Lykandré - 89

– Où crois-tu aller comme ça ? siffla l'andromorphe reptilien.
– Je sors me promener.
– A une heure pareille ? Hors de question. Personne ne m'a prévenu que tu avais une mission à accomplir qui nécessitait que tu sortes.
Lykandré aurait pu prétendre que M.Yurimohi lui avait confié une tâche spéciale, mais il ne le fit pas. Mentir était bon pour les humains.
– Ne suis-je pas libre de sortir à toute heure du jour et de la nuit ?
– Tu n'es pas un membre du groupe Trott depuis assez longtemps pour cela. C'est un droit qui se mérite.
Lykandré contint difficilement sa rage. Il opéra un demi-tour et remonta. Il avait cru libérer ses amis et les autres andromorphes enfermés par M.Ritahoro, mais il n'en était rien. Il n'avait fait que les déplacer dans un autre genre de prison. Et lui-même, comme un idiot, était entré de son plein gré dans cette nouvelle cage, leurré par les  promesses qu'on lui avait fait. A nouveau il fit volte-face. Il avait une question à poser au serpent. Celui-ci ne parut pas étonné de le voir revenir aussi vite.
– Quand m'autorisera-t-on à circuler en toute liberté ?
– Quand M.Yurimohi, ou M.Trott puisqu'il est ici, en aura décidé ainsi. Plus tu es obéissant et fidèle, et plus vite ce moment arrivera. En attendant, tu peux demander à sortir, mais tu devras être accompagné.
Les propos du serpent rappelèrent désagréablement à Lykandré ceux qu'on lui avait tenu au laboratoire du docteur Nakahira et chez M.Ritahoro.
– C'est pareil pour tous les nouveaux ?
– Oui.
– Toi aussi, tu as supporté ça ?
– Oui. Le temps de la formation. Métamorphose, langage, écriture et autres petites choses utiles en société. Toujours est-il que je te déconseille de transmettre l'information à tout les nouveaux, cela ne ferait que retarder ta propre autorisation de sortie.
Lykandré tourna à nouveau les talons. Évidemment, répandre la nouvelle aurait sûrement semé la panique alors que là, à part Chveuil qui n'avait pas grand chose à faire, tout le monde était trop occupé pour penser à quitter les lieux. En apparence, ils étaient libres et en sécurité entre andromorphes, mais dans les faits, ce n'était qu'une illusion. L'homme loup éprouva le besoin de confier son amertume. Spontanément, ses pas le portèrent vers Méroé. Il savait que l'andromorphe aux cheveux de neige serait triste, mais compréhensif, à la différence de Chveuil qui ironiserait et se moquerait de lui.