mercredi 25 novembre 2015

Contes modernes - 170

COMA

Philippe était prêt à attendre cent ans s'il le fallait. Il aimait Aurélien depuis toujours. Il avait fait sa connaissance à la maternelle et avec le recul, il était convaincu que c'était dès cette époque que son amour pour lui était né. Ce n'est cependant qu'au début collège qu'il avait compris que ce n'était pas une forte amitié qui le liait à Aurélien, mais un amour démesuré. Les filles ne l'intéressaient pas, c'étaient les garçons qui l'attiraient, Aurélien le premier. Il n'avait bien sûr pas osé lui avouer. Il avait eu trop peur de le perdre. Les garçons étaient supposés aimer les filles. C'était la règle et il était l'exception. Ce n'était pas le cas d'Aurélien qui de temps en temps lui avait donné du coude pour lui signaler que telle ou telle fille était mignonne. Philippe n'avait jamais abondé dans son sens et ne s'était jamais non plus forcé à lui suggérer de tenter sa chance. L'inévitable s'était cependant produit au lycée : Aurélien avait eu sa première petite amie et Philippe avait dû se mettre en retrait. Il avait dû supporter les voir s'embrasser de loin, brûlant de les séparer, regrettant de ne pouvoir être qu'un ami, souhaitant être à la place de la fille. Combien de fois dans sa chambre, derrière la porte fermée et les rideaux tirés, dans le secret de la nuit, s'était-il caressé en pensant à lui ? Il se sentait immanquablement coupable et honteux après avoir joui, mais c'était plus fort que lui. Se soulager ainsi lui permettait de lutter contre les impossibles désirs qui l'agitaient en sa présence.
C'était juste avant leur entrée à l'université que l'accident s'était produit. Philippe n'avait su que plus tard ce qui s'était passé. Aurélien avait rendez-vous avec sa petite amie au cinéma ce jour-là. En rentrant chez lui, il s'était fait renversé par une voiture qui avait grillé un feu et ne s'était pas arrêtée. Ce salaud de chauffard, Philippe aurait voulu le tuer de ses propres mains ! Il y avait eu un témoin de la scène qui avait appelé aussitôt les secours et Aurélien avait été sauvé, mais depuis il était plongé dans le coma, étendu dans un lit, immobile, le visage blanc comme les draps de son lit et les murs de sa chambre, le corps relié à des machines. Cela ferait dix ans dans une semaine, un bien triste anniversaire.
Philippe lui rendait visite chaque jour sans faille. C'était comme ça qu'il en était venu à faire son coming-out à ses parents qui l'avaient plutôt bien pris. D'ailleurs, depuis quelques années déjà, ils cherchaient même à lui faire rencontrer des hommes, tentant de lui faire oublier celui qu'il aimait et était couché à l'hôpital. Il déjouait toutes leurs tentatives. Aurélien était le seul pour lui. Il savait bien pourtant que quand il se réveillerait (et non si), il ne pourrait n'être rien d'autre qu'un ami pour lui, mais il voulait être là.

2 commentaires:

Jeckyll a dit…

Whaou quel début de conte super génial O__O j'en reste le cul par terre lol

On ressent dès le début l'amour qu'a Philippe pour son ami et j'ai hâte de voir comment va évoluer l'histoire ^o^

Vivement la suite XD

Cassie a dit…

Je sens que cette histoire va être trop belle *.*