Lykandré - 93

– Très chers, si je vous ai fait venir aujourd'hui, c'est pour vous exposer un plan de grande envergure qui nous est rendu possible par l'augmentation soudaine de nos effectifs. Je veux rendre la monnaie de leurs pièces aux épurateurs qui n'ont cesse de s'attaquer à nos membres. Ces derniers jours, j'ai donc étudié avec soin les endroits où ils se réunissaient et je propose que nous les attaquions systématiquement et les massacrions afin de porter un coup fatal aux épurateurs japonais.
– Je suis pour ! Ils ont tué ma femme, la seule tigresse andromorphe que je connaîtrais jamais, déclara  l'homme tigre avec virulence.
– Nous risquons d'essuyer d'importantes pertes, glissa M.Yurimohi.
– Bien entendu, mais la branche japonaise possède actuellement plus de membres qu'il n'est nécessaire. Je compte en dispatcher quelques uns dans d'autres branches du groupe, mais même comme ça, perdre les plus faibles au profit d'une cause plus grande ne me semble pas gênant.
C'était au fond un discours assez semblable à celui que M.Trott lui avait tenu la dernière fois et Lykandré parvint à se retenir de grogner son dégoût. A dire vrai, il pensait comme le lion qu'il était normal que les forts survivent, mais il n'était pas d'accord avec l'idée que les faibles devaient périr sans servir de nourriture. Tuer n'était pas un plaisir, mais un besoin vital. Or, M.Trott parlait d'un massacre qui semblait gratuit. Ce n'était pas une vie pour servir à en maintenir une autre, mais des créatures sacrifiées inutilement.
Lykandré eut du mal à ne pas réagir durant le reste de la réunion. Et quand elle fut terminée, il se sentit impuissant à changer quoique ce soit au plan de M.Trott. Les autres andromorphes s'étaient vite rangés à ses vues. Le lion était après tout l'alpha suprême du groupe. S'opposer à sa décision impliquait d'être prêt à le combattre. Les épurateurs seraient attaqués et des andromorphes y trouveraient la mort.
Ce soir-là, quand il retrouva ses amis et qu'Inuyume lui demanda ce qu'il avait fait avec M.Yurimohi et pourquoi il était revenu l'air abattu, Lykandré fut bien embêté. Malgré l'interdiction, il avait envie de tout leur raconter, mais en même temps, il savait que ce n'était pas la meilleure chose à faire. Si M.Trott les espionnait d'une manière ou d'une autre, il ne ferait que s'exposer à d'inutiles représailles.
– Je n'ai pas le droit d'en parler. On me l'a interdit.
– Je savais bien que tu étais un gentil toutou ! s'exclama Chveuil.
L'homme loup comprit qu'il le provoquait pour lui faire cracher le morceau et il ne se laissa pas avoir.
Méroé le défendit :
– Mettons ça de côté, je suis sûr que Lykandré aimerait tout nous dire mais qu'il a de bonnes raisons de ne pas le faire.
– Oui, il a peur, répliqua Chveuil d'un ton cinglant avant de tourner la tête sur le côté.
– Tout le monde est fatigué. Nous ferions mieux de nous coucher tôt, intervint Inuyume.
C'était la solution magique de la femme chien quand les choses tournaient à la dispute. Lykandré qui d'habitude, passait outre pour continuer à discuter même violemment, sauta cette fois sur l'occasion.
– Bonne idée, bonne nuit, dit-il avant de filer.
Il ne pouvait pas parler de ce qui avait été dit durant la réunion, mais à défaut, il allait essayer d'en apprendre plus sur la façon dont ils étaient surveillés dans l'immeuble et pour cela, il ne voyait pas mieux qu'interroger maître Komori. Il lui faisait confiance pour répondre honnêtement.