Orcéant - 78

Elle s'était attachée à chacun d'eux, y compris à Pierrick avec lequel elle prenait plaisir à se chamailler. Korel, bien que froid, avait ses côtés mignons. Rouge était dur à cerner, mais apparence humaine ou pas, il conservait une aura spéciale. Quant à Byll, il avait beau ne pas dire grand chose, il possédait une intelligence remarquable.
C'était lui qui avait tiqué devant leurs oiseaux bleus, c'était lui encore dans la grotte qui l'avait repéré, ou plutôt émis la suggestion que quelqu'un d'invisible se trouvait avec eux.
Elle était contente pour eux qu'ils aient trouvé l'amour, mais voir Pierrick et Korel enlacés la faisait se sentir d'autant plus seule que Byll et Rouge, même s'ils ne s'affichaient pas, étaient aussi dans leur bulle. Être l'unique célibataire au milieu de deux couples n'avait rien d'évident.  Jaro n'avait pas paru insensible à son charme, mais il était désormais loin et peut-être n'avait-il fait que jouer la comédie pour mieux la tromper.
Élissande ne savait plus trop où elle en était. Elle se consolait qu'ils se scindent en deux groupes distincts en se disant que ce serait toujours un couple de moins qui se câlinerait sous ses yeux. Cependant, si elle avait été libre de choisir, c'est avec Rouge et Byll qu'elle serait allée, car Pierrick était du genre démonstratif là où Byll et Rouge faisaient dans la subtilité.

    Ils passèrent encore une journée tous les cinq, le temps de se procurer des cartes d'Erret dans la ville la plus proche pour Rouge et Byll. Eux, pour se rendre à Kossalos s'en remettrait à la corne de Korel.
Élissande, au moment de la séparation, embrassa Rouge et Byll sur les deux joues. La tête abasourdie de l'orcéant après qu'elle l'eut obligé à s'accroupir pour cela la fit rire aux éclats  Au fond d'elle, cependant, les larmes n'étaient pas loin. Elle avait peur de ne pas les revoir. Le roi d'Erret, s'ils parvenaient jusqu'à lui, pouvait très bien leur réserver un sort funeste. Rouge était un dragon et son sort de transformation ne semblait pas fonctionner comme il aurait dû sur lui. Quant à Byll, il n'était qu'un orcéant, autrement dit de la main d'œuvre jetable.
Un dernier geste de la main, et ils ne furent plus que trois.
Ils chevauchèrent de concert un moment, puis la jeune fille laissa les deux amoureux à l'avant, sous prétexte que sa jument était fatiguée.
Le soir venu, elle s'éclipsa tôt dans la tente qui était devenue sienne, pas tant pour accorder plus d'intimité à Pierrick et Korel que parce qu'elle était déterminée à trouver un moyen de briser le sort que renfermait l'oiseau bleu. Regrettant la bibliothèque paternelle bien fournie en livres de magie, elle passa en revue dans sa tête tout ce qu'elle avait appris.
Déconcentrée par les voix du rouquin et du licornéen, elle usa d'un sort pour s'isoler des bruits extérieurs et se promit que la prochaine fois, elle les en informerait de sorte qu'ils puissent en profiter pour faire tout ce qui leur plairait sans crainte qu'elle ne les entende.