mardi 8 septembre 2015

Contes modernes - 124

Cole essaya à plusieurs reprises de corriger le problème de tonalité sans y parvenir totalement.  Son cœur était trop lourd. Écrire une histoire tragique eût été plus aisé et plus en accord avec son état d'esprit. Il avait beau faire son héros prenait des traits de Hans.
Il finit par abandonner la partie et cessa d'écrire la suite de Moi et mon fantôme pour se lancer dans une tout autre œuvre où les personnages principaux entretenaient des ressemblances troublantes avec lui et Hans. Il ne pouvait changer ce qu'il avait fait, mais était à même d'en quelque sorte le réinventer.
Évidemment,  quand Carmin revint et apprit qu'il avait jeté l'éponge pour le roman sur lequel il était supposé travailler pour un autre, il fut très embêté. Il tenta de le convaincre de s'y remettre : la suite de  Moi et mon fantôme était attendue par les lecteurs et la sortie du roman planifiée par la maison d'édition.
— Je sais, rétorqua Cole.
Carmin n'ayant plus d'arguments à lui opposer, il se tut un moment avant de proposer d'une voix hésitante :
— Peut-être pourriez-vous écrire les deux en parallèle ?
— Non.
Cole n'était pas capable de jongler avec deux histoires. Il ne pouvait se concentrer que sur une à ma fois. D'ailleurs, cela ne lui était jamais arrivé auparavant d'en lâcher une en plein milieu pour s'atteler à une autre. Cole savait bien qu'il mettait Carmin dans une position délicate, mais il n'agissait pas ainsi pour lui causer des ennuis, il ne pouvait tout simplement pas faire autrement. Cela le dépassait lui-même.
— Elisa m'avait parlé d'un homme de ménage. J'ai cru remarquer qu'il n'était plus là. Je peux m'en occuper. Ce désordre n'est sans doute pas favorable à la création...
Cole réprima l'envie furieuse de l'envoyer promener. Avant Hans, cela avait toujours été le chaos sans que cela le gêne. Et, même s'il était exact, qu'il était plus agréable que tout soit propre et rangé, ce n'était pas le problème.
Carmin prit son mutisme pour un consentement et se mit aussitôt à l'ouvrage. Dans le chalet, des bruits de choses qui tombaient et parfois se brisaient ne tardèrent pas à retentir, ponctués de toute une gamme de cris. En fait de remettre de l'ordre, Carmin semblait plutôt ajouter au bazar. Cole se demanda s'il devait l'arrêter, mais y renonça. Il ne possédait rien de valeur. Malgré le boucan, il écrivit un moment, puis descendit juger de l'ampleur du désastre.
Contre toute attente, Carmin était parvenu à un résultat décent. Il n'y avait à déplorer que la perte de quelques assiettes et verres. Ce qui avait le plus souffert, c'était le costume de Carmin, mouillé et tâché par endroits. Le repas qu'il avait préparé était en revanche complètement raté : le riz était trop cuit avec un léger goût de brûlé et la viande noircie à l'extérieure et crue à l'intérieur. La conversation pendant qu'ils mangeaient fut laborieuse, entrecoupés de longs blancs pesants. Avec Hans, au petit déjeuner, les discussions n'avaient pas toujours été follement animées, mais les silences y avaient été naturels. Néanmoins, Cole reconnaissait qu'il ne pouvait entièrement imputer la faute au pauvre Carmin. Il n'y mettait pas du sien.

2 commentaires:

Jeckyll a dit…

Et le désastre continue lol merci pour l'épisode, j'ai bien rie quand Carmin a tenté de faire le ménage ^__^

Cole commence a bien ressentir et regretter l'absence de Hans :) vivement la suite pour voir ce que tu réserve à ce pauvre Cole XD

Illyshbl a dit…

et au pauvre Carmin ! :)