Orcéant - 75

Pierrick poussa un cri de rage et donna un grand coup de pied dans un caillou qui ne lui avait rien fait.
— Ah, elle est belle la quête de liberté !
Byll et Rouge se concertèrent du regard.
— Il faut arrêter ce mouvement, déclara le dragon.
— Oui et comment, hein ? grommela Pierrick.
— Si je ne m'abuse, un humain règne sur Erret en ce moment, nous pourrions l'informer de ce qui se trame...
— Mais oui, voyons, allons nous présenter au roi qui applaudit l'esclavage des deux mains. Sire, nous avons rejoint un mouvement qui nous a transformés en pantins et qui va tout mettre à feu et à sang... Évidemment, nous aurions dû avoir plus tôt cette brillante idée  de
nous adresser au roi d'Erret ! On voit bien que tu as passé toute ta vie dans une grotte, tu ne connais rien à rien ! s'emporta Pierrick.
Si Korel n'approuvait pas la manière dont il présentait les choses, il lui donnait raison.
— Byll m'a rapporté...
— L'orcéant ! coupa Pierrick. Mais lui-même ne sait rien. Depuis sa naissance, il ne fait que ce qu'on lui dit, trimant au même endroit du matin au soir.
— Toi aussi tu es ignorant de bien des choses, gronda Rouge et il cracha une longue flamme qui passa juste au-dessus du crâne de Pierrick.
Korel s'interposa :
— Je vous en prie, calmez-vous, s'il vous plaît.
— Cet arrogant impatient a besoin d'une leçon, grogna Rouge.
A cet instant, il ne ressemblait plus du tout à celui qui avait pourtant servi de modèle à son apparence actuelle : sa peau rougeoyait et ses yeux du doré le plus pur étincelaient.
Il faisait peur, mais le licornéen n'allait pas le laisser brûler ne serait-ce qu'un cheveux de Pierrick.
— Il n'a pas tort. Tu as mené une existence  recluse et il est vrai que les orcéants ne sont volontairement pas éduqués, lança-t-il.
— Nous les dragons, dès la coquille, nous partageons une espèce de mémoire collective. Cela ne veut pas dire que je connais avec exactitude la vie de ceux qui m'ont précédés, mais que mon monde ne s'est jamais limité aux
quatre murs de ma prison souterraine. Je ne prétends ni tout savoir ni avoir une solution magique à quoi que ce soit, mais je refuse que Byll et moi soyons aussi mal considérés plus longtemps. Les connaissances de Byll ne se limitent pas à ce que les humains ont bien voulu lui enseigner. Il a écouté les histoires de la vieille orcéant de son dortoir et a appris en observant ce qui l'entourait. Se juger supérieur aux autres et croire détenir la vérité, voilà la pire des bêtises !
Le silence tomba sur le campement. Les oiseaux s'étaient tus. Le vent lui-même avait cessé de faire bruire les feuilles des arbres.
Il y avait là matière à réflexion. Korel s'était rendu compte de lui-même quelques jours auparavant qu'il avait été trop sévère avec Pierrick. Que les relations avec autrui étaient délicates...