Au Zoo Interplanétaire - 29

Zyxxx ne put reprendre des nouvelles des bipèdes que 48 heures plus tard. D'autres cas l'avaient hélas accaparé. Il retrouva BM1 et la femelle prostrés dans leur cage à la taille diminuée alors que BM2, de l'autre côté de la grille de séparation, débordait toujours d'énergie. C'en était indécent. Zyxxx repoussa encore une fois son examen. L'affreux animal était en parfaite santé.
BM1 sans aller jusqu'à lui sauter dans les tentacules, se laissa attraper sans remuer, sans un bruit.
Zyxxx, une fois au centre de soin, le libéra. BM1 n'en profita pas pour bouger, attendant silencieusement. Ses yeux noirs étaient comme morts. Zyxxx lui effleura la bouche et appuya légèrement sur la lèvre inférieure pour le lui ouvrir. BM1 n'eut aucune réaction. Il aurait tout aussi bien pu être immobilisé.
Son mutisme dérangeait énormément Zyxxx. Pourquoi BM1 ne cherchait-il plus à communiquer avec lui ? Communiquer ? Zyxxx se morigéna : le bipède n'était qu'un animal, une créature sans langage complexe et son « raça » était digne d'un doppel. Mais tout de même : pourquoi ne prononçait-il plus le moindre son ?
— Tu attends que ce soit moi qui fasse la conversation ? murmura-t-il avant de glisser son tentacule à l'intérieur de la bouche de BM1 pour vérifier s'il n'y avait pas de problème.
Il l'enfonça profondément dans la gorge. Un gargouillis plaintif de BM1 lui fit comprendre qu'il lui faisait mal et il ressortit en vitesse.
Quelque chose n'était pas comme il aurait fallu de ce côté. Maladie ? Cela n'expliquait pas tout. Cela devait être terriblement stressant d'être aussi près de l'horrible BM2.
Sans examiner BM1 plus avant, Zyxxx remplit un formulaire pour que les bipèdes soient mis dans des cages séparées.

                                              *
— Alors, tantouze, t'as remué la queue pour le monstre ?
Merwan se boucha comme il put les oreilles, regrettant de ne plus pouvoir chanter pour couvrir les propos de Tom. Il avait trop forcé sur sa voix et elle l'avait lâchée.
— Je parie que la mienne te manque.
Tom ne cesserait-il donc jamais de le faire souffrir ? C'était devenir fou de ne pouvoir échapper à sa voix moqueuse.
Quand Merwan s'endormait, à bout de force, il cauchemardait. Dans ses rêves, Tom le culbutait encore et encore tandis que Merwan le suppliait tour à tour d'arrêter parce que c'était insupportable ou de continuer pour protéger Anouchka. C'était atroce.
Les nuits comme les jours sous le ciel toujours psychédélique se fondaient dans une même masse. Sa vie d'autrefois, sur Terre, devenait comme un mirage lointain.
Le moment où Pieuvre l'avait emmené loin de Tom avait été trop court. Cela avait été différent. Pas de tentacules insidieux pour l'amener à la jouissance... Qu'il le regrette, même un instant, semblait donner raison à Tom et cela l'horrifiait. En même temps, là où Tom ne lui avait apporté que souffrance, Pieuvre lui avait aussi donné du plaisir. Cependant, dans les deux cas, la honte planait et son corps n'était plus sien. Il était comme devenu un jouet : celui de Tom, celui de Pieuvre, celui des aliens qui le contemplaient avec une curiosité malsaine.
Pieuvre s'était focalisé sur sa bouche aujourd'hui. Avait-il voulu qu'il parle ? Merwan ne pouvait plus pour le moment et même s'il avait été capable, il était trop découragé pour cela. A quoi bon ? Tom, de l'autre côté de la grille, lui montrait jour après jour qu'il n'était rien. Et ce n'était pas Anouchka, à quelques pas de lui, semblable à une poupée, juste capable de respirer,  qui lui affirmerait le contraire.