Chapitre VI : La difficile position de Suivant du Prince
Quand Youri reprit conscience, son environnement le surprit. Le lit sur lequel il était allongé était recouvert d'une tenture dorée, le matelas était moelleux et les draps étaient d'une douceur incroyable. Assis auprès du lit, un homme vêtu de la robe vert amande des prêtres soignants sommeillait. Il devait avoir entre quarante-cinq et cinquante ans. Youri, la bouche sèche et le cœur battant, se redressa dans le lit. Où était-il ? La dernière chose dont il se rappelait, c'était le son des trompettes qui mettaient fin à ses espoirs de gagner le concours. Le prêtre se réveilla au moment où le jeune homme tentait de se lever.
– Il vaut mieux que vous restiez couché, vous avez perdu beaucoup de sang et êtes resté inconscient une journée entière, dit-il d'une voix douce.
Youri se souvint de la lame et de l'homme qui avait attaqué Al dans les tranchées. D'un coup d'œil, il constata que sa blessure avait été bandée avec soin.
– Où suis-je ? murmura-t-il.
– Vous êtes au château du prince Aldrick.
La surprise rendue Youri muet. Le prêtre ne développa pas plus le sujet, et lui tendit un verre d'eau que le jeune homme prit avec gratitude. Jamais il n'avait bu d'eau aussi bonne : elle était parfumée et très légèrement sucrée. Quand il eut terminé de boire, le prêtre reprit le verre et déclara :
– Je vais aller prévenir qui de droit que vous êtes réveillé.
Dès que l'homme fut sorti de la pièce, Youri essaya de sortir du lit. Il se sentait extrêmement faible et il eut du mal à se mettre debout. La richesse des meubles et des objets qui l'entouraient augmentait sa sensation de vertige. Prudemment, il se recoucha et ferma les yeux. Il avait beau retourner la situation dans sa tête, il ne voyait pas comment il était arrivé là. Peut-être rêvait-il ? Sans s'en rendre compte, il glissa dans le sommeil.
Quand il rouvrit les yeux, le prêtre avait regagné son chevet. Derrière la porte, on entendait des éclats de voix :
– Vous ne pouvez pas traiter le représentant des Commerçants avec autant de légèreté, surtout après ce que vous avez fait hier...
– Enfin Rudolf, ce n'est pas comme si je l'avais abandonné sans explications... il peut bien patienter une demi-heure !
Deux hommes débarquèrent dans la pièce. L'un avait de longs cheveux noirs qui lui descendaient jusqu'au creux des reins, l'autre avait les cheveux bleus coupés court. Quand ce dernier arriva tout près du lit, Youri le reconnut avec étonnement. C'était Al. Un Al aux cheveux bleus et à la tenue princière, mais c'était bel et bien Al.
– Alors, comment va le blessé ? demanda-t-il.
– Très faible, encore, votre Majesté, répondit le prêtre.
Youri comprit alors que « Al » était le diminutif de « Aldrick » et que l'ouvrier était en fait le noble prince Aldrick. Le jeune homme passa un doigt sur ses lèvres, se rappelant le baiser qu'il avait reçu de Al, et décida qu'il devait délirer : il n'était pas au château de Aldrick VII, il n'était pas en présence du prince...