? Des excuses pour avoir pris du plaisir seul alors que Gulrik avait proposé qu’ils couchent ensemble auraient certes été bienvenues…

mercredi 20 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 9

L’orc était redevenu décent, la serviette ceignant sa taille. Il était toujours aussi magnifique et cela démangeait Cyan de réduire à néant la distance les séparant pour le toucher. Les biceps de l’orc étaient vraiment impressionnants. Alléchants.
Gulrik étendit la serviette sur le montant du lit et se glissa entre les draps, laissant le temps à Cyan d’apercevoir à nouveau ses bijoux de famille ainsi qu’un glorieux postérieur. L’orc s’adossa confortablement contre l’oreiller et regarda Cyan, ses yeux noirs d’une profondeur insondable.
C’était son tour de se baigner, ce qui signifiait se déshabiller, ce qui revenait à dévoiler son pénis  engorgé. Si l’orc n’avait posé, ne serait-ce qu’un doigt sur lui… Cyan se mordit la lèvre. Il n’avait jamais pu se permettre de jouer les modestes, il n’allait pas commencer maintenant. C’était embarrassant, pas la fin du monde. L’orc avait déjà remarqué l’effet qu’il lui faisait et malgré sa généreuse proposition, il n’était pas vraiment intéressé par lui. Pas de gênante érection pour lui.
Cyan se déshabilla en un tour de main et entra dans le bac. L’eau d’une tiédeur agréable qui l’enveloppait était la même que celle qui avait accueillie l’orc. Le savon dont il allait servir était le même que l’orc avait frotté contre son corps. Cyan essaya de bloquer toutes ses pensées, se lava s’en s’attarder sur son sexe en érection et sortit du bac, toujours excité. La seule serviette disponible était bien sûr celle qu’avait utilisée. Elle était humide, mais c’était mieux que rien.
En se séchant, il ne put se retenir de couler un regard en direction de Gulrik qui le fixait avec une intensité troublante. Il passa le tissu éponge sur son pénis, un frisson le parcourut et il jouit dans un tremblement.
Il avait bien souvent voulu au cours de sa vie disparaître dans un trou de souris, mais jamais plus qu’à cet instant. Rien de ce qu’il aurait pu dire aurait arrangé la situation, aussi, rouge de honte, il renfila ses habits sales – il n’en avait pas d’autres – puis s’allongea sur la paillasse à quelques pas du lit et se roula en boule sous la couverture, priant pour que l’orc ne commente pas ce qui venait de se produire.
La Déesse soit bénie, Gulrik se contenta d’un bonne nuit caverneux.

mardi 19 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 8

— Je n’aurais rien contre répondre à ton désir une fois que tu seras lavé, ajouta l’orc.
Cyan dut se répéter mentalement la phrase à plusieurs reprises avant de parvenir à la comprendre. La Déesse soit louée, l’orc ne paraissait pas mal prendre son attirance. Cela voulait dire qu’il n’allait pas se retrouver immédiatement sans travail et qu’il ne recevait aucune punition pour son excitation aussi incongrue que déplacée.
Il aurait peut-être dû se sentir insulté que l’orc présente la chose comme une faveur qu’il lui ferait, excepté qu’il était dans le vrai. Cyan savait à quoi s’en tenir sur son apparence. Ses compatriotes lui avaient assez dit et répété sous bien des formes qu’il était laid et difforme entre les taches de naissance marrons et rouges sur son visage et son boitement. Il n’y avait aucune raison que les orcs aient un avis différent alors qu’ils considéraient tout être humain comme leur inférieur.
Il avait bien envie d’accepter l’offre de l’orc. Seulement, il avait peur. Il n’avait aucune expérience et en même temps, il n’était pas assez naïf pour ne pas savoir comment cela fonctionnait – il avait vu des animaux s’accoupler. C’était l’orc qui lui monterait dessus et pas l’inverse, et vu la taille de son membre au repos, cela promettait d’être compliqué. Il avait déjà bien assez mal à marcher sans cela et vraiment, il ne pouvait se permettre d’être blessé.
— Non, c’est bon, dit-il. Je ne… Pas la peine de…
Il ne termina pas, incapable de réutiliser l’expression « répondre à ton désir » qui n’avait pourtant rien de crue.
— Vraiment ? demanda l’orc, penchant la tête sur le côté en levant un sourcil.
— Oui, confirma Cyan.
Par la Déesse, cela sonnait faux  à ses propres oreilles, surtout avec son pénis qui palpitait douloureusement dans son pantalon.
Au prix d’un effort de volonté immense, il tourna le dos à l’orc et tenta de penser à autre que l’orc nu prêt à faire des choses sexuelles avec lui.
Gulrik ne chercha pas à le faire changer d’avis. Le bruit de ses ablutions était étrangement érotique et le pénis de Cyan toujours dur comme de la pierre quand l’orc annonça qu’il avait fini et que le bain était libre.
Cyan se retourna.

lundi 18 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 7

Finalement, ils montèrent dans la chambre à l’étage, l’orc devant, Cyan loin derrière, s’aidant de la rambarde pour gravir les marches.
Gulrik demanda à une servante qu’un bain lui soit monté, prouvant que les humains qui affirmaient que les orcs étaient des porcs puants avaient tort également. Cyan s’en était cependant déjà rendu compte. Gulrik était propre sur lui. Il avait une odeur forte, musquée mais pas désagréable, bien au contraire. Ce n’était pas comme Cyan qui n’avait pu vraiment se laver depuis qu’il avait été mis à la porte de la forge.
Deux orcs ramenèrent un large bac empli d’eau fumante ainsi qu’un gros savon et une grande serviette, puis s’éclipsèrent.
— Je vais sortir, déclara Cyan, sûr que l’orc préférait se baigner dans l’intimité.
— Pourquoi ?
— Pour que vous soyez tranquille….
Et parce qu’il craignait être excité par la scène et être incapable de le cacher.
— Ta présence ne me dérange pas. S’il était possible d’entrer à deux là-dedans, je t’inviterai à faire également trempette.
Pour sûr, ils seraient à l’étroit. Ils tiendraient peut-être ceci dit si Cyan s’installait entre les jambes de l’orc, son dos collé à son torse. Les imaginer dans cette position l’excita. Il déglutit.
— Je pourrais toujours me baigner après vous.
C’était officiel. Cyan était devenu fou. Nul homme sain d’esprit n’aurait suggéré cela. Pire,  l’idée de partager en décalé l’eau dans laquelle l’orc aurait trempé le rendait toute chose. C’était d’ailleurs sans doute pourquoi cette suggestion lui avait échappé.
— Bonne idée, approuva l’orc.
Il ôta sa tunique, dévoilant un torse puissant et musclé orné de deux tétons vert foncé.
Cyan, incapable de détourner les yeux, le regarda retirer ses bottes, puis son pantalon. L’orc n’avait pas de sous-vêtements et son pénis long et épais apparut reposant sur de larges bourses.
Cyan tira sur sa chemise pour masquer la bosse que son sexe engorgé était en train de former. Si jamais l’orc se rendait compte de l’effet qu’il produisait sur son guide, les choses allaient mal tourner.
Gulrik entra dans le bain, ferma les yeux, poussa un soupir de bien-être qui ne calma en rien l’érection de Cyan, inspira à fond et rouvrit les yeux.
— Ce que tu vois, te plaît, humain ? demanda l’orc d’une voix encore plus gutturale que d’habitude.
Malgré tout le sang descendu en bas, Cyan sentit le rouge lui monter aux joues. Il bégaya quelque chose d’indistinct. Le oui comme le non semblaient inappropriés.

vendredi 15 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 6

Savoir qu’il allait bientôt pouvoir se reposer soulagea Cyan. Sa jambe et son dos lui faisaient un mal de chien. Son précédent travail à la forge ne l’avait pas habitué à marcher autant.  De quoi être presque nostalgique de ses anciennes tâches qui avaient pourtant été également épuisantes. Hélas, quand le propriétaire était mort, le nouveau n’avait pas voulu d’un boiteux à moitié défiguré. Et à Manchor, ils étaient nombreux dans ce cas. « Tu ferais fuir les clients. » « Même le gîte et le couvert, ce serait trop cher payé. » « Aucune envie de t’avoir sous les yeux toute la journée avec ta patte traînante. »
Ah, Cyan en avait essuyé des refus blessants. Sans oublier ceux qui lui avaient botté les fesses comme le tenancier pas plus tard que le matin même. Le bonhomme lui avait au final rendu service puisqu’il avait ainsi rencontré Gulrik. Tout orc qu’il soit, Gulrik était un employeur sympathique, facile à contenter.
Il lui avait offert un copieux repas et même s’il avait affirmé qu’il était pathétique, il lui avait présenté des excuses. C’était dommage qu’il n’ait pas besoin de ses services pour plus que quelques jours.
— A quelle heure nous retrouvons nous demain ? demanda Cyan quand ils furent devant l’auberge.
L’orc fronça ses épais sourcils.
— Il y a une paillasse dans ma chambre pour toi, annonça-t-il.
Cyan n’avait certes pas prévu ça, mais il aurait bien bête de ne pas accepter vu qu’il n’avait aucun endroit où dormir. Le coin qu’il s’était déniché dans la rue derrière un bâtiment au large toit n’avait d’autre mérite que de le garder au sec. Oui, il aurait été ridicule de prétendre avoir un logis alors que ce n’était pas le cas.
— Très bien. Comme ça, nous pourrons repartir explorer la ville dès qu’il vous plaira.
Se sentant étrangement nerveux, Cyan entra avec Gulrik dans l’auberge. La perspective de partager la chambre de l’orc le troublait sans qu’il s’explique bien pourquoi. Non, il savait très bien ce qui le perturbait. Il le trouvait séduisant et il y avait de bonnes chances que l’orc se déshabille avant de se coucher… Il faudrait qu’il fasse bien attention à ne pas trahir l’attraction qu’il ressentait où il risquait d’être réduit en pulpe par l’orc.
Ils dînèrent, une fois de plus le point de mire de la salle. Ils devaient tous se demander sur ce que fabriquait un orc aussi magnifique avec un humain si pathétique. C’était inconfortable, mais Cyan s’efforça d’ignorer les regards et s’intéressa cette fois à son compagnon et pas seulement au contenu de son assiette. Il constata que Gulrik avait des manières de table impeccable, de quoi donner honte aux humains qui prétendaient que les orcs n’étaient que des brutes barbares.

jeudi 14 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 5

Gulrik préféra garder son sac plutôt que de le déposer dans sa chambre et suivit Cyan dehors.
Ils n’étaient guère éloignés de l’auberge quand un homme à l’haleine avinée bouscula son guide et l’insulta alors même qu’il était celui qui n’avait pas regardé où il allait. Cyan qui n’était pas le moins du monde en tort, s’excusa profusément, ce qui irrita Gulrik.
— Tu es pathétique, lâcha-t-il alors que le passant poursuivait sa route en grommelant dans sa barbe.
Cyan avança et Gulrik crut qu’il ne réagirait pas à ce qu’il venait dire.
La réponse ne tomba que quelques mètres plus loin :
— C’est vrai.
Gulrik s’en voulut aussitôt. L’humain n’avait pas besoin d’être davantage enfoncé. Il l’avait embauché pour lui rendre service, pas pour l’humilier. Sans compter qu’en vérité, il était intelligent de ne pas se quereller avec des ivrognes quand on n’était pas en mesure de s’en sortir sans dommage.
— Désolé, grogna-t-il.
Cyan s’arrêta net, leva sur lui ses superbes yeux bleu purs, puis se remit en route.
Gulrik sentit les effluves de mer et de poissons bien avant que le port n’arrive en vue. Il admira les bateaux accrochés au quai. Il n’était pas familier avec ce moyen de transport et il était curieux d’en apprendre davantage. Il interpella un marin qui voulut bien répondre à ses questions.
Gulrik repartit content dans le dédale des rues à la suite de Cyan. Le marché se révéla également intéressant et il resta longtemps, mais il n’acheta aucune des marchandises qui lui étaient proposées, parfois avec insistance.
Il s’attarda près de la fontaine dont la sculpture centrale – une créature ailée – était splendide. L’humain qui prenait son rôle de guide au sérieux dispensa des informations sur sa date de construction qui remontait à bien des siècles plus tôt et mentionna une légende locale, à tous les coups d’origine humaine, qui voulait que les couples s’y embrassant à la pleine lune, les pieds dans l’eau, demeurent unis à jamais.
Cyan le conduisit ensuite au plus vieux bâtiment de la ville, une tour à moitié en ruine qui était préservée en guise de souvenir.
Gulrik remarqua que le boitement de Cyan était de plus en plus prononcé et même s’il n’était pas si fatigué que cela, déclara vouloir retourner au Caribouc.

mercredi 13 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 4

Les rues bruissaient d’activité, les maisons étaient plus petites que celles d’Orcania, et en même temps plus grandes que nécessaires pour les humains. Le style architectural était soumis à différentes influences.
— Nous sommes arrivés, annonça soudain Cyan.
L’auberge du Caribouc avait une enseignante attrayante et sa façade ornée de croisillons inspirait confiance. De la porte ouverte s’échappait un brouhaha indistinct et un fumet alléchant.
Gulrik entendit le ventre de l’humain gargouiller et le sien gronda en écho.
Il entra, se dirigea droit vers le comptoir pour réserver une chambre et commanda un repas pour deux avant de constater que son guide était resté dehors. Stupide humain.
Il ressortit.
— Viens, intima-t-il.
Cyan franchit le seuil, tête basse et épaules rentrées.
Gulrik s’installa à la table vide que lui avait indiqué le tenancier un peu plus tôt. Cyan s’assit sur le bord d’une chaise.
Dans la salle, les orcs étaient attablés ensemble et de même pour les humains. La mixité avait des limites, même à Manchor. Ils étaient le seul orc et humain à partager, ce qui ne manqua pas d’attirer les regards sur eux. Gulrik était habitué à ce genre d’attention, mais il perçut le malaise de son compagnon.
Une orc aux formes généreuses leur servit une corbeille de pain, deux choppes de bières et deux assiettes de ragoûts fumantes – le plat du jour.
— Je n’ai pas de quoi payer, dit Cyan, joues soudainement très rouges.
Ce changement de coloration était intriguant.
— Je te l’offre.
— Merci.
Cyan se mit à manger avec une voracité qui n’avait rien à envier avec celle d’un orc, trahissant à quel point il était affamé.
Il termina même son assiette avant Gulrik, prenant soin de l’essuyer avec un morceau de pain de façon à ne pas en laisser une miette.
D’un signe, Gulrik appela la serveuse pour demander un supplément.
— Je ne… bégaya Cyan.
— Régale-toi, ordonna Gulrik.
L’humain ne discuta pas. Ils mangèrent en silence.

Ce n’est que quand Gulrik eut terminé, que Cyann prit la parole :
— Nous pourrions aller au port et revenir par le marché. C’est toujours très animé.
— D’accord.

mardi 12 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 3

Gulrik écouta l’humain lister différentes possibilités d’hébergement. Il ne savait  pas pourquoi il l’avait embauché. Il avait escompté se promener au hasard et n’avait certes pas besoin de s’encombrer d’un humain. C’était des êtres insignifiants et faibles. Ils se ressemblaient tous. Celui-là se démarquait néanmoins des autres, mais pas spécialement en bien avec son visage tacheté et marqué, sa tignasse boueuse d’une couleur indéterminée, son odeur crasseuse, ses nippes terreuses qui couvraient sa maigre silhouette penchée. Il possédait en revanche yeux d’un bleu cristallin. C’était peut-être eux qui l’avaient poussé à faire cette stupide proposition d’emploi. Eux et un absurde élan de pitié pour cette pauvre créature rejetée par ceux de sa propre espèce. Il aurait dû se contenter de lui donner quelques pièces. A dire vrai, rien ne l’empêchait de se débarrasser à tout moment de l’humain et du poids mort qu’il représentait. Néanmoins, le destin l’avait littéralement jeté sur son chemin et ce n’était peut-être pas sans raison.
— Va pour le Caribouc, trancha Gulrik, coupant l’humain qui lui fit signe de le suivre.
Il marchait d’une drôle de façon à une allure d’escargot. Il était d’une lenteur si désespérante que Gulrik avait envie de le soulever et de le porter dans ses bras. Il ne devait pas peser bien lourd. Il doutait toutefois que son guide apprécie l’attention. L’homme ne traînait pas par plaisir. Les humains n’avaient pas la rapidité des orcs et celui-ci avait de surcroît une jambe bancale. La démarche boiteuse avait au moins le mérite de mettre en valeur le postérieur de l’humain. Ses deux mains recouvriraient entièrement les fesses de son guide. Il les imagina moelleuses et fermes sous ses doigts. Le tour que prenait ses pensées le surprit. Il avait pourtant veillé à satisfaire ses désirs charnels avant son départ. Sa dernière culbute remontait à trois jours à peine et il s’était pris en main pas plus tard que la veille avant d’arriver à Manchor. Il n’aurait pas dû fantasmer sur un pitoyable humain. Las, le balancement était hypnotique. Il se mit à avancer aux côtés de l’humain.
— Ton nom ?
— Cyan. Et vous, comment vous appelez-vous ?
— Gulrik.
Cyan laissa la conversation s’éteindre et Gulrik ne la relança pas. Le silence lui convenait. Plutôt que de continuer à s’agacer de la lenteur de l’humain – Cyan – Gulrik en profita pour regarder autour de lui.
Il n’avait pas menti, il était bel et bien venu en badaud à Manchor, cette ville qu’orcs et humains arrivaient à se partager alors que partout ailleurs, c’était chacun pour soi, ce qui semblait de mauvais augure pour la paix sur le long terme.

lundi 11 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 2

— Tu connais bien la ville, humain ?
L’orc avait une voix gutturale et caverneuse qui arracha une frisson à Cyan.
— J’y ai vécu toute ma vie.
Il aurait peut-être dû préciser qu’il n’avait jamais eu l’occasion de s’y promener, autant par manque de temps qu’à cause de sa mauvaise jambe, mais qu’elles que soient les  raisons qui motivaient la question de l’orc, cela ne semblait pas dans son intérêt de le révéler.
— Serais-tu prêt à me servir de guide ? Je te paierai.
Cela faisait déjà six jours que Cyan cherchait un travail et deux qu’il avait le ventre vide, c’était une offre aussi inattendue qu’inespérée. Il ne pouvait se permettre de négocier quoique ce soit aussi, accepta-t-il d’un hochement de tête avant de demander :
— Savez-vous combien de jours vous compter rester à Manchor ? Vous y êtes venu dans un but particulier ?
A contrecoup, il craignit que ses questions ne soient interprétées comme de la curiosité mal placée. La Déesse soit louée, l’orc ne parut pas se formaliser.
— Trois jours. Pas d’autre intention que de découvrir la ville.
Sa façon de parler, rauque et profonde, c’était vraiment quelque chose, mais Cyan ne devait pas se laisser distraire.  Il réfléchit aux endroits qui pourraient intéresser le grand orc dont il ne connaissait même pas le nom. Il y avait le port, l’église, le marché de la grand place avec les forains…
L’orc se racla la gorge. Il attendait sûrement une réaction ou une direction. Flûte ! Il ne manquerait plus qu’il change d’avis ou se fâche. Cyan n’avait aucune expérience en tant que guide. En vérité, il n’était pas du tout qualifié. Seulement, il avait besoin d’argent pour manger. Il devait faire de son mieux.
— Vous avez déjà choisi une auberge ?
— Pas encore. Des conseils ?
Cyan aurait pu lui suggérer celle dont il venait d’être expulser sans ménagement. Le tenancier n’aurait sûrement pas osé le flanquer dehors, pas alors qu’il amenait un client, mais à quoi bon risquer une scène ? Le propriétaire des lieux n’accueillerait par ailleurs pas forcément un orc à bras ouverts. Il prétendrait être complet ou quelque chose dans ce genre.
— Tout dépend de votre bourse, répondit finalement Cyan après un silence.
C’était l’occasion de savoir si son salaire serait intéressant et s’il pouvait demander une avance, histoire de manger un bout. Cela ne ferait pas très bon effet s’il s’évanouissait en cours de route.
— Je n’ai pas à me plaindre, ce qui ne veut pas dire que je tiens à dépenser plus que nécessaire.
Cela n’avançait guère Cyan, tant pis !

vendredi 8 novembre 2019

L'empreinte de l'orc - 1

— Je n’ai pas de travail pour toi, saleté de boiteux ! Que je ne te reprenne pas à mettre les pieds dans mon auberge !
Le tenancier le projeta sans cérémonie hors de l’établissement, l’envoyant rouler sur la chaussée.
Cyan se cogna contre les pavés et se retrouva le nez entre une paire de bottes en cuir. Il s’efforça de se relever le plus vite possible, en bafouillant des excuses. Inutile d’essuyer les foudres d’un passant par-dessus le marché.
Dès qu’il fut debout, il se mit en hâte sur le côté pour dégager le passage et blêmit. Ce n’était pas un homme bâti comme une armoire à glace dont il avait involontairement bloqué la route, mais un orc. Il n’était pas rare d’en croiser à Manchor, ville à la frontière entre le royaume des humains et celui des orcs et Cyan n’aurait pas dû être surpris. Il aurait juste aimé avoir de la chance, une fois dans sa vie. Il avait hélas tiré les mauvaises cartes dès la naissance avec son visage marqué et sa jambe droite trop courte par rapport à sa gauche et les choses ne s’étaient jamais vraiment arrangées depuis.
— Pardon, murmura-t-il encore à l’intention de l’orc qui était imposant, même compte tendu son espèce. Il était massif, grand et large comme le tronc d’un vieux chêne, la peau d’un vert printanier, deux dents épaisses d’une blancheur étincelante dépassant de sa bouche, ses deux oreilles pointues bien visibles dans ses cheveux d’un noir aussi brillant que ses yeux. Au lieu d’être torse nu et en pagne, il était vêtu à la manière humaine d’un pantalon marron et d’une tunique beige.
Ce n’était peut-être pas une très bonne idée de le détailler ainsi des pieds à la tête, même si l’orc avait l’air de jauger tout pareil.
Cyan piqua du nez. Sûrement, les gens avaient raison de le chasser comme un malpropre et de ne pas vouloir qu’il travaille pour eux, il n’était pas normal. Il n’aurait pas dû trouver un orc séduisant.
Les orcs n’étaient plus leurs ennemis, la guerre les opposant s’étant terminée près de 200 ans auparavant avec un double mariage entre humains et orcs de sang royal. Ces deux unions avaient été stériles et la rumeur voulait qu’elles aient été malheureuses dans les deux cas, mais la paix avait perduré. Toujours est-il que les humains et les orcs s’entendaient comme chiens et chats et se mélangeaient aussi bien que l’eau et l’huile. Chaque espèce avait l’arrogance de se croire supérieure à l’autre.

jeudi 7 novembre 2019

Bleu Ciel Océan - 56 (fin)

— C’était lui qui voulait, mais j’aurais dû refuser et ne pas le laisser non plus se substituer à moi auprès de mes petits amis.
— C’est sûr que ce n’est pas sympa pour toutes les personnes que vous avez trompés. En même temps, qui peut prétendre ne jamais faire d’erreur ?
— Ils comme elles nous confondaient. C’était dur. Parfois, même nos parents se faisaient avoir.
— C’était un jeu de jumeaux.
— Nous aurions dû arrêter en grandissant.
— Tu comptes continuer ?
— Non, bien sûr que non ! Mais j’avoue, cela me fait plaisir que tu aies compris que ce n’était pas moi.
En d’autres termes, il ne désapprouvait pas totalement la supercherie de son frère, ce qui était irritant. En même temps, c’était compréhensible.
— Si je m’étais trompé, tu m’en aurais voulu et tu aurais rompu ?
— Non !
C’était un cri du cœur. Lukas décida de ne plus s’appesantir sur le sujet.
— Les démarches pour t’installer en France progressent ?
— Lentement.
— Je vais revenir te voir avant, alors.
— Mais ton travail ?
— Je suis mon propre patron, cela a des avantages.
Lukas pouvait toujours déléguer. Il le faisait de plus en plus depuis son séjour sur l’île déserte. Quand il avait disparu, ses employés avaient bien été obligés de mener la barque sans lui et ils s’étaient bien débrouillés. Il n’était pas aussi indispensable à sa propre entreprise qu’il avait bien voulu le croire, ce qui avait de quoi rendre humble, mais le mérite de se rendre compte qu’il pouvait se consacrer davantage à sa vie personnelle.
— Je t’aime, dit Wataru en français avec chaleur, et il tendit le bras vers Lukas comme pour le toucher.
Lukas aurait pu répéter les mêmes mots en écho, mais n’en fit rien, car entre eux, tout avait commencé des gestes, alors il forma un cœur avec ses mains.
Wataru lui adressa un sourire rayonnant de bonheur.
Lukas était heureux aussi.
Ils se regardèrent en silence, les yeux dans les yeux. L’avenir qui se dessinait devant eux s’annonçait d’un bleu radieux.



                                                          FIN

mercredi 6 novembre 2019

Bleu Ciel Océan - 55

— Bonjour, dit Wataru en français avec son adorable accent.
— Bonjour. Je tiens à t’informer que j’ai eu un visiteur hier. Ton frère.
Il n’était pas question de passer sous silence la venue de Ryuu et sa supercherie. Wataru avait le droit de savoir jusqu’où son jumeau était capable d’aller pour lui. S’il avait eu un frère jumeau, il aurait détesté qu’il emprunte son identité.
Wata repassa aussitôt en japonais.
— Je sais. Wataru m’a contacté tout à l’heure. Nous nous sommes expliqués.
Wata était à priori bouleversé et son débit s’accéléra au point que Lukas ne put saisir ses propos.
Il regretta les kilomètres qui les séparaient et qui l’empêchaient de le réconforter en le serrant dans ses bras. Sur l’île, cela avait été la seule chose qu’il pouvait faire, et à présent, il n’avait plus que les mots.
Il l’interrompit :
— Je te rassure, je l’ai reconnu tout de suite.
— Pardon pour mon frère.
— Tu n’es pas responsable de ses actions.
— Je l’envie d’être avec toi.
— Il est à l’hôtel pour le moment. Moi aussi je préférerai que ce soit toi qui soit là.
— Je ne vaux pas mieux que lui, pourtant, gémit Wataru.
Lukas ravala sa protestation spontanée en le voyant se frotter les tempes avec l’énergie du désespoir.
— Pourquoi affirmes-tu cela ? lâcha-t-il.
— Je me souviens.
Le ton était amer, fatidique.
— La mémoire t’est revenue ?
Lukas n’abordait presque jamais l’amnésie de Wataru, mais cette fois, impossible de s’en empêcher.
— En quelque sorte. Cela s’est fait de façon progressive. Certaines zones restent floues.
Wata paraissait catastrophé. Pas Lukas. L’épée de Damoklès suspendue au-dessus de leurs tête était tombé et Wataru ne l’avait pas oublié.
— Et tu étais si terrible que cela avant ?
— Je me suis fait passer pour lui auprès de ses petites amies.
Ryuu l’avait déjà mis au parfum là-dessus, mais sans précision aucune.
— A sa demande ou de ta propre initiative ?
Si c’était la seconde option, Lukas était d’avis en effet que c’était terrible, mais c’était dans le passé.

mardi 5 novembre 2019

Bleu Ciel Océan - 54

— Je suis désolé, dit Ryuu, mais c’est une bonne méthode...
— C’est surtout étrange et je doute que Wataru approuve.
— Il était loin d’être contre avant…
— Il jouait ton rôle auprès de tes petites amies ?
Ryuu but une gorgée.
— Quelquefois, oui.
— Ce ne devait pas lui plaire.
— Tu es riche, hein ? lança Ryuu, changeant de sujet de façon pour le moins abrupte.
Ce n’était pas une déduction difficile vu le standing de l’immeuble et le look de l’appartement.
— Oui, confirma Lukas, se demandant ce qui pouvait bien se passer dans la tête du jumeau de Wata.
— Mon frère ne l’a pas mentionné.
Lukas n’était pas sûr que Wata l’ait réalisé et lui-même ne s’en était pas vanté.
— Cela change quelque chose ?
— Je ne m’y attendais pas, c’est tout.
Lukas retint un soupir. Peut-être que si Ryuu jugeait qu’il était un bon parti, il allait l’accepter et cesser d’essayer de les séparer par tous les moyens possibles et inimaginables.
Lukas, lui, savait bien que Wata l’aimait pour lui-même dans la mesure où ils étaient tombés amoureux sur l’île alors qu’ils ne possédaient rien ni l’un ni l’autre si ce n’est les maigres effets qu’ils avaient sur le dos.
— J’aime Wataru, affirma Lukas.
— Même s’il t’oubliait ?
Le cœur de Lukas se serra douloureusement dans sa poitrine.
— Si cela devait arriver, je m’efforcerai de le reconquérir. Au moins, cette fois, je parlerai le japonais.
— Pas très bien, répliqua Ryuu.
Lukas décida qu’il avait subi assez longtemps la présence de cet invité non prévu et non désiré. Sa ressemblance avec Wata rendait encore plus douloureuse l’absence de ce dernier.
— Tu as une chambre à l’hôtel quelque part ?
— Oui.
Ce qui signifiait qu’il n’avait pas eu l’intention de terminer dans le lit de Lukas, qu’il aurait révélé son imposture ou trouvé une excuse bidon avant cela, c’était bon à savoir. Il se serait à priori en revanche laissé embrasser, ce qui était déjà trop.
— Je vais t’appeler un taxi.
— Merci, dit Ryuu du bout des lèvres.
— Tout le plaisir est pour moi, répliqua Lukas.
Il était trop content de se débarrasser de lui. Il était hélas trop tard au Japon pour pouvoir contacter Wata et bavarder avec lui. Il devrait patienter jusqu’au lendemain midi, l’heure de leur rendez-vous quotidien.

lundi 4 novembre 2019

Bleu Ciel Océan - 53

Lukas rentrait après une journée productive quand il repéra une silhouette familière au pied de son immeuble.
Wata.
Cela faisait déjà trois semaines qu’ils ne s’étaient pas vus autrement que par écrans interposés et il lui manquait terriblement.
Sur le moment, il ne réfléchit à rien, il se contenta de le rejoindre en quelques enjambées et de l’enlacer.
Wata lui sourit, mais pas avec les yeux. Lukas qui s’apprêtait à l’embrasser s’arrêta dans son geste.
Il le regarda mieux. En dépit de son sweat-shirt avec un personnage coloré, sa posture n’avait rien de familier.
Il le relâcha, peinant malgré tout à croire que le jumeau de Wataru ait eu le culot de venir lui jouer la comédie jusqu’en France.
— Ryuu, qu’est-ce que tu fais-là ?
Le Japonais se raidit.
— Comment as-tu su ?
— Vous êtes différents.
Lukas aurait pu le renvoyer comme un malpropre. Il l’aurait mérité, mais discuter debout sur le trottoir n’avait rien de pratique ou confortable et vu le voyage qu’il avait accompli, il méritait cette courtoise. Il l’invita à monter chez lui et fit même l’effort de lui offrir à boire, chose que Ryuu accepta tout en regardant de façon admirative l’appartement de Lukas.
Lukas lui tendit le verre et attaqua :
— Pourquoi n’arrêtes-tu pas de vouloir te faire passer pour ton frère ? Je veux bien que tu ne m’apprécie pas et que tu n’approuves pas notre relation, mais c’est excessif. Non, vraiment, c’est quoi le but ?
— Les autres copains de mon frère, ils se sont tous fait avoir. Toi aussi, d’ailleurs la première fois…
Apparemment, c’était une espèce de test tordu.
— Attends, c’est à peine si je t’ai vu avant que tu ne refermes la porte et je ne savais même pas qu’il avait un frère jumeau. En tout cas, maintenant, tu sais que cela ne marche pas avec moi.
— Comment m’as-tu reconnu ? demanda encore Ryuu avec insistance.
— Vous n’avez pas le même langage corporel.
Observer Wata sur l’île pour le comprendre avait été une nécessité. Le distinguer de Ryuu n’avait rien eu de compliqué.
Ryuu se frotta la nuque, enfin embarrassé. Il ressemblait plus à Wataru avec ce visage-là. Sa gestuelle n’était pas la même malgré tout.
Même quand le bleu du ciel se confondait avec celui de l’océan, il demeurait différent.

vendredi 1 novembre 2019

Bleu Ciel Océan - 52

— Ma mère a hâte de te rencontrer, annonça Lukas à Wata dès le lendemain.
— Elle est au courant pour nous ? demanda-t-il en écarquillant les yeux.
— Je ne te fais pas venir en France pour te cacher dans un placard.
— Oui… Merci.
— Elle n’est pas la seule à être impatiente que tu viennes. Je voudrais que tu sois déjà à mes côtés.
Wata n’était peut-être pas aussi pressé que lui. Lukas avait conscience que changer de pays n’avait rien d’anodin. Par moments, il s’interrogeait. C’était peut-être lui qui aurait dû emménager au Japon. Sa mère vivait en France et son entreprise y était basée, mais Wata, même s’il pouvait dessiner de n’importe où devrait composer avec le décalage horaire. Sans compter qu’il avait également de la famille au Japon. Qu’il l’ait oublié n’était pas une raison pour le déraciner.
Lukas reprit :
— Si tu préfères finalement rester au Japon, je comprendrai.
— Mon responsable éditorial est partant. Il m’imagine déjà en train de dessiner mes mésaventures en France, de rapporter de façon comique les différences culturelles et tout ça.
— Et toi ?
— Moi, j’ai envie que nous soyons à nouveau ensemble. L’endroit m’importe peu.
— Je te promets de tout faire pour que tu te plaises en France. Si mon appartement ne te plaît pas, nous nous installerons ailleurs ou tu pourras redécorer.
Lukas était prêt à tout faire pour que Wata se sente bien une fois qu’il serait là.
— Ce ne sera sûrement pas nécessaire, dit Wataru alors qu’il n’avait pas la plus petite idée d’à quoi ressemblait le logis de Lukas vu que ce dernier le contactait à l’heure du midi dans les locaux de son entreprise.
Il n’avait certes aucune raison qu’il n’apprécie pas, mais Lukas voulait que Wata sache que c’était possible. Il avait été égoïste en demandant à ce que Wata le rejoigne, mais s’il avait vraiment fallu qu’il s’installe à l’autre bout du monde, il l’aurait fait.