Orcéant - 76

— Désolé, lâcha Pierrick. Mes mots dépassent parfois ma pensée, surtout quand je suis énervé. Eli et moi ne pouvons rendre visite au roi, cela s'apparenterait à une trahison vis-à-vis du mouvement et qui sait alors les représailles que nous risquerions. Le mieux est donc que nous accomplissions la mission qui nous a été confiée tout en tâchant de nous renseigner discrètement sur la grande opération qui se prépare. Pendant ce temps, toi, Byll et Korel, vous irez voir le roi. Qui ne tente rien, n'a rien après tout.
Le licornéen eut un sursaut. Il ne voulait pas se séparer de Pierrick. Ces quelques jours sans lui n'avaient déjà été que trop longs.
— Ce serait mieux que je demeure avec Élissande et toi, dit-il, escomptant que Pierrick changerait aussitôt d'avis.
Jusque là ses suggestions lui avaient souvent permis d'obtenir ce qu'il désirait, mais Pierrick secoua la tête.
— Non, tu iras avec Rouge et Byll. Ta prémonition est la seule preuve que vous ayez.
C'était une bonne remarque et Korel aurait dû obéir sans plus discuter,
mais il ne put s'empêcher d'argumenter :
— Ce n'est pas comme si je pouvais la montrer à quiconque. Ce ne sera jamais que ma parole en plus de la leur.
— Tu ne nous seras d'aucune utilité à Eli et moi.
Korel se sentit rejeté. Il ne voulait pas être relégué au rang de serviteur, mais en même temps ne savait pas comment en sortir.
— Ça suffit vous deux, s'écria Élissande, poings sur les hanches. Korel, pourquoi ne lui avoues-tu pas que tu as envie de rester à ses côtés parce que tu ne peux pas te passer de lui ? Quant à toi, Pierrick, tu devrais lui expliquer que tu crains qu'il ne soit en danger avec nous qui pouvons à tout instant agir selon la volonté du mouvement plutôt que la nôtre !
Korel sourit. Grâce à l'intervention de la jeune fille, il comprenait enfin pourquoi Pierrick tenait à le garder éloigné de lui.
— Un peu plus de franchise l'un envers l'autre vous ferait le plus grand bien, enchérit Rouge.
Encouragé par ses mots, Korel osa enfin dire ce qu'il avait sur le cœur :
— Même si tu m'ordonnais de les accompagner, je te suivrai toi. Nous sommes ensemble depuis toujours et je ne veux pas que cela change, même si c'est en tant qu'égal que je veux être à tes côtés et non plus comme serviteur.
— Comment veux-tu que je résiste dans ses conditions ? soupira Pierrick en l'enlaçant, sa bouche allant s'égarer dans le cou du licornéen.
— Je retire ce que j'ai dit. C'est mieux que vous soyez séparés de façon à ce que je n'ai pas à assister à vos roucoulades, s'écria Élissande.
A son ton, il ne faisait nul doute qu'elle plaisantait.