Orcéant - 73

— Ça c'est un baiser, commenta Élissande avant de siffler entre ses dents.
Pierrick se détourna lentement de Korel pour foudroyer la jeune fille du regard.
— J'ai quelque chose d'important à vous dire, lança le licornéen en tirant sur sa tresse.
L'intervention de  Élissande lui avait fait reprendre ses esprits.
Pour la seconde fois de la journée, il rapporta sa terrible vision s'efforçant d'en retranscrire toute l'horreur, sans pour autant trop entrer dans les sordides détails.
— Jaro n'a rien d'un tueur assoiffé de sang, s'insurgea la jeune fille.
— Et pourtant, le mouvement de la Liberté semble projeter d'assassiner les grands propriétaires et de relâcher dans la nature leurs esclaves, les abandonnant à leur sort, déclara Rouge.
Korel, trop secoué par les atrocités auxquelles il avait bien malgré lui assisté, n'avait pas analysé sa vision, mais il trouva la conclusion du dragon fort juste.
— Peut-être que maintenant que nous appartenons au mouvement, même si pour le moment nous ne sommes qu'en bas de l'échelle, nous allons pouvoir empêcher cela, dit Pierrick.
Korel doutait hélas que cela soit suffisant.
— Cela semble peut-être extrême, mais c'est peut-être l'unique solution qu'ils ont trouvé. Ce n'est comme si nous avions nous une idée pour mettre fin à l'esclavage sur Erret. C'était bien pour cela que nous recherchions des alliés, répliqua Élissande.
— Quelle est cette marque à vos poignets ? demanda soudain Byll, interrompant la discussion qui menaçait de prendre un tour houleux.
— Le signe de notre appartenance au mouvement de la Liberté,  répondit Pierrick, sourcils froncés.
Korel fut surpris que l'orcéant ait remarqué les discrets oiseaux bleus désormais tatoués sur la peau du rouquin et de la jeune fille. Il se pencha pour le regarder de plus près celui de Pierrick et tout se brouilla autour de lui.
Il était de retour à la demeure familiale de Pierrick. Le rouquin se tenait debout à côté de son père, l'air étrange. D'un geste mécanique, le jeune homme sortit son épée de son fourreau et la plongea dans la poitrine de son père. La bouche de ce dernier s'ouvrit dans un cri qui mourut aussitôt sur ses lèvres tandis qu'il basculait en avant, une tâche de sang s'élargissant sur ses vêtements au niveau de la garde de l'épée. Korel n'avait pas eu le temps de le prévenir, parce que jusqu'à l'ultime seconde, il n'avait pu croire que Pierrick s'attaquait à son propre père. Ils n'avaient jamais été proches tous les deux, ils partageaient des idées trop différentes pour cela, mais jamais au point de devoir en arriver là.