mardi 29 septembre 2015

Contes modernes - 139

Carmin s'humecta les lèvres. Lou fourragea dans son sac à dos et en sortit une thermos.
— Tiens, mon chou, bois un peu de thé, même s'il a dû refroidir.
— Merci.
— Il te plaît ton boulot ?
— Oui... Mais c'est à ton tour maintenant.
— Tu ne perds pas le nord, toi ! s'exclama Lou en venant s'installer à côté de lui, son épaule touchant celle de Carmin.
Il commença alors son récit :
— Il était une fois un homme et une femme mariés qui trouvèrent très drôle, ayant pour nom de famille Desbois, d'appeler leur fils aîné Lou. Ils réitèrent même avec la cadette en la nommant Fleur.
Un rire échappa à Carmin, il n'avait pas remarqué quand Lou s'était présenté, mais il est vrai que l'association était cocasse.
Devant les sourcils froncés de Lou, il ravala cependant  son amusement.
— Cela ne m'avait pas frappé, je ne suis pas très vif d'esprit, glissa-t-il.
— Dommage que je te l'aies fait remarquer alors, même si je suis habitué, après vingt-neuf ans à le porter. J'aime mes parents, mais sur ce coup, je ne les remercie pas. Quand j'étais petit et que j'avais un truc à leur demander, je ne manquais pas de souligner qu'ils me devaient bien ça vu le nom qu'ils m'avaient choisi. C'est devenu la blague récurrente de la famille à force. Ils tiennent une boucherie dans la vallée. Je leurs rends visite régulièrement, l'occasion de me réapprovisionner en saucissons. Bref, mon grand-père vivait avec nous quand j'étais enfant et c'est lui qui m'a appris les joies de l'escalade. Quand j'ai été en pension au lycée, en ville, j'ai détesté être privé de montagne, et c'est comme ça que j'ai trouvé ma voie. Je suis devenu guide. J'ai aussi fait l'effort de suivre une formation secouriste. Je me suis ensuite installé à flanc de montagne, je m'y sentais mieux que dans la vallée, dans le village, où les gens sont collés les uns sur les autres. Dans les hauteurs, l'air est plus pur.
— Tu as sauvé la vie de beaucoup de gens ?
— Un paquet, oui. Les imprudents sont hélas de légion et ils ne s'en tirent pas tous à aussi bon compte que toi.
— C'est-à-dire ? souffla Carmin.
— Ils perdent un bras, une jambe, une main... Quand c'est trop gelé, il faut amputer.
Carmin frissonna. La mort ne lui faisait pas trop peur, mais l'idée d'avoir un membre en moins était effrayante.
— T'inquiètes pas, chéri, pas de danger pour toi.
— Merci, déclara Carmin songea qu'il l'avait échappé belle.
— A quel sujet ?
— De m'avoir sauvé.
— Tu ne vas pas me remercier pendant cent sept ans non plus, hein... J'en ai un comme ça, qui tous les ans, vient me voir avec une enveloppe de billets. Impossible de lui faire renoncer et pourtant, même si je lui ai sauvé la vie, il est désormais unijambiste. C'est un brave type, mais je crois qu'il a trop d'argent pour son bien.
— Quelques mots semblent bien peu.
— Tout à fait, assez parlé ! s'exclama Lou et rapprochant son visage du sien, il l'embrassa.
Sa langue chaude et râpeuse s'enfonça dans la bouche de Carmin, l'aspirant goulument.

4 commentaires:

Jeckyll a dit…

Épisode très intéressant merci on en apprends plus sur notre fameux Lou Desbois ^^

J'ai de plus en plus hâte de voir comment va évoluer leur relation à ses deux là XD

Illyshbl a dit…

Et oui, chacun son tour ! Après Carmin, au tour de Lou de se dévoiler... :)

Usagi a dit…

Très beau chapitre. merci pour ton travail. Il me plait de plus en plus ce Lou Desbois. Vivement la suite.

Illyshbl a dit…

Comme j'aime beaucoup mes héros, je suis contente que Lou Desbois te plaise. :)