Orcéant - 72

Enfin, ils réapparurent, tout sourire. Korel ne leur demanda ni ce qu'ils avaient fait ni où ils étaient allés. Il ne posait jamais de questions. D'une voix hachée, il raconta ce qu'il avait vu.
— C'est cette prémonition que tu n'arrivais pas à avoir qui t'a tant tourmenté, Byll, conclut Rouge.
Korel en voulut au dragon de demeurer si calme, et de ne paraître se soucier que de l'orcéant. Qu'il ne remettre pas ses paroles en doute n'était qu'une maigre consolation. Byll, lui, s'affola :
— Cela va vraiment se produire ?
— C'est un possibilité. L'avenir n'est pas écrit, il ne peut être gravé dans la pierre, répondit le dragon d'un ton sentencieux qui agaça Korel qui avait les nerfs à vif. 
Le licornéen pressentait qu'à moins qu'ils n'inversent le cours des choses d'une façon ou d'une autre, les évènements se dérouleraient tels quels, mais le dragon qui avait passé sa vie dans sa grotte, à l'abri de tous et de tout, comment pouvait-il affirmer cela avec autant de certitudes ?
— Tout mettre à feu et à sang peut-il vraiment conduire à la liberté ? demanda Byll. Non, ça ne peut-être la solution, ajouta-t-il, répondant à sa propre question.
Korel le trouva naïf. S'il en avait eu l'occasion, lui aurait répondu à Jaro que oui, il était prêt à tuer, mais avec le transfert d'âmes, il avait trouvé cela trop compliqué de s'emmêler.
A présent, il était soulagé de ne pas avoir rejoint le mouvement, car toute cette violence qui s'annonçait le laissait pantois. Ce n'était pas à un combat auquel il avait assisté en avant-première, mais à un massacre. Ses pauvres hommes et femmes égorgés sans sommation... Une monumentale boucherie.
Pierrick qui avait été si heureux de découvrir l'existence du mouvement de la Liberté allait être bien déçu quand il lui apprendrait l'avenir que lui avait révélé sa corne.

    Pierrick et Élissande revinrent en fin de matinée, arborant des mines réjouies. Korel aurait voulu ne pas avoir à leur faire perdre.
Avant même de mettre à bas de leurs montures, ils clamèrent fièrement qu'ils étaient membres et avaient une première mission : porter un message à un certain Jenkins dans la portuaire de Kossalos.
Une fois descendus, Pierrick s'approcha de Korel et lui demanda si c'était bien lui. Le changement de lune ne lui avait pas échappé.
A peine le licornéen eut-il acquiescé que Pierrick l'embrassait à pleine bouche, se moquant des autres.
Devant cette langue qui s'enroulait autour de la sienne, les jambes de Korel fléchirent et momentanément, il oublia tout.