Cicatrices - Chap2 : Le Bar(3)

– Oui... Au fait, je m'appelle Peter.
Sans réfléchir il lui tendit la main. Liam sourit, puis la lui serra, apparemment amusé par cette façon de se présenter. S'il avait pu, le jeune homme aurait prolongé le contact avec cette large main.
– Qu'est-ce que vous faites dans la vie ?
Liam poussa un long soupir.
– Tu sais, je suis venu me détendre, je n'ai aucune envie de parler de mon travail, pas toi ?
Évoquer Ronsard le tentait-il ? Non, pas le moins du monde, mais cela ne l'empêchait de désirer en apprendre plus sur l'homme à la cicatrice.
– Et si tu me disais plutôt ce que tu aimes faire de ton temps libre, à part draguer les inconnus dans les bars bien sûr, reprit Liam avec un sourire charmeur.
– Lire, répondit de suite Peter.
C'était son activité favorite et il y passait le plus clair de son temps. Globalement peu social et encombré par son secret, il aimait se réfugier dans des univers fantastiques et futurs où tout était possible.
– Quoi donc comme type de livre ?
– J'ai une préférence pour les romans de fantasy... mais vous, à quoi donc occupez-vous vos loisirs ?
– Tu peux me tutoyer au fait... ça fait bien poli, mais j'ai l'impression d'avoir soixante ans.
Peter passa nerveusement la main dans ses cheveux bruns. Si Liam avait eu soixante balais, il n'aurait sans doute pas été autant fasciné. Peter reposa sa question en usant le « tu » à la place du vous. Il goûta ensuite prudemment au cocktail Passion Fruitée. C'était bon, mais l'alcool était fort.
– J'aime aller au cinéma, et me promener dans les rues.
Liam but à son tour une gorgée de cocktail. Peter aurait donné cher pour être à la place du verre et sentir les lèvres de l'homme à la cicatrice sur sa peau. Tout à l'heure peut-être... Le jeune homme se racla la gorge.
– Quels films ?
– J'aime ceux où ça bouge. Combats, courses de voitures, fusillades.
Pendant un moment, ils discutèrent de films d'action, puis ils dérivèrent sur la musique. Une fois, les verres terminés, Liam demanda si Peter était toujours partant pour aller chez lui.
– Bien sûr.

Peter apprécia de ressortir à l'air libre, le bar était bruyant et on y respirait mal. Absorbé par sa conversation avec Liam, il avait réussi à faire abstraction, mais il était bien content d'être dehors. L'homme à la cicatrice était un peu plus grand que lui. Ils marchèrent jusqu'au métro en silence. Finalement, Peter demanda au juste où est-ce qu'ils allaient.
– Dans le XVIIème arrondissement. Tu t'inquiètes déjà de comment tu rentreras ou tu crois que je suis en réalité un tueur en série et tu as finalement des scrupules à m'accompagner ?
Aucune pensée de ce genre n'avait effleuré Peter. Il avait posé la question juste pour briser le silence qui commençait à l'intimider. Liam avait l'air de plaisanter, Peter répondit donc dans le même ton.
– C'est vous qui devriez vous faire des soucis, je pourrais être un dangereux voleur récemment échappé de prison...
– Je suis du genre fataliste, ce qui doit arriver, arrivera...
Cette petite phrase apparemment anodine fit prendre à la conversation un ton plus sérieux. Les mots de destinée et de hasard furent prononcés. Ils débattirent de la question jusqu'à ce qu'ils arrivent à la porte de l'appartement de Liam.
La gorge de Peter se serra. Comme au ralenti, il vit la poignée tourner et la porte s'ouvrir. Galamment, Liam l'invita à entrer en premier. Peter s'humecta nerveusement les lèvres et franchit le seuil. La porte se referma avec un petit claquement.