Merwan s'approcha de Pieuvre. Ce dernier lui tapota le sommet du crâne d'un tentacule. Merwan vint poser ses lèvres sur la tête triangulaire de l'alien.
Pieuvre parla. Quelque chose à propos de la soirée et de dérangement.
— Dors bien, Bimm, conclut-il, en se mettant à grimper au poteau.
« Bimm. » Merwan avait déduit récemment que cela devait être le nom que Pieuvre lui avait donné.
Il le regarda monter jusqu'à la chambre, car c'était ça, cette pièce pleines de barres et crochets, puis alla s'étendre sur sa couverture. Il n'y avait pas eu d'orgie, mais Pieuvre avait oublié de l'examiner. Peut-être le ferait-il demain, en attendant, Merwan se sentait triste. La notion d'amour avait-elle un sens pour les Tappelniens ? De toute manière, même si Merwan finissait par communiquer avec Pieuvre, cela ne voudrait pas dire pour autant qu'il lui retournerait ses sentiments. Si ça se trouve, il continuerait à le considérer comme un animal. Il serait une bête savante et voilà tout. Si seulement il avait pu n'avoir jamais quitté la Terre, ses parents et amis, sa petite vie confortable et sans histoire, sa baguette de pain quotidienne, n'avoir jamais été enfermé dans une cage, jamais violé par Tom, jamais rencontré Pieuvre...
Merwan se mit à pleurer d'abord doucement, puis de plus en plus fort, comme un bébé. Tout les si du monde ne changerait pas sa réalité. Ne s'était-il pas leurré ces derniers jours à croire que tout irait pour le mieux une fois qu'il pourrait échanger verbalement avec Pieuvre ?
Il se roula dans sa couverture, les larmes coulant toujours. Il savait pourtant qu'il avait eu de la chance dans son malheur : il avait été sauvé du zoo et Pieuvre s'occupait bien de lui, le nourrissant, le promenant. Tentacules ou pas, c'était un être gentil. Jamais il ne lui avait vraiment fait mal, même les fois où il l'avait immobilisé... Merwan sanglotait toujours, incapable de se calmer.
Un tentacule écarta soudainement un pan de couverture et deux autres vinrent essuyer ses joues.
— Bimm...
Merwan tenta un sourire, mais son chagrin redoubla en songeant que Pieuvre ne devait pas plus comprendre pourquoi de l'eau débordait de ses yeux que pourquoi les commissures de ses lèvres remontaient.
Cependant, même ainsi, Pieuvre était là, il était redescendu exprès pour lui et cela adoucit sa peine.
*
Bimm était bouleversé, mais pourquoi ? C'était pareil la dernière fois qu'il avait reçu. Ce qui était curieux, c'est que les sorties n'entraînaient pas de semblables réactions, même s'il vrai qu'il ne paraissait jamais à son aise à l'extérieur... C'était un problème, car Zyxxx souhaitait renouer véritablement le contact avec ses amis et à terme espérait pouvoir emmener Bimm avec lui quand il était invité de façon à ne pas le laisser seul tout le temps. La manière dont Bimm recherchait sa compagnie à son retour était un signe que la solitude lui pesait. Certains animaux passait leur temps à dormir et manger, mais pas tous. L'écran plafonnier n'était peut-être pas une distraction suffisante. Il existait des jouets pour certains animaux... Mais le bipède n'était-il pas plus que cela ? Certes, il n'avait plus prononcé un mot en Tappelnien bien que Pieuvre se soit abonné à la chaîne d'apprentissage pour les étrangers, mais n'était-il pas plus heureux depuis, preuve qu'il en tirait un enseignement?
S'ils avaient pu se parler, Bimm aurait pu lui dire ce qui n'allait pas...
Zyxxx appuya doucement sur la gorge et les lèvres de Bimm. Il pouvait toujours le palper, mais soigner le corps et guérir l'esprit étaient deux choses différentes, la première étant plus simple que la seconde.
Zyxxx étira quelques tentacules. Il était trop fatigué entre sa journée de travail et la soirée arrosée pour réfléchir plus avant au problème. Il attrapa Bimm et la couverture de ce dernier, et les porta jusqu'en haut. Bimm était calme à présent, mais ainsi, si jamais il recommençait, Zyxxx, même plongé dans son sommeil, l'entendrait.