mercredi 30 avril 2014

Le garçon fée - 194

La semaine qui séparait Zibulinion de son second rendez-vous avec Relhnad passa à la fois vite et lentement.
De jour comme de nuit, il songeait aux baisers du professeur de sorts, incapable de se concentrer sur les cours, les devoirs ou même les conversations de ses camarades : quand son opinion était sollicité, il réagissait toujours avec un temps de retard et répondait souvent à côté.
– Et après tu veux nous faire croire qu'il ne t'est rien arrivé, grommela Nawolida, comme Zibulinion venait encore de sortir un truc qui n'avait rien avoir avec ce qui était demandé.
– Tu sais Aurobika, je ne me fâcherai pas si tu sors avec Waltharan. Tu n'as pas besoin de le cacher, si c'est le cas, affirma Lubicielle.
Elle était bien une des rares fans du fée des plantes à se montrer si raisonnable...
– Moi non plus, mais c'est parce que je vise Charboige, déclara Nawolida.
– Je vous assure que ce n'est pas ça.
Ses protestations tenaient d'autant moins la route que la veille, lui et Waltharan avaient été repérés quand ils s'étaient éclipsés pour bavarder en paix.
Waltharan avait d'ailleurs été content pour Zibulinion, quand ce dernier, sans s'étendre sur le sujet, avait raconté qu'il avait enfin pu revoir Relhnad.
– Pourquoi es-tu tellement ailleurs, alors ? insista Nawolida.
Zibulinion n'entendit pas la question, déjà reparti dans son monde.

Quand il émergea dans la petite clairière où se trouvait le buisson aux moineaux, Relhnad était déjà là, assis sur un nuage bleuté.
Dès qu'il vit l'adolescent, il le dissipa et le rejoignit en trois battements d'ailes.
– Comment s'est passé ta semaine ?
Zibulinion, un peu déçu que son professeur ne commence pas par l'embrasser, répondit :
– Ça a été. Et vous ?
– Pareil. Rien de spécial ne s'est produit, à moins de prendre en compte l'attaque de séduction en règle de la professeur des êtres magiques qui est arrivée cette année.
– Oh...
– Sinon, j'ai eu l'occasion de parler de toi à la directrice pour savoir ce que tu es devenu puisqu'en tant que toi-même, tu n'es plus vraiment élève à Valeiage. Tu seras heureux d'apprendre que tu es désormais scolarisé chez toi pour raisons de santé.
– Quoi ?!
– Oui. Ton changement d'identité lui tient à cœur. Cependant, pas moyen d'en savoir plus sans dévoiler que je connais la vérité.
– Vous croyez que cela peut être dangereux pour mes amis si je les informe que je suis contraint actuellement de vivre sous une illusion ?
– Cette affaire n'est pas nette du tout, mais si tu es discret et eux aussi, cela devrait aller. Je te l'ai déjà dit. D'ailleurs, à qui veux-tu révéler cette histoire, à part Neyenje ?
Le nom semblait lui écorcher le bouche.
– A Folebiol.
Relhnad fronça les sourcils, inspira à fond, expira, mais explosa tout de même :
– Après le garçon avec lequel tu as couché, celui auquel tu t'étais déclaré !?
C'est sûr que présenté comme ça, c'était tordu et encore plus, si on ajoutait son ami Waltharan qui avait été amoureux de lui quand il était sous une illusion féminine. Une autre que celle qu'il devait actuellement porter dans l'enceinte de l'école... 

mardi 29 avril 2014

Le garçon fée - 193

Relhnad, lui, ne semblait aucunement troublé par le baiser passionné qu'il venait de donner. L'adolescent, avant leur dispute dans la bibliothèque, aurait gardé pour lui ses craintes de ne faire aucun effet à son professeur. Cependant, désireux de se montrer plus franc, il demanda courageusement :
– Comment vous faîtes pour rester si, si... impassible après ça ?
– Mon adolescence est loin derrière moi, me rendant moins prompt à m'enflammer et puis, je m'orchestre des rêves très satisfaisants qui me permettent de rester maître de moi-même quand je suis éveillé. Mais tu sais, la preuve que tu me plais, c'est que je t'embrasse malgré toutes les raisons de ne pas le faire. D'ailleurs, si quelqu'un devait douter ici, ce serait moi.
– Mais vous, tout le monde est à vos pieds...
– Et m'aime, en surface, superficiellement.
– Vous croyez que moi aussi ?
– Non, mais je pourrais.
Zibulinion se posa sincèrement la question à lui-même :  si Relhnad avait été moins plaisant à regarder, serait-il tombé amoureux de lui ? Il avait envie de dire oui. Mais comment savoir au fond ? Relhnad était beau. Cependant, il n'était pas que ça : il était aussi intelligent,  extrêmement gentil...
– C'est vraiment dur d'avoir plein d'admiratrices ?
– Oui. Certaines sont prêtes à tout et me poussent à bout. En plus, je ne sais pas pourquoi, mais cette année, leur nombre a augmenté !
– C'est parce que Neyenje n'est plus là...
Le sourire de Relhnad disparut à la mention du nom du fée.
– Tu es encore en contact avec lui ?
Le ton était sec. Il vrai que Relhnad savait désormais que c'était avec lui que Zibulinion avait couché.
– Non, mais je le considère comme un ami et j'aimerais le mettre au courant de ma situation, d'Aurobika...
– Tu baises souvent avec tes amis ?
Le côté violent de la question surprit Zibulinion, mais il l'interpréta comme de la jalousie et en fut malgré tout content.
– Je n'aurais pas dû, murmura-t-il en baissant les yeux vers le sol herbeux.
Seulement, à ce moment-là, il ne soupçonnait pas que Relhnad puisse l'aimer et il redoutait de ne jamais connaître le plaisir d'une relation sexuelle.
Relhnad secoua la tête et se radoucit :
– Désolé, n'en parlons plus... Il t'est pénible de ne pouvoir être vraiment toi ?
– Plutôt oui, mais vous vous savez et Waltharan aussi, cela m'aide.
– Si pour te sentir mieux, tu as besoin que d'autres personnes sachent, alors, procède discrètement, mais n'hésite pas.
Malgré cette affirmation de son professeur, Zibulinion soupçonna que ce dernier aurait autant aimé que Neyenje ne fasse pas partie du lot.
Maintenant que Zibulinion commençait à vraiment connaître Relhnad, il se rendait compte que souvent, son professeur disait ce qu'il fallait et non pas ce qu'il souhaitait vraiment, excepté quand il était totalement furieux... ou jaloux. Relhnad n'était pas parfait, il l'admettait, mais tentait quand même de répondre à la perfection qui était attendu de lui.
– Ce n'est pas ce que vous pensez vraiment...
Relhnad plongea ses yeux dans ceux de l'adolescent, lui sourit, mais ne répondit pas. Dans le buisson, les moineaux gazouillaient toujours.
Zibulinion aurait bien embrassé son professeur, mais la peur de s'y prendre comme un manche, le paralysa.
Relhnad prit finalement la parole :
– Nous ferions mieux de regagner l'école maintenant. Rendez-vous même heure la semaine prochaine ?
Zibulinion acquiesça et le professeur de sorts disparut.

lundi 28 avril 2014

Le garçon fée - 192

La cloche sonnant le petit déjeuner les fit sursauter.
Relhnad, avec un soupir, informa Zibulinion que la bulle d'invisibilité éclaterait bientôt et que l'adolescent devait reprendre sa fausse apparence. Zibulinion redevint Aurobika sans enthousiasme aucun, mais retrouva le sourire quand son professeur proposa qu'ils se retrouvent tous les mercredis en fin d'après-midi, près du buisson aux moineaux, au cœur de la forêt.
Ils durent ensuite se séparer. Cependant Zibulinion eut l'impression de flotter sur un petit nuage toute la journée. Les cours lui passèrent complètement au-dessus de la tête.
Il eut également des difficultés à s'y intéresser les jours suivants, tout entier tendu vers le rendez-vous à venir.
Son état euphorique n'échappa à personne.
– Il s'est passé un truc avec Waltharan ? demanda Lubicielle.
– Non, rien de spécial, répondit joyeusement Zibulinion.
– Et avec un autre garçon fée ? intervint Nawolida.
– Non, rien du tout, mentit Zibulinion.
– Sale menteuse ! jeta une de leurs camarades de classe. Je t'ai encore vu minauder avec Waltharan pas plus tard qu'hier.
Zibulinion haussa les épaules. Le fée des plantes aussi avait remarqué que son ami nageait dans le bonheur, mais comme il était entouré d'admiratrices, Zibulinion n'avait pas pu lui donner les vraies raisons de son contentement.

Enfin, mercredi arriva. Excité et impatient, Zibulinion se réveilla à l'aube. En cours, il se fit réprimander pour sa distraction par la professeur de flore. Cette dernière l'avait interrogé et Zibulinion, perdu dans ses pensées, n'avait su répondre.
Bien avant l'heure du rendez-vous, Zibulinion sortit des bâtiments de l'école et s'enfonça dans la forêt. Il s'égara à moitié avant de parvenir au fameux buisson aux moineaux qui se trouvait au centre d'une minuscule clairière entourée de chênes et châtaigniers. Les petits oiseaux pépiaient joyeusement sur les plus hautes branches de la touffe d'arbustes.
L'adolescent se défit de son illusion, se recoiffa d'une main, lissa les plis de son sweat-shirt beige et de son jeans, et attendit.
Quand Relhnad se matérialisa, splendide, comme à son habitude, dans une robe bleu ciel, Zibulinion lui dit bonjour nerveusement. Son professeur allait-il l'embrasser ou pas ? Il avait eu quelques rêves érotiques au sujet du merveilleux baiser, rêves dont il s'était réveillé le slip mouillé de sperme. Comme cette pensée l'effleurait, Zibulinion s'empourpra.
– Cela ne devrait pas être permis de rougir aussi adorablement, déclara Relhnad. Pas besoin de lire dans tes pensées pour cette fois, ajouta-t-il après un silence.
Zibulinion, embarrassé comme pas possible, cacha son visage dans ses mains.
Relhnad les lui écarta en douceur et captura les lèvres de Zibulinion, insinuant une langue aventureuse dans sa bouche.
Quand son professeur le libéra, l'adolescent avait les joues brûlantes et se sentait à l'étroit dans son pantalon, de quoi presque regretter ne pas avoir enfilé un de ses uniformes d'école.

jeudi 24 avril 2014

Information

Je sais que quelques personnes attendent la suite du Garçon fée et je suis désolée de les décevoir, mais le prochain épisode ne sera sûrement pas mis en ligne avant lundi.
Ma pause ne m'a pas permis comme je l'espérais de prendre de l'avance dans l'histoire et j'ai d'énormes difficultés à écrire en ce moment, parce que je suis très fatiguée. Encore désolée et à très bientôt quand même pour la suite.

mercredi 23 avril 2014

Le garçon fée - 191

– C'est vrai que c'était injuste et peut-être que tu as raison et que la différence entre fées et sorcières ne tient qu'à l'anatomie - une paire d'ailes - et que tout le reste n'est qu'une affaire d'éducation, il n'empêche que tomber sur cette correspondance était extrêmement déplaisant. Je parie que ce secret, tu l'as partagé avec ton ami fée des plantes, et que c'est pour cela que tu n'as pas voulu me dévoiler tes pensées. Non, vraiment, pour ce que j'en sais, c'est avec ce fichu sorcier que tu as couché, même s'il n'était pas Valeaige, vu tes pouvoirs, tu t'es peut-être téléporté, tu as très bien pu apprendre !!
Zibulinion n'en crut pas ses oreilles. Relhnad, en plus d'être fâché, semblait... Non, c'était impossible. Mais tout de même...
– Vous êtes jaloux ? demanda-t-il, sans y croire complètement.
– Oui.
– Personne ne s'intéresse à moi comme ça. Antenhyo, c'est un ami. Il ne sait même pas si je suis un garçon ou une fille et de toute façon, les fées, c'est pas son truc.
Relhnad lui sourit enfin et Zibulinion se reprit à espérer.
– Désolé. Je suis du genre possessif et finalement, tu ne m'as jamais dit dans les bras de qui tu t'étais abandonné, et même si l'identité de cette personne devrait m'indifférer, que c'est dans le passé, cela me travaillait, alors la découverte de cette lettre... Pardon Zibu. Je me suis comporté comme le dernier des idiots à t'éviter au lieu de te parler. Je t'ai fait de la peine parce que je m'étais monté la tête.
Zibulinion acquiesça. Il pardonnait d'autant plus facilement son professeur qu'il était également coupable. En ne s'ouvrant pas assez à son professeur, en n'osant pas être assez franc par peur de déplaire, il avait provoqué cette situation.
– Je veux bien que vous lisiez en moi...
Relhnad colla aussitôt son front à celui de Zibulinion qui rougit, pensa que tout cela était embarrassant, qu'il regrettait de ne pas s'être confié, qu'il aimait Relhnad, mais ne le méritait pas et craignait que son professeur se rende compte de sa nullité, qu'il avait voulu cacher tous ses mauvais aspects, ses désirs, ses erreurs... Des bribes de souvenirs sa première fois ratée avec Neyenje entre deux rayonnages lui revinrent, de même que les fois où il s'était tu, effrayé par la perspective de contrarier Relhnad.
Son professeur de sorts se détacha de Zibulinion.
– Défais ton illusion, s'il te plaît.
– Mais si quelqu'un...
– Je nous enveloppe d'une bulle d'invisibilité et de silence pour quelques minutes, déclara Relhnad et matérialisant sa baguette, il l'agita.
Zibulinion hésita encore un instant - sous l'image d'Aurobika, il portait son confortable mais informe jogging gris - puis il s'exécuta et retrouva son apparence habituelle : sa rondeur, ses yeux de chouette, son nez courbé, ses ailes ocres plissées.
Relhnad referma ses mains sur la taille de Zibulinion, l'attira tout contre lui et approcha tout doucement son visage jusqu'à rencontrer les lèvres de l'adolescent. Une langue vanillée s'insinua dans la bouche de Zibulinion, l'explorant pour un baiser feu d'artifice.
L'adolescent en avait rêvé, mais c'était mille fois, non cent mille fois plus merveilleux que ce qu'il s'était imaginé.
Trop tôt, Relhnad s'écarta. Zibulinion prit une respiration.
– Je ne devrais pas, mais je suis terriblement heureux de t'avoir enfin embrassé pour de vrai.
– Et moi que vous l'ayez fait, souffla Zibulinion devenant encore plus cramoisi qu'il ne l'était déjà.

mardi 22 avril 2014

Le garçon fée - 190

Zibulinion se leva précipitamment, bousculant au passage la table. Le professeur de sorts tourna la tête vers lui, mais n'esquissa pas un geste pour le rejoindre. Il fronça juste légèrement les sourcils. Zibulinion s'arrêta à trois pas de Relhnad. Il était fâché. Pourquoi ? Ne l'avait-il pas reconnu sous son illusion ?
– Vous allez bien ?
– Pas vraiment, non.
Zibulinion sentit les larmes lui monter aux yeux : il avait tellement voulu le voir, mais pas comme ça, si distant, si réservé... N'était-ce pas Relhnad qui avait affirmé que son amour n'était pas une chose fragile prompte à se briser ?
– Vous... Qu'est-ce...
Zibulinion s'interrompit, mais Relhnad répondit à la question non formulée :
– Depuis bientôt trois semaines, je sais que je dois avoir une conversation avec toi, mais je n'ai pu m'y résoudre, d'abord parce que j'étais trop furieux pour cela, et ensuite parce que je n'étais pas certain de vouloir entendre tes justifications au sujet de ta correspondance avec un sorcier.
Catastrophé, Zibulinion se lança dans un plaidoyer embrouillé sur le similitudes entre féerie et sorcellerie, racontant au passage sa rencontre avec Antenhyo sous l'apparence de Noinilubiza et la fois où il avait métamorphosé à l'aide d'un sortilège une chouette en crapaud.
Relhnad écouta Zibulinion jusqu'à que ce que celui-ci se taise, sans rien laisser transparaître de ce qu'il pensait.
– Je ne te jette pas la pierre d'avoir testé la sorcellerie. Dans ma jeunesse, la curiosité m'a poussé à la même chose, car j'avais, comme toi, remarqué la similitude entre nos magies. Cependant la façon dont nous nous en servons est radicalement différente et dans ses conditions, entretenir une relation avec un sorcier me semble mauvais. Je suis tombé des nues en découvrant ce corbeau et sa lettre. Je ne te croyais pas capable de pareille bêtise.
Et voilà. Il avait déçu Relhnad. C'était fini. L'adolescent aurait voulu que ce soit un cauchemar.
Convaincu que de toute façon, tout était perdu entre lui et son professeur, Zibulinion révéla ce qu'il pensait profondément d'un ton désespéré :
– Je ne comprends pas l'antagonisme entre fées et sorcières. Les premières ne sont pas plus gentilles que les secondes. Quelle différence entre une malédiction et un sort punitif ?!
– Le sort punitif comme son nom l'indique sanctionne tandis que la malédiction peut se jeter sur n'importe qui, sans raison valable, répondit Relhnad, le visage fermé.
– Je ne crois pas avoir mérité tous les sorts punitifs qui m'ont été lancé. J'ai été rendu muet parce que ma voix détonnait avec le chœur des enfants, j'ai été fui comme la peste parce que j'aime les garçons et pas les filles comme je serais supposé, et j'ai souffert d'une douleur à l'aile simplement pour avoir appelé des rats et des crapauds à moi !

lundi 21 avril 2014

Le garçon fée - 189

21 avril. Il s'était écoulé un mois depuis la rentrée des classes. Cela faisait déjà un mois que Zibulinion prétendait tant bien que mal être une jolie fée adolescente prénommée Aurobika.  Il parvenait à parler de temps en temps avec Waltharan, et à de rares occasions à passer un moment avec lui sans que ses admiratrices soient autour de lui, à écouter et décortiquer leurs échanges. Elles avaient bien évidemment remarqué que Waltharan était aimable avec Aurobika et lui en voulaient de ce traitement de faveur, se montrant odieuses dans leur jalousie. Lubicielle, en dépit des tendres sentiments qu'elle nourrissait pour le fée des plantes ne se laissait pas aller à ce genre de comportement et une certaine amitié s'était tissée entre elle et « Aurobika. »
Zibulinion, de temps à autre, au cœur de la forêt accolée à l'école, rompait l'illusion et se promenait en dépit de la fraîcheur printanière. Cela lui permettait de souffler et lui donnait l'espérance que le corbeau d'Antenhyo le trouverait. Lui et le sorcier avaient été insouciants sur ce coup, car même sans l'affaire d'illusion, Noinilubiza était supposément en 12ème et dernière année, si bien qu'en toute logique, ils auraient dû se concerter avant. Cependant, connaissant Antenhyo et son indifférence total pour les fées, leur magie et leurs règles, peut-être n'avait-il même pas prêté attention à l'année de Noinilubiza...
Au fond, ce qui rendait Zibulinion chagrin, ce n'était ni l'interruption de sa correspondance avec Antenhyo, ni les piques acides des admiratrices de Waltharan, ni même de devoir mentir à Lubicielle et toutes ses camarades de classe et de dortoir avec sa fausse identité, c'était que Relhnad ne se manifeste pas.
En un mois, il l'avait aperçu une unique fois après de longues heures à poireauter devant son bureau. Il avait failli le contacter en rêve, puis s'était ravisé, paralysé par la peur de le contrarier.
Relhnad devait avoir ses raisons de garder ses distances et en même temps, puisqu'il l'aimait, pourquoi n'avait-il pas envie de le voir ? Cela lui suffisait-il de savoir qu'il était à Valeaige, dans les murs que lui ?
Les amis non informés de la situation de Zibulinion se faisaient du soucis, eux. Folebiol, d'après Waltharan, avait été jusqu'à interrogé Rozélita, mais n'avait été guère satisfait de la réponse de la petite fille au sujet d'un tuteur spécial à Valeaige pour la simple raison que Zibulinion n'était visible nulle part. Quant à Neyenje, il avait envoyé un courrier à Waltharan où il se plaignait que la lettre qu'il avait envoyé à Zibulinion à Valeaige lui avait été retourné et voulait savoir où leur ami commun était s'il ne s'y trouvait pas.
Zibulinion ne s'était pas encore décidé à leur révéler comment il en était venu à disparaître sous une illusion, mais y songeait très sérieusement.

Zibulinion se tourna encore une fois dans son lit. Il était tôt, mais les oiseaux chantaient déjà dehors et la certitude qu'il ne parviendrait pas à replonger dans le sommeil le poussa à se lever et quitter le dortoir pour se réfugier à la bibliothèque, ce qui lui éviterait de ressasser en boucle les mêmes choses au sujet de Relhnad.
Ce n'était ni le premier ni le dernier matin qu'il faisait cela.
Dans la grisaille du jour naissant, la bibliothèque était déserte. Avec un peu d'imagination, Zibulinion pouvait se croire revenu plusieurs semaines en arrière, quand l'école n'était peuplée que de courants d'air.
Il s'installa à une table de lecture et se lança dans un manuel de fée des rêves, la spécialité où ses lacunes étaient encore grandes.
Il n'avait encore lu que quelques lignes et n'était par conséquent pas complètement immergé dans sa lecture quand un battement d'ailes lui fit lever la tête : Relhnad venait d'atterrir devant un rayonnage situé à trois mètres de lui.

vendredi 11 avril 2014

Le garçon fée - 188

La chance sourit à Zibulinion au milieu de la deuxième semaine de cours, à la bibliothèque. Il repéra Waltharan qui étudiait seul à une table, ayant réussi à se débarrasser de ses admiratrices qui rêvaient de devenir sa petite amie. Zibulinion se dépêcha de le rejoindre, mais arrivé devant lui, il se figea, n'osant l'interrompre. Tout chez Waltharan indiquait qu'il ne voulait pas être dérangé. Il avait le nez dans son bouquin, les mains en œillères, et l'air concentré.
Au bout de quelques minutes, alors que Zibulinion le fixait, indécis, Waltharan se tourna vers lui et le foudroya d'un regard noir.
– Dégage, tu gênes ! Je suis occupé là !
Zibulinion inspira à fond. Cette attitude glaciale lui rappelait l'époque pas si lointaine où le fée des plantes était fâché contre lui.
– Désolé... Je m'appelle Aurobika, déclara-t-il d'une petite voix.
La mauvaise humeur de Waltharan fondit comme neige au soleil. Il se fendit d'un sourire qui révéla ses dents blanches éclatantes.
– Enchanté ! s'exclama-t-il en refermant son livre d'un claquement sec.
Il entraîna ensuite Zibulinion hors de la bibliothèque. Dans les couloirs, des fées interpellèrent Waltharan qui fit celui qui n'avait pas entendu. Comme il prenait le chemin de la serre, Zibulinion lui suggéra qu'ils aillent plutôt dans la forêt. Waltharan hocha la tête.
Une fois sortis de l'école, alors qu'ils traversaient le jardin, des fées cherchèrent à s'imposer.
– Vole vite ! s'écria Waltharan, en décollant.
Zibulinion battit des ailes avec frénésie et parvint à son propre étonnement à ne pas se faire semer par son ami qui filait comme le vent.
Le jardin défila sous eux et ils se posèrent à l'orée du bois.
– Comment vas-tu Zibulinion ? demanda aussitôt Waltharan.
– Pas mal. Et toi ?
– Je me sens plus que jamais une bête traquée. C'est pire que les autres années.
– C'est parce que Neyenje n'est plus là.
Waltharan après un instant de perplexité hocha la tête et déclara :
– C'est vrai qu'il avait une tonne de fans. Je ne m'étais pas rendu compte que c'était grâce à lui que je pouvais respirer... Maintenant il ne reste plus que Relhnad comme véritable aimant à filles !
Ces derniers mots prononcés, Waltharan eut le bon goût de paraître gêné et reprit :
– Comment ça va avec lui ?
– Je ne l'ai même pas aperçu depuis le début de la rentrée.
– C'est normal ?
Waltharan et sa franchise...
– Plus ou moins, répondit Zibulinion, son cœur se contractant douloureusement dans sa poitrine.
Il se posait des questions sans y trouver de réponse, se raccrochant aux mots d'amours proférés par Relhnad.
– Il doit avoir du mal à échapper à ses admiratrices lui aussi. Sais-tu que même Folebiol qui est pourtant en couple de façon connue avec Lavicielle, se fait également harceler ? Aucune échappatoire dans ses conditions ! A propos de Folebiol, il m'a demandé si j'avais de tes nouvelles, car il ne lui a pas échappé que tu n'étais plus à l'école et bien sûr, il s'inquiéte pour toi.
Zibulinion se sentit coupable.
– Que lui as-tu répondu ?
– Qu'il se faisait du souci pour rien et après, je me suis esquivé.
– Tu crois que je devrais le mettre dans le secret ?
– La décision t'appartient... Et sinon, tu t'en sors avec les cours pour fées des plantes ?
– Oui, pas de problème pour le moment. Même en cours d'élégance.
C'était le point positif de son port permanent d'illusion conjoint à sa fausse identité : aucun professeur ne se sentait plus obligé de lui faire comprendre à quel point il était un fée inadapté puisqu'en apparence, ce n'était pas le cas. Cela le changeait agréablement des années précédentes.
– Tu as cette peau de vache de Korganole ?
– Oui.
– Mon pauvre...
Comme l'heure tournait, ils ne purent se parler qu'un petit moment avant de devoir reprendre le chemin de l'école pour aller dîner.
Waltharan sachant désormais à quoi ressemblait la nouvelle illusion féminine de Zibulinion promit qu'il ferait désormais attention à Aurobika, même si évidemment, ils ne pourraient bavarder librement qu'en tête-à-tête, ce qui ne serait pas facile, à moins bien sûr qu'il ne parvienne à décourager une bonne fois pour toute les filles qui lui couraient après.

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Par manque de temps pour écrire en ce moment, pause nécessaire jusqu'au lundi de Pâques, 21 avril. Et, une fois n'est pas coutume, le temps du roman rejoindra le réel. Ce sera en effet aussi le 21 avril pour Zibulinion.

jeudi 10 avril 2014

Le garçon fée - 187

Waltharan émergea du dortoir. Zibulinion, malgré la présence de Nawolida à ses côtés, tenta de l'approcher, mais il n'était effectivement pas le seul sur les rangs et comme il n'était pas du genre à jouer des coudes, il échoua et le fée des plantes s'éloigna entouré d'un cortège de filles.
– Ne sois pas si déçue. L'année ne fait que commencer. J'ai récupéré l'emploi du temps de la classe de Charboige et comme il est dans la même classe que Waltharan, je vais te le passer.
Zibulinion la remercia et s'efforça de faire bonne figure, mais au fond cela le déprimait d'être relégué au rang d'admiratrice que ce soit avec Waltharan qui était son ami ou Relhnad qui était son amoureux.
Après le dîner en compagnie de Nawolida qui parlait plus garçons et couples que d'autre chose, Zibulinion gagna le dortoir qui ressemblait à une ruche bourdonnante où s'agitait les fées adolescentes. Une telle animation était épuisante pour Zibulinion qui avait eu les lieux pour lui seul durant trois semaines. La salle de bains était prise d'assaut et il dut patienter avant de pouvoir prendre une douche rapide. Après quoi, il souhaita bonne nuit à Nawolida qui était installée à cinq lits de lui dans la section fée des plantes où Zibulinion avait dû déplacer ses affaires, une fois sa spécialité choisie.

Le second jour, il échoua à voir Relhnad comme Waltharan. Il croisa en revanche Zurmmiel et Joathilde à la bibliothèque, mais ne leur adressa pas la parole. Pour les deux enfants en troisième année, Aurobika n'était qu'une inconnue...

Le troisième jour, il eut un cours sur les plantes avec la mère de Waltharan, mais impossible de s'approcher de son ami qui avait gagné en popularité. A priori, de même que Nawolida s'était rabattu sur Charboige, de nombreuses fans de Neyenje avait reporté leur intérêt sur le fée des plantes.
Toujours pas l'ombre de Relhnad. Le professeurs de sorts ne faisait à priori rien pour chercher à croiser le chemin de Zibulinion. Avant qu'il reconnaisse ses sentiments pour l'adolescent, il n'avait jamais fait d'efforts pour cela... mais ils se voyaient au moins au cours de sorts. Zibulinion ne doutait plus de son amour, mais cela ne l'empêchait pas d'être triste de ne pas le voir du tout.

Une semaine entière s'écoula. Heureusement, les cours étaient intéressants et Nawolida, sa curiosité partiellement satisfaite quant à la nouvelle élève, avait cessé de coller en permanence Zibulinion.
Par son intermédiaire, il avait fait la connaissance avec d'autres filles de la classe dont Lubicielle qui se révéla être une fan de Waltharan. Nawolida avait indiscrètement mentionné que le fée des plantes avait tapé dans l’œil d'Aurobika, mais Dame Nature soit louée, Lubicielle n'avait pas considéré la nouvelle comme une rivale, mais plutôt comme une alliée avec laquelle elle pouvait partager son admiration pour Waltharan, ses yeux bleu-verts, sa mèche blanche dans ses cheveux noisettes et sa froideur si attirante... Zibulinion, lui, préférait quand Waltharan était souriant et charmant, mais il n'était pas supposé savoir qu'il pouvait être ainsi, alors il écoutait Lubicielle, tout en regrettant de ne réussir à approcher son ami.

mercredi 9 avril 2014

Le garçon fée - 186

Les cours de l'après-midi se déroulèrent sans heurt. Malgré ses lacunes niveau plantes, Zibulinion parvint à suivre. Ses semaines d'études intensives avaient été utiles. Nawolida qui s'était systématiquement assisse à côté de lui s'était révélée un peu bavarde sur les bords, même durant les cours, mais s'était découragée devant l'absence de réponse de Zibulinion et avait conclut à mi-voix qu' « Aurobika » était terriblement sérieuse.
Zibulinion ne l'avait donc pas surprise quand, une fois les cours terminés, il avait parlé de se rendre à la bibliothèque et Nawolida avait lâché prise, enfin.
Zibulinion qui avait espéré y trouver Waltharan fut déçu de constater qu'il n'en était rien. Il alla chercher un livre dont la lecture avait été recommandée par une des professeurs, mais à peine l'avait-il tiré de l'étagère qu'il le rangea. Il ne se sentait pas de bouquiner paisiblement alors que Relhnad était tout près, quelque part dans l'école.
Il se rendit au bureau du professeur de sorts où il découvrit un troupeau de filles qui avait eu la même idée que lui. Il serait bien monté jusqu'à la chambre de Relhnad, mais il était de toute façon trop tôt pour qu'il y soit et il était peu probable qu'on le laisse se balader dans les étages des professeurs sans lui demander ce qu'il y faisait. Zibulinion avait eu ce privilège parce qu'il avait expulsé de son dortoir, mais c'était désormais fini puisqu'il avait maintenant l'apparence d'Aurobika.
Autour de lui, les admiratrices de Relhnad s'extasient sur la beauté de ce dernier. Rares étaient celles qui mentionnaient autre chose que son physique parfait. Qu'il soit doux, gentil et pédagogue ne semblait pas peser lourd dans la balance... Zibulinion resta un moment à attendre, puis renonça. Le professeur de sorts, même s'il était à l'intérieur, pouvait magiquement se téléporter sans avoir besoin de passer au milieu de cette bande de filles excitées.
Il alla faire un tour du côté des dortoirs des garçons, espérant y croiser Waltharan. Là aussi, une foule de filles assiégeait les portes. Nawolida en faisait partie et elle le rejoignit aussitôt.
– Finie d'étudier ? Waltharan est à l'intérieur. Tu pourras essayer de le chopper quand les cloches du dîner sonneront. Cependant, je te préviens, en dépit de sa froideur, elles sont nombreuses à s'accrocher à lui.
Sur le ton de la confidence, elle ajouta :
– Moi, j'ai décidé de viser désormais Charboige, la concurrence est moindre parce qu'il a les cheveux tout noir.
Zibulinion ne commenta pas. Il n'était pas supposé savoir que Charboige avait un caractère de cochon ou que Waltharan était charmant quand il le voulait bien.
Se cacher sous l'illusion de Noinilubiza lui avait déjà donné l'occasion d'apercevoir pour ainsi dire l'envers du décor de la chasse aux garçons, mais avec Nawolida, il en découvrait les rouages et ce n'était pas très reluisant. La fée adolescente ne semblait pas plus perturbée que ça de sa récente rupture avec Neyenje et Charboige n'était pour elle qu'une cible.

mardi 8 avril 2014

Le garçon fée - 185

Ses affaires étant déjà au dortoir, Zibulinion se rendit directement au premier cours de la matinée qui était consacré aux arbres. Il arriva en même temps qu'un groupe de filles. L'une d'elles, aux ailes pailletés vint lui parler :
– Je ne t'ai jamais vu auparavant. Tu es une nouvelle ?
Zibulinion la reconnut alors. C'était une des filles que Neyenje lui avait présenté. Naquelque chose. Elle avait écorché son nom.
– Oui, c'est ma première année à Valeaige, mentit-il.
Première mensonge d'une longue série...
– Ah, je le savais ! Tu étais où avant ?
Zibulinion ne connaissait pas d'autres noms d'écoles fées.
– En raison de soucis de santé, j'étudiais à la maison avec un tuteur, improvisa-t-il.
– Comment tu t'appelles ?
– Aurobika. Et toi ?
Pas une seule vérité n'était sortie de sa bouche depuis tout à l'heure et cela n'avait rien de confortable.
– Nawolida.
Leur conversation s'arrêta là, la professeur étant arrivée. Sans doute par curiosité, la même qui l'avait poussée à accéder à la requête de Neyenje de faire connaissance avec le drôle de garçon qui ne ressemblait pas à un fée, elle colla Zibulinion, y compris durant le repas de midi. Pour l'adolescent, c'était pénible car tout ce qu'il lui racontait était nécessairement faux. Hélas, il ne voyait pas comment la décourager sans se montrer désagréable. « Aurobika » était supposée bien s'intégrer et ne pas sortir du lot en se la jouant loup solitaire. C'était d'ailleurs ironique qu'après avoir souffert d'être isolé, il se mettait à regretter d'avoir de la compagnie.
Tout en bavardant avec Nawolida, il jeta plusieurs regards à Waltharan qui étais assis non loin et qu'il avait originellement prévu d'aborder durant le déjeuner.
Nawolida finit par le remarquer.
– Tu as flashé sur Waltharan ? Je te souhaite bien du courage ! Il est glacial avec toutes les filles. Moi, mon garçon préféré n'est plus là. Il a fini sa scolarité. Il s'appelle Neyenje. Je l'ai vu cet hiver. Il m'a embrassé, mais il m'a aussi dit que c'était fini entre nous. Il a fait pareil avec d'autres filles que je connais.
Neyenje, rompre avec une partie de son harem ? Zibulinion s'en inquiéta presque. Cela ne ressemblait pas à son volage ami qui, du reste, avait l'honnêteté de ne promettre fidélité à personne.
– Il t'a expliqué pourquoi ?
– Il a été assez vague. Si j'ai bien compris, maintenant que ses études sont terminées, il veut se tourner vers l'avenir. Oh... Tu l'aurais vu avec ses splendides cheveux blond pâle et son sourire ravageur !
Et son côté délicieusement égocentrique... Zibulinion hocha la tête. Il n'aurait pas été contre que Neyenje soit là cette année.
Nawolida reprit, en pointant un garçon du doigt :
– A mon avis, tu ferais mieux d'oublier Waltharan et de tenter ta chance auprès de Chunuald.
Ce fée des plantes était blond comme les blés, avait un regard d'un bleu limpide et un teint de rose et... il n'avait pas été le dernier à s'indigner de l'homosexualité de Zibulinion.
– Ce n'est pas mon genre, affirma-t-il.
Son type à lui avait des cheveux d'or, une peau albâtre, des yeux pailletée d'argent, une voix merveilleuse, des ailes azurées bordées de jaune et surtout une gentillesse à toute épreuve. Zibulinion sourit en songeant à Relhnad, puis se rembrunit : quand allait-il le voir puisqu'il ne l'avait pas comme professeur ?

lundi 7 avril 2014

Le garçon fée - 184

21 mars. Zibulinion attendait sous l'illusion féminine d'Aurobika dans la salle d'accueil des 12ème année, comme ordonné la veille par la directrice.
Ses trois semaines de solitude s'achevaient. Il avait étudié sans discontinuer, usant sans abuser des sorts de lecture rapide et de mémorisation.
Il avait gardé son illusion avec difficultés les sept premiers jours, puis quelque chose s'était dénoué en lui et sa fatigue liée au maintien de sa fausse apparence de jolie adolescente à laquelle la directrice de Valeaige l'avait contraint, s'était peu à peu estompée.
Il s'était habitué, même si son reflet habituel lui manquait. Oh, il n'affectionnait pas particulièrement ses yeux ronds comme ceux d'une chouette, sa tignasse terne, son nez courbé semblable à celui d'un rapace, sa grosseur et ses ailes ocres, mais la finesse de sa taille, le bleu de ses yeux, le blond brillant de ses cheveux, ses ailes irisées et ses courbes féminines étaient pire, une image factice de fée parfaite qui ne lui correspondait pas.
Néanmoins, il avait réussi à conserver cette apparence. Son professeur de sorts bien-aimé, Relhnad, avait eu raison de l'en croire capable. Il avait hâte de le revoir en chair et en os. Les rêves qu'il avait fait avec lui, induits par aucune magie, n'avaient qu'aiguiser son envie de passer du temps en sa compagnie.
Autrement, il appréhendait plutôt cette rentrée basée sur le mensonge. Heureusement qu'il avait mis Waltharan au courant. Par contre, son ami Folebiol, lui, n'en savait rien, pas plus que le petit frère de ce dernier, Zurmmiel, ni sa propre petite sœur, Rozélita...
Il avait finalement choisi la spécialité des plantes pour avoir une chance d'être dans la même classe que Waltharan, même si cela impliquait aussi de risquer se retrouver avec Charboige, le désagréable fée brun. En même temps, il n'aurait aucune raison de se montrer pénible avec « Aurobika » puisqu'il ne la connaîtrait pas.
Validocielle, la directrice avait exigé de Zibulinion un comportement irréprochable. Si elle le surprenait à folâtrer ou à ne pas se montrer à la hauteur, des sorts punitifs l'attendaient. Elle avait affirmé qu'il n'était pas question qu'il gâche son nouveau départ.
En gros, tout ce qu'il avait à faire, c'était étudier, ce qui ne posait pas de problème à Zibulinion puisqu'il aimait cela, mais sous une apparence féminine et une fausse identité, ce qui le dérangeait affreusement. Validocielle n'avait même pas daigné lui expliquer pourquoi.
Évidemment, entretenir une correspondance avec Antenhyo, un sorcier de Daroilak ne faisait pas parti du tableau parfait de la directrice.
Zibulinion était soucieux à ce sujet, car il n'avait pas eu l'occasion de revoir le corbeau du sorcier mal peigné depuis que Validocielle lui avait annoncé qu'il devrait prétendre être quelqu'un d'autre et n'avait donc pu prévenir l'oiseau messager de son nouveau visage et de sa migration au dortoir. Il escomptait tenter plusieurs promenades dans le bois attenant à l'école sous une apparence familière au corbeau - la sienne ou celle de son autre illusion féminine « Noinilubiza » - dans l'espoir qu'il le retrouve.
S'il avait vraiment voulu respecter les souhaits de la directrice et être une fée modèle, il aurait du mettre fin à cette échange et cesser d'espérer que son professeurs de sorts bien-aimé oublie que Zibulinion était son élève, un garçon âgé de 17 ans, et l'embrasse.
Des élèves de 12ème année arrivèrent par vague, emplissant peu à peu la salle et Zibulinion fut bientôt entouré de filles. Il repéra les cheveux noirs de Charboige quelques rangées devant lui, bien visibles dans cet océan de blondeur et aperçut Waltharan. Cependant, il ne se leva pas pour l'aborder, ce n'était pas le bon moment. La professeur d'élégance, Korganole, qui s'était toujours montrée dure avec Zibulinion, s'était matérialisée dans les airs, ailes déployées, dominant l'assemblée. Ce fut elle qui prononça le discours d'accueil, tout un blabla sur le fait qu'ils ne devaient pas se relâcher en cette dernière année d'école qui était déterminante pour leur avenir. Elle annonça ensuite la répartition des classes et Zibulinion retint son souffle. Elle distribua ensuite magiquement les emplois du temps et Zibulinion, après avoir appris qu'il était dans une classe composée uniquement de filles, connut une seconde déception : il n'avait pas Relhnad comme professeur. La rentrée commençait mal...

vendredi 4 avril 2014

Le garçon fée - 183

Alysielle conduisit Zibulinion jusqu'à Valeaige, emplissant l'habitacle de la voiture d'un flot de bavardage inutile. Zibulinion répondait quand c'était nécessaire.
Elle le laissa à l'ère de bus. Avant de partir, elle l'embrassa du bout des lèvres sur la joue et lui recommanda de soigner son apparence, de bien étudier et d'obéir en tout sa tutrice.
Il n'y avait personne pour accueillir Zibulinion. Il traversa les couloirs déserts et choisit de monter jusqu'à sa chambre.
Il fut choqué de la trouver vide. Le lit bateau, la lampe étoile, tout l'ameublement apporté par Relhnad avait disparu. Sur le plancher, un message laconique de la directrice exigeait qu'il prenne ses quartiers dans le dortoir des filles et l'informait que ses repas lui seraient servis au réfectoire. « Aurobika » était autrement attendu la veille de la rentrée des classes dans le bureau de la directrice.
Zibulinion découvrit donc le dortoir des filles. Comme celui des garçons, il était divisé en spécialité avec trois décorations différentes, une  avec du bois brillant, une avec du marbre rosé et une très fleurie. La pièce était en revanche beaucoup plus grande et comprenait de nombreux lits.
Il n'avait pas encore tranché quelle spécialité il prendrait, aussi il resta devant la porte, hésitant, ce qui lui rappela son indécision en 1ère année alors qu'il avait été mis dans le dortoir des grands sans qu'il ait encore été déterminé s'il était des bois, des plantes ou des rêves. C'était Folebiol qui lui avait suggéré de se mettre à côté de lui.
Seulement, là, il ne connaîtrait personne... Il n'y aurait que des filles autour de lui. Pour tout autre garçon, cela aurait été une aubaine, mais certainement pas pour lui. Il se moquait bien de les voir en tenues légères. En revanche, l'idée de batailler chaque jour pour donner le change avec son illusion l'épuisait par avance.
Il opta finalement pour la section des rêves, son sol marbré et ses lits métalliques étincelants, prenant place près de la porte.
Une fois ses affaires déballées, il activa courageusement l'illusion d'Aurobika avec l'uniforme vert des 12ème année. Puisqu'il était là pour s'entraîner, le mieux était de commencer dès maintenant.
Le seul avantage à cette illusion qu'il était supposé maintenir en permanence, c'est qu'il n'aurait pas besoin de s'acheter d'uniforme cette année et que sous la robe apparente, il pouvait garder un confortable pantalon.
Dans l'école déserte, Zibulinion gagna la bibliothèque et se plongea dans le programme des 11ème année. Puisqu'il allait la sauter, il avait tout intérêt à l'étudier pour ne pas être en difficulté à la rentrée.
Comme d'habitude, sa lecture l'absorba si bien qu'il ne vit pas le temps passer.
Le silence et la solitude le rattrapèrent à la tombée de la nuit en même temps que son appétit. Il gagna le réfectoire où il peina à localiser son assiette perdue en bout de table des 12ème année. Manger seul dans l'immense pièce désertée était aussi pénible que dans son souvenir.
Il regagna ensuite le dortoir et alla se laver, gardant son illusion malgré son désir de s'en débarrasser. « Cette illusion n'est jamais qu'une autre version de toi, essaie de ne pas la rejeter, mais de l'intégrer » lui avait conseillé Relhnad. Sa conviction que l'adolescent était capable de maintenir l'illusion des jours durant aida Zibulinion à ne pas céder à la tentation.
Toujours sous l'apparence d'Aurobika, il s'endormit quand même le sourire au lèvres, se souvenant du « je t'aime Zibu », espérant rêver de Relhnad.

jeudi 3 avril 2014

Le garçon fée - 182

C'est finalement au pied d'une statue représentant un garçon jouant de la flûte que Relhnad décida de faire de la magie. Il se mit en face de Zibulibion et colla son front contre celui de l'adolescent qui vira aussitôt à l'écarlate. La magie de son professeur était toujours très tactile et cela l'embarrassait tout en lui plaisant.
Soudain, des pensées qui n'étaient pas les siennes entrèrent en lui. D'abord mélange nébuleux de mots et d'images, l'ensemble prit peu à peu sens :
Je me fais du souci pour lui. Je sens que quelque chose ne va pas. Ah... C'est extrême comme méthode. Trop intime. Bon, pas plus que le contenu de mes rêves... Tout de même, à côté, être nu, ce n'est rien. Suffit, ce n'est pas comme ça que je vais le persuader d'essayer. Je voudrais qu'il me confie ce qui le tracasse... C'est peut-être à cause de la directrice et de son histoire d'illusion. Je ne sais pas pourquoi elle fait ça. Je devrais intervenir. Non, le mieux est de tenter de se renseigner en douce. Dans quoi est-ce que je m'embarque, moi ? Sa puissance magique est remarquable, bien supérieure à la mienne. Il est extraordinaire... Il est trop craquant à rougir comme ça. A être si près de lui, je meurs d'envie de l'embrasser, de le...
Relhnad s'écarta soudainement et le flot de pensées étrangères s'interrompit, laissant un grand vide dans l'esprit de Zibulinion, mais enfin, il était rassuré quant à l'amour que lui portait Relhnad.
– Merci, souffla l'adolescent, le cœur débordant de joie.
– A défaut de savoir pourquoi tu étais triste, je t'aurais rendu le sourire.
– En fait... C'était vis-à-vis de vous, de nous. Je ne pouvais me défaire de l'impression que c'était irréel, que cela ne pouvait être qu'un rêve de ma part.
– Je t'aime Zibu, mais garder le secret à ce sujet est obligatoire. Rien que notre différence d'âge gênerait, même si nous n'étions pas de surcroît professeur et élève de même sexe.
C'était là une opportunité en or d'avouer qu'il avait parlé à Waltharan et Zibulinion la saisit courageusement.
Relhnad poussa un long soupir.
– Ton ami fée des plantes... Cela ne me plaît pas que quelqu'un soit au courant, mais je comprends que tu aies eu besoin d'une oreille attentive.
Zibulinion baissa la tête. Il avait déçu son professeur.
Relhnad lui releva le menton d'un doigt.
– Je ne t'en veux pas, d'accord ?
– Mais...
– Rien du tout. Ce que je ressens à ton égard n'est pas une petite chose fragile prête à se briser à la moindre contrariété.
Zibulinion aurait voulu en être certain. Sa discussion avec Waltharan sur le côté changeant des sentiments était encore fraîche dans sa mémoire.
Relhnad reprit :
– Nul n'est parfait et certainement pas moi. Le plus important, c'est d'être en accord avec soi-même... Veux-tu partager tes pensées avec moi ?
Zibulinion secoua la tête avec lenteur. Il aurait voulu que le temps s'arrête sur cet instant parfait où leur amour était mutuel.
Un jour, il faudrait qu'il révèle à Relhnad son expérience avec la sorcellerie, peut-être qu'il réagirait bien comme Waltharan, mais pas maintenant. Sa peur de lui déplaire restait ancrée en lui.
Le professeur de sorts n'insista pas et parla magie, donnant quelques pistes à Zibulinion pour l'aider à ne pas s'épuiser en maintenant son illusion jour après jour.
Après quoi, il ne tarda pas à prendre congé, lui serrant simplement l'épaule en guise d'au revoir.
Zibulinion regagna à pas lents l'appartement familial, se remémorant le moment où ce que pensait Relhnad lui avait été accessible et le  « je t'aime Zibu » qu'il avait prononcé de sa voix enchanteresse.
Avec ça, il se sentait capable d'affronter ce qui l'attendait à Valeiage.

mercredi 2 avril 2014

Le garçon fée - 181

L'unique semaine de vacances de Zibulinion touchait à sa fin.
Il se repeigna dix fois et quitta l'appartement largement avant l'heure de son rendez-vous avec Relhnad. Il ne savait pas quelle illusion du professeur de sorts il allait trouver au pied de chez lui et il était impatient et anxieux à la fois de le voir.
Il attendit longtemps sur le bord du trottoir avant que Relhnad n'arrive sous son illusion masculine, proche de son apparence d'origine.
Zibulinion en fut content. Dalynaida cachait plus Relhnad. Là, au moins, sa voix restait la même.
– Bonjour. Je ne suis pas en retard ?
– Non.
– As-tu pu profiter de tes quelques jours de liberté ?
– Pas vraiment, l'ambiance est bizarre chez moi...
Elle l'était d'ailleurs aussi entre Relhnad et lui. Il y avait comme cette barrière entre eux, et ils se connaissaient si peu au fond... Mais il l'aimait.
– Y-a-t-il un square ou un parc dans le coin ? Ce sera plus agréable de discuter en se promenant.
Zibulinion hocha la tête et commença à avancer. Comme le silence s'installait entre eux, il s'inquiéta que Relhnad le trouve ennuyeux et sauta sur le premier sujet de conversation qui lui vint à l'esprit :
– Vous avez prévu quoi pour vos vacances, vous ?
– Je vais aider une amie fée des rêves qui a quelques cas difficiles parmi ses patients. Je compte également m'offrir quelques grasses matinées à bouquiner et me balader en forêt.
Une amie, des lectures, des promenades... Allait-il seulement lui accorder une pensée ?
– Qu'est-ce qui te rend si triste, Zibu ?
Le diminutif prit l'adolescent au dépourvu. Il rougit et bafouilla une suite de mots sans sens.
– Je conçois que ce qui est à venir te pèse, mais l'instant présent n'a-t-il aucune grâce à tes yeux ?
– Si... Mais...
Comment exprimer ses peurs et ses doutes ? Avouer qu'il s'était confié à son ami Waltharan, sa crainte de ne pas être aimé, son expérience de la sorcellerie... Il ne voulait perdre l'amour de Relhnad à aucun prix alors même qu'il n'arrivait pas à y croire.
– Sauf si tu m'autorises à user de magie, je ne vais pas pouvoir deviner.
– Quel sort utiliseriez-vous ? demanda Zibulinion, autant par curiosité que pour retarder le moment de révéler ce qui le tracassait.
– Il y a celui pour lire dans les pensées d'autrui ou bien celui pour ressentir les mêmes sentiments et sensations.
Ils entrèrent dans le square où il n'y avait presque personne. C'était dimanche, mais le ciel était gris et le temps encore bien froid en ce dernier mois d'hiver.
Relhnad reprit :
– Si tu préfères, je peux faire en sorte que ce soit toi qui ait accès à mes pensées.
Que Relhnad lise en lui gênait Zibulinion. C'était par trop compromettant, l'inverse était en revanche tentant.
– Vous feriez ça ?
– Oui, du moment que nous trouvons un coin à l'abri des regards.

mardi 1 avril 2014

Le garçon fée - 180

– Je suis content que tu m'aies confié tout cela et en tant qu'ami, laisse-moi te rassurer, tu mérites d'être aimé, déclara Waltharan.
– Vraiment ?
Même en sachant que l'apparence n'était pas ce qui comptait le plus, Zibulinion ne pouvait s'empêcher de douter. Sa propre mère avait toujours eu honte de lui à cause de cela, Tania aussi, et Waltharan lui-même avait renoncé à ses sentiments pour lui en découvrant que Noinilubiza n'était pas une jolie fille au cou de cygne, mais un garçon tout rond.
– Oui. Tu n'es pas séduisant, mais tu es gentil et brillant. A dire vrai que le professeur de sorts t'aime, indépendamment du côté bizarre de la chose, c'est excellent ! Une belle punition pour toutes ces filles qui lui bavent dessus ! Si elles savaient...
– C'est un secret ! De toute façon, il dit qu'il m'aime, mais il garde ses distances. Il m'a juste donné quelques cours de magie entre quatre yeux.
– Motus et bouche cousue de mon côté, ne t'inquiète pas. Rien que d'y penser, ça m'amuse.  Quand à ta relation avec Relhnad, ça semble sage de sa part que vous ne dépassiez pas certaines limites. Il pourrait perdre son poste. Si tu es frustré, tu n'as qu'à t'adresser à Neyenje.
– Je n'en ai aucune envie. Faire ça à l'école, sous une illusion, en aimant quelqu'un d'autre, c'était inconfortable.
– Sous une illusion... Noinilubiza... ?!
Waltharan avait crié et un promeneur sur le trottoir d'en face les regarda.
Le fée des plantes, l'air sombre, repartit soudain d'un pas rapide si bien que Zibulinion dut courir pour le rattraper.
Zibulinion ne comprenait pas : il y avait un côté absurde à ce que Waltharan se moque qu'il ait pu coucher avec Neyenje dont la bisexualité ne le choquait pas le moins du monde, mais se mette en colère en apprenant qu'il s'agissait d' « elle » alors que de toute façon, Noinilubiza, c'était lui.
Avant qu'il ne prononce un mot, Waltharan lui lança :
– Je sais. Je ne devrais pas m'énerver, ce n'est pas rationnel. Mais Noinilubiza, c'était ma fille pure et parfaite à moi, pas une des ces stupides chasseuses de garçons !
– D'un côté, tu idéalises, de l'autre tu noircis le tableau... Dans toutes les filles qui recherchent ta compagnie, il y en a sûrement des sincères.
Zibulinion espérait du fond cœur que Waltharan en trouverait une et qu'il oublierait « Noinilubiza » dont l'ombre laissait un malaise entre eux.
– N'importe quel garçon leur conviendrait.
– En es-tu certain ?
– Prends la copine de Folebiol. Elle n'avait d'yeux que pour le professeur de sorts. Folebiol se déclare et tac, elle sort avec.
– Les gens ont le droit de changer de sentiments.
N'était-ce pas le cas de Waltharan lui-même avec Noinilubiza ?
– C'est vrai, c'est naturel, mais c'est triste.
Ils marchèrent encore longtemps dans les rues, bavardant de tout et rien jusqu'à qu'il soit tard. Waltharan souhaita alors courage et chance à Zibulinion et lui promit qu'il se montrerait aimable avec une certaine Aurobika à la rentrée.