vendredi 27 février 2015

Contes modernes - 9

Il poursuivit ses cours à la fac, faisant même sa lessive dans les lavabos des toilettes, séchant ensuite le linge au soufflant. Deux fois, il fut surpris, mais aucun des deux étudiants ne dirent rien.
Puis fin juillet fut là et l'université ferma ses portes, privant Dillon de ses toilettes et son eau gratuite. Il avait beau avoir fait attention, mangeant peu, il lui restait un peu moins de cent euros. Il n'osa toutefois pas retenter sa chance à l'appartement, Vivianne avait été très claire, la première fois comme la deuxième. Il ne voulait pas découvrir que son père était du même avis qu'elle.
Mi-août, après une nuit sous une pluie battante, il perdit tout espoir. Il était de plus en plus crasseux à présent. Trouver un job s'avérait impossible. Ses journées s'étalaient vides et solitaires, les gens évitant de l'approcher et même de le regarder.
Début septembre, le temps se dégrada d'un coup, l'automne commençant précocement. Dillon, amaigri, déprimé, avec guère plus de 3 euros en poche, obtint une place pour une nuit dans un centre d'hébergement d'urgence.
Il paya cher ce luxe d'un lit au chaud et au sec dans une pièce grise avec sept autres personnes. Au matin, il découvrit en effet que ses chaussures avaient été volées. C'étaient de vieilles baskets usées par les ans, mais quelqu'un les avait trouvées à son goût. L'une des personnes partageant le même espace que lui, un petit vieux à l'haleine avinée, l'informa aimablement que c'était fréquent de « perdre » ses affaires dans ce genre d'endroit et que se plaindre ne servait à rien. Il lui conseilla d'aller faire les poubelles dans les beaux quartiers.
Dillon repartit donc avec deux paires de chaussettes sur les pieds. Trois mois que le cauchemar durait.
Vivianne, Violetta et Virginia devaient être confortablement installées sur le canapé devant la télévision, son père sûrement en déplacement quelque part pour le travail, nullement troublé par son absence.
Dillon chassa ses pensées de sa tête. Cela ne l'aidait pas. D'accord, il n'avait plus de chaussures, mais la suggestion du vieux était bonne. Cela lui faisait au moins un objectif. Dillon marcha jusque dans les quartiers riches de la ville, sentant les petits graviers sur le trottoir malgré sa double épaisseur de chaussettes. Les autres passants regardaient partout ailleurs que dans sa direction quand ils le croisaient. Certains changeaient même carrément de trottoir. Cela avait été tour à tour drôle et douloureux, mais à présent Dillon s'y était presque habitué.
 
Pendant trois jours, il rôda autour des belles maisons et des beaux immeubles, récoltant même involontairement sa première pièce d'aumône d'une dame assez âgée en manteau de fourrure.
Au milieu des ordures ménagères, il finit par tomber sur une paire de chaussures noires bordées de fourrures de pointure 41, soit deux de trop, car il avait de petits pieds pour un homme. Il les enfila avec bonheur. Le concierge qui lui avait déjà demandé la veille d'arrêter de fouiner dans les poubelles, l'interpella.
Dillon prit la fuite. Traversant en courant pour s'éloigner le plus vite possible, il perdit une chaussure au milieu de la route tandis que le feu passait au rouge. Essoufflé, il tomba en avant sur le trottoir.
Lentement, il se releva et se retourna pour voir les voitures vrombissant qui devaient réduire en loque l'une des chaussures dénichée aux prix de longues heures de recherche dans les sacs poubelles mal odorants.  Il baissa les yeux sur ses mains. Tout ce qu'il avait gagné dans l'affaire, c'était des écorchures sur ses paumes. Il en aurait pleuré.
Le passage des voitures cessa. Il regarda à nouveau la route. Le feu était vert. Sur le passage piéton un homme en costume gris, une sacoche noire à la main, ramassait ce qui ressemblait fort à sa chaussure perdue.

jeudi 26 février 2015

Contes modernes - 8

Dillon erra au hasard dans les rues, s'éloignant de plus en plus de l'appartement, avant de finalement s'installer sur un banc faiblement éclairé. Un coup d'œil à sa montre qu'il avait depuis le collège lui apprit qu'il n'était jamais que deux heures du matin et trois minutes. La nuit promettait d'être longue. Il n'avait jamais imaginé se retrouver à la rue et n'avait pas la moindre idée de quoi faire. Demain, il avait cours à la fac. Les examens finaux approchaient et normalement il décrocherait bientôt sa licence... Mais que ferait-il avec ? Aucune idée. Dillon croisa les bras contre son torse. Malgré sa veste de mi-saison – il n'en avait pas d'autre – il faisait frais. Pourrait-il convaincre Vivianne de le reprendre ? Dillon passa la nuit à se poser des questions sans arriver à aucune solution.
Au matin, il se rendit à la fac et suivit les cours comme si de rien n'était. A midi, toutefois, il s'endormit d'épuisement sur une chaise dans un couloir. Et, à la fin de la journée de cours, il n'était pas plus avancé sur la marche à suivre.
D'habitude, il rentrait immédiatement après, pour s'occuper des lessives, des courses et du ménage, mais aujourd'hui, il n'avait pas à se presser, il n'était pas le bienvenu à l'appartement. C'était une sensation de liberté plus angoissante qu'autre chose. Il se rendit à la bibliothèque où il attendit qu'un ordinateur se libère pour chercher sur internet une réponse. Il n'en trouva pas vraiment. Il se voyait mal exposer à quiconque ce qui lui avait valu d'être mis à la porte de chez lui. Il avait trop honte pour ça. Il existait à priori des centres d'hébergement, mais ces derniers étaient surchargés. Autrement, trouver un boulot sans avoir de logement semblait plus qu'ardu. Dillon libéra l'ordinateur pour la personne qui s'impatientait derrière lui, puis dans un bout de de couloir désert regarda la somme que Vivianne lui avait donné. 200 euros, c'était peu et beaucoup à la fois. S'il logeait à l'hôtel, son pécule fondrait comme neige au soleil. Par contre, il pouvait se nourrir un certain temps avec. Ce serait bientôt l'été et dormir dehors emmailloté dans son duvet ne devrait pas être trop inconfortable.
Pendant huit jours, Dillon se débrouilla comme ça, se nourrissant de pain et de fromage, se nettoyant comme il pouvait au lavabo avec un gant, dans les toilettes de la fac, en soirée, quand la majeure partie des étudiants étaient rentrés.
Ne se voyant pas continuer comme ça, il osa retourner à l'appartement, mais Vivianne lui fit une scène terrible, le rejetant plus violemment encore. « Sale sodomite ! » furent ces derniers mots avant de claquer à nouveau la porte sur lui.
Dillon comprit que c'était sans espoir et se mit sérieusement à la recherche d'un emploi, mais fut vite confronté à son absence de domicile.

mercredi 25 février 2015

Contes modernes - 7

Vivianne, le visage déformée par une grimace de dégoût, lui enjoignit encore de partir. Craignant que Violetta et Virginia ne se réveillent et soient informées de la situation dans laquelle il avait été surpris, Dillon s'habilla.
Elle lui intima une fois de plus de filer. Dillon essaya d'argumenter, mais il se tut de lui-même. Rien de ce qu'il disait n'était très convainquant avec sa carotte à la main.
Poussé par ses mots, il alla dans le vestibule avec son duvet et son légume qu'il dut fourrer dans son sac de vêtements rangé dans le placard.
— Mets ta veste, enfile tes chaussures et ouste ! Je ne veux plus te voir, jamais ! Je ne sais déjà pas comment je pourrais oublier cette affreuse image de toi avec ce... en toi.
— Et mon père... avança Dillon, en désespoir de cause.
— Mieux vaut pour toi qu'il ne sache pas, tu ne crois pas ? Il le prendrait mal, tu le sais parfaitement.
Vivianne ouvrit la porte. Dillon ne voulait pas partir, mais il aperçut Violetta et Virginia dans le salon, encore toutes endormies, comme deux anges tombés du lit dans leurs belles chemises en soie.
Il ne voulait pas entendre la manière dont Vivianne allait leur expliquer la situation, alors il franchit le seuil. Vivianne fourragea dans son portefeuille et lui tendit une liasse de billets.
— Je suis une bonne chrétienne. Prends ça, débrouille toi avec et surtout ne remets plus les pieds ici ! Ne t'approche plus de l'immeuble !
C'était un cauchemar dont il allait se réveiller. Dillon prit ce qui lui était donné, presque machinalement. La porte claqua sur lui.
C'était la réalité, comprit Dillon. Il était debout sur le pallier de l'appartement dans lequel il avait toujours vécu, au beau milieu de la nuit, à ses pieds deux sacs - l'un contenant ses maigres possessions, l'autre ses cours - et dans la main, un peu d'argent.
Il rangea les billets, puis plutôt que de prendre l'ascenseur, il choisit l'escalier pour descendre les sept étages. Il ne savait pas où aller. Il n'avait nul ami, nul endroit où se réfugier temporairement. Il sortit néanmoins de l'immeuble. La fraîcheur nocturne de l'air le frappa. Il avança, jetant dans la première poubelle venue la carotte qui était la cause de tout.
Dans la lumière d'un lampadaire, un mouvement sur la façade de l'immeuble d'en face l'interpella. Il leva la tête, curieux de savoir qui aérait son linge à pareille heure. Cependant, ce n'était pas une couette, c'était une espèce de corde qui pendait du dernier étage. Il la regarda un moment, intrigué, puis finit par s'éloigner. C'était insolite et inquiétant et il avait déjà assez de problèmes comme cela, sans aller en chercher de supplémentaires.

mardi 24 février 2015

Contes modernes - 6

A la fin du lycée, Dillon envisagea d'arrêter là ses études, mais son père avec qui il finit par réussir à aborder le sujet, l'en dissuada :
— Avec juste le bac, tu ne décrocheras que des boulots minables. Il te faut au moins une licence en poche. Je peux aussi te payer une école si tu veux.
Vivianne intervint pour lui conseiller d'aller à l'université. Dillon n'était pas stupide, il savait très bien que cela répugnait à sa belle-mère que de l'argent soit dépensé pour lui. Comme il ne savait pas quoi faire, il y alla et continua à faire les courses, le ménage et tout, pour sa belle-mère et ses deux sœurs par alliance.
La nuit, il se caressait, glissant ses mains sur l'intérieur de ses cuises, enserrant son pénis,  enfonçant parfois une courgette huileuse.
Parfois il se disait qu'il ferait mieux de partir, car même s'il ne détestait pas faire le ménage et la cuisine, c'était dur avec les devoirs et les cours de satisfaire les demandes parfois déraisonnables de Vivianne. Cependant il ne voulait pas quitter l'appartement : les souvenirs des jours heureux auprès de sa mère le retenaient.
Par ailleurs, même si Vivianne avait des exigences terribles, Dillon s'était attaché à Virginia et Violetta. Oui, elles étaient coquettes et un brin capricieuses, mais elles avaient leurs moments de douceur. A chacun de ses anniversaires, alors que Vivianne faisait comme si de rien n'était, que son propre père oubliait de le lui souhaiter, les deux sœurs lui offraient un petit quelque chose : une carte postale, un cahier, un stylo.

    Une nuit de juin, alors que Dillon se masturbait, étendu sur son duvet sur le canapé qui lui servait de lit, les lumières du salon s'allumèrent brusquement.
C'était Vivianne, l'air malade, qui était sortie de sa chambre. Elle le vit une main sur son pénis, l'autre tenant la grosse carotte qu'il avait  enfoncée en lui. Elle poussa un cri horrifié.
Toute son excitation retombée, Dillon, plein de honte, ôta le légume et s'empressa d'enfiler son slip. Le mal cependant était fait.
— C'est infâme ! Oh mon Dieu ! Tu es un de ces pervers d'homosexuels ! Et ce légume ! Et dire que nous avons mangé un velouté de carottes au dîner ! Oh mon Dieu !
— Je..., balbutia Dillon, trop mortifié pour aligner deux pensées cohérentes.
— C'est ignoble, vraiment ! Habille-toi et dehors !
— Mais...
— Je ne veux plus te voir, sale dégoûtant ! Prends ton sac, ton duvet et va-t-en !
— Je ne recommencerai plus... plaida Dillon.

lundi 23 février 2015

Contes modernes - 5

Un soir qu'il épluchait des carottes une idée folle germa en lui. Longtemps il hésita, puis finalement, il craqua. Il se leva à pas de velours dans la nuit, sortit une carotte du bac à légumes, l'éplucha, la lava et retourna sur le canapé où il essaya de l'introduire en lui.
Plus tard, il passa à la courgette avec un peu d'huile pour que cela puisse glisser en lui et testa aussi la banane. Il avait honte d'agir ainsi, mais il ne pouvait s'en empêcher. Se donner du plaisir était son unique loisir dans sa vie austère.
Chaque matin, qu'il pleuve ou vente, il devait aller chercher du pain frais et des croissants chauds à la boulangerie, dresser la table du petit déjeuner et préparer café, thé et jus d'orange fraîchement pressé. Il devait ensuite débarrasser et mettre au lave-vaisselle bols et tasses avant de partir en vitesse au lycée où s'enchaînaient les heures de cours. A son retour, il lançait une machine à laver, pliait le linge qui avait séché, le repassait et le rangeait dans les armoires. Il préparait ensuite le repas du soir choisi au préalable par Vivianne, ce qui impliquait souvent de ressortir pour faire des courses. Elle avait l'art de choisir des plats longs et compliqués à réaliser dont les ingrédients étaient parfois difficiles à réunir, ce qui obligeait Dillon à faire plusieurs magasins. Il se retrouvait à éplucher des montagnes de légumes différents. Les épinards frais affectionnés par Vivianne et Violetta étaient particulièrement pénibles à préparer.
Pendant la cuisson du repas, il y avait souvent un coup d'éponge à donner dans la cuisine, la salle de bains ou les toilettes, ou bien un coup de chiffon sur les planches d'étagères ou encore les vitres à nettoyer. Pour l'aspirateur, c'était le mercredi après-midi, mais parfois il y avait besoin de passer un coup de plus.
Une fois le repas mangé, il fallait débarrasser et  nettoyer ce qui ne passait pas au lave-vaisselle, puis étendre la machine. Une par jour était le minimum et, même comme ça, il y avait des arriérés. Vivianne, Violetta et Virginia changeaient souvent de vêtements. Après quoi, Dillon avait encore ses devoirs à faire avant de pouvoir enfin se coucher.
Le week-end, ce n'était pas mieux. Vivianne invitait toujours du monde, ce qui contraignait Dillon à passer davantage de temps en cuisine pour préparer de nombreux mets et faire la vaisselle. Il passait la majeure partie de la journée cloîtré dedans.
Tout ça s'était fait petit à petit, le nombre de tâches et d'exigences augmentant, si bien que Dillon s'était retrouvé coincé.

vendredi 20 février 2015

Contes modernes - 4

Une fois au lycée, Dillon tomba amoureux pour la première fois de sa vie. C'était un garçon de sa classe prénommé Cain Landy. Il avait les yeux d'un vert clair très étonnant, des cheveux auburn aux mèches folles. Il était plein d'assurance, se montrait aimable avec tout le monde et savait déjà ce qu'il voulait faire plus tard : journaliste. Il était apprécié de tous.
Dillon se prit à rêver d'être une fille, un être fragile susceptible de plaire aux garçons et dont on prend soin. Hélas, il n'en était pas une et ne pouvait avouer à personne l'amour qu'il éprouvait pour Cain. Chez lui, à plusieurs reprises, parmi les rares fois où son père était présent, ce dernier avait proféré des grossièretés à l'égard de ces « pédés qui s'affichaient sans vergogne dans la rue » et « faisaient chier le monde » en cherchant à faire valoir leurs droits au mariage et à l'adoption. Vivianne avait enchéri. Très pieuse, elle considérait l'homosexualité comme une maladie d'ordre criminelle. Violetta et Virginia élevées selon les idées de leur mère avaient déclaré que c'était en effet dégoûtant. Dillon avait gardé le secret de ses préférences sexuelles enfoui au fond de son cœur. 

L'année d'après, Cain et lui se retrouvèrent dans une classe différente, chacun dans une filière différente. Dillon ne fit plus que le croiser, ce qui lui fut douloureux jusqu'à ses sentiments pour lui se calment.
Entretemps, son corps, lui, s'était éveillé. Au début, il s'était caressé dans la salle de bains, protégé par les bruits d'eaux, à défaut d'un verrou, serrant son pénis d'une main, massant ses testicules de l'autre.
Hélas qu'il s'attarde ainsi dans la salle d'eau n'avait été du goût ni de Vivianne, ni de ses filles. Elles avaient frappé à la porte. Pourquoi donc Dillon prenait-il autant de temps ? S'il ne sortait pas, elles allaient entrer. Il n'avait pas besoin de se maquiller, lui !
Après une période d'abstinence, Dillon commença à se toucher à l'abri de la nuit sur le canapé où il dormait. Il se mordait les lèvres pour retenir ses gémissements tandis que ses mains couraient sur son corps, montaient et descendaient sur son sexe.
Rapidement, cependant, cela ne lui suffit plus. Il lui fallait plus pour combler sa solitude, le vide en lui. Il finit par insérer un doigt dans son anus. Le côté interdit et transgressif l'excita follement et il jouit aussitôt.
Nuit après nuit, il s'enhardit dans l'exploration de son corps, la seule chose au monde qui lui appartenait vraiment. Il se pinça les tétons, enfonça ses doigts plus profondément à l'intérieur de lui. Mais quelque part, ce n'était jamais assez pour le combler.

jeudi 19 février 2015

Contes modernes - 3

Quand Dillon fut en âge d'entrer au collège, il dut céder sa chambre. Virginia et Violetta avaient besoin chacune de leur espace personnel et ne pouvait donc plus partager la même pièce comme jusqu'alors. Dillon échoua sur le canapé du salon avec un duvet. Cela faisait longtemps déjà qu'il avait dû céder ses jouets à ses sœurs par alliance, longtemps que sa garde robe s'était réduite à une peau de chagrin, Vivianne ne lui achetant pas de vêtements avant qu'ils ne soient usés jusqu'à la corde et vraiment trop petits. Son pyjama, son change complet, ses sept slips et sept paires de chaussettes furent rangés dans un sac de voyage dans le placard de l'entrée. C'était comme camper chez soi, mais son père avait approuvé tout cela. Dillon était un garçon, il n'avait pas besoin d'une pièce à lui, contrairement à Violetta et Virginia.
Si en primaire, sa vie sociale avait déjà été fort calme, cela s'aggrava au collège où Dillon se retrouva complètement isolé dans sa classe. Il n'avait pas de sujet de conversation avec ses camarades, n'ayant pas le temps de regarder la télévision, de jouer, ou de pratiquer un quelconque sport. Par ailleurs, ses habits étaient défraichis et une légère odeur de javel s'attachait à lui à cause des nombreuses heures de ménage qu'il faisait à l'appartement. Ainsi, quand ses camarades lui prêtaient attention, c'était pour se moquer de lui et de son allure miteuse.
 
Lors de sa dernière année de collège, un soir que Dillon rentrait chargé de sacs après être allé au supermarché, il entendit Violetta et Virginia qui étaient avachies sur le canapé s'extasier sur la photo d'une célébrité du magazine qu'elles feuilletaient ensemble.
Comme il passait derrière elles pour gagner la cuisine, il jeta un coup d'œil curieux. C'était en effet un beau jeune homme brun avec des yeux d'un bleu très pur, Mael Prynse.
— C'est vrai qu'il est beau, commenta-t-il.
« Sexy » et « canon » avaient décrété Virginia et Violetta. Elles se tournèrent vers lui, surprises de son intervention.
— T'es bizarre, Dillon, pouffa Virginia.
— Tu ferais mieux d'aller ranger les courses, lâcha Violetta.
Dillon hocha la tête. Il y avait du frais dans le lot qu'il fallait mieux ranger au réfrigérateur. Virginia et Violetta se remirent à tourner les pages de leur magazine et Dillon continua son chemin jusqu'à la cuisine où il déposa pensivement les sacs sur le carrelage.
Ce n'était pas la première fois qu'il se sentait différent. L'air de rien, il écoutait à distance les bavardages de ses camarades de classe, ce qui l'avait bien obligé à réaliser que tout le monde n'était pas débordé par les tâches ménagères comme lui. Cependant, il n'y avait pas que cela. Il ne comprenait pas l'intérêt que les garçons portaient aux poitrines rebondissantes des filles lors des cours de sports. Lui, il préférait regarder à la dérobée dans les vestiaires les torses nus des autres garçons, glabres ou déjà poilus. Ce qu'il aimait chez les filles, c'étaient leurs tenues. Comme il s'occupait du linge de Virginia et Violetta, il avait pu admirer la variété des coupes, matières et coloris qui étaient moindre pour les habits des garçons.
Dillon acheva de tout ranger et alla plier le linge étendu la veille au soir et qui avait séché pendant qu'il était en cours.
Violetta et Virginia s'étaient mises à regarder la télévision, une série de vampires dans laquelle jouait Mael Prynse.
Parfois Dillon avait envie de leur demander de l'aide, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Vivianne lui avaient dit et répété : ses deux filles, ses deux merveilles, étaient fragiles, facilement fatigables, et elles méritaient le meilleur.
Dillon les enviait donc en silence. Il aurait aimé que quelqu'un ait autant d'amour et de considération pour lui, mais Vivianne ne semblait apprécier que ses capacités à accomplir le ménage et son père était focalisé sur son travail. Par conséquent, sa mère lui manquait.

mercredi 18 février 2015

Contes modernes - 2

    Et puis Dillon eut neuf ans. Comme pour ses huit ans, il fêta son anniversaire en solitaire, son père étant au travail. Le lendemain soir, cependant, ce dernier arriva exceptionnellement tôt avec une femme très maquillée et deux fillettes, une blonde frisée et une brunette.
— Je te présente ta nouvelle mère et tes deux petites sœurs. Je compte sur toi pour leur faire bon accueil, annonça son père.
Dillon, sous le choc, les regarda les yeux écarquillés.
— Eh bien ! Tu ne dis rien ? lui reprocha son père, les sourcils froncés.
— Enchanté Dillon, déclara avec gentillesse la femme très maquillée, en se penchant vers lui.
— Bonsoir madame, murmura Dillon.
— Tu peux m'appeler Vivianne. Et voici, mes deux filles Violetta et Virginia. Elles ont sept et huit ans.
Elles lui sourirent et Dillon y répondit timidement.
Il était triste que son père ait remplacé sa mère aussi vite, néanmoins, il était content de penser qu'il aurait de la compagnie et que peut-être que son père reviendrait plus fréquemment à l'appartement. Bien sûr, Vivianne, même si elle était aimable, ne serait jamais sa mère, mais avoir deux petites sœurs plaisait bien à Dillon, surtout qu'elles étaient jolies comme des petites princesses avec leurs cheveux bien coiffés et leurs robes à volants.

    Il ne fallut guère plus de semaines à Dillon pour réaliser que Vivianne, la nouvelle épouse de son père, ne s'occupait que de ses filles.  Violetta et Virginia étaient la prunelle de ses yeux.
Dillon tâcha de se faire apprécier en débarrassant la table, lançant les machines à laver et les étendant. Cela lui coûtait d'autant moins qu'il avait fait pour lui et son père pendant près de deux ans. Il y avait cependant plus à faire avec trois nouvelles personnes.
Vivianne  le complimenta pour sa serviabilité et se mit à se reposer de plus en plus sur lui. Elle l'envoya même faire des courses avec une liste et un budget précis. C'était une marque de confiance et une responsabilité qui flatta Dillon, même si c'était lourd de ramener tout ce qui était demandé.
Elle lui abandonna aussi le soin du ménage, chaque fois le remerciant.
Passer l'aspirateur et le chiffon, s'occuper du linge et des courses après l'école, n'était pas évident, surtout qu'il y avait aussi les devoirs à faire, mais Dillon persistait.
Vivianne manifestait un peu d'intérêt pour lui qu'à ses moments là. Dillon espérait toujours qu'elle lui donnerait des baisers et  lui ferait des câlins comme à Violetta et Virginia, mais jamais elle ne le touchait.

mardi 17 février 2015

Contes modernes - 1

CHAUSSURE PERDUE

Le travail de son père l'accaparait et, sans cesse, il était en déplacement. Quand il rentrait, ce n'était jamais pour longtemps et toujours tard. Dillon ne le voyait donc pas. Il entendait juste un lointain bruit de porte et des éclats de voix.
Une fois, ils furent plus forts que d'habitude. Dillon qui venait de fêter son sixième anniversaire en tête à tête avec sa mère, quitta son lit sur la pointe des pieds et entrebâilla la porte de sa chambre pour écouter :
— Tu passes à côté de ton fils !
— C'est grâce à mon travail que je peux t'assurer ce train de vie !
— Cela ne me dérangerait pas que nous vivions dans un endroit plus modeste.
— Tu ne comprends pas !
Dillon referma le battant et alla se pelotonner dans sa couette, le cœur étreint d'une sourde angoisse.
Ses parents se disputaient.
Dillon aimait le magnifique appartement : ses trois grandes chambres, son vaste salon avec son large canapé et ses deux fauteuils chocolat, sa cuisine rutilante blanche, noire et grise,  et sa belle salle de bains marbrée. Cependant, ce qui comptait le plus, c'était sa mère, et découvrir qu'elle était malheureuse, le peinait.
Avec lui, toujours elle souriait, jouait avec lui, préparait ses repas. Dillon faisait tout avec elle, le ménage, les courses, la cuisine, la couture. A sa façon il l'aidait. Jamais elle ne se plaignait ou ne se fâchait, lui montrant comment faire avec patience et douceur. Son père ne lui manquait pas. En même temps, pour lui, c'était presque un inconnu.

    Quand Dillon eut sept ans, son père, cet éternel absent, fut là pour le conduire en voiture à l'école primaire. Durant tout le trajet, Dillon pleura. Il n'avait jamais quitté sa mère jusqu'à alors.
— Vas-tu donc arrêter ce cirque ! Tu es un garçon que diable ! Ça fait longtemps que tu aurais dû quitter les jupes de ta mère. Ne pas te mettre en maternelle était une erreur. Elle t'a gardé trop longtemps auprès d'elle, à jouer à la parfaite petite ménagère ! Il est temps que tu grandisses. Mais tais-toi, merde !

    Quelques mois plus tard, sa mère mourut. En allant le chercher à la sortie de l'école, elle était passée près d'un immeuble du haut duquel se jetait justement un jeune homme suicidaire. Ils étaient morts tout les deux. Elle, écrasée par son poids. Lui, de la chute.
Dillon ne pleura pas quand son père lui annonça froidement la nouvelle sans lui épargner les horribles détails, il attendit d'être à l'abri dans sa chambre pour mouiller son oreiller de larmes.
Malgré son jeune âge, il se retrouva à rentrer seul de l'école, à préparer ses repas et faire les lessives et le ménage. Son père, fidèle à lui-même, ne rentrait presque jamais. Il remplissait irrégulièrement le réfrigérateur et les placards de nourriture, et c'était à peu près tout. Dillon découvrit à quel point l'appartement était froid. C'était la présence de sa mère qui l'avait rendu chaleureux.

lundi 16 février 2015

Contes modernes - Introduction

La réalité dépasse souvent la fiction à telle point, qu'écrite, elle en devient invraisemblable. Il suffit de lire les faits divers dans les journaux ou de les écouter à la radio. Des atrocités inimaginables côtoient d'incroyables miracles.

Un bébé volé avec sa poussette devant une boulangerie.
Une femme écrasée par un homme suicidaire.
Un escaladeur amateur imprudent sauvé.

Un jeune homme renversé par une voiture qui a pris la fuite.
Deux enfants amnésiques retrouvés au pied d'une montagne.
Un pompier sauve un bébé au prix de graves brûlures.
Un enfant muet évite la noyade à un de ses camarades qui le harcelait.
Disparition d'un adolescent près de Volerre.

Si pareilles histoires existent, pourquoi les contes de fée n'auraient-il pas un écho dans la réalité ? Cendrillon, La Petite sirène, La Belle et la bête, Hans et Gretel, Le Petit Chaperon Rouge, Le Stoïque Soldat de plomb, La Belle au Bois Dormant, Blanche-Neige et Raiponce... Peut-être ont-ils été vécus sans que des fées et sorcières s'emmêlent et peut-être bien que les princesses en étaient absentes et que les princes n'en étaient pas de véritables...

Au Zoo Interplanétaire - épilogue

Merwan était souriant dans la navette le ramenant au logis situé sur une zone interplanétaire à proximité de la Terre.
Quinze révolutions s'étaient écoulées, soit dix-huit années terriennes depuis le jour où il avait découvert à la dure que, oui, les extraterrestres existaient.
Le chemin parcourut depuis était à peine croyable. Il avait été encagé comme un animal, à deux reprises, brutalisé. Il avait appris à communiquer avec les aliens. Il était même tombé amoureux de l'un d'entre eux. Il avait enseigné sa propre langue aux extraterrestres.
Il était finalement retourné sur Terre, entouré d'un  bon nombre d'aliens, et avait dû assumer un rôle auquel rien ne l'avait préparé. Il était passé à la télévision et avait raconté son histoire de façon édulcorée.
Ses retrouvailles avec sa famille avait été émouvantes, bien que terriblement médiatisées. La première rencontre avec ses parents et Zyxxx avait été pour le moins catastrophique. Digérer que les aliens existaient bel et bien avait été difficile, que le petit ami de leur fils en soit un, l'avait été encore plus.
Toujours est-il que Zyxxx et lui allait bientôt se marier, devenant le premier couple humain-alien à être officiellement uni.
Les aliens n'ayant pas été accueilli avec les bras ouverts, mais plutôt dans un climat de suspicion, la loi autorisant semblables unions avait mis longtemps à passer.
Ce n'était que symbolique, car Zyxxx et lui n'avait pas besoin de ça. Leur attachement l'un pour l'autre n'avait jamais faibli, malgré les périodes où ils leur avaient été difficiles de se voir à cause de son travail d'ambassadeur.
Merwan sortit de la navette et fit coulisser la porte de leur logis.
— Je suis rentré, déclara-t-il.
— Je t'attendais, répondit Zyxxx, en l'attrapant amoureusement entre ses tentacules.


FIN

vendredi 13 février 2015

Quelques précisions sur Contes Modernes

Au Zoo Interplanétaire est sur le point de se conclure. Plus qu'un court épilogue, lundi, et place au nouveau projet : "Contes modernes"

J'adore l'univers des contes depuis toujours et, vous le savez, j'ai déjà réécrit la version gay de certains d'entre eux "Si Cendrillon était un homme", "Le Beau au bois dormant", "Le prince au petit pois", "Blanc-Neige", "Petit Chaperon Rouge et Loup Noir"
Sont d'ailleurs toujours prévus dans la série au moins "Le Beau et la Bête" et "Le Petit Ondin"

"Contes Modernes" se veut différent. Plutôt que d'être un recueil de contes totalement indépendants des uns des autres, ses contes entretiendront quelques liens, des personnages qui, de secondaires dans un conte, deviendront principaux dans le suivant.
L'autre grosse différence avec ma précédente réécriture de contes, c'est que cela ne se déroulera pas dans des temps lointains et imaginaires avec des princes et des fées, mais dans notre réalité moderne à la fois sordide et belle.

Il y aura 8 contes dont voici les titres :
"Chaussure perdue"
"Sauvetage silencieux"
"Brûlure"
"Sucré"
"Loup des neiges"
"Danse sur un pied"
"Coma"
"L'auberge des nains"
"Chute"

A vous de deviner quel conte se cache derrière quel titre, sachant que certains sont extrêmement faciles et d'autres moins !

Au Zoo Interplanétaire - 112

Quand son chant se fut éteint et que Merwannn eut repris son souffle, bien calé dans les tentacules de Zyxxx, il continua son récit.
Le directeur du zoo interplanétaire en avait pris pour trois révolutions de prison et avait dû payer un dédommagement à Merwannn qui, devenu membre de l'alliance galactique en acceptant le poste d'ambassadeur, avait reçu une tablette.
Tommm serait pour le moment gardé en prison, ayant été jugé coupable de violence physique envers Merwannn et Anouchkaaa.
Une statue dédiée à la jeune femme devrait été mis prochainement en place au zoo et une fois le contact établi avec la Terre, tout serait mis en œuvre pour retrouver sa famille afin de l'informer.
Merwannn se tut et Zyxxx crut qu'il avait fini, mais c'est juste qu'il avait soif. Zyxxx lui confectionna aussitôt un cocktail que Merwannn but d'une traite.
— Je ne sais pas exactement à quoi correspond la somme que j'ai reçue du directeur, mais je voudrais te la donner.
— Pourquoi ? Elle est à toi.
— Tu as payé pour m'avoir, peut-être qu'elle te remboursera et que tu pourras t'en servir pour ouvrir ton cabinet. Enfin, peut-être aussi est-elle ridicule. Regarde donc. Pour le moment je ne sais pas comment ma tablette marche. Il faudra que tu m'apprennes.
Zyxxx était touché de l'offre. Il obtempéra et pianota sur la tablette toute neuve de Merwannn.
Il découvrit que la somme correspondait au quadruple de ce qu'il avait payé, largement de quoi ouvrir le cabinet de ses rêves et même le bâtir où il voulait.
— Alors ? demanda Merwannn.
Zyxxx secoua quelques tentacules, se remettant de sa surprise.
— Ce n'est pas une petite compensation financière, mais vu tout ce que tu as subi, ce n'est que justice, même si hélas, cela ne peut pas tout réparer.
— Je te la donne.
— C'est trop généreux. Quatre fois plus que ce que j'ai payé pour toi.
— Nous sommes partenaires de nœud. Tout ce qui est à moi est à toi, non ?
— Cela ne fonctionne pas comme cela en Tappelnie.
— Tu as perdu ton boulot lors de ton séjour en prison, n'est-ce pas ?
— C'est vrai, mais je peux en retrouver un.
— Si tu étais ton propre patron, tu pourrais prendre des jours de congé quand tu voudrais.
— En effet, répondit Zyxxx, comprenant qu'il aurait été ridicule de ne pas profiter de ce que Merwannn lui donnait.
Ce n'était pas seulement son rêve qu'il réalisait, c'était aussi le moyen pour eux de passer davantage de temps ensemble. Peut-être même le seul, car Merwannn allait être très occupé avec son travail d'ambassadeur. C'était Zyxxx qui allait devoir désormais s'accommoder de ses horaires.

jeudi 12 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 111

                                                      *
Zyxxx nouait et dénouait trois tentacules ensemble pour s'occuper quand il repéra Merwannn qui approchait, flanqué d'un policier. Il cessa aussitôt son petit jeu pour se coller à la paroi transparente. Il avait craint ne jamais le revoir.
Le policier se mit devant Merwannn, le cachant de son corps tentaculaire. Zyxxx claqua un tentacule frustré sur le sol, puis la paroi coulissa et il comprit. Il était libéré alors que pas plus tard que la veille il lui avait été annoncé qu'il en avait pris pour un an. Ses parents en visite avaient bruyamment manifesté leur chagrin.
Merwannn, sans même attendre qu'il ne sorte de la prison cubique, se jeta dans ses tentacules. Zyxxx l'enlaça en retour. Il n'était pas si pressé que ça de savoir le pourquoi du comment.
Ce fut le policier qui interrompit leur étreinte, en exigeant qu'ils le suivent. Zyxxx souleva Merwannn pour le garder contre lui.
— Enfin, ensemble, murmura Merwannn.
— Je croyais en avoir pour une révolution en prison avec seulement quelques visites et on avait refusé de me dire quoique ce soit sur ce qui avait été décidé pour toi.
— Oui, j'ai négocié une suppression de ta peine.
— C'est toi qui me sauves, cette fois.
Merwannn acquiesça, sa façon de dire oui.
Il lui avait tellement manqué. Zyxxx mourrait d'envie de caresser Merwannn, mais il savait que pour ce dernier, se serrer l'un contre l'autre était la seule chose intime possible tant qu'ils avaient du public. Le policier les accompagna hélas jusqu'à la sortie du centre.
Merwannn le remercia pour tout et lui dit à demain, ce qui intrigua Zyxxx. Il s'était clairement passé des choses pendant qu'il croupissait entre quatre murs.
Dans la bulle qui les ramenait au logis, Merwannn lui raconta tout : son séjour chez l'affreux Bolll, ses angoisses au réveil, sa rencontre avec les autorités de l'alliance galactique et leur incroyable proposition qu'il avait accepté non sans hésitation.
Il lui expliqua ensuite comment la révélation que lui et Zyxxx avait formé le nœud, chose qui avait été tu jusqu'alors, avait contribué à l'obtention de sa libération, de même que la nécessité qu'il ait quelqu'un à ses côtés pour continuer à en apprendre davantage sur l'alliance galactique.
Zyxxx l'écouta sans l'interrompre. C'était curieux comme les rôles avaient été inversés. C'était Merwannn qui avait mis fin à son enfermement, qui avait été maître de son avenir. Le rapport des forces jusque là inégal entre eux était ainsi équilibré et c'était positif.
Arrivés au logis, Merwannn arrêta de parler et ils s'unirent plus étroitement que jamais.

mercredi 11 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 110

— Et si je refuse ?
Il était tenté d'accepter la proposition, mais connaître les alternatives lui importait, d'autant qu'il n'était pas certain d'être capable d'assumer pareil rôle.
— Sans votre coopération, nous sommes d'avis qu'il est risqué de se lancer dans pareille entreprise. Vous seriez ramenés sur votre planète avec votre compagnon d'infortune et libres de reprendre le cours de vos vies avec toutes nos excuses pour tous les désagréments qui vous ont été causés.
Zyxxx s'était trompé, songea Merwan. Les autorités les auraient renvoyés chez eux. Tout aurait été différent si Zyxxx avait fait ce choix de les contacter autrefois, mais à présent la donne avait changé. Ils s'aimaient et Merwan ne voulait pas rentrer et retrouver sa vie d'avant dont Zyxxx ne faisait pas parti.
En même temps, pouvait-il décemment être responsable du débarquement des aliens sur Terre ? Évidemment, ces derniers n'avaient pas vraiment besoin de lui, ils pouvaient aller s'y promener quand ça leur chantait. Et pourtant, le Tappelnien citronné faisait dépendre la décision de lui.
— Si je n'accepte pas votre proposition, puis-je rester en Tappelnie ?
— Non. Votre cas est sans précédent et votre statut, trop flou. Vous n'êtes pas plus un animal exotique qu'un membre de l'alliance galactique. Cependant, votre espèce, d'après les rapports que nous avons reçu, en dépit d'une carence au niveau des transports spatiaux, semble à même de nous rejoindre, d'où notre offre que vous deveniez notre ambassadeur. Votre présence parmi nous ne serait dans ce cas plus problématique.
— Je comprends, mais je ne peux pas prendre pareille décision pour ma planète. Je ne suis rien.
Il n'était qu'un caissier, ou hôte de caisse comme on dit pour faire plus politiquement correct, amateur de cinéma.
— Pourtant, elle vous appartient. Un délai de réflexion de sept jours peut vous être accordé.
Merwan serra ses mains l'une contre l'autre. Tout ça était très cinématographique. Il pouvait presque s'imaginer que les aliens de l'autre côté de la vitre n'étaient que des humains déguisés.
— Que devient Zyxxx dans tout cela ? demanda-t-il, luttant contre la panique qui montait en lui.
— Les autorités Tappelniennes ont tranché en faveur d'une révolution en prison pour le citoyen Zyxxx Xyzzz.
— Il n'a rien fait de mal !
— Il a transgressé les lois.
— Il m'a protégé !
— Oui, vous avez beaucoup insisté sur ce point. Une réduction de peine est envisageable compte tenu du caractère exceptionnel de votre cas.
 Merwan ne savait dire s'il y avait là une forme de chantage pour forcer son acceptation. Il demanda de nouvelles précisions concernant ce qui était attendu de lui exactement. Son cœur le poussait à accepter. C'était une responsabilité énorme, mais c'était le seul moyen de ne pas quitter Zyxxx, tout en revoyant ses parents et amis, chose qu'il avait cru impossible.

mardi 10 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 109

Le centre des autorités de l'alliance galactique composé d'étranges bâtiments hétéroclites, assemblage de différents courants architecturaux,  était protégé par un gigantesque dôme transparent, semblable à ceux que Merwan avait pu voir dans de nombreux films de science-fiction.
Ils durent subir une bonne demi-douzaine de contrôle d'identité dont une fouille hélas où dut Merwan dû prendre sur lui pendant qu'un alien semblable à une grosse éponge le recouvrait. Ils débouchèrent finalement dans un apparent cul-de-sac où ils furent aspergés d'un produit incolore et inodore.
— Qu'est-ce que... ! s'exclama Merwan.
Rikkk lui expliqua, mais Merwan ne comprit qu'une seule chose que c'était sans danger. Il l'espéra parce que sa peau non recouverte par son vêtement le picotait.
Devant eux, le blanc du mur s'effaça, devenant transparent, laissant voir une salle où quelque chose comme une centaine d'extraterrestres différents étaient réunis. Certains étaient installés sur d'étranges sièges, d'autres par terre tandis que quelques uns étaient dans les airs. Il y avait là toutes les espèces que Merwan avait pu voir passer au zoo et d'autres encore qu'il n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer auparavant. Un Tappelnien citronné, un Kondarien, un Pavoisien, un extraterrestre filiforme, un qui laissait échapper de la fumée... C'était ça, les autorités de l'alliance galactique : un représentant pour chaque espèce. La sécurité des plus strictes prenait tout son sens.
Le Tappelnien citronné se rapprocha de la vitre qui les isolait Rikkk et lui.
— Je vais parler au nom de tous mes collègues. Nous avons pris connaissance de votre dossier et nous avons une proposition à vous faire.
Merwan, intimidé par l'assemblée, attendit la suite.
Le Tappelnien citronné, après un bref silence, sans doute pour lui laisser le temps de réagir, reprit :
— Souhaitez-vous devenir notre ambassadeur sur votre planète appelée « Terre »?
La bouche de Merwan s'arrondit dans un O parfait. Il s'était attendu beaucoup de choses, mais pas à ça. Les aliens envisageaient-ils sérieusement de faire connaître leur existence sur Terre ? C'était presque aussi choquant que le moment où il avait compris qu'il avait été enlevé par des aliens pour être mis dans un zoo.
— En quoi cela consisterait-il ? demanda-t-il d'une voix étranglée.
— Dans un premier temps, il s'agirait d'enseigner votre langue et culture en réalisant une chaîne éducative et en donnant des leçons en direct à des membres choisis de l'alliance. Dans un second temps, vous feriez parti de la délégation officielle pour manifester que nous venons en paix, sans désir de conquête.
Merwan n'en revenait pas. Avec ça, il pourrait revoir ses parents et amis. Cependant, niveau spatial, les membres de l'alliance galactique étaient nettement plus avancés que ses compatriote, alors, pourquoi ?

lundi 9 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 108

Le lendemain de la visite de Merwan, c'est Zaddd qui vint égayer le séjour de Zyxxx en prison.
— J'ai dû subir un interrogatoire, se plaignit-il.
— Désolé, déclara Zyxxx.
Ça aussi il l'avait craint quand il avait avoué aux autorités les origines de Merwannn. Causer du tort à sa famille et ses amis le gênait énormément, mais les circonstances l'y avaient forcé.
Il avait eu cependant raison de finir par tout avouer, car c'était seulement à ce moment que les autorités s'étaient réveillées. Un enlèvement de personne méritait plus de recherches et d'effort que le vol d'un animal.
— J'ai été aussi honnête que possible.
Ce qui signifiait qu'il avait menti et prétendu ne pas être au courant de la véritable nature de Merwan. Une position sage, autrement Zaddd aurait risqué de faire de la prison pour complicité.
— Je suis certain que tu as fait au mieux.
— Les choses se présentent mal pour toi.
— Cela ne m'étonne pas.
— J'ai dû forcer un peu le tentacule de l'inspecteur pour avoir des détails, mais sache que ton ancien patron, le Kondarien, il te met tout dessus.
— Oui, c'est ce qu'il avait prévu. Mais tout ça, je m'en moque, ce qui m'intéresse, c'est le sort de Merwan.
— Tu ferais bien de te soucier un peu du tien et aussi de la honte que tu occasionnes à la famille.
— Elle est toute relative, tu le sais bien. Dis-moi plutôt si tu as réussi à apprendre ce qu'ils comptent faire de Merwannn une fois l'enquête bouclée.
— L'affaire est compliquée. A priori, cela ne va pas pouvoir se résoudre localement.
Zyxxx espéra que c'était de bonne augure malgré la façon sinistre dont Zaddd présentait les choses.

                                              *
Merwan était sur les nerfs. Depuis sa première capture, sur Terre, il n'avait passé que trop de temps enfermé avec ses pensées pour toute compagnie.
Il avait certes un écran plafonnier, comme chez Zyxxx, mais pas de couverture. Elle était restée avec Tom et comme il avait posé ses fesses dessus, c'était aussi bien. Non, le problème, c'était surtout que le soir venu, Zyxxx ne venait pas. Le droit de visite était décidément trop limité.
Depuis qu'il l'avait brièvement vu, il avait subi de nouveaux interrogatoires, chantant à chaque fois ses louanges, car c'était hélas tout ce qu'il pouvait faire pour arranger les choses. Autrement, il en disait le moins possible, de peur d'aggraver le cas du Tappelnien sans le vouloir. Il avait ainsi gardé secret leur nœud.
Quand Rikkk vint le chercher pour la troisième fois, Merwan s'énerva :
— Elle n'est pas bientôt finie votre enquête ?
— Si, elle est close, c'est bon.
— Et quel est le résultat ?
— Je dois te conduire au centre des autorités de l'alliance galactique.
— Je croyais que l'enquête était terminée ?
— Oui, mais le jugement n'a pas encore été prononcé.
— Pourquoi ?
— Parce que votre affaire dépasse le cadre de la Tappelnie, expliqua tranquillement Rikkk.
Il était du genre patient. Jamais il ne s'agaçait des questions de Merwan et de l'ignorance qu'elles reflétaient.
Après un dédale de couloirs, ils quittèrent le bâtiment. Merwan fut ébloui par le turquoise du ciel. Cela faisait des jours qu'il n'avait pas mis le nez dehors. Il s'arrêta de marcher, regardant la haute et large tour de type gratte-ciel dont ils venaient de sortir.
Jusque là, il s'était montré coopératif, mais il n'aimait pas s'éloigner du lieu où était retenu Zyxxx. Dans une certaine mesure, il faisait confiance à Rikkk, mais cela l'angoissait de l'accompagner jusqu'à un endroit inconnu. Rikkk était sympathique, néanmoins, il faisait son boulot, et si on lui ordonnait de le jeter dans une fosse aux lions, il le ferait.
— Nous allons prendre une bulle jusqu'à la zone de décollage.
— Où va-t-on au juste ? demanda à nouveau Merwan, anxieux à l'idée de quitter la planète.
— Au centre des autorités de l'alliance. Elle est située sur une zone interplanétaire, répondit Rikkk.
— Je suis vraiment obligé d'y aller ?
Les vidéos-conférences, ils ne connaissaient pas ? songea-t-il en son for intérieur.
— Oui. Les autorités de l'alliance souhaitent te rencontrer. C'est un honneur.
— « Je m'en passerai bien » murmura Merwan.
Rikkk ne chercha pas à comprendre, ce qu'il avait baragouiné. Il lui intima de le suivre et Merwan, après un dernier instant d'hésitation, obéit docilement. Mieux valait ça que d'y être forcé, or comme cela semblait un passage obligé...

vendredi 6 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 107

— Zyxxx ! Tu vas bien ?
— Oui, car tu es là. Et toi, comment te sens-tu ?
— Pas au mieux de ma forme. J'ai vu Tom. Il a été amené ici.
Zyxxx l'avait craint, seulement il n'avait rien pu y faire. Les autorités étaient lancées et plus rien ne les arrêteraient.
— Il t'a blessé ?
— Plus de peur que de mal.
— Je suis vraiment désolé que les choses aient tourné ainsi.
— Ce n'est pas de ta faute si j'ai été enlevé.
— Peut-être, mais j'ai tardé à informer les autorités. Tu aurais pu être libéré plus tôt.
— Et tu aurais été plus vite derrière les barreaux, enfin façon de parler.
Si cela avait été le cas, il n'aurait eu qu'à tendre un tentacule pour le toucher.

                                                *
Merwan appuya davantage les mains contre la paroi vitrée. C'était si frustrant que Zyxxx soit si près, mais inatteignable.
Comme toujours l'alien se montrait attentif à son bien-être sans se soucier véritablement du sien.
— Il va falloir conclure la conversation, annonça Rikkk qui était resté en retrait de façon à leur assurer un semblant d'intimité, même si à tous les coups, il entendait tout.
— Déjà ?! s'écria Merwan.
Ils n'avaient fait qu'échanger quelques paroles.
— C'est la règle, répliqua Rikkk.
Merwan n'argumenta pas avec lui afin de ne pas perdre de temps. Il avait tellement de choses à dire et demander à Zyxxx, mais c'était difficile avec l'autre qui était dans son dos.
— Zyxxx, à ton avis, combien de temps vas-tu être gardé enfermé ? J'ai essayé de leur expliquer que tu ne le méritais pas...
— Ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai effectivement transgressé un certain nombre de lois. Ce n'est qu'un juste retour des choses que je goûte à l'enfermement, comme toi. Et encore, je ne suis pas traité comme un animal.
— C'est fini, intervint Rikkk.
Merwan se détacha avec lenteur de la paroi et après un dernier long regard à la belle tête toute blanche et lisse de Zyxxx, s'éloigna.
— Quand pourrais-je lui rendre à nouveau visite ?
— Cinq jours.
— Si longtemps que ça ?!
— Oui.
— Mais pourquoi ?
— C'est comme ça.
Qu'était-il supposé faire dans l'intervalle ? Se tourner les pouces dans le logement qu'on voudrait bien lui assigner ? Sûrement, il pouvait faire quelque chose pour accélérer la libération de Zyxxx.
Rikkk lui apprit qu'il n'était pas supposé sortir se promener. Il n'était pas prisonnier, mais pas libre non plus. Il était en quelque sorte assigné à demeure dans le logement fourni par les autorités.
Fort heureusement, Rikkk ne le ramena pas dans la même pièce que Tom, mais dans une similaire où Merwan tourna et retourna dans sa tête les options qu'il avait.
Hélas, elles étaient fort limitées. Sa connaissance du système judiciaire Tappelnien se résumait à quelques scènes de films pas forcément réalistes et à coup sûr, Zyxxx ne voulait pas impliquer ses amis qui auraient pu être critiqués pour ne pas avoir informer non plus les autorités du fait que Merwan n'était un toutou exotique. En bref, il ne pouvait qu'attendre.

jeudi 5 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 106

Merwan se plaqua à la paroi par laquelle il s'était jeté droit dans la gueule du loup, persuadé comme un idiot que Rikkk resterait avec lui.
— Tu fais le difficile, comme toujours, alors que pourtant tu en meurs d'envie, déclara Tom, faisant une nouvelle tentative pour l'empoigner.
En même temps, Merwan, luttant contre la panique, appela Rikkk pour qu'il lui ouvre. La paroi coulissa, lui permettant d'échapper à Tom qui resta interdit un instant.
Rikkk lui referma la porte au nez. Merwan, les jambes faibles, se laissa glisser à terre.
— Ça va ? demanda Rikkk.
Merwan ne répondit pas. Tout ça, c'était trop pour lui. Il aurait aimé disputer Rikkk. Il lui avait dit pourtant que Tom l'avait agressé. Le Tappelnien rayé aurait dû venir avec lui pour le protéger, mais en même temps, c'était sa faute : il avait assumé que ce dernier l'accompagnerait sans s'en assurer. Par ailleurs, Rikkk n'avait aucune idée de ce que Tom lui avait fait subir au juste. Pour que cela marche entre Tappelniens, les deux parties devaient être consentantes.
Rikkk tendit un tentacule vers lui, sans doute pour l'aider à se relever, cependant, Merwan l'ignora et se remit debout tout seul.
— Je l'ai informé, c'est bon.
C'était à moitié vrai. De toute façon, même lui, ne savait pas au juste à quoi s'attendre.  Combien de temps l'enquête prendrait-elle ? Et qu'adviendraient-ils d'eux à la fin ?
                                               
                                                  *
Zyxxx comprenait mieux à présent ce que Merwan avait pu ressentir à être enfermé dans un espace confiné. 
Sa cellule était de forme cubique : un sol et un plafond noirs, trois murs gris et un transparent, permettant de voir le garde passer et en face, un autre Tappelnien emprisonné.
Il y avait limite la place d'étaler ses tentacules par terre et tout juste la hauteur pour se suspendre à l'unique barre qui ornait le plafond. Cependant, son absence de confort était le dernier souci de Zyxxx, ce qui l'inquiétait, c'était le sort de Merwannn. Il avait été autorisé à le soigner, mais dès qu'il avait paru tiré d'affaire, Zyxxx avait été contraint et forcé de le laisser. Deux longs jours s'étaient écoulés depuis et Zyxxx regrettait vraiment qu'il ne lui ait pas été permis de continuer à veiller sur Merwannn. Ah, s'ils voulaient le punir d'avoir enfreint la loi, c'était réussi ! Seulement, ce n'était pas tant l'enfermement qui était pénible que d'être loin de lui.
Il était en train de penser à lui quand il le vit s'avancer, précédé d'un garde.
Zyxxx se plaqua contre la vitre. Merwan avait retrouvé des couleurs, mais était encore tout maigre. 

Arrivé au niveau de Zyxxx, Merwan se colla également au mur transparent qui les séparait, les empêchant d'entrer en contact.

mercredi 4 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 105

Pour déposer plainte contre Tom, il suivit Rikkk dans de nouveaux couloirs où passaient des Tappelniens rayés pressés et quelques aliens d'autres races.
Dans une pièce semblable à celle où il venait d'être interrogé, un Tappelnien rayé l'informa que ses dires seraient dûment vérifiés et que toute fausse déclaration sera sanctionnée par un quart de révolution en prison, après quoi il l'écouta, mais heureusement sans poser de questions.
Merwan ne voyait pas comment les autorités parviendraient à infirmer ou non son accusation d'agression, Tom ne parlant pas un mot de Tappelnien, et il s'en ouvrit à Rikkk en marchant derrière lui d'un pas traînant jusqu'à l'endroit où Tom se trouvait.
Rikkk lui expliqua aimablement qu'entre les gardiens du zoo et les visiteurs, il y avait forcément des témoins.
Après quoi, Merwan resta silencieux. Qu'il y ait eu des spectateurs avaient rajouté à son humiliation et à l'horreur de la chose, mais il avait préféré l'occulter.
— Nous sommes arrivés, déclara Rikkk, en faisant coulisser la paroi.
Merwan déglutit et entra dans la pièce hexagonale. Tom, l'air sombre, était assis sur la couverture que Zyxxx avait acheté à Merwan. Un visage humain. C'était presque incongru.
Tom se leva de suite et démarra de suite les hostilités :
— Je savais bien que c'était à cause de toi, ce bordel !
Effrayé, Merwan se tourna vers Rikkk pour découvrir que le Tappelnien rayé ne l'avait pas accompagné à l'intérieur et pire avait refermé derrière lui.
— N'approche pas ! s'écria Merwan, douloureusement conscient qu'il n'y avait rien entre lui et Tom, rien pour le protéger, ni barreaux ni barrière.
Tom sourit à pleines dents.
— Et puis quoi encore ? Me dédommager des ennuis que tu me causes, c'est la moindre des choses.
Il avança de deux pas. Merwan se mordit la lèvre. Il était terrifié. Tout lui revenait, tout ce qu'il avait presque réussi à oublier.
— Je ne suis responsable de rien. Nous sommes dans les locaux d'un genre de police. Ils mènent l'enquête, expliqua-t-il d'une voix mal assurée.
Tom l'avait rejoint. Le voir tremblant de peur l'amusait.
— Ah ouais ? Et ça va nous avancer à quoi ? Ils vont nous ramener gentiment chez nous ?
— Je ne sais pas, je ne crois pas.
Merwan se sentait comme paralysé.
— Toi, t'as besoin d'un bon petit ramonage, dit Tom, en avançant les mains pour lui attraper les poignets.

mardi 3 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 104

Après d'interminables questions, Merwan fut finalement libéré. Dans le couloir, il retrouva le Tappelnien rayé qui l'avait guidé.
— Je vais vous ramener à votre logement temporaire. Votre ami vous y attend à présent.
— Logement temporaire ? Zyxxx s'y trouve ? demanda Merwan, perplexe.
Il était vraiment très fatigué et ne savait plus trop bien où il en était. L'interrogatoire mené par l'autre Tappelnien rayé n'avait pas été de tout repos. Merwan avait dû faire constamment attention à ne pas trop en révéler.
— L'endroit où vous étiez tout à l'heure sera votre lieu de résidence durant le temps de l'enquête. Zyxxx Xyzzz est en prison. Quand je parlais de votre ami, je faisais allusion à celui qui est de la même espèce que vous. Il vient d'arriver du zoo.
Le sang de Merwan se glaça dans ses veines. Tom.
— Ce n'est pas mon ami. Rassurez-moi... Je ne suis pas supposé vivre avec lui...?
— Comme il ne nous comprend pas, nous pensons que ce serait une bonne chose.
Merwan inspira à fond, expira. Il s'était cru sauvé quand Zyxxx avait ouvert sa cage de chez l'affreux Bolll, mais il était juste tombé de de Charybde en Scylla. A présent, Zyxxx était derrière les barreaux et lui, obligé de partager le même espace de vie que celui qui l'avait violé. Non, cela devait être possible de refuser. A la limite, il voulait bien lui servir d'interprète, mais rester à ses côtés n'était pas envisageable. Il suffisait de négocier...
— Comment vous appelez-vous ? commença-t-il par demander au Tappelnien rayé.
— Rikkk.
— Rikkk, je ne sais pas où vous en êtes pour démêler toute l'affaire, mais celui qui est de mon espèce, comme vous dîtes, quand nous étions enfermés ensemble, s'est montré violent à mon égard. Je veux bien l'informer de ce qui se passe, mais vous comprendrez que je ne peux pas être logé avec lui.
Rikkk agita quelques tentacules.
— C'est ennuyeux. C'est un élément qui nous manquait. Si vous le souhaitez, nous pouvons aller enregistrer une plainte contre lui. De cette façon, ce sera facile de convaincre mes supérieurs de vous mettre ailleurs.
Merwan se sentit soulagé. Juste un peu.
— Avant toute chose, pourrais-je voir Zyxxx ?
— Plus tard. Ce n'est pas la bonne tranche horaire pour les visites.
Merwan poussa un juron dans sa langue. Être entre les mains, enfin tentacules, des autorités n'avait décidément rien d'amusant.

lundi 2 février 2015

Au Zoo Interplanétaire - 103

L'alien tendit un tentacule vers lui et instinctivement, Merwan fit un pas de côté.
— Ne me touchez pas, je promets de vous suivre.
Entre les vagues caresses du Tappelnien grisâtre et les coups du saumoné, tout contact étranger lui était désormais insupportable.
— D'accord, répondit le Tappelnien rayé, et il le conduisit à travers de longs couloirs blancs jusqu'à une pièce bleutée et alvéolée où se tenait un imposant Tappelnien également rayé devant une tablette géante.
— Installez-vous confortablement.
En l'absence de siège d'aucune sorte, Merwan opta de s'asseoir par terre, en tailleur, même si ainsi il se sentait tout petit face au grand Tappelnien. Il était trop fatigué pour rester debout. La courte marche pour arriver là l'avait épuisé.
Le Tappelnien rayé qui l'avait guidé repartit et celui devant la tablette commença par lui demander des choses simples : son nom et sa planète d'origine.
Cependant, cela se corsa dès la troisième question :
— Combien de temps s'est écoulé depuis votre capture ?
— Je ne sais pas. J'étais enfermé dans une pièce avec d'autres créatures...
— Je ne faisais pas allusion à votre enlèvement par Bolll Lobbb.
Merwan resta interdit. Il se sentait perdu et il aurait voulu que Zyxxx soit à ses côtés.
— Je ne sais pas non plus, déclara finalement Merwan comme le Tappelnien rayé répétait la question. A un moment, j'ai arrêté de compter.
— Vous confirmez que vous avez été capturé contre votre gré ?
— Oui, la première fois comme la seconde.
— Comment avez-vous été traité ?
— Comme un animal dans les deux zoos.
— Et chez votre propriétaire actuel ?
Merwan eut un moment de flou avant de comprendre qu'il parlait de Zyxxx.
— Comme un individu à part entière dès que nous avons réussi à communiquer ensemble. Vous pourriez me dire où il est ?
— En quoi cela vous importe-t-il ?
Merwan hésita. Il ne voulait pas causer de problèmes à Zyxxx en mentionnant le nœud et leur attachement mutuel.
— Il m'a sauvé.
Le Tappelnien haussa quatre tentacules, un peu comme un humain avec des sourcils. Du moins, c'est ainsi que Merwan l'interpréta.
— Il a surtout transgressé la loi.
— Comment cela ? demanda Merwan, la gorge serrée.
Zyxxx était déjà empêtré dans les ennuis...
— Dès qu'il a su votre véritable nature, il aurait dû venir nous en informer, or il vous a gardé caché, masquant le crime de son ancien employeur.
— C'est moi qui ne voulait pas.
Nouveau quadruple haussement de tentacules.
— De toute façon, vous ne sauriez être tenu pour responsable. Vos origines ne vous permettent pas de connaître les lois de l'alliance galactique.
— Il me l'a proposé, mais j'ai refusé car j'avais peur. Je préférais rester avec lui, expliqua Merwan, se gardant bien de préciser que le premier mouvement de Zyxxx avait été de retourner au zoo interplanétaire pour s'arranger avec le directeur et éviter que d'autres humains soient mis en cage.
— Cela ne change rien à sa culpabilité, répliqua le Tappelnien rayé, implacable.
— Où est-il ? demande une fois encore Merwan, plein d'inquiétude pour Zyxxx.
— Enfermé en prison.
— Quoi ?! s'écria Merwan en se remettant debout. Pour combien de temps ? Je peux le voir ?
— La durée de son séjour reste encore à déterminer. Le visiter est envisageable. J'ai cependant encore un certain nombre de questions à vous poser.
Merwan brûlait de retrouver Zyxxx, mais il s'efforça de prendre son mal en patience. Il était important que l'imposant Tappelnien en face de lui comprenne que la place de Zyxxx n'était pas en prison, qu'il n'avait rien fait de mal, que toujours il l'avait soigné et protégé.