– Vous me cachez quelque chose, n'est-ce pas ?
– Notre famille avait mené sa petite enquête sur ce maudit Sans-Guilde qui est devenu le Suivant du prince. Nous avions donc appris qu'il avait un frère et que ce dernier avait été amené au manoir des Lyonn... Si Carlito n'avait pas répandu la rumeur, nul n'aurait su les liens qui unissaient le nouveau page en formation et le Suivant du Prince.
– Quelle importance ?
– C'est une question de discrétion. Cela aurait été plus simple de se servir de lui dans ses conditions.
De nouveau, Demian arrêta de respirer. Il ne donnait pas cher de sa peau si les deux hommes le découvraient sous le banc. Nul doute qu'ils l'utiliseraient sans vergogne pour manipuler son frère.
– Je vois que ce que vous voulez dire. Il est toujours mieux de garder son jeu caché.
– Comme vous. J'ai bien failli croire que vous appréciez les centaures.
– C'est ce qu'il faut, mais revenons à notre affaire. Il me faut des garanties de votre part.
– Eh bien... une fois son Suivant actuel éliminé, il est plus que probable que le prince nomme mon cousin. Il sera alors facile de le tuer.
– Vous êtes machiavélique... Néanmoins, j'ai peine à croire que votre cousin veuille renoncer à tous les privilèges qu'il gagnerait en devenant Suivant du prince...
– Mon cousin n'apprécie pas plus que vous la tolérance dont fait preuve Aldrick VII à l'égard du centaure.
– Je vois. Je vous aiderai, mais vous avez intérêt à tenir vos engagements de votre côté.
– C'est promis.
– Au besoin, vous savez comment me contacter.
Les deux conspirateurs se levèrent, se saluèrent et se séparèrent. Demian écouta le bruit de leurs pas qui s'éloignaient, puis resta encore un long moment immobile. Il n'osait pas bouger. En même temps, il fallait qu'il aille rapporter les propos qu'il avait surpris, qu'il sauve son frère que ce dernier ait pris ou non la place d'un autre. la Hélas, il ne savait ni où il se trouvait ni où étaient les appartements du prince. D'une démarche chancelante, l'adolescent quitta l'alcôve et se mit en route. Tout son corps lui faisait mal et son cœur cognait douloureusement dans sa poitrine.
Il déambula longtemps dans les couloirs sans croiser personne, puis finalement, après avoir descendu deux escaliers, il se fit interpeler :
– Petit, qu'est-ce que tu fais ici à cette heure-ci ?
Demian sursauta, car il n'avait pas vu le garde.
– Je suis un page en formation, je me suis perdu, balbutia-t-il.
– Ça, je veux bien le croire, car tu n'as pas le droit d'être là.
– J'avais envie de voir les appartements du prince et je me suis égaré, mentit l'adolescent.
– L'étage réservé aux Nobles est interdit aux pages en formation sauf autorisation exceptionnelle. Autorisation que tu n'as pas, j'imagine ?
– Non...
Demian s'en doutait, mais il avait espéré qu'en disant cela, le garde lâcherait une information sur la localisation des dits appartements. A son grand étonnement sa ruse fonctionna.
– En tout les cas, tu étais bien loin de toucher au but ! Ils sont dans l'aile centrale trois étages plus bas ! Maintenant, sois sage et rentre à ton dortoir : tourne à droite, encore à droite, puis à gauche, là, prends le grand escalier et descends huit étages.
– Merci beaucoup.
– Fais attention, la prochaine fois, je te reporterai et tu auras un blâme.
– Merci encore.
Demian prit la direction que lui avait indiqué le garde, mais il ne descendit que trois étages. Là, avant de s'aventurer dans le couloir, il se recoiffa d'une main et essaya d'avoir l'air de quelqu'un qui sait où il va. Il avait piètre allure, mais avec un peu de chance, vu la pénombre qui régnait dans les couloirs, nul ne le remarquerait.