vendredi 29 janvier 2021

L'androïde amoureux - 14

Valérian se sentait mal à l’aise.
Déjà, à la base, cela ne l’avait pas enchanté que Jason s’incruste alors que c’était Alex qu’il avait invité, mais il avait accepté parce qu’il comprenait qu’en tant que nouveau venu, Jason soit également désireux de se faire des amis.
Ensuite, le coming-out de ce dernier l’avait désarçonné et il avait même failli se casser la figure quand Jason avait en quelque sorte sous entendu qu’il pourrait tomber amoureux de lui. Alex l’avait heureusement rattrapé, ce qui l’avait troublé aussi, mais d’une bonne façon. Ah, sa bouche tout près de son oreille… Valérian serait bien resté dans ses bras, n’en déplaise à Jason qui se posait là dans le genre bavard.
Jamais il ne s’arrêtait de poser des questions ou de faire des commentaires ! Du coup, Valérian n’avait pas réussi à apprendre quoi que ce soit sur Alex.
Jason et lui avaient beau être jumeaux et se ressembler énormément physiquement - même cheveux noirs, même yeux bleus - au niveau du caractère, c’était le grand écart.
Alex était bien plus calme que son frère en dépit de son humour spécial dont Valérian n’avait pu profiter, la faute à Jason qui paraissait décidé à le séduire. Il s’imaginait peut-être qu’il serait plus facile de mettre un garçon gay dans son lit qu’une fille. Non, parce qu’il était évident qu’il n’était pas vraiment intéressé par Valérian. Il n’avait accordé qu’une attention artificielle aux bijoux qu’il avait crées et son compliment sur son talent avait manqué de sincérité.
Il ne se rendait à priori pas compte du travail que chaque bijou représentait, pas comme Alex qui, demeuré quasi-silencieux depuis qu’ils s’étaient retrouvés à la sortie du lycée, avait voulu les observer plus longtemps.
Au contact de sa main sur sa peau, le cœur de Valérian s’était emballé, et, sans réfléchir, grisé à l’idée qu’Alex porte à son doigt ou son cou l’une de ses créations, il l’avait invité à en choisir un, oubliant momentanément la présence de Jason.
Cela n’avait pas duré.
Ses sous-entendus étaient lourds, ses regards insistants pesants. Mais Valérian ne voyait pas comment le lui faire comprendre, surtout qu’il y avait toujours la possibilité qu’il se fasse des idées...
— T’es gentil de nous faire un cadeau pareil, dit Jason, en se penchant d’une telle façon sur la boîte que tenait Valérian qu’il le collait.
— Puis-je vraiment en prendre un ? demanda Alex.
Valérian opina, curieux de voir lequel il choisirait.

jeudi 28 janvier 2021

L'androïde amoureux - 13

Ils se remirent en marche. Pendant tout le trajet jusqu’à la maison de Val, Jason monopolisa la conversation, enchaînant les questions : est-ce que Valérian avait des frères et sœurs ? Connaissait-il des coins sympas en ville ? Où avait-il acheté son pendentif arc-en-ciel ?
Alex enregistra chacune des réponses : Val avait une grande sœur étudiante, il y avait, entre autres, une piscine à toboggans, un musée de figurines et une église du XIIème siècle, Val avait fabriqué lui-même le bijou, c’était une des passions.
Alex n’eut pas l’opportunité de dire un mot. Ce n’était pas un problème en soi, mais il était capable de générer des sujets de conversation, et, d’après ce qu’il avait compris de la société humaine, il  aurait dû avoir son tour de parole.
Val les introduisit chez lui.
Alex essuya avec soin ses semelles sur le paillasson, chose que négligea son frère alors que c’était une règle de politesse commune. Il se déchaussa en revanche.
Val leur proposa de goûter, même s’il était déjà 17h07, soit 37 minutes après l’heure d’usage pour le faire. Alex ne le fit pas remarquer. Jason parlait toujours, demandant à Val sa boisson préférée.
Il se révéla que c’était le chocolat chaud. Il leur en prépara un.
Jason s’extasia sur sa recette qui consistait à plonger dans le lait chaud une barre de chocolat avant de saupoudrer de cannelle. Alex, lui, n’avait pas de papilles pour en profiter.
Ils se rendirent ensuite dans la chambre de Val. Elle faisait 9m2 et était dotée d’une fenêtre de 1150x 1250mm sous laquelle était installé un bureau chargé de feuilles, classeurs, stylos et livres. Le lit était sur le mur opposé avec, au-dessus, un poster où figurait un homme noir jouant au ballon.
— Ta chambre est super ! s’écria Jason qui, décidément, avait toujours quelque chose à dire. Tu ranges où les bijoux que tu crées ? Tu veux bien nous les montrer ?
Val ouvrit le premier tiroir de sa table de chevet et en sortit une boîte divisée en 24 petites cases qui contenait des bagues et pendentifs aux formes et couleurs variées.
— Tu as du talent ! s’exclama Jason après avoir regardé le tout durant 12 secondes, soit 2 secondes tout juste par création.
Comme Valérian s’apprêtait à les ranger, Alex posa avec délicatesse sa main sur son poignet pour l’en empêcher. Il voulait prendre le temps de graver chaque objet dans sa mémoire. Ils étaient peut-être inanimés, mais il avaient été fabriqués par Val comme Alex lui-même l’avait été par son père.
— S’il y en a un qui te plaît en particulier, cela me ferait plaisir de te le donner, déclara Val.
— Et s’il y en a un qui m’a tapé dans l’œil, l’offre est aussi valable pour moi ? s’enquit Jason, son regard non pas sur la boîte à bijoux, mais fixé sur Val.
— Oui, bien sûr, répondit Val en se raclant la gorge.

mercredi 27 janvier 2021

L'androïde amoureux - 12

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La cloche marquant la fin du dernier cours sonna.
Alex acheva de ranger ses affaires de classe. Il devait retrouver Val à la sortie du lycée pour se rendre chez lui. Ils s’étaient mis d’accord là-dessus ce matin, après qu’Alex ait demandé si Jason pouvait venir aussi – ordre de ce dernier.
Val avait accepté sans difficulté, bien qu’Alex ait détecté une légère déception sur son visage.
Il n’avait pas encore beaucoup de données à sa disposition sur les interactions humaines, mais il en était déjà arrivé à la conclusion qu’il y avait souvent un décalage entre ce qui était dit et ce qui était ressenti, même si les humains essayaient de dissimuler leurs émotions. Différents signaux les trahissaient : une inflexion dans leur voix, la posture de leurs épaules, les frémissements de leurs sourcils, les commissures de leurs lèvres.
Il ne parvenait cependant pas à déduire le pourquoi cette dissonance, pas encore, en tout cas.
— Mon frère m’a raconté comment tu avais été embêté hier… Tu as souvent ce genre d’ennuis ?
Jason mentait. Alex ne lui avait rien dit du tout, il l’avait vu, car c’était enregistré dans sa carte mémoire. Alex ne pouvait toutefois pas rétablir la vérité sous peine de trahir son secret.
— Occasionnellement, répondit Val.
— Je suppose que je ferais mieux de ne pas crier sur les toits que je suis bisexuel, alors, répliqua Jason.
La définition étant, individu qui est à la fois hétérosexuel et homosexuel, c’est-à-dire, attiré par les personnes de sexe opposé et de même sexe, cela impliquait que Jason éprouvait du désir pour les filles comme les garçons. C’était une information qu’il n’avait jamais partagée jusqu’alors, du moins pas devant Alex.
— Le choix t’appartient, déclara Val.
— J’y serais bien obligé si je tombe amoureux d’un garçon.
Val trébucha alors qu’il n’y avait pourtant aucun obstacle d’aucune sorte sur le trottoir.
Alex qui se tenait un pas derrière lui, l’attrapa par la taille pour lui éviter de chuter.
— Ça va ? demanda-t-il à voix basse, comme sa bouche était tout près de l’oreille de Val et que les humains avaient les tympans fragiles.
— Oui...i. Merci.
— Relâche-le maintenant, grommela Jason.
Alex s’exécuta… avec cinq bonnes secondes de décalage.

mardi 26 janvier 2021

L'androïde amoureux - 11

Jason s’éclipsa et monta faire ses devoirs. Valérian n’avait pas menti, Monsieur Sauzz n’était vraiment pas un rigolo et il avait mis la dose. Alex, avec ses exercices bonus, allait être bien occupé… Ou pas, car, après tout, il avait une calculatrice intégrée dans sa tête.
C’était l’heure de dîner quand son père émergea enfin de l’atelier, l’androïde derrière lui.
Jason avait préparé des pâtes. Il avait bien été obligé d’apprendre un minimum à cuisiner sous peine de mourir de faim, son père ayant toujours la tête ailleurs.
Peut-être Jason pourrait-il refiler bientôt la corvée à Alex, à moins que son père n’ait des objections, bien sûr. Il ne voudrait peut-être pas risquer qu’Alex brûle la coûteuse peau synthétique qui recouvrait son corps métallique.
Alex, bien qu’il n’ait pas besoin de manger, s’attabla avec eux. Son père tenait à ce qu’ils passent un moment en famille, quand bien même cela ne voulait-il rien dire, Alex n’étant qu’une machine. Il constituait aussi le seul sujet qui l’intéressait. Parler d’autre chose avec lui ne fonctionnait pour ainsi dire jamais.
— Supervise les devoirs d’Alex, déclara son père à la fin du repas.
Jason crut rêver. Cela ne suffisait donc pas qu’il ait fait les siens et qu’il se soit déjà coltiné l’androïde toute la journée, il fallait encore qu’il renonce à sa soirée pour lui !?
— Pourquoi tu ne t’en charges pas, toi ? osa-t-il rétorquer.
— J’ai des articles à lire et une conférence sur la robotique à visionner. J’espère y trouver des idées pour améliorer Alex.
Jason se retint de soupirer. Évidemment.
    Alex se montra efficace en mathématiques. En revanche, pour les exercices de français, il bloqua. Jason crut qu’il allait s’arracher les cheveux, mais enfin, la corvée fut terminée et Jason put laisser Alex dans la chambre dont il n’avait pas vraiment besoin puisqu’il aurait pu se brancher à peu près à n’importe quelle prise pour recharger sa batterie pendant la nuit...
En se couchant, Jason était si furieux contre son père et son faux jumeau qu’il décida qu’il ferait tout pour empêcher ce dernier de se mettre en couple que ce soit avec une fille et un garçon. Son père avait peut-être prévu le coup, mais franchement, c’était un service à rendre aux pauvres ignorants qui n’avaient pas la plus petite idée de la véritable nature d’Alex. Ce n’était qu’une coquille, aussi beau que creux.

lundi 25 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 10

La voix de son père retentit à l’étage. Jason n’avait plus le temps de modifier quoi que ce soit à la carte mémoire d’Alex.
Tant pis ! De toute façon, il fallait que son père sache ce qui s’était passé, comment Alex avait fait mal à deux garçons bien qu’il n’ait pas le droit de blesser des humains et comment il avait été invité à se rendre chez un garçon qui, de toute évidence, avait craqué pour lui !
Un grincement de porte et son père descendit l’escalier.
— Qu’est-ce que vous fabriquez ? s’enquit-il en passant la main dans ses cheveux noirs grisonnant, ses yeux bleus sévères derrière le verre de ses lunettes.
— Eh bien, il y a eu un micmac et Alex et moi, nous avons été séparés un petit moment… expliqua Jason, avant de se dépêcher de rapporter l’accrochage d’Alex dans les toilettes et ses conséquences.
Son père demeura calme et demanda à visionner le passage où Alex s’était bagarré. Il regarda aussi Alex raccompagner Valérian à sa porte.
— Hormis le fait que tu n’as pas réussi à garder à l’œil ton frère, je ne vois pas ce qui te contrarie autant là-dedans. Ces deux garçons se sont énervés tous seuls et n’ont eu que ce qu’ils méritaient.
Jason voulait bien admettre cela, mais il ne comprenait pas comment son père ne pouvait pas considérer cela comme un problème qu’Alex sorte avec quelqu’un, fille ou garçon. Ils étaient lycéens, pas moines, et les choses n’en resteraient pas longtemps aux petits bisous ! Et que se passerait-il quand Alex n’aurait pas d’érection, hein? Non, son père aurait dû s’inquiéter, vouloir que Jason détourne l’attention des filles comme garçons qui s’intéressaient trop près à lui.
— Et le futur petit ami d’Alex ? lança-t-il.
— Je pensais plutôt que ce serait une fille, mais au fond, peu importe, ce qui compte, c’est qu’il accumule les expériences.
Hein ? Quoi ? Son père avait prévu que cela se produise ? Et le sexe, alors ? Est-ce que cela signifiait qu’Alex pouvait la lever ? Jason n’avait pas la moindre envie d’aborder le sujet avec son paternel.
— Même chose pour moi ? demanda-t-il à la place.
C’était de la provocation et en même temps, c’était une vraie question. Jason avait beau être attiré par les filles, les garçons ne le laissaient pas indifférent.
Mais son père ne répondit pas. Il était trop occupé à vérifier que sa précieuse machine n’avait pas été endommagée. Comme d’habitude, il consacrait toute son attention à l’androïde.

vendredi 22 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 9

— Merci encore, dit Valérian, en ôtant la veste d’Alex qui l’avait enveloppé d’une douce chaleur durant tout le trajet.
Alex la récupéra et la renfila aussitôt. Il devait avoir eu froid, le pauvre.
— Tu veux entrer boire un thé pour te réchauffer ? proposa Valérian malgré son envie de se laver et d’enfiler des vêtements propres et secs.
— Merci, c’est gentil, mais ce n’est pas nécessaire. Je dois rentrer chez moi. Une autre fois, peut-être ?
Alex était poli, presque trop. Valérian décida de ne pas laisser passer l’opportunité. Il n’avait pas offert son amitié à la légère et il était plus facile de faire connaissance en tête-à-tête qu’au lycée sous le regard des autres.
Non, parce que dès que Valérian passait un peu de temps avec un garçon, la rumeur se mettait à courir qu’il avait des vues sur lui ou était en couple avec lui, ce qui avait tendance à pousser le garçon en question à prendre ses distances. Du coup, Valérian n’avait que des amies de sexe féminin.
Bon, dans le cas d’Alex, il serait exact qu’il ne le laissait pas indifférent, mais cela ne signifiait pas qu’il allait lui sauter dessus pour autant. N’en déplaise aux homophobes et aux ignorants, il savait se tenir !
— Pourquoi pas demain, après les cours ? offrit Valérian.
— Je verrai ça avec mon père et mon frère.
Il n’était pas un peu âgé pour avoir besoin de l’autorisation à sa famille ? C’était bizarre, surtout pour son frère. En même temps, comme ils venaient de déménager, ils avaient peut-être encore des cartons à déballer ensemble...
— Au revoir, dit Valérian.
Alex lui renvoya en écho et s’éloigna à grandes enjambées.
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Jason était inquiet et furieux contre Alex et lui-même aussi. Il avait merdé. Il n’aurait pas dû essayer de couper à la corvée de rentrer avec son faux jumeau. Ce stupide androïde devait être resté planté dans le couloir comme Jason le lui avait bêtement ordonné, ou bien il lui avait désobéi et quelque chose lui était arrivé en chemin.
Jason s’apprêtait à retourner au lycée quand la clef tourna dans la serrure.
Alex était enfin là, en un seul morceau.
— Bon sang de bon soir, où étais-tu passé ?
— Au lycée. Je t’y ai attendu.
Oui, évidemment, à question idiote, réponse qui l’était tout autant. Le plus simple était encore de visionner la carte mémoire d’Alex et éventuellement la trafiquer afin que son père ne se rende pas compte que Jason l’avait laissé sans surveillance.
— Viens, descendons à l’atelier.
Alex retira veste et chaussures comme il avait été programmé pour le faire et obtempéra.
Jason brancha le bon câble dans l’oreille d’Alex et regarda sur l’écran de l’ordinateur.
Au début, comme il ne se passait rien, il passa en accéléré, mais ralentit à la scène dans les toilettes : Alex s’était battu ! Et leur camarade, Valérian, à qui il était venu en aide, l’avait invité ! Cela ne suffisait pas qu’Alex ait eu une touche avec la jolie Hana, il fallait qu’il ait aussi réussi à charmer un garçon !

jeudi 21 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 8

— Mais assez parlé de moi, déclara Val. D’où viens-tu ?
— Du ventre de ma mère, répondit Alex pour protéger son secret.
Val pouffa.
— Tu ne rates jamais une occasion de plaisanter, hein ! Bref, je voulais dire, dans quelle ville habitais-tu avant ?
Alexy enregistra la correspondance entre les deux questions avant de répondre.
— Tu n’étais pas trop triste de déménager ? Demanda Val.
— Non.
Il n’éprouvait pas d’émotions. Il pouvait juste les lire sur les visages et dans les postures.
— Tu n’as pas d’endroits ou des gens qui vont te manquer ?
Avant le déménagement, Alex n’avait guère quitté la cave, demeurant à l’intérieur de la maison et les seules personnes qu’il avait fréquentées avaient été son père et son frère.
— Non. J’espère me faire des amis, ici, déclara-t-il.
— Tu peux me compter comme tel. Enfin, si tu veux bien de moi.
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Valérian se racla la gorge et referma la main sur son pendentif arc-en-ciel. Il aurait pu formuler la chose d’une façon moins embarrassante que celle-là. A sa décharge, même s’il était habitué à se faire embêter, il avait été secoué. La reprise avait été rude avec pas moins de cinq  homophobes pour lui chercher des noises. Dieu sait jusqu’où les deux affreux qui l’avaient piégé dans les toilettes seraient allés sans l’intervention providentielle d’Alex !
Valérian lui devait une fière chandelle. Le nouveau avait un sens de l’humour particulier, mais pas déplaisant. Cela se sentait qu’il avait bon fond et ne songeait pas à mal. Qu’il ne soit pas déplaisant à regarder ne gâchait rien : musclé, avec une peau parfaite, de beaux yeux brillants et des cheveux noir de jais. La cerise sur le gâteau, c’est qu’Alex était un vrai gentleman. Il suffisait de voir la façon dont il avait insisté pour lui laisser sa veste. Valérian en avait encore des palpitations.
Bon, il était peu probable qu’Alex soit attiré par les garçons, mais en attendant, Valérian était content d’en apprendre plus sur lui, même s’il aurait préféré que ce soit en d’autres circonstances.
Il devait avoir l’air d’un rat mort. Sans compter qu’il se sentait sale. Même en sachant que l’eau de la chasse d’eau était propre, il lui semblait que l’odeur puante de la cuvette était encore attaché à lui. Il avait hâte de se doucher et de se changer. 
Même en appréciant la compagnie d’Alex, il ne fut donc pas fâché en arrivant à la porte de sa maison.

mercredi 20 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 7

— Tu vas avoir froid, murmura Val.
— Pas du tout, assura Alex.
— Je ne voudrais pas que tu tombes malade.
— Aucun risque de ce côté. Toi, par contre, avec tes habits mouillés, tu as 80 % de chance.
Val lui adressa un large sourire.
— C’est précis. Encore merci, alors. Je te rendrais ta veste propre et lavée.
— Non, c’est bon. Je vais t’accompagner jusqu’à chez toi.
— Ce n’est pas nécessaire… Je ne veux pas que tu doives en plus faire un détour pour moi, protesta Val.
Il commença à retirer la veste. Il devait avoir l’intention de la lui rendre au détriment de sa santé. Il n’y avait plus qu’à le convaincre par la logique.
— Quelle est ton adresse ? se dépêcha de lui demander Alex.
Dès que Val eut répondu, il calcula aussitôt l’itinéraire. Ils habitaient à 1.2 km de distance. Cela n’userait guère sa batterie.
— Nous ne sommes jamais qu’à 14 minutes de marche à pieds l’un de l’autre.
Val rit.
— Comment peux-tu savoir cela alors que vous venez d’emménager en ville ?
Alex avait commis une erreur de calcul en affichant des connaissances qu’un humain normal n’aurait pas dû posséder.
— Parce que j’ai étudié de façon détaillée le plan de la ville, répondit-il puisqu’il ne pouvait dire qu’il avait dans la tête un assistant de naviguation.
— OK. Tu as gagné. Tu es un vrai chevalier servant. Les filles doivent te courir après.
— Non.
Aucune du lycée n’avait fait ça en tout cas. En même temps, Alex n’était pas plus un noble appartenant l'ordre de la chevalerie qu’un soldat affecté au service d'une arme.
Ils se mirent en marche.
— Tu es sûrement curieux de savoir ce qui s’est passé au juste, commença Val.
Alex ne l’était pas. Il en était incapable. Néanmoins, toute donnée était bonne à prendre pour nourrir sa base grandissante et enrichir son programme d’apprentissage évolutif.
— Je m’occupais de mon affaire quand ils ont débarqué et sont venus pisser de chaque côté de mon urinoir. Bonjour le malaise ! Comme j’avais fini, je suis allé me laver les mains, mais l’instant d’après, ils m’encadraient, m’accusant d’avoir regardé de trop près leurs pénis. N’importe quoi ! Personne ne leur a demandé de venir se coller à moi ! Tout ça parce que je ne dissimule pas ma préférence pour les garçons. Entre eux et ce matin, c’était vraiment une rentrée en fanfare.
— Je n’ai pas entendu de musique.
Val rit.
C’était un son mélodieux.
— C’est tout ce que tu retiens de l’histoire ? Tu as raison. Tous ces idiots n’ont aucune importance. Je refuse de cacher qui je suis. Garder le secret est plus douloureux.
Le processeur d’Alexy eut un raté. Serait-il plus simple pour lui s’il n’avait pas à prétendre être humain, que tout le monde sache qu’il était un androïde ? Peu importait puisque c’était le souhait de son créateur.

mardi 19 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 6

— Viens m’aider ! s’exclama le garçon à l’intention de son « pote » qui libéra Val.
Alex avait maintenant deux adversaires, mais un seul problème : comment se débarrasser d’eux sans leur faire mal ? Il ne devait en aucun cas et sous aucun prétexte blesser d’humains. C’était une règle suprême, incontournable.
Maintenant qu’ils étaient deux, ils étaient plus difficiles à éviter. Techniquement, il en était capable, mais il aurait risqué de dévoiler sa non humanité, secret qu’il se devait de préserver quitte à mentir, chose qui lui était autrement interdite.
Le garçon numéro 2 l’immobilisa. Le numéro 1 lui donna un coup de poing en plein dans la mâchoire sans qu’il puisse l’en empêcher. Cela affola un instant ses circuits.
Le garçon hurla de douleur. Alex était en acier sous sa couche de peau synthétique. Son adversaire s’était donc blessé en le frappant. Ce n’était pas exactement la faute d’Alex, mais quand même, c’était problématique.
Numéro 2 s’inquiéta pour numéro 1 et voulut à son tour attaquer Alex qui se libéra pour éviter que la même chose ne se reproduise en se baissant brusquement.
Conséquence imprévue de la manœuvre, numéro 1 se prit le coup qui lui était destiné et poussa un nouveau cri.
— Partons ! cria Val
Alex ne voulait pas causer plus de dommages aussi indirects qu’involontaires, conclusion, c’est un ordre valide.
Val avait son sac à dos. Il avait dû le récupérer pendant qu’Alex était occupé avec les deux autres.
Alex suivit Val dans sa course jusqu’à la sortie du lycée.
Le grand portail franchi, Val s’arrêta soudain, le souffle court.
Alex attendit. Il avait été dérouté de son objectif originel qui consistait à retrouver Jason.
Alex soupesa les options qui s’offraient à lui :
1. Retourner chercher son frère dans le lycée au risque de croiser les deux garçons plein de colère à son encontre sans qu’il s’explique pourquoi.
2. Regagner la maison...
A ce moment, Val frissonna. Il avait été mouillé en raison de l’usage inapproprié des toilettes et la température était de 14.3 degrés d’après son thermostat interne.
3. Raccompagner Val.
Alex ôta sa veste qu’il ne portait que pour se fondre dans la foule et la plaça sur les épaules de Val.

lundi 18 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 5

Ordre ou pas ordre, Alex quitta finalement son poste. Le couloir était vide. Il se dirigea vers les toilettes et y entra à la recherche de Jason. Il scanna les lieux et ne détecta aucune présence humaine.
Il se rendit aux toilettes suivants. Il croisa un garçon, mais ce n’était pas Jason. Il continua sa recherche jusqu’à tomber sur deux adolescents qui en maintenait la tête d’un troisième dans la cuvette des toilettes. Il s’agissait de Valérie, non, Valérian. Il se débattait pour échapper à l’emprise des deux inconnus. Conclusion, ce n’était pas sa volonté d’utiliser les toilettes de la sorte, ce qui était logique vu que ce n’était pas la bonne manière de s’en servir.
Alex approcha.
Les deux garçons le remarquèrent.
— Dégage ! s’écria l’un d’entre eux.
Alex ne pouvait pas partir, pas alors qu’un humain était dans une situation inconfortable. Il était programmé pour secourir les humains.
— Non. Je crois que vous vous trompez dans l’usage des toilettes.
— C’est toi qui te goures mon gars. File avant que l’on te rafraîchisses les idées à toi aussi !
Alex avança.
Le garçon qui lui avait adressé la parole tira à nouveau la chasse d’eau avant de lâcher Valérie, non, Valérian. Dommage qu’Alex n’ait pas l’autorisation d’effacer la première fausse donnée de sa mémoire. Il n’avait pas le droit d’effacer quoi que ce soit. Seul Jason et son père étaient habilités à le faire. Il y avait un moyen de contourner le problème, cependant : Valérie, non, Valérian pouvait être abrégé en Val.
L’autre garçon continua à garder Val en place.
— Tu es un des nouveaux, non ? Ce que tu dois comprendre, c’est que la leçon que nous donnons ici à ce sale noir est nécessaire. Il n’avait pas à regarder mon engin et celui de mon pote comme ça.
Val protesta en essayant de se redresser.
Des engins ? Fallait-il en déduire qu’ils étaient des machines, comme Alex ? Non, son scanner était formel : ils étaient 100 % humains. D’ailleurs, son père le lui avait assuré, il n’y en avait pas d’autre au monde comme lui.
— En ce cas, le lavabo n’aurait-il pas été plus pratique ?
— Tu te crois drôle ?
Le garçon tendit le bras, selon tout probabilité pour attraper. Alex préféra esquiver, ce qui ne fit, d’après son programme de reconnaissance des émotions, qu’enrager davantage son interlocuteur qui voulut à nouveau l’empoigner.
Alex ne le laissa pas y parvenir. Il pouvait être sans peine plus rapide qu’un humain.

vendredi 15 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 4

Jason exhala un soupir. Il était lessivé, mais il avait tenu le coup. La  cloche marquant le dernier cours avait retenti. Il avait hélas encore à rentrer à la maison en compagnie d’Alex et vu son état d’esprit, il n’était pas certain de résister à l’envie de le pousser sous un bus, ce que son père ne lui pardonnerait pas.
Les heures de cours avaient été paradoxalement plus reposantes que les pauses.
Au moins, pendant que les professeurs parlaient, Alex n’avait qu’à écouter, comme tout le monde, sans risque de sortir une énormité. Cela n’avait malgré tout pas empêché Jason de demeurer en alerte.
Les interactions durant les récréations avaient été autrement plus stressantes. Alex avait émis bon nombre de remarques étranges auprès de leurs nouveaux camarades, mais de façon étonnante, avait réussi à s’intégrer. Apparemment, filles comme garçons avaient décidé qu’Alex aimait jouer avec les mots et faire le clown.
A la cantine, Hana, une jolie brune aux yeux en amandes avait demandé à s’installer à côté d’Alex, sans doute séduite par sa plastique aussi parfaite qu’artificielle.
Elle l’avait bombardé de questions. Jason en avait eu l’estomac noué, tout en éprouvant une profonde amertume. Pourquoi ne lui avait-elle donc posé aucune question à lui ?
Qu’Alex n’ait pas fait de boulettes graves, n’avait rien changé à l’irritation de Jason à le voir manger alors qu’il n’en avait pas besoin, que c’était juste pour donner le change. La nourriture était gâchée, même si son père avait trouvé le moyen d’alimenter la batterie avec l’énergie mécanique de la mastication. Toujours est-il que c'était insuffisant et que le soir venu, Alex devrait se brancher pour être opérationnel le lendemain.
Même si Jason avait promis à son père de s’occuper d’Alex, il décida de laisser Alex se débrouiller tout seul pour rentrer à la maison.
Comme son frère de métal n’avait pas besoin d’aller aux toilettes, c’était l’opportunité parfaite pour lui fausser compagnie. Il prétexta devoir soulager sa vessie, lui ordonna de l’attendre dans le couloir face à la fenêtre, puis prit la poudre d’escampette.
Enfin, il avait un peu de temps tranquille.
###
    Alex consulta son horloge interne. Cela faisait 67 minutes que Jason était aux toilettes. Or, d’après sa base de données, il ne fallait pas plus de 2 minutes à un humain pour accomplir cette tâche. Conclusion, il y avait un problème. Et si Japon était en détresse, Alex se devait d’intervenir. C’était une nécessité supérieure qui annulait l’ordre premier.

jeudi 14 janvier 2021

L'Androïde Amoureux - 3

Jason, même s’il aurait préféré s’asseoir à côté de Valérian afin de continuer à en apprendre plus sur son nouveau lycée, s’installa à la même table qu’Alex. Il avait promis à son père qu’il veillerait sur lui.
Monsieur Sauzz était un homme grand et maigre avec une petite moustache sévère. Il se présenta, écrivant son nom en lettres capitales à l’aide d’une craie crissante.
Le lycée ne brillait pas par sa modernité sur ce coup avec son tableau noir. Sans aller jusqu’au table numérique, un tableau velleda n’aurait pas été du luxe.
Quand vint son tour d’être appelé, cet idiot d’Alex ne réagit pas.
Monsieur Sauzz répéta son nom :  « Monsieur Alex Corentin ? »
Jason donna un coup de coude à son frère de métal, se fit mal au passage, parce que couche de fausse peau ou pas, dessous, c’était 100 % métallique.
Alex ne réagit toujours pas. Il n’était quand même pas déjà tombé en panne ?
— Réponds donc, le supplia Jason.
— Oui ! s’écria soudain Alex.
Monsieur Sauzz fronça les sourcils.
— Vous nous avez tous fait perdre notre temps, monsieur Corentin. Pour vous apprendre à rêvasser dès le jour de la rentrée, vous aurez des exercices en plus, déclara-t-il d’un ton sec.
Jason retint son souffle, craignant une répartie à la noix de coco d’Alex, mais contre tout attente, ce dernier se contenta d’un sage d’accord d’une platitude totale.
Il faut dire que son père l’avait conçu pour être obéissant aux figures d’autorité, même si c’est en premier à ses ordres et puis ceux de Jason qu’Alex devait répondre.
Jason réalisa alors qu’il avait été lui-même la cause du pseudo-dysfonctionnement de son faux jumeau. Il lui avait demandé de se taire un peu plus tôt et cet idiot, au lieu de comprendre que c’était sur l’instant, avait cru qu’il devait demeurer silencieux sur la durée.
C’était irritant et épuisant à la fois. Et dire que la journée ne faisait que commencer ! Elle s’annonçait longue de chez longue.
Son père lui avait bien dit qu’Alex serait un peu difficile à gérer au début, le temps que son programme d’apprentissage évolutif le fasse progresser dans sa compréhension des comportements, mais c’était un euphémisme.

mercredi 13 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 77 (fin)

Blaise finit par se retrouver au centre des attentions de ses compagnons, sans bien savoir quand ou comment.
Marin lécha le pénis engorgé de Blaise de façon méthodique tandis que Céleste le pénétrait d’un doigt tout en lui expliquant au creux de l’oreille qu’il le préparerait pour Gaïus et qu’ensuite, il s’occuperait de sa bouche.
Il tint parole et quelques instants plus tard, le blond se plaçait au niveau de sa tête, lui coupant le souffle de la meilleure des façons avec sa verge. Gaïus qui s’était installé sous Blaise, s’enfonça en lui.
Huo n’était pas en reste, se frottant contre le torse de Blaise tout en jouant avec ses tétons.
Face à ce quadruple assaut, Blaise ne résista pas longtemps et jouit dans la bouche de Marin. Céleste explosa dans la sienne. Marin éjacula à son tour, son sperme giclant sur les cuisses de Blaise pendant que Huo décorait ses abdominaux.
Encore quelques coups de boutoir et Gaïus le remplit de sa semence.
— Le nombre positions au lit… commença Marin.
— Ne te fatigue pas à calculer, coupa Céleste, mais avec douceur.
— Je vote pour que nous restions là pendant un mois au minimum, annonça Huo.
— Sans vouloir être top terre à terre, il faudra bien manger et se laver avant cela, répliqua Gaïus.
Blaise se contenta de sourire. Il était comblé, la tête sur les cuisses de Céleste, Gaïus sous lui, Marin entre ses jambes et la main de Huo sur son torse, au niveau de son cœur empli d’amour pour les quatre hommes qui l’entouraient.

    Marin étant trop sérieux pour les laisser paresser longtemps et Gaïus trop pragmatique, ils se mirent à organiser leur futur dès le lendemain.
Marin embaucha l’entreprise pour laquelle Blaise travaillait pour reconstruire la maison et commanda un lit sur mesure capable de les accueillir confortablement tous les cinq.
Ils discutèrent de leur relation, Gaïus trouvant judicieux de fixer par écrit quelques règles pour éviter d’inutiles jalousie. Ils décidèrent mutuellement qu’ils n’avaient pas besoin d’être nécessairement tous les cinq pour s’aimer, jugeant qu’ils étaient importants aussi qu’ils aient chacun des moments en tête-à-tête, ainsi que du temps pour être seul.
Ainsi, sur le plan de la future maison, ils choisirent d’avoir une seule et unique chambre, mais chacun une pièce rien qu’à eux.
Au bout du compte, Blaise quitta son travail au chantier et se chargea de la maintenance des nombreux logis que Marin louait. Il continua par ailleurs à seconder ce dernier dans la préparation des repas. Il se laissa autrement convaincre par Huo de participer à sa nouvelle chaîne. Sans flammes, ses vidéos de danse avaient moins de succès, mais Huo s’était lancé dans le créneau des sketchs humoristiques dans lesquels il avait parfois besoin que quelqu’un lui donne la réplique. Blaise devint aussi le bêta lecteur de Gaïus qui s’était spécialisé dans l’écriture des ménage à trois et même plus. Il avait notamment écrit une relecture des plus érotiques du conte de Blanche Neige (ou plutôt Blanc-Neige) et des sept nains. Blaise se retrouva en couverture d’un roman de Gaïus après que Céleste l’ait introduit auprès de photographes de sa connaissance.
Ils passaient la majeure partie de leur temps libre ensemble tous les cinq, leurs nuits dans le même lit, dans un amas de membres entremêlés et de murmures d’amour échangés, inséparables comme les doigts de la main.

FIN

mardi 12 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 76

Il fallut encore deux longs jours avant qu’ils ne soient autorisés à quitter l’hôpital.
De la maison, il ne restait qu’une pile de gravas. Ils avaient eu de la chance d’être tirés des décombres.
Ils se rendirent donc dans la maisonnette où ils s’étaient déjà réfugiés après avoir été attaqués par pas moins de trois Pêchés et quatre lanceurs de malédiction.
Sans se concerter, ils s’installèrent dans la chambre qui possédait le lit King Size. C’était juste de tenir dedans à cinq, mais en se collant les uns aux autres, cela marchait.
Blaise se retrouva au milieu, entouré de Huo et Marin à sa droite, et Céleste et Gaïus à sa gauche.
Aucun d’entre eux n’avait la grande forme et ils avaient tous encore un peu de mal à réaliser que leur combat était terminé pour de bon.
Pourtant, c’était bien le cas. Huo avait  confirmé qu’il n’y avait plus aucune moisissures visibles dans les rues.
A l’hôpital, ils n’avaient pu parler librement, d’abord parce qu’ils avaient été séparés en deux groupes et aussi en raison des allées et venues incessantes du personnel médical entre prises de températures et plateaux-repas.
Maintenant, ils étaient enfin tranquilles, mais ils semblaient tous préférés jouir en silence du plaisir d’être réunis.
Ce fut Blaise qui finit par le rompre, désireux d’évoquer l’avenir qu’il espérait pour eux.
Céleste le fit taire en l’embrassant à perdre haleine.
Blaise s’attendait à ce qu’il se volatilise comme d’habitude, mais le baiser se prolongea jusqu’à ce que Céleste ne s’écarte, laissant Blaise pantelant.
— La fusion n’opère plus, déclara Marin.
Céleste leva les yeux au plafond.
— Bonjour l’évidence ! Je m’en doutais, car je ne peux plus manipuler l’air et mon ouïe, bien qu’excellente, a perdu en puissance
— J’avais aussi remarqué, mais je pensais que c’était peut-être temporaire vu comme nous étions mal en point, rétorqua Marin.
— A mon avis, c’est définitif, dit Gaïus.
— Cela tombe bien, car nous n’en avons plus besoin, ajouta Huo. Même si, du coup, que je n’ai pas vu de moisissures en ville ne signifie pas grand-chose…
— Si nos pouvoirs ne sont plus, alors, c’est que c’est fini, trancha Céleste.
Ils s’embrassèrent tour à tour, Huo, acceptant même un baiser de chacun d’eux, exceptionnellement. Il avait beau ne pas aimer ça, il semblait prêt à faire un effort pour leur faire plaisir, du moment que personne n’insistait pour lui en donner ou exiger des explications sur son manque de goût pour la chose.
Voir Gaïus, Céleste et Marin embrasser le jeune homme roux était un spectacle réjouissant.
Ils se caressèrent ensuite, tous très excités, dans un joyeux mélanges de mains croisées.

lundi 11 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 75

Blaise avait la bouche pâteuse. Il cligna des yeux. Autour de lui, des murs blancs, une odeur de désinfectant, le goutte à goutte d’une pochette de liquide à laquelle sa main était reliée… Il était à l’hôpital. Il était vivant… Mais les autres ?
Le cœur serré, il tourna la tête. Soudain, respira mieux. Gaïus était allongé dans un lit à sa gauche, et à sa droite, était étendu Marin. Céleste et Huo étaient en revanche absents.
Avant que Blaise n’utilise le bouton pour appeler une infirmière et se renseigner à leur sujet, la porte s’ouvrit à la volée sur le blond et le roux, une infirmière protestant sur leurs talons.
— Vous ne pouvez pas… Ne devriez pas être debout… Pas être ici à déranger les autres patients.
— Laissez-nous tranquille, râla Céleste.
Huo se précipita sur Blaise, puis bondit au chevet de Marin qui émergeait tout juste tandis que Céleste se rendait au chevet de Gaïus avant de venir à celui de Blaise. Huo, lui, rejoignit alors Gaïus qui se redressait avec difficulté.
L’infirmière dut comprendre qu’elle ne parviendrait pas à obtenir gain de cause et elle quitta la pièce, sans doute dans l’intention d’aller chercher du renfort ou peut-être un médecin… Blaise n’en avait cure. Tout ce qui lui importait, c’est qu’ils étaient, par miracle, en vie tous les cinq.
A moins qu’il ne soit en train de rêver et qu’ils soient en fait en train d’étouffer dans le corps boueux du Vide.
— J’ai du mal à y croire… lâcha-t-il.
— Ah non, ne nous refais pas le coup, comme quand tu as été confronté à nos pouvoirs et aux tiens, la toute première fois, soupira Céleste.
— Le Vide nous avait capturés, j’étouffais…
— Mais tu l’as battu  ! s’écria Huo en jetant un regard empli d’amour à Blaise.
— Je ne me l’explique pas…
Marin offrit aussitôt une hypothèse :
— A l’intérieur du Vide, nous étions privés de nos sens, il n’y avait plus ni Air, ni Terre, ni Feu, ni vraiment Eau, si ce n’est cette minuscule larme… Tes émotions, les nôtres, le Vide n’a pu les tuer.
— Ton amour pour nous quatre a été le plus fort ! s’exclama Huo.
— Oui… A ce propos, je n’oublie pas que, comme Gaïus, tu as encore cru bon de jouer les preux chevaliers en nous demandant de quitter ton corps, marmonna Céleste.
— C’est notre façon d’aimer, répliqua Gaïus de sa voix grave et profonde que Blaise ne se lasserait sûrement jamais d’entendre.
Elle était encore plus belle qu’à l’intérieur de sa tête.
Deux infirmières et un médecin débarquèrent, interrompant leur réunion. Céleste et Huo furent obligés de regagner leur chambre.

vendredi 8 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 74

Malgré la fatigue de la bataille précédente contre les ailes, tous les sens de Blaise étaient aiguisés et la puissance des éléments bouillon-naient en lui, mais c’était surtout l’amour qui le rendait fort, l’amour qui avait permis l’union de leurs différents pouvoirs.
Il déversa un torrent de flammes sur la masse noirâtre qui avala le tout sans broncher et grossit encore davantage, s’étalant sur le carrelage. Blaise déchaîna une tempête, fit trembler la terre.
Le Vide ne fit que gagner en taille, emplissant de plus en plus l’espace.
Pour éviter d’entrer en contact avec lui, Blaise prit la voie des airs.
Huo l’enjoignit à utiliser de sa vue, Céleste sa voix, Marin à se servir de ses cheveux et Gaïus de sa force et de son poison nouvellement découvert.
Le Vide avait grimpé sur les murs et atteignait désormais le plafond.
Blaise lui intima de rétrécir, en vain. La masse en face d’eux n’avait à priori pas d’oreilles et elle était totalement opaque, sans point faible apparent d’aucune sorte.
Blaise lança ses cheveux bleus à l’assaut du Vide qui les dévora, l’attirant auprès de lui.
Blaise, avec difficulté, s’arracha à l’emprise du Vide.
Tout était recouvert par le liquide noir, tout s’écroulait autour d’eux.
Blaise lança toutes les attaques qu’il avait à sa disposition les unes après les autres. Rien ne semblait avoir d’effet sur le Vide.
Le plafond creva, donnant un court moment de répit à Blaise.
Aucun d’entre eux se décourageait, mais impossible de ne pas sentir qu’ils épuisaient peu à peu leurs forces, surtout qu’ils n’avaient pas eu le temps de récupérer de la bataille contre les Ailes.
Le Vide n’en finissait pas de s’étaler partout. Une tentacule boueuse s’enroula autour d’une des jambes de Blaise. Il la coupa à l’aide de sa queue, mais d’autres l’attrapèrent. Bras, jambes, bientôt Blaise fut englué. Il battit des ailes avec l’énergie du désespoir, donna des coups de cornes dans la masse infâme du vide, se rendit fantômatique. En vain.
Le Vide les absorba, les avalant complètement.
Blaise ne voyait plus rien qu’une obscurité infinie, n’entendait plus rien d’autre qu’un silence assourdissant, comme s’il avait été seul alors qu’ils étaient pourtant tous les cinq fusionnés, ne sentait pas la plus petite odeur, ne goûtait plus rien, ne touchait plus rien, suspendu dans le néant.
Il ne parvenait plus à respirer, l’air étant absent. Une unique larme roula sur sa joue. Leurs flamme de vie s’éteignaient, enterrés qu’ils étaient dans la masse boueuse du Vide.
Blaise était furieux qu’ils soient en train de perdre, sa mort comme celles de ses bien-aimés semblait inévitable et cela lui faisait peur. Il était malgré tout content de les avoir rencontrés, d’avoir essayé avec leurs pouvoirs combinés de sauver la planète de cette chose immonde. Il était aussi triste parce qu’il aurait voulu qu’ils aient le temps de vivre leur amour tous les cinq.
Avant que tout ne cesse d’exister, Blaise les revit chacun. Huo, le roux aux étranges yeux jaunes-orangés à la grâce féline, tout feu tout flamme, et aussi brillant qu’un soleil. Le blond Céleste à l’apparence et à la voix angélique, mais au tempérament colérique et autoritaire. Gaïus, le calme et protecteur colosse barbu aux doigts tâchés d’encre au parfum boisé, et au sourire aussi rare que précieux.
Et puis, Marin, le prince aux yeux vairons, si prompt à fondre en larmes sous ses dehors sérieux et glacés.
Dans une ultime pensée désespérée, Blaise exigea qu’ils sortent de son corps. Peut-être, juste peut-être, ils se matérialiseraient hors du Vide et lui survivraient.

jeudi 7 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 73

— Allons, ne sois pas trop dur avec toi-même, protesta Huo. Il est normal que tu aies eu un côté Raiponce dans ta tour avec la malédiction des cheveux longs, ajouta-t-il d’un ton léger.
— Cela n’excuse pas mon attitude avant cela, répliqua Marin avec le sérieux habituel qui le caractérisait.
— Peut-être, mais nous te pardonnons quand même, alors, inutile de te flageller plus longtemps ! rétorqua Céleste.
— Moi aussi j’ai eu du mal à admettre qu’il était possible d’être impliqué avec  plusieurs personnes à la fois, d’avoir plus qu’une âme-sœur, enchérit Gaïus.
C’était un bonheur d’entendre enfin sa voix pour de vrai, à l’air libre.
— Nous devrions aller nous soigner, ajouta le colosse.
— Il y a une trousse de secoues dans ma salle de bains, répondit Marin, en séchant ses larmes.

    Ils venaient à peine de panser leurs blessures et de se remettre de leurs émotions qu’un liquide noir et gluant s’infiltra sous la porte de la salle de bains.
— Qu’est-ce que c’est encore ? marmonna Céleste. On n’a même pas eu le temps de souffler…
Cela pue comme les moisissures, dit Gaïus.
Le liquide noir s’accumulait formant une masse informe.
— Je pense que c’est le Vide. Il n’a pas dû apprécier que nous détruisions tous ses alliés, annonça Marin en s’humectant les lèvres.
— Je ne le voyais pas comme ça, murmura Huo.
— Bon, il s’agit de se bouger, décréta Céleste, en faisant signe à Blaise de se pencher.
Blaise obtempéra et les lèvres de l’ange autoritaire recouvrirent les siennes.
Avant qu’il ne puisse regretter la fin du baiser, Céleste s’étant volatilisé à l’intérieur, Gaïus l’embrassa en profondeur.
Sa langue pénétrante et son parfum boisé fut ensuite remplacé par la fraîcheur mentholé de la bouche de Marin.
Blaise, muni d’ailes blanches, de cornes et de queue, ses cheveux bleus tentaculaires cascadant sur ses épaules, tendit la main vers Huo. Néanmoins, ce dernier ne cracha pas dedans et sauta plutôt dans ses bras.
— Embrasse-moi, déclara Huo. Je sais que tu en as envie.
— Tu es sûr ?
Céleste râla, car ils n’avaient pas de temps à perdre avec la masse gluante et grandissante du Vide à deux pas d’eux.
Ils échangèrent un regard.
Blaise comprit que Huo qu’il voulait bien pour lui, pour ne pas avoir de regrets.
Blaise le gratifia d’un baiser brûlant et à ses ailes duveteuses vinrent s’ajouter une paire d’enflammées.
La fusion était totale et complète.

mercredi 6 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 72

Des gouttelettes d’eau sur son visage le firent émerger. Marin pleurait, agenouillé au niveau de sa tête.
Huo, Céleste et Gaïus étaient allongés à côté de Blaise au milieu des meubles et objets cassés, des murs effondrés et des morceaux de leurs ennemis ailés.
Blaise craignit un instant que l’un d’entre eux n’ait été touché fatalement, mais non, tous respiraient, même s’ils étaient tous blessés, de profondes griffures barrant leurs torses. Gaïus avait recouvert son apparence humaine.
— Oh, Blaise…
Marin, ses yeux vairons emplis de larmes, se pencha et pressa son front frais contre le sien.
— Tout va bien, on a réussi.
— In extremis. Tout ça parce que j’ai été obstiné, que je ne voulais pas reconnaître mes sentiments. Je t’aime Blaise, tu es si gentil, et j’aime aussi Huo qui est toujours si positif et si plein d’énergie, et qui n’hésite jamais à dire ce qu’il pense et ressent.
— Oh, bonne nouvelle ! dit Huo, paupières clignotantes
Il reprenait doucement conscience et n’était d’ailleurs pas le seul. Céleste et Gaïus émergeaient également.
— Par ma bêtise, j’ai failli vous perdre tous les quatre, continua Marin.
— Il y a eu plus de peur que de mal, assura Gaïus, en se redressant sur ses coudes, non sans parvenir à masquer une grimace de douleur.
— J’ai toujours été fan de tes œuvres et quand j’ai appris à te connaître…. Tu es si réservé, mais tu as une si belle imagination. Je t’aime. Et toi aussi, Céleste, même si c’est parfois frustrant que tu ne cesses de me couper la parole. Mais j’apprécie aussi que tu m’arrêtes… Je réfléchis souvent trop pour mon propre bien.
— Pourquoi crois-tu que je le fais ? répliqua Céleste.
Oui, l’ange était doué pour donner aux gens non pas ce qu’ils demandaient, mais ce dont ils avaient besoin.
— Nous t’aimons tous, assura Blaise en son nom et en celui des autres.
— Je le réalise à présent, mais je ne voulais pas admettre que je m’étais trompé, et puis je m’étais stupidement mis en tête qu’avec nos pouvoirs, une histoire d’amour était impossible, avec quiconque, y compris mes propres compagnons de bataille avec ses histoires de mélanges de fluides et les fusions que cela engendre.

mardi 5 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 71

Dans l’intervalle, le pauvre Marin avait été transformé en grosse bête monstrueuse aux multiples yeux globuleux et du sang vert coulait en abondance sur ses flancs sur lesquels Ailes Velues s’acharnaient en ricanant.
Blaise fort de sa première victoire, grâce à sa double paire d’ailes qui le rendait plus rapide, faussa compagnie à ses deux adversaires pour venir à sa rescousse.
A l’aide de sa queue en as de pique, il arracha Ailes Velues au monstre qu’était devenu Marin et le projeta contre leurs deux autres ennemis.
Profitant qu’ils étaient déstabilisés, il déchaîna une violente tempête de feu sur eux, tout en faisant trembler la terre.
Ailes Arc-en-Ciel roussit et explosa. Pas les deux autres. Ils étaient plus forts.
— Merci pour cette douce brise, déclara Ailes Velus en souriant de toutes ses dents pointues, insensible au fait qu’un de ses compagnons venait de périr.
Sa voix avait réussi à franchir le blocage de Céleste.
Pendant qu’il le narguait, Bleuet en profita pour attaquer Blaise par derrière, l’empoignant par ses cornes.
Blaise étant immobilisé, Ailes Velues se mit à griffer son torse en poussant des grognements satisfaits et moqueurs.
Blaise s’efforça de se dégager sa tête et de repousser les assauts d’Ailes Velues.
« Tu peux y arriver. » l’encouragea Huo.
« Souffle ! » lui intima Céleste.
Gaïus l’incita à planter sa queue en as de pique dans la cuisse d’Ailes Velues.
Blaise écouta leurs recommandations tout en battant en prime puissamment des ailes et il parvint enfin à se libérer de l’emprise de Bleuet, mettant ainsi fin à l’assaut d’Ailes Velues.
Il était en revanche mal en point. Ses oreilles bourdonnaient, sa vision s’obscurcissait et son torse le brûlait. Il avait peine à respirer et un goût de sang à la bouche.
Comme le suggérait Gaïus, il fit encore trembler la terre, fissurant les murs, tout en projetant des petits tourbillons sous l’impulsion de Céleste.
Un pan entier de mur s’écroula par chance sur Ailes Velues, l’écrasant de son poids. L’affreux se débattit malgré tout, cherchant à s’extirper, mais le monstrueux Marin vint l’achever et se retransforma en lui-même. Il n’y avait que Bleuet qui semblait nettement moins confiant quant à l’issue de l’affrontement maintenant qu’il avait perdu son dernier acolyte et l’un des plus puissants.
Blaise n’était hélas pas loin de s’écrouler.
« Non. Tiens bon ! »
« C’est presque fini. Un dernier effort. »
« A nous tous, rien n’est impossible. »
Blaise n’était pas en état de savoir qui disait quoi, mais il perçut leur soutien et leur amour.
— Meurs ! lança-t-il à Ailes Bleues avec toute l’autorité de Céleste et en crachant un jet de flammes de Huo doublé d’une senteur empoisonnée, capacité que Gaïus lui-même n’avait pas soupçonné avoir jusque là.
Ailes Bleues s’effondra. Ils avaient gagné. Blaise perdit connaissance.

lundi 4 janvier 2021

Comme les doigts de la main - 70

Finalement, faute d’une meilleur plan, après quelques jours de repos entrecoupés d’entraînements sur la fusion, ils s’accordèrent pour retourner à la maison. Puisqu’ils ne savaient pas où débusquer leurs ennemis, le plus simple était encore de les laisser venir à eux, surtout que les malédictions devenaient de plus en plus insupportables. Marin avait craqué et coupé sa tresse, ne faisant hélas qu’en accélérer la pousse.
Au moins, cette fois, ils seraient prêts. Ils demeureraient sur leurs gardes en permanence, faisant tour à tour le guet de jour comme de nuit.
Ils n’eurent heureusement pas longtemps à attendre.
Au cours de leur seconde nuit sur place, durant le tour de veille de Marin, les Ailes débarquèrent.
Blaise fusionna avec Gaïus, Huo et pour finir avec le pauvre Céleste plongé dans le coma sauf quand il était en chouette ou fusionné avec eux.
Blaise aurait vraiment aimé que Marin se joigne à eux pour la fusion ultime, mais il  n’avait même pas voulu essayé une seule fois et ce n’était plus le moment de tenter, pas alors qu’ils faisaient face à quatre lanceurs de malédictions.  Non, l’heure n’était plus aux essais, mais à la bataille avec leur toute nouvelle fusion à quatre.
Hélas, Marin, avec ses seuls pouvoirs, empêtré qui plus est dans sa tresse, constituait une proie de choix pour l’ennemi.
Ailes Velues se jeta sur lui, toutes griffes dehors et Blaise ne put rien y faire, encerclé qu’il était par Ailes Arc-en-ciel, Ailes Translucides et Bleuet.
Céleste l’aida à se concentrer en l’empêchant d’entendre les paroles cruelles de leurs ennemis.
Ailes Translucides était le plus dangereux du lot avec son venin capable de transformer les gens en Beau au Bois Dormant en un clin d’oeil. Blaise concentra donc ses efforts sur lui, laissant Ailes Arc-en-Ciel et Bleut le toucher. Normalement, tant qu’ils étaient fusionnés, les malédictions ne les affectaient pas. Il s’agissait juste de ne pas penser à ce que cela donnerait s’ils échouaient à éliminer ces oiseaux de malheurs.
Grâce à la vue spéciale de Huo, Blaise parvint à repérer le point faible d’Ailes Translucides, sut qu’il devait le frapper entre les deux yeux, et y planta sans hésiter l’une de ses cornes avec un rugissement de bête féroce qui provenait de Gaïus.
Ailes Translucides se désintégra, la bouche ouverte dans un cri.