Cœur de fantôme - 73

Nino étira les bras, ses yeux vairons pétillants d'une lueur inhabituelle.
— Cela aurait été plus simple de faire cela dès le début. Enfin, nous nous sommes bien amusés.
Zack déglutit. Le vieux ridé avait désormais pris possession de Nino et ils étaient sans filet, car Kazuya n'était pas là.
Il aurait voulu secouer le jeune homme comme un prunier pour avoir fait preuve de pareille imprudence, mais le fantôme qui s'était introduit à l'intérieur de lui aurait pu mal le prendre et l'énerver était la dernière chose que souhaitait Zack car il n'avait aucun moyen de le chasser du corps de Nino, à part de contacter un  exorciste. Hélas, le temps que ce dernier n'intervienne, le fantôme pouvait avoir emmené Nino au loin.
— Que comptez-vous faire ? Aller sur la tombe de la personne ? demanda-t-il en ramassant le talisman qu'il fourra dans la poche de son jeans.
— Non, c'est inutile. Elle n'en a pas.
— Hein ? Mais alors quoi ?
Nino se mit sur ses pieds. Zack l'imita aussitôt.  Il ne le lâcherait pas d'une semelle.
— C'est dans le lac que j'ai jeté son corps. Ils ne l'ont jamais retrouvé.
Zack blanchit. C'était le fantôme d'un tueur. Il ouvrit la bouche, mais sa gorge étranglée n'émit aucun son.
Le fantôme reprit :
— Après cela, j'ai mené une vie sans histoire, sans jamais être inquiété. Mais j'ai toujours regretté mon geste.
Zack n'arrivait pas à se remettre du choc.
— Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il.
Le nom du vieux fantôme lui importait en fait peu, mais c'était la seule chose qu'il avait réussi à sortir.
— Victor. Toi, je te connais bien Zack. Je t'ai vu grandir. J'étais là aussi quand tes parents t'ont conçu. Une belle femme, ta mère, avec de longues et magnifiques jambes et un jolie paire de seins.
Zack n'avait certes pas envie d'imaginer ses géniteurs en train de copuler et surtout pas entendre ce genre de truc de la bouche de son petit ami.  Il en était malade : ce fantôme criminel avait espionné sa vie et celle de ses parents depuis leur emménagement dans cette maison.
— Tu ne dis rien ? Je suis content, moi, de pouvoir enfin te parler. Tu as bien choisi ton petit ami.
Zack serra les poings, faisant entrer ses ongles dans la chair de ses paumes. Il fallait qu'il se reprenne pour Nino. C'était horrible que Victor ait assisté  à son quotidien à son insu des années durant, chose qu'il n'avait pas réalisé en apprenant l'existence du fantôme, mais le pire, c'était bien ce qu'il risquait de faire à présent qu'il avait à nouveau un corps.