— Où étais-tu encore passé ? demanda la mère du Petit Chaperon Rouge à peine eut-il passé la porte de la chaumière.
— Je me promenais, répondit-il simplement.
Il revenait de la forêt où il avait passé plusieurs heures en compagnie de Loup Noir. Il en était d'ailleurs encore tout moulu, car l'appétit de son amoureux pour la "chose" était sans fin. L'adolescent ne s'en plaignait pas d'ailleurs. Lui aussi était insatiable.
— Ces derniers temps, tu ne fais plus que cela ! J'espère que tu n'étais pas dans les bois ! Le forgeron a été retrouvé assassiné à l'orée ! C'est sûrement ce brigand de Loup Noir qui a fait le coup.
— Ce n'est pas possible… balbutia le Petit Chaperon Rouge.
— Qui d'autre pourrait être coupable ?
Ça, l'adolescent n'en avait pas la moindre idée. Il savait juste que Loup Noir n'était pas du genre à trancher la gorge de quiconque. Il s'était longtemps amuser à effrayer les gens et à les détrousser, mais depuis qu'ils étaient ensemble, il avait arrêté.
— Quelqu'un qui en voulait au forgeron ? Loup Noir est un voleur, pas un tueur.
Sa mère lui tapota la tête. Elle le voyait toujours comme un petit garçon. Il faut dire que même maintenant qu'il avait atteint l'âge de dix-huit ans, il restait fort petit, d'où son surnom.
— En tout cas, fais bien attention à toi. Il vaudrait mieux que ce soit ton père qui se charge du panier pour ta grand-mère les jours prochains.
Apporter des provisions à son aïeule était sa meilleure excuse pour aller dans la forêt et y demeurer le plus clair de la journée auprès de son amoureux. Le Petit Chaperon Rouge avait pris la relève de son père dans cette tâche depuis sa rencontre avec Loup Noir et ne voulait pas y renoncer.
— Non, je peux le faire. Je serais prudent !
Il dut se montrer très persuasif auprès de ses parents et s'encombrer d'une hache en plus du panier pour sa grand-mère pour qu'ils acceptent qu'il le fasse.
Le surlendemain, alors qu'il s'était à peine enfoncé entre les arbres, Loup Noir surgit de derrière un tronc.
Le Petit Chaperon Rouge qui s'était pourtant habitué à ses apparitions sursauta. Ce n'était pas pareil avec un assassin dans les parages.
— Te voilà promu bûcheron ? demanda Loup Noir, une pointe d'amusement dans sa voix rocailleuse.
Puis, sans attendre la réponse, il lui planta un baiser sur la bouche avant de l'enlacer.
Comme il l'embrassait avec de plus en plus de voracité, Petit Chaperon Rouge sentit ses jambes et bras faiblir et il lâcha ce qu'il tenait. Le bruit sourd que fit la hache en tombant le rappela à la réalité. Il avait à parler au brigand.
Il s'arracha à son étreinte, ce qui lui valut un regard blessé de Loup Noir. Ce dernier était massif et très velu et complexait quelque peu sur son physique qui lui avait valu d'être fui et repoussé jusqu'à ce que son chemin croise celui du Petit Chaperon Rouge.
L'adolescent s'empara aussitôt de ses grandes mains et mentionna le meurtre du forgeron du village.
Loup Noir grogna et fit claquer ses dents carnassières.
— Tu ne crois quand même pas que j'y suis pour quelque chose !
— Bien sûr que non ! Mais tout le monde pense que c'est toi et cela m'inquiète.
— Je connais les bois comme ma poche, je ne risque rien. Je me fais du souci pour toi, en revanche. Je ne voudrais pas que quiconque torde ton joli petit cou.
— Je ne vois pas pourquoi le tueur s'en prendrait à moi spécifiquement.
— Parce que tu es à croquer et que tu sors du lot avec ta tignasse rousse, répondit Loup Noir en lui ébouriffant les cheveux.
— Il n'y a pas de raison. Si ça se trouve, c'était un acte de vengeance. Il paraît que rien n'a été volé au forgeron.
— Comment a-t-il été tué ?
— Je ne sais pas, mais je pourrais me renseigner. Au village, le meurtre semble être le seul sujet de conversation…
Le Petit Chaperon Rouge ne s'était cependant mêlé à aucune, sachant qu'il ne supporterait pas d'entendre les gens accuser son amoureux.
— Non, ce n'est pas peine. J'espère juste que tu as raison, que le forgeron avait eu l'heure de déplaire à la mauvaise personne et que cela va s'arrêter là. En attendant que nous soyons fixés, tu ferais peut-être mieux de ne pas te rendre seul dans la forêt.
— Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi ! protesta l'adolescent.
— Tu n'es pas de taille à te défendre.
Ce rappel de sa petitesse et ce manque de confiance peina le Petit Chaperon Rouge. Il avait toujours cru que lui et Loup Noir se comprenaient, étant chacun physiquement différent de la norme, mais apparemment, il s'était trompé.
Plein de colère et tristesse mêlée, il ramassa ses affaires et commença à s'éloigner. Il avait sa grand-mère à visiter.
Loup Noir, cependant, ne l'entendait pas de cette oreille. En deux bonds, il le rattrapa et se mit en travers de sa route.
L'adolescent le contourna sans lui accorder un regard.
Loup Noir l'empoigna d'une main par l'épaule et de l'autre, l'obligea à lever le visage vers lui.
— Ce n'est pas de gaieté de cœur que je te dis cela. Je déteste quand tu es loin de moi. Cependant, les bois sont grands, il suffit que nous ne soyons pas dans le même coin et je ne pourrais pas te protéger.
— Je n'ai pas besoin que tu le fasses. Je suis un homme, tout petit que je sois !
— Mais tu ne fais pas le poids, riposta Loup Noir.
— Et pourtant, lors de notre toute première rencontre, je t'ai filé entre les doigts, contra le Petit Chaperon Rouge.
Puis, pour lui montrer à quel point il était dans l'erreur, l'adolescent lui mordit la main et lui donna un coup de talon bien senti dans le pied avant de détaler.
Loup Noir jura dans son dos.
Le Petit Chaperon Rouge s'arrêta alors et revint sur ses pas.
— Alors, tu vois ?
— C'est vrai, tu te débrouilles, grommela Loup Noir. Je te dois des excuses, ajouta-t-il.
Devant son air et son ton penaud, le Petit Chaperon Rouge lui pardonna tout. Il posa à terre son panier et sa hache et tendit le bras pour caresser les poils que laissaient voir la chemise mal boutonnée du brigand.
— Je t'aime et j'ai peur de te perdre, continua Loup Noir en le capturant dans ses bras.
Il se pencha ensuite pour goûter à ses lèvres, puis l'allongea sur le sol. Là, il souleva sa tunique pour lui sucer les tétons avant de baiser le pantalon de l'adolescent et de caresser son sexe. Il lui lécha longuement la raie de fesses et libérant son pénis, s'enfonça en lui. L'adolescent s'agrippa à ses épaules tandis que Loup Noir lui donnait des coups de boutoir, les conduisant jusqu'à la jouissance.
C'est à pas lents, en bavardant avec Loup Noir que Petit Chaperon Rouge finit par arriver chez sa grand-mère. Le brigand le laissa à la porte, assurant qu'il serait là quand l'adolescent repartirait.
Ce n'était pas une question de jouer le garde du corps. C'était ainsi qu'ils procédaient en temps habituel de façon à passer le plus de temps possible ensemble compte tenu du fait que le Petit Chaperon Rouge vivait au village et Loup Noir dans une grotte cachée dans les bois.
L'adolescent hésitait à confier à sa grand-mère le terrible événement qui s'était produit au village, quand elle l'interrogea sur les derniers potins. Il ne voulait pas lui causer de tracas, mais il valait sans doute mieux qu'elle soit au courant, jugea-t-il. La vieille dame ne s'alarma cependant pas. Elle en avait vu des vertes et des pas mûres au cours de sa longue existence.
Quand il ressortit, comme promis, Loup Noir surgit d'un fourré avoisinant et le raccompagna presque jusqu'à la lisière des bois, l'embrassant à de multiples reprises en cours de route.
— A très bientôt, souffla le Petit Chaperon Rouge, les lèvres encore toutes gonflées par les baisers, ses joues et son cou rouges d'avoir été en contact avec la barbe hirsute de Loup Noir.
Le brigand acquiesça et disparut dans les profondeurs de la forêt.
Un nouveau crime se produisit cependant et hélas, les parents du Petit Chaperon Rouge lui interdirent formellement d'aller se promener seul, loin du village. Ce serait le père de l'adolescent armé d'un fusil qui se chargerait de veiller sur l'aïeule.
Ce second meurtre fut hélas suivi d'un troisième, puis d'un quatrième. Toutes les victimes avaient été retrouvées aux abords de la forêt et tous les habitants du village étaient convaincus que c'était Loup Noir le responsable alors même qu'aucun argent avait été dérobé. Pour le Petit Chaperon Rouge, le pire n'était cependant pas qu'il y ait un fou dangereux sanguinaire qui hante les parages, mais qu'il ne pouvait plus voir le brigand cher à son cœur, tout en étant obligé d'entendre les gens l'accuser de tous leurs maux. Il était hélas dans l'incapacité de le défendre sans trahir qu'il le fréquentait.
Petit Chaperon Rouge était sur les charbons ardents quand débarqua un chasseur venu pour capturer le tueur qui sévissait. C'était un homme dans la trentaine, bien fait de sa personne et très propre sur lui.
Il interrogea les villageois et fut lui aussi vite persuadé que Loup Noir était l'assassin. Le brigand était devenu assoiffé de sang, voilà tout.
Le Petit Chaperon Rouge prit peur pour Loup Noir. Le chasseur aux yeux d'un bleu glacial semblait du genre à ne pas renoncer tant qu'il n'avait pas tué sa proie.
L'adolescent ne pouvait rester plus longtemps dans sa chaumière sans prévenir son amoureux du danger qu'il encourrait. Il se débrouilla pour tromper la vigilance de ses parents et s'enfonça dans les bois. Il n'osa appeler Loup Noir à tue-tête de crainte que le chasseur ne l'entende, aussi marcha-t-il longtemps, espérant que le brigand était dans le coin et se manifesterait en le voyant.
Il ne se rendit pas compte que le soleil baissait dans le ciel, mais finit par réaliser qu'il s'était égaré dans une partie de la forêt qu'il ne connaissait pas.
Il s'efforça de ne pas céder à la panique, mais ne put s'empêcher de se maudire de sa bêtise. Obnubilé par le désir d'informer Loup Noir et de le revoir, il avait oublié toute prudence. Ses parents avaient dû se rendre compte de sa disparition à présent et devaient se faire un sang d'encre pour lui.
Il avança à droite, puis à gauche, scrutant les arbres, essayant de se repérer, de déterminer quelle était la bonne direction.
Finalement, fort las, il s'assit entre les racines d'un grand chêne, posa sa tête sur les genoux et ferma un instant les yeux.
Une branche craqua alors, le faisant sursauter. Il avait dû s'endormir, car la nuit était complètement tombée.
— Qui va là ? demanda-t-il, en se relevant.
Le chasseur parut alors, le canon de son fusil étincelant dans le clair de lune.
Le Petit Chaperon Rouge ne put s'empêcher d'être déçu que ce ne soit pas Loup Noir.
— Tes parents seront bien contents de te retrouver vivant. Quelle mouche t'a piqué d'aller dans les bois avec ce Loup Noir qui égorge à tour de bras ?
— Ce n'est pas lui, ne put s'empêcher de rétorquer le Petit Chaperon Rouge qui ne savait comment justifier son escapade.
— Ah non, et qui donc, alors ? Toi, peut-être…
dit le chasseur, comblant en quelques enjambées la distance qui les séparait.
— Tu es bien trop mignon pour cela, continua l'homme en lui attrapant le menton. Tout comme une fille.
Petit Chaperon Rouge voulut se dégager d'un mouvement vif, mais la main gantée du chasseur le maintenait fermement.
L'homme approcha son visage du sien et l'adolescent qui n'était plus naïf reconnu les signaux. Il allait l'embrasser. Or, le Petit Chaperon Rouge n'en avait pas la moindre envie.
— C'est vous le coupable ! s'écria-t-il.
Le chasseur se figea, tout près de ses lèvres.
Le Petit Chaperon Rouge débita à toute vitesse :
— Oui, c'est vous. C'est la couverture parfaite que de prétendre être celui dont vous souhaitez soit-disant nous débarrasser.
— Ton raisonnement ne tient pas. Autrement, je ne serais pas en train de discuter avec toi.
L'adolescent ne trouvait pas sa théorie si ridicule que cela, mais surtout, elle avait eu le mérite de distraire le chasseur de son intention de lui donner un baiser. Il ne l'avait cependant pas relâché pour autant.
— C'est parce que tous les villageois savent que vous êtes partis à ma recherche.
Le chasseur soupira et apparemment fatigué de ses âneries, s'empara de sa bouche pour le faire taire.
Le Petit Chaperon Rouge ne réussit à pas à se dérober. Peut-être qu'une part de lui était de curieux de voir si les baisers du chasseur produiraient sur lui le même effet que ceux de Loup Noir.
L'homme embrassait en conquérant, mais d'une façon sage qui manquait de passion et de voracité.
Le Petit Chaperon Rouge, jugeant que cela se prolongeait trop, le repoussa à deux mains.
— Vous n'avez pas le droit !
— Allons, je méritais bien une petite récompense pour être venu à ta rescousse et tu m'avais l'air d'être de ce bord-là… J'ai bien vu les regards que tu me lançais.
Il n'avait rien compris du tout. Si le Petit Chaperon Rouge s'était intéressé à lui, c'était parce qu'il s'inquiétait pour Loup Noir, pas parce qu'il le trouvait à goût, même si assurément, il ne manquait pas de charme. Il était toutefois trop blond, trop sûr de lui, trop policé et trop rasé. En un mot comme en cent, il n'était pas Loup Noir.
— Vous vous êtes trompé.
— Allons, je ne te laisse pas indifférent.
— Ramenez-moi au village.
— Comme tu voudras, répondit le chasseur, en s'inclinant.
Il le colla désagréablement sur le chemin du retour.
Les parents du Petit Chaperon Rouge commencèrent pas leur serrer contre leur cœur, puis l'accablèrent de reproches pour la frayeur qui leur avait causé.
Les jours suivants, l'adolescent n'eut d'autre choix que de ronger son frein et de se tenir tranquille. Il veilla également à garder ses distances avec le chasseur qui semblait désireux de le séduire.
Il tirait de l'eau au puits quand la conversation entre deux villageoises venues pour la même chose l'interpella. Le chasseur avait réussi à toucher Loup Noir près de la rivière, dans la clairière aux bouleaux, mais le brigand était malgré tout parvenu à lui échapper.
Le Petit Chaperon Rouge abandonna sur le champ son seau et partit comme une flèche en direction de la forêt, sans se soucier de rien ni personne. Il courut à perdre haleine, zigzaguant entre les arbres.
Arrivé à la clairière mentionnée par les villageoises, il vit des gouttes de sang dans l'herbe et frémit. Il appela Loup Noir. Il se moquait que le chasseur l'entende désormais, peu lui importait que tout le monde sache qu'il était lié avec le brigand. Il voulait à tout prix le retrouver et en vie !
Il finit par entendre une voix faible en provenance d'un grand tronc d'arbre couché à moitié pourri. Loup Noir, blessé, s'était réfugié tant bien que mal dedans.
— Où as-tu été touché ?
— A la cuisse, courtoisie de ton nouvel amoureux, grogna Loup Noir en s'extirpant avec difficulté de sa cachette.
Il était torse nu. Il avait déchiré sa chemise pour s'en faire un garrot.
Le Petit Chaperon Rouge était dans un tel état de nerfs qu'il mit un moment à enregistrer ce que le brigand venait de dire.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ?
— Je l'ai vu t'embrasser.
— Tu étais là… Mais comment ?
— J'étais à proximité du village pour enquêter sur les meurtres, aussi l'écho de ta disparition m'est parvenu. Je suis aussitôt parti à ta recherche, mais ce maudit chasseur a retrouvé ta trace avant moi.
— Il ne m'intéresse pas.
— Tu m'as démontré que tu savais te défendre. Et pourtant, tu l'as laissé faire.
Ce n'était pas faux, mais pas tout à fait exact non plus. Une affreuse culpabilité étreignit le cœur du Petit Chaperon Rouge. Ce n'était cependant pas le moment de se disputer.
— C'est toi que j'aime. Autrement, pourquoi aurais-je accouru dès que je t'ai su blessé ?
Loup Noir grogna.
— Cela fait un mal de chien. Et à cause de lui, le tueur m'a filé entre les pattes, alors que j'étais sur ses talons...
Pour l'heure, le Petit Chaperon Rouge se souciait comme une guigne de l'assassin et du chasseur, tout ce qui le préoccupait, c'était l'état de Loup Noir.
— Je vais t'aider à regagner ta grotte. Appuie-toi sur moi.
Le brigand obtempéra, preuve qu'il était mal en point.
Des grondements résonnèrent dans le lointain et il se mit à pleuvoir, comme s'ils n'avaient pas suffisamment d'ennuis comme cela.
De plus en plus mouillés, ils progressèrent avec une lenteur désespérante jusqu'à la tanière du brigand. Le Petit Chaperon Rouge ne s'y était encore jamais rendu, car elle était fort éloignée du village.
Quand ils y parvinrent enfin, l'adolescent se dépêcha d'allumer un feu tandis que Loup Noir s'effondrait sur les peaux de bête qui lui servaient de lit. Il tremblait de froid avec ses habits trempés. Le Petit Chaperon Rouge l'aida à se déshabiller, puis nettoya sa blessure avec les moyens du bord et la banda avec un linge qui avait l'air à peu près propre. Loup Noir n'était à priori pas un grand amateur de lessive.
Loup Noir frissonnait toujours en dépit du feu et des couvertures. Le Petit Chaperon Rouge qui lui aussi était frigorifié ôta ses vêtements et vint se coller à Loup Noir. Cette proximité physique eût tôt fait de l'exciter et une douce chaleur se répandit dans son corps. Il joua avec les poils du torse du brigand qui l'encouragea à continuer dans un murmure. C'était une manière plaisante de se réchauffer.
L'adolescent descendit dans le lit et s'empara du pénis de Loup Noir. Le brigand l'avait souvent sucé, mais il ne lui avait jamais rendu la pareille. C'est en le faisant qu'il comprit à quel point, c'était délicieux.
Son érection devenant douloureuse, il finit par se toucher en même temps. Quand le sperme de Loup Noir jaillit dans sa bouche, il jouit également.
Le corps du brigand avait enfin dégelé et il sombra dans une bienheureuse inconscience. L'adolescent s'assoupit également.
Ce furent des plaintes de Loup Noir qui l'éveillèrent.
Ce dernier était à présent brûlant en proie à une fièvre intense.
Le Petit Chaperon Rouge se leva et s'habilla, prêt à aller chercher de l'aide, mais il s'immobilisa un mètre plus loin : qui accepterait de soigner le brigand, un supposé meurtrier ? En même temps, si la blessure s'infectait, il risquait de mourir, faisant du chasseur son assassin. Se rappelant du baiser de l'arrogant personnage qui lui avait paru sur le moment un incident sans importance, le Petit Chaperon Rouge se frotta les lèvres avec sa manche à de multiples reprises. Il se sentait nauséeux et désemparé.
Il fallait qu'il laisse Loup Noir pour aller chercher de l'eau fraîche et des plantes médicinales. Grâce à sa grand-mère, le Petit Chaperon Rouge avait en effet quelques connaissances en herboristerie. Seulement, il avait peur de le quitter et de le retrouver mort. L'adolescent se mordit la lèvre. Il devait se montrer brave. Loup Noir était une force de la nature, il n'allait pas passer de l'autre côté en un claquement de doigt.
Le Petit Chaperon Rouge caressa la joue brûlante de Loup Noir et sortit de la grotte. Il ne s'en éloigna guère et retourna vite au chevet du brigand qui tenait à présent des propos sans queue ni tête.
Le Petit Chaperon Rouge mit un linge humide sur son front pour faire baisser la température et le fit boire.
Il savait que ses parents devaient être inquiets pour lui avec le tueur qui rôdait, mais lui craignait trop que Loup Noir perde la vie.
Il le veilla sans relâche, sans se préoccuper du jour ou de l'heure qu'il pouvait être. Il s'en moquait même, seuls les soins au blessé comptaient.
Enfin, le miracle eut lieu. La fièvre tomba et Loup reprit conscience. Le Petit Chaperon Rouge en pleura de soulagement.
L'épreuve lui avait fait comprendre qu'il ne voulait plus vivre séparé de Loup Noir. Il était temps pour lui de quitter l'univers familier de son enfance. C'était aussi parce qu'il était encore à la maison que ses parents le traitaient toujours comme un petit garçon, quand bien même il n'était plus un innocent.
— Ne me dis pas que tu es triste que j'ai survécu ? grommela Loup Noir.
En guise de réponse, le Petit Chaperon Rouge l'embrassa avec ferveur. Il ne voulait plus que Loup Noir doute de son amour pour lui.
— Y-a-t-il une place pour moi dans ta tanière ? souffla-t-il ensuite tout contre ses lèvres.
— Bien sûr ! Mais es-tu certain… ?
— Oui ! Je vais dire au revoir à mes parents, puis reviendrais auprès de toi pour toujours.
— Sans rapine pour améliorer l'ordinaire, vivre dans les bois n'est pas toujours rose.
— Je serai avec toi.
— Et ta famille ?
— Tous les enfants quittent un jour le nid et je pourrais les visiter de temps à autres.
Loup Noir eut un large sourire qui dévoila ses grandes dents carnassières et tendant ses longs bras vers lui, il le plaqua contre lui.
C'était ce qu'il avait désiré depuis le jour de leur rencontre et il avait dû attendre près d'un an.
Ils restèrent ainsi enlacés un long moment, puis Loup Noir libéra l'adolescent.
— Va et reviens-moi vite.
Le Petit Chaperon Rouge acquiesça.
La vie de Loup Noir n'était plus en danger, mais il n'était pas encore remis. Cependant, il avait causé assez de tracas comme cela à ses parents.
Grâce aux explications de Loup Noir, il n'eut pas de peine à retrouver le chemin menant au village.
La première chaumière était en vue quand surgit le chasseur à cheval.
— Ah, Petit Chaperon Rouge, je suis heureux de te voir avant mon départ.
— Vous partez… Et le tueur ?
— Capturé et pendu ! En partie grâce à toi, d'ailleurs.
— Hein, comment cela ? s'étonna l'adolescent.
— Quand tu as disparu pour la seconde fois, tes parents ont réussi à motiver tout le monde pour organiser une grande battue. Ce remue-ménage m'a permis de débusquer le malade à l'origine de la vague de crimes. Ce n'était pas Loup Noir d'ailleurs, mais ça tu le savais déjà, car c'est avec lui que tu étais ces derniers jours, n'est-ce pas ?
Le Petit Chaperon Rouge ne nia pas. Il lui semblait que cela ne portait pas à conséquence, le chasseur s'en allant.
— Je t'avouerai que j'aurais bien également débarrassé les environs de ce brigand.
L'adolescent sursauta et s'insurgea :
— Il s'est repenti. Plus personne n'a eu à se plaindre de lui depuis des mois, même si tout le monde a été prompt à lui faire porter le chapeau des meurtres !
— Cela reste un dangereux individu. Je devrais te tirer de ses griffes…
L'arrogance du chasseur énerva le Petit Chaperon Rouge.
— Je n'ai pas besoin d'être sauvé !
— En effet et c'est pour cela que je m'en vais.
— Bon vent !
Le chasseur descendit de son cheval. Il dominait cependant toujours le Petit Chaperon Rouge de toute sa hauteur.
— Ne me feras-tu pas la grâce d'un baiser d'adieu ?
— Vous en avez déjà eu un.
— C'est moi qui te l'ait donné.
— Imposé plutôt, grommela le Petit Chaperon Rouge. Mon cœur et mes lèvres sont à Loup Noir !
Le chasseur, malgré cette affirmation on ne peut plus claire, se pencha vers lui. L'adolescent ne fit ni une ni deux, et lui donna un coup dans le nez.
Ce ne fut pas du goût du chasseur.
— Tu mériterais une bonne correction !
— Et pourtant c'est vous qui l'avez reçu, répliqua le Petit Chaperon Rouge, sur le qui-vive, s'attendant à ce qu'il riposte.
Le chasseur, cependant, éclata de rire, puis il soupira.
— Ah… Je t'aurais bien emmené dans mes bagages. Tu n'es pas seulement mignon, mais aussi fort amusant.
— Merci, dit le Petit Chaperon Rouge, puis il commença à s'éloigner, sans regarder si le chasseur se remettait en selle.
Au village, le retour de l'adolescent ne passa pas inaperçu, mais tout le monde était trop occupé à se réjouir que le criminel ait été mis hors d'état de nuire pour se soucier de savoir où il avait été fourré ces derniers jours. Seuls ses parents l'interrogèrent.
Petit Chaperon Rouge ne put se résoudre à leur avouer la vérité – un jour, peut-être – alors il prétendit avoir eu besoin de s'isoler pour réfléchir à son avenir. Il était temps pour lui de voler de ses propres ailes.
Ses parents le réprimandèrent, mais à peine. Ils étaient trop soulagés qu'il soit sain et sauf. Dans un premier temps réticents à ce qu'il quitte la maison, ils durent convenir dans un second, qu'à dix huit ans, il était pour ainsi dire adulte.
Petit Chaperon Rouge repartit donc dans la forêt, aux côtés de Loup Noir.
Ensemble, ils vécurent de vivre de chasse, de pêche, de baies et bien sûr d'amour et d'eau fraîche.
— Je me promenais, répondit-il simplement.
Il revenait de la forêt où il avait passé plusieurs heures en compagnie de Loup Noir. Il en était d'ailleurs encore tout moulu, car l'appétit de son amoureux pour la "chose" était sans fin. L'adolescent ne s'en plaignait pas d'ailleurs. Lui aussi était insatiable.
— Ces derniers temps, tu ne fais plus que cela ! J'espère que tu n'étais pas dans les bois ! Le forgeron a été retrouvé assassiné à l'orée ! C'est sûrement ce brigand de Loup Noir qui a fait le coup.
— Ce n'est pas possible… balbutia le Petit Chaperon Rouge.
— Qui d'autre pourrait être coupable ?
Ça, l'adolescent n'en avait pas la moindre idée. Il savait juste que Loup Noir n'était pas du genre à trancher la gorge de quiconque. Il s'était longtemps amuser à effrayer les gens et à les détrousser, mais depuis qu'ils étaient ensemble, il avait arrêté.
— Quelqu'un qui en voulait au forgeron ? Loup Noir est un voleur, pas un tueur.
Sa mère lui tapota la tête. Elle le voyait toujours comme un petit garçon. Il faut dire que même maintenant qu'il avait atteint l'âge de dix-huit ans, il restait fort petit, d'où son surnom.
— En tout cas, fais bien attention à toi. Il vaudrait mieux que ce soit ton père qui se charge du panier pour ta grand-mère les jours prochains.
Apporter des provisions à son aïeule était sa meilleure excuse pour aller dans la forêt et y demeurer le plus clair de la journée auprès de son amoureux. Le Petit Chaperon Rouge avait pris la relève de son père dans cette tâche depuis sa rencontre avec Loup Noir et ne voulait pas y renoncer.
— Non, je peux le faire. Je serais prudent !
Il dut se montrer très persuasif auprès de ses parents et s'encombrer d'une hache en plus du panier pour sa grand-mère pour qu'ils acceptent qu'il le fasse.
Le surlendemain, alors qu'il s'était à peine enfoncé entre les arbres, Loup Noir surgit de derrière un tronc.
Le Petit Chaperon Rouge qui s'était pourtant habitué à ses apparitions sursauta. Ce n'était pas pareil avec un assassin dans les parages.
— Te voilà promu bûcheron ? demanda Loup Noir, une pointe d'amusement dans sa voix rocailleuse.
Puis, sans attendre la réponse, il lui planta un baiser sur la bouche avant de l'enlacer.
Comme il l'embrassait avec de plus en plus de voracité, Petit Chaperon Rouge sentit ses jambes et bras faiblir et il lâcha ce qu'il tenait. Le bruit sourd que fit la hache en tombant le rappela à la réalité. Il avait à parler au brigand.
Il s'arracha à son étreinte, ce qui lui valut un regard blessé de Loup Noir. Ce dernier était massif et très velu et complexait quelque peu sur son physique qui lui avait valu d'être fui et repoussé jusqu'à ce que son chemin croise celui du Petit Chaperon Rouge.
L'adolescent s'empara aussitôt de ses grandes mains et mentionna le meurtre du forgeron du village.
Loup Noir grogna et fit claquer ses dents carnassières.
— Tu ne crois quand même pas que j'y suis pour quelque chose !
— Bien sûr que non ! Mais tout le monde pense que c'est toi et cela m'inquiète.
— Je connais les bois comme ma poche, je ne risque rien. Je me fais du souci pour toi, en revanche. Je ne voudrais pas que quiconque torde ton joli petit cou.
— Je ne vois pas pourquoi le tueur s'en prendrait à moi spécifiquement.
— Parce que tu es à croquer et que tu sors du lot avec ta tignasse rousse, répondit Loup Noir en lui ébouriffant les cheveux.
— Il n'y a pas de raison. Si ça se trouve, c'était un acte de vengeance. Il paraît que rien n'a été volé au forgeron.
— Comment a-t-il été tué ?
— Je ne sais pas, mais je pourrais me renseigner. Au village, le meurtre semble être le seul sujet de conversation…
Le Petit Chaperon Rouge ne s'était cependant mêlé à aucune, sachant qu'il ne supporterait pas d'entendre les gens accuser son amoureux.
— Non, ce n'est pas peine. J'espère juste que tu as raison, que le forgeron avait eu l'heure de déplaire à la mauvaise personne et que cela va s'arrêter là. En attendant que nous soyons fixés, tu ferais peut-être mieux de ne pas te rendre seul dans la forêt.
— Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi ! protesta l'adolescent.
— Tu n'es pas de taille à te défendre.
Ce rappel de sa petitesse et ce manque de confiance peina le Petit Chaperon Rouge. Il avait toujours cru que lui et Loup Noir se comprenaient, étant chacun physiquement différent de la norme, mais apparemment, il s'était trompé.
Plein de colère et tristesse mêlée, il ramassa ses affaires et commença à s'éloigner. Il avait sa grand-mère à visiter.
Loup Noir, cependant, ne l'entendait pas de cette oreille. En deux bonds, il le rattrapa et se mit en travers de sa route.
L'adolescent le contourna sans lui accorder un regard.
Loup Noir l'empoigna d'une main par l'épaule et de l'autre, l'obligea à lever le visage vers lui.
— Ce n'est pas de gaieté de cœur que je te dis cela. Je déteste quand tu es loin de moi. Cependant, les bois sont grands, il suffit que nous ne soyons pas dans le même coin et je ne pourrais pas te protéger.
— Je n'ai pas besoin que tu le fasses. Je suis un homme, tout petit que je sois !
— Mais tu ne fais pas le poids, riposta Loup Noir.
— Et pourtant, lors de notre toute première rencontre, je t'ai filé entre les doigts, contra le Petit Chaperon Rouge.
Puis, pour lui montrer à quel point il était dans l'erreur, l'adolescent lui mordit la main et lui donna un coup de talon bien senti dans le pied avant de détaler.
Loup Noir jura dans son dos.
Le Petit Chaperon Rouge s'arrêta alors et revint sur ses pas.
— Alors, tu vois ?
— C'est vrai, tu te débrouilles, grommela Loup Noir. Je te dois des excuses, ajouta-t-il.
Devant son air et son ton penaud, le Petit Chaperon Rouge lui pardonna tout. Il posa à terre son panier et sa hache et tendit le bras pour caresser les poils que laissaient voir la chemise mal boutonnée du brigand.
— Je t'aime et j'ai peur de te perdre, continua Loup Noir en le capturant dans ses bras.
Il se pencha ensuite pour goûter à ses lèvres, puis l'allongea sur le sol. Là, il souleva sa tunique pour lui sucer les tétons avant de baiser le pantalon de l'adolescent et de caresser son sexe. Il lui lécha longuement la raie de fesses et libérant son pénis, s'enfonça en lui. L'adolescent s'agrippa à ses épaules tandis que Loup Noir lui donnait des coups de boutoir, les conduisant jusqu'à la jouissance.
C'est à pas lents, en bavardant avec Loup Noir que Petit Chaperon Rouge finit par arriver chez sa grand-mère. Le brigand le laissa à la porte, assurant qu'il serait là quand l'adolescent repartirait.
Ce n'était pas une question de jouer le garde du corps. C'était ainsi qu'ils procédaient en temps habituel de façon à passer le plus de temps possible ensemble compte tenu du fait que le Petit Chaperon Rouge vivait au village et Loup Noir dans une grotte cachée dans les bois.
L'adolescent hésitait à confier à sa grand-mère le terrible événement qui s'était produit au village, quand elle l'interrogea sur les derniers potins. Il ne voulait pas lui causer de tracas, mais il valait sans doute mieux qu'elle soit au courant, jugea-t-il. La vieille dame ne s'alarma cependant pas. Elle en avait vu des vertes et des pas mûres au cours de sa longue existence.
Quand il ressortit, comme promis, Loup Noir surgit d'un fourré avoisinant et le raccompagna presque jusqu'à la lisière des bois, l'embrassant à de multiples reprises en cours de route.
— A très bientôt, souffla le Petit Chaperon Rouge, les lèvres encore toutes gonflées par les baisers, ses joues et son cou rouges d'avoir été en contact avec la barbe hirsute de Loup Noir.
Le brigand acquiesça et disparut dans les profondeurs de la forêt.
Un nouveau crime se produisit cependant et hélas, les parents du Petit Chaperon Rouge lui interdirent formellement d'aller se promener seul, loin du village. Ce serait le père de l'adolescent armé d'un fusil qui se chargerait de veiller sur l'aïeule.
Ce second meurtre fut hélas suivi d'un troisième, puis d'un quatrième. Toutes les victimes avaient été retrouvées aux abords de la forêt et tous les habitants du village étaient convaincus que c'était Loup Noir le responsable alors même qu'aucun argent avait été dérobé. Pour le Petit Chaperon Rouge, le pire n'était cependant pas qu'il y ait un fou dangereux sanguinaire qui hante les parages, mais qu'il ne pouvait plus voir le brigand cher à son cœur, tout en étant obligé d'entendre les gens l'accuser de tous leurs maux. Il était hélas dans l'incapacité de le défendre sans trahir qu'il le fréquentait.
Petit Chaperon Rouge était sur les charbons ardents quand débarqua un chasseur venu pour capturer le tueur qui sévissait. C'était un homme dans la trentaine, bien fait de sa personne et très propre sur lui.
Il interrogea les villageois et fut lui aussi vite persuadé que Loup Noir était l'assassin. Le brigand était devenu assoiffé de sang, voilà tout.
Le Petit Chaperon Rouge prit peur pour Loup Noir. Le chasseur aux yeux d'un bleu glacial semblait du genre à ne pas renoncer tant qu'il n'avait pas tué sa proie.
L'adolescent ne pouvait rester plus longtemps dans sa chaumière sans prévenir son amoureux du danger qu'il encourrait. Il se débrouilla pour tromper la vigilance de ses parents et s'enfonça dans les bois. Il n'osa appeler Loup Noir à tue-tête de crainte que le chasseur ne l'entende, aussi marcha-t-il longtemps, espérant que le brigand était dans le coin et se manifesterait en le voyant.
Il ne se rendit pas compte que le soleil baissait dans le ciel, mais finit par réaliser qu'il s'était égaré dans une partie de la forêt qu'il ne connaissait pas.
Il s'efforça de ne pas céder à la panique, mais ne put s'empêcher de se maudire de sa bêtise. Obnubilé par le désir d'informer Loup Noir et de le revoir, il avait oublié toute prudence. Ses parents avaient dû se rendre compte de sa disparition à présent et devaient se faire un sang d'encre pour lui.
Il avança à droite, puis à gauche, scrutant les arbres, essayant de se repérer, de déterminer quelle était la bonne direction.
Finalement, fort las, il s'assit entre les racines d'un grand chêne, posa sa tête sur les genoux et ferma un instant les yeux.
Une branche craqua alors, le faisant sursauter. Il avait dû s'endormir, car la nuit était complètement tombée.
— Qui va là ? demanda-t-il, en se relevant.
Le chasseur parut alors, le canon de son fusil étincelant dans le clair de lune.
Le Petit Chaperon Rouge ne put s'empêcher d'être déçu que ce ne soit pas Loup Noir.
— Tes parents seront bien contents de te retrouver vivant. Quelle mouche t'a piqué d'aller dans les bois avec ce Loup Noir qui égorge à tour de bras ?
— Ce n'est pas lui, ne put s'empêcher de rétorquer le Petit Chaperon Rouge qui ne savait comment justifier son escapade.
— Ah non, et qui donc, alors ? Toi, peut-être…
dit le chasseur, comblant en quelques enjambées la distance qui les séparait.
— Tu es bien trop mignon pour cela, continua l'homme en lui attrapant le menton. Tout comme une fille.
Petit Chaperon Rouge voulut se dégager d'un mouvement vif, mais la main gantée du chasseur le maintenait fermement.
L'homme approcha son visage du sien et l'adolescent qui n'était plus naïf reconnu les signaux. Il allait l'embrasser. Or, le Petit Chaperon Rouge n'en avait pas la moindre envie.
— C'est vous le coupable ! s'écria-t-il.
Le chasseur se figea, tout près de ses lèvres.
Le Petit Chaperon Rouge débita à toute vitesse :
— Oui, c'est vous. C'est la couverture parfaite que de prétendre être celui dont vous souhaitez soit-disant nous débarrasser.
— Ton raisonnement ne tient pas. Autrement, je ne serais pas en train de discuter avec toi.
L'adolescent ne trouvait pas sa théorie si ridicule que cela, mais surtout, elle avait eu le mérite de distraire le chasseur de son intention de lui donner un baiser. Il ne l'avait cependant pas relâché pour autant.
— C'est parce que tous les villageois savent que vous êtes partis à ma recherche.
Le chasseur soupira et apparemment fatigué de ses âneries, s'empara de sa bouche pour le faire taire.
Le Petit Chaperon Rouge ne réussit à pas à se dérober. Peut-être qu'une part de lui était de curieux de voir si les baisers du chasseur produiraient sur lui le même effet que ceux de Loup Noir.
L'homme embrassait en conquérant, mais d'une façon sage qui manquait de passion et de voracité.
Le Petit Chaperon Rouge, jugeant que cela se prolongeait trop, le repoussa à deux mains.
— Vous n'avez pas le droit !
— Allons, je méritais bien une petite récompense pour être venu à ta rescousse et tu m'avais l'air d'être de ce bord-là… J'ai bien vu les regards que tu me lançais.
Il n'avait rien compris du tout. Si le Petit Chaperon Rouge s'était intéressé à lui, c'était parce qu'il s'inquiétait pour Loup Noir, pas parce qu'il le trouvait à goût, même si assurément, il ne manquait pas de charme. Il était toutefois trop blond, trop sûr de lui, trop policé et trop rasé. En un mot comme en cent, il n'était pas Loup Noir.
— Vous vous êtes trompé.
— Allons, je ne te laisse pas indifférent.
— Ramenez-moi au village.
— Comme tu voudras, répondit le chasseur, en s'inclinant.
Il le colla désagréablement sur le chemin du retour.
Les parents du Petit Chaperon Rouge commencèrent pas leur serrer contre leur cœur, puis l'accablèrent de reproches pour la frayeur qui leur avait causé.
Les jours suivants, l'adolescent n'eut d'autre choix que de ronger son frein et de se tenir tranquille. Il veilla également à garder ses distances avec le chasseur qui semblait désireux de le séduire.
Il tirait de l'eau au puits quand la conversation entre deux villageoises venues pour la même chose l'interpella. Le chasseur avait réussi à toucher Loup Noir près de la rivière, dans la clairière aux bouleaux, mais le brigand était malgré tout parvenu à lui échapper.
Le Petit Chaperon Rouge abandonna sur le champ son seau et partit comme une flèche en direction de la forêt, sans se soucier de rien ni personne. Il courut à perdre haleine, zigzaguant entre les arbres.
Arrivé à la clairière mentionnée par les villageoises, il vit des gouttes de sang dans l'herbe et frémit. Il appela Loup Noir. Il se moquait que le chasseur l'entende désormais, peu lui importait que tout le monde sache qu'il était lié avec le brigand. Il voulait à tout prix le retrouver et en vie !
Il finit par entendre une voix faible en provenance d'un grand tronc d'arbre couché à moitié pourri. Loup Noir, blessé, s'était réfugié tant bien que mal dedans.
— Où as-tu été touché ?
— A la cuisse, courtoisie de ton nouvel amoureux, grogna Loup Noir en s'extirpant avec difficulté de sa cachette.
Il était torse nu. Il avait déchiré sa chemise pour s'en faire un garrot.
Le Petit Chaperon Rouge était dans un tel état de nerfs qu'il mit un moment à enregistrer ce que le brigand venait de dire.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ?
— Je l'ai vu t'embrasser.
— Tu étais là… Mais comment ?
— J'étais à proximité du village pour enquêter sur les meurtres, aussi l'écho de ta disparition m'est parvenu. Je suis aussitôt parti à ta recherche, mais ce maudit chasseur a retrouvé ta trace avant moi.
— Il ne m'intéresse pas.
— Tu m'as démontré que tu savais te défendre. Et pourtant, tu l'as laissé faire.
Ce n'était pas faux, mais pas tout à fait exact non plus. Une affreuse culpabilité étreignit le cœur du Petit Chaperon Rouge. Ce n'était cependant pas le moment de se disputer.
— C'est toi que j'aime. Autrement, pourquoi aurais-je accouru dès que je t'ai su blessé ?
Loup Noir grogna.
— Cela fait un mal de chien. Et à cause de lui, le tueur m'a filé entre les pattes, alors que j'étais sur ses talons...
Pour l'heure, le Petit Chaperon Rouge se souciait comme une guigne de l'assassin et du chasseur, tout ce qui le préoccupait, c'était l'état de Loup Noir.
— Je vais t'aider à regagner ta grotte. Appuie-toi sur moi.
Le brigand obtempéra, preuve qu'il était mal en point.
Des grondements résonnèrent dans le lointain et il se mit à pleuvoir, comme s'ils n'avaient pas suffisamment d'ennuis comme cela.
De plus en plus mouillés, ils progressèrent avec une lenteur désespérante jusqu'à la tanière du brigand. Le Petit Chaperon Rouge ne s'y était encore jamais rendu, car elle était fort éloignée du village.
Quand ils y parvinrent enfin, l'adolescent se dépêcha d'allumer un feu tandis que Loup Noir s'effondrait sur les peaux de bête qui lui servaient de lit. Il tremblait de froid avec ses habits trempés. Le Petit Chaperon Rouge l'aida à se déshabiller, puis nettoya sa blessure avec les moyens du bord et la banda avec un linge qui avait l'air à peu près propre. Loup Noir n'était à priori pas un grand amateur de lessive.
Loup Noir frissonnait toujours en dépit du feu et des couvertures. Le Petit Chaperon Rouge qui lui aussi était frigorifié ôta ses vêtements et vint se coller à Loup Noir. Cette proximité physique eût tôt fait de l'exciter et une douce chaleur se répandit dans son corps. Il joua avec les poils du torse du brigand qui l'encouragea à continuer dans un murmure. C'était une manière plaisante de se réchauffer.
L'adolescent descendit dans le lit et s'empara du pénis de Loup Noir. Le brigand l'avait souvent sucé, mais il ne lui avait jamais rendu la pareille. C'est en le faisant qu'il comprit à quel point, c'était délicieux.
Son érection devenant douloureuse, il finit par se toucher en même temps. Quand le sperme de Loup Noir jaillit dans sa bouche, il jouit également.
Le corps du brigand avait enfin dégelé et il sombra dans une bienheureuse inconscience. L'adolescent s'assoupit également.
Ce furent des plaintes de Loup Noir qui l'éveillèrent.
Ce dernier était à présent brûlant en proie à une fièvre intense.
Le Petit Chaperon Rouge se leva et s'habilla, prêt à aller chercher de l'aide, mais il s'immobilisa un mètre plus loin : qui accepterait de soigner le brigand, un supposé meurtrier ? En même temps, si la blessure s'infectait, il risquait de mourir, faisant du chasseur son assassin. Se rappelant du baiser de l'arrogant personnage qui lui avait paru sur le moment un incident sans importance, le Petit Chaperon Rouge se frotta les lèvres avec sa manche à de multiples reprises. Il se sentait nauséeux et désemparé.
Il fallait qu'il laisse Loup Noir pour aller chercher de l'eau fraîche et des plantes médicinales. Grâce à sa grand-mère, le Petit Chaperon Rouge avait en effet quelques connaissances en herboristerie. Seulement, il avait peur de le quitter et de le retrouver mort. L'adolescent se mordit la lèvre. Il devait se montrer brave. Loup Noir était une force de la nature, il n'allait pas passer de l'autre côté en un claquement de doigt.
Le Petit Chaperon Rouge caressa la joue brûlante de Loup Noir et sortit de la grotte. Il ne s'en éloigna guère et retourna vite au chevet du brigand qui tenait à présent des propos sans queue ni tête.
Le Petit Chaperon Rouge mit un linge humide sur son front pour faire baisser la température et le fit boire.
Il savait que ses parents devaient être inquiets pour lui avec le tueur qui rôdait, mais lui craignait trop que Loup Noir perde la vie.
Il le veilla sans relâche, sans se préoccuper du jour ou de l'heure qu'il pouvait être. Il s'en moquait même, seuls les soins au blessé comptaient.
Enfin, le miracle eut lieu. La fièvre tomba et Loup reprit conscience. Le Petit Chaperon Rouge en pleura de soulagement.
L'épreuve lui avait fait comprendre qu'il ne voulait plus vivre séparé de Loup Noir. Il était temps pour lui de quitter l'univers familier de son enfance. C'était aussi parce qu'il était encore à la maison que ses parents le traitaient toujours comme un petit garçon, quand bien même il n'était plus un innocent.
— Ne me dis pas que tu es triste que j'ai survécu ? grommela Loup Noir.
En guise de réponse, le Petit Chaperon Rouge l'embrassa avec ferveur. Il ne voulait plus que Loup Noir doute de son amour pour lui.
— Y-a-t-il une place pour moi dans ta tanière ? souffla-t-il ensuite tout contre ses lèvres.
— Bien sûr ! Mais es-tu certain… ?
— Oui ! Je vais dire au revoir à mes parents, puis reviendrais auprès de toi pour toujours.
— Sans rapine pour améliorer l'ordinaire, vivre dans les bois n'est pas toujours rose.
— Je serai avec toi.
— Et ta famille ?
— Tous les enfants quittent un jour le nid et je pourrais les visiter de temps à autres.
Loup Noir eut un large sourire qui dévoila ses grandes dents carnassières et tendant ses longs bras vers lui, il le plaqua contre lui.
C'était ce qu'il avait désiré depuis le jour de leur rencontre et il avait dû attendre près d'un an.
Ils restèrent ainsi enlacés un long moment, puis Loup Noir libéra l'adolescent.
— Va et reviens-moi vite.
Le Petit Chaperon Rouge acquiesça.
La vie de Loup Noir n'était plus en danger, mais il n'était pas encore remis. Cependant, il avait causé assez de tracas comme cela à ses parents.
Grâce aux explications de Loup Noir, il n'eut pas de peine à retrouver le chemin menant au village.
La première chaumière était en vue quand surgit le chasseur à cheval.
— Ah, Petit Chaperon Rouge, je suis heureux de te voir avant mon départ.
— Vous partez… Et le tueur ?
— Capturé et pendu ! En partie grâce à toi, d'ailleurs.
— Hein, comment cela ? s'étonna l'adolescent.
— Quand tu as disparu pour la seconde fois, tes parents ont réussi à motiver tout le monde pour organiser une grande battue. Ce remue-ménage m'a permis de débusquer le malade à l'origine de la vague de crimes. Ce n'était pas Loup Noir d'ailleurs, mais ça tu le savais déjà, car c'est avec lui que tu étais ces derniers jours, n'est-ce pas ?
Le Petit Chaperon Rouge ne nia pas. Il lui semblait que cela ne portait pas à conséquence, le chasseur s'en allant.
— Je t'avouerai que j'aurais bien également débarrassé les environs de ce brigand.
L'adolescent sursauta et s'insurgea :
— Il s'est repenti. Plus personne n'a eu à se plaindre de lui depuis des mois, même si tout le monde a été prompt à lui faire porter le chapeau des meurtres !
— Cela reste un dangereux individu. Je devrais te tirer de ses griffes…
L'arrogance du chasseur énerva le Petit Chaperon Rouge.
— Je n'ai pas besoin d'être sauvé !
— En effet et c'est pour cela que je m'en vais.
— Bon vent !
Le chasseur descendit de son cheval. Il dominait cependant toujours le Petit Chaperon Rouge de toute sa hauteur.
— Ne me feras-tu pas la grâce d'un baiser d'adieu ?
— Vous en avez déjà eu un.
— C'est moi qui te l'ait donné.
— Imposé plutôt, grommela le Petit Chaperon Rouge. Mon cœur et mes lèvres sont à Loup Noir !
Le chasseur, malgré cette affirmation on ne peut plus claire, se pencha vers lui. L'adolescent ne fit ni une ni deux, et lui donna un coup dans le nez.
Ce ne fut pas du goût du chasseur.
— Tu mériterais une bonne correction !
— Et pourtant c'est vous qui l'avez reçu, répliqua le Petit Chaperon Rouge, sur le qui-vive, s'attendant à ce qu'il riposte.
Le chasseur, cependant, éclata de rire, puis il soupira.
— Ah… Je t'aurais bien emmené dans mes bagages. Tu n'es pas seulement mignon, mais aussi fort amusant.
— Merci, dit le Petit Chaperon Rouge, puis il commença à s'éloigner, sans regarder si le chasseur se remettait en selle.
Au village, le retour de l'adolescent ne passa pas inaperçu, mais tout le monde était trop occupé à se réjouir que le criminel ait été mis hors d'état de nuire pour se soucier de savoir où il avait été fourré ces derniers jours. Seuls ses parents l'interrogèrent.
Petit Chaperon Rouge ne put se résoudre à leur avouer la vérité – un jour, peut-être – alors il prétendit avoir eu besoin de s'isoler pour réfléchir à son avenir. Il était temps pour lui de voler de ses propres ailes.
Ses parents le réprimandèrent, mais à peine. Ils étaient trop soulagés qu'il soit sain et sauf. Dans un premier temps réticents à ce qu'il quitte la maison, ils durent convenir dans un second, qu'à dix huit ans, il était pour ainsi dire adulte.
Petit Chaperon Rouge repartit donc dans la forêt, aux côtés de Loup Noir.
Ensemble, ils vécurent de vivre de chasse, de pêche, de baies et bien sûr d'amour et d'eau fraîche.
FIN
2 commentaires:
Merci pour cette suite du conte du Petite Chaperon Rouge :)
J'ai adoré les retrouver lui et Loup Noir pour une aventure inédite ^^
Contente que cette aventure supplémentaire t'ait plu. :)
Enregistrer un commentaire