lundi 9 juillet 2012

Rendez-vous manqué - 39

La première chose que fit Al, après une nuit courte et agitée, fut de rallumer son ordinateur pour voir si Garance avait répondu. Son coeur bondit dans sa poitrine en voyant qu'il avait un mail datant de 4h du matin. Couche tard, lève-tôt, ou insomniaque, le mystère restait entier, mais peu importait à Al. Ce qui comptait, c'est que le binoclard lui avait communiqué l'adresse de Beckett. Bien sûr, il voulait en savoir plus sur le pourquoi du comment et avait ajouté pour faire bonne mesure trois ou quatre questions supplémentaires sur l'invisibilité de Al, émettant également la possibilité de réaliser une interview vidéo. Le jeune homme invisible repoussa le moment de lui répondre. Après avoir tenté un nouveau coup de fil à Beckett qui échoua une fois de plus, il dressa un plan d'attaque.
Il pleuvait dru sans espoir d'amélioration, ce qui rendait impossible une sortie nu, en toute discrétion. Al se consola en se disant qu'il n'aurait de toute façon été guère pratique de s'introduire chez Beckett en étant parfaitement invisible. Il ne lui restait plus qu'à se rendre présentable. Non, mieux que ça, normal. Sinon, il ne pourrait pas prendre le bus - et 35 minutes de marche à pieds sous une pluie battante n'était guère tentant - et il serait peut-être refoulé à l'entrée de la maison de la Beckett. L'écharpe, le bonnet, les lunettes et les gants lui donnaient l'air trop louche. Il fallait qu'il se maquille. Un frisson parcourut l'échine du jeune homme invisible, car ainsi qu'il l'avait expliqué à Beckett, le maquillage lui irritait la peau et pas qu'un peu. Evidemment, il n'en avait pas chez lui, ce qui allait l'obliger à faire des courses - et pas en ligne, car c'était maintenant qu'il en avait besoin. En revanche, quelque part dans le placard de la salle de bains, devaient traîner une boîte avec des lentilles bleues et une perruque brune frisée qui ne ressemblait en rien à ses cheveux blond pâle mi-long. Al commença par remettre la main dessus avant de partir courageusement acheter du maquillage, le visage masqué par un foulard et des lunettes teintées, sa capuche de kaway bien enfoncée sur sa tête. Dans la rue, entre le temps de chien et l'heure matinale pour un samedi, il ne croisa que quelques passants pressés.
Il entra dans le Chocprix, fonça au rayon maquillage où une jeune femme lui jeta un regard surpris, attrapa hâtivement du fond de teint pêche ainsi qu'un rouge à lèvres d'un ton similaire, et alla payer ses achats. L'hôtesse de caisse tiqua devant ce drôle de client, mouillé et encapuchoné, mais elle fit son job. Elle devait s'imaginer que le jeune homme avait honte d'acheter du maquillage. Al, les doigts crispés sur le sac plastique renfermant ses achats, partit comme une flèche et regagna ses pénates. Il n'était jamais que 9 heures du matin et sonner avant 10 heures chez l'adolescent ne semblait pas conseillé. Il fit les cent pas dans son appartement avant de se préparer. Il appliqua le fond de teint avec soin, mit les lentilles, le rouge à lèvres, la perruque, les lunettes, les gants et le kaway, regrettant presque de ne pas avoir un miroir pour juger de l'ensemble. La peau de tout son visage le picotait, preuve qu'il avait dû bien étaler le fond de teint.
Sous la pluie qui tombait toujours, protégé par son parapluie et son kaway, Al prit le chemin de l'arrêt de bus, puis patienta à côté d'une vieille dame chargée de paquets jusqu'à ce que le bus arrive.
Le jeune homme se sentait bizarre avec son visage qui le démangeait légèrement, mais personne ne prêtait attention à lui, ce qui le changeait agréablement de d'habitude. Résistant à l'envie de se gratter les joues, il vérifia le nom de l'arrêt où il devait descendre et le court trajet qui s'ensuivait. Bientôt il verrait Beckett et pourrait tirer toute l'affaire au clair. Avec de la chance, ce serait l'adolescent qui lui ouvrirait et il n'aurait pas à affronter sa famille.
Appaisé par cette idée, toujours en proie à de désagréables démangeaisons, Al arriva devant la maison où habitait Beckett. Il sonna sans hésiter à la grille métallique au travers de laquelle on apercevait un pavillon de briques rouges d'une taille tout à fait respectable. La porte de la maison s'entrebailla sur un homme jeune qui devait être le frère de Beckett. Il était plus massif, ses cheveux étaient d'un brun plus foncés et ses yeux étaient marrons, mais l'air de ressemblance était indéniable.

1 commentaire:

Jeckyll a dit…

Voilà l'heure de la confrontation avec la famille de Beckett ^^

Merci pour cet épisode, pauvre Al être obligé de se grimer pour voir son amoureux, quel courage il a :)

Vivement la suite ^o^