Zibulinion se pinça
le bras et eut mal. Il était réveillé. Il était donc en train de
délirer. Il était impossible que Relhnad soit en train de lui dire qu'il
l'aimait tout en lui faisant comprendre que cela ne pourrait jamais marcher.
– Vous êtes vraiment amoureux d'un garçon comme moi qui suis si peu... si moche ?
Sa voix trembla sur le dernier mot.
– Tu es beau, objecta Relhnad sans une once d'hésitation.
Des larmes perlèrent dans les cils de Zibulinion. Il avait toujours voulu que quelqu'un le lui dise, même si c'était faux.
Relhnad se rapprocha de lui.
– Tu
ne me crois pas, hein ? Pourtant, tu l'es. J'adore tes grands yeux, la
courbe de ton nez, la forme de tes lèvres, les plis de ton front quand
tu te concentres, tes mains larges...
– Mais je suis gros et terne, coupa Zibulinion.
Relhnad secoua la tête et déclara :
– Tu es solide, tout en moelleux et rondeur. Tes cheveux et tes ailes ont la chaude et profonde couleur de la terre.
Les larmes roulèrent franchement sur les joues de Zibulinion. Le professeur de sorts était sincère.
– Ne pleure pas, dit Relhnad, en caressant du dos de la main les joues mouillées de l'adolescent.
Zibulinion frémit. C'était si doux, si infiniment bon...
– Je vous aime.
Relhnad lui sourit, sans lui répondre. Ses propres sentiments, il les avait reconnus sans les exprimer explicitement.
Zibulinion reprit d'un ton hésitant :
– Et vous... Depuis quand... ?
– Plus
longtemps que toi. Tu m'as intéressé à l'instant où je t'ai vu. Tu
changeais agréablement de ces fils de fer androgynes. Cependant, tu m'as
conquis le jour où tu as hésité à porter mon doigt à ta bouche pour
les besoins du sort. Sans vouloir me vanter, je plais aux hommes comme
aux femmes, fées ou humains, et tout le monde se jette dans mes bras, alors ta réaction m'a charmé. Ton potentiel
magique m'a ensuite ébloui... Ta timidité, ton intelligence, ta
gentillesse... Plus je te découvrais, plus tu me fascinais.
Zibulinion
n'arrivait pas à y croire. Jamais il ne s'était douté, mais il n'avait
osé supposé que Relhnad était attiré par lui. Même quand il l'avait
soupçonné d'être Dalynaida, il ne s'était pas imaginé une chose
pareille. Ce n'était pas parce que la fée blonde l'avait regardé quand
il lui avait demandé si elle avait quelqu'un en vue, que cela voulait
dire nécessairement que cette personne, c'était lui. Bien sûr, il s'était posé la
question, mais c'était une des raisons pour laquelle il s'était dit que
son hypothèse sur la véritable identité de Dalynaida ne tenait pas debout.
– Vous
n'avez jamais rien laissé transparaître quoique ce soit ni cherché à
me voir ni rien alors que nous sommes au même étage...
– Cela n'a pas
toujours été facile. Mais je n'ai pas le droit de ressentir ça pour
toi. Tu es si jeune. Par trois fois, je n'ai pas su résister à la
tentation d'être plus proche de toi et j'ai fait n'importe quoi...
– Par trois fois ? répéta Zibulinion.
Il voulait savoir, alors seulement, peut-être il parviendrait à réaliser que c'était vrai, que Relhnad l'aimait de la même façon que lui.