mardi 22 août 2017

9 ans de Love Boy's Love... et petites vacances

Il étais une fois un 22 août 2008, une jeune femme qui se lança dans le partage de ses histoires mettant en scène des amours entre hommes. Au début, ce fut un peu approximatif sur la longueur des épisodes, leur numérotation, la mise en page... et puis, les choses ont pris forme et nous sommes arrivés au modèle actuel.
Je ne vais pas détailler tout le parcours, mais en 9 ans, c'est 12 romans de 200-300 pages qui ont été écrits (dont 3 comportant plus d'un volume), un recueil de nouvelles et plusieurs contes de fées revisités.
Si Cendrillon était un homme et autres contes est d'ailleurs le prochain livre qui devrait paraître (il était temps, le premier conte datant de 2011) Je souhaite cependant l'enrichir encore d'un court bonus érotique sur le Beau et la Bête ainsi que probablement d'une suite à Blanc-Neige.

Le Conte de Raiponce a été écrit, de même la suite du Petit Chaperon Rouge et Loup Noir qui a remporté 9 voix au sondage, c'est pourquoi vous la retrouverez ci-dessous dans son intégralité pour fêter comme il se doit les 9 ans d'existence de Love Boy's Love.
9 votants pour les 9 ans, c'est amusant. En tout les cas, vous avez été unanimes.
 
Et sinon, pause jusqu'au 6 septembre, date à laquelle vous trouverez un nouvel épisode de Remplacement Standard.

Petit Chaperon Rouge, Loup Noir et le chasseur

— Où étais-tu encore passé ? demanda la mère du Petit Chaperon Rouge à peine eut-il passé la porte de la chaumière.
— Je me promenais, répondit-il simplement.
Il revenait de la forêt où il avait passé plusieurs heures en compagnie de Loup Noir. Il en était d'ailleurs encore tout moulu, car l'appétit de son amoureux pour la "chose" était sans fin. L'adolescent ne s'en plaignait pas d'ailleurs. Lui aussi était insatiable.
— Ces derniers temps, tu ne fais plus que cela ! J'espère que tu n'étais pas dans les bois ! Le forgeron a été retrouvé assassiné à l'orée ! C'est sûrement ce brigand de Loup Noir qui a fait le coup.
— Ce n'est pas possible… balbutia le Petit Chaperon Rouge.
— Qui d'autre pourrait être coupable ?
Ça, l'adolescent n'en avait pas la moindre idée. Il savait juste que Loup Noir n'était pas du genre à trancher la gorge de quiconque. Il s'était longtemps amuser à effrayer les gens et à les détrousser, mais depuis qu'ils étaient ensemble, il avait arrêté.
— Quelqu'un qui en voulait au forgeron ? Loup Noir est un voleur, pas un tueur.
Sa mère lui tapota la tête. Elle le voyait toujours comme un petit garçon. Il faut dire que même maintenant qu'il avait atteint l'âge de dix-huit ans, il restait fort petit, d'où son surnom.
— En tout cas, fais bien attention à toi. Il vaudrait mieux que ce soit ton père qui se charge du panier pour ta grand-mère les jours prochains.
Apporter des provisions à son aïeule était sa meilleure excuse pour aller dans la forêt et y demeurer le plus clair de la journée auprès de son amoureux. Le Petit Chaperon Rouge avait pris la relève de son père dans cette tâche depuis sa rencontre avec Loup Noir et ne voulait pas y renoncer.
— Non, je peux le faire. Je serais prudent !
Il dut se montrer très persuasif auprès de ses parents et s'encombrer d'une hache en plus du panier pour sa grand-mère pour qu'ils acceptent qu'il le fasse.

    Le surlendemain, alors qu'il s'était à peine enfoncé entre les arbres, Loup Noir surgit de derrière un tronc.
Le Petit Chaperon Rouge qui s'était pourtant habitué à ses apparitions sursauta. Ce n'était pas pareil avec un assassin dans les parages.
— Te voilà promu bûcheron ? demanda Loup Noir, une pointe d'amusement dans sa voix rocailleuse.
Puis, sans attendre la réponse, il lui planta un baiser sur la bouche avant de l'enlacer.
Comme il l'embrassait avec de plus en plus de voracité, Petit Chaperon Rouge sentit ses jambes et bras faiblir et il lâcha ce qu'il tenait. Le bruit sourd que fit la hache en tombant le rappela à  la réalité. Il avait à parler au brigand.
Il s'arracha à son étreinte, ce qui lui valut un regard blessé de Loup Noir. Ce dernier était massif et très velu et complexait quelque peu sur son physique qui lui avait valu d'être fui et repoussé jusqu'à ce que son chemin croise celui du Petit Chaperon Rouge.
L'adolescent s'empara aussitôt de ses grandes mains et mentionna le meurtre du forgeron du village.
Loup Noir grogna et fit claquer ses dents carnassières.
— Tu ne crois quand même pas que j'y suis pour quelque chose !
— Bien sûr que non ! Mais tout le monde pense que c'est toi et cela m'inquiète.
— Je connais les bois comme ma poche, je ne risque rien. Je me fais du souci pour toi, en revanche. Je ne voudrais pas que quiconque torde ton joli petit cou.
— Je ne vois pas pourquoi le tueur s'en prendrait à moi spécifiquement.
— Parce que tu es à croquer et que tu sors du lot avec ta tignasse rousse, répondit Loup Noir en lui ébouriffant les cheveux.
— Il n'y a pas de raison. Si ça se trouve, c'était un acte de vengeance. Il paraît que rien n'a été volé au forgeron.
— Comment a-t-il été tué ?
— Je ne sais pas, mais je pourrais me renseigner. Au village, le meurtre semble être le seul sujet de conversation…
Le Petit Chaperon Rouge ne s'était cependant mêlé à aucune, sachant qu'il ne supporterait pas d'entendre les gens accuser son amoureux.
— Non, ce n'est pas peine. J'espère juste que tu as raison, que le forgeron avait eu l'heure de déplaire à la mauvaise personne et que cela va s'arrêter là. En attendant que nous soyons fixés, tu ferais peut-être mieux de ne pas te rendre seul dans la forêt.
— Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi ! protesta l'adolescent.
— Tu n'es pas de taille à te défendre.
Ce rappel de sa petitesse et ce manque de confiance peina le Petit Chaperon Rouge. Il avait toujours cru que lui et Loup Noir se comprenaient, étant chacun physiquement différent de la norme, mais apparemment, il s'était trompé.
Plein de colère et tristesse mêlée, il ramassa ses affaires et commença à s'éloigner. Il avait sa grand-mère à visiter.
Loup Noir, cependant, ne l'entendait pas de cette oreille. En deux bonds, il le rattrapa et se mit en travers de sa route.
L'adolescent le contourna sans lui accorder un regard.
Loup Noir l'empoigna d'une main par l'épaule et de l'autre, l'obligea à lever le visage vers lui.
— Ce n'est pas de gaieté de cœur que je te dis cela. Je déteste quand tu es loin de moi. Cependant, les bois sont grands, il suffit que nous ne soyons pas dans le même coin et je ne pourrais pas te protéger.
— Je n'ai pas besoin que tu le fasses. Je suis un homme, tout petit que je sois !
— Mais tu ne fais pas le poids, riposta Loup Noir.
— Et pourtant, lors de notre toute première rencontre, je t'ai filé entre les doigts, contra le Petit Chaperon Rouge.
Puis, pour lui montrer à quel point il était dans l'erreur, l'adolescent lui mordit la main et lui donna un coup de talon bien senti dans le pied avant de détaler.
Loup Noir jura dans son dos.
Le Petit Chaperon Rouge s'arrêta alors et revint sur ses pas.
— Alors, tu vois ?
— C'est vrai, tu te débrouilles, grommela Loup Noir. Je te dois des excuses, ajouta-t-il.
Devant son air et son ton penaud, le Petit Chaperon Rouge lui pardonna tout. Il posa à terre son panier et sa hache et tendit le bras pour caresser les poils que laissaient voir la chemise mal boutonnée du brigand.
— Je t'aime et j'ai peur de te perdre, continua Loup Noir en le capturant dans ses bras.
Il se pencha ensuite pour goûter à ses lèvres, puis l'allongea sur le sol. Là, il souleva sa tunique pour lui sucer les tétons avant de baiser le pantalon de l'adolescent et de caresser son sexe. Il lui lécha longuement la raie de fesses et libérant son pénis, s'enfonça en lui. L'adolescent s'agrippa à ses épaules tandis que Loup Noir lui donnait des coups de boutoir, les conduisant jusqu'à la jouissance.
    C'est à pas lents, en bavardant avec Loup Noir que Petit Chaperon Rouge finit par arriver chez sa grand-mère. Le brigand le laissa à la porte, assurant qu'il serait là quand l'adolescent repartirait.
Ce n'était pas une question de jouer le garde du corps. C'était ainsi qu'ils procédaient en temps habituel de façon à passer le plus de temps possible ensemble compte tenu du fait que le Petit Chaperon Rouge vivait au village et Loup Noir dans une grotte cachée dans les bois.
L'adolescent hésitait à confier à sa grand-mère  le terrible événement qui s'était produit au village, quand elle l'interrogea sur les derniers potins. Il ne voulait pas lui causer de tracas, mais il valait sans doute mieux qu'elle soit au courant, jugea-t-il. La vieille dame ne s'alarma cependant pas. Elle en avait vu des vertes et des pas mûres au cours de sa longue existence.
Quand il ressortit, comme promis, Loup Noir surgit d'un fourré avoisinant et le raccompagna presque jusqu'à la lisière des bois, l'embrassant à de multiples reprises en cours de route.
— A très bientôt, souffla le Petit Chaperon Rouge, les lèvres encore toutes gonflées par les baisers, ses joues et son cou rouges d'avoir été en contact avec la barbe hirsute de Loup Noir.
Le brigand acquiesça et disparut dans les profondeurs de la forêt.
   
    Un nouveau crime se produisit cependant et hélas, les parents du Petit Chaperon Rouge lui interdirent formellement d'aller se promener seul, loin du village. Ce serait le père de l'adolescent armé d'un fusil qui se chargerait de veiller sur l'aïeule.
Ce second meurtre fut hélas suivi d'un troisième, puis d'un quatrième. Toutes les victimes avaient été retrouvées aux abords de la forêt et tous les habitants du village étaient convaincus que c'était Loup Noir le responsable alors même qu'aucun argent avait été dérobé. Pour le Petit Chaperon Rouge, le pire n'était cependant pas qu'il y ait un fou dangereux sanguinaire qui hante les parages, mais qu'il ne pouvait plus voir le brigand cher à son cœur, tout en étant obligé d'entendre les gens l'accuser de tous leurs maux. Il était hélas dans l'incapacité de le défendre sans trahir qu'il le  fréquentait.
    Petit Chaperon Rouge était sur les charbons ardents quand débarqua un chasseur venu pour capturer le tueur qui sévissait. C'était un homme dans la trentaine, bien fait de sa personne et très propre sur lui.
Il interrogea les villageois et fut lui aussi vite persuadé que Loup Noir était l'assassin. Le brigand était devenu assoiffé de sang, voilà tout.
Le Petit Chaperon Rouge prit peur pour Loup Noir. Le chasseur aux yeux d'un bleu glacial semblait du genre à ne pas renoncer tant qu'il n'avait pas tué sa proie.
L'adolescent ne pouvait rester plus longtemps dans sa chaumière sans prévenir son amoureux du danger qu'il encourrait. Il se débrouilla pour tromper la vigilance de ses parents et s'enfonça dans les bois. Il n'osa appeler Loup Noir à tue-tête de crainte que le chasseur ne l'entende, aussi marcha-t-il longtemps, espérant que le brigand était dans le coin et se manifesterait en le voyant.
Il ne se rendit pas compte que le soleil baissait dans le ciel, mais finit par réaliser qu'il s'était égaré dans une partie de la forêt qu'il ne connaissait pas.
Il s'efforça de ne pas céder à la panique, mais ne put s'empêcher de se maudire de sa bêtise. Obnubilé par le désir d'informer Loup Noir et de le revoir, il avait oublié toute prudence. Ses parents avaient dû se rendre compte de sa disparition à présent et devaient se faire un sang d'encre pour lui.
Il avança à droite, puis à gauche, scrutant les arbres, essayant de se repérer, de déterminer quelle était la bonne direction.
Finalement, fort las, il s'assit entre les racines d'un grand chêne, posa sa tête sur les genoux et ferma un instant les yeux.
Une branche craqua alors, le faisant sursauter. Il avait dû s'endormir, car la nuit était complètement tombée.
— Qui va là ? demanda-t-il, en se relevant.
Le chasseur parut alors, le canon de son fusil étincelant dans le clair de lune.
Le Petit Chaperon Rouge ne put s'empêcher d'être déçu que ce ne soit pas Loup Noir.
— Tes parents seront bien contents de te retrouver vivant. Quelle mouche t'a piqué d'aller dans les bois avec ce Loup Noir qui égorge à tour de bras ?
— Ce n'est pas lui, ne put s'empêcher de rétorquer le Petit Chaperon Rouge qui ne savait comment justifier son escapade.
— Ah non, et qui donc, alors ? Toi, peut-être…
dit le chasseur, comblant en quelques enjambées la distance qui  les séparait.
— Tu es bien trop mignon pour cela, continua l'homme en  lui attrapant le menton. Tout comme une fille.
Petit Chaperon Rouge voulut se dégager d'un mouvement vif, mais la main gantée du chasseur le maintenait fermement.
L'homme approcha son visage du sien et l'adolescent qui n'était plus naïf reconnu les signaux. Il allait l'embrasser. Or, le Petit Chaperon Rouge n'en avait pas la moindre envie.
— C'est vous le coupable ! s'écria-t-il.
Le chasseur se figea, tout près de ses lèvres.
Le Petit Chaperon Rouge débita à toute vitesse :
— Oui, c'est vous. C'est la couverture parfaite que de prétendre être celui dont vous souhaitez soit-disant nous débarrasser.
— Ton raisonnement ne tient pas. Autrement, je ne serais pas en train de discuter avec toi.
L'adolescent ne trouvait pas sa théorie si ridicule que cela, mais surtout, elle avait eu le mérite de distraire le chasseur de son intention de lui donner un baiser. Il ne l'avait cependant pas relâché pour autant.
— C'est parce que tous les villageois savent que vous êtes partis à ma recherche.
Le chasseur soupira et apparemment fatigué de ses âneries, s'empara de sa bouche pour le faire taire.
Le Petit Chaperon Rouge ne réussit à pas à se dérober. Peut-être qu'une part de lui était de curieux de voir si les baisers du chasseur produiraient sur lui le même effet que ceux de Loup Noir.
L'homme embrassait en conquérant, mais d'une façon sage qui manquait de passion et de voracité.
Le Petit Chaperon Rouge, jugeant que cela se prolongeait trop, le repoussa à deux mains.
— Vous n'avez pas le droit !
— Allons, je méritais bien une petite récompense pour être venu à ta rescousse et tu m'avais l'air d'être de ce bord-là… J'ai bien vu les regards que tu me lançais.
Il n'avait rien compris du tout. Si le Petit Chaperon Rouge s'était intéressé à lui, c'était parce qu'il s'inquiétait pour Loup Noir, pas parce qu'il le trouvait à goût, même si assurément, il ne manquait pas de charme. Il était toutefois trop blond, trop sûr de lui, trop policé et trop rasé. En un mot comme en cent, il n'était pas Loup Noir.
— Vous vous êtes trompé.
— Allons, je ne te laisse pas indifférent.
— Ramenez-moi au village.
— Comme tu voudras, répondit le chasseur, en s'inclinant.
Il le colla désagréablement sur le chemin du retour.
Les parents du Petit Chaperon Rouge commencèrent pas leur serrer contre leur cœur, puis l'accablèrent de reproches pour la frayeur qui leur avait causé.

    Les jours suivants, l'adolescent n'eut d'autre choix que de ronger son frein et de se tenir tranquille. Il veilla également à garder ses distances avec le chasseur qui semblait désireux de le séduire.
Il tirait de l'eau au puits quand la conversation entre deux villageoises venues pour la même chose l'interpella. Le chasseur avait réussi à toucher Loup Noir près de la rivière, dans la clairière aux bouleaux, mais le brigand était malgré tout parvenu à lui échapper.
Le Petit Chaperon Rouge abandonna  sur le champ son seau et partit comme une flèche en direction de la forêt, sans se soucier de rien ni personne. Il courut à perdre haleine, zigzaguant entre les arbres.
Arrivé à la clairière mentionnée par les villageoises, il vit des gouttes de sang dans l'herbe et frémit. Il appela Loup Noir. Il se moquait que le chasseur l'entende désormais, peu lui importait que tout le monde sache qu'il était lié avec le brigand. Il voulait à tout prix le retrouver et en vie !
Il finit par entendre une voix faible en provenance d'un grand tronc d'arbre couché à moitié pourri. Loup Noir, blessé, s'était réfugié tant bien que mal dedans.
— Où as-tu été touché ?
— A la cuisse, courtoisie de ton nouvel amoureux, grogna Loup Noir en s'extirpant avec difficulté de sa cachette.
Il était torse nu. Il avait déchiré sa chemise pour s'en faire un garrot.
Le Petit Chaperon Rouge était dans un tel état de nerfs qu'il mit un moment à enregistrer ce que le brigand venait de dire.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ?
— Je l'ai vu t'embrasser.
— Tu étais là… Mais comment ?
— J'étais à proximité du village pour enquêter sur les meurtres, aussi l'écho de ta disparition m'est parvenu. Je suis aussitôt parti à ta recherche, mais ce maudit chasseur a retrouvé ta trace avant moi.
— Il ne m'intéresse pas.
— Tu m'as démontré que tu savais te défendre. Et pourtant, tu l'as laissé faire.
Ce n'était pas faux, mais pas tout à fait exact non plus. Une affreuse culpabilité étreignit le cœur du Petit Chaperon Rouge. Ce n'était cependant pas le moment de se disputer.
— C'est toi que j'aime. Autrement, pourquoi aurais-je accouru dès que je t'ai su blessé ?
Loup Noir grogna.
— Cela fait un mal de chien. Et à cause de lui, le tueur m'a filé entre les pattes, alors que j'étais sur ses talons...
Pour l'heure, le Petit Chaperon Rouge se souciait comme une guigne de l'assassin et du chasseur, tout ce qui le préoccupait, c'était l'état de Loup Noir.
— Je vais t'aider à regagner ta grotte. Appuie-toi sur moi.
Le brigand obtempéra, preuve qu'il était mal en point.
Des grondements résonnèrent dans le lointain et il se mit à pleuvoir, comme s'ils n'avaient pas suffisamment d'ennuis comme cela.
De plus en plus mouillés, ils progressèrent avec une lenteur désespérante jusqu'à la tanière du brigand. Le  Petit Chaperon Rouge ne s'y était encore jamais rendu, car elle était fort éloignée du village.
Quand ils y parvinrent enfin, l'adolescent se dépêcha d'allumer un feu tandis que Loup Noir s'effondrait sur les peaux de bête qui lui servaient de lit. Il tremblait de froid avec ses habits trempés. Le Petit Chaperon Rouge l'aida à se déshabiller, puis nettoya sa blessure avec les moyens du bord et la banda avec un linge qui avait l'air à peu près propre. Loup Noir n'était à priori pas un grand amateur de lessive.
Loup Noir frissonnait toujours en dépit du feu et des couvertures.  Le Petit Chaperon Rouge qui lui aussi était frigorifié ôta ses vêtements et vint se coller à Loup Noir. Cette proximité physique eût tôt fait de l'exciter et une douce chaleur se répandit dans son corps. Il joua avec les poils du torse du brigand qui l'encouragea à continuer dans un murmure. C'était une manière plaisante de se réchauffer.
L'adolescent descendit dans le lit et s'empara du pénis de Loup Noir. Le brigand l'avait souvent sucé, mais il ne lui avait jamais rendu la pareille. C'est en le faisant qu'il comprit à quel point, c'était délicieux.
Son érection devenant douloureuse, il finit par se toucher en même temps. Quand le sperme de Loup Noir jaillit dans sa bouche, il jouit également.
Le corps du brigand avait enfin dégelé et il sombra dans une bienheureuse inconscience. L'adolescent s'assoupit également.
Ce furent des plaintes de Loup Noir qui l'éveillèrent.
Ce dernier était à présent brûlant en proie à une fièvre intense.
Le Petit Chaperon Rouge se leva et s'habilla, prêt à aller chercher de l'aide, mais il s'immobilisa un mètre plus loin : qui accepterait de soigner le brigand, un supposé meurtrier ? En même temps, si la blessure s'infectait, il risquait de mourir, faisant du chasseur son assassin. Se rappelant du baiser de l'arrogant personnage qui lui avait paru sur le moment un incident sans importance, le Petit Chaperon Rouge se frotta les lèvres avec sa manche à de multiples reprises. Il se sentait nauséeux et désemparé.
Il fallait qu'il laisse Loup Noir pour aller chercher de l'eau fraîche et des plantes médicinales. Grâce à sa grand-mère, le Petit Chaperon Rouge avait en effet quelques connaissances en herboristerie. Seulement, il avait peur de le quitter et de le retrouver mort. L'adolescent se mordit la lèvre. Il devait se montrer brave. Loup Noir était une force de la nature, il n'allait pas passer de l'autre côté en un claquement de doigt.
Le Petit Chaperon Rouge caressa la joue brûlante de Loup Noir et sortit de la grotte. Il ne s'en éloigna guère et retourna vite au chevet du brigand qui tenait à présent des propos sans queue ni tête.
Le Petit Chaperon Rouge mit un linge humide sur son front pour faire baisser la température et le fit boire.
Il savait que ses parents devaient être inquiets pour lui avec le tueur qui rôdait, mais lui craignait trop que Loup Noir perde la vie.
Il le veilla sans relâche, sans se préoccuper du jour ou de l'heure qu'il pouvait être. Il s'en moquait même, seuls les soins au blessé comptaient.
Enfin, le miracle eut lieu. La fièvre tomba et Loup reprit conscience. Le Petit Chaperon Rouge en pleura de soulagement.
L'épreuve lui avait fait comprendre qu'il ne voulait plus vivre séparé de Loup Noir. Il était temps pour lui de quitter l'univers familier de son enfance. C'était aussi parce qu'il était encore à la maison que ses parents le traitaient toujours comme un petit garçon, quand bien même il n'était plus un innocent.
— Ne me dis pas que tu es triste que j'ai survécu ? grommela Loup Noir.
En guise de réponse, le Petit Chaperon Rouge l'embrassa avec ferveur. Il ne voulait plus que Loup Noir doute de son amour pour lui.
— Y-a-t-il une place pour moi dans ta tanière ? souffla-t-il ensuite tout contre ses lèvres.
— Bien sûr ! Mais es-tu certain… ?
— Oui ! Je vais dire au revoir à mes parents, puis reviendrais auprès de toi pour toujours.
— Sans rapine pour améliorer l'ordinaire, vivre dans les bois n'est pas toujours rose.
— Je serai avec toi.
— Et ta famille ?
— Tous les enfants quittent un jour le nid et je pourrais les visiter de temps à autres.
Loup Noir eut un large sourire qui dévoila ses grandes dents carnassières et tendant ses longs bras vers lui, il le plaqua contre lui.
C'était ce qu'il avait désiré depuis le jour de leur rencontre et il avait dû attendre près d'un an.
Ils restèrent ainsi enlacés un long moment, puis Loup Noir libéra l'adolescent.
— Va et reviens-moi vite.
Le Petit Chaperon Rouge acquiesça.
La vie de Loup Noir n'était plus en danger, mais il n'était pas encore remis. Cependant, il avait causé assez de tracas comme cela à ses parents.
Grâce aux explications de Loup Noir, il n'eut pas de peine à retrouver le chemin menant au village.
La première chaumière était en vue quand surgit le chasseur à cheval.
— Ah, Petit Chaperon Rouge, je suis heureux de te voir avant mon départ.
— Vous partez… Et le tueur ?
— Capturé et pendu ! En partie grâce à toi, d'ailleurs.
— Hein, comment cela ? s'étonna l'adolescent.
— Quand tu as disparu pour la seconde fois, tes parents ont réussi à motiver tout le monde pour organiser une grande battue. Ce remue-ménage m'a permis de débusquer le malade à l'origine de la vague de crimes. Ce n'était pas Loup Noir d'ailleurs, mais ça tu le savais déjà, car c'est avec lui que tu étais ces derniers jours, n'est-ce pas ?
Le Petit Chaperon Rouge ne nia pas. Il lui semblait que cela ne portait pas à conséquence, le chasseur s'en allant.
— Je t'avouerai que j'aurais bien également débarrassé les environs de ce brigand.
L'adolescent sursauta et s'insurgea :
— Il s'est repenti. Plus personne n'a eu à se plaindre  de lui depuis des mois, même si tout le monde a été prompt à lui faire porter le chapeau des meurtres !
— Cela reste un dangereux individu. Je devrais te tirer de ses griffes…
L'arrogance du chasseur énerva le Petit Chaperon Rouge.
— Je n'ai pas besoin d'être sauvé !
— En effet et c'est pour cela que je m'en vais.
— Bon vent !
Le chasseur descendit de son cheval. Il dominait cependant toujours le Petit Chaperon Rouge de toute sa hauteur.
— Ne me feras-tu pas la grâce d'un baiser d'adieu ?
— Vous en avez déjà eu un.
— C'est moi qui te l'ait donné.
— Imposé plutôt, grommela le Petit Chaperon Rouge. Mon cœur et mes lèvres sont à Loup Noir !
Le chasseur, malgré cette affirmation on ne peut plus claire, se pencha vers lui. L'adolescent ne fit ni une ni deux, et lui donna un coup dans le nez.
Ce ne fut pas du goût du chasseur.
— Tu mériterais une bonne correction !
— Et pourtant c'est vous qui l'avez reçu, répliqua le Petit Chaperon Rouge, sur le qui-vive, s'attendant à ce qu'il riposte.
Le chasseur, cependant, éclata de rire, puis il soupira.
— Ah… Je t'aurais bien emmené dans mes bagages. Tu n'es pas seulement mignon, mais aussi fort amusant.
— Merci, dit le Petit Chaperon Rouge, puis il commença à s'éloigner, sans regarder si le chasseur se remettait en selle.
Au village, le retour de l'adolescent ne passa pas inaperçu, mais tout le monde était trop occupé à se réjouir que le criminel ait été mis hors d'état de nuire pour se soucier de savoir où il avait été fourré ces derniers jours. Seuls ses parents l'interrogèrent.
Petit Chaperon Rouge ne put se résoudre à leur avouer la vérité – un jour, peut-être – alors il prétendit avoir eu besoin de s'isoler pour réfléchir à son avenir. Il était temps pour lui de voler de ses propres ailes.
Ses parents le réprimandèrent, mais à peine. Ils étaient trop soulagés qu'il soit sain et sauf. Dans un premier temps réticents à ce qu'il quitte la maison, ils durent convenir dans un second, qu'à dix huit ans, il était pour ainsi dire adulte.
Petit Chaperon Rouge repartit donc dans la forêt, aux côtés de Loup Noir.
Ensemble, ils vécurent de vivre de chasse, de pêche, de baies et bien sûr d'amour et d'eau fraîche.

                                                      FIN

lundi 21 août 2017

Remplacement Standard - 18

— Vous avez passé une bonne journée ? demanda Ethan.
— Bien remplie, répondit sobrement Jonas en s'asseyant.
Il enfourna une fourchetée, se rappela les règles élémentaires de la politesse et lui retourna la question.
— Oui, même si c'était épuisant. Le temps de prendre mes marques dans mon nouvel environnement. Mais dîtes m'en un peu plus sur ce que vous avez fait aujourd'hui.
Gwen n'aimait guère qu'il détaille sa journée, car elle ne comprenait rien aux "machins informatiques" de Jonas.
— Sans vouloir vous offenser, à moins que vous ne soyez calé en programmes, codes et langages, ça risque de vous passer au-dessus de la tête.
— Il y a des chances, mais ça m'intéresse quand même. C'est l'occasion d'effleurer un univers nouveau.
Jonas, entre deux bouchées, s'efforça d'exposer en termes clairs en quoi consistait son travail et Ethan, tout en rangeant le contenu du lave-vaisselle, demanda des précisions, preuve qu'il écoutait.
Jonas se laissa aller à entrer davantage dans les détails, puis s'interrompit.
— Désolé, je dois vous ennuyer.
— Mais non, pas du tout, même si j'avoue ne pas tout comprendre. Cela se voit que vous êtes passionné par ce que vous faîtes et c'est super.
Ethan lui aussi semblait aimer son métier. Il se débrouillait d'ailleurs fort bien aux fourneaux.
Jonas s'était régalé. Il le complimenta, ce qui lui valut un sourire qu'il lui rendit.
— Cela a été avec les enfants ?
— Très bien, même si je crois que Gilbert ne m'apprécie pas beaucoup.
— En ce moment, il en veut à la terre entière. L'adolescence est un âge difficile. Je me souviens avoir été assez insupportable en mon temps, pas vous ?
Ethan parut soudain triste. Il opina sans conviction et avança la main pour débarrasser son assiette.
Jonas le retint par le poignet.
— Non, c'est bon. Je peux au moins faire cela.
Même si Ethan était payé pour s'occuper d'eux, il n'y avait pas de raison qu'il s'appuie tout le boulot.
— …D'accord. Comme vous voulez, dit le nounou d'une petite voix.
Jonas le libéra et se chargea de la corvée tandis que Ethan dénouait le tablier et le rangeait derrière la porte de la cuisine.
Jonas avait apprécié leur conversation et d'avoir pu se mettre les pieds sous la table.
Gwen, à une époque, lui avait ainsi tenu compagnie quand il rentrait tard du boulot, mais ça faisait des années qu'elle ne se donnait plus cette peine. Jonas le comprenait. Mais quand même, cela avait été bien agréable de ne pas manger en solitaire un quelconque reste réchauffé à la va-vite..

vendredi 18 août 2017

Sondage

Une petite précision concernant le sondage : votre choix implique que la suite du Petit Chaperon Rouge ou le conte de Raiponce sera un bonus dans le livre "Si Cendrillon était un homme... et autres contes"  En d'autre termes, seul un ces deux récits sera mis en ligne sur le blog.

Remplacement standard - 17

                                                  *
Il était 21 heures et dire que Jonas avait prévu de rentrer tôt... Il avait honte de lui. C'était quand même le premier vrai jour avec le nounou et lui, que faisait-il ? Comme d'habitude, alors que ses enfants devaient être perturbés que ce ne soit pas leur mère qui s'occupe d'eux, mais un étranger. C'était plus fort que lui, quand il travaillait, était concentré sur la tâche en cours, il perdait toute notion du temps. Tous les efforts du monde n'y changeraient rien, c'était dans sa nature. D'ailleurs, Gwen, depuis le temps qu'ils étaient ensemble, aurait dû le comprendre. Pourtant, ces derniers mois, chaque fois qu'il était rentré tard, elle lui avait fait sentir sa réprobation, soit de façon verbale, soit en l'ignorant de façon ostensible. Au moins, ce soir, même si le nounou le cataloguait de père indigne en son for intérieur, il y couperait. Il regrettait toujours de ne pas être capable de quitter le bureau à une heure décente, mais ne parvenait pas à se corriger pour autant. Ce serait pareil au retour des vacances de Gwen.
Maussade, Jonas déverrouilla le portail, puis la porte de la maison.
L'entrée s'éclaira quand il entra. Ethan avait allumé pour lui du haut de l'escalier. Il portait par dessus son pull et son jeans le tablier blanc à volants que Jonas avait offert à Gwen bien des années plus tôt, avant la naissance de Gilbert. Il aurait voulu que Gwen l'accueille un soir nue sous le tablier, mais elle n'avait jamais accepté de réaliser ce fantasme, jugeant cela inconfortable. Le nounou, étonnamment, n'était pas ridicule avec. Jonas tenta de se le représenter vêtu uniquement du tablier, puis il chassa cette pensée incongrue et ôta ses chaussures et son manteau tandis qu'Ethan lui expliquait que Gui et Gaëlle étaient couchés et l'attendait et que Gilbert, dès la fin dîner, n'avait plus bougé de sa chambre. Jonas monta grimpa les marches quatre à quatre. Le nounou s'écarta largement pour le laisser passer.
Jonas donna un bisou à Gui, ainsi qu'à Gaëlle à qui il lut également une histoire, puis pénétra dans le domaine de son aîné.
— Tu pourrais frapper quand même ! râla Gilbert qui pianotait sur les touches de son mobile, vautré sur son lit.
— Pardonne-moi de vouloir savoir si cela a été pour toi au collège et d'avoir envie de te souhaiter bonne nuit.
Son fils grommela.
— N'éteins pas trop tard.
— Ouais, ouais, ça va. Avant 22 heures, c'est bon pour les bébés !
Ce n'était pas faux, mais si Jonas en croyait les yeux cernés de l'adolescent, il veillait bien plus tard que les 23 heures autorisés. Enfin, ce n'était pas bien méchant de transgresser ce genre de chose. Et Jonas était trop affamé pour continuer à discuter.
Il se rendit à la cuisine, espérant y trouver un truc à se mettre sous la dent. A sa grande surprise, Ethan l'y attendait de même qu'une assiette fumante de petits pois aux lardons. Avec Gwen,  quand il arrivait après la bataille, il devait fourrager dans le frigo.

jeudi 17 août 2017

Remplacement standard - 16

Coiffée et habillée, Gaëlle descendit avec lui dans la cuisine. Gui y était déjà et s'était même versé lui-même des céréales dans son bol.
Ethan avait installé la fillette et servi le café, quand Jonas entra, habillé en costume cravate bleu foncé. Il respirait l'élégance et la classe et Ethan se demanda comment il avait pu le trouver banal la veille.
— Merci, dit Jonas, en s'emparant de la tasse fumante. Gilbert traîne encore au lit ?
— Je vais le chercher, répondit Ethan.
Mieux valait qu'il ne reste pas là à dévorer Jonas des yeux. C'était le meilleur moyen de se trahir.
Il s'avéra que l'adolescent s'était tranquillement rendormi. C'était parti pour recommencer le cirque d'un peu plus tôt.
— Fais chier, ça va, j'ai le temps, marmonna Gilbert.
— Et ton petit déjeuner ?
— J'ai pas faim.
Ethan ne lui fit pas un couplet sur l'importance capitale de ce repas dans la journée. Il ne s'énerva pas non plus en exigeant qu'il lui parle sur un autre ton. Il se contenta de le regarder, bras croisés, puis s'en alla informer Jonas que Gilbert serait prêt à temps, mais se passerait de manger, faute d'appétit.
— C'est mauvais pour sa santé, objecta Jonas. Gwen se débrouille toujours pour qu'il prenne quelque chose.
Ethan avait l'habitude d'être comparé avec la personne qu'il remplaçait et détestait d'ailleurs cela. Même avec toutes les instructions du monde, il était lui et avait des façons de faire qui lui étaient propres. De surcroît, dans le cas présent, Gwen ne s'était pas fatiguée à lui donner le mode d'emploi détaillé de chacun avec par dessus le marché, ses méthodes pour régenter son petit monde. Ethan n'avait par conséquent d'autre choix que de suivre son instinct.
— Je vais lui empaqueter un dix heures, mais il me semble inutile de me battre avec lui.
— Je suppose que pour une fois, cela ne va pas le tuer, concéda Jonas.

Ethan fut encore obligé de cornaquer Gilbert à plusieurs reprises afin que l'adolescent soit prêt à partir avec son père.
Ensuite, il dut retrouver manteaux et chaussures de Gui et Gaëlle et les pressa de monter dans la voiture de leur mère qui lui en avait confié les papiers.
Il lui fallait toujours un peu de temps pour se familiariser avec un véhicule, ce qui les retarda. Arrivés aux abords l'école, dénicher une place pour se garer se révéla mission impossible, Ethan se refusant à se garer en double file comme d'autres et comme l'y incitait Gui.
Gwen le faisait parfois apparemment, mais Ethan jugeait cela dangereux.
A peine furent-ils devant les portes que la sonnerie retentit.
— Est-ce que maman t'a confié aussi des baisers du matin pour moi ?
Gaëlle était trop mignonne. Ethan s'agenouilla pour l'embrasser sur les deux joues, puis elle s'élança vers son frère qui se dirigeait déjà vers l'entrée.
Ethan soupira de soulagement en les voyant rentrer à l'intérieur du bâtiment. Il se sentait déjà épuisé. Hélas, il n'avait pas beaucoup de temps devant lui vu qu'ils n'étaient pas inscrits à la cantine. Les premiers matins étaient toujours difficiles. Il fallait qu'il termine de se familiariser avec la maison avant ce midi et réfléchisse aux repas. Il avait peut-être besoin de faire des courses et sans doute une machine à lancer…

mercredi 16 août 2017

Remplacement standard - 15

Avant d'entrer dans la douche, il explora le contenu des placards, listant mentalement savon, shampoings, pansements, désinfectants, pommades et médicaments et se servit dans la pile de serviettes propres.
    Il était en train de s'essuyer quand la porte de la salle de bains s'ouvrit sur Jonas, dans sa glorieuse nudité.
— Ah, pardon, s'excusa-t-il. Vous vous douchez aussi le matin ?
— C'est bon, j'ai presque terminé, dit Ethan d'une voix étranglée, en clignant des yeux pour arrêter de fixer le pénis surmonté de boucles noires et les testicules qui pendaient.
Il aurait peut-être mieux fait de se masturber pour relâcher la pression. L'absence de verrou l'en avait toutefois dissuadé et quand il songeait qu'il aurait pu se faire surprendre, c'était aussi bien. Toujours est-il qu'il n'avait plus qu'à penser à des choses horribles pour éviter que son sexe ne s'érige sous le regard pourtant indifférent de Jonas.
Ce dernier, sans gêne, passa à côté de lui et s'engouffra dans la cabine. L'eau se mit aussitôt à ruisseler.
Ethan acheva de se sécher en quatrième vitesse, s'habilla comme s'il avait le feu aux trousses et déserta les lieux.
Il fallait qu'il aille réveiller les enfants, qu'il prépare le petit déjeuner, qu'il se calme.
Ethan se tapa les deux joues, sortit bols et tasses dans la cuisine, et monta.
Il dut secouer Gilbert qui dormait à poings fermés et évidemment, l'adolescent n'apprécia guère. Il l'envoya paître, mais Ethan ne broncha pas. Il en avait croisé des rebelles, des canailles et des pestes dans sa carrière de remplaçant.  Question de caractère, fruit d'une mauvaise éducation, ou problème plus profond, les possibilités étaient multiples. Il découvrirait peut-être ou peut-être pas ce qu'il en était pour Gilbert…
Gui, encore ensommeillé, grommela, mais se leva.
Quant à Gaëlle, quand il alla la chercher, elle était toujours en chemise de nuit, mais déjà debout.
— Tu as besoin d'aide pour te vêtir ou te coiffer ?
— Je sais m'habiller toute seule, si on m'a sorti ce que je dois mettre. Tu es capable de me faire un chignon ?
Ethan était devenu bon en coiffure à force de brosser et peigner des dizaines d'enfants.
Il opina et Gaëlle battit des mains.
Autant s'occuper des deux petits s'annonçait une partie de plaisir ou presque, autant Gilbert promettait d'être dur à gérer. Le pire serait toutefois leur père bien trop à l'aise avec sa nudité. Il ne réalisait pas l'effet qu'il produisait sur Ethan et devait d'ailleurs à tout prix continuer à l'ignorer.

mardi 15 août 2017

Remplacement standard - 14

*
Ethan était incapable de lire ne serait-ce qu'une ligne. Il n'était que trop conscient de l'homme nu qui était allongé à ses côtés. Jonas n'avait aucune pudeur. Ethan ne savait s'il devait maudire point ou s'en réjouir. En tout les cas, cela le plongeait dans l'embarras, car cela l'excitait alors qu'il n'avait pas le droit de l'être. Si Jonas se rendait compte que le remplaçant de sa femme était gay, il se fâcherait à coup sûr, peut-être même le frapperait-il avant de le chasser et Ethan serait dans les ennuis jusqu'au cou avec son employeur. Il ne pouvait s'ôter de la tête le moment où il l'avait vu en tenue d'Adam. Jonas n'était ni baraqué ni très musclé, mais il n'était pas malingre non plus, il était tout en longueur et finesse, poilu, mais sans excès.
Il fit défiler la page du roman de science-fiction qu'il avait entamé quelques jours auparavant, puis revint en arrière. Les mots devant ses yeux n'avaient aucun sens. Pourquoi fallait-il qu'un gars aussi banal que Jonas le mette dans tous ses états ? Il n'avait pas fantasmé autant sur le jeune et séduisant époux d'une autre cliente. En même temps, il ne l'avait jamais vu qu'habillé de pied en cap.
Il s'efforça de se concentrer sur l'histoire et d'occulter la présence de l'homme à sa droite. Il finit par renoncer et éteignit sa lampe.
— Est-ce que la lumière vous gêne pour dormir ? s'enquit aussitôt Jonas.
— Un peu, avoua Ethan. Mais surtout, ne changez pas vos habitudes pour moi.
Jonas bailla.
— Cela pose aussi problème à Gwen et de toute façon, je suis fatigué. Bonne nuit.
Ils se retrouvèrent dans le noir. Il semblait à Ethan qu'il sentait la chaleur dégagée par le corps de Jonas, tout près. Il était regrettable que le lit ne soit pas plus large.
Allons, il n'était tout de même pas en manque au point de faire des avances à un homme marié et hétérosexuel.
Trop excité pour avoir sommeil il écouta longtemps la respiration régulière de l'homme dont il partageait le lit. Le comptage de moutons finit heureusement par fonctionner.
   
    Quand il émergea, il réalisa qu'il était dans les bras de Jonas. Il devait l'avoir confondu avec sa femme, car il était toujours profondément endormi. Le réveil affichait six heures trente-six. Ethan était en érection. C'était naturel le matin, mais être ainsi enlacé n'arrangeait rien, bien au contraire. Le cœur battant, il se dégagea en douceur et se leva. Une bonne douche froide lui remettrait les idées en place.
Dans le noir, en faisant le moins de bruit possible, il se débrouilla pour récupérer des vêtements propres dans sa valise, puis sortit de la pièce en prenant garde à ne pas faire claquer la porte, puis descendit à la salle d'eau.

lundi 14 août 2017

Remplacement standard - 13

La partie se passa bien, même s'il dut reprendre Ethan qui avait tendance à se montrer souple avec les règles afin de complaire aux enfants qui étaient tristes quand la chance n'était pas en leur faveur.
Jonas les laissa ensuite pour bouquiner. Il avait plusieurs ouvrages sur le feu. Le soir arriva vite.
Jonas envoya les deux petits au bain tandis qu'Ethan se mettait devant les fourneaux. Après quoi, il fut l'heure de coucher les enfants. Gilbert râla qu'il n'avait plus besoin qu'on l'envoie au lit comme un gosse, Gui, fatigué ne se fit pas prier pour s'installer dans le sien. Gaëlle, elle, pleura parce que sa mère n'était pas là pour l'embrasser avant qu'elle ne s'endorme.
Ethan qui était resté sur le pallier, entra.
— Ta maman m'a confié plein de bisous pour toi, dit-il.
— Vraiment ? souffla Gaëlle.
Ethan opina et en planta un sur chacune des joues striées de larmes de la fillette.
Le nounou était doué dans sa partie, pas de doute.
Jonas et Ethan se retrouvèrent en tête-à-tête. Il y eut un moment de flottement. Jonas avait bien entendu changé le drap, la housse de couette et les taies d'oreillers, mais cela ne changeait rien au fait que c'était bizarre de partager sa chambre avec un inconnu en lieu et place de sa femme. En même temps, avec le carrelage partout, et la surface au sol limité dans le salon, il n'y avait pas vraiment d'autre option.
— A notre tour de nous mettre au lit, déclara Jonas. A moins que vous ne souhaitiez aller regarder la télé au salon.
— Non, le réveil sonnant tôt demain, je vais juste lire un peu avant d'éteindre.
— C'est sûr que c'est plus raisonnable.
Il ouvrit la porte de la chambre, faillit l'inviter à entrer en premier, réalisa que c'était ridicule et s'engouffra dedans.
Sans plus réfléchir, il se déshabilla et se glissa nu entre les draps. Il lui était impossible de dormir autrement que dans le plus simple appareil.
Ethan fouilla dans sa valise, en sortit un pyjama bleu clair ainsi qu'une liseuse, puis à moitié caché derrière le lit, se dévêtit en un tour de main, avant de s'installer sur le matelas, au bord du lit. Il était apparemment mal à l'aise avec la situation, davantage que Jonas.
— Vous avez le droit à une chambre d'ami en temps habituel ?
— Parfois, mais le plus souvent, je dors sur le canapé.
— Vous n'avez pas mal au dos à force ?
— Cela arrive.
— Allez, je vous laisse lire tranquille, dit Jonas, prenant lui-même un livre.

vendredi 11 août 2017

Remplacement standard - 12

Ils étaient à peine dans l'escalier que Jonas s'enquérait de la manière dont ils allaient se répartir les tâches.
— Je remplace votre épouse. Je me charge donc de sa part. Je ferai les repas, les lessives, les courses, le ménage. J’emmènerai et irai chercher Gaëlle et Gui à l'école primaire midi et soir. Et vous, comme d'habitude, vous conduirez Gilbert au collège dont il se débrouille pour rentrer seul. Vous ferez aussi le chauffeur pour les activités extrascolaires des enfants et bien sûr, vous sortirez les poubelles.
C'était déstabilisant qu'il en sache autant sur le fonctionnement de leur famille.
— Ne vous en faîtes pas, tout va bien se passer, ajouta Ethan.
— Vous ne voulez pas que je vous donne un coup de main quand même pour votre premier jour ?
— Volontiers. J'ai vu qu'il y avait des pommes de terre dans un saladier sur le plan de travail et des biftecks dans le congélateur. Pour le dessert, je pourrais confectionner un gâteau à la farine de châtaigne. Est-ce que cela vous convient ? Il faudrait que vous m'en disiez plus sur vos goûts et ceux de vos enfants et aussi sur  d'éventuelles allergies, outre le gluten.
— Ah, vous ne savez pas tout quand même !
Ethan se rembrunit. Jonas s'en voulut de son indélicatesse. Il avait simplement été soulagé que le nounou ne les connaisse pas sur le bout des doigts alors qu'eux avaient affaire à un complet étranger.
— J'aurais tôt fait de réparer cela.
Jonas, tout en épluchant les pommes de terre, tâcha de l'éclairer sur leurs habitudes alimentaires. La curiosité le poussa ensuite à interroger son interlocuteur sur ce qu'il aimait.
Son intérêt parut surprendre Ethan, mais il répondit volontiers qu'il adorait le pain et le chocolat.
— Ce n'est pas trop facile de s'adapter à chaque famille ?
— Eh bien, c'est sûr que ce n'est pas de tout repose d'apprendre tout un tas de choses et de les oublier ensuite pour vous faire la place à d'autres informations sur d'autres gens, mais c'est enrichissant.

    Après le déjeuner qui fut une réussite, Gaëlle étant ravie de pouvoir manger le même dessert que tout le monde au lieu d'en avoir un spécial, Ethan proposa de faire un jeu de société. Gilbert refusa net. Jonas, tenté de passer son tour et de s'occuper de ses petites affaires, se rappela des reproches de Gwen quant à son manque de disponibilité et accepta.
— Tu es sûr que tu ne veux pas participer, Gilbert ?
— En quelle langue, faut-il dire non ? rétorqua son aîné en s'éloignant.
Jonas faillit lui dire deux mots sur ses manières, mais renonça, craignant qu'il ne se braque davantage.
— Tant pis pour lui, déclara Gui en tirant la langue au dos de son frère.
— Et pour nous, car plus on est de fous, plus on rit, dit Ethan d'une voix douce.
Jonas se sentit apaisé à ses mots et conforté dans son choix de rester.

jeudi 10 août 2017

Remplacement standard - 11

— Tout va bien ?
— Ouais, ça baigne.
— Tu avais raison. J'avais un message de ta mère.
— Vous allez divorcer ?
La question prit Jonas au dépourvu. Il n'y avait pas songé, mais peut-être que Gwen l'avait envisagé et qu'elle allait y réfléchir durant les deux prochaines semaines.
— Ce n'est pas à l'ordre du jour. Ta mère avait juste envie de vacances.
— Bah, comme ça, cela nous en fera à nous aussi, rétorqua Gilbert avec une indifférence que Jonas supposa de façade.
— Ne dis pas cela. Elle va nous manquer. Et on va galérer.
— Mouais… Je n'ai pas besoin d'une nounou. On doit vraiment se farcir ce clown ?
Gilbert était vraiment dans sa phase rebelle. Jonas ne releva pas cette fois. Cela lui passerait en grandissant.
— Il a l'air gentil, objecta-t-il.
C'est en disant qu'il réalisa qu'il le pensait vraiment. Un autre se serait braqué face à l'accueil glacial de Jonas, mais Ethan ne s'en était pas formalisé.
Jonas attendit un peu, mains dans les poches, puis constatant que Gilbert ne souciait plus de lui, il le laissa à son jeu et gagna sa chambre où il cogita un moment sur le comportement de Gwen, puis le sien. Son esprit dériva ensuite sur son travail et il se rendit compte qu'il avait écrit des lignes de code foireuses la veille au soir.
Il décida de les corriger, bien qu'on soit dimanche, autrement il craignait que cela ne lui trotte dans la tête jusqu'au lendemain.
Cela lui prit plus de temps que prévu et quand il émergea, il constata qu'il était déjà onze heures bien tassées.
Il se rendit à la chambre de Gui. Ce dernier était désormais seul et lisait.
— Où est Ethan ?
— Avec Gaëlle.
Jonas en éprouva une inquiétude aussi soudaine que ridicule. Il avait bien lu sur le site de la société de remplacement que tous les employés avait un casier judiciaire vierge et il n'avait aucune raison qu'Ethan ne soit un dangereux pervers. Mais qui pouvait savoir ce qui se cachait derrière un visage sympathique ?
Il ouvra la porte de la pièce de Gaëlle à la volée et croisa aussitôt le regard empli de culpabilité d'Ethan, non pas parce qu'il molestait la fillette, mais parce qu'il faisait virevolter un Ken et une Barbie en fredonnant un air de valse.
Gaëlle, à la joie de son cœur, faisait tournoyer un autre couple.
— Papa, on a des chutes de tissus ? Ethan veut bien coudre des robes à mes poupées !
Jonas n'en savait rien. C'était du ressort de Gwen ce genre de truc.
— On peut toujours acheter le nécessaire.
Il était reconnaissant à Ethan d'avoir chassé la peine de sa fille, mais agacé qu'il propose des choses nécessitant du matériel. Il l'aurait bien pris à part pour discuter, mais il savait que Gaëlle ne lui pardonnerait pas s'il lui piquait son partenaire de jeu.
Il n'eut fort heureusement pas à jouer le mauvais rôle. Ethan l'endossa pour lui.
— Il va falloir que je te laisse pour préparer le repas. L'heure tourne.
— Oh, non ! s'écria Gaëlle.
— Je crois que ton papa aimerait bien profiter de ma compagnie aussi.
Jonas n'aurait certes pas formulé les choses ainsi. Il était d'ailleurs surpris que le nounou compte cuisiner.
Avec réticence, la fillette accepta qu'Ethan quitte le bal.

mercredi 9 août 2017

Remplacement standard - 10

Cependant, il n'aurait pas dû autant se décharger sur elle, les week-ends compris. Il est vrai qu'elle s'était plainte et qu'il n'avait pas voulu comprendre. Elle avait eu raison de s'octroyer des vacances, mais tort de disparaître de cette façon. C'était injuste pour les enfants. Elle ne pouvait sincèrement croire qu'elle était remplaçable par le premier type venu. Elle cherchait plutôt à leur montrer à quel point elle leur était indispensable.
Elle exagérait quand même en faisant comme s'il lui laissait tout gérer. Chaque fois qu'elle lui avait demandé, il s'était occupé des enfants, les emmenant au square, au parc d'attractions, dans les boutiques. Cela lui arrivait même de façon spontanée. Par ailleurs, il participait aux corvées de la maison dans une moindre mesure : il récurait tous les plats ne passant pas au lave-vaisselle, sortait les poubelles dans la rue, tondait la pelouse, emmenait Gaëlle à son cours de danse et Gui au judo...
Jonas hésita, puis tapa un bref message : "Bonne vacances. Nous aurons une longue discussion à ton retour."
Il reposa le téléphone sur la commode, passa les mains sur ses joues, réalisa qu'il ne s'était ni rasé ni douché et descendit à la salle de bain carrelée de vert.
Il en ressortit propre et de meilleure humeur. Il commençait à digérer.
Il monta vérifier que tout se passait bien pour Gui avec le nounou et les trouva en pleine partie, assis au bureau.
— Tu vas me ruiner ! s'écria Ethan tandis que son fils s'esclaffait.
Sa présence n'était pas nécessaire : Gui avait adopté d'emblée le nouveau venu qui apparemment jouait de bon cœur.
Gui ne serait pas content s'il lui piquait son partenaire de jeu pour parler organisation… Son fils, absorbé par le jeu, ne le remarqua même pas, mais le nounou lui adressa un discret sourire avant qu'il ne referme la porte.
Jonas alla pousser celle de Gaëlle. La fillette était perchée sur son lit, en train d'habiller une poupée.
— Pourquoi elle est partie maman ? Elle en avait assez de nous ?
Jonas la rejoignit et lui ébouriffa les cheveux.
— Elle avait seulement besoin de changer d'air. Elle sera vite de retour, ma princesse, assura-t-il avant de poser un baiser sur le sommet de son crâne.
— Pourquoi elle nous a rien dit ?
Ce point contrariait également toujours Jonas.
— Elle devait craindre qu'on l'en empêche.
— Pourquoi ?
— Parce que… soupira Jonas.
Il ne s'attarda pas et partit voir Gilbert qui avait abandonné la DS pour un jeu sur son téléphone.

mardi 8 août 2017

Remplacement standard - 9

*
Jonas se retrouva seul comme un idiot. Le nounou n'avait même pas ouvert sa valise. Il haussa les épaules - après tout, personne ne l'avait forcé à partir jouer – et consulta ses mails sur son téléphone. Gwen lui en avait bien envoyé un ce matin, il y a peine une demi-heure.

Hello !

Tu as dû découvrir que j'étais partie et faire connaissance avec mon remplaçant.
Je parie que tu m'en veux, mais je n'en pouvais plus. Depuis plusieurs années, seule ta carrière a de l'importance et tu ne passes jamais de temps avec moi ou les enfants.
Tu ne te rends compte pas du travail que c'est de faire le ménage, les courses, les repas tout en s'occupant des gosses en permanence, sans jamais pouvoir souffler, sans même recevoir un salaire pour sa peine.
J'ai essayé de t'en parler à plusieurs reprises, mais j'aurais tout aussi bien pu m'adresser à un mur, alors j'ai décidé de prendre des vacances.
Au début, je pensais te laisser te débrouiller seul avec les enfants, mais quand j'ai imaginé l'état dans lequel serait la maison à mon retour, je me suis dit qu'il valait mieux que tu aies de l'aide. J'ai découvert cette formidable société de remplacement et tout mis en place.
S'il-te-plaît, ne cherche pas à me contacter. Je ne consulterai de toute façon ni mon portable ni ma messagerie, je vais passer les quinze prochains jours à me consacrer uniquement à moi-même. J'en ai besoin, je le mérite.
Bisous aux enfants.

Gwen

Jonas relut le message et fit son examen de conscience. Il ne pouvait pas nier avoir négligé son épouse. La période restaurant, cinéma, fleurs et bijoux était finie depuis longtemps. D'ailleurs, Gwen n'aimait guère les bouquets et les pierres précieuses, elle considérait que c'était de l'argent jeté par les fenêtres, mais elle appréciait les bons repas et les vins de qualité. Seulement les sorties étaient toute une organisation avec les enfants.
Il était exact qu'il s'était beaucoup reposé sur elle pour Gilbert, Gui et Gaëlle parce qu'il considérait que c'était son job. C'était elle qui avait voulu s'arrêter pour prendre soin de Gilbert quand il était né parce qu'elle ne s'épanouissait pas en tant que secrétaire médiale…

lundi 7 août 2017

Remplacement standard - 8

— Je peux dormir par terre, dit Ethan. Ou dans le canapé, ajouta-t-il.
— Il est trop petit et celui qui a fabriqué cette maison était un fanatique de carrelage. Il y en a partout.
Ethan baissa les yeux et constata la véracité de l'information en grimaçant.
— Nous avons un matelas d'appoint, et en effet pour une nuit ou deux, ce ne serait pas très grave, mais pour quinze… Ce serait froid et inconfortable et je me sentirais coupable, poursuivit Jonas.
Il n'était pas question pour Ethan de révéler qu'il était gay, sa sexualité ne regardant que lui, mais il était gêné à la perspective de voir son interlocuteur encore moins habillé qu'à présent. S'il avait une érection à ce spectacle, ce serait dur à justifier.
— Cela ne vous dérange pas de dormir avec un inconnu ? argua-t-il.
— Pour être franc, votre simple présence sous mon toit me pose problème, mais je suis obligé de faire avec. Si vous aviez été une femme, j'aurais été obligé de vous céder le lit, mais puisque nous sommes entre hommes, même étrangers, nous pouvons nous en accommoder, non ?
Évidemment, présenté comme cela, Ethan pouvait difficilement refuser.
— Vous avez raison.
— Je ne sais pas s'il y a de la place dans l'armoire… commença Jonas, traversant la pièce pour aller vérifier.
— Ne vous tracassez pas, je vais glisser ma valise sous le lit, cela ira très bien, assura Ethan.
— Vous faîtes ce job de remplaçant depuis combien de temps ?
Ethan compta dans sa tête.
— Sept ans.
Jonas siffla entre ses dents.
— Et qu'est-ce qui vous y a conduit ?
— J'aime les arts ménagers et les enfants.
C'était aussi un moyen d'avoir une famille, pour lui qui avait été rejeté par ses propres parents et qui ne pouvait en fonder une facilement.
— Les arts ménagers, hein...
Son interlocuteur sourit pour la première fois depuis qu'il lui avait ouvert la porte. Le cœur de Ethan rata un battement. Jonas avait décidément quelque chose d'irrésistible.
Gui débarqua à ce moment-là, un Monopoly dans les bras.
— Qui veut jouer avec moi ? Gilbert a piqué la DS et Gaëlle préfère ses stupides poupées.
— Désolé, je l'aide à s'installer et ensuite j'ai des choses à faire, déclara Jonas.
Ethan, même s'il aurait bien achevé de visiter la maison pour être familier avec les lieux, répondit par la positive à la demande du garçon qui l'entraîna aussitôt dans sa chambre.

vendredi 4 août 2017

Remplacement standard - 7

— Il va falloir qu'on s'organise pour les deux semaines à venir, continua Jonas. Je vais sûrement devoir prendre mon lundi. Non, parce qu'à l'école, ils ne vont pas vous confier Gaëlle et Gui comme ça…
— Votre épouse m'a présenté à l'épique pédagogique vendredi matin, après que les enfants soient entrés dans la cour.
— Je vois, lâcha Jonas, la main crispée sur sa tasse à café, les narines de son nez frémissantes.
Il était furieux que l'école ait été mis au courant et pas lui, et s'il n'éclatait pas, c'était sûrement pour éviter de perturber davantage les enfants qui l'étaient déjà assez comme ça.
Si leur mère avait préparé sa famille comme elle aurait dû, l'ambiance aurait été pu être excellente au lieu de ce malaise.
Les enfants eurent tôt fait d'engloutir leur petit déjeuner. Gilbert s'éclipsa aussi sec, non sans avoir mis son bol au lave-vaisselle. Gui fila ensuite. Seule Gaëlle resta.
— Papa, je m'habille comment ?
— Allez-y, je vais débarrasser, déclara Ethan.
Jonas acquiesça.
Ethan, dès qu'il eut fini de ranger ce qui traînait, examina la cuisine, en procédant de manière systématique. Il était essentiel qu'il sache où les choses se trouvaient et les provisions alimentaires en réserve. Il ne s'agissait pas d'indiscrétion : il en avait besoin pour effectuer correctement son travail.
Il n'était pas loin d'avoir fini son inspection quand Jonas revint.
Il lui décocha un regard noir, mécontent à ne pas en douter de le retrouver à fouiller les tiroirs.
Ethan s'empressa de justifier sa démarche, arrachant un soupir à son interlocuteur.
— Suivez-moi avec vos affaires.
Ethan ne discuta pas et récupéra sa valise dans l'entrée avant de monter derrière Jonas dont le pantalon moulait les fesses d'une façon tout à fait distrayante.
Le palier de l'escalier débouchait sur cinq portes. Sur trois d'entre elles étaient cloutés des lettres avec de drôles de bonhommes - le nom de chaque enfant - et sur une était accrochée le panneau WC.
Jonas poussa celle vierge de toute inscription, dévoilant une pièce avec un lit double possédant des tablettes de chevet intégrées en face duquel se dressait une vaste armoire. C'était la chambre qu'il devait partager avec sa femme et aussi incroyable que cela puisse paraître à Ethan, Jonas comptait à priori l'installer là, avec lui.

jeudi 3 août 2017

Remplacement standard - 6

A peine eût-il posé les croissants et pains au chocolat sur la table que les garçons s'en emparèrent. Gaëlle leur jeta un regard plein d'envie qui culpabilisa Ethan. Jonas cependant eût tôt fait de donner à la petite une tranche de pain avec de la confiture dessus.
— Puis-je vous aider ? proposa Ethan en le voyant ensuite fourrager dans les placards.
— Non, c'est bon. Vous ne connaissez pas l'emplacement des choses.
— C'est l'occasion d'apprendre, répondit Ethan avec douceur, sans se laisser démonter par le ton froid de Jonas.
Il avait l'habitude de prendre vite ses marques dans les maisons et appartements inconnus. Il était aussi un expert pour désamorcer les tensions qu'entraînaient l'intrusion d'un étranger dans le cercle familial. Il était cependant face à un adversaire coriace et hostile. Tout ça parce que la cliente n'avait pas mis au courant son mari…
Il vint se placer derrière lui afin d'avoir un aperçu du contenu des placards ouverts et le parfum citronné de Jonas lui chatouilla aussitôt les narines. Rêvasser sur les hommes casés et hétérosexuels était vraiment vain. Cependant, plutôt que de se morigéner, Ethan se rassura : il ne faisait de mal à personne et il saurait se tenir.
Jonas pivota brusquement.
— Puisque vous tenez à vous rendre utile... grommela-t-il en lui tendant une pile précaire de bols et tasses empilés.
Leurs mains se touchèrent brièvement quand Ethan la récupéra et il se mordit la lèvre. Ce contact anodin l'avait électrisé. Il était attiré par cet homme sans bien savoir pour quoi vu comment il était mal embouché. Il avait toutefois intérêt à ne surtout rien en laisser transparaître. Si Jonas se plaignait de lui à la société, il risquait de se retrouver au chômage. Les garçons jusque là silencieux, car occupés à manger, commencèrent à se chamailler : il s'agissait de savoir qui aurait le dernier croissant.
— Calmez-vous, bon sang ! s'écria Jonas en pure perte, tout en préparant du café.
— Prenez une moitié chacun, suggéra Ethan, coupant court à la dispute.
— Une autre tartine, papa, s'il-te-plaît, réclama Gaëlle.
— Attends, ma princesse. Je suis en train de faire chauffer du lait pour vous.
Ethan qui avait noté où était rangé le sac à pain destiné à la fillette et la place de la confiture dans le frigo, se chargea de la tâche, ce qui lui valut un grand sourire de Gaëlle.
Jonas le remercia du bout des lèvres et versa le café, puis le lait.
— Je vous ai préparé une tasse sans même vous demander si vous en buviez, grommela-t-il ensuite. Vous voulez un sucre ?
— Non, je le bois noir.
— Moi aussi.
Ethan inspira à fond, ravalant la colère qui montait en lui. L'épouse de Jonas avait écrit que ce dernier le prenait avec deux sucres. Apparemment, plutôt que de souhaiter que la personne qui allait la remplacer prenne soin de son mari, elle avait voulu lui pourrir la vie. En gros, mieux valait ne pas tenir compte de ce qu'elle avait écrit sur les préférences de son époux. Ethan s'était enquiquiné à apprendre des choses qui ne lui serait d'aucune utilité.

mercredi 2 août 2017

Remplacement standard - 5

Enfin, ce n'était pas le job d'Ethan de juger ses clients, pas plus la personne qu'il remplaçait que ceux dont il allait s'occuper. Son temps parmi eux serait limité. Trop s'impliquer entraînait d'inutiles complications, sans compter la tristesse au moment du départ. Il le savait par expérience.
Ethan se désintéressa du père comme des enfants qui semblaient fascinés par les blablas de la société qui l'employait et contempla le salon.
Il était fort petit et bourré à craquer avec son canapé deux places, ses deux fauteuils en tissu bleu, son pouf poire noir, sa table basse rectangulaire au plateau de verre, et ses étagères pleines de livres et d'objets qui masquaient les murs.
Au sol, comme dans l'entrée, c'était du carrelage imitant du marbre, ce qui faciliterait le nettoyage. Il y avait toutefois un tapis à franges aux formes géométriques colorés qui avait tout d'un nid à poussière.
— Pa', pourquoi tu ne consultes pas tes mails ? Maman t'en a peut-être envoyé un, suggéra Gilbert.
— Oui, plus tard…
Il ne le précisa pas, mais Ethan l'entendit presque dire : « quand vous ne serez pas tous à regarder par dessus mon épaule. »
— Papa, j'ai faim, déclara soudain Gaëlle.
— J'ai apporté des croissants et des pains au chocolat pour le petit déjeuner, intervint Ethan.
— Chic ! s'écria Gui.
Même Gilbert qui jusque là avait affiché une mine renfrognée et boudeuse eut un sourire. Rien de tel que la nourriture pour amadouer les gens…
— Gaëlle est allergique au gluten, rétorqua Jonas, glacial.
Lui, il faudrait plus que des viennoiseries pour rentrer dans ses petits papiers.
— Je connais des recettes adaptés, assura Ethan, tout en maudissant en silence sa cliente qui aurait dû indiquer cela dans le formulaire correspondant.
Il n'aurait pas dû être surpris pourtant. Il avait bien vu qu'elle avait rempli toutes les informations à la va vite, pressée de s'en débarrasser. Mais quand même, elle aurait pu prendre la peine de le signaler.
— Super, mais c'est trop tard pour ce matin. Mais allons petit déjeuner. On s'occupera de vous installer après.
Son sort avait été statué. Qu'il soit renvoyé eut été surprenant en même temps.
Ils retraversèrent l'entrée pour rejoindre la cuisine qui était blanche avec des placards en bois contreplaqué. La table ronde recouverte d'un linoleum à carreaux occupait la majeure partie de la pièce. Ethan qui avait abandonné ses chaussures, son blouson et sa valise dans l'entrée, mais avait gardé son sac à dos en sortit les sachets de la boulangerie.

mardi 1 août 2017

Remplacement standard - 4

 *
Ethan offrit de taper l'adresse du site de société et le père de famille s'écarta légèrement pour qu'il puisse se servir du clavier de l'ordinateur portable.
Ethan l'effleura involontairement ce faisant et en éprouva un embarras stupide alors qu'il n'était même pas spécialement son genre. Il faisait exactement la même taille que lui, soit pas tout à fait 1m80, n'était pas baraqué et avait des traits banals. Il avait par contre des beaux cheveux noirs coupés courts et surtout, il sentait bon le citron. Enfin, il aurait fallu qu'Ethan ne soit pas gay pour demeurer tout à fait de marbre face à un homme dont la chemise ouverte dévoilait son torse. Ses tétons étaient sombres et la ligne de poils qui descendait jusqu'à son nombril avant de disparaître dans son pantalon inspirait à Ethan des pensées tout à fait inappropriées.
Il avait pourtant côtoyé bon nombre de pères de famille sans être émoustillé le moins du monde.  Aucune de ses collègues n'était malade ou n'avait eu d'accident en réalité, c'était juste un problème d'effectif : il y avait plus de remplacement de mères que de pères à effectuer, résultat, c'est Ethan qui était envoyé quand il n'y avait plus que lui, plutôt que de perdre un client.
L'un d'eux lui avait même fait des avances qu'il avait repoussé. Certaines femmes aussi avaient tenté leur chance. Ethan les avait éconduites tout pareil. Mariés ou pas, certains avaient un problème avec la fidélité. C'était d'ailleurs parce qu'il avait découvert qu'il le trompait qu'Ethan avait rompu avec son précédent copain. Cela faisait à présent trois ans qu'il était célibataire. Ce travail de remplaçant n'aidait pas à avoir une vie amoureuse. Chaque mission durait entre huit et quinze jours et c'était alors du 24 heures sur 24 sans interruption. Le rattrapage de jours de congé qui suivait n'était pas du luxe et puis après, il y avait la période de préparation à un nouveau remplacement. Bref, c'était son abstinence prolongée qui devait être la cause de sa trop grande sensibilité à la tenue débraillée de cet homme marié et père de trois enfants.
Ethan les observa. Grâce au dossier que devait remplir tout demandeur de remplacement, ils connaissaient leurs noms, leurs dates d'anniversaire et même quelques uns de leurs goûts. La petite Gaëlle s'était blottie sur les genoux de son papa. Gui, le cadet, se tenait debout, mais tout contre le bras de son père. Quant à, Gilbert, il se tenait la tête à deux mains, les coudes enfoncés sur le dossier du fauteuil dans lequel s'était assis Jonas.
Ils leur ressemblaient, les cheveux bruns sans être aussi foncés que ceux de leur géniteur, les yeux marrons. Ils avaient aussi le même front. Pour la forme de leur visage, ils tenaient plus de leur mère qu'Ethan avait rencontré une fois dans le cadre de la préparation de sa mission.
C'était de mauvais augure que cette dernière ne les ait pas informés du remplacement.
D'ailleurs, même si elle avait voulu se venger ainsi de quelque manquement de son mari, elle aurait mieux fait de mettre au courant ses enfants, au moins son aîné.